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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) |
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You are here: BAILII >> Databases >> Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) >> EEAS v Alba Aguilera and Others (Staff Regulations of officials and Conditions of Employment of other servants - Opinion) French Text [2019] EUECJ C-427/18P_O (16 October 2019) URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2019/C42718P_O.html Cite as: [2019] EUECJ C-427/18P_O, ECLI:EU:C:2019:866, EU:C:2019:866 |
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CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL
M. MACIEJ SZPUNAR
présentées le 16 octobre 2019 (1)
Affaire C‑427/18 P
Service européen pour l’action extérieure
contre
Ruben Alba Aguilera,
Simone Barenghi,
Massimo Bonannini,
Antonio Capone,
Stéphanie Carette,
Alejo Carrasco Garcia,
Francisco Carreras Sequeros,
Carl Daspect,
Nathalie Devos,
Jean-Baptiste Fauvel,
Paula Cristina Fernandes,
Stephan Fox,
Birgitte Hagelund,
Chantal Hebberecht,
Karin Kaup-Laponin,
Terhi Lehtinen,
Sandrine Marot,
David Mogollon,
Clara Molera Gui,
Daniele Morbin,
Charlotte Onraet,
Augusto Piccagli,
Gary Quince,
Pierre-Luc Vanhaeverbeke,
Tamara Vleminckx,
Birgit Vleugels,
Robert Wade,
Luca Zampetti
« Pourvoi – Fonction publique – Fonctionnaires et agents – Service européen pour l’action extérieure – Rémunérations – Personnel affecté dans un pays tiers – Indemnité de conditions de vie au personnel affecté en Éthiopie – Réduction de 30 % à 25 % »
1. Par son pourvoi, le Service européen pour l’action extérieure (SEAE) demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 13 avril 2018, Alba Aguilera e.a./SEAE (2), par lequel celui-ci a annulé la décision du directeur général pour le budget et l’administration du SEAE, du 19 avril 2016, relative à la fixation de l’indemnité de conditions de vie visée à l’article 10 de l’annexe X du statut des fonctionnaires de l’Union européenne – Exercice 2016 [ADMIN(2016) 7], en ce qu’elle porte réduction, à compter du 1er janvier 2016, de l’indemnité de conditions de vie (ci-après l’« ICV ») versée au personnel de l’Union européenne affecté en Éthiopie de 30 % à 25 % du montant de référence (ci-après la « décision litigieuse »).
I. Le cadre juridique
A. Le statut et le régime applicable aux autres agents de l’Union européenne
2. Le statut des fonctionnaires de l’Union européenne, dans sa version applicable au litige (ci-après le « statut »), précise, à son article 1er ter, sous a), que, sauf dispositions contraires du statut, le SEAE est assimilé, pour l’application de ce statut, aux institutions de l’Union.
3. L’article 10 du statut institue un comité du statut, composé en nombre égal des représentants des institutions de l’Union et des représentants de leurs comités du personnel.
4. Le titre VIII ter du statut a pour unique disposition l’article 101 bis. Ce dernier prévoit que, sans préjudice des autres dispositions du statut, l’annexe X du statut détermine les dispositions particulières et dérogatoires applicables aux fonctionnaires affectés dans un pays tiers.
5. L’article 110 du statut dispose :
« 1. Les dispositions générales d’exécution du présent statut sont arrêtées par l’autorité investie du pouvoir de nomination de chaque institution après consultation de son comité du personnel et avis du comité du statut.
2. Les règles d’exécution du présent statut qui sont adoptées par la Commission, y compris les dispositions générales d’exécution visées au paragraphe 1, s’appliquent par analogie aux agences. [...] »
6. L’annexe X du statut, intitulée « Dispositions particulières et dérogatoires applicables aux fonctionnaires affectés dans un pays tiers », dispose, à son article 1er, premier et troisième alinéas :
« La présente annexe détermine les dispositions particulières et dérogatoires applicables aux fonctionnaires de l’Union européenne affectés dans un pays tiers.
[...]
Des dispositions générales d’exécution sont arrêtées conformément à l’article 110 du statut. »
7. L’article 10 de cette annexe énonce :
« 1. Une [ICV] est fixée, selon le lieu où le fonctionnaire est affecté, en pourcentage d’un montant de référence. Ce montant de référence est constitué du total du traitement de base ainsi que de l’indemnité de dépaysement, de l’allocation de foyer et de l’allocation pour enfant à charge, déduction faite des retenues obligatoires visées par le statut ou par les règlements pris pour son application.
Aucune indemnité de cette nature n’est versée lorsque le fonctionnaire est affecté dans un pays où les conditions de vie peuvent être considérées comme équivalentes à celles qui prévalent habituellement dans l’Union.
Pour les autres lieux d’affectation, l’[ICV] est fixée compte tenu, notamment, des paramètres suivants :
– l’environnement sanitaire et hospitalier,
– les conditions de sécurité,
– les conditions climatiques,
– le degré d’isolement,
– les autres conditions locales.
L’[ICV] fixée pour chaque lieu d’affectation fait l’objet annuellement d’une évaluation et, le cas échéant, d’une révision de la part de l’autorité investie du pouvoir de nomination, après avis du comité du personnel.
[...]
3. L’autorité investie du pouvoir de nomination fixe les modalités d’application du présent article. »
8. Le régime applicable aux autres agents de l’Union européenne, dans sa version applicable au litige (ci-après le « RAA »), précise, à son article 10, paragraphe 5, que le titre VIII ter du statut s’applique par analogie aux agents temporaires affectés dans un pays tiers. Par ailleurs, l’article 118 du RAA prévoit que l’annexe X du statut s’applique par analogie aux agents contractuels affectés dans les pays tiers, sous réserve, dans certaines circonstances, de l’article 21 de celle-ci.
B. Les décisions du SEAE
9. La décision du Haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, du 17 décembre 2013, relative à l’indemnité de conditions de vie et à l’indemnité complémentaire visées à l’article 10 de l’annexe X du statut [HR DEC(2013) 013] (ci-après la « décision du 17 décembre 2013 ») vise le statut et le RAA, notamment l’article 10 lui-même, et indique qu’elle a été adoptée après consultation du comité du personnel. Selon son premier et unique considérant, la décision du 17 décembre 2013 vise à arrêter des directives internes relatives, notamment, à l’ICV.
10. Aux termes de l’article 2 de cette décision :
« Après avis des comités du personnel du SEAE et de la Commission, l’[autorité investie du pouvoir de nomination (AIPN)] détermine les pourcentages de l’[ICV] relatifs aux différents lieux d’affectation. [...] »
11. En vertu de l’article 12, premier alinéa, de ladite décision, ses dispositions s’appliquent par analogie aux agents temporaires et aux agents contractuels.
12. Sur le fondement de la décision du 17 décembre 2013 ainsi que de l’annexe X du statut, en particulier ses articles 8 et 10, et après consultation du comité du personnel du SEAE et du comité du personnel de la Commission, a été adoptée la décision EEAS DEC(2014) 049 du directeur général administratif ad interim du SEAE, du 3 décembre 2014, relative aux lignes directrices établissant la méthodologie pour fixer, notamment, les ICV (ci-après la « décision du 3 décembre 2014 »).
II. Les antécédents du litige et la décision litigieuse
13. M. Ruben Alba Aguilera et les autres personnes dont les noms figurent dans la liste des requérants en première instance sont des fonctionnaires ou des agents affectés à la délégation de l’Union européenne en Éthiopie.
14. Le 19 avril 2016, le directeur général pour le budget et l’administration du SEAE a adopté, en application de l’article 10 de l’annexe X du statut, la décision litigieuse révisant le montant de l’ICV versée aux agents affectés dans les pays tiers. Par cette décision, le taux d’ICV applicable au personnel de l’Union affecté en Éthiopie a été réduit, passant de 30 % à 25 % du montant de référence. En outre, il résulte de la décision adoptée le même jour par le directeur général du budget et de l’administration du SEAE, et relative à l’octroi d’un congé de détente aux fonctionnaires, aux agents temporaires et aux agents contractuels affectés dans les pays tiers, qu’un congé de détente n’est octroyé que si le lieu d’affectation est considéré comme difficile ou très difficile. Étant donné que le taux de l’ICV applicable au personnel de l’Union affecté en Éthiopie a été réduit, les requérants ont également perdu le bénéfice du congé de détente.
15. Les requérants en première instance ont, au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut, introduit chacun, entre le 13 et le 18 juillet 2016, auprès de l’AIPN ou de l’autorité habilitée à conclure les contrats d’engagement (AHCC), une réclamation à l’encontre de la décision litigieuse.
16. Par décision du 9 novembre 2016, l’AIPN et l’AHCC ont rejeté ces réclamations.
III. La procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué
17. Par leur recours, les requérants en première instance ont demandé, devant le Tribunal, l’annulation de la décision litigieuse en tant qu’elle réduit, à compter du 1er janvier 2016, l’ICV versée au personnel de l’Union affecté en Éthiopie de 30 % à 25 % du montant de référence, la condamnation du SEAE au versement d’une somme forfaitaire, à déterminer ex aequo et bono par le Tribunal, au titre du préjudice moral subi, et la condamnation du SEAE aux dépens.
18. Le SEAE a conclu au rejet de ce recours et à la condamnation de ces requérants aux dépens.
19. Le Tribunal a annulé la décision litigieuse, rejeté le recours pour le surplus et condamné le SEAE aux dépens.
IV. La procédure devant la Cour et les conclusions des parties
20. Par requête déposée au greffe de la Cour le 26 juin 2018, le SEAE a introduit le présent pourvoi. Dans ce pourvoi, le SEAE demande à la Cour d’annuler l’arrêt attaqué, de faire droit aux conclusions qu’il a présentées en première instance et de condamner les requérants en première instance aux dépens des instances.
21. Ces requérants demandent à la Cour, à titre principal, de rejeter le pourvoi et de condamner le SEAE aux dépens, et, à titre subsidiaire, si le pourvoi est accueilli, de renvoyer l’affaire devant le Tribunal.
V. Analyse
22. À l’appui de son pourvoi, le SEAE soulève deux moyens tirés, pour le premier, d’erreurs de droit dans l’interprétation de l’article 1er de l’annexe X du statut et, pour le second, de l’article 10 de cette annexe. Par ces moyens, il fait valoir, en substance, que c’est à tort que le Tribunal a considéré que, en mettant en œuvre les dispositions régissant l’octroi de l’ICV prévues à l’article 10 de l’annexe X du statut, le SEAE était tenu d’adopter des dispositions générales d’exécution (ci-après les « DGE ») conformément à l’article 1er, troisième alinéa, de cette annexe.
23. Dans ces moyens, le SEAE fait allusion aux points 28 et 29 de l’arrêt attaqué dans lesquels le Tribunal, en se référant à sa jurisprudence, a rappelé que l’adoption de DGE est obligatoire dans deux hypothèses : lorsque le législateur le prévoit expressément (obligation expresse d’adopter des DGE) ou lorsqu’elle s’impose par la nature même de la disposition à appliquer (obligation implicite d’adopter des DGE). Cette interprétation a déjà été consacrée par la Cour dans sa jurisprudence (3).
A. Sur le premier moyen
24. Par son premier moyen, tiré d’une erreur de droit dans l’interprétation de l’article 1er de l’annexe X du statut, le SEAE critique le Tribunal pour avoir considéré, principalement aux points 30 et 31 de l’arrêt attaqué, que le troisième alinéa de cette disposition énonce expressément une obligation d’adopter des DGE pour l’ensemble de cette annexe.
25. Les requérants en première instance contestent, à titre principal, la recevabilité du premier moyen du pourvoi. En conséquence, avant de procéder à l’analyse de ce moyen quant au fond, il convient d’examiner l’argumentation de ces requérants, qui, en substance, tend au rejet de ce moyen comme irrecevable.
1. Sur la recevabilité
26. Les requérants en première instance soutiennent que le premier moyen du pourvoi est irrecevable au motif que l’obligation d’adopter des DGE relatives à l’article 10 de l’annexe X du statut en exécution de l’article 1er, troisième alinéa, de cette annexe repose sur la jurisprudence issue de l’arrêt Vanhalewyn/SEAE (4), qui n’aurait pas été contestée par le SEAE devant le Tribunal. Le premier moyen du pourvoi modifierait ainsi l’objet du litige.
27. Je ne partage pas les doutes des requérants en première instance à cet égard.
28. Certes, au point 25 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a indiqué que le SEAE ne remettait pas en question le fait qu’il ressort de l’arrêt Vanhalewyn/SEAE (5) qu’il était tenu d’adopter des DGE relatives à l’article 10 de l’annexe X du statut, étant donné que l’obligation découlant de l’article 1er, troisième alinéa, de cette annexe couvre également les dispositions régissant l’ICV.
29. Cependant, ainsi qu’il ressort du point 27 de l’arrêt attaqué, le SEAE a notamment fait valoir devant le Tribunal que les décisions du 17 décembre 2013 et du 3 décembre 2014 pouvaient être assimilées aux DGE prises conformément aux exigences de l’article 1er, troisième alinéa, de l’annexe X du statut. J’en déduis que le SEAE a soutenu, en substance, que l’article 1er, troisième alinéa, de l’annexe X du statut n’édicte pas une obligation « inexorable » d’arrêter des DGE préalablement à l’adoption d’une décision sur la base de l’article 10 de cette annexe. Or, dans l’arrêt Vanhalewyn/SEAE (6), le Tribunal a expressément rejeté l’interprétation de l’article 1er de l’annexe X du statut selon laquelle des décisions adoptées sans que les exigences procédurales de l’article 110 du statut soient observées peuvent être assimilées aux DGE. Contrairement à ce que soutiennent les requérants en première instance, on ne saurait donc considérer que le SEAE n’a pas contesté la jurisprudence issue de cet arrêt.
30. Je considère que le premier moyen du pourvoi est par conséquent recevable. Il convient dès lors d’examiner le bien-fondé de ce moyen par lequel le SEAE fait valoir que c’est à tort que le Tribunal a considéré que l’article 1er, troisième alinéa, de l’annexe X du statut énonce expressément l’obligation d’adopter des DGE pour l’ensemble de cette annexe.
2. Sur le fond
31. Il convient de relever, d’emblée, que, en ce qui concerne la présente affaire, il importe de répondre non pas à la question de savoir si l’adoption des DGE est nécessaire pour l’ensemble de cette annexe, mais à celle de savoir si leur adoption est nécessaire pour la mise en œuvre de l’article 10, paragraphe 1, troisième et quatrième alinéas, de l’annexe X du statut, consistant à réviser le montant de l’ICV versée aux agents affectés dans les pays tiers. C’est sous cet angle que j’analyserai le premier moyen du pourvoi, qui, de toute manière, couvre également la critique de l’arrêt attaqué sur ce point spécifique.
32. Pour rappel, le Tribunal a constaté, aux points 30 et 31 de l’arrêt attaqué, que l’article 1er, troisième alinéa, de l’annexe X du statut énonce expressément l’obligation d’adopter des DGE pour l’ensemble de cette annexe. Par conséquent, selon le Tribunal, une institution de l’Union mettant en œuvre les dispositions régissant l’octroi de l’ICV prévues à l’article 10 de l’annexe X du statut a l’obligation d’adopter des DGE conformément à l’article 1er, troisième alinéa, de cette annexe.
33. Au soutien de sa conclusion selon laquelle le SEAE se trouvait dans l’obligation d’adopter des DGE préalablement à l’adoption de la décision litigieuse, le Tribunal s’est fondé sur la considération selon laquelle si l’article 10 de l’annexe X du statut, qui est le fondement légal de la décision litigieuse, ne contient aucune stipulation expresse prévoyant l’adoption de DGE, en revanche l’article 1er, troisième alinéa, de cette annexe énonce expressément une telle obligation qui concerne l’ensemble de ladite annexe. Le fait que l’article 1er, troisième alinéa, figure parmi les « dispositions générales » de l’annexe X du statut lui donnerait une portée générale, de sorte que ladite disposition concernerait toutes les dispositions de cette annexe, y compris celles régissant l’octroi de l’ICV prévues à l’article 10 de l’annexe X du statut. Il convient d’observer que ce raisonnement est celui qu’a suivi le Tribunal dans l’arrêt Vanhalewyn/SEAE (7), auquel il se réfère d’ailleurs à plusieurs reprises dans l’arrêt attaqué.
34. Ensuite, au point 34 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a constaté que le SEAE n’avait toujours pas adopté des DGE pour la mise en œuvre de l’article 10 de l’annexe X du statut, conformément à l’article 110 de ce statut. Par ailleurs, au point 35 de l’arrêt attaqué, le Tribunal s’est prononcé en ce sens que les décisions du 17 décembre 2013 et du 3 décembre 2014 ne sauraient être considérées comme des DGE au sens de l’article 1er, troisième alinéa, de l’annexe X du statut. Selon le Tribunal, pour l’adoption de simples directives internes, telles que ces décisions, les institutions ne sont pas tenues de respecter les exigences procédurales fixées à l’article 110 du statut et, notamment, de recueillir l’avis du comité du statut et de consulter le comité du personnel de l’institution concernée par le texte. En revanche, l’article 110 du statut prévoirait que des DGE ne peuvent pas être prises par une institution sans la double condition de consulter son comité du personnel et de recueillir l’avis du comité du statut.
35. À cet égard, il est certes vrai que l’article 1er, troisième alinéa, de l’annexe X du statut fait partie des dispositions générales de cette annexe. Il est ainsi a priori susceptible de s’appliquer en ce qui concerne toutes les dispositions de ladite annexe.
36. Toutefois, l’interprétation présentée par le Tribunal dans l’arrêt attaqué est fondée sur la prémisse selon laquelle l’article 1er, troisième alinéa, de l’annexe X du statut constitue une source autonome et suffisante de l’obligation d’adopter des DGE en ce qui concerne l’ensemble de cette annexe. En revanche, le SEAE conteste cette prémisse et se prononce en faveur de l’interprétation selon laquelle l’article 1er, troisième alinéa, de l’annexe X du statut implique que, dans les cas où les dispositions pertinentes de cette annexe exigent l’adoption de DGE, celles-ci sont adoptées conformément à l’article 110 du statut. En d’autres termes, le SEAE considère, ainsi qu’il l’a expliqué lors de l’audience, que l’article 1er, troisième alinéa, de l’annexe X du statut ne constitue qu’un renvoi procédural. Ce serait uniquement si une disposition concernée de l’annexe X du statut prévoyait une obligation d’adopter des DGE que le SEAE serait dans l’obligation de les adopter préalablement à la mise en œuvre de cette disposition. Dans un tel cas, les DGE devraient être adoptées conformément aux exigences procédurales prévues à l’article 110 du statut.
37. Dans ces conditions, pour déterminer si, dans le cadre de l’annexe X du statut, il existe une disposition expresse imposant à l’AIPN d’édicter des DGE dans l’exercice du pouvoir décisionnel que lui confère l’article 10, paragraphe 1, troisième et quatrième alinéas, de cette annexe, il convient d’examiner le rôle de l’article 1er, troisième alinéa, de l’annexe X du statut par rapport aux autres dispositions de ce statut.
38. J’indique d’ores et déjà que, à mon sens, plusieurs arguments plaident en faveur de l’interprétation selon laquelle cette dernière disposition n’édicte pas d’obligation expresse d’adopter des DGE préalablement à l’adoption d’une décision révisant le montant de l’ICV versée aux agents affectés dans les pays tiers. Ainsi, cette interprétation de l’article 1er, troisième alinéa, de l’annexe X du statut est corroborée par les enseignements tirés, premièrement, de la distinction entre des DGE et des modalités d’application, opérée par le législateur dans le cadre de l’annexe X du statut [section a)], deuxièmement, de l’emploi des DGE en ce qui concerne d’autres dispositions de cette annexe [section b)], et, enfin, troisièmement, du respect de l’effet utile de l’article 1er, troisième alinéa, de ladite annexe [section c)].
a) La distinction entre les DGE et les modalités d’application
39. Ainsi que l’observe le SEAE dans son pourvoi, il ressort de l’examen de l’annexe X du statut dans son ensemble que l’article 3 de cette annexe prévoit explicitement que l’AIPN peut adopter une décision sur la base de DGE. En revanche, l’article 10, paragraphe 3, de ladite annexe fait usage d’une terminologie distincte et prévoit que l’AIPN fixe les modalités d’application de l’article 10 de cette même annexe.
40. Une telle dichotomie terminologique a des répercussions sur les modes d’adoption des DGE et des modalités d’application. Ainsi, l’article 110 du statut énonce que les DGE sont arrêtées par l’AIPN après consultation de son comité du personnel et avis du comité du statut. En revanche, l’article 10, paragraphe 1, quatrième alinéa, de l’annexe X du statut précise que l’ICV fixée pour chaque lieu d’affectation fait l’objet annuellement d’une évaluation et, le cas échéant, d’une révision de la part de l’AIPN, après avis du comité du personnel ; en outre, le paragraphe 3 de cet article indique que l’AIPN fixe les modalités d’application de l’article 10 de l’annexe X du statut.
41. Suivre l’interprétation proposée par le Tribunal, soutenu sur ce point par les requérants en première instance, conduirait à la multiplication des exigences procédurales. En effet, pour pouvoir procéder à la révision de l’ICV applicable aux agents affectés dans les pays tiers, l’AIPN devrait, d’une part, consulter son comité du personnel et obtenir l’avis du comité du statut pour adopter des DGE, et, d’autre part, fixer les modalités d’application et obtenir, de nouveau, l’avis du comité du personnel. Dès lors, si, ainsi que l’a considéré le Tribunal, l’AIPN doit adopter des DGE préalablement à l’adoption d’une décision révisant le montant de l’ICV, on doit s’interroger sur les raisons ayant conduit à la mention des modalités d’application à l’article 10, paragraphe 3, de l’annexe X du statut, celui-ci posant des exigences procédurales moins élevées par rapport à celles prévues à l’article 110 du statut.
42. Cette multiplication des exigences procédurales peut constituer un indice de ce que l’article 1er, troisième alinéa, de l’annexe X du statut n’édicte pas une obligation expresse en ce qui concerne l’adoption d’une décision révisant le montant de l’ICV applicable aux agents affectés dans les pays tiers, telle que la décision litigieuse. Cette considération n’est pas remise en cause par les arguments avancés par les requérants en première instance, qui, en invoquant l’arrêt Osorio e.a./SEAE (8), font valoir que la lecture de l’ensemble des dispositions de l’annexe X du statut et, plus spécifiquement, de l’article 3 de cette annexe, ne confirme pas l’interprétation proposée par le SEAE.
b) Les références aux DGE dans l’annexe X du statut
43. Il est vrai que le Tribunal de la fonction publique a interprété l’article 3 de l’annexe X du statut dans son arrêt Osorio e.a./SEAE (9), et que le pourvoi formé contre cet arrêt a donné lieu à l’arrêt du Tribunal dans l’affaire Vanhalewyn/SEAE (10). Dans ce premier arrêt, le Tribunal de la fonction publique a considéré que, selon son libellé, cette disposition est expressément prévue par dérogation à l’article 1er, premier alinéa, de cette annexe. En conséquence, les DGE auxquelles l’article 3 de l’annexe X du statut fait référence, et qui concernent la situation des fonctionnaires réaffectés temporairement au siège ou à tout autre lieu d’affectation dans l’Union, ne sauraient, selon le Tribunal de la fonction publique, s’appliquer aux « dispositions particulières et dérogatoires applicables aux fonctionnaires [...] affectés dans un pays tiers », visées à l’article 1er, premier alinéa, de cette annexe, et renvoyer ainsi aux DGE prévues à l’article 1er, troisième alinéa, de cette même annexe (11).
44. À cet égard, il convient de relever que, en indiquant que l’ annexe X du statut détermine les dispositions particulières et dérogatoires applicables aux fonctionnaires de l’Union affectés dans un pays tiers, l’article 1er, premier alinéa, de cette annexe désigne le champ d’application de celle-ci, de sorte que les dispositions de ladite annexe ne sont pas en principe applicables à l’égard des fonctionnaires affectés au sein de l’Union. Or, sur la base de l’article 3 de l’annexe X du statut, l’AIPN peut décider, par dérogation à l’article 1er, premier alinéa, de cette annexe, de soumettre un fonctionnaire réaffecté temporairement dans l’Union à certaines dispositions de ladite annexe, bien que celle-ci ait été désignée pour réglementer la situation des fonctionnaires affectés dans un pays tiers.
45. Par ailleurs, la dérogation prévue à l’article 3 de l’annexe X du statut ne concerne que le premier alinéa de l’article 1er de cette annexe. En conséquence, cette dérogation permet à l’AIPN d’étendre le champ d’application ratione personae de ladite annexe (12). Rien n’implique que l’article 3 de l’annexe X du statut échappe aux exigences prévues à l’article 1er, troisième alinéa, de cette annexe, qui dispose que les DGE doivent être adoptées conformément à l’article 110 du statut.
46. Il ressort de ces considérations que l’article 1er, troisième alinéa, de l’annexe X du statut ne constitue pas une source autonome et suffisante d’une obligation d’adopter des DGE conformément à l’article 110 du statut. À mon sens, une telle obligation expresse ou implicite ne peut découler que de la lecture combinée de cette disposition et d’une autre disposition de l’annexe X du statut. En effet, ainsi qu’il ressort du point 23 des présentes conclusions, une obligation d’adopter des DGE existe lorsque le législateur le prévoit expressément ou lorsqu’elle s’impose par la nature même de la disposition à appliquer.
47. Il y a lieu de confronter les considérations qui précèdent avec la thèse soutenue par les requérants en première instance lors de l’audience, selon laquelle cette interprétation de l’article 1er, troisième alinéa, de l’annexe X du statut priverait cette disposition de tout effet utile.
c) Sur l’effet utile de l’article 1er, troisième alinéa, de l’annexe X du statut
48. Il est évident que l’interprétation selon laquelle l’article 1er, troisième alinéa, de l’annexe X du statut ne constitue, pour reprendre les termes employés par le SEAE, qu’un « renvoi procédural » peut susciter des doutes quant à l’architecture de cette annexe et, plus spécifiquement, quant aux raisons pour lesquelles l’article 1er, troisième alinéa y a été inséré. En effet, on pourrait arguer qu’il ressort déjà de l’article 110 du statut que des DGE sont adoptées conformément à la procédure prévue à cette disposition. Par ailleurs, le statut contient également des dispositions faisant mention des DGE, sans que l’adoption de celles-ci dans le respect de l’article 110 du statut soit expressément édictée par ces dispositions (13).
49. Or, la technique législative reposant sur un renvoi à l’article 110 du statut n’est pas réservée à l’annexe X du statut. En effet, on retrouve dans le statut plusieurs dispositions qui font référence à l’adoption des DGE conformément à son article 110 (14). Il y a ainsi toujours, du point de vue du législateur, un intérêt à renvoyer à l’article 110 du statut pour préciser que des DGE sont adoptées conformément à la procédure prévue à cette disposition.
50. Certes, dans le cadre de ces dispositions du statut, un renvoi à l’article 110 du statut est accompagné de la précision selon laquelle il s’agit des DGE d’un certain article ou alinéa (15). En revanche, l’article 1er, troisième alinéa, de l’annexe X du statut ne contient pas une précision similaire, selon laquelle il s’agirait des DGE de cette annexe ou de l’ensemble des dispositions de celle-ci. Or, je suis d’avis qu’on ne saurait se substituer au législateur et ajouter une telle précision de portée générale en ce qui concerne toutes les dispositions de l’annexe concernée. Ainsi que l’observe le SEAE, une telle interprétation pourrait vider de leur sens les dispositions de l’annexe X du statut qui sont autosuffisantes et leur octroyer un caractère incomplet.
51. Après tout, cette annexe X est la seule qui prévoit expressément que ses dispositions sont dérogatoires par rapport aux autres dispositions du statut. Il est exact que l’article 101 bis du statut prévoit que ladite annexe X détermine les dispositions particulières et dérogatoires applicables aux fonctionnaires affectés dans un pays tiers, sans préjudice des autres dispositions du statut. On pourrait ainsi arguer que la réaffirmation de l’applicabilité de l’article 110 du statut par l’article 1er, troisième alinéa, de l’annexe X de ce statut est superflue. Cependant, sans cette réaffirmation, il serait difficile de déterminer si, en mentionnant les DGE à son article 3, l’annexe X du statut déroge également à la procédure prévue à l’article 110 de ce statut.
52. Ensuite, l’obligation d’adopter des DGE peut prendre la forme d’une obligation expresse ou d’une obligation implicite. Il n’est pas à exclure que, en complément de son article 3, l’annexe X du statut contienne également des dispositions qui, en raison de leur nature même, nécessitent l’adoption de DGE. Dans un tel cas, l’article 1er, troisième alinéa, de l’annexe X du statut exigerait le respect des exigences procédurales de l’article 110 de ce statut.
53. Enfin, l’article 1er, troisième alinéa, de l’annexe X du statut est susceptible d’être interprété en ce sens que, lorsque des DGE sont adoptées en l’absence de toute obligation, les exigences procédurales de l’article 110 du statut n’en doivent pas moins être observées.
54. Il ressort de ces considérations que l’interprétation selon laquelle l’article 1er, troisième alinéa, de l’annexe X du statut ne constitue pas une source autonome et suffisante d’une obligation d’adopter des DGE ne conduit pas à priver cette disposition de son sens.
55. Au passage, il convient de relever que cette interprétation est, dans une certaine mesure, confirmée par la récente jurisprudence du Tribunal.
56. Certes, dans l’arrêt Vanhalewyn/SEAE (16), invoqué à plusieurs reprises dans l’arrêt attaqué, le Tribunal a reconnu l’existence d’une obligation expresse d’adopter des DGE en ce qui concerne l’ensemble de l’annexe X du statut, en ce compris les dispositions régissant l’octroi de l’ICV.
57. Toutefois, la considération relative à l’ensemble de cette annexe, figurant dans l’arrêt susmentionné, ne peut être considérée qu’en tant qu’obiter dictum. En effet, l’arrêt Vanhalewyn/SEAE (17) concernait une décision par laquelle avait été mise à jour la liste des pays tiers pour lesquels les conditions de vie sont considérées comme équivalentes à celles habituellement constatées dans l’Union. Cette décision se rapportait ainsi à l’article 10, paragraphe 1, deuxième alinéa, de l’annexe X du statut, qui se borne à énoncer que l’ICV n’est pas versée lorsque le fonctionnaire est affecté dans un pays où les conditions de vie peuvent être considérées comme équivalentes à celles qui prévalent habituellement dans l’Union. En revanche, la décision litigieuse se rapporte à l’article 10, paragraphe 1, troisième et quatrième alinéas, de l’annexe X du statut, dont le contenu est plus explicatif que celui de l’article 10, paragraphe 1, deuxième alinéa, de cette même annexe.
58. Par ailleurs, dans l’arrêt PO e.a./SEAE (18), postérieur à l’arrêt Vanhalewyn/SEAE (19), le Tribunal semble avoir lui-même quelque peu limité la portée de sa jurisprudence, en jugeant que l’article 1er, troisième alinéa, de l’annexe X du statut ne saurait être interprété comme obligeant le SEAE à adopter des DGE portant sur l’exercice du pouvoir décisionnel conféré par l’article 15, seconde phrase, de cette annexe. Dans son arrêt PO e.a./SEAE (20), le Tribunal a précisé que les considérations qu’il y exposait étaient conformes à celles formulées dans l’arrêt Vanhalewyn/SEAE (21). Compte tenu des circonstances de la présente affaire, j’estime qu’il n’y a pas lieu de se prononcer sur ce point. Ce qui est pertinent en l’espèce, également à la lumière de l’arrêt PO e.a./SEAE (22), est le fait que l’article 1er, troisième alinéa, de l’annexe X du statut n’édicte pas une obligation de portée générale en ce qui concerne l’ensemble de l’annexe X de ce statut.
59. Eu égard aux observations qui précèdent, je considère que le premier moyen du pourvoi est fondé, dans la mesure où le SEAE fait valoir que c’est à tort que le Tribunal a considéré que l’article 1er, troisième alinéa, de l’annexe X du statut édicte une obligation expresse d’adopter des DGE préalablement à l’adoption, sur la base de l’article 10, paragraphe 1, troisième alinéa, de cette annexe, d’une décision révisant le montant de l’ICV versée aux agents affectés dans les pays tiers. Toutefois, je ne pense pas que cette considération soit suffisante pour annuler l’arrêt attaqué sans examiner le second moyen du pourvoi.
B. Sur le second moyen
60. Pour rappel, aux points 28 et 29 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a indiqué que l’adoption de DGE est obligatoire dans deux hypothèses : lorsque le législateur le prévoit expressément ou lorsqu’elle s’impose par la nature même de la disposition à appliquer.
61. Le second moyen du pourvoi fait écho aux considérations formulées par le Tribunal aux points 28 et 29 de l’arrêt attaqué. Par ce moyen, le SEAE fait valoir que le Tribunal a commis une erreur de droit en considérant que l’article 10 de l’annexe X du statut est une disposition de nature à nécessiter l’adoption de DGE, en ce sens qu’elle manque de clarté et de précision à un point tel qu’elle ne se prête pas à une application dépourvue d’arbitraire.
62. En revanche, les requérants en première instance font valoir, à titre principal, que le second moyen est inopérant. Le Tribunal ayant jugé à bon droit que l’article 1er, troisième alinéa, de l’annexe X du statut prévoit expressément l’obligation pour le SEAE d’adopter des DGE de l’article 10 de cette annexe, la prétendue clarté de cet article 10 serait sans incidence.
1. Sur le caractère opérant du moyen
63. Je suis sensible aux arguments des requérants en première instance quant au caractère opérant du second moyen, dans la mesure où la lecture de l’arrêt attaqué peut laisser des doutes en ce qui concerne la source de l’obligation qui, selon le Tribunal, pesait sur le SEAE. En effet, dans un premier temps, aux points 30 et 31 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a indiqué que, en ce qui concerne l’ensemble de l’annexe X du statut, y compris les dispositions régissant l’octroi de l’ICV prévues à l’article 10 de cette annexe, l’article 1er, troisième alinéa, de ladite annexe énonce expressément une obligation d’adopter des DGE.
64. Toutefois, dans un second temps, au point 32 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a présenté des arguments en faveur de l’obligation d’adopter des DGE en ce qui concerne l’article 10 de l’annexe X du statut. Pour le Tribunal, cette obligation s’explique par le fait que cette disposition confère à l’AIPN une marge d’appréciation particulièrement large quant à la détermination des conditions de vie prévalant dans les pays tiers. Dans cette veine, au point 38 de l’arrêt attaqué, le Tribunal semble considérer que l’adoption des DGE est nécessaire pour garantir que les critères selon lesquels sont déterminées les conditions de vie prévalant dans les pays tiers soient établis de manière abstraite et indépendante de toute procédure ayant pour objet de réviser le montant de l’ICV, afin d’éviter que le choix de ces critères ne soit influencé par un résultat éventuellement voulu par l’administration.
65. Dans ces circonstances, on ne peut pas exclure que le Tribunal n’ait pas, à tout le moins implicitement, procédé à la qualification de l’article 10 de l’annexe X du statut également au regard de la seconde hypothèse mentionnée au point 60 des présentes conclusions.
66. Si ma lecture de l’arrêt attaqué est correcte et si la nature même de l’article 10 de l’annexe X du statut impose une obligation d’adopter des DGE, le second moyen ne serait pas inopérant et le fait que le premier moyen du pourvoi soit bien fondé n’entraînerait pas l’annulation de l’arrêt attaqué. J’estime ainsi que l’analyse du pourvoi ne saurait s’arrêter à l’appréciation du premier moyen et qu’il convient d’examiner également le second moyen du pourvoi.
2. Sur le fond
67. À titre de rappel, par son second moyen, le SEAE fait essentiellement valoir que le Tribunal a commis une erreur de droit en considérant que l’article 10 de l’annexe X du statut est une disposition de nature à nécessiter l’adoption de DGE. En particulier, le Tribunal aurait considéré que cette disposition manquait de clarté et de précision à un point tel qu’elle ne se prêtait pas à une application dépourvue d’arbitraire. Or, fait valoir le SEAE, dans le cadre de l’adoption des modalités d’exécution relatives à l’ICV, l’article 10, paragraphe 1, quatrième alinéa, de l’annexe X du statut impose que soit pris l’avis du comité du personnel, ce qui aurait été le cas lors de l’adoption des décisions du 17 décembre 2013 et du 3 décembre 2014. Cette étape permettrait à elle seule d’écarter tout risque que les critères déterminant le taux de l’ICV soient imposés par l’administration afin d’obtenir un résultat recherché. Le degré de détail de cet article 10, qui établirait les paramètres à prendre en compte pour la fixation de l’ICV et mettrait en place une évaluation annuelle de ceux-ci, démontrerait d’ailleurs à lui seul que les dispositions concernées ne laissent pas de marge de manœuvre pour une application arbitraire.
68. Les requérants en première instance affirment que ce moyen est – pour autant qu’il soit opérant – non fondé, étant donné que l’adoption de DGE implique que l’avis du comité du statut peut influencer la décision de l’AIPN.
69. À cet égard, l’article 10, paragraphe 1, troisième alinéa, de l’annexe X du statut indique que « l’[ICV] est fixée compte tenu, notamment, des paramètres suivants ». Certes, le terme « notamment » indique que la liste des paramètres indiqués n’est pas exhaustive. Toutefois, cette disposition doit être lue en conjonction avec l’article 10, paragraphe 3, de l’annexe X du statut, selon lequel l’AIPN « fixe les modalités d’application du présent article ». De plus, ainsi que l’observe le SEAE, la fixation de l’ICV est soumise à l’évaluation annuelle et, le cas échéant, fait l’objet d’une révision, après avis du comité du personnel. Le législateur a donc prévu plusieurs mesures permettant d’écarter le risque de l’arbitraire dans la mise en œuvre de l’article 10, paragraphe 1, troisième et quatrième alinéas, de l’annexe X du statut.
70. À la lumière des considérations qui précèdent, je considère que le second moyen est fondé. Il ressort ainsi de mon analyse que les deux moyens du pourvoi introduit par le SEAE sont fondés.
71. Par conséquent, l’arrêt attaqué doit être annulé en raison des erreurs de droit dont il est entaché et qui consistent en une interprétation erronée de l’article 1er, troisième alinéa et de l’article 10 de l’annexe X du statut, dans la mesure où le Tribunal a considéré que, en mettant en œuvre cette dernière disposition et en adoptant une décision révisant le montant de l’ICV applicable aux agents affectés dans les pays tiers, telle que la décision litigieuse, le SEAE se trouvait dans l’obligation d’adopter des DGE. Dans ces circonstances, il y a lieu d’accueillir le pourvoi et d’annuler le premier point du dispositif de l’arrêt attaqué.
72. Par ailleurs, conformément à l’article 61 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, lorsque le pourvoi est fondé, la Cour annule la décision du Tribunal. Elle peut alors soit statuer elle-même définitivement sur le litige, lorsque celui-ci est en état d’être jugé, soit renvoyer l’affaire devant le Tribunal pour qu’il statue.
73. Je considère que le litige n’est pas en état d’être jugé. En effet, dans le recours introduit devant le Tribunal, les requérants en première instance ont invoqué trois moyens. Or, ainsi que l’a déclaré le Tribunal au point 44 de l’arrêt attaqué, celui-ci a été rendu sans que les deuxième et troisième moyens invoqués devant lui aient été examinés. Il convient dès lors de renvoyer l’affaire devant le Tribunal pour qu’il statue sur ces moyens.
VI. Conclusion
74. Au vu des considérations qui précèdent, j’estime que les moyens invoqués par le Service européen pour l’action extérieure (SEAE) doivent être accueillis et je propose à la Cour de statuer comme suit :
1) Le premier point du dispositif de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 13 avril 2018, Alba Aguilera e.a./SEAE (T‑119/17, EU:T:2018:183), par lequel le Tribunal a annulé la décision du Service européen pour l’action extérieure (SEAE) du 19 avril 2016 portant réduction, à compter du 1er janvier 2016, de l’indemnité de conditions de vie versée au personnel de l’Union européenne affecté en Éthiopie, de 30 % à 25 % du montant de référence, ainsi que le troisième point du dispositif de cet arrêt, par lequel le Tribunal a condamné le SEAE aux dépens, sont annulés.
2) L’affaire est renvoyée devant le Tribunal de l’Union européenne.
3) Les dépens sont réservés.
1 Langue originale : le français.
2 T‑119/17, ci-après l’« arrêt attaqué », EU:T:2018:183.
3 Voir, également, concernant ces deux hypothèses, arrêt du 8 juillet 1965, Willame/Commission (110/63, EU:C:1965:71).
4 Arrêt du 17 mars 2016 (T‑792/14 P, EU:T:2016:156).
5 Arrêt du 17 mars 2016 (T‑792/14 P, EU:T:2016:156).
6 Selon le point 35 de cet arrêt, le fait que l’AIPN eût fixé « des critères aptes à guider son appréciation de l’équivalence des conditions de vie » est dépourvu de pertinence, dans la mesure où ces critères n’étaient pas consacrés dans des DGE.
7 Arrêt du 17 mars 2016 (T‑792/14 P, EU:T:2016:156, points 22 et 23).
8 Arrêt du 25 septembre 2014 (F‑101/13, EU:F:2014:223).
9 Arrêt du 25 septembre 2014 (F‑101/13, EU:F:2014:223, points 24 et 25).
10 Arrêt du 17 mars 2016 (T‑792/14 P, EU:T:2016:156).
11 Arrêt du 25 septembre 2014, Osorio e.a./SEAE (F‑101/13, EU:F:2014:223, point 25).
12 Au passage, le fait que l’article 3 de l’annexe X du statut prévoie la possibilité d’étendre le champ d’application de celle-ci explique également la raison pour laquelle l’AIPN est obligée d’adopter des DGE préalablement à l’adoption d’une décision sur la base de cette disposition. En effet, l’extension du champ d’application de cette annexe aux fonctionnaires affectés, même temporairement, au sein de l’Union pourrait être contraire à l’objectif de l’annexe X du statut et violer le principe d’égalité de traitement. Voir, en ce sens, arrêt du 29 mai 1997, de Rijk/Commission (C‑153/96 P, EU:C:1997:268, points 28 et 29).
13 Voir, à titre d’illustration, article 9, paragraphe 1, troisième alinéa, et article 13 bis de l’annexe VII du statut, ainsi qu’article 11, paragraphe 2, deuxième alinéa, de l’annexe VIII du statut.
14 Voir article 27, deuxième alinéa, et article 45 bis, paragraphe 5, du statut ainsi qu’article 2, paragraphe 3, de l’annexe IX du statut.
15 Voir note en bas de page 13.
16 Arrêt du 17 mars 2016 (T‑792/14 P, EU:T:2016:156, points 24 et 25).
17 Arrêt du 17 mars 2016 (T‑792/14 P, EU:T:2016:156, points 24 et 25).
18 Arrêt du 25 octobre 2018 (T‑729/16, EU:T:2018:721, points 160 à 165).
19 Arrêt du 17 mars 2016 (T‑792/14 P, EU:T:2016:156).
20 Arrêt du 25 octobre 2018 (T‑729/16, EU:T:2018:721, points 166 à 170).
21 Arrêt du 17 mars 2016 (T‑792/14 P, EU:T:2016:156).
22 Arrêt du 25 octobre 2018 (T‑729/16, EU:T:2018:721).
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