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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) |
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You are here: BAILII >> Databases >> Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) >> Idealmed III (Taxation - Opinion) French Text [2019] EUECJ C-211/18_O (10 October 2019) URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2019/C21118_O.html Cite as: EU:C:2019:853, [2019] EUECJ C-211/18_O, ECLI:EU:C:2019:853 |
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Édition provisoire
CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL
M. MACIEJ SZPUNAR
présentées le 10 octobre 2019 (1)
Affaire C‑211/18
Idealmed III – Serviços de Saúde SA
contre
Autoridade Tributária e Aduaneira
{demande de décision préjudicielle formée par le Tribunal Arbitral Tributário (Centro de Arbitragem Administrativa – CAAD) [tribunal arbitral en matière fiscale (centre d’arbitrage administratif), Portugal]}
« Renvoi préjudiciel – Fiscalité – Taxe sur la valeur ajoutée – Directive 2006/112 – Article 132, paragraphe 1, sous b) – Exonérations – Hospitalisation et soins médicaux – Conditions sociales comparables à celles qui valent pour les organismes de droit public – Articles 377 et 391 – Dérogations – Possibilité d’opter pour la taxation – Modification des conditions d’exercice de l’activité »
1. Les impôts sont ce que chacun s’efforce normalement de contourner au maximum mais, conformément à un adage connu, ils sont avec la mort l’une des deux choses en définitive inévitables. Étonnamment, il existe cependant des situations dans lesquelles l’imposition est accueillie comme une occurrence positive, voire souhaitée. Tel est le cas, entre autres, des assujettis exerçant des activités soumises à la taxe sur la valeur ajoutée (ci‑après la « TVA »). En effet, tant qu’une telle activité est taxée, l’impôt est neutre pour le contribuable car sa charge économique passe aux étapes ultérieures de commercialisation et est finalement supportée par les consommateurs. Toutefois, si les opérations effectuées par un assujetti sont exonérées de la TVA, il supporte la charge économique de la taxe acquittée en amont. Les opérateurs économiques préfèrent souvent se soumettre à l’impôt, plutôt que d’en être exonérés. Cependant, si cette exonération est obligatoire, l’occasion ne se présente pas : il n’est pas possible de renoncer à l’exonération et de se soumettre volontairement à l’impôt. En l’espèce, la Cour aura l’occasion de rappeler ce principe.
Le cadre juridique
Le droit de l’Union
2. L’article 132, paragraphe 1, sous b), de la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée (2) dispose :
« Les États membres exonèrent les opérations suivantes :
[…]
b) l’hospitalisation et les soins médicaux ainsi que les opérations qui leur sont étroitement liées, assurés par des organismes de droit public ou, dans des conditions sociales comparables à celles qui valent pour ces derniers, par des établissements hospitaliers, des centres de soins médicaux et de diagnostic et d’autres établissements de même nature dûment reconnus ;
[…] ».
3. Aux termes de l’article 133, sous a) et c), de ladite directive :
« Les États membres peuvent subordonner, au cas par cas, l’octroi, à des organismes autres que ceux de droit public, de chacune des exonérations prévues à l’article 132, paragraphe 1, points b), g), h), i), l), m) et n), au respect de l’une ou plusieurs des conditions suivantes :
a) les organismes en question ne doivent pas avoir pour but la recherche systématique du profit, les bénéfices éventuels ne devant jamais être distribués mais devant être affectés au maintien ou à l’amélioration des prestations fournies ;
[…]
c) ces organismes doivent pratiquer des prix homologués par les autorités publiques ou n’excédant pas de tels prix ou, pour les opérations non susceptibles d’homologation des prix, des prix inférieurs à ceux exigés pour des opérations analogues par des entreprises commerciales soumises à la TVA ;
[…] ».
4. L’article 377 de la même directive prévoit la dérogation suivante :
« Le Portugal peut continuer à exonérer les opérations figurant à l’annexe X, partie B, points 2), 4), 7), 9), 10) et 13), dans les conditions qui existaient dans cet État membre au 1er janvier 1989. »
5. L’article 391 de ladite directive énonce :
« Les États membres qui exonèrent les opérations visées aux articles […] 377, […] peuvent accorder aux assujettis la faculté d’opter pour la taxation desdites opérations. »
6. Enfin, l’annexe X, partie B, point 7), de la directive 2006/112 énumère les « opérations effectuées par les établissements hospitaliers non visés par l’article 132, paragraphe 1, point b) ».
Le droit portugais
7. Les exonérations prévues à l’article 132, paragraphe 1, point b), de la directive 2006/112 ont été transposées en droit portugais par l’article 9, paragraphe 2, du Código do IVA (code TVA).
8. L’article 12, paragraphe 1, sous b), de ce code, dans sa version en vigueur jusqu’au 31 mars 2016, prévoyait que les établissements hospitaliers, les cliniques, les dispensaires et entités similaires, qui n’appartenaient pas à des personnes morales de droit public ou à des institutions privées intégrées dans le système national de santé, pouvaient renoncer à cette exonération. La même disposition, dans sa version en vigueur après le 31 mars 2016, limite la possibilité pour les acteurs de droit privé de renoncer à l’exonération aux prestations de services qui ne résultent pas d’accords conclus avec l’État, dans le cadre du système de santé.
9. Conformément à l’article 12, paragraphe 3, du même code, l’assujetti opte pour la taxation pour une période d’au moins cinq ans.
Les faits, la procédure et les questions préjudicielles
10. Idealmed III – Serviços de Saúde SA, société de droit portugais (ci‑après « Idealmed »), exploite cinq centres médicaux dans un but lucratif.
11. Dans une déclaration de début d’activité déposée le 6 janvier 2012, cette entreprise a demandé à être soumise au régime normal de la taxation à la TVA.
12. Depuis le mois de septembre 2012, Idealmed a conclu plusieurs conventions avec des entités publiques appartenant à différents sous‑systèmes de soins de santé pour fournir des services médicaux à des prix prédéfinis.
13. À l’issue d’un contrôle, l’administration fiscale a constaté qu’au cours de la période d’avril 2014 à juin 2016, une partie importante des activités d’Idealmed avait été exercée dans le cadre desdites conventions. Elle a donc conclu que les activités de cette société étaient couvertes par le régime d’exonération prévu à l’article 132, paragraphe 1, point b), de la directive 2006/112, sans possibilité de renonciation. Elle a dès lors adopté à l’égard d’Idealmed une décision de modification d’office de son régime fiscal, avec effet au 1er octobre 2012, et ordonné la restitution de la TVA indûment déduite, d’un montant de 2 009 944,90 euros, majoré des intérêts.
14. Le 27 juin 2017, Idealmed a déposé une demande de constitution d’un tribunal arbitral en matière fiscale en vue de déclarer la nullité de cette décision.
15. Dans ces circonstances, le Tribunal Arbitral Tributário (Centro de Arbitragem Administrativa – CAAD) [tribunal arbitral en matière fiscale (centre d’arbitrage administratif), Portugal] a décidé de surseoir à statuer et de saisir la Cour des questions préjudicielles suivantes :
« 1) L’article 132, paragraphe 1, sous b), de la directive [2006/112] s’oppose-t-il à une interprétation selon laquelle un établissement hospitalier appartenant à une société commerciale de droit privé, qui a conclu des conventions de prestation de services de soins médicaux avec l’État et des personnes morales de droit public, est considéré comme agissant dans des conditions sociales comparables à celles qui valent pour des organismes de droit public, conformément à cette disposition, lorsque les conditions suivantes sont remplies :
– plus de 54,5 % de la facturation, comprenant les montants facturés aux patients bénéficiaires, est réalisée avec des services de l’État et des sous-systèmes de santé publics, à des prix fixés dans les accords et les conventions conclus avec ceux‑ci ;
– plus de 69 % des patients bénéficient des sous-systèmes de santé publics ou des services fournis dans le cadre de conventions conclues avec des services de l’État ;
– plus de 71 % des actes médicaux ont été réalisés au titre des conventions conclues avec les sous-systèmes de santé publics et les services de l’État et
– l’activité exercée est d’un grand intérêt public en général ?
2) Le Portugal ayant continué, en vertu de l’article 377 de la directive [2006/112], à exonérer de la TVA les opérations effectuées par les établissements hospitaliers non mentionnés à l’article 132, paragraphe 1, sous b), de cette directive et ayant octroyé à ces assujettis, au titre de l’article 391 de la directive, la faculté d’opter pour la taxation desdites opérations, assortie de l’obligation de rester sous le régime de la taxation pendant au moins cinq ans, et n’ayant prévu la possibilité de revenir au régime de l’exonération que s’ils en manifestent l’intention, cet article 391 et/ou les principes de la protection des droits acquis, de la confiance légitime, de l’égalité, de la non‑discrimination, de la neutralité et de la non‑distorsion de la concurrence eu égard aux patients et aux assujettis organismes de droit public s’opposent-ils à ce que l’autorité fiscale impose le régime d’exonération, avant l’expiration de ce délai, dès la période où, selon elle, l’assujetti a commencé à fournir des services dans des conditions sociales comparables à celles qui valent pour les organismes de droit public ?
3) Ledit article 391 de la directive et/ou les principes susmentionnés s’opposent ils à ce qu’une nouvelle réglementation impose le régime de l’exonération aux assujettis qui avaient opté antérieurement pour le régime de la taxation, avant l’expiration dudit délai de cinq ans ?
4) Ledit article 391 de la directive et/ou les principes susmentionnés s’opposent ils à une réglementation selon laquelle un assujetti qui a opté pour l’application du régime de la taxation, parce qu’il ne fournissait pas de services de santé dans des conditions sociales comparables à celles qui valent pour les organismes de droit public au moment où il a opté pour ce régime, peut rester sous ce régime s’il commence à fournir ces services dans des conditions sociales comparables à celles qui valent pour les organismes de droit public ? »
16. Cette demande de décision préjudicielle est parvenue à la Cour le 26 mars 2018. Des observations écrites ont été déposées par Idealmed, le gouvernement portugais et la Commission européenne. Ces mêmes parties étaient représentées lors de l’audience qui s’est tenue le 17 juin 2019.
Analyse
17. En l’espèce, la juridiction de renvoi a posé quatre questions à la Cour concernant l’exonération de la TVA des services médicaux fournis par des organismes privés mais à des conditions comparables à celles des organismes publics fournissant des services similaires. La première question revêt ici une importance fondamentale, et je commencerai par celle‑ci mon analyse des problèmes juridiques soulevés dans cette affaire. Les autres questions portent sur des questions plus techniques concernant le pouvoir d’un État membre de modifier le statut d’un assujetti et le moment auquel ce changement peut avoir lieu.
Sur la première question préjudicielle
18. La première question préjudicielle porte sur les circonstances dans lesquelles les services de soins hospitaliers et médicaux fournis par un organisme privé doivent être considérés comme étant fournis « dans des conditions sociales comparables à celles qui valent pour les organismes de droit public » au sens de l’article 132, paragraphe 1, sous b), de la directive 2006/112 et donc bénéficier de l’exonération de TVA prévue par cette disposition.
19. Cette question a été posée dans le cadre d’une procédure concernant des hôpitaux gérés par une société de droit commercial, qui fournissent une partie des services médicaux dans le cadre d’une convention avec des institutions du système public de santé. Dans sa question, la juridiction de renvoi attire l’attention sur la proportion des services fournis dans le cadre du système public de santé par rapport à l’ensemble des services fournis par cet organisme. Toutefois, je ne pense pas que cette proportion ait une importance essentielle pour l’application de l’exonération prévue par la disposition précitée de la directive 2006/112.
20. L’exonération prévue à l’article 132, paragraphe 1, point b), de la directive 2006/112 est de même conception que les autres exonérations prévues par cet article, c’est‑à‑dire qu’elle a un caractère à la fois subjectif et objectif.
21. D’une part, cette exonération s’applique aux services hospitaliers et médicaux (3) fournis par des organismes de droit public. La disposition en question ne précise pas dans quelles conditions ces services doivent être fournis, il suffit qu’ils soient fournis par un organisme de droit public.
22. D’autre part, l’exonération couvre également les services hospitaliers et médicaux fournis par des organismes autres que ceux de droit public « dans des conditions sociales comparables à celles qui valent pour les organismes de droit public ». Il convient de noter que l’exigence de conditions sociales comparables à celles qui valent pour les organismes de droit public concerne les services qui sont susceptibles d’être exonérés, et non les activités de l’organisme concerné en général. Cette exonération a donc – quand il s’agit d’organismes autres que ceux de droit public – un caractère objectif : seuls en bénéficient les services fournis dans des conditions sociales comparables à celles qui valent pour les organismes de droit public ; en revanche, les autres services fournis par le même organisme sont taxés selon les règles générales.
23. Cela signifie que la proportion des services fournis dans de telles conditions comparables par rapport à l’ensemble des services fournis par l’opérateur concerné, quelle que soit la manière dont elle est mesurée, n’est pas pertinente pour l’application de l’exonération en question, puisque celle‑ci concerne les divers services et non l’activité de l’opérateur comme telle.
24. Cela signifie évidemment aussi qu’un organisme autre qu’un organisme de droit public, qui fournit des services médicaux à des conditions comparables à celles applicables aux organismes de droit public au sens de l’article 132, paragraphe 1, sous b), de la directive 2006/112 ainsi qu’à des conditions différentes, devient un « assujetti mixte », c’est‑à‑dire qui effectue à la fois des opérations imposables et des opérations exonérées. Cela entraîne des charges administratives supplémentaires pour la comptabilisation correcte de la TVA tant en amont qu’en aval (4). Il s’agit toutefois d’une conséquence inévitable de l’exercice d’activités exonérées de TVA.
25. Les parties à la procédure au principal semblent être en désaccord sur le point de savoir si les services fournis par Idealmed le sont dans des conditions sociales comparables à celles qui valent pour les organismes de droit public au sens de l’article 132, paragraphe 1, sous b), de la directive 2006/112. En particulier, ladite société fait valoir que les services qu’elle fournit dans le cadre de conventions avec des organismes publics ne relèvent pas du régime général d’assurance maladie au Portugal, sont destinés à un groupe spécifique d’assurés (les fonctionnaires) et devraient plutôt être comparés à un régime privé d’assurance maladie.
26. Cette question concerne l’interprétation du droit national ainsi que l’appréciation des faits et relève entièrement de la compétence de la juridiction de renvoi. Toutefois, les dispositions de la directive 2006/112 devraient, dans la mesure du possible, être interprétées de manière uniforme dans toute l’Union, même si leur application nécessite une référence au droit national. J’estime donc que lorsqu’un acteur fournit des services médicaux dans le cadre d’un régime d’assurance maladie obligatoire ou de l’un des régimes d’assurance parmi lesquels les assurés sont tenus de choisir et qui sont destinés à satisfaire leurs besoins médicaux fondamentaux, il est hautement probable que ces services doivent être considérés comme des prestations effectuées dans des conditions sociales comparables à celles qui valent pour les organismes de droit public au sens de l’article 132, paragraphe 1, sous b) de la directive 2006/112.
27. Dans ses observations en l’espèce, la Commission soulève également la question de la condition supplémentaire contenue dans la disposition en question, à savoir que le prestataire des services à exonérer doit être « dûment reconnu ». Toutefois, il semble que cette exigence s’applique aux « autres établissements », alors qu’Idealmed opère sous forme d’hôpitaux. En tout état de cause, la Cour a déjà jugé que cette exigence n’implique aucune reconnaissance formelle de l’opérateur en tant que bénéficiaire de l’exonération prévue par cette disposition (5). Le fait qu’un acteur soit habilité à fournir des services médicaux et les fournisse sur la base d’une convention avec des institutions du système public d’assurance maladie semble pleinement suffisant pour établir qu’il est « dûment reconnu » au sens de l’article 132, paragraphe 1, point b), de la directive 2006/112.
28. L’article 133 de la directive 2006/112 autorise les États membres à subordonner les exonérations prévues, entre autres, à l’article 132, paragraphe 1, sous b), de ladite directive, au respect par l’assujetti de certaines conditions, notamment le fait que celui‑ci ne cherche pas systématiquement à réaliser un bénéfice. Toutefois, comme il ressort du dossier de l’espèce, le droit portugais ne prévoit pas une telle condition. L’article 132, paragraphe 1, sous b), de la directive 2006/112 ne contient pas non plus une telle condition, contrairement à certaines autres dispositions de cette directive prévoyant des exonérations de TVA. Conformément à la jurisprudence de la Cour, en l’absence d’une telle condition, que ce soit dans la directive 2006/112 ou en droit national, le simple fait d’exercer une activité lucrative ne s’oppose pas à l’application de la dérogation prévue à l’article 132, paragraphe 1, sous b), de cette directive (6).
29. Par conséquent, le fait qu’Idealmed fournisse des services médicaux dans le but de réaliser un bénéfice n’affecte pas l’application à son égard de l’exonération prévue à l’article 132, paragraphe 1, sous b), de la directive 2006/112.
30. Je propose donc de répondre à la première question préjudicielle qu’il convient d’interpréter l’article 132, paragraphe 1, sous b), de la directive 2006/112 en ce sens que les services hospitaliers et médicaux fournis par des organismes autres que ceux de droit public dans des conditions sociales comparables à celles qui valent pour ces derniers bénéficient de l’exonération prévue par cette disposition, quelle que soit la part de ces services dans l’ensemble des services fournis par lesdits organismes. Il appartient à la juridiction nationale d’apprécier si les services sont fournis dans des conditions sociales comparables à celles qui valent pour les organismes de droit public. Dans son appréciation, cette juridiction doit notamment tenir compte de la question de savoir si ces services sont fournis dans le cadre de l’assurance maladie obligatoire ou de l’un des régimes d’assurance parmi lesquels les assurés sont tenus de choisir et qui sont destinés à satisfaire leurs besoins médicaux fondamentaux.
Sur les deuxième, troisième et quatrième questions préjudicielles
31. Les deuxième, troisième et quatrième questions préjudicielles portent sur le point de savoir si l’article 377 de la directive 2006/112, lu en combinaison avec l’article 391 de celle‑ci, ainsi que les principes de la protection des droits acquis, de la confiance légitime, de l’égalité, de la non‑discrimination, de la neutralité et de la non‑distorsion de la concurrence s’opposent à ce qu’un acteur qui a opté, en vertu de la réglementation nationale transposant l’article 391 de cette directive, pour la taxation de son activité selon les règles générales soit soumis au régime de l’exonération prévue à l’article 132, paragraphe 1, sous b), de ladite directive avant l’expiration de la période pendant laquelle il devait demeurer dans le régime de taxation de son choix. Il convient d’examiner ces questions ensemble.
32. Je rappelle que, en vertu de l’article 377 de la directive 2006/112, la République portugaise peut, par dérogation aux principes généraux de cette directive, continuer à exonérer, entre autres, les services médicaux ne bénéficiant pas de l’exonération prévue à son article 132, paragraphe 1, sous b). Quant à l’article 391 de la directive 2006/112, il prévoit que, dans cette situation, les États membres peuvent accorder aux assujettis la faculté d’opter pour la taxation des opérations exonérées. Le droit portugais prévoit cette possibilité : les prestataires de services médicaux peuvent choisir entre l’exonération ou la taxation selon les règles générales, en principe pour une période d’au moins cinq ans. Idealmed a fait usage de cette possibilité en optant pour la taxation selon les règles générales. Toutefois, il s’est avéré que, selon l’administration fiscale, une partie des services fournis par cette société l’étaient dans des conditions sociales comparables à celles qui valaient pour les organismes de droit public au sens de l’article 132, paragraphe 1, sous b), de la directive 2006/112, de sorte qu’ils étaient exonérés, indépendamment du choix du mode de taxation opéré par cette société. C’est ce qui justifie le renvoi des deuxième, troisième et quatrième questions de la juridiction de renvoi.
33. En ce qui concerne ces questions, il convient tout d’abord de noter que le droit d’opter pour le régime de taxation prévu à l’article 391 de la directive 2006/112 ne concerne que les exonérations que les États membres appliquent sur le fondement des dispositions particulières prévues aux articles 370 à 390 quater de cette directive et qui dérogent à ses principes généraux. Il s’agit donc de l’exonération d’opérations qui ne sont pas exonérées en vertu d’autres dispositions de la directive 2006/112, par exemple son article 132, paragraphe 1, sous b).
34. S’agissant plus particulièrement des services médicaux, l’exonération que la République portugaise maintient au titre de l’habilitation conférée à l’article 377 de la directive 2006/112, assortie de la possibilité pour l’assujetti d’opter pour le régime de taxation prévu à l’article 391 de cette directive, ne peut concerner que les services fournis par des organismes autres que ceux de droit public et dans des conditions sociales non comparables à celles qui valent pour les organismes de droit public. Cela ressort clairement du libellé de l’annexe X de la directive 2006/112, partie B, point 7). En revanche, en ce qui concerne les services visés à l’article 132, paragraphe 1, sous b), de la directive 2006/112, cette disposition prévoit l’exonération obligatoire dans l’intérêt public et ni la République portugaise en tant qu’État membre, ni les assujettis ne peuvent déroger à cette exonération.
35. Je rappelle également que l’exonération prévue à l’article 132, paragraphe 1, sous b), de la directive 2006/112 s’applique à des opérations spécifiques et non à l’activité de l’assujetti en tant que telle. L’acteur concerné peut donc continuer à taxer les opérations qui ne bénéficient pas de cette exonération.
36. Pour cette raison, l’article 377 de la directive 2006/112, lu en combinaison avec l’article 391 de celle‑ci, ne s’oppose pas à ce qu’un acteur qui a opté, en vertu de la législation nationale transposant ledit article 391, pour le régime de la taxation selon les règles générales soit soumis au régime de l’exonération prévue à l’article 132, paragraphe 1, sous b), de cette directive avant l’expiration du délai pendant lequel il devait demeurer dans le régime de taxation de son choix, puisque les services fournis conformément à cet article restent exclus du champ d’application des articles 377 et 391 de la directive 2006/112.
37. Cette conclusion n’est pas remise en cause par les principes généraux mentionnés dans les questions préjudicielles posées par la juridiction de renvoi.
38. En ce qui concerne le principe de protection de la confiance légitime, Idealmed fait valoir que la législation portugaise, en vertu de laquelle elle doit rester dans le régime de taxation de son choix pendant au moins cinq ans, a fait naître une confiance légitime que ce régime ne serait pas non plus modifié par une décision des autorités fiscales.
39. Toutefois, cette attente n’est justifiée que dans la mesure où les opérations effectuées par cette société sont soumises au régime juridique résultant de l’article 377 de la directive 2006/112, lu en combinaison avec l’article 391 de celle‑ci. Ce n’est que dans le cadre de ce régime qu’un contribuable a le droit de choisir la méthode de taxation de ses opérations. Mais, lorsque cet assujetti exerce des activités couvertes par l’exonération obligatoire prévue à l’article 132, paragraphe 1, sous b), de la directive 2006/112, il ne saurait légitimement s’attendre à continuer à bénéficier de la faculté d’opter pour un régime de taxation conformément à des règles qui ne prévoient pas une telle faculté. L’application de l’exonération à son égard, avant même l’expiration de la période pendant laquelle il devait demeurer dans le régime de taxation de son choix, ne porte donc pas atteinte à ce principe.
40. Il en va de même pour les principes d’égalité et de non‑discrimination, qui se reflètent dans le principe de neutralité fiscale du système commun de TVA (7). Ces principes confirment même les présentes conclusions. En effet, conformément à ces principes, des marchandises ou des prestations de services semblables du point de vue du consommateur moyen, qui se trouvent par conséquent en concurrence les unes avec les autres, ne devraient pas être traitées de manière différente du point de vue de la TVA (8). Par conséquent, lorsque la directive 2006/112 prévoit l’exonération obligatoire de certains services, cela devrait couvrir toutes les opérations bénéficiant de cette exonération, indépendamment du choix préalable du régime de taxation par l’assujetti.
41. Dans le contexte de la TVA, le principe de neutralité fiscale signifie également que les opérateurs économiques ne supportent pas la charge de la TVA, puisque celle‑ci est répercutée intégralement sur le consommateur. Ce résultat est obtenu grâce au mécanisme de déduction de la taxe acquittée en amont (9). Toutefois, ce mécanisme ne fonctionne que si l’opérateur économique effectue lui‑même des opérations imposables. En revanche, s’il effectue des opérations exonérées, il devient, sous l’angle de la TVA, le dernier maillon de la commercialisation, à l’instar du consommateur, et il perd le droit de déduire la taxe acquittée en amont, supportant son poids économique.
42. Le principe de neutralité fiscale n’empêche donc pas qu’Idealmed perde le droit de déduire la taxe acquittée en amont pour les services exonérés au titre de l’article 132, paragraphe 1, sous b), de la directive 2006/112. Toutefois, cette société a droit au remboursement, majoré des intérêts, de la taxe qu’elle a payée sur ces services, dès lors que cette taxe doit être considérée comme indûment perçue (10).
43. Eu égard aux considérations qui précèdent, il convient de répondre aux deuxième, troisième et quatrième questions préjudicielles que ni l’article 377 de la directive 2006/112, lu en combinaison avec l’article 391 de celle‑ci, ni les principes de protection de la confiance légitime et des droits acquis, d’égalité et de non‑discrimination, de neutralité et de non‑distorsion de la concurrence ne font obstacle à ce qu’un acteur ayant opté, conformément aux dispositions nationales transposant l’article 391 de cette directive, pour la taxation de ses activités selon les règles générales soit soumis, avant l’expiration du délai qui lui était imposé, au régime de l’exonération prévu à l’article 132, paragraphe 1, sous b), de ladite directive.
Conclusion
44. Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, je propose de répondre comme suit aux questions préjudicielles soulevées par le Tribunal Arbitral Tributário (Centro de Arbitragem Administrativa – CAAD) [Tribunal arbitral en matière fiscale (Centre d’arbitrage administratif)] :
1) Il convient d’interpréter l’article 132, paragraphe 1, sous b), de la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée en ce sens que les services hospitaliers et médicaux fournis par des organismes autres que ceux de droit public dans des conditions sociales comparables à celles qui valent pour ces derniers bénéficient de l’exonération prévue par cette disposition, quelle que soit la part de ces services dans l’ensemble des services fournis par lesdits organismes. Il appartient à la juridiction nationale d’apprécier si les services sont fournis dans des conditions sociales comparables à celles qui valent pour les organismes de droit public. Dans son appréciation, cette juridiction doit notamment tenir compte de la question de savoir si ces services sont fournis dans le cadre de l’assurance maladie obligatoire ou de l’un des régimes d’assurance parmi lesquels les assurés sont tenus de choisir et qui sont destinés à satisfaire leurs besoins médicaux fondamentaux.
2) Ni l’article 377 de la directive 2006/112, lu en combinaison avec l’article 391 de celle‑ci, ni les principes de protection de la confiance légitime et des droits acquis, d’égalité et de non‑discrimination, de neutralité et de non‑distorsion de la concurrence ne font obstacle à ce qu’un acteur ayant opté, conformément aux dispositions nationales transposant l’article 391 de cette directive, pour la taxation de ses activités selon les règles générales soit soumis, avant l’expiration du délai qui lui était imposé, au régime de l’exonération prévu à l’article 132, paragraphe 1, sous b), de ladite directive.
1 Langue originale : le polonais
2 JO 2006, L 347, page 1.
3 Ainsi que les opérations qui leur sont étroitement liées.
4 Contrairement aux opérations imposables, un assujetti n’a pas le droit de déduire la taxe en amont au titre des opérations exonérées.
5 Arrêt du 6 novembre 2003, Dornier (C‑45/01, EU:C:2003:595, points 64 à 67).
6 Voir, par analogie, arrêt du 26 mai 2005, Kingscrest Associates et Montecello (C‑498/03, EU:C:2005:322, point 40).
7 Voir, notamment, arrêt du 10 novembre 2011, The Rank Group (C‑259/10 et C‑260/10, EU:C:2011:719, point 61).
8 Voir, en dernier lieu, arrêt du 5 septembre 2019, Regards Photographiques (C‑145/18, EU:C:2019:668, point 36).
9 Arrêt du 5 septembre 2012, Rahman e.a. (C‑83/11, EU:C:2012:519, point 46).
10 Voir, notamment, arrêt du 19 juillet 2012, Littlewoods Retail e.a. (C‑591/10, EU:C:2012:478, points 24 à 26).
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