Elche Club de Futbol v Commission (Order) French Text [2018] EUECJ T-901/16_CO (15 May 2018)


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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions)


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URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2018/T90116_CO.html
Cite as: ECLI:EU:T:2018:268, EU:T:2018:268, [2018] EUECJ T-901/16_CO

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DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU PRÉSIDENT DU TRIBUNAL

15 mai 2018 (*)

« Référé – Aides d’État – Aides octroyées par l’Espagne en faveur de certains clubs de football professionnels – Garantie publique accordée par une entité publique – Décision déclarant les aides incompatibles avec le marché intérieur – Demande de sursis à exécution – Fumus boni juris – Urgence – Mise en balance des intérêts »

Dans l’affaire T‑901/16 R,

Elche Club de Fútbol, SAD, établie à Elche (Espagne), représentée par Mes M. Segura Catalán et M. Clayton, avocats,

partie requérante,

soutenue par

Royaume d’Espagne, représenté par Mme A. Gavela Llopis, en qualité d’agent,

partie intervenante,

contre

Commission européenne, représentée par MM. B. Stromsky, G. Luengo et Mme P. Němečková, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur les articles 278 et 279 TFUE et tendant au sursis à l’exécution de la décision (UE) 2017/365 de la Commission, du 4 juillet 2016, relative à l’aide d’État SA.36387 (2013/C) (ex 2013/NN) (ex 2013/CP) accordée par l’Espagne au Valencia Club de Fútbol, SAD, au Hércules Club de Fútbol, SAD et au Elche Club de Fútbol (JO 2017, L 55, p. 12),

LE PRÉSIDENT DU TRIBUNAL

rend la présente

Ordonnance

 Antécédents du litige, procédure et conclusions des parties

1        Le requérant, Elche Club de Fútbol, SAD, est un club de football.

 Décision attaquée

2        Le 4 juillet 2016, la Commission européenne a adopté sa décision (UE) 2017/365 relative à l’aide d’État SA.36387 (2013/C) (ex 2013/NN) (ex 2013/CP) accordée par l’Espagne au Valencia Club de Fútbol, SAD, au Hércules Club de Fútbol, SAD et au requérant (JO 2017, L 55, p. 12 ; ci-après la « décision attaquée »).

3        À l’article 1er de la décision attaquée, il est constaté que la garantie publique accordée par l’Instituto Valenciano de Finanzas (institut valencien des finances, Espagne, ci-après l’« IVF »), l’établissement financier de la Generalitat Valenciana (Généralité valencienne) le 17 février 2011 pour couvrir deux prêts bancaires octroyés à la Fundación Elche Club de Fútbol (ci-après la « Fundación Elche ») aux fins de la souscription d’actions du requérant, dans le cadre de l’opération d’augmentation du capital de ce dernier, constitue une aide d’État d’un montant de 3 688 000 euros (mesure 3) incompatible avec le marché intérieur dans la mesure où elle aurait été octroyée par le Royaume d’Espagne en violation de l’article 108, paragraphe 3, TFUE.

4        Conformément à l’article 2 de la décision attaquée, le Royaume d’Espagne récupère les aides d’État incompatibles visées à l’article 1er de cette même décision auprès du requérant dans les cas de la mesure 3, y compris des intérêts à compter de la date à laquelle l’aide a été mise à la disposition du requérant.

5        Conformément à l’article 3 de la décision attaquée, la récupération de l’aide « est immédiate et effective » et le Royaume d’Espagne doit veiller à ce que la décision attaquée soit appliquée dans un délai de quatre mois à compter de la date de sa notification.

6        Conformément à l’article 4 de la décision attaquée, le Royaume d’Espagne doit communiquer à la Commission des informations relatives à la mise en œuvre de la décision attaquée.

7        Le 6 juillet 2016, la décision attaquée a été notifiée au Royaume d’Espagne.

8        Le considérant 20 de la décision attaquée caractérise ainsi le requérant :

« Le [requérant] est un club de football professionnel dont le siège est situé à Elche, dans la communauté d’Alicante (communauté de Valence). Le club a été créé en 1923 et évolue actuellement en deuxième division espagnole. Il dispute ses rencontres dans son stade Manuel Martínez Valero, qui peut accueillir 38 750 spectateurs. À la date à laquelle les mesures faisant l’objet de l’examen ont été adoptées (février 2011), le club évoluait en deuxième division. Il est monté en première division au cours de la saison 2013-2014 et y est resté en 2014-2015 […] Selon les informations transmises par les autorités espagnoles, le [requérant] a ouvert une procédure de faillite le 6 août 2015. »

9        Le considérant 21 de la décision attaquée caractérise ainsi la Fundación Elche :

« La [Fundación Elche] est une organisation sans but lucratif de la communauté de Valence dont la mission consiste à promouvoir et mener à bien des activités associées au sport. Elle ne participe à aucune activité économique. Après l’augmentation de capital [du requérant], la Fundación Elche a acquis une participation de contrôle de 63,45 % […] En outre, tous les membres du conseil d’administration du [requérant] sont membres du comité de direction de la Fundación Elche. »

10      Le considérant 11 de la décision attaquée résume ainsi les faits :

« Le 17 février 2011, l’IVF a accordé à la Fundación Elche deux garanties pour deux prêts bancaires pour un total de 14 millions [d’euros]. L’objectif manifeste des prêts était, tel que l’indique la décision d’octroyer la garantie de l’IVF à la Fundación Elche, de financer l’acquisition d’actions du [requérant] par la Fundación Elche, dans le cadre de la décision de [celui-ci] de procéder à une augmentation de capital au moyen d’une injection de capital. Les garanties couvraient 100 % du principal du prêt, plus les intérêts et les frais associés à la transaction garantie. Une commission de garantie de 1 % annuelle pour l’IVF, à payer par la Fundación Elche, a été fixée. Comme contre-garantie, l’IVF a reçu en nantissement des actions du [requérant] acquises par la Fundación Elche. La durée du prêt sous-jacent était de cinq ans. Le taux d’intérêt du prêt sous-jacent était l’Euribor à 1 an, augmenté d’une marge de 3,5 %. En outre, une commission d’ouverture de 0,5 % était appliquée. Le remboursement du prêt garanti (principal et intérêts) était prévu et devait se faire par la vente des actions du [requérant] acquises. ».

11      S’agissant de l’identification du bénéficiaire de l’aide, il ressort des considérants 63, 67, 68 et 70 de la décision attaquée ce qui suit :

« En ce qui concerne l’identification des bénéficiaires, la Commission indique que, selon la jurisprudence constante, une entité détenant une participation de contrôle dans une entreprise doit être considérée comme participant à l’activité économique de cette entreprise si elle exerce réellement un contrôle en intervenant directement ou indirectement dans sa gestion si : a) des membres de son ou de ses conseil(s) sont nommés au(x) conseil(s) de l’entreprise contrôlée ; et b) il existe des accords de financement en vigueur entre les deux entités [voir arrêt du 10 janvier 2006, Cassa di Risparmio di Firenze e.a., C‑222/04, EU:C:2006:8].

Quant aux membres des comités de direction des fondations et des conseils d’administration des clubs de football, la Commission indique que […] la majorité des membres du conseil d’administration du [requérant] étaient aussi membres du comité de direction de la Fundación Elche […] Enfin, eu égard aux accords de financement conclus par les fondations et leurs clubs de football respectifs, la Commission précise que les fondations ont participé au remboursement des prêts accordés aux clubs, par exemple au moyen de la vente des actions acquises de cette façon. Par conséquent, les fondations jouaient un rôle actif et continu dans le financement des clubs, non seulement en tant que contributeurs de leurs augmentations de capital, mais également en tant qu’administrateurs des prêts au moyen desquels les clubs ont pu acquérir ce capital. Il résulte de ce qui précède que les trois fondations, en leur qualité de sociétés mères, participaient à la gestion de leurs clubs de football respectifs.

Par ailleurs, la Commission indique que, comme précisé dans les contrats de prêt et de garantie, l’IVF a octroyé les garanties pour les prêts […] de 14 millions [d’euros] à la Fundación Elche, uniquement pour permettre à [celle-ci] d’acquérir des actions [du requérant]. La Commission observe que ce montage financier était destiné à faciliter le financement de l’augmentation de capital de ces clubs de football, en utilisant les fondations comme véhicules financiers. Ces mesures n’étaient donc pas censées bénéficier aux fondations, mais bien aux clubs. À cet égard, la Commission souligne également que les données financières des fondations à la date de l’octroi des mesures examinées […] démontrent que la situation des fondations ne s’est pas améliorée grâce aux garanties en question, mais est restée identique et a continué d’être caractérisée par des revenus faibles, des pertes ou des résultats nuls, une faible valeur des actifs et une dette relativement élevée. De plus, outre le fait que les fondations étaient les emprunteurs/débiteurs des prêts et les entités garanties, le risque d’activation des garanties était inhérent à la rentabilité des clubs, puisqu’il était prévu que le remboursement des prêts garantis (principal et intérêts) se ferait au moyen de la vente des actions des clubs de football acquises […]

Eu égard aux difficultés financières des [clubs de football], les mesures examinées avaient pour objectif de faciliter le financement des augmentations de capital de ces [derniers] et le risque d’activation des garanties était lié à la rentabilité des clubs de football, puisqu’il était prévu de rembourser les prêts garantis grâce à la vente des actions des clubs de football acquises […] »

12      La Commission en déduit, au considérant 69 de la décision attaquée, que le requérant est le bénéficiaire de l’aide en cause.

13      S’agissant de la quantification de l’aide, il résulte du considérant 93 de la décision attaquée ce qui suit :

« Conformément à la section 4.2 de la communication sur les garanties de 2008, la Commission considère, pour chacune des garanties, que le montant de l’aide équivaut à l’élément de subvention de la garantie, c’est-à-dire au montant correspondant à la différence entre, d’une part, le taux d’intérêt du prêt réellement appliqué grâce à l’aide d’État, augmenté de la commission de garantie et, d’autre part, le taux d’intérêt qui aurait été appliqué à un prêt sans garantie d’État. La Commission précise qu’en raison du nombre limité d’opérations de nature similaire sur le marché, cette valeur de référence ne permet pas une comparaison significative. Par conséquent, la Commission utilise le taux d’intérêt de référence applicable […], qui s’élève à 1 000 points de base en raison des difficultés des trois clubs de football et de la valeur particulièrement faible des garanties des prêts, majoré de 124-149 points de base comme taux de base appliqués en Espagne à la date d’octroi des mesures d’aide. En effet, chaque prêt a été garanti au moyen du nantissement des actions des clubs acquises. Néanmoins, les clubs se trouvaient en difficulté, et réalisaient donc des opérations déficitaires. Il n’existait aucun plan de viabilité fiable démontrant que ces opérations pourraient apporter des bénéfices à leurs actionnaires. Par conséquent, les pertes des clubs étaient intégrées à la valeur des propres actions des clubs, puisque la valeur de ces actions comme garantie de prêt était quasiment nulle. Selon les calculs de la Commission, l’aide totale correspondant aux mesures examinées serait de [3 688 000 euros] dans le cas du [requérant]. Les calculs de la Commission sont les suivants :

[…]

c) Pour [le requérant] : le taux d’intérêt appliqué (6,22 %) est déduit du taux d’intérêt du marché applicable (11,49 %), soit 1 000 points de base pour le [requérant], augmentés de 149 points de base comme taux de base applicable en Espagne en février 2011 […] Le résultat est multiplié par le montant du prêt (14 millions [d’euros]) et par la durée réelle du prêt (5 ans). Le résultat final est de [3 688 000 euros].

[…] »

 Procédure de récupération

14      Le 1er septembre 2016, l’IVF a réclamé au requérant le montant de 3 688 000 euros à titre principal, augmenté des intérêts, à savoir un montant global de 4 106 906,51 euros (ci-après le « titre de liquidation »).

15      Le 20 septembre 2016, le requérant a soumis ses observations relatives au titre de liquidation à l’IVF, qui ont été rejetées par décision du 6 octobre 2016. Son recours gracieux contre cette décision a été rejeté par décision du 2 décembre 2016, reçue par le requérant le 11 janvier 2017.

16      Le 10 mars 2017, le requérant a intenté un recours contre cette dernière décision devant le Juzgado de lo Contencioso Administrativo no 9 de Valencia (tribunal administratif no 9 de Valence, Espagne) en demandant l’annulation de la décision ordonnant la récupération de l’aide. Par ailleurs, à titre de mesure provisoire, le requérant a demandé à cette juridiction d’accorder le sursis à l’exécution de l’obligation de récupération sans entendre l’administration défenderesse en raison de la gravité, de la nécessité et de l’urgence de l’adoption de cette mesure.

17      Par ordonnance du 14 mars 2017, le Juzgado de lo Contencioso Administrativo no 9 de Valencia (tribunal administratif no 9 de Valence) a constaté la situation critique de la société sur le plan économico-financier, mais a rejeté la demande de sursis à exécution sans entendre l’administration défenderesse et a ordonné d’entendre l’IVF.

18      Le 16 mars 2017, le requérant a présenté une demande de réexamen de cette ordonnance.

19      Par ordonnance du 12 avril 2017, le Juzgado de lo Contencioso Administrativo no 9 de Valencia (tribunal administratif no 9 de Valence) a rejeté la demande de sursis à exécution.

20      Le 9 mai 2017, le requérant a fait appel de cette ordonnance devant le Tribunal Superior de Justicia de la Comunidad Valenciana, Sala de lo Contencioso-Administrativo (Cour supérieure de justice de la communauté valencienne, chambre du contentieux administratif, Espagne).

21      Par ordonnance du 26 septembre 2017, le Juzgado de lo Contencioso Administrativo no 9 de Valencia (tribunal administratif no 9 de Valence) a décidé de suspendre le recours contentieux administratif jusqu’à l’adoption d’une ordonnance clôturant la présente procédure en référé.

22      Par ordonnance du 27 novembre 2017 du Tribunal Superior de Justicia de la Comunidad Valenciana, Sala de lo Contencioso-Administrativo (Cour supérieure de justice de la communauté valencienne, chambre du contentieux administratif), le requérant a été informé que le délibéré et la décision relative à son appel auraient lieu le 16 mai 2018.

 Procédure d’insolvabilité du requérant

23      Le 8 juin 2015, le requérant a déposé auprès du Juzgado de lo Mercantil no 3 de Alicante (tribunal de commerce no 3 d’Alicante, Espagne) une demande d’ouverture d’une procédure volontaire d’insolvabilité.

24      Le 6 août 2015, cette juridiction a accueilli sa demande, a rendu une ordonnance d’ouverture de la procédure d’insolvabilité et a nommé un administrateur judiciaire.

25      Le 28 octobre 2016, l’administrateur judiciaire a émis les documents définitifs en vue de leur présentation au Juzgado de lo Mercantil no 3 de Alicante (tribunal de commerce no 3 d’Alicante). Son rapport comprend un inventaire de la masse des actifs et du passif de la société, un tableau des créances précisant leur qualification, un tableau des créances sur la masse dues et à payer, un tableau récapitulatif des créances et ses commentaires au sujet de la créance résultant de la décision attaquée.

26      La créance de l’IVF correspondant à l’aide d’État dont la récupération est ordonnée dans la décision attaquée a été qualifiée par l’administrateur judiciaire de créance privilégiée à hauteur de 50 % et de créance ordinaire pour 50 %.

27      Le 22 novembre 2016, le requérant et l’IVF ont intenté des recours contre cette qualification. L’IVF estimait que l’intégralité de la somme devait être qualifiée de créance sur la masse. Le 6 mars 2017, le Juzgado de lo Mercantil no 3 de Alicante (tribunal de commerce no 3 d’Alicante) a rendu son jugement, qualifiant la somme réclamée par l’IVF au titre de la décision attaquée intégralement en tant que créance sur la masse et ordonnant son paiement immédiat et sans délai. Le requérant a interjeté appel contre cette décision, lequel a été tranché par l’arrêt de l’Audiencia Provincial de Alicante (cour provinciale d’Alicante, Espagne) du 1er décembre 2017. Dans cet arrêt, ladite juridiction a rejeté l’appel et a déclaré que la créance présentée par l’IVF relative à la récupération de l’aide illégale sur le fondement de la décision attaquée était « une créance autonome, fondée sur le droit européen, auquel le droit national ne [pouvait] pas déroger, et qui, en raison de ses caractéristiques, [était] pleinement efficace et en conséquence exécutable, indépendamment des critères de priorité et de paiement établis en droit national en matière de faillite ». Elle a précisé que « [c]ette créance [devait] être immédiatement satisfaite et sans retard, sans préjudice du prononcé d’un sursis à exécution de ladite créance eu égard à la décision adoptée par l’ordonnance [du 6 mars 2017, Elche Club de Fútbol/Commission (T‑901/16 R)], le tribunal d’instance adoptant par ailleurs les mesures opportunes afin de garantir le respect de la créance en cas de la levée du sursis à exécution ou dans l’hypothèse d’une éventuelle confirmation de la décision de la Commission par les autorités juridictionnelles européennes ».

28      Le 27 janvier 2017, le comité des créanciers a approuvé la proposition de concordat présentée par le requérant le 16 septembre 2016, laquelle ne concerne que les créances simples et subordonnées. Les créances subordonnées ne seront payées qu’après le paiement intégral des créances simples. En revanche, le paiement des créances sur la masse n’entre pas dans le champ d’application du concordat.

29      En outre, le requérant fournit les précisions suivantes sur la proposition de concordat aux points 86 à 88 de la demande en référé :

« Le concordat approuvé par le comité des créanciers repose essentiellement sur un plan de redressement pour les exercices sociaux [du requérant] au cours de la période comprise entre 2016 et 2026 [...] Le plan d’action prévu a une double finalité : d’une part, aider [le requérant] à surmonter sa situation d’insolvabilité en tâchant de garantir sa viabilité à long terme et en limitant ses fonds propres négatifs actuels et, d’autre part, donner satisfaction aux créanciers autant que possible, en fonction de la capacité économique prévisible [du requérant] de générer des recettes.

Parmi les différentes mesures envisagées et inscrites dans le plan, il est prévu d’améliorer la politique commerciale pour pouvoir générer plus de recettes, de réduire les dépenses et les coûts et de réaliser une augmentation de capital par compensation de créances ouverte à l’ensemble des créances détenues envers le club afin de réduire la charge des créanciers. Tout cela supposerait d’obtenir des résultats économiques positifs d’environ 1 143 000 euros, selon les estimations. Ces résultats permettraient au club d’exécuter et d’acquitter progressivement, de manière ordonnée, les différentes obligations qu’il ne peut actuellement pas respecter. À titre d’exemple, il y a lieu de signaler que, parmi les créanciers privilégiés [du requérant], l’administration fiscale et la Sécurité sociale ont des créances s’élevant à 3 984 135,75 euros. [Le requérant] a négocié avec l’administration fiscale un concordat spécial prévoyant un paiement échelonné sur huit ans.

Le concordat approuvé par le comité des créanciers le 27 janvier 2017, qui s’appliquera aux créanciers chirographaires [du requérant] ainsi qu’aux autres créanciers qui le souhaitent, prévoit une remise de 65 % des créances ainsi qu’une capitalisation d’une partie de la dette. Le concordat et le plan de redressement établissent tous deux un plan de paiement sur dix ans et un moratoire de deux ans. Tout cela est fondamental et nécessaire pour garantir la viabilité et la survie [du requérant], car toute autre situation envisageable conduirait nécessairement à sa liquidation. Il importe de signaler que 68,50 % des créanciers chirographaires ont approuvé le concordat accompagné du plan de redressement. »

30      Enfin, il résulte des réponses du requérant, non contestées par la Commission, que la procédure d’insolvabilité n’a pas pour conséquence d’exclure l’exécution forcée du paiement de la somme réclamée par l’IVF au titre de la décision attaquée, cette dernière étant une créance sur la masse et dès lors immédiatement exigible.

31      Le concordat a été présenté le 30 janvier 2017 au Juzgado de lo Mercantil no 3 de Alicante (tribunal de commerce no 3 d’Alicante), lequel l’a homologué le 18 avril 2017.

32      L’IVF a interjeté appel contre cette décision devant l’Audiencia Provincial de Alicante (cour provinciale d’Alicante) avec pour effet de suspendre à titre conservatoire l’augmentation du capital prévue par le concordat. Par ordonnance du 20 mars 2018, l’Audiencia Provincial de Alicante (cour provinciale d’Alicante) a annoncé qu’elle prendrait sa décision le 18 septembre 2018 sur ce recours.

 Procédure devant le Tribunal

33      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 21 décembre 2016, le requérant a introduit un recours tendant, en substance, à l’annulation de la décision attaquée.

34      Par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le 21 février 2017, le requérant a introduit la présente demande en référé dans laquelle il conclut, en substance, à ce qu’il plaise au président du Tribunal :

–        surseoir à l’exécution des articles 2 à 4 de la décision attaquée en ce qu’ils ordonnent la récupération auprès du requérant de l’aide désignée comme « mesure 3 » à l’article 1er de la décision attaquée ;

–        condamner la Commission aux dépens.

35      Le 6 mars 2017, le président du Tribunal a, sans avoir entendu au préalable la Commission, adopté une ordonnance, sur le fondement de l’article 157, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, en vertu de laquelle il a ordonné de suspendre, pour ce qui concerne le requérant, la récupération de l’aide, identifiée comme mesure 3 à l’article 1er de la décision attaquée, jusqu’à la date d’adoption de l’ordonnance mettant fin à la présente procédure de référé.

36      Dans ses observations sur la demande en référé, déposée au greffe du Tribunal le 7 mars 2017, la Commission conclut, en substance, à ce qu’il plaise au président du Tribunal :

–        rejeter la demande en référé ;

–        condamner le requérant aux dépens.

37      Par une mesure d’organisation de la procédure du 31 mars 2017, le président du Tribunal a posé au requérant une série de questions pour réponse écrite.

38      Le 10 avril 2017, le requérant a répondu aux questions posées par le président du Tribunal.

39      Par ordonnance du président de la quatrième chambre du Tribunal du 24 avril 2017, le Royaume d’Espagne a été admis à intervenir dans l’affaire principale.

40      Le 27 avril 2017, la Commission a pris position sur les réponses fournies par le requérant.

41      Par lettre du 8 mai 2017, le Royaume d’Espagne a renoncé à soumettre un mémoire en intervention dans la procédure de référé.

42      Le 19 mai 2017, le requérant a présenté, au titre de l’article 85 du règlement de procédure, des éléments qui ont été versés au dossier et sur lesquels la Commission a pris position le 31 mai 2017.

43      Par une mesure d’organisation de la procédure du 11 décembre 2017, le président du Tribunal a invité le requérant à donner des informations actuelles sur sa situation financière, étayées par des éléments documentaires appropriés, y inclus les derniers états financiers audités, ainsi que tout autre type d’informations pertinentes concernant les changements pertinents intervenus après le 10 avril 2017.

44      Le 21 décembre 2017, le requérant a fait état des changements intervenus depuis le 10 avril 2017 et a indiqué que ses derniers états financiers faisaient actuellement l’objet d’un audit et seraient transmis au Tribunal dès que disponibles.

45      Le 18 janvier 2018, la Commission a pris position sur les réponses fournies par le requérant.

46      Le 7 février 2018, le requérant a transmis ses derniers états financiers audités.

47      Par une mesure d’organisation de la procédure du 7 mars 2018, le président du Tribunal a invité le requérant à produire la lettre des auditeurs accompagnant les états financiers et à prendre position sur les éléments contenus au point 2, b), ii), 1 des états financiers.

48      Le 14 mars 2018, le requérant a produit la lettre des auditeurs accompagnant les états financiers et a répondu à la question posée.

49      Le 22 mars 2018, la Commission a pris position sur la réponse du requérant.

50      Le 26 mars 2018, le requérant a présenté, au titre de l’article 85 du règlement de procédure, des éléments qui ont été versés au dossier et sur lesquels la Commission a pris position le 9 avril 2018.

 En droit

 Généralités

51      Il ressort d’une lecture combinée des articles 278 et 279 TFUE, d’une part, et de l’article 256, paragraphe 1, TFUE, d’autre part, que le juge des référés peut, s’il estime que les circonstances l’exigent, ordonner le sursis à l’exécution d’un acte attaqué devant le Tribunal ou prescrire les mesures provisoires nécessaires, et ce en application de l’article 156 du règlement de procédure. Néanmoins, l’article 278 TFUE pose le principe du caractère non suspensif des recours, les actes adoptés par les institutions de l’Union européenne bénéficiant d’une présomption de légalité. Ce n’est donc qu’à titre exceptionnel que le juge des référés peut ordonner le sursis à l’exécution d’un acte attaqué devant le Tribunal ou prescrire des mesures provisoires (ordonnance du 19 juillet 2016, Belgique/Commission, T‑131/16 R, EU:T:2016:427, point 12).

52      L’article 156, paragraphe 4, première phrase, du règlement de procédure dispose que les demandes en référé doivent spécifier « l’objet du litige, les circonstances établissant l’urgence ainsi que les moyens de fait et de droit justifiant à première vue l’octroi de la mesure provisoire à laquelle elles concluent ».

53      Ainsi, le sursis à exécution et les autres mesures provisoires peuvent être accordés par le juge des référés s’il est établi que leur octroi est justifié à première vue en fait et en droit (fumus boni juris) et qu’ils sont urgents, en ce sens qu’il est nécessaire, pour éviter un préjudice grave et irréparable aux intérêts de la partie qui les sollicite, qu’ils soient édictés et produisent leurs effets avant la décision au principal. Ces conditions sont cumulatives, de telle sorte que les demandes de mesures provisoires doivent être rejetées dès lors que l’une d’elles fait défaut. Le juge des référés procède également, le cas échéant, à la mise en balance des intérêts en présence (voir ordonnance du 2 mars 2016, Evonik Degussa/Commission, C‑162/15 P‑R, EU:C:2016:142, point 21 et jurisprudence citée).

54      Dans le cadre de cet examen d’ensemble, le juge des référés dispose d’un large pouvoir d’appréciation et reste libre de déterminer, au regard des particularités de l’espèce, la manière dont ces différentes conditions doivent être vérifiées ainsi que l’ordre de cet examen, dès lors qu’aucune règle de droit ne lui impose un schéma d’analyse préétabli pour apprécier la nécessité de statuer provisoirement [voir ordonnance du 19 juillet 2012, Akhras/Conseil, C‑110/12 P(R), non publiée, EU:C:2012:507, point 23 et jurisprudence citée].

55      Compte tenu des éléments du dossier, le juge des référés estime qu’il dispose de tous les éléments nécessaires pour statuer sur la présente demande en référé, sans qu’il soit utile d’entendre, au préalable, les parties en leurs explications orales.

 Sur le fumus boni juris

56      S’agissant de la condition relative à l’existence d’un fumus boni juris, il convient de rappeler que cette condition est remplie lorsqu’au moins un des moyens invoqués par la partie qui sollicite les mesures provisoires à l’appui du recours au fond apparaît, à première vue, non dépourvu de fondement sérieux. Tel est le cas dès lors que l’un de ces moyens révèle l’existence d’un différend juridique ou factuel important dont la solution ne s’impose pas d’emblée et mérite donc un examen approfondi, qui ne saurait être effectué par le juge des référés, mais doit faire l’objet de la procédure au fond [voir, en ce sens, ordonnances du 3 décembre 2014, Grèce/Commission, C‑431/14 P‑R, EU:C:2014:2418, point 20 et jurisprudence citée, et du 1er mars 2017, EMA/MSD Animal Health Innovation et Intervet international, C‑512/16 P(R), non publiée, EU:C:2017:149, point 59 et jurisprudence citée].

57      Aux fins de démontrer que la décision attaquée est, à première vue, entachée d’illégalité, le requérant invoque quatre moyens.

58      Le premier moyen est tiré d’une erreur d’appréciation et de motivation dans l’identification de l’aide et du bénéficiaire. Le deuxième moyen est tiré d’une violation de l’article 107 TFUE et d’un défaut de motivation en ce que la Commission a qualifié d’aide d’État les garanties octroyées par l’IVF à la Fundacion Elche. Le troisième moyen est tiré d’une violation de l’article 107 TFUE dans la quantification de l’aide et du montant à récupérer. Enfin, le quatrième moyen, invoqué à titre subsidiaire, est tiré d’une violation de l’article 107 TFUE dans l’appréciation de la compatibilité de l’aide.

59      Par ses deuxième et troisième moyens, qui se recoupent dans une certaine mesure, le requérant fait valoir, entre autres, que la Commission a commis une erreur dans la détermination de l’aide ou, à tout le moins, n’a pas motivé de manière suffisante sa décision. En effet, la Commission n’aurait pas examiné, ni motivé, de manière suffisante le fait que la garantie consentie par l’IVF n’aurait pas été rémunérée par une prime adéquate. À cet égard, le requérant reproche à la Commission d’avoir appliqué la marge de 1 000 points de base, correspondant à la marge la plus élevée s’appliquant au cas de figure où l’entreprise concernée relève de la plus mauvaise catégorie de notation et où, en même temps, le niveau de sureté est d’un niveau bas. À ce dernier égard, le requérant relève, entre autres, que la Commission n’a pas tenu compte du fait que la Fundación Elche n’a pas seulement donné, en tant que sureté, en nantissement, les actions acquises du requérant, mais également une hypothèque sur un terrain de 6 hectares, sureté dont la Commission n’a pas évalué la valeur.

60      À cet égard, il convient de constater, ainsi que le soutient le requérant, que la décision attaquée ne fait pas mention de ladite hypothèque et ne contient pas, à plus forte raison, une évaluation de sa valeur.

61      La Commission, afin de réfuter les arguments du requérant, soutient aux points 31, 32 et 45 de ses observations du 7 mars 2017 ce qui suit :

« [C]ontrairement à ce que le requérant prétend, la Commission a bel et bien examiné si les conditions de la garantie (couvrant 100 % des prêts sous-jacents, avec une commission de garantie annuelle fixée à 1 %) correspondaient aux conditions du marché et, sur ce point, elle a explicitement conclu à l’inobservation des conditions énoncées dans la communication sur les garanties de 2008, de sorte que [le requérant] n’aurait pas bénéficié des garanties publiques “aux mêmes conditions sur le marché” […] En effet, la Commission a conclu que, vu la situation financière [du requérant] et son état d’entreprise en difficulté, le club n’aurait trouvé aucun établissement financier disposé à lui accorder un prêt de ce type s’il n’avait pas obtenu de garantie publique.

Par ailleurs, contrairement à ce que le requérant insinue, la Commission a également conclu que les garanties en cause conféraient un avantage après avoir procédé à une comparaison avec des opérations effectuées aux conditions du marché, ce qui se traduit clairement dans le calcul du montant de l’aide […] La Commission a aussi tenu compte de la faible valeur des contre-garanties offertes et, plus précisément, elle a souligné la faible valeur des actions [du requérant] données en nantissement […]

La Commission estime [quant à la question de l’utilisation des 1 000 points de base comme taux d’intérêt de référence pertinent] que le requérant n’a établi aucun élément susceptible de démontrer à première vue une erreur de la Commission dans le calcul du montant des aides illégales […] Le requérant ne conteste pas non plus les conclusions de la Commission relatives à la valeur des actions [du requérant] données en nantissement. À cet égard, la Commission a conclu à juste titre que, étant donné que [le requérant] était en difficulté (c’est-à-dire qu’il réalisait des opérations entraînant des pertes), les pertes du club étaient comprises dans la valeur des actions mêmes qui constituaient la garantie, si bien que “la valeur de ces actions comme garantie de prêt était quasiment nulle” […] Le requérant n’a fourni aucun élément indiquant que cette conclusion serait manifestement erronée compte tenu des données disponibles pendant la procédure formelle d’examen. Une fois de plus, le requérant se contente de contester les conclusions de la Commission sans produire, à l’appui de ses arguments, les éléments probants nécessaires dans le cadre de la présente action en référé. »

62      Il en résulte que la Commission ne conteste pas le fait que la Fundación Elche ait donné comme sureté une hypothèque sur un terrain de 6 hectares.

63      En outre, la Commission n’avance pas d’arguments permettant d’écarter, dans le cadre de l’évaluation du niveau des sûretés offertes au profit de l’IVF, cette hypothèque.

64      Enfin, eu égard au montant de 14 millions d’euros de crédits couverts par la garantie de l’IVF, une hypothèque sur un terrain de 6 hectares ne saurait, à première vue, non plus être considérée, en l’absence de toute indication de la Commission, comme une « quantité négligeable », permettant de faire abstraction de celle-ci dans l’évaluation du niveau des sûretés offertes au profit de l’IVF.

65      Dans ces conditions et en l’absence de toute motivation relative à la pertinence de l’hypothèque, tant dans la décision attaquée que dans les écritures de la Commission dans le cadre de la procédure en référé, le juge des référés est dans l’impossibilité d’apprécier si l’application de la marge de 1 000 points de base est justifiée.

66      Ainsi, il convient de conclure que, à première vue, les deuxième et troisième moyens ne semblent pas dépourvus de fondement sérieux, dans la mesure où ils sont tirés de l’absence d’une motivation suffisante en ce qui concerne la détermination de l’aide, puisque la Commission ne s’est pas prononcée sur la pertinence, aux fins d’évaluer le niveau des sûretés offertes, de l’existence d’une hypothèque sur un terrain de 6 hectares au profit de l’IVF.

67      Eu égard à ce qui précède, il y a lieu de conclure que les deuxième et troisième moyens du requérant apparaissent, à première vue et dans la mesure où ils sont tirés de l’absence d’une motivation suffisante en ce qui concerne la détermination de l’aide, non dépourvus de fondement sérieux, et révèlent un différend juridique et factuel important dont la solution ne s’impose pas d’emblée et mérite donc un examen approfondi qui ne saurait être effectué par le juge des référés, mais doit faire l’objet de la procédure au fond. Ainsi, le requérant a établi, conformément aux critères rappelés au point 56 ci‑dessus, un fumus boni juris, sans qu’il y ait besoin d’examiner les autres arguments invoqués au soutien des deuxième et troisième moyens, voire d’examiner les autres moyens.

68      À cet égard, il convient de noter que, en l’absence de toute motivation de la décision attaquée relative à la pertinence de l’hypothèque afin d’évaluer la sureté, élément central pour déterminer l’existence et l’étendue d’une éventuelle aide d’État, le fumus boni juris semble, a priori, particulièrement fort.

 Sur l’urgence

69      Afin de vérifier si les mesures provisoires demandées sont urgentes, il convient de rappeler que la finalité de la procédure de référé est de garantir la pleine efficacité de la future décision définitive, afin d’éviter une lacune dans la protection juridique assurée par le juge de l’Union. Pour atteindre cet objectif, l’urgence doit, de manière générale, s’apprécier au regard de la nécessité qu’il y a de statuer provisoirement afin d’éviter qu’un préjudice grave et irréparable ne soit occasionné à la partie qui sollicite la protection provisoire. Il appartient à cette partie d’apporter la preuve qu’elle ne saurait attendre l’issue de la procédure relative au recours au fond sans subir un préjudice grave et irréparable (voir ordonnance du 14 janvier 2016, AGC Glass Europe e.a./Commission, C‑517/15 P‑R, EU:C:2016:21, point 27 et jurisprudence citée).

70      En outre, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, en cas de demande de sursis à l’exécution d’un acte de l’Union, l’octroi de la mesure provisoire sollicitée n’est justifié que si l’acte en question constitue la cause déterminante du préjudice grave et irréparable allégué (voir ordonnance du 14 janvier 2016, AGC Glass Europe e.a./Commission, C‑517/15 P‑R, EU:C:2016:21, point 45 et jurisprudence citée).

71      Conformément à la jurisprudence constante, un préjudice d’ordre pécuniaire ne saurait, sauf circonstances exceptionnelles, être considéré comme irréparable, une compensation pécuniaire étant, en règle générale, à même de rétablir la personne lésée dans la situation antérieure à la survenance du préjudice. Un tel préjudice pourrait notamment être réparé dans le cadre d’un recours en indemnité introduit sur la base des articles 268 et 340 TFUE [voir ordonnance du 23 avril 2015, Commission/Vanbreda Risks & Benefits, C‑35/15 P(R), EU:C:2015:275, point 24 et jurisprudence citée].

72      Lorsque le préjudice invoqué est d’ordre financier, les mesures provisoires sollicitées se justifient s’il apparaît que, en l’absence de ces mesures, la partie qui les sollicite se trouverait dans une situation susceptible de mettre en péril sa viabilité financière avant l’intervention de la décision mettant fin à la procédure au fond ou que ses parts de marché seraient modifiées de manière importante au regard, notamment, de la taille et du chiffre d’affaires de son entreprise ainsi que, le cas échéant, des caractéristiques du groupe auquel elle appartient (voir ordonnance du 12 juin 2014, Commission/Rusal Armenal, C‑21/14 P‑R, EU:C:2014:1749, point 46 et jurisprudence citée).

73      Par ailleurs, aux termes de l’article 156, paragraphe 4, seconde phrase, du règlement de procédure, les demandes en référé « contiennent toutes les preuves et offres de preuves disponibles, destinées à justifier l’octroi des mesures provisoires ».

74      Ainsi, une demande en référé doit permettre, à elle seule, à la partie défenderesse de préparer ses observations et au juge des référés de statuer sur cette demande, le cas échéant, sans autres informations à l’appui, les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels celle-ci se fonde devant ressortir du texte même de ladite demande (voir ordonnance du 6 septembre 2016, Inclusion Alliance for Europe/Commission, C‑378/16 P‑R, non publiée, EU:C:2016:668, point 17 et jurisprudence citée).

75      Il est également de jurisprudence constante que, pour pouvoir apprécier si toutes les conditions mentionnées aux points 69 et 70 ci-dessus sont remplies, le juge des référés doit disposer d’indications concrètes et précises, étayées par des preuves documentaires détaillées et certifiées, qui démontrent la situation dans laquelle se trouve la partie sollicitant les mesures provisoires et permettent d’apprécier les conséquences qui résulteraient vraisemblablement de l’absence des mesures demandées. Il s’ensuit que ladite partie, notamment lorsqu’elle invoque la survenance d’un préjudice de nature financière, doit, en principe, produire, pièces à l’appui, une image fidèle et globale de sa situation financière (voir, en ce sens, ordonnance du 29 février 2016, ICA Laboratories e.a./Commission, T‑732/15 R, non publiée, EU:T:2016:129, point 39 et jurisprudence citée).

76      Si la demande en référé peut être complétée sur des points spécifiques par des renvois à des pièces qui y sont annexées, ces dernières ne sauraient pallier l’absence des éléments essentiels dans ladite demande. Il n’incombe pas au juge des référés de rechercher, en lieu et place de la partie concernée, les éléments contenus dans les annexes de la demande en référé, dans la requête principale ou dans les annexes de la requête principale qui seraient de nature à corroborer la demande en référé. Une telle obligation mise à la charge du juge des référés serait d’ailleurs de nature à priver d’effet l’article 156, paragraphe 5, du règlement de procédure qui prévoit que la demande relative à des mesures provisoires doit être présentée par acte séparé (voir, en ce sens, ordonnance du 20 juin 2014, Wilders/Parlement e.a., T‑410/14 R, non publiée, EU:T:2014:564, point 16 et jurisprudence citée).

77      Eu égard à la situation dans laquelle se trouve le requérant, le président du Tribunal estime que le requérant est parvenu à démontrer, conformément aux critères rappelés ci-dessus, l’urgence en raison du risque pour sa viabilité financière.

78      En effet, il convient de rappeler, en premier lieu, qu’il est constant que le requérant est soumis à une procédure d’insolvabilité.

79      En deuxième lieu, il résulte des états financiers audités pour l’année comptable du 1er juillet 2016 au 30 juin 2017 que le capital propre du requérant s’élève à un montant négatif de 22 188 442 euros.

80      En troisième lieu, il résulte de ces états financiers audités que le requérant a enregistré un déficit de gestion courante de 4 073 780 euros en tant que résultat d’exploitation. S’il résulte des états financiers audités un bénéfice de 4 665 653 euros, il convient de souligner, comme le relève le requérant sans être contredit sur ce point par la Commission, qu’il s’agit des bénéfices purement comptables qui résultent de la remise de 65 % appliquée à la dette historique résultant du concordat.

81      En quatrième lieu, il résulte de ces états financiers audités que le chiffre d’affaire pour l’exercice 2017 s’élève à 8 392 694 euros et que les actifs liquides s’élèvent à 615 915 euros.

82      En cinquième lieu, il résulte de la lettre des auditeurs accompagnant les états financiers que le requérant doit couvrir un déficit estimé d’un montant de 1,5 millions d’euros pour la saison 2017/2018.

83      En sixième lieu, il est constant que le requérant ne dispose pas de liquidités suffisantes pour s’acquitter de la somme réclamée au titre de la récupération de l’aide d’État, à savoir un montant de 3 688 000 euros à titre principal, augmenté des intérêts, soit un montant global de 4 106 906,51 euros en date du 1er septembre 2016, date à laquelle l’IVF a émis le titre de liquidation.

84      En septième lieu, il est constant que, en vertu du droit national espagnol, le requérant doit demander sa liquidation lorsqu’il prend connaissance de l’impossibilité de respecter les paiements auxquels il s’est engagé et les obligations consenties à la suite de l’approbation du concordat.

85      Eu égard à sa situation financière précaire, telle que rappelée aux points précédents, et notamment en l’absence d’actifs liquides suffisants, le requérant n’est pas en mesure de payer la somme réclamée au titre de l’aide d’État, et le risque pour lui de devoir demander sa liquidation si l’aide était récupérée immédiatement est, en principe, prévisible avec un degré de probabilité suffisant.

86      Toutefois, la Commission estime que tant la vente du stade que la « vente » de ses joueurs procurerait au requérant des moyens suffisants, au moins en combinaison avec ses liquidités, pour s’acquitter de la somme réclamée au titre de la récupération de l’aide d’État.

87      Dans ces conditions, se pose la question de savoir si le requérant est en mesure d’éviter de demander sa liquidation en mobilisant les moyens financiers nécessaires par la vente de ses actifs.

88      S’agissant de la vente du stade, le requérant soutient que son stade de football, grevé d’hypothèques, ne saurait être utilisé pour d’autres activités ou par d’autres entités sportives compte tenu de ses caractéristiques. En outre, vu ses caractéristiques et l’obligation de s’acquitter de la somme réclamée au titre d’aide d’État « immédiatement et sans délai », il serait impossible de le vendre dans un délai raisonnable en en tirant une valeur minimale. En revanche, la Commission estime que le requérant pourrait vendre son stade tout en conservant son utilisation pour ses activités sportives et ainsi obtenir des liquidités nécessaires pour payer la somme réclamée au titre d’aide d’État.

89      À cet égard, il convient de constater que, certes, la thèse de la Commission n’est pas, en théorie, dépourvue de pertinence. Toutefois, étant donné que le stade en question est un bien immobilier très particulier, il paraît que, indépendamment des questions liées aux hypothèques grevant ce bien, une vente ne saurait être effectuée dans l’immédiat sans placer le requérant dans une situation de vendeur extrêmement affaibli, contraint d’accepter des conditions qui pourraient poser les acheteurs éventuels.

90      Dans ces conditions, il n’y a pas lieu d’examiner si et dans quelle mesure la charge, pour un club de football dans la situation du requérant, de devoir démontrer les raisons pour lesquelles il ne parviendrait pas, même en cédant son stade de football faisant partie de son actif d’exploitation, à s’acquitter de la somme réclamée dépasse ce qui peut être raisonnablement exigé d’un requérant sollicitant le sursis à exécution.

91      S’agissant de la « vente » de l’équipe de joueurs du requérant, la Commission fait valoir, en se référant au site Internet « transfermarkt », que celle-ci aurait une valeur de 11,3 millions d’euros.

92      Le requérant rétorque que, d’une part, l’équipe actuelle serait évaluée par le site Internet « transfermarkt » à une valeur de 5,75 millions d’euros et que, d’autre part, il ne saurait obtenir une telle somme.

93      À cet égard, il convient de constater que, indépendamment du point de savoir quelle est la valeur réelle de l’équipe et quel montant pourrait être obtenu par une vente d’urgence, il n’en reste pas moins que l’équipe de joueurs constitue les « moyens de production » essentiels du requérant. Dans ces conditions, et tenant compte du fait que le requérant ne peut pas céder une large partie de son équipe sans mettre en péril ses capacités sportives et ainsi sa survie économique, il ne saurait être soutenu qu’il pourrait faire face au paiement immédiat de la somme réclamée au titre de la récupération de l’aide d’État par la « vente » d’une large partie de son équipe sans mettre en péril sa viabilité financière.

94      Eu égard à ce qui précède, il convient de conclure que le requérant se trouve dans une situation où l’obligation de s’acquitter immédiatement de la somme réclamée en exécution de la décision attaquée mettrait en péril sa viabilité financière.

95      Cette conclusion ne saurait être remise en cause par les arguments de la Commission.

96      À titre liminaire, il convient de clarifier, s’agissant de la demande de la Commission de déclarer irrecevable la production des nouveaux éléments par les observations du requérant du 26 mars 2018, que ces éléments, à l’exception de l’ordonnance de l’Audiencia provincial de Alicante (cour provinciale d’Alicante) du 20 mars 2018, n’ont pas été considérés comme pertinents et ne sont, dès lors, pas pris en considération aux fins de la présente ordonnance sauf dans la mesure où la Commission s’y réfère afin d’illustrer l’absence d’urgence. S’agissant de l’ordonnance de l’Audiencia provincial de Alicante (cour provinciale d’Alicante) du 20 mars 2018, il ne saurait être reproché au requérant de l’avoir produit tardivement.

97      Sur le fond, la Commission avance, en substance, trois arguments. La récupération de l’aide ne serait pas la cause déterminante du préjudice allégué. La demande en référé serait prématurée en ce que le requérant n’aurait pas épuisé les voies de recours au niveau national. Le requérant pourrait compter sur des ressources venant de tiers pour s’acquitter de la somme réclamée au titre de la récupération et aurait pu s’acquitter de sommes importantes à des créanciers privilégiés.

98      S’agissant de son premier argument, la Commission soutient que, en tout état de cause, la situation du requérant est précaire et que sa viabilité est tributaire d’autres éléments que l’absence de la récupération de l’aide.

99      Cet argument ne saurait prospérer. Certes, comme rappelé au point 70 ci-dessus, l’octroi de la mesure provisoire sollicitée n’est justifié que si l’acte en question constitue la cause déterminante du préjudice grave et irréparable allégué. Or, en l’occurrence, le préjudice grave et irréparable allégué réside dans le risque pour la viabilité financière du requérant en raison de la récupération immédiate de l’aide d’État. Le fait que la situation financière du requérant soit précaire indépendamment de la récupération de l’aide d’État et que d’autres événements puissent également aboutir à sa liquidation est ainsi dépourvu de pertinence.

100    S’agissant du deuxième argument de la Commission, selon lequel la demande en référé est prématurée en ce que le requérant n’a pas épuisé les voies de recours au niveau national, il convient de relever qu’il résulte effectivement de la jurisprudence que, lorsqu’une entreprise bénéficiaire d’une aide d’État demande au juge de l’Union le sursis à l’exécution d’une décision de la Commission ordonnant la récupération de cette aide, la circonstance qu’il existe des voies de recours internes permettant à ladite entreprise de se défendre contre les mesures de recouvrement au niveau national est susceptible de permettre à ladite entreprise d’éviter un préjudice grave et irréparable résultant du remboursement de ladite aide [voir ordonnance du 14 décembre 2011, Alcoa Trasformazioni/Commission, C‑446/10 P(R), non publiée, EU:C:2011:829, point 46 et jurisprudence citée].

101    Ainsi, le juge de l’Union peut prendre en considération l’existence de telles voies de recours dans le cadre de l’appréciation au fond de la demande en référé et notamment de l’existence d’un préjudice grave et irréparable [voir, en ce sens, ordonnance du 14 décembre 2011, Alcoa Trasformazioni/Commission, C‑446/10 P(R), non publiée, EU:C:2011:829, point 48].

102    Toutefois, il convient de relever que, en l’espèce, le président du Tribunal a adopté l’ordonnance du 6 mars 2017, Elche Club de Fútbol/Commission (T‑901/16 R), en vertu de laquelle l’exécution de la décision attaquée est suspendue et que, à l’heure actuelle, le requérant n’a pas pu obtenir au niveau national le sursis à l’exécution du titre de liquidation.

103    En effet, le 12 avril 2017, le Juzgado de lo Contencioso Administrativo no 9 de Valencia (tribunal administratif no 9 de Valence) a rejeté la demande de sursis à exécution du requérant, son appel contre le rejet de sa demande étant pendant devant le Tribunal Superior de Justicia de la Comunidad Valenciana, Sala de lo Contencioso-Administrativo (Cour supérieure de justice de la communauté valencienne, chambre du contentieux administratif), qui a annoncé procéder au délibéré et adopter une décision le 16 mai 2018.

104    En outre, la thèse de la Commission reviendrait à imposer, de manière catégorique et mécanique, au requérant d’épuiser les voies des recours internes, limitant ainsi de manière disproportionnée l’accès au juge de l’Union.

105    Dans ces conditions, ce deuxième argument de la Commission ne saurait être retenu.

106    Par son troisième argument, la Commission fait valoir que la banque Banco Popular a émis une lettre, le 29 novembre 2017, affirmant être en mesure d’accorder une garantie relative au montant à récupérer au titre de l’aide d’État et que le requérant s’est engagé à acquérir la créance de l’IVF contre la Fundación Elche. Ces deux éléments seraient inconciliables avec la thèse du requérant selon laquelle il se trouve dans l’impossibilité de s’acquitter de la somme réclamée au titre de la récupération de l’aide d’État. En effet, il en résulterait que le requérant pourrait compter sur l’apport des tiers, comme cela ressortirait, par ailleurs, des propos de son président. En outre, le requérant aurait acquitté, le 15 novembre 2017, la somme de 2,2 millions d’euros, démontrant ainsi qu’il était en mesure de faire immédiatement face à des dettes d’une ampleur importante.

107    À cet égard, il importe de relever que, conformément à la jurisprudence, il convient de tenir compte, afin d’apprécier la viabilité financière d’une société, de la capacité financière du groupe ou de la personne qui la contrôle (voir, en ce sens, ordonnance du 22 mars 2018, Hércules Club de Fútbol/Commission, T‑766/16 R, non publiée, EU:T:2018:170, points 44 à 47).

108    Or, en l’occurrence, il est constant que la Fundación Elche est l’actionnaire majoritaire du requérant est que celle-ci ne dispose pas de moyens financiers pour soutenir le requérant. En outre, il est constant que l’IVF, ayant acquis en nantissement les actions de la Fundación Elche, ne s’est pas engagée à apporter du support financier au requérant.

109    Dans ces conditions, la jurisprudence rappelée au point 107 ci-dessus, n’a pas vocation à être appliquée en l’espèce.

110    Par ailleurs, il résulte des informations fournies par le requérant à la suite des questions du Tribunal que la lettre de la banque Banco Popular s’insère dans un projet de transaction visant à acquérir la créance de l’IVF contre la Fundación Elche, projet de transaction qui a finalement échoué.

111    Selon les informations fournies par le requérant et non contestées par la Commission, l’objectif de cette transaction consistait à rendre possible le plan de redressement approuvé par le concordat. L’élément sur lequel semble reposer le concordat est la capitalisation de créances. Cette capitalisation vise à renverser la situation d’insolvabilité, en transformant la dette en fonds propres, réduisant ainsi le passif exigible, rétablissant l’équilibre patrimonial, créant une augmentation des liquidités disponibles et améliorant le ratio dettes/fonds propres.

112    Toutefois, il est constant que la capitalisation des dettes prévue dans le concordat n’a pas pu avoir lieu jusqu’à présent, étant donné que l’IVF a interjeté appel contre la décision du 18 avril 2017 du Juzgado de lo Mercantil no 3 de Alicante (tribunal de commerce no 3 d’Alicante), avec pour effet de suspendre à titre conservatoire l’augmentation du capital prévue par le concordat.

113    En outre, il résulte des explications fournies par le requérant, non contredites par la Commission, que l’IVF exerce son pouvoir en tant que détenteur d’un droit de nantissement des actions du requérant détenues par la Fundación Elche en s’opposant à des augmentations du capital social du requérant.

114    C’est dans ce contexte que le projet de transaction visant à acquérir la créance de l’IVF contre la Fundación Elche incluant les droits grevant les actions du requérant a été conçu pour surmonter les difficultés liées à la mise en œuvre du plan de redressement. À cette fin, des tiers, devant devenir des actionnaires du requérant au cours de cette transaction, se sont engagés à apporter un soutien financier.

115    Il en résulte que l’engagement des tiers à apporter des ressources financières s’inscrit dans le contexte de cette transaction ayant échoué jusqu’à présent. Ainsi, on ne saurait inférer de l’apport consenti par des tiers dans le cadre du projet de cette transaction que le requérant pourrait compter, à l’heure actuelle et nonobstant l’échec de la transaction, sur l’apport financier de ces tiers pour s’acquitter de la somme réclamée au titre de la récupération de l’aide d’État.

116    S’agissant enfin du fait que le requérant a acquitté, le 15 novembre 2017, la somme de 2,2 millions d’euros, afin de payer ses dettes envers des créanciers privilégiés, il ne saurait en être inféré que le requérant serait en mesure de s’acquitter immédiatement de la somme réclamée au titre de la récupération de l’aide d’État.

117    En outre, il ne saurait être reproché au requérant d’avoir poursuivi une stratégie privilégiant délibérément certains dépens au détriment de sa capacité de s’acquitter de la somme réclamée au titre de la récupération de l’aide d’État.

118    En effet, d’une part, le requérant était dans l’obligation, sous peine de devoir demander sa liquidation, de payer ses dettes envers des créanciers privilégiés. D’autre part, l’obligation de s’acquitter de la somme réclamée au titre de l’aide d’État était, à l’époque, suspendue en vertu de l’ordonnance du 6 mars 2017, Elche Club de Fútbol/Commission (T‑901/16 R).

119    Eu égard à tout ce qui précède, il convient de conclure que le requérant a établi l’urgence en raison du risque pour sa viabilité financière.

 Sur la mise en balance des intérêts

120    Selon la jurisprudence, les risques liés à chacune des solutions possibles doivent être mis en balance dans le cadre de la procédure de référé. Concrètement, cela implique notamment d’examiner si l’intérêt de la partie qui sollicite les mesures provisoires à obtenir le sursis à l’exécution de l’acte attaqué prévaut ou non sur l’intérêt que présente l’application immédiate de celui-ci. Lors de cet examen, il convient de déterminer si l’annulation éventuelle de cet acte par le juge du fond permettrait le renversement de la situation qui serait provoquée par son exécution immédiate et, inversement, dans quelle mesure le sursis serait de nature à faire obstacle aux objectifs poursuivis par l’acte attaqué au cas où le recours principal serait rejeté [ordonnance du 1er mars 2017, EMA/MSD Animal Health Innovation et Intervet international, C‑512/16 P(R), non publiée, EU:C:2017:149, point 127].

121    S’agissant, en particulier de la matière d’aide d’État, il convient de rappeler que l’article 108, paragraphe 2, premier alinéa, TFUE prévoit que, si la Commission constate qu’une aide d’État n’est pas compatible avec le marché intérieur, elle décide que l’État intéressé doit la supprimer ou la modifier dans le délai qu’elle détermine. Il s’ensuit que l’intérêt général au nom duquel la Commission exerce les fonctions qui lui sont confiées par l’article 108, paragraphe 2, TFUE et par l’article 9 du règlement (UE) 2015/1589 du Conseil, du 13 juillet 2015, portant modalités d’application de l’article 108 [TFUE] (JO 2015, L 248, p. 9), afin de garantir que le fonctionnement du marché intérieur ne soit pas faussé par des aides d’État nuisibles à la concurrence, est d’une importance particulière. En effet, l’obligation pour l’État membre concerné de supprimer une aide incompatible avec le marché intérieur vise au rétablissement de la situation antérieure (voir, en ce sens, ordonnance du 20 août 2014, Gmina Kosakowo/Commission, T‑217/14 R, non publiée, EU:T:2014:734, point 51 et jurisprudence citée).

122    Par conséquent, dans le cadre d’une demande en référé visant le sursis à l’exécution de l’obligation imposée par la Commission de rembourser une aide qu’elle a déclarée incompatible avec le marché intérieur, l’intérêt de l’Union doit normalement primer sur celui du bénéficiaire de l’aide d’éviter l’exécution de l’obligation de la rembourser avant le prononcé de l’arrêt devant intervenir au principal (voir, en ce sens, ordonnance du 4 avril 2002, Technische Glaswerke Ilmenau/Commission, T‑198/01 R, EU:T:2002:90, point 114).

123    Or, s’il est exact que le sursis à l’exécution d’une décision de récupération d’une aide incompatible peut prolonger les effets négatifs pour la concurrence produits par cette aide, il n’en reste pas moins vrai, à l’inverse, que l’exécution immédiate d’une telle décision va normalement entraîner des effets irréversibles pour l’entreprise bénéficiaire, sans que l’on puisse a priori exclure que le maintien de l’aide soit finalement jugé légitime en raison des vices éventuels dont pourrait être affectée ladite décision [ordonnance du 18 octobre 2002, Commission/Technische Glaswerke Ilmenau, C‑232/02 P(R), EU:C:2002:601, point 58].

124    Ainsi, il doit être veillé à ce que ne soit pas réduit de manière excessive la protection judiciaire provisoire et limité le large pouvoir d’appréciation dont doit disposer le juge des référés aux fins d’exercer les compétences qui lui sont dévolues [voir, en ce sens, ordonnance du 18 octobre 2002, Commission/Technische Glaswerke Ilmenau, C‑232/02 P(R), EU:C:2002:601, point 59].

125    Partant, il ne saurait être exclu que le bénéficiaire d’une telle aide puisse obtenir des mesures provisoires pour autant que les conditions relatives au fumus boni juris et à l’urgence soient, comme en l’espèce, remplies. Décider autrement risquerait de rendre pratiquement impossible la possibilité, qui est ouverte par l’article 278 TFUE, telle que prévue par l’article 16, paragraphe 3, du règlement 2015/1589, d’obtenir, même dans les affaires relatives aux aides d’État, une protection juridique provisoire effective. À cet égard, il y a lieu de rappeler qu’une telle protection constitue un principe général du droit de l’Union qui se trouve à la base des traditions constitutionnelles communes aux États membres. Un tel principe a également été consacré par les articles 6 et 13 de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950, et par l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (voir, en ce sens, ordonnance du 4 avril 2002, Technische Glaswerke Ilmenau/Commission, T‑198/01 R, EU:T:2002:90, point 115).

126    Il convient, donc, de vérifier s’il existe en l’espèce des circonstances qui justifient une pondération des intérêts en cause en faveur de l’octroi de mesures provisoires.

127    Pour ce qui concerne l’intérêt de la Commission, le sursis à l’exécution de la décision attaquée fait obstacle à la récupération immédiate et effective de l’aide d’État.

128    En revanche, pour ce qui concerne le requérant, il ne saurait être exclu que l’annulation éventuelle de la décision attaquée ne permette pas de renverser la situation provoquée par son exécution en ce que le requérant risque d’être liquidé avant que le Tribunal ne décide dans l’affaire principale.

129    En effet, l’urgence se justifie en l’occurrence par l’existence d’un risque pour la viabilité financière du requérant qui se trouve dans une procédure d’insolvabilité et risque d’être liquidé.

130    En outre, il convient de rappeler qu’il a été constaté au point 68 ci-dessus que, en l’absence de toute motivation relative à la pertinence de l’hypothèque afin d’évaluer la sureté, élément, à première vue, central pour déterminer en l’espèce l’existence et l’étendue d’une éventuelle aide d’État, le fumus boni juris était particulièrement fort.

131    Or, dans de telles conditions, il ne saurait être soutenu que l’intérêt de l’Union de garantir que le fonctionnement du marché intérieur ne soit pas faussé par une aide d’État nuisible serait affecté de manière à devoir primer sur celui du requérant.

132    Par ailleurs, il convient de souligner que l’IVF a exigé, dans le contexte du projet de transaction, la présentation d’une garantie bancaire garantissant le paiement de la somme réclamée au titre de l’aide d’État comme condition de vente de sa créance.

133    En outre, il convient de rappeler, comme il ressort du point 27 ci-dessus, que l’IVF a intenté un recours afin d’assurer que la somme réclamée au titre de l’aide d’État soit entièrement considérée comme une créance sur la masse étant ainsi immédiatement exigible.

134    C’est ainsi que l’IVF a pris des mesures pour permettre une récupération effective de l’aide d’État et a ainsi fait preuve de sa coopération loyale dans le cadre de la récupération de l’aide.

135    Étant donné que l’IVF dispose d’un droit de nantissement sur la majorité des actions du requérant, il est constant qu’il dispose d’une influence considérable sur les décisions devant être prises par les actionnaires du requérant relatives aux augmentations et réductions du capital social de celui-ci.

136    Dans ces conditions, le juge des référés peut, dans l’esprit de la coopération loyale, compter sur la volonté et la capacité de l’IVF d’assurer, comme il l’a fait jusqu’à présent, la protection de l’intérêt de l’Union en permettant une récupération efficace de l’aide d’État et en évitant qu’une restructuration du requérant ait lieu sans que des mesures soient prises pour éviter des obstacles à une récupération effective.

137    Dans ces circonstances, la mise en balance des intérêts penche en faveur du sursis à exécution.

138    Au demeurant, il y lieu d’observer que, en vertu de l’article 159 du règlement de procédure, l’ordonnance peut à tout moment, sur demande de la Commission, être modifiée ou rapportée à la suite d’un changement de circonstances. Il ressort de la jurisprudence que, par « changement de circonstances », le juge des référés entend, en particulier, des circonstances de nature factuelle susceptibles de modifier l’appréciation en l’espèce du critère de l’urgence (voir, en ce sens, ordonnance du 4 avril 2002, Technische Glaswerke Ilmenau/Commission, T‑198/01 R, EU:T:2002:90, point 123).

139    Il résulte de tout ce qui précède que la demande en référé doit être accueillie pour autant qu’elle vise l’obligation de récupération immédiate et effective résultant des articles 2 et 3 de la décision attaquée.

140    En revanche, les obligations d’information incombant au Royaume d’Espagne en vertu de l’article 4 de la décision attaquée ne visent pas la récupération de l’aide auprès du requérant. En outre, le requérant n’avance pas d’arguments appuyant ses conclusions tendant au sursis à l’exécution des obligations inscrites à l’article 4 de la décision attaquée. Dans ces conditions, il convient de rejeter ces conclusions.

141    La présente ordonnance clôturant la procédure en référé, il y a lieu de rapporter l’ordonnance du 6 mars 2017, Elche Club de Fútbol/Commission (T‑901/16 R), adoptée sur le fondement de l’article 157, paragraphe 2, du règlement de procédure, en vertu de laquelle il a été ordonné à la Commission de surseoir à l’exécution de la décision attaquée pour ce qui concerne la récupération auprès du requérant de l’aide d’État, identifiée comme mesure 3 à l’article 1er de la décision attaquée jusqu’à la date de l’ordonnance mettant fin à la présente procédure de référé.

142    En vertu de l’article 158, paragraphe 5, du règlement de procédure, il convient de réserver les dépens.

Par ces motifs,

LE PRÉSIDENT DU TRIBUNAL

ordonne :

1)      Il est sursis à l’exécution de la décision (UE) 2017/365 de la Commission, du 4 juillet 2016, relative à l’aide d’État SA.36387 (2013/C) (ex 2013/NN) (ex 2013/CP) accordée par l’Espagne au Valencia Club de Fútbol, SAD, au Hércules Club de Fútbol, SAD, et au Elche Club de Fútbol, SAD (JO 2017, L 55, p. 12) pour ce qui concerne la récupération de l’aide auprès du Elche Club de Fútbol, identifiée comme mesure 3 à l’article 1er de cette décision.

2)      La demande en référé est rejetée pour le surplus.

3)      L’ordonnance du 6 mars 2017, Elche Club de Fútbol/Commission (T901/16 R), est rapportée.

4)      Les dépens sont réservés.

Fait à Luxembourg, le 15 mai 2018.

Le greffier

 

Le président

E. Coulon

 

M. Jaeger


*      Langue de procédure : l’espagnol.

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