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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) |
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You are here: BAILII >> Databases >> Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) >> Keolis CIF and Others v Commission (Judgment) French Text [2019] EUECJ T-289/17 (12 July 2019) URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2019/T28917.html Cite as: EU:T:2019:537, ECLI:EU:T:2019:537, [2019] EUECJ T-289/17 |
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ARRÊT DU TRIBUNAL (première chambre)
12 juillet 2019 (*)
« Aides d’État – Régime d’aide mis à exécution par la France entre 1994 et 2008 – Subventions à l’investissement octroyées par la Région Île-de-France – Décision déclarant le régime d’aide compatible avec le marché intérieur – Notions d’“aide existante” et d’“aide nouvelle” – Article 107 TFUE – Article 108 TFUE – Article 1er, sous b), i) et v), du règlement (UE) 2015/1589 – Délai de prescription – Article 17 du règlement 2015/1589 »
Dans l’affaire T‑289/17,
Keolis CIF, établie au Mesnil-Amelot (France), et les autres parties requérantes dont les noms figurent en annexe (1), représentées par Mes R. Sermier et D. Epaud, avocats,
parties requérantes,
contre
Commission européenne, représentée par Mmes L. Armati, C. Georgieva-Kecsmar et M. T. Maxian Rusche, en qualité d’agents,
partie défenderesse,
ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation partielle de la décision (UE) 2017/1470 de la Commission, du 2 février 2017, concernant les régimes d’aides SA.26763 2014/C (ex 2012/NN) mis à exécution par la France en faveur des entreprises de transport par autobus dans la Région Île-de-France (JO 2017, L 209, p. 24),
LE TRIBUNAL (première chambre),
composé de Mme I. Pelikánová, président, MM. V. Valančius et U. Öberg (rapporteur), juges,
greffier : M. E. Coulon,
rend le présent
Arrêt
I. Antécédents du litige
1 Par le présent recours, les requérantes, Keolis CIF et les autres parties requérantes dont les noms figurent en annexe, demandent l’annulation partielle de la décision (UE) 2017/1470 de la Commission, du 2 février 2017, concernant les régimes d’aides SA.26763 2014/C (ex 2012/NN) mis à exécution par la France en faveur des entreprises de transport par autobus dans la Région Île-de-France (JO 2017, L 209, p. 24, ci-après la « décision attaquée »).
2 Les requérantes sont des entreprises de droit français qui exercent leurs activités sur le territoire de la Région Île-de-France (France, ci-après la « Région »), où elles exploitent des réseaux de transport routier de voyageurs.
3 Le 20 octobre 1994, le conseil régional d’Île-de-France a adopté la délibération CR 34-94, relative à l’aide pour l’amélioration des services de transport en commun routier exploités par des entreprises privées ou en régie, aux fins de reconduire un ensemble de mesures d’aide précédemment mises en œuvre en faveur desdites entreprises. Deux délibérations, à savoir les délibérations CR 44-98 et CR 47-01 (ci-après, prises avec la délibération CR 34-94, les « délibérations litigieuses »), lui ont succédé, respectivement en 1998 et en 2001, avant que le dispositif d’aide mis en place ne soit abrogé en 2008.
4 En application des délibérations litigieuses, la Région accordait des aides financières aux collectivités publiques de son territoire ayant conclu des contrats d’exploitation de lignes régulières d’autobus avec des entreprises privées de transport collectif régulier par route ou exploitant de telles lignes directement par le biais d’une régie. Les collectivités publiques reversaient ensuite les aides auxdites entreprises de transport (ci-après les « bénéficiaires finaux »).
5 Les aides étaient octroyées sous la forme de subventions à l’investissement et visaient à favoriser l’acquisition de véhicules neufs et l’installation de nouveaux équipements par les bénéficiaires finaux, en vue d’améliorer l’offre de transport collectif et de remédier aux externalités négatives liées à la circulation routière particulièrement dense du réseau de la Région.
6 Selon les autorités françaises, 135 entreprises, parmi lesquelles l’ensemble des requérantes, ont bénéficié des aides de la Région entre 1994 et 2008. L’utilisation des aides était encadrée par des avenants aux conventions d’exploitation conclues entre les collectivités publiques et les bénéficiaires finaux. Les avenants étaient contresignés par le président du conseil régional d’Île-de-France et détaillaient les obligations qui incombaient aux bénéficiaires finaux en contrepartie du versement des aides.
7 Le 17 octobre 2008, une plainte a été introduite auprès de la Commission européenne concernant les régimes d’aide d’État présumés illégaux constitués des mesures de soutien mises en œuvre en faveur de certaines entreprises de transport par autobus, entre 1994 et 2008, par la Région sur son territoire, puis, à compter de 2008, par le syndicat des transports d’Île-de-France (STIF, France).
8 Par lettre du 11 mars 2014, la Commission a notifié à la République française sa décision d’ouvrir la procédure formelle d’examen prévue à l’article 108, paragraphe 2, TFUE. Par la publication de cette décision au Journal officiel de l’Union européenne (JO 2014, C 141, p. 38), la Commission a invité les parties intéressées à présenter leurs observations sur les mesures en cause.
9 Le 30 avril 2014, la République française a soumis ses observations à la Commission. L’ensemble des observations déposées par les parties intéressées, parmi lesquelles le groupe de sociétés Keolis, dont font partie les requérantes, a été communiqué à la République française, qui n’a fait part d’aucun commentaire.
10 Le 21 juin 2016, la Commission a reçu une note commune de la part de quatre des sept parties intéressées, visant à préciser leur position à la suite du prononcé de l’arrêt du 6 octobre 2015, Commission/Andersen (C‑303/13 P, EU:C:2015:647). Le 9 novembre 2016, la Région, en sa qualité de partie intéressée, a complété ses observations.
11 Le 2 février 2017, la Commission a adopté la décision attaquée et clôturé la procédure formelle d’examen, prévue à l’article 108, paragraphe 2, TFUE.
12 Dans la décision attaquée, la Commission a notamment estimé que les subventions à l’investissement octroyées au titre du régime d’aide en cause par la Région, entre 1994 et 2008, constituaient des aides d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, qui n’avaient pas affecté les échanges entre les États membres dans une mesure contraire à l’intérêt commun et étaient, par conséquent, compatibles avec le marché intérieur au sens de l’article 107, paragraphe 3, TFUE. Elle a en revanche conclu que, dans la mesure où ces aides n’avaient pas été notifiées et devaient être qualifiées d’« aides nouvelles », elles avaient été illégalement mises à exécution, en violation de l’article 108, paragraphe 3, TFUE.
13 Le dispositif de la décision attaquée se lit comme suit :
« Article premier
Le régime d’aide illégalement mis à exécution par [la République française] entre 1994 et 2008, sous la forme des subventions à l’investissement octroyées par la Région Île-de-France dans le cadre des délibérations CR 34-94, CR 44-98 et CR 47-01, est compatible avec le marché intérieur.
[…]
Article 4
La République française est destinataire de la présente décision. »
II. Procédure devant les juridictions nationales
14 En mai 2004, le syndicat autonome des transporteurs de voyageurs (ci-après le « SATV ») a demandé au président du conseil régional d’Île-de-France d’abroger les délibérations litigieuses. À la suite du rejet de cette demande, le SATV a saisi le tribunal administratif de Paris (France) d’un recours en annulation contre la décision du président du conseil régional d’Île-de-France, le 17 juin 2004.
15 Par jugement no 0417015, du 10 juillet 2008, le tribunal administratif de Paris a fait droit au recours du SATV et enjoint à la Région de soumettre au conseil régional d’Île-de-France une nouvelle délibération au motif que le dispositif d’aide mis en œuvre en application des délibérations litigieuses n’avait pas été notifié à la Commission. Le tribunal administratif de Paris a, par ailleurs, enjoint à la Région de procéder à l’abrogation des délibérations litigieuses.
16 La Région, tout en faisant appel contre cette décision, a adopté la délibération CR 80-08, du 16 octobre 2008, visant à abroger les délibérations litigieuses.
17 Par l’arrêt no 08PA04753, du 12 juillet 2010, la cour administrative d’appel de Paris (France) a confirmé le jugement du tribunal administratif de Paris no 0417015, du 10 juillet 2008. La Région a formé un pourvoi en cassation contre cette décision devant le Conseil d’État (France). Par l’arrêt no 343440, du 23 juillet 2012, le Conseil d’État a rejeté ce pourvoi.
18 Le 27 janvier 2015, les requérantes ont déposé un recours en tierce-opposition contre l’arrêt de la cour administrative d’appel de Paris du 12 juillet 2010.
19 À la suite du rejet du recours en tierce-opposition par la cour administrative d’appel de Paris, le 27 novembre 2015 (arrêt no 15PA00385), les requérantes ont formé un pourvoi en cassation devant le Conseil d’État, lequel était toujours pendant à la date d’introduction de la requête.
20 À la suite d’une nouvelle requête introduite par le SATV le 27 octobre 2008, le tribunal administratif de Paris a enjoint à la Région, par le jugement no 0817138, du 4 juin 2013, d’émettre les titres exécutoires permettant la récupération des aides versées sur le fondement des délibérations litigieuses. Le 27 novembre 2015, la cour administrative d’appel de Paris a rejeté l’appel de la Région contre cette décision (arrêt no 13PA03172). La Région a formé un pourvoi en cassation devant le Conseil d’État, lequel était toujours pendant à la date de l’introduction de la requête.
III. Procédure et conclusions des parties
21 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 16 mai 2017, les requérantes ont introduit, en application de l’article 263 TFUE, le présent recours, tendant à l’annulation partielle de la décision attaquée.
22 Les requérantes concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :
– déclarer le recours recevable ;
– annuler la décision attaquée dans la mesure où il y est constaté, à titre principal, que le régime d’aide mis en œuvre dans le cadre des délibérations CR 34-94, CR 44-98 et CR 47-01 constitue un régime d’aide nouveau qui a été « illégalement mis à exécution » et, à titre subsidiaire, que la prescription ne s’attache qu’aux subventions versées avant mai 1994 ;
– condamner la Commission aux dépens.
23 La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– à titre principal, déclarer le recours irrecevable ;
– à titre subsidiaire, rejeter le recours ;
– condamner les requérantes aux dépens.
IV. En droit
A. Sur la recevabilité
24 La Commission, sans soulever une exception d’irrecevabilité par acte séparé sur le fondement de l’article 130, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, conclut à l’irrecevabilité du recours au motif de l’absence de qualité pour agir et d’intérêt à agir des requérantes.
25 Les requérantes soutiennent que le recours est recevable en ce qu’elles disposent tant de la qualité pour agir que d’un intérêt à agir contre la décision attaquée.
26 À cet égard, il convient de rappeler que le juge de l’Union européenne est en droit d’apprécier, suivant les circonstances de chaque espèce, si une bonne administration de la justice justifie de rejeter au fond un recours, sans statuer préalablement sur sa recevabilité (arrêts du 26 février 2002, Conseil/Boehringer, C‑23/00 P, EU:C:2002:118, points 51 et 52, et du 14 septembre 2015, Brouillard/Cour de justice, T‑420/13, non publié, EU:T:2015:633, point 18).
27 Dans les circonstances de l’espèce, le Tribunal considère que, dans un souci d’économie de la procédure, il y a lieu d’examiner d’emblée le bien-fondé du recours, sans statuer préalablement sur sa recevabilité.
B. Sur le fond
28 À l’appui de leur recours, les requérantes soulèvent, en substance, deux moyens. Le premier moyen est tiré d’une violation, d’une part, de l’article 108, paragraphe 1, TFUE, lu en combinaison avec l’article 1er, sous b), i) et v), du règlement (UE) 2015/1589 du Conseil, du 13 juillet 2015, portant modalités d’application de l’article 108 TFUE (JO 2015, L 249, p. 9), en ce que la Commission aurait considéré, à tort, dans la décision attaquée, que les aides octroyées au titre du régime d’aide en cause, entre 1994 et 2008, étaient des aides nouvelles qui, en l’absence de notification, ont été illégalement mises à exécution et, d’autre part, de l’obligation de motivation dans le cadre de l’application de l’article 1er, sous b), v), dudit règlement, en ce que la Commission n’aurait pas suffisamment détaillé les raisons pour lesquelles elle estimait que lesdites aides constituaient déjà des aides d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, au moment de leur introduction. Le second moyen, invoqué à titre subsidiaire, est pris d’une violation de l’article 17, paragraphe 2, de ce même règlement, en ce que la Commission aurait conclu, à tort, dans la décision attaquée, que seules les aides versées au titre du régime d’aide en cause avant mai 1994 étaient prescrites.
1. Sur le premier moyen, tiré d’une violation de l’article 108, paragraphe 1, TFUE, lu en combinaison avec l’article 1er, sous b), i) et v), du règlement 2015/1589, et d’une violation de l’obligation de motivation
a) Sur la recevabilité du premier moyen
29 La Commission considère que le premier moyen est, en partie, irrecevable, en ce que les arguments des requérantes relatifs au grief tiré d’une violation de l’article 1er, sous b), i), du règlement 2015/1589 n’ont pas été soulevés dans le cadre des procédures nationales relatives au régime d’aide en cause et, en partie, inopérant, dans la mesure où ces mêmes arguments ne sont pas susceptibles de remettre en cause les conclusions des juridictions nationales concernant le caractère nouveau dudit régime.
30 Les requérantes contestent les arguments de la Commission.
31 À cet égard, il convient de rappeler que, contrairement à ce que la Commission a allégué dans ses écritures, il n’appartient pas au Tribunal d’apprécier si les moyens ou les arguments soulevés devant lui font ou non l’objet d’un pourvoi en cassation ou d’un contentieux devant les juridictions nationales. En effet, il suffit que, par son résultat, le recours en annulation introduit devant le juge de l’Union soit susceptible de procurer un bénéfice à la partie qui l’a intenté et que l’annulation de l’acte soit susceptible, par elle‑même, d’avoir des conséquences juridiques à son égard (voir arrêt du 17 septembre 2015, Mory e.a./Commission, C‑33/14 P, EU:C:2015:609, point 55 et jurisprudence citée).
32 Aux termes de l’article 108, paragraphe 3, TFUE, lorsqu’une aide a été octroyée illégalement, les juridictions nationales sont tenues de tirer toutes les conséquences juridiques de cette illégalité, conformément à leur droit national (voir, en ce sens, arrêt du 21 juillet 2005, Xunta de Galicia, C‑71/04, EU:C:2005:493, point 49 et jurisprudence citée).
33 Il s’ensuit que, quand bien même la question du caractère nouveau ou existant du régime d’aide en cause n’aurait pas été soulevée dans le cadre des procédures pendantes devant les juridictions nationales, l’annulation partielle de la décision attaquée sur le fondement du présent moyen serait susceptible d’avoir des conséquences juridiques à l’égard des requérantes et de leur conférer un bénéfice, en ce qu’elle aurait pour effet de dégager les juridictions nationales de l’obligation leur incombant au titre de l’article 108, paragraphe 3, TFUE.
34 Partant, le premier moyen doit être déclaré recevable. Dans la mesure où, conformément à la jurisprudence citée au point 32 ci-dessus, l’obligation pour les juridictions nationales de tirer toutes les conséquences de l’annulation partielle de la décision attaquée pourrait notamment les contraindre à remettre en cause des conclusions qu’elles auraient précédemment atteintes, concernant le régime d’aide en cause, dans des décisions antérieures à la décision attaquée, l’argumentation de la Commission visant à faire constater que le présent moyen est inopérant doit être rejetée.
b) Sur le bien-fondé du premier moyen
35 Les requérantes soutiennent, en substance, que la Commission a qualifié, à tort, dans la décision attaquée, les subventions à l’investissement octroyées par la Région entre 1994 et 2008 de régime d’aide nouveau et qu’elle n’a pas suffisamment motivé son appréciation à cet égard.
36 Au soutien de leurs allégations, les requérantes invoquent trois principaux griefs. Premièrement, elles font valoir que le régime d’aide en cause doit être qualifié de régime d’aide existant, en application de l’article 1er, sous b), i), du règlement 2015/1589, au motif que la possibilité pour les collectivités territoriales d’octroyer des subventions aux entreprises de transport public de voyageurs par route a été introduite par l’article 19 du décret no 49-1473, du 14 novembre 1949, relatif à la coordination et à l’harmonisation des transports ferroviaires et routiers (JORF du 15 novembre 1949, p. 11104, ci-après le « décret de 1949 »), avant l’entrée en vigueur du traité instituant la Communauté économique européenne (devenu traité FUE) en France, le 1er janvier 1958. Deuxièmement, elles estiment que, dans la mesure où les marchés de transport public des États membres de l’Union étaient fermés à la concurrence avant 1995, date retenue dans l’arrêt du 24 juillet 2003, Altmark Trans et Regierungspräsidium Magdeburg (C‑280/00, EU:C:2003:415), concernant l’ouverture desdits marchés, la Commission ne pouvait considérer que les aides octroyées au titre du régime d’aide en cause constituaient déjà des aides au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, au moment de leur introduction et n’étaient, de ce fait, pas susceptibles de constituer des aides existantes au titre de l’article 1er, sous b), v), première phrase, du règlement 2015/1589. Troisièmement, elles soutiennent que l’analyse effectuée par la Commission quant au caractère nouveau ou existant du régime d’aide en cause au regard de l’article 1er, sous b), v), du règlement 2015/1589 ne leur permet pas de connaître les raisons pour lesquelles la Commission a estimé que les subventions à l’investissement octroyées par la Région constituaient, dès leur première mise en œuvre, un régime d’aide d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE.
37 À cet égard, il convient de rappeler que le défaut ou l’insuffisance de motivation vise à établir la violation des formes substantielles et requiert, de ce fait, un examen distinct, en tant que tel, de l’appréciation de l’inexactitude des motifs de la décision attaquée, dont le contrôle relève de l’examen du bien-fondé de cette décision (voir, en ce sens, arrêts du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink’s France, C‑367/95 P, EU:C:1998:154, point 67, et du 15 décembre 2005, Italie/Commission, C‑66/02, EU:C:2005:768, point 26).
38 Il convient donc d’examiner le grief tiré de la violation de l’obligation de motivation dans le cadre de l’application de l’article 1er, sous b), v), du règlement 2015/1589, avant les autres griefs soulevés dans le cadre du présent moyen, lesquels portent sur la légalité au fond de la décision attaquée.
1) Sur le grief tiré d’une violation de l’obligation de motivation
39 Les requérantes font, en substance, grief à la Commission de n’avoir pas suffisamment détaillé, dans la décision attaquée, les raisons pour lesquelles elle estimait que les subventions à l’investissement octroyées par la Région au titre du régime d’aide en cause constituaient un régime d’aide d’État à compter de leur introduction et devaient, par conséquent, être qualifiées d’aides nouvelles, en application de l’article 1er, sous b), v), deuxième phrase, du règlement 2015/1589.
40 La Commission conteste les arguments des requérantes.
41 Il convient de rappeler que, en vertu de l’article 296, deuxième alinéa, TFUE, les actes juridiques sont motivés. De plus, aux termes de l’article 41, paragraphe 2, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, le droit à une bonne administration comprend l’obligation pour l’administration de motiver ses décisions.
42 Selon une jurisprudence constante, la portée de l’obligation de motivation dépend de la nature de l’acte en cause et du contexte dans lequel il a été adopté. La motivation doit faire apparaître de manière claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, de façon, d’une part, à permettre au juge de l’Union d’exercer son contrôle de légalité et, d’autre part, à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise, afin de pouvoir défendre leurs droits et de vérifier si la décision est ou non bien fondée (voir arrêt du 6 mars 2003, Westdeutsche Landesbank Girozentrale et Land Nordrhein-Westfalen/Commission, T‑228/99 et T‑233/99, EU:T:2003:57, point 278 et jurisprudence citée).
43 Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences prévues par l’article 296, deuxième alinéa, TFUE doit être appréciée non seulement au regard de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (arrêt du 6 mars 2003, Westdeutsche Landesbank Girozentrale et Land Nordrhein-Westfalen/Commission, T‑228/99 et T‑233/99, EU:T:2003:57, point 279).
44 Toutefois, si la Commission n’est pas tenue de prendre position sur tous les arguments invoqués devant elle par les intéressés, elle doit exposer les faits et les considérations juridiques revêtant une importance essentielle dans l’économie de la décision (voir, en ce sens, arrêt du 6 mars 2003, Westdeutsche Landesbank Girozentrale et Land Nordrhein-Westfalen/Commission, T‑228/99 et T‑233/99, EU:T:2003:57, point 280).
45 En ce qui concerne la qualification d’une mesure d’aide, l’obligation de motivation exige que soient indiquées les raisons pour lesquelles la Commission considère que la mesure en cause entre dans le champ d’application de l’article 107, paragraphe 1, TFUE (arrêt du 13 juin 2000, EPAC/Commission, T‑204/97 et T‑270/97, EU:T:2000:148, point 36).
46 En outre, même dans les cas où il ressort des circonstances dans lesquelles l’aide a été accordée qu’elle est de nature à affecter les échanges entre États membres et à fausser ou à menacer de fausser la concurrence, il incombe, à tout le moins, à la Commission d’évoquer ces circonstances dans les motifs de sa décision (arrêts du 7 juin 1988, Grèce/Commission, 57/86, EU:C:1988:284, point 15 ; du 24 octobre 1996, Allemagne e.a./Commission, C‑329/93, C‑62/95 et C‑63/95, EU:C:1996:394, point 52, et du 30 avril 1998, Vlaamse Gewest/Commission, T‑214/95, EU:T:1998:77, point 64).
47 En effet, sauf à vider l’article 107, paragraphe 1, TFUE de sa substance, l’affectation des échanges entre les États membres ne peut être purement hypothétique ou présumée. Ainsi, il y a lieu de déterminer la raison pour laquelle la mesure considérée fausse ou menace de fausser la concurrence et est susceptible d’affecter, par ses effets prévisibles, les échanges entre les États membres (arrêt du 18 mai 2017, Fondul Proprietatea, C‑150/16, EU:C:2017:388, point 30).
48 À cet égard, il convient de rappeler que, aux termes de l’article 1er, sous b), v), du règlement 2015/1589, est réputée existante toute aide qui ne constituait pas une aide au moment de sa mise en vigueur, mais qui l’est devenue par la suite, en raison de l’évolution du marché intérieur, et sans avoir été modifiée par l’État membre. En revanche, les mesures qui deviennent une aide à la suite de la libéralisation d’une activité par le droit de l’Union ne sont pas considérées comme une aide existante après la date fixée pour la libéralisation.
49 La Commission a conclu, aux considérants 226 et 237 de la décision attaquée, que, dans la mesure où les bénéficiaires finaux étaient susceptibles d’utiliser le matériel subventionné dans le cadre d’une activité de transport occasionnel ou sur d’autres marchés de transport régulier ouverts à la concurrence en France ou sur le territoire de l’Union, les aides octroyées au titre du régime d’aide en cause étaient susceptibles de fausser la concurrence et d’affecter les échanges entre les États membres et, par conséquent, de constituer des aides d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, dès leur première mise en œuvre.
50 Au soutien de cette conclusion, la Commission a cité le jugement no 0417015, du 10 juillet 2008, du tribunal administratif de Paris et l’arrêt no 08PA 04753, du 12 juillet 2010, de la cour administrative d’appel de Paris, concluant à la mise en œuvre illégale du régime d’aide en cause.
51 En outre, après avoir indiqué que l’octroi des aides régionales était encadré par les délibérations litigieuses qui dataient, pour la première, de 1994 et constituaient la base juridique du régime d’aide en cause, la Commission a dûment tenu compte des arguments des parties à la procédure administrative visant à établir que ledit régime avait été introduit soit à une date antérieure à l’entrée en vigueur du traité instituant la Communauté européenne en France, soit à une date antérieure à 1994, à laquelle le marché du transport collectif régulier par route n’était pas encore ouvert à la concurrence, à savoir en 1984 ou, au plus tôt, en 1979.
52 À cet égard, il ressort des considérants 234 à 237 de la décision attaquée que la Commission a examiné la question de savoir si l’existence d’un régime d’aide d’État, au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, aurait déjà pu être constatée s’agissant des éventuelles aides octroyées avant 1994 aux seules fins de répondre aux arguments de la Région et de certaines parties intéressées présentés au cours de la procédure administrative.
53 Par conséquent, il ne saurait être déduit des considérants 234 à 237 de la décision attaquée que la Commission a elle-même considéré que le régime d’aide en cause avait pu être institué à tout moment entre 1979 et 2008. Au contraire, elle a estimé que la période 1979-1994 était antérieure à l’introduction du régime d’aide en cause. Dans ces conditions, il ne saurait lui être fait grief d’avoir omis d’expliquer en quoi les subventions octroyées au cours de cette période pouvaient être qualifiées d’aides d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE.
54 En outre, il ne saurait être reproché à la Commission de n’avoir pas suffisamment détaillé les raisons pour lesquelles elle estimait qu’il convenait de rejeter les arguments des parties intéressées visant à faire valoir que le régime d’aide en cause avait été introduit à une date antérieure à 1994 et devait être qualifié de régime d’aide existant, dans la mesure où le marché du transport régulier de voyageurs n’était pas encore ouvert à la concurrence à cette date.
55 En effet la Commission a expliqué, aux considérants 226 et 237 de la décision attaquée, que, quand bien même le régime d’aide en cause aurait été instauré à une date antérieure à 1994, il aurait été susceptible de fausser la concurrence et d’affecter les échanges entre les États membres et, par conséquent, de satisfaire aux critères prévus à l’article 107, paragraphe 1, TFUE dès son introduction, compte tenu de la présence des bénéficiaires finaux sur le marché du transport occasionnel de voyageurs.
56 Il s’ensuit que la Commission a fourni une motivation certes sommaire mais, dans le cas d’espèce, suffisante, pour permettre aux requérantes de comprendre les raisons pour lesquelles elle considérait que, depuis la création du régime d’aide en cause, les aides octroyées au titre dudit régime étaient susceptibles de fausser la concurrence et d’affecter les échanges entre les États membres et donc de constituer des aides nouvelles au sens de l’article 1er, sous b), v), du règlement 2015/1589.
57 Partant, le grief tiré d’une violation de l’obligation de motivation doit être rejeté.
2) Sur le grief tiré d’une violation de l’article 1er, sous b), i), du règlement 2015/1589
58 Les requérantes soutiennent que le régime d’aide en cause est un régime d’aide existant, dont le décret de 1949 constitue la base juridique, et qui a été introduit à une date antérieure à celle de l’entrée en vigueur du traité instituant la Communauté économique européenne en France, le 1er janvier 1958. Elles rappellent que, conformément à l’article 1er, sous b), i), du règlement 2015/1589, les aides introduites avant l’entrée en vigueur du traité FUE dans l’État membre concerné sont considérées comme existantes.
59 Les requérantes font également valoir que, depuis la Première Guerre mondiale, les opérateurs privés de transport par autobus sur le territoire de la Région ont eu pour habitude de conclure des conventions avec les collectivités territoriales françaises afin que ces dernières contribuent à leurs dépenses de fonctionnement ou à leurs investissements. Cette pratique de subventionnement aurait été formalisée par l’article 19 du décret de 1949, lequel n’aurait été abrogé qu’en 2012, sans jamais avoir été modifié jusqu’à cette date, et visait à mettre en œuvre les principes fixés à l’article 7 de la loi no 49-874, du 5 juillet 1949, relative à diverses dispositions d’ordre économique et financier (JORF du 6 juillet 1949, p. 6637). La Commission aurait omis de tenir compte de ces éléments et se serait contentée d’indiquer que le décret de 1949 ne pouvait pas être considéré comme la base juridique du dispositif d’aide de la Région.
60 La Commission conteste les arguments des requérantes. Elle rappelle avoir conclu, au considérant 236 de la décision attaquée, que le décret de 1949 ne définissait aucun des paramètres clés du régime d’aide en cause, à savoir, sa durée, son budget, ses bénéficiaires, la nature des biens éligibles à la subvention et le taux de subvention, et qu’il ne créait aucun droit à recevoir des subventions.
61 Le décret de 1949 prévoyait ce qui suit :
« Article 2
Les services de transports de voyageurs qui sont soumis à des mesures de coordination et d’harmonisation par application des dispositions de l’article 7 de la loi du 5 juillet 1949 sont :
[…]
2. Les services routiers de transports publics de voyageurs énumérés ci-après […] :
Les services réguliers, y compris les services saisonniers et périodiques […] ;
Les services occasionnels, c’est-à-dire ceux qui, bien que faits à la demande, répondent à des besoins généraux du public, se renouvelant à certaines époques de chaque année […]
Article 19
Une collectivité territoriale peut subventionner un service routier en passant avec une entreprise un contrat qui fixe les obligations imposées à celle-ci en sus de celles résultant de son règlement d’exploitation.
Le tarif établi conformément à ce contrat doit respecter toutes les règles contenues dans les articles précédents. »
62 S’agissant de la question de savoir si les aides octroyées au titre du régime d’aide en cause trouvent leur origine dans le décret de 1949, premièrement, il convient de préciser que les modalités d’octroi des subventions prévues par le décret de 1949 différaient de celles des aides accordées au titre de la délibération CR 34-94. Comme le fait valoir, à juste titre, la Commission, dans le cadre de la délibération CR 34-94, les subventions à l’investissement étaient octroyées par la Région aux collectivités publiques avant d’être reversées aux bénéficiaires finaux. Un tel mécanisme de reversement n’existait pas dans le cadre du décret de 1949.
63 Deuxièmement, il ressort de l’arrêt no 343440, du 23 juillet 2012, du Conseil d’État que les subventions accordées au titre de la délibération CR 34-94 visaient uniquement à faciliter l’acquisition de matériel par les entreprises de transport public d’Île-de-France, sans que le régime d’aide en cause ait pour objet ou pour effet d’imposer, en contrepartie, des obligations tarifaires aux bénéficiaires finaux. Tel n’était pas le cas de l’article 19 du décret de 1949 qui, tout en prévoyant, à titre général, la possibilité pour les collectivités territoriales françaises de conclure des contrats de subventions avec ces mêmes entreprises, visait le contrôle des tarifs appliqués. L’article 11 de ce décret disposait ainsi que, « pour les services ayant un contrat avec une collectivité territoriale, les tarifs sont fixés […] conformément au contrat passé entre l’entreprise et la collectivité qui verse la subvention ».
64 Troisièmement, les délibérations litigieuses ne comportaient aucune référence au décret de 1949. Ces délibérations ne mentionnaient que le code général des collectivités territoriales, la loi no 82-1153, du 30 décembre 1982, d’orientation des transports intérieurs (JORF du 31 décembre 1982, p. 4004) et plusieurs délibérations antérieures et décrets adoptés conformément au droit national, parmi lesquels ne figurait pas le décret de 1949.
65 Quatrièmement, les délibérations litigieuses s’inscrivaient dans un cadre législatif spécifique, relatif à l’organisation des transports en Île-de-France, lequel a été précisé, pour la première fois, dans l’ordonnance no 59-151, du 7 janvier 1959, relative à l’organisation des transports de voyageurs dans la région parisienne (JORF du 10 janvier 1959, p. 696), près de dix ans après l’adoption du décret de 1949.
66 Il découle de l’ensemble de ces considérations que le décret de 1949 ne constituait pas la base juridique du régime d’aide en cause.
67 Dans ces conditions, il convient de constater que les requérantes n’ont pas produit devant le Tribunal les éléments de preuve suffisants aux fins d’établir que le régime d’aide en cause doit être qualifié de régime d’aide existant au titre de l’article 1er, sous b), i), du règlement 2015/1589.
68 Le fait que les requérantes invoquent l’existence d’une simple pratique de subventionnement remontant à l’époque de la Première Guerre mondiale ne saurait suffire à démontrer, pour la période antérieure à l’entrée en vigueur du traité instituant la Communauté économique européenne en France, l’existence d’une mesure étatique susceptible de constituer une aide au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE.
69 Partant, le grief tiré d’une violation de l’article 1er, sous b), i), du règlement 2015/1589 doit être rejeté.
3) Sur le grief tiré d’une violation de l’article 1er, sous b), v), du règlement 2015/1589
70 Les requérantes soutiennent, en substance, que la Commission a commis une violation de l’article 1er, sous b), v), du règlement 2015/1589 en ce qu’elle n’a pas considéré, dans la décision attaquée, que les aides octroyées par la Région constituaient un régime d’aide existant au titre de cette disposition. À cet égard, elles estiment, en particulier, que, dans la mesure où les marchés de transport public des États membres de l’Union n’ont été ouverts à la concurrence qu’à compter de 1995, date retenue dans l’arrêt du 24 juillet 2003, Altmark Trans et Regierungspräsidium Magdeburg (C‑280/00, EU:C:2003:415), concernant l’ouverture desdits marchés, les subventions octroyées au titre des délibérations litigieuses n’étaient pas susceptibles de constituer un régime d’aide au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, lorsqu’elles ont été octroyées pour la première fois.
71 La Commission fait valoir que, comme l’a établi le tribunal administratif de Paris dans le jugement no 0417015, du 10 juillet 2008, les bénéficiaires finaux opéraient à la fois sur le marché du transport régulier de voyageurs et sur le marché du transport occasionnel de voyageurs. Or, le marché du transport occasionnel de voyageurs aurait déjà été libéralisé en 1979. Il s’ensuivrait que le régime d’aide en cause aurait été susceptible d’affecter la concurrence entre les États membres sur ce marché, quelle que soit sa date d’introduction, pour autant qu’elle se situe entre 1979 et 2008.
72 La Commission ajoute que la date à prendre en compte pour l’ouverture du marché du transport régulier de voyageurs est celle de l’entrée en vigueur de la loi no 93-122, du 29 janvier 1993, relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques (JORF du 30 janvier 1993, p. 1588, ci-après la « loi Sapin »), qui a permis l’entrée d’investisseurs et d’opérateurs sur le marché français et a transposé dans le droit français la directive 93/38/CEE du Conseil, du 14 juin 1993, portant coordination des procédures de passation des marchés dans les secteurs de l’eau, de l’énergie, des transports et des télécommunications (JO 1993, L 199, p. 84).
73 Selon la Commission, le fait qu’il ressorte de l’arrêt du 24 juillet 2003, Altmark Trans et Regierungspräsidium Magdeburg (C‑280/00, EU:C:2003:415), que certains États membres ont ouvert leur marché à la concurrence en 1995 n’exclurait pas que la France ait pu ouvrir le sien dès 1993.
74 Il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, la notion d’« évolution du marché intérieur » figurant à l’article 1er, sous b), v), du règlement 2015/1589 peut être comprise comme se référant à une modification du contexte économique et juridique dans le secteur concerné par la mesure en cause. Une telle modification peut, en particulier, résulter de la libéralisation d’un marché initialement fermé à la concurrence (voir, en ce sens, arrêt du 24 mars 2011, Freistaat Sachsen et Land Sachsen-Anhalt/Commission, T‑443/08 et T‑455/08, EU:T:2011:117, point 188).
75 Conformément à l’article 1er, sous b), v), du règlement 2015/1589, la date de libéralisation d’une activité par le droit de l’Union doit être prise en considération aux seules fins d’exclure que, à la suite de cette date, une mesure qui ne constituait pas une aide avant la libéralisation soit qualifiée d’aide existante (voir, par analogie, arrêt du 16 janvier 2018, EDF/Commission, T‑747/15, EU:T:2018:6, point 369).
76 En l’espèce, il ressort de la décision attaquée, et plus particulièrement du considérant 18, sous a), des considérants 19, 183 et 186 de cette décision, que la Commission a estimé que le régime d’aide en cause avait été instauré en 1994 et abrogé en 2008, avec pour conséquence que le dispositif d’aide initial de 1979 doit être considéré comme un régime d’aide distinct de celui mis en œuvre par les délibérations CR 34-94 et suivantes.
77 S’agissant de la question de savoir si le régime d’aide en cause doit être qualifié de régime d’aide existant aux termes de l’article 1er, sous b), v), du règlement 2015/1589 ou conformément à la jurisprudence selon laquelle un régime d’aide institué dans un marché initialement fermé à la concurrence doit être considéré, lors de la libéralisation de ce marché, comme un régime d’aide existant (arrêt du 15 juin 2000, Alzetta e.a./Commission, T‑298/97, T‑312/97, T‑313/97, T‑315/97, T‑600/97 à T‑607/97, T‑1/98, T‑3/98 à T‑6/98 et T‑23/98, EU:T:2000:151, point 143), il convient de rappeler que la loi Sapin, qui a opéré la libéralisation du marché du transport régulier de voyageurs sur l’ensemble du territoire français, à l’exception de l’Île-de-France, a été adoptée en 1993, soit avant la date d’entrée en vigueur de la délibération CR 34-94, et que cette dernière date coïncide, selon l’analyse effectuée par la Commission dans la décision attaquée, telle que rappelée au point 76 ci-dessus, avec la date d’introduction du régime d’aide en cause.
78 Compte tenu de ces éléments, c’est à bon droit que la Commission a estimé, dans la décision attaquée, que les bénéficiaires finaux pouvaient, à compter de 1994, utiliser l’équipement financé par les aides octroyées au titre du régime d’aide en cause sur d’autres marchés de transport régulier de voyageurs ouverts à la concurrence et, par conséquent, que lesdites aides étaient susceptibles d’affecter la concurrence et les échanges entre les États membres et de constituer des aides nouvelles à compter de cette date.
79 Cette conclusion ne saurait être remise en cause par l’affirmation des requérantes selon laquelle la loi Sapin est antérieure à toute libéralisation formelle du marché du transport régulier par le droit de l’Union. En effet, l’article 1er, sous b), v), du règlement 2015/1589 doit être lu en ce sens que la seule présence d’une date de libéralisation, résultant de l’entrée en vigueur d’une réglementation européenne, ne suffit pas à exclure qu’une mesure puisse être qualifiée d’aide nouvelle si, sur la base du critère de l’évolution du marché, il peut être prouvé que la mesure a été adoptée sur un marché qui était déjà, en tout ou partie, ouvert à la concurrence avant la date de libéralisation de l’activité concernée par le droit de l’Union (voir, par analogie, arrêt du 16 janvier 2018, EDF/Commission, T‑747/15, EU:T:2018:6, point 369).
80 À cet égard, il convient de souligner que les requérantes n’ont pas contesté la qualification des subventions octroyées au titre des délibérations litigieuses d’aides d’État, au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, pour la période 1994-2008. De surcroît, la conclusion de la Commission selon laquelle l’ensemble des critères prévus à l’article 107, paragraphe 1, TFUE étaient satisfaits pour cette période est conforme à l’analyse qui figure dans les décisions des juridictions nationales, à savoir, en particulier, le jugement no 0417015, du 10 juillet 2008, du tribunal administratif de Paris et l’arrêt no 08PA04753, du 12 juillet 2010, de la cour administrative d’appel de Paris, notamment cités au considérant 226 de la décision attaquée.
81 Par ailleurs, quand bien même la Commission aurait commis, ainsi que l’allèguent les requérantes, une erreur en considérant que le régime d’aide en cause n’a été introduit qu’en 1994, cette seule erreur ne saurait suffire à invalider la conclusion selon laquelle celui-ci doit être considéré comme un régime d’aide nouveau. En effet, ainsi qu’il a déjà été relevé au point 49 ci-dessus, il ressort des considérants 226 et 237 de la décision attaquée que, même en admettant l’hypothèse selon laquelle le régime d’aide en cause devrait être regardé comme ayant été institué dès 1979 ou au plus tard en 1994, à une date à laquelle le marché du transport régulier de voyageurs était encore fermé à la concurrence, les bénéficiaires finaux étaient susceptibles d’utiliser le matériel financé partiellement par la Région dans le cadre d’activités de transport occasionnel ouvertes à la concurrence.
82 En l’espèce, les requérantes n’ont produit aucun élément de preuve concret aux fins d’établir que le marché du transport occasionnel ne faisait pas l’objet d’échanges entre les États membres au cours de la période ayant précédé l’introduction du régime d’aide en cause ou lors de son introduction.
83 De plus, la cour administrative d’appel de Paris avait déjà souligné la pertinence du marché du transport occasionnel de voyageurs dans son arrêt no 15PA00385, du 27 novembre 2015. Ainsi, c’est en se fondant sur les décisions des juridictions nationales que la Commission a constaté que le régime d’aide en cause devait être regardé comme ayant affecté, dès son introduction, les échanges entre les États membres et la concurrence, y compris dans l’hypothèse où il aurait été instauré en 1979.
84 Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, le grief tiré d’une violation de l’article 1er, sous b), v), du règlement 2015/1589 doit être rejeté, de même que l’ensemble du premier moyen.
2. Sur le second moyen, tiré d’une violation de l’article 17, paragraphe 2, du règlement 2015/1589
85 Les requérantes contestent, en substance, la conclusion, au considérant 239 de la décision attaquée, selon laquelle, dès lors qu’un premier recours a été introduit auprès des juridictions nationales en mai 2004, seules les aides octroyées au titre du régime d’aide en cause avant mai 1994 sont prescrites.
86 Plus particulièrement, les requérantes soutiennent que, contrairement à ce qu’a estimé la Commission au considérant 239 de la décision attaquée, aucun recours susceptible d’interrompre le délai de prescription aux termes de l’article 17, paragraphe 2, du règlement 2015/1589 n’a été déposé devant les juridictions nationales en mai 2004. Le 4 mai 2004 correspondrait à la date à laquelle le SATV a demandé à la Région de procéder à l’abrogation du régime d’aide en cause, demande dont n’aurait été saisi le tribunal administratif de Paris que le 23 juillet 2004.
87 Selon les requérantes, la Commission n’a pas expliqué en quoi la saisine d’une juridiction nationale pouvait être assimilée à une « mesure prise par la Commission ou un État membre, agissant à la demande de la Commission », au sens de l’article 17, paragraphe 2, du règlement 2015/1589. En concluant, dans la décision attaquée, que le délai de prescription était susceptible d’être interrompu par le premier recours déposé devant les juridictions nationales par un concurrent des requérantes, la Commission aurait élargi le champ d’application de cette disposition et, de ce fait, méconnu le principe de sécurité juridique.
88 En outre, les requérantes considèrent que la Commission s’est écartée du texte de la lettre du 11 mars 2014 qu’elle leur a adressée à l’issue de la phase préliminaire d’examen, laquelle prévoyait que seules les aides octroyées après 1998 n’étaient pas prescrites.
89 La Commission affirme que le second moyen est inopérant. Elle considère que son analyse de la prescription des aides octroyées au titre du régime d’aide en cause au regard du contentieux national ne relève pas de l’interprétation de l’article 17 du règlement 2015/1589, mais de celle de l’article 108, paragraphe 3, TFUE.
90 Selon la Commission, l’article 108, paragraphe 3, TFUE vise à ce que les juridictions nationales préservent sa compétence exclusive pour l’autorisation des aides et son pouvoir de récupération. Le délai de prescription serait déterminé par le droit national et pourrait être interrompu par la première action en justice intentée devant les juridictions nationales par un concurrent des bénéficiaires finaux.
91 Il convient de relever que l’article 17, paragraphe 2, du règlement 2015/1589 fixe les modalités de calcul du délai de prescription de dix ans auquel sont soumis les pouvoirs de la Commission en matière de récupération de l’aide, tandis que l’article 17, paragraphe 3, dudit règlement prévoit que « [t]oute aide à l’égard de laquelle le délai de prescription a expiré est réputée être une aide existante ». L’article 1er, sous b), iv), de ce même règlement précise que l’aide existante inclut « toute aide réputée existante conformément à l’article 17 ».
92 À cet égard, il ressort des considérants 238 à 240 de la décision attaquée que la question de la prescription des aides litigieuses a été examinée par la Commission aux seules fins de vérifier si la conclusion précédemment atteinte, dans cette décision, quant au caractère nouveau du régime d’aide en cause, était susceptible d’être remise en cause du fait de la prescription d’une partie de ces aides. En particulier, le considérant 239 de la décision attaquée vise à confirmer que « toute aide versée par la Région après mai 1994 (…) doit être considérée comme une aide nouvelle au titre de la présente procédure ».
93 Il s’ensuit que les considérations exposées au considérant 239 de la décision attaquée ont un lien explicite avec l’analyse effectuée dans cette décision concernant le caractère nouveau ou existant du régime d’aide en cause, de sorte que, contrairement à ce qu’allègue la Commission, celle-ci visait, dans ce considérant, à faire application de l’article 1er, sous b), iv), du règlement 2015/1589, lu en combinaison avec l’article 17 de ce règlement.
94 Par ailleurs, il convient de constater que les règles en matière de prescription définies à l’article 17 du règlement 2015/1589 se rapportent uniquement aux « pouvoirs de la Commission en matière de récupération de l’aide ». Cette disposition doit en effet être lue à la suite de l’article 16, paragraphe 1, dudit règlement, lequel prévoit, en substance, que c’est uniquement en cas de décision négative concernant l’aide illégale, soit après avoir constaté l’incompatibilité des aides litigieuses avec le marché intérieur, que la Commission peut adopter une décision de récupération.
95 Il en résulte que les règles en matière de prescription prévues à l’article 17 du règlement 2015/1589, de même que l’article 1er, sous b), iv), dudit règlement, n’ont pas vocation à s’appliquer dans un cas où, comme en l’espèce, la Commission a reconnu la compatibilité des aides illégales avec le marché intérieur postérieurement à leur octroi.
96 De même, le délai de prescription de dix ans prévu à l’article 17 du règlement 2015/1589 ne peut être interprété comme s’étendant aux pouvoirs des autorités nationales de recouvrer des intérêts au titre de la période durant laquelle les aides en cause ont été illégalement versées.
97 À cet égard, il ressort du libellé même de l’article 17, paragraphe 2, du règlement 2015/1589 que cette disposition vise à régir entièrement la question de la prescription applicable en cas de décision de récupération des aides par la Commission. L’introduction d’un recours au niveau des juridictions nationales par un concurrent ne saurait, dès lors, constituer « mesure prise par la Commission ou un État membre, agissant à la demande de la Commission, à l'égard de l'aide illégale », au sens de l’article 17, paragraphe 2, du règlement 2015/1589.
98 Dans ces conditions, même si les juridictions nationales avaient décidé, s’agissant du régime d’aide en cause, que les aides octroyées au titre de celui-ci étaient prescrites à compter de l’introduction du premier recours devant elles par un concurrent des bénéficiaires finaux, cette décision n’aurait pas été susceptible de s’imposer à la Commission.
99 Réciproquement, il y a lieu de considérer que les pouvoirs des autorités nationales concernant une éventuelle récupération des aides en cause ou des intérêts au titre de la période durant laquelle les aides en cause ont été illégalement versées sont soumis aux seules règles de prescription du droit national applicables devant le juge national.
100 En effet, la Cour a précisé, aux points 34 et 35 de son arrêt du 5 octobre 2006, Transalpine Ölleitung in Österreich (C‑368/04, EU:C:2006:644), que, dans la mesure où le règlement 2015/1589 contient des règles de nature procédurale qui s’appliquent à toutes les procédures administratives en matière d’aides d’État pendantes devant la Commission, celui-ci codifie et étaye la pratique de la Commission en matière d’examen des aides d’État et ne contient aucune disposition relative aux pouvoirs et aux obligations des juridictions nationales, lesquels restent régis par les dispositions du traité, telles qu’interprétées par la Cour.
101 En l’espèce, il y a lieu de rappeler, d’une part, que la Commission n’était pas en mesure d’exercer ses pouvoirs de récupération à l’égard des bénéficiaires finaux des aides octroyées au titre du régime d’aide en cause, dès lors qu’elle avait conclu, à l’article 1er du dispositif de la décision attaquée, que le régime d’aide en cause était compatible avec le marché intérieur.
102 Il convient de rappeler, d’autre part, que, lorsque la Commission conclut, comme dans la décision attaquée, à l’illégalité d’une aide, le droit de l’Union impose aux juridictions nationales d’ordonner au bénéficiaire de celle-ci le paiement d’intérêts au titre de la période durant laquelle les aides en cause ont été illégalement versées (voir, en ce sens, arrêts du 12 février 2008, CELF et ministre de la Culture et de la Communication, C‑199/06, EU:C:2008:79, points 51, 52 et 55, et du 16 octobre 2014, Alpiq RomIndustries et Alpiq RomEnergie/Commission, T‑129/13, non publié, EU:T:2014:895, point 39). Cependant, même en l’absence de circonstances exceptionnelles, il ne leur impose pas de récupérer également l’aide illégale, lorsque celle-ci est compatible avec le marché intérieur. Le cas échéant, c’est donc uniquement en vertu du droit national que, conformément à la jurisprudence rappelée au point 32 ci-dessus, le juge national a éventuellement le pouvoir d’ordonner la récupération de l’aide illégale, sans préjudice du droit de l’État membre concerné de mettre de nouveau cette aide à exécution, ultérieurement, ou de faire droit à des demandes d’indemnisation de dommages causés en raison du caractère illégal de l’aide (voir, en ce sens, arrêt du 12 février 2008, CELF et ministre de la Culture et de la Communication, C‑199/06, EU:C:2008:79, point 55).
103 Par conséquent, à supposer que la Commission ait commis une erreur dans l’application de l’article 1er, sous b), iv), et de l’article 17 du règlement 2015/1589, au considérant 239 de la décision attaquée, une telle circonstance n’est pas susceptible de produire des effets juridiques à l’égard des requérantes.
104 Eu égard à l’ensemble de ce qui précède, le second moyen doit être déclaré inopérant, au motif que l’article 17, paragraphe 2, du règlement 2015/1589 ne trouvait pas à s’appliquer en l’espèce, compte tenu de la compatibilité du régime d’aide en cause avec le marché intérieur.
105 L’ensemble des moyens invoqués à l’appui du présent recours se trouvant ainsi rejetés, il y a lieu de rejeter ledit recours.
V. Sur les dépens
106 Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.
107 En l’espèce, les requérantes ayant succombé, il y a lieu de les condamner à supporter, outre leurs propres dépens, ceux de la Commission, conformément aux conclusions de cette dernière.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (première chambre)
déclare et arrête :
1) Le recours est rejeté.
2) Keolis CIFet les autres parties requérantes dont les noms figurent en annexe supporteront, outre leurs propres dépens, ceux exposés par la Commission européenne.
Pelikánová | Valančius | Öberg |
Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 12 juillet 2019.
Signatures
Table des matières
I. Antécédents du litige
II. Procédure devant les juridictions nationales
III. Procédure et conclusions des parties
IV. En droit
A. Sur la recevabilité
B. Sur le fond
1. Sur le premier moyen, tiré d’une violation de l’article 108, paragraphe 1, TFUE, lu en combinaison avec l’article 1er, sous b), i) et v), du règlement 2015/1589, et d’une violation de l’obligation de motivation
a) Sur la recevabilité du premier moyen
b) Sur le bien-fondé du premier moyen
1) Sur le grief tiré d’une violation de l’obligation de motivation
2) Sur le grief tiré d’une violation de l’article 1er, sous b), i), du règlement 2015/1589
3) Sur le grief tiré d’une violation de l’article 1er, sous b), v), du règlement 2015/1589
2. Sur le second moyen, tiré d’une violation de l’article 17, paragraphe 2, du règlement 2015/1589
V. Sur les dépens
* Langue de procédure : le français.
1 La liste des autres parties requérantes n’est annexée qu’à la version notifiée aux parties.
© European Union
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