TV v Council (Staff Regulations of officials and Conditions of Employment of other servants - Judgment) French Text [2019] EUECJ T-453/17 (12 February 2019)


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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions)


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URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2019/T45317.html
Cite as: EU:T:2019:83, ECLI:EU:T:2019:83, [2019] EUECJ T-453/17

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ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre)

12 février 2019 (*)

« Fonction publique – Fonctionnaires stagiaires – Période de stage – Rapport de stage – Avis du comité des rapports – Licenciement à la fin de la période de stage – Qualités professionnelles insuffisantes – Article 34 du statut – Erreur manifeste d’appréciation – Obligation de motivation »

Dans l’affaire T‑453/17,

TV, ancien fonctionnaire stagiaire du Conseil de l’Union européenne, représenté par Mes L. Levi et A. Blot, avocats,

partie requérante,

contre

Conseil de l’Union européenne, représenté par MM. M. Bauer et R. Meyer, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 270 TFUE et tendant, d’une part, à l’annulation de la décision du Conseil du 19 août 2016 portant licenciement du requérant à la fin de sa période de stage ainsi que de la décision du Conseil du 11 avril 2017 portant rejet de la réclamation du requérant et, d’autre part, à la réparation du préjudice moral que le requérant aurait prétendument subi à la suite de ces décisions,

LE TRIBUNAL (troisième chambre),

composé de MM. S. Frimodt Nielsen (rapporteur), président, V. Kreuschitz et Mme N. Półtorak, juges,

greffier : Mme M. Marescaux, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 6 novembre 2018,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Du 1er mai au 30 octobre 2015, le requérant, TV, a occupé comme agent contractuel un poste de traducteur au sein d’une unité de traduction du Conseil de l’Union européenne en exerçant les fonctions d’administrateur.

2        À la fin de cette période, il ressort des notes manuscrites rédigées par le supérieur hiérarchique du requérant, son chef d’unité, à l’occasion d’une réunion intervenue le 12 octobre 2015, qu’il a été indiqué au requérant que « les six mois passés avaient été difficiles », qu’il devait se concentrer sur le style, notamment en lisant les textes du Conseil, et qu’une période supplémentaire de mentorat individuel lui était accordée.

3        Le 1er octobre 2015, après avoir réussi un concours organisé par l’Office européen de sélection du personnel (EPSO), le requérant a été nommé fonctionnaire et s’est vu offrir un poste de traducteur de grade AD 5 au sein de l’unité dans laquelle il avait précédemment travaillé, avec une période de stage de neuf mois qui commençait le 1er novembre 2015.

4        Le 23 février 2016, le requérant a reçu un rapport intermédiaire sur sa période de stage (ci-après le « rapport intermédiaire »). Le rapport intermédiaire indiquait que la compétence, le rendement et la conduite dans le service du requérant faisaient tous l’objet de la troisième des cinq évaluations possibles, à savoir « bien », laquelle correspondait « au niveau élevé de travail attendu d’un fonctionnaire de l’UE ». En conclusion, le rapport intermédiaire faisait état de ce qui suit : « Le fonctionnaire stagiaire progressait de manière satisfaisante. »

5        Au cours des six premiers mois de la période de stage du requérant, le requérant s’est notamment vu communiquer trois rapports « Individual Quality Monitoring » (IQM), en date respectivement du 12 janvier, du 26 février et du 4 avril 2016 :

–        le premier de ces rapports IQM portait sur un document « typique » de deux pages et comportait trois commentaires spécifiques ainsi que le commentaire général suivant : « Une traduction fidèle, bien documentée et, avec quelques exceptions, bien formulée ([u]ne observation “Déclaration de la Commission”, la traduction n’est pas incorrecte, mais normalement nous écrivons “Déclaration venant de la Commission” dans nos textes) » ;

–        le deuxième de ces rapports IQM portait sur un document « difficile » de quatre pages et comportait huit commentaires spécifiques, dont six sur la terminologie, ainsi que le commentaire général suivant : « Il s’agissait d’un texte difficile qui a eu besoin d’un travail approfondi avec beaucoup de recherche, soigneusement documenté [;] [l]a traduction est généralement bonne compte tenu de la complexité [;] [o]n pourrait l’améliorer [;] [e]ntre autres choses, considère l’emploi uniforme du texte, tu peux aussi profiter de la révision minutieuse de […] pour apprendre les changements relatifs à la sélection de mots et formulation standard [;] [i]l est conseillé de lire toute la révision et les exemples indiqués dans la liste ci-dessous » ;

–        le troisième de ces rapports IQM portait sur un document « typique » de quatre pages et comportait huit commentaires spécifiques, dont quatre sur la terminologie, ainsi que le commentaire général suivant : « Une bonne traduction : minutieuse et bien documentée. Les changements sont motivés, principalement de style (voir exemple ci-dessous), mais dans quelques cas aussi de terminologie, le sens devait être corrigé. »

6        Au début du septième mois de stage, le 10 mai 2016, le requérant et son chef d’unité ont eu une réunion pour faire le point sur le déroulement du stage. Le contenu de ces discussions est résumé dans un courriel adressé par le chef d’unité au requérant le jour même, lequel fait état de difficultés constatées dans des traductions du requérant en ce qui concerne, notamment, la méthodologie et la cohérence.

7        Le 18 mai 2016, le requérant a reçu deux nouveaux rapports IQM :

–        le premier de ces rapports IQM portait sur un document « typique » de huit pages, remis le 28 avril 2016, et comportait le commentaire général suivant : « Cette traduction n’est pas adéquate parce qu’elle contient trop d’erreurs (liste exhaustive attachée séparément) [;] [l]es erreurs trouvées indiquent une vision insuffisante sur ce qui doit être vérifié [;] [l]es mots et termes provenant de sources spécifiques n’ont pas été vérifiés [;] [c]ela arrive avec des sources implicites (par exemple quand on dit “insiste”) et claires, comme dans la même phrase [;] [o]n a l’impression que la technologie de recherche est manquante [;] [i]l s]emblerait que parfois vous ne savez pas où se trouve l’information [;] [v]ous avez reçu des renseignements à ce sujet, mais n’hésitez pas à consulter vos collègues si vous avez des doutes [;] [l]a traduction contient aussi quelques erreurs concernant le sens, ce qui relève d’un manque de précision [;] [a]ussi quelques omissions et ajouts de texte relèvent d’un manque de précision [;] [g]ardez à l’esprit qu’il faut toujours relire tout le texte avec attention une fois la traduction finie » ;

–        le second de ces rapports IQM portait sur un document « typique » de trois pages, remis le 2 mai 2016, et comportait six commentaires spécifiques, dont trois sur la terminologie, ainsi que le commentaire général suivant : « Cette traduction n’est pas suffisamment précise. Il s’agissait d’un texte relativement simple, mais la traduction inclut plusieurs erreurs de terminologie et de sens. Une source spécifique […] n’a pas été utilisée. »

8        À la suite de la transmission de ces deux rapports IQM, le 19 mai 2016, le chef d’unité a adressé un courriel au requérant afin de préciser ses préoccupations et ses attentes.

9        Le 27 mai 2016, le requérant a répondu à ce courriel en fournissant certaines raisons susceptibles d’expliquer les difficultés constatées dans ses traductions et en exposant les efforts entrepris pour y remédier.

10      Le 2 juin 2016, une réunion a eu lieu entre le requérant et son chef d’unité pour faire le point sur le déroulement de son stage. À la suite de cette réunion, le chef d’unité a répondu, par courriel en date du même jour, au courriel du requérant du 27 mai 2016. Dans son courriel, le chef d’unité a indiqué être préoccupé par le fait que les difficultés constatées dans les traductions du requérant étaient de même nature que celles constatées par le passé.

11      Le 17 juin 2016, après deux rencontres avec ses notateurs, le requérant a reçu son rapport de fin de stage (ci-après le « rapport final »). Le rapport final fait état de ce que, premièrement, la compétence du requérant est « acceptable » s’agissant de deux aspects (« compréhension » et « expression orale et écrite ») et « peu satisfaisante » s’agissant de trois autres aspects (« connaissances requises pour l’exercice des fonctions », « capacité de jugement » et « capacité à s’organiser ») ; deuxièmement, son rendement est « acceptable » s’agissant de deux aspects (« célérité dans l’exécution des prestations » et « adaptation aux besoins du service ») et « peu satisfaisante » s’agissant de deux autres aspects (« qualité du travail » et « régularité dans la production ») ; et, troisièmement, sa conduite dans le service est « bonne » s’agissant de trois aspects (« sens de l’initiative », « travail en équipe » et « relations humaines ») et « peu satisfaisante » en ce qui concerne le « sens des responsabilités ». En conclusion, pour les raisons détaillées énoncées notamment sous la rubrique « Évaluation générale », le rapport final recommande de ne pas titulariser le requérant en tant que fonctionnaire à l’issue de sa période de stage.

12      Le 28 juin 2016, le requérant a soumis des observations sur le rapport final.

13      Le 27 juillet 2016, le requérant a reçu l’avis du comité des rapports (ci-après l’« avis du CORAP »).

14      Par décision du 19 août 2016, l’AIPN a décidé de procéder au licenciement du requérant à la fin de sa période de stage.

15      Le requérant a contesté cette décision en introduisant une réclamation le 4 novembre 2016.

16      Par décision du 11 avril 2017, l’AIPN a rejeté la réclamation du requérant.

 Procédure et conclusions des parties

17      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 20 juillet 2017, le requérant a introduit le présent recours.

18      Sur proposition du juge rapporteur, le Tribunal (troisième chambre) a décidé d’ouvrir la phase orale de la procédure et dans, le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 89 de son règlement de procédure, a posé au requérant deux questions écrites.

19      Le requérant a répondu à ces questions le 22 octobre 2018.

20      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal lors de l’audience du 6 novembre 2018, à l’occasion de laquelle le Conseil a pu faire valoir ses observations sur les réponses du requérant aux questions écrites du Tribunal.

21      Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision de l’AIPN du 19 août 2016 portant son licenciement à la fin de sa période de stage ;

–        annuler la décision de l’AIPN du 11 avril 2017 portant rejet de sa réclamation ;

–        condamner le Conseil à lui verser une somme de 20 000 euros, en réparation du préjudice moral qu’il aurait prétendument subi ;

–        condamner le Conseil aux dépens.

22      Le Conseil conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner le requérant aux dépens.

 En droit

 Sur les conclusions en annulation

23      À l’appui des conclusions tendant à l’annulation de la décision de l’AIPN du 19 août 2016 et de la décision de l’AIPN du 11 avril 2017 (ces deux décisions de l’AIPN étant ci-après, dénommées ensemble, les « décisions attaquées »), le requérant invoque cinq moyens. Le premier moyen est tiré de la violation de l’obligation de motivation. Le deuxième moyen est tiré de l’illégalité des décisions attaquées en ce qu’elles confirmeraient la conclusion de l’avis du CORAP, qui aurait substitué sa propre évaluation à celle faite par les notateurs. Le troisième moyen est pris de l’existence de plusieurs erreurs manifestes d’appréciation dans les motifs exposés dans les décisions attaquées. Le quatrième moyen est tiré de l’absence de conditions normales de stage. Le cinquième moyen, enfin, est tiré de la violation du devoir de sollicitude et du principe de bonne administration.

 Observations liminaires

24      Il y a lieu de rappeler que les conclusions en annulation sont dirigées contre la décision de l’AIPN du 19 août 2016, portant licenciement du requérant à la fin de sa période de stage, et la décision de l’AIPN du 11 avril 2017 portant rejet de la réclamation du requérant, laquelle complète la motivation de la décision de l’AIPN du 19 août 2016.

25      À cet égard, il ressort de la décision de l’AIPN du 19 août 2016, qui ne comporte qu’une page, que, pour motiver la décision de licencier le requérant à la fin de sa période de stage, l’AIPN se réfère à l’article 34 du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut »), à la nomination du requérant en tant que fonctionnaire stagiaire ainsi qu’au rapport intermédiaire, au rapport final, à l’avis du CORAP et à une audition devant le directeur général de l’administration intervenue le 17 août 2016.

26      Il ressort également de la décision de l’AIPN du 11 avril 2017, qui compte quinze pages, que, pour rejeter la réclamation, l’AIPN a exposé, tout particulièrement au point 22 de cette décision, les différentes étapes de l’intégration du requérant au sein de l’unité de traduction ainsi que les différentes appréciations portées par ses superviseurs et ses collègues sur son travail quand il était agent contractuel et quand il était fonctionnaire stagiaire.

27      C’est en considération de ces documents et des éléments dont il y est fait état qu’il y a lieu d’apprécier les moyens soulevés par le requérant. Le Tribunal estime opportun d’examiner d’abord les deuxième à quatrième moyens.

 Sur le deuxième moyen, tiré de l’illégalité des décisions attaquées en ce qu’elles confirmeraient une conclusion de l’avis du CORAP où celui-ci aurait substitué son appréciation à celle des auteurs du rapport final

28      Le requérant fait valoir que, en considérant, aux points 17 et 19 de son avis, que l’évaluation contenue dans le rapport final était d’une sévérité disproportionnée et manquait de crédibilité et que « les notateurs devaient examiner de manière critique ce rapport en vue d’élaborer un rapport final reflétant de manière plus convaincante et plus précise ses faiblesses et ses points forts », le CORAP a considéré que le rapport final était entaché d’une erreur manifeste d’appréciation. Dès lors, le requérant considère que le CORAP ne pouvait pas conclure, comme il l’a fait au point 18 de son avis, que la qualité de ses performances n’était pas suffisante pour qu’il puisse être titularisé. Une telle conclusion aurait dû être confirmée par les notateurs, qui auraient dû tenir compte des critiques susmentionnées, le CORAP ne pouvant pas substituer son appréciation à celle des notateurs.

29      Le Conseil conteste les arguments du requérant.

30      Il y a lieu tout d’abord de constater que, contrairement à ce que fait valoir le requérant, la conclusion figurant au point 18 de l’avis du CORAP, où il est indiqué qu’« il n’y a pas de raisons suffisantes pour considérer que la conclusion générale du rapport [final], selon laquelle [le requérant] “n’a pas fait preuve de qualités suffisantes pour être titularisé” pendant la période de stage, n’est pas valable », ne constitue pas une appréciation qui viendrait se substituer à celle des auteurs du rapport final.

31      En effet, conformément à ce qui est prescrit à l’article 34, paragraphe 3, deuxième alinéa, du statut, le CORAP ne fait ici qu’exposer son « avis » sur les « mesures à prendre ».

32      Cet avis est ensuite transmis à l’AIPN pour qu’elle puisse, en application de l’article 34, paragraphe 1, du statut, prendre la « décision de titulariser » le fonctionnaire stagiaire en considération du « rapport [final] » et des autres éléments à sa disposition, dont notamment les observations du requérant sur le rapport final et l’avis du CORAP.

33      Ainsi, en l’espèce, au point 18 de son avis, le CORAP indique ne pas avoir trouvé de raisons suffisantes dans les éléments qui lui ont été présentés pour remettre en cause la conclusion du rapport final qui recommandait de ne pas titulariser le fonctionnaire stagiaire.

34      Cette appréciation n’est pas infirmée au point 19 de l’avis du CORAP qui, contrairement à ce que soutient le requérant, se limite à suggérer « que les auteurs du rapport [final] revoient de manière critique ce rapport en vue de rédiger un rapport final reflétant de manière plus convaincante et plus précise les faiblesses ainsi que les forces du [requérant] ».

35      Une telle suggestion, tout comme l’observation de même nature évoquée au point 17 de l’avis du CORAP, ne peut être assimilée à un prétendu constat par le CORAP d’une « erreur manifeste d’appréciation » de la part des notateurs viciant une éventuelle décision de licenciement. Au contraire, le fait que le CORAP a estimé être en mesure de donner son avis sur le licenciement auquel concluait ce rapport final, sans qu’il propose, eu égard notamment aux observations du requérant sur ce rapport, de le titulariser, indique que le CORAP n’a pas constaté l’existence d’une telle erreur.

36      En effet, le CORAP s’est contenté d’indiquer que, étant donné les éléments dont il disposait, il aurait préféré disposer d’éléments plus circonstanciés pour mieux comprendre ce qu’il a qualifié en substance de « retournement de situation » entre une situation initialement favorable à la titularisation qui se serait transformée en peu de temps en une situation où celle-ci n’était plus envisagée. Cette suggestion est faite, toutefois, en complément de son avis, par lequel le CORAP considère clairement qu’il n’y a pas lieu pour lui de s’écarter de la conclusion générale du rapport final.

37      Il ressort de ce qui précède que le deuxième moyen doit être rejeté.

 Sur le quatrième moyen, tiré des conditions anormales de stage et le troisième moyen, tiré de l’existence d’erreurs manifestes dans l’appréciation des qualités professionnelles du fonctionnaire stagiaire au cours du stage

38      Dans les troisième et quatrième moyens, le requérant fait valoir, d’une part, que les décisions attaquées sont entachées d’erreurs manifestes dans l’appréciation de ses qualités professionnelles au cours du stage et, d’autre part, qu’il n’a pas bénéficié de conditions normales pour effectuer ce stage et pour donc faire la preuve de ses qualités professionnelles.

39      Ces moyens portent tous les deux sur les prestations effectuées par le requérant lors de son stage de titularisation et sur les appréciations qui en ont été faites par l’AIPN. Le Tribunal estime opportun de les examiner selon leur ordre contextuel et logique.

40      D’une part, en ce qui concerne le déroulement du stage, le requérant fait valoir que, premièrement, c’est seulement à la mi-mai 2016, « après trois bons rapports IQM et un bon rapport intermédiaire, et après plus de six mois et demi de stage » qu’il a, pour la première fois, été informé qu’il risquait de ne pas être titularisé si ses performances ne s’amélioraient pas dans les « mois suivants ». Or, deux semaines plus tard, et près de deux mois avant la fin de sa période de stage, il aurait été informé qu’il était déjà trop tard. Le chef d’unité aurait également indiqué au CORAP s’être décidé le 2 juin 2016, alors même que le requérant avait toujours un mois de stage. Le stage ne se serait donc pas déroulé normalement, notamment au regard de la communication au personnel CP 93/14 qui demanderait aux notateurs de traiter tout doute à un stade précoce, de communiquer régulièrement avec le fonctionnaire et d’être clairs dans leurs rapports.

41      Deuxièmement, le requérant critique les éléments évoqués dans la décision de l’AIPN du 11 avril 2017, portant rejet de sa réclamation, pour attester du bon déroulement du stage. En particulier, l’AIPN se référerait à des éléments datant de 2015, à un moment où il n’était pas en stage, dont des rapports IQM qui, d’après une note au personnel du 16 septembre 2013, auraient dû être détruits parce que trop anciens. Ensuite, le rapport IQM du 12 janvier 2016 aurait dû être mentionné par l’AIPN, en plus des autres rapports IQM mentionnés, ces rapports étant tous globalement positifs et ne pouvant à eux seuls fonder l’appréciation. Enfin, alors que l’AIPN indiquerait que le chef d’unité a demandé au requérant le 12 octobre 2015 de se concentrer sur la qualité plutôt que sur la productivité, cette demande aurait changé par la suite. Le requérant n’aurait donc pas été informé suffisamment à l’avance que ses performances étaient insuffisantes et n’aurait pas été suffisamment encadré. En réalité, sa performance aurait toujours été satisfaisante, à l’exception d’une courte période allant de mars à avril 2016 sur laquelle le requérant s’est expliqué en mai 2016.

42      D’autre part, en ce qui concerne l’appréciation de ses prestations, premièrement, le requérant critique les comparaisons faites dans plusieurs documents évoqués dans les décisions attaquées entre sa performance en tant que fonctionnaire stagiaire et sa performance passée en tant qu’agent contractuel. Ainsi, dans les courriels du 19 mai et du 2 juin 2016 et dans le rapport final, le chef d’unité se référerait à ces différentes périodes pour formuler des conséquences négatives. L’avis du CORAP montrerait également, à la lecture des observations faites par le chef d’unité reprises au point 7 dudit rapport, que la performance du requérant aurait été irrégulièrement évaluée sur l’ensemble du temps passé au sein de l’unité. En réalité, lors de la période de stage, aucune remarque négative n’aurait été formulée avant avril/mai 2016 et le requérant aurait ensuite répondu favorablement à ces critiques, ainsi qu’il est indiqué au point 12 de l’avis du CORAP qui reprendrait les commentaires positifs d’un des réviseurs à cet égard.

43      Deuxièmement, le requérant critique la comparaison, effectuée aux points 7 et 10 de l’avis du CORAP, entre sa performance et celle d’autres fonctionnaires de l’unité. La période de stage ne serait pas un exercice comparatif et, comme le savait le Conseil au moment de son recrutement, le requérant n’avait qu’une expérience limitée en matière de traduction. Son niveau ne pouvait donc pas atteindre immédiatement celui attendu de traducteurs confirmés. En outre, une telle comparaison serait biaisée, dans la mesure où il avait été demandé au requérant de se concentrer sur la qualité plutôt que sur la quantité. La quantité ne pourrait pas être la priorité pour les nouveaux arrivants.

44      Troisièmement, le requérant fait valoir que les appréciations négatives du rapport final ne peuvent pas être conciliées avec les commentaires positifs formulés dans le rapport intermédiaire. L’avis du CORAP indiquerait ainsi que l’évaluation contenue dans le rapport final est « disproportionnellement sévère » et « manque de crédibilité ». Selon le rapport intermédiaire, le requérant serait « sur le point de devenir un traducteur qualifié », il aurait « très bien travaillé avec ses mentors » et « systématiquement » tenu compte de leurs conseils, il aurait également « appris les routines spécifiques à l’unité » et gérerait « très bien » la traduction de longs documents. Les appréciations faites dans le rapport final, selon lesquelles le rapport intermédiaire aurait été rédigé « dans le but d’encourager le progrès continu » ou signalant que « la charge de travail était très faible au cours des trois premiers mois », minimiseraient l’excellence du rapport intermédiaire, qui constituait un indicateur fort, à mi-parcours, de la performance du fonctionnaire stagiaire. La performance du requérant aurait été satisfaisante ou bonne pendant tout le stage, à l’exception d’une courte période de mars à avril 2016 sur laquelle le requérant s’est expliqué en mai 2016. Ses traductions ultérieures auraient également été jugées « bonnes » par l’un des réviseurs (point 12 de l’avis du CORAP).

45      Quatrièmement, le requérant fait valoir que l’évaluation négative de sa performance est principalement fondée sur deux rapports IQM relatifs à des traductions effectuées en avril 2016. Cependant, selon une note interne du 30 septembre 2014 des directeurs du service de traduction du secrétariat général du Conseil à l’attention du comité du personnel de ce dernier, ces rapports ne constitueraient qu’une partie du processus d’évaluation. Les autres facteurs étant globalement positifs, l’évaluation manquerait de plausibilité et serait totalement disproportionnée.

46      Cinquièmement, le requérant soutient que le rapport final est fondé sur des hypothèses fausses. Il mentionne, à cet égard, certaines remarques du rapport final relatives à l’attention qu’il portait aux instructions collégiales, au moment où il a lu les instructions internes de l’unité, à sa productivité, telle qu’elle ressortait notamment des rapports « Individual Production Monitoring » (IPM), aux « autres signaux » qui auraient dû lui permettre de comprendre qu’il n’avait pas atteint le niveau requis, à son engagement dans d’autres activités que celles relevant strictement de la traduction ou à son niveau en anglais.

47      Le Conseil conteste les arguments du requérant.

–       Sur la notion de stage au regard de l’article 34 du statut

48      À titre liminaire, il y a lieu de rappeler qu’un lauréat de concours engagé en tant que fonctionnaire stagiaire ne peut être nommé fonctionnaire titulaire que s’il effectue avec succès le stage prévu à l’article 34 du statut et, à cet égard, il incombe à l’AIPN de lui fournir des conditions matérielles adéquates et un accompagnement dans l’exercice de ses fonctions (arrêt du 15 octobre 2014, De Bruin/Parlement, F‑15/14, EU:F:2014:236, point 42).

49      En effet, il est de jurisprudence constante que, si le stage de titularisation, destiné à permettre d’apprécier la compétence et la conduite dans le service du fonctionnaire stagiaire, ne peut pas être assimilé à une période de formation, il n’en est pas moins impératif que l’intéressé soit mis en mesure, durant cette période, de faire la preuve de ses qualités. Cette condition, indissociable de la notion de stage, est implicitement contenue dans l’article 34, paragraphe 3, du statut. Elle répond, en outre, aux exigences des principes généraux de bonne administration et d’égalité de traitement, ainsi qu’à celles du devoir de sollicitude, lequel reflète l’équilibre des droits et obligations réciproques que le statut a créé dans les relations entre l’autorité publique et les agents du service public de l’Union. Elle signifie, en pratique, que le fonctionnaire stagiaire doit non seulement bénéficier de conditions matérielles adéquates, mais également d’instructions et de conseils appropriés, compte tenu de la nature des fonctions exercées, afin d’être en mesure de s’adapter aux besoins spécifiques de l’emploi qu’il occupe (voir arrêt du 15 octobre 2014, De Bruin/Parlement, F‑15/14, EU:F:2014:236, point 43 et jurisprudence citée).

50      À cet égard, le niveau requis desdits conseils et instructions doit être apprécié non pas de manière abstraite, mais de manière concrète, en tenant compte de la nature des fonctions exercées. Dans cette perspective, l’expérience antérieure du stagiaire ne saurait être négligée. En effet, si cette expérience ne peut, comme telle, remettre en cause l’utilité du stage, lequel est destiné à apprécier la compétence et la conduite dans le service de l’intéressé, cette même expérience peut déterminer le degré d’encadrement dont il doit bénéficier pour que la période de stage remplisse son objectif (voir arrêt du 15 octobre 2014, De Bruin/Parlement, F‑15/14, EU:F:2014:236, point 44 et jurisprudence citée).

51      Lorsque, à l’issue de son stage, le fonctionnaire stagiaire n’a pas fait preuve de qualités professionnelles suffisantes pour être titularisé au sens de l’article 34, paragraphe 3, troisième alinéa, du statut, il est licencié. Une telle décision se distingue, par sa nature, d’une décision de licenciement proprement dite d’une personne qui a bénéficié d’une nomination en tant que fonctionnaire titulaire. Alors que, dans ce dernier cas, s’impose un examen minutieux des motifs justifiant de mettre un terme à un rapport d’emploi établi, dans les décisions relatives à la titularisation des stagiaires, l’examen doit être global et porter sur l’existence, ou non, d’un ensemble d’éléments positifs ou négatifs révélés au cours de la période de stage faisant apparaître la titularisation ou non du fonctionnaire stagiaire comme étant dans l’intérêt du service (voir arrêt du 15 octobre 2014, De Bruin/Parlement, F‑15/14, EU:F:2014:236, point 45 et jurisprudence citée).

52      De même, s’agissant des « décisions de non-titularisation », il convient de rappeler que l’AIPN dispose d’une grande marge quant à l’appréciation de la compétence et des prestations d’un fonctionnaire stagiaire selon l’intérêt du service. Il n’appartient pas au Tribunal de substituer son appréciation à celle de l’institution en ce qui concerne le résultat d’un stage et l’aptitude d’un candidat à une nomination définitive dans le service public de l’Union, son contrôle se limitant à celui de l’absence d’erreur manifeste d’appréciation ou de détournement de pouvoir (voir arrêt du 15 octobre 2014, De Bruin/Parlement, F‑15/14, EU:F:2014:236, point 46 et jurisprudence citée).

53      À cet égard, il convient de préciser qu’une erreur peut seulement être qualifiée de manifeste lorsqu’elle est aisément perceptible et peut être détectée à l’évidence, à l’aune des critères auxquels le législateur a entendu subordonner l’adoption de sa décision. En conséquence, afin d’établir que l’administration a commis une erreur manifeste dans l’appréciation des faits qui soit de nature à justifier l’annulation d’une « décision de non-titularisation », les éléments de preuve, qu’il incombe à la partie requérante d’apporter, doivent être suffisants pour priver de plausibilité les appréciations retenues par l’administration. En d’autres termes, le moyen tiré de l’erreur manifeste doit être rejeté si, en dépit des éléments avancés par la partie requérante, l’appréciation mise en cause peut être admise comme étant vraie ou valable (voir arrêt du 15 octobre 2014, De Bruin/Parlement, F‑15/14, EU:F:2014:236, point 47 et jurisprudence citée).

54      Par conséquent, afin d’établir que l’AIPN a commis une erreur manifeste dans l’appréciation des faits qui soit de nature à justifier l’annulation d’une décision, les éléments de preuve qu’il incombe à la partie requérante d’apporter doivent être suffisants pour priver de plausibilité les appréciations retenues par l’AIPN. En d’autres termes, le moyen tiré de l’erreur manifeste d’appréciation doit être rejeté si, en dépit des éléments avancés par la partie requérante, l’appréciation mise en cause peut être admise comme étant vraie ou valable (voir arrêt du 1er mars 2016, Pujante Cuadrupani/GSA, F‑83/15, EU:F:2016:22, point 86 et jurisprudence citée).

55      C’est à l’aune de ces considérations qu’il convient d’examiner les arguments des parties relatifs aux quatrième et troisième moyens.

–       Sur le déroulement du stage

56      Afin d’établir que le déroulement de son stage de titularisation ne lui a pas permis d’être en mesure de s’adapter aux besoins spécifiques de l’emploi de traducteur qu’il occupait au Conseil, le requérant soutient tout d’abord qu’il a trop tardivement été informé des insuffisances relevées en ce qui concerne ses qualités professionnelles et conteste ensuite les éléments évoqués sur ce point dans la décision de l’AIPN du 11 avril 2017 portant rejet de sa réclamation.

57      Cependant, il y a lieu de relever, comme l’a fait le Conseil, que, au début de son stage, en novembre 2015, la situation du requérant se présentait de la manière suivante.

58      Même s’il n’avait pas une formation de traducteur en tant que telle, le requérant avait indiqué qu’il exerçait ce métier depuis 2013 et qu’il considérait avoir les compétences requises du fait de ses expériences antérieures. Pour attester de son niveau, le requérant se prévaut également dans la présente affaire des bonnes notes obtenues au concours. En plus de cette expérience générale, il convient également de rappeler que le requérant venait d’exercer les fonctions de traducteur au sein de la même unité pendant six mois. À cette occasion, il avait pu bénéficier de la formation pratique accordée à tous les nouveaux arrivants au sein de l’unité, d’une première période de mentorat individuel de trois mois et même d’une période supplémentaire de mentorat individuel.

59      Le 12 octobre 2015, au moment de la transition entre la période d’agent contractuel et la période de stage, le chef d’unité avait informé le requérant que « les six mois passés avaient été difficiles », qu’il devait se concentrer sur le style, notamment en lisant les textes du Conseil, et que deux semaines supplémentaires de mentorat individuel lui étaient accordées. Les quatre rapports IQM concernant des traductions effectuées par le requérant, à savoir ceux du 16 juillet, des 2 et 16 septembre ainsi que du 9 octobre 2015, qui sont évoqués dans la décision de l’AIPN du 11 avril 2017 portant rejet de sa réclamation, faisaient ainsi état de difficultés relatives au style et attiraient son attention sur la nécessité d’apprendre des révisions.

60      Contrairement à ce que fait valoir le requérant, les éléments renvoyant à la période de six mois, allant du 1er mai au 30 octobre 2015, qui a précédé le début de son stage de titularisation sont pertinents pour apprécier comment s’est déroulé son stage, dès lors qu’ils permettaient à l’AIPN d’établir quelles conditions matérielles pouvaient être adéquates ou quels conseils et instructions pouvaient être appropriés, compte tenu de la nature des fonctions exercées, pour permettre au requérant de s’adapter aux besoins spécifiques de l’emploi qu’il occupait. De tels éléments ne sont évoqués qu’aux fins de décrire le contexte général dans lequel s’inscrivait l’évaluation du requérant et de permettre de comprendre le déroulement de son stage et notamment le niveau d’encadrement dont il a pu bénéficier.

61      Au début du stage de titularisation, l’AIPN pouvait donc s’attendre à ce que, compte tenu de sa formation générale et pratique, obtenue notamment au cours des six mois qui avaient précédé, le requérant puisse devenir autonome et exercer les fonctions demandées, tout particulièrement s’il tenait compte des observations présentées le 12 octobre 2015 qu’attestaient les différents rapports IQM mentionnés dans la décision de l’AIPN du 11 avril 2017 portant rejet de sa réclamation.

62      À cet égard, le requérant ne peut prétendre être surpris par le fait que l’AIPN évoque les rapports IQM de 2015 le concernant dans sa décision du 11 avril 2017 portant rejet de sa réclamation. En effet, il ressort de l’exemple évoqué par la note du secrétariat général du Conseil au personnel des directions de la traduction du 16 septembre 2013, mentionnée par le requérant pour alléguer que ces rapports auraient dû être détruits, que, par analogie, les rapports IQM de 2015 devaient être détruits le 1er juillet 2017 au plus tard. L’exemple évoqué par cette note indique, en effet, que les rapports IQM de 2012 seraient détruits le 1er juillet 2014 au plus tard. De même, ladite note indique également qu’une exception à ce principe est faite quand le rapport d’évaluation correspondant à la période en cause fait l’objet d’une contestation de la part de l’intéressé. Dans la présente affaire, le rapport final ayant été contesté par le requérant, l’AIPN pouvait donc raisonnablement considérer qu’il y avait lieu pour elle de préserver les documents susceptibles d’être utilisés pour apprécier les qualités professionnelles du requérant.

63      Par ailleurs, il y a également lieu de constater qu’il ressort du dossier, et notamment des éléments évoqués au point 22 de la décision de l’AIPN du 11 avril 2017 portant rejet de la réclamation du requérant, que, lors du stage, il a plusieurs fois été indiqué au requérant qu’il était attendu de lui qu’il tienne compte des révisions effectuées sur les documents qu’il traduisait, afin, en particulier, de s’adapter au style et d’utiliser correctement les outils et les sources disponibles. Cela ressort notamment de l’entretien que le requérant a pu avoir avec son chef d’unité, le 23 février 2016, à l’occasion de la préparation du rapport intermédiaire, des rapports IQM des 26 février, 3 avril, et 18 mai 2016 (deux rapports), qui font état de difficultés et des indications orales données par le mentor au titre de la troisième période de mentorat individuel entre le 25 avril et le 2 mai 2016, ladite période de mentorat commençant le 21 avril pour terminer le 31 mai 2016.

64      Dans ces circonstances, le requérant ne peut prétendre avoir été informé, pour la première fois à la mi-mai 2016, des difficultés rencontrées par ses évaluateurs au cours du stage. La réunion avec le chef d’unité du 10 mai 2016 tout comme les courriels du chef d’unité des 19 et 27 mai 2016 s’inscrivent en effet dans le prolongement des informations communiquées au requérant tant au début que tout au long de son stage de titularisation, lesquelles provenaient tant du supérieur hiérarchique du requérant que des réviseurs, des auteurs des rapports IQM ou de son mentor.

65      De même, en reprochant à l’AIPN de ne pas citer le rapport IQM du 12 janvier 2016, le requérant ne saurait infirmer le résultat de l’évaluation qui a été effectuée à cet égard. En effet, ce rapport tout comme les quatre autres rapports IQM qui sont eux mentionnés dans la décision de l’AIPN du 11 avril 2017 portant rejet de la réclamation du requérant ont tous été communiqués à ce dernier et ces rapports (voir points 5 et 7 ci-dessus) permettent tous d’illustrer ce qui est reproché par l’AIPN au requérant, à savoir qu’il ne tenait pas suffisamment compte des observations exposées dans ces documents, notamment en ce qui concerne le style et la terminologie, pour améliorer la qualité générale de ses performances.

66      Le requérant ne peut également soutenir que les rapports IQM fonderaient à eux seuls l’appréciation de l’AIPN étant donné qu’il ressort du rapport final, de l’avis du CORAP et de la décision de l’AIPN du 11 avril 2017 portant rejet de sa réclamation que cette appréciation a été effectuée par différentes personnes en considération de tous les moyens à leur disposition, dont notamment, mais non exclusivement, les rapports IQM de certaines traductions effectuées par le requérant.

67      En dernier lieu, contrairement à ce qu’affirme le requérant, il ne saurait y avoir de contradiction à indiquer, d’une part, quand la qualité du travail effectué n’est pas considérée comme étant satisfaisante, que celle-ci doit être améliorée, ce qui était le cas par exemple au début de la troisième période de mentorat individuel, et à soutenir, par la suite, quand celle-ci se trouve améliorée, que le rendement du requérant s’est trouvé profondément affecté par le temps consacré à améliorer la qualité de son travail. En effet, ainsi que l’expose le Conseil, afin de pouvoir être titularisé, il est attendu d’un fonctionnaire stagiaire en poste dans une unité de traduction qu’il soit capable de fournir un travail d’une qualité satisfaisante à un niveau de rendement acceptable.

68      Or, à l’issue de la période de stage, il s’avère, comme cela est exposé au point 22 de la décision de l’AIPN du 11 avril 2017 portant rejet de la réclamation, que, s’agissant par exemple de l’un des deux documents évoqués en ce qui concerne le mois de juin 2016, le réviseur était encore en présence d’incohérences terminologiques (le même mot étant traduit différemment) et d’omissions, ce qui l’obligeait à rappeler à l’intéressé comment il convenait de travailler, notamment en ce qui concerne l’utilisation des virgules dans la langue en cause, une observation qui avait déjà été faite par le passé. De même, à cette époque, il s’avère également que l’indicateur de productivité du requérant (le rapport IPM), lequel prenait en compte les périodes consacrées à la traduction et non les périodes de congé, de réunion, de formation ou d’absence pour d’autres motifs, était de 2,62 pages, soit nettement en dessous de la valeur moyenne (7,15 pages) ou de la valeur médiane (6,89 pages) de l’unité.

69      Dans de telles circonstances, le requérant ne peut soutenir ne pas avoir été mis en mesure de faire dûment la preuve de ses qualités professionnelles dans le cadre de la période de stage prévue à l’article 34 du statut.

70      En particulier, compte tenu des indications qui précèdent, le requérant ne saurait utilement se prévaloir, pour mettre en cause l’appréciation dont il a fait l’objet, de la transformation, certes soudaine comme le reconnaît le Conseil, du ton utilisé pour l’évaluer, lequel est passé d’un ton initialement conciliant et bienveillant à un ton plus neutre et factuel mettant de plus en plus l’accent sur les difficultés rencontrées au cours du stage et leur persistance. En effet, il importe tout d’abord de rappeler que le rapport intermédiaire concluait seulement au fait que, après quelques mois passés en tant que fonctionnaire stagiaire, le requérant « progressait de manière satisfaisante ». Il s’agit donc d’une première analyse, nécessairement préliminaire, destinée également à encourager le requérant à continuer de faire des progrès, et faite sans préjudice de l’appréciation visant finalement à établir, à l’issue de la période du stage, si le requérant avait fait preuve de qualités professionnelles suffisantes pour être titularisé. Ainsi quand le Conseil établit un rapport intermédiaire, il est souhaitable que celui-ci soit détaillé et comporte, le cas échéant, les éventuels axes de progression sur lesquels le requérant devait concentrer ses efforts. Cependant, en l’espèce, le requérant avait déjà reçu des appréciations précises des différents travaux qu’il avait réalisés tout au long de sa période de stage, lesquelles comportaient un certain nombre de critiques. Il y a également lieu de relever que, dès le 10 mai 2016, en parallèle à la mise en place fin avril 2016 d’une nouvelle période de mentorat, le requérant a été informé de difficultés rencontrées en ce qui concernait la qualité de certaines de ses traductions. Dès lors, le Conseil avait clairement averti le requérant de l’incidence que les différentes difficultés ainsi constatées à ce moment du stage risquaient d’avoir sur la décision à venir concernant sa titularisation. Un tel avertissement permettait également au requérant de lui donner, à un stade suffisamment précoce, la possibilité d’adapter et d’améliorer ses prestations en fonction des exigences du service (voir, en ce sens, arrêt du 15 octobre 2014, De Bruin/Parlement, F‑15/14, EU:F:2014:236, point 77 et jurisprudence citée).

71      Le quatrième moyen doit donc être rejeté.

–       Sur l’appréciation des qualités professionnelles

72      En ce qui concerne l’appréciation des qualités professionnelles du requérant à l’issue de la période de stage, les parties s’opposent s’agissant de la conclusion qui en a été tirée par l’AIPN.

73      D’après le requérant, ses prestations étaient satisfaisantes pendant toute la période de stage, à l’exception d’une courte période de mars à avril 2016 sur laquelle il se serait expliqué dans son courriel du 27 mai 2016. Il conteste notamment avoir fait l’objet de remarques négatives avant avril/mai 2016.

74      Selon le Conseil, les qualités professionnelles du requérant sont insuffisantes pour permettre sa titularisation. En substance, l’AIPN aurait considéré que le requérant n’avait pas réussi à tenir compte des observations réitérées formulées par les différentes personnes qui ont pu apprécier la qualité de son travail, ou, quand ce travail atteignait un niveau de qualité satisfaisant, que son rendement s’avérait bien inférieur au rendement moyen observé au sein de l’unité.

75      À cet égard, il y a lieu de rappeler que les appréciations critiquées par le requérant, d’une manière souvent ponctuelle et isolée, ont été faites dans les décisions attaquées et dans les différents documents qui y sont mentionnés. De telles appréciations sont à prendre en considération chronologiquement, compte tenu de l’expérience progressivement acquise par le fonctionnaire stagiaire au cours des neuf mois de la période de stage, et dans leur ensemble, la titularisation nécessitant de démontrer aussi bien l’aptitude du fonctionnaire stagiaire à s’acquitter des attributions que comportent ses fonctions, que son rendement et sa conduite dans le service.

76      Ces appréciations s’inscrivent également dans le contexte du stage de titularisation dont a concrètement bénéficié le requérant, dont les caractéristiques et principales étapes ont été exposées ci-dessus. À cet égard, il importe de rappeler que, en contrepartie des conditions de travail, du haut niveau de rémunération et de la sécurité de l’emploi reconnus aux fonctionnaires de l’Union européenne, il est raisonnable d’attendre d’eux un « niveau élevé » dans la réalisation des missions qui leur sont confiées. Or, l’AIPN pouvait considérer, sans commettre d’erreur manifeste, que ce niveau, que traduit la note « bien », troisième des évaluations possibles (les autres étant « exceptionnel », « très bien », « acceptable » et « peu satisfaisant »), n’a globalement pas été atteint par le requérant à la fin de la période de stage pour les raisons exposées dans le rapport final, dont l’AIPN a repris la conclusion dans la décision du 19 août 2016.

77      En effet, il ressort du rapport final ce qui suit :

–        la compétence du requérant a été considérée « peu satisfaisante » s’agissant de trois aspects (connaissance requise pour l’exercice des fonctions, capacité de jugement, capacité à s’organiser) et « acceptable » s’agissant de deux aspects (compréhension et expression orale et écrite) ;

–        son rendement a été considéré « peu satisfaisant » s’agissant de deux aspects (qualité du travail et régularité dans la production) et « acceptable » s’agissant de deux aspects (célérité dans l’exécution des prestations et adaptation aux besoins du service) ;

–        sa conduite dans le service a été considérée « peu satisfaisante » s’agissant d’un aspect (sens des responsabilités) et « bien » s’agissant de trois aspects (sens de l’initiative, travail en équipe et relations humaines).

78      Le comportement personnel du requérant ou son intégration au sein de l’unité ne sont donc pas ici en cause. Les difficultés constatées concernent plutôt tant la qualité de son travail que son rendement effectif.

79      En particulier, il doit être relevé que ces appréciations sont effectuées en considération d’éléments matériels qui attestent notamment la récurrence de certaines observations formulées au requérant s’agissant de la qualité de son travail.

80      Ainsi que cela est exposé au point 22 de la décision de l’AIPN du 11 avril 2017 portant rejet de la réclamation (voir aussi point 68 ci-dessus), il ressort par exemple de l’un des deux documents évoqués par l’AIPN en ce qui concerne le mois de juin 2016 que le réviseur était encore en présence d’incohérences terminologiques (le même mot étant traduit différemment) et d’omissions, ce qui l’obligeait à rappeler comment il convenait de travailler, notamment en ce qui concernait l’utilisation des virgules dans la langue en cause. Or, une telle observation avait déjà été formulée dans les rapports IQM des 2 septembre et 9 octobre 2015.

81      De même, le Conseil fait état dans la duplique de différents éléments connus du requérant qui attestent que, dans la partie finale du stage, le requérant ne reconnaissait toujours pas des formulations standards et se trompait encore dans la traduction d’expressions ou de mots extrêmement fréquents comme « EU-treaty » ou « implementation ».

82      En outre, il convient de rappeler que le requérant ne peut alléguer n’avoir été informé pour la première fois des difficultés rencontrées qu’en mai 2016. La qualité de son travail avait été évoquée avec son chef d’unité, après sa nomination et avant même que le stage ne débute, lors de la réunion du 12 octobre 2015, puis à nouveau lors de l’entretien préalable au rapport intermédiaire, et tout au long du stage par le biais notamment des observations formulées par les réviseurs.

83      C’est dans ce contexte qu’il y a lieu d’apprécier les critiques formulées par le requérant à l’encontre de certaines appréciations effectuées en ce qui concerne ses qualités professionnelles.

84      Premièrement, s’agissant des références qui ont été faites dans le rapport final ou par le chef d’unité à l’encadrement dont a pu bénéficier le requérant, quand il était pendant six mois agent contractuel au sein de cette unité de traduction, ou aux travaux qu’il a pu effectuer lors de cette période, il y a lieu de rappeler qu’une telle expérience ne saurait être négligée. En effet, une telle expérience permet de déterminer le degré d’encadrement dont le fonctionnaire stagiaire doit bénéficier pour que la période de stage remplisse son objectif (voir point 50 ci-dessus).

85      Il ne peut donc être reproché au chef d’unité du requérant, dans le rapport final ou dans ses observations devant le CORAP, ou à l’AIPN d’avoir tenu compte de l’expérience passée du requérant, celle-ci ayant exercé une influence notable sur le déroulement de son stage de titularisation. L’évaluation réalisée par le Conseil n’a, en effet, visé qu’à apprécier les mérites du requérant au terme dudit stage, la période antérieure à sa prise de fonction n’étant évoquée qu’aux fins de décrire le contexte général dans lequel s’inscrivait cette appréciation (voir point 60 ci-dessus).

86      Deuxièmement, s’agissant de la comparaison qui a été faite, devant le CORAP par le chef d’unité et différentes personnes ayant eu à connaître des traductions du requérant, entre le niveau du requérant et le niveau des autres nouveaux arrivants au sein de l’unité, il suffit de relever qu’une telle comparaison est purement factuelle et traduit l’impression des personnes entendues par le CORAP.

87      Aucun élément ne permet ainsi d’établir que l’AIPN aurait considéré, au prétexte que les autres nouveaux arrivants au sein de l’unité présentaient des traductions de meilleure qualité ou avaient un meilleur rendement, qu’il n’y aurait pas eu lieu, pour cette raison, de titulariser le requérant. Au contraire, il ressort des éléments évoqués dans les décisions attaquées que l’appréciation de l’AIPN a été effectuée en considération d’éléments propres au requérant.

88      Troisièmement, s’agissant de la suggestion et des observations formulées aux points 16, 17 et 19 de l’avis du CORAP, étant donné notamment le rapport intermédiaire, qui est bon et conclut que le requérant « progresse de manière satisfaisante » et, le rapport final, qui est mauvais et conclut que le travail du requérant « n’est pas suffisant pour lui permettre d’être titularisé dans son poste », il suffit de relever qu’une appréciation effectuée à un moment donné, en considération des éléments portés à la connaissance du requérant (voir point 82 ci-dessus) ne préjuge pas de l’appréciation susceptible d’être faite par la suite, en considération notamment du fait qu’il n’est toujours pas mis fin aux difficultés identifiées jusqu’alors.

89      Quatrièmement, s’agissant des critiques formulées ponctuellement sur certains passages du rapport final, il s’avère que celles-ci ne sauraient suffire à remettre en cause les appréciations de l’AIPN sur la qualité, mais aussi sur le rendement du requérant. De manière générale, ces critiques ne sont ainsi que ponctuelles et visent telle ou telle appréciation effectuée dans le rapport final sans pour autant contester les autres appréciations effectuées en parallèle ou ce qu’il est possible de déduire de l’ensemble des éléments disponibles. En effet, à l’issue de la période de stage de nombreuses personnes qui avaient eu à apprécier le travail du requérant étaient d’avis que celui-ci n’était pas d’une qualité suffisante pour justifier sa titularisation ou, s’il l’était, qu’il nécessitait trop de temps et avait un impact trop important sur la productivité du requérant. Par ailleurs, s’agissant de la lecture des instructions internes, l’AIPN pouvait considérer, en substance, sans commettre d’erreur manifeste, que celles-ci n’étaient pas maîtrisées à l’issue de la période de stage. De même, s’agissant des éléments relatifs à la productivité, il ressort des éléments disponibles qu’elle posait problème. Enfin, s’agissant des références faites à d’« autres signaux », aux « autres activités » du requérant ou à son niveau d’anglais, il ne ressort pas du dossier que les éléments en cause comme l’équipe de nuit à laquelle le requérant a participé, ses demandes de formation, la participation aux travaux de groupes informatiques ou le contenu des traductions effectuées n’aient pas été dûment pris en considération par l’AIPN.

90      Par conséquent, le requérant n’a pas été en mesure de démontrer l’existence d’erreurs manifestes d’appréciation viciant les décisions attaquées, de sorte que le troisième moyen doit être rejeté.

 Sur le cinquième moyen, tiré de la violation du devoir de sollicitude et du principe de bonne administration

91      Le requérant fait valoir que l’AIPN a violé son devoir de sollicitude en n’envisageant pas, compte tenu des critiques formulées dans l’avis du CORAP, de le titulariser et de le transférer dans une autre unité ou de demander aux notateurs de revoir le rapport final. De plus, en informant le service de traduction de la Commission européenne qu’il était déjà signalé au Conseil, en l’engageant, puis en le licenciant, le Conseil aurait empêché le requérant d’être embauché par la Commission. Contrairement à son devoir de sollicitude et au principe de bonne administration, le Conseil n’aurait également pas tenu compte des explications fournies par le courriel du requérant du 27 mai 2016 en ce qui concernait sa baisse de performance en mars et en avril 2016.

92      Le Conseil conteste les arguments du requérant.

93      Selon une jurisprudence constante, le devoir de sollicitude reflète l’équilibre des droits et obligations réciproques que le statut, et, par analogie, le règlement applicable aux autres agents, a créé dans les relations entre l’autorité publique et les agents du service public. Cet équilibre implique notamment que, lorsqu’elle statue à propos de la situation d’un agent, l’autorité prenne en considération l’ensemble des éléments qui sont susceptibles de déterminer sa décision et que, ce faisant, elle tienne compte non seulement de l’intérêt du service, mais aussi, notamment, de celui de l’agent concerné (voir ordonnance du 22 octobre 2015, Macchia/Commission, T‑80/15 P, EU:T:2015:845, point 28 et jurisprudence citée).

94      Dès lors, le requérant ne peut se contenter d’alléguer de manière générale, que, quand bien même son licenciement était conforme à l’intérêt du service, l’AIPN aurait dû tout de même le titulariser et le transférer dans une autre unité ou demander aux notateurs de revoir le rapport final pour tenir compte de ses intérêts.

95      En effet, étant donné que le requérant avait été recruté avec un profil particulier pour travailler dans une unité de traduction, le transférer dans une autre unité après l’avoir titularisé ne permettait nullement à l’AIPN d’être assuré qu’il aurait alors présenté des qualités professionnelles suffisantes dans ce nouvel environnement. De même, s’agissant d’une demande de révision du rapport final, il ressort de ce qui précède que l’AIPN disposait par ailleurs d’éléments suffisants pour fonder sa décision du 19 août 2016 portant licenciement du requérant à la fin de la période de stage. Une telle révision n’était donc pas nécessaire et n’aurait pas pu affecter la légalité des décisions attaquées.

96      De même, en ayant lui-même choisi d’être recruté par le Conseil, au sein de l’unité où il avait précédemment travaillé en tant qu’agent contractuel et afin d’y effectuer le stage de neuf mois prévu par le statut, le requérant ne peut reprocher au Conseil d’avoir violé le devoir de sollicitude en l’empêchant d’avoir pu éventuellement faire ce stage à la Commission. C’est le requérant qui a choisi l’institution où il souhaitait pouvoir être recruté.

97      Enfin, s’agissant de la prise en compte des explications fournies par le requérant en ce qui concerne ses performances en mars/avril 2016, il ne ressort pas du dossier qu’il n’en aurait pas été tenu compte. Au contraire, dans son courriel du 2 juin 2016, le chef d’unité du requérant accuse bonne réception des informations communiquées par le requérant dans son courriel du 27 mai 2016 et poursuit en expliquant pourquoi ces informations ne sont pas suffisantes à ses yeux. Le même raisonnement s’applique, par analogie, en ce qui concerne le grief pris de la violation du principe de bonne administration, pour lequel le requérant fait valoir la même argumentation.

98      Le cinquième moyen, tiré de la violation du devoir de sollicitude et du principe de bonne administration, doit donc être rejeté.

 Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’obligation de motivation

99      Le requérant fait valoir que la « décision de non-titularisation » viole l’obligation de motivation, parce qu’elle ne lui permet pas de comprendre pourquoi, d’une part, l’AIPN n’a pas suivi l’avis du CORAP qui recommandait aux notateurs « d’élaborer un rapport final reflétant de manière plus convaincante et plus précise les faiblesses et les points forts [du requérant] », et, d’autre part, la raison pour laquelle l’AIPN a suivi cet avis quand il indiquait, sans être unanime, qu’il n’y avait pas suffisamment de motifs pour invalider la conclusion générale du rapport final. La « décision de non-titularisation » ne mentionnerait pas non plus les observations du requérant sur le rapport final et celui-ci ne pourrait donc pas comprendre comment ces observations ont été prises en compte par l’AIPN.

100    Le Conseil conteste les arguments du requérant.

101    L’article 25, deuxième alinéa, du statut énonce que toute décision faisant grief doit être motivée. Selon une jurisprudence constante, l’obligation de motivation prescrite par cette disposition ne constitue que la reprise de l’obligation générale édictée à l’article 296, deuxième alinéa, TFUE. Elle a pour objet, d’une part, de fournir à l’intéressé une indication suffisante pour apprécier le bien-fondé de l’acte lui faisant grief et l’opportunité d’introduire un recours devant le Tribunal et, d’autre part, de permettre à ce dernier d’exercer son contrôle sur la légalité de l’acte (voir arrêt du 8 décembre 2005, Reynolds/Parlement, T‑237/00, EU:T:2005:437, point 92 et jurisprudence citée).

102    Le caractère suffisant de la motivation doit être apprécié en fonction des circonstances concrètes de l’espèce, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que le destinataire peut avoir à recevoir des explications (voir arrêt du 8 décembre 2005, Reynolds/Parlement, T‑237/00, EU:T:2005:437, point 93 et jurisprudence citée).

103    En l’espèce, si les griefs du requérant concernant la violation de l’obligation de motivation visent la décision du 19 août 2016, dite « décision de non-titularisation », leur appréciation nécessite également de prendre en considération les explications présentées dans la décision du 11 avril 2017 compte tenu du caractère évolutif de la procédure précontentieuse (voir, en ce sens, arrêt du 9 décembre 2009, Commission/Birkhoff, T‑377/08 P, EU:T:2009:485, points 58 et 59).

104    À cet égard, premièrement, le requérant fait valoir, en substance, que les décisions attaquées ne lui permettent pas de comprendre les raisons pour lesquelles l’AIPN n’a pas suivi la suggestion faite aux notateurs, au point 19 de l’avis du CORAP, « d’élaborer un rapport final reflétant de manière plus convaincante et plus précise les faiblesses et les points forts [du requérant] ».

105    Il ressort néanmoins du point 17 de la décision de l’AIPN du 11 avril 2017 portant rejet de la réclamation du requérant que, en réponse à un tel argument présenté dans la réclamation, l’AIPN a indiqué que l’article 34 du statut lui imposait seulement de recueillir l’avis du CORAP sur les « mesures à prendre », à savoir pour l’AIPN, le licenciement ou non du fonctionnaire stagiaire, et que, en tout état de cause, la décision de titulariser est prise sur la base du rapport final, mais aussi sur la base des éléments à la disposition de l’AIPN concernant la conduite du fonctionnaire stagiaire au regard du titre II du statut.

106    C’est sur le fondement de ces motifs, connus du requérant qui pouvait ainsi en contester la légalité dans le cadre du présent recours, que l’AIPN a décidé de ne pas suivre la suggestion formulée au point 19 de l’avis du CORAP.

107    Partant, le premier grief doit être rejeté.

108    Deuxièmement, le requérant fait valoir, en substance, que les décisions attaquées ne lui permettent pas de comprendre pourquoi l’AIPN a suivi l’avis du CORAP quand celui-ci indiquait, sans être unanime, qu’il n’y avait pas suffisamment de motifs pour invalider la conclusion générale du rapport final.

109    En l’espèce, il ressort du point 22 de l’avis du CORAP que, même si celui-ci a cherché à présenter un avis unanime, cela n’a pas été possible, dès lors que l’un de ses membres, lequel était pourtant d’accord sur la suggestion susmentionnée effectuée au point 19 de l’avis du CORAP, n’était pas d’accord avec la conclusion formulée au point 18 dudit avis, qui considérait qu’il n’y avait pas de motifs suffisants pour invalider la conclusion générale du rapport final selon laquelle le requérant n’avait pas fait la preuve de qualités suffisantes pour être titularisé à l’issue de la période de stage.

110    La conclusion formulée au point 18 de l’avis du CORAP était donc celle à laquelle étaient arrivés six des sept membres de celle-ci et qui relevait d’une décision collégiale. En licenciant le requérant à l’issue de son stage pour les motifs exposés dans les décisions attaquées, l’AIPN s’est ainsi implicitement, mais nécessairement, départie de l’avis dissident exprimé par le septième membre du CORAP.

111    Dès lors, compte tenu du caractère collégial de cette conclusion, le fait de ne pas avoir exposé les motifs pour lesquels l’AIPN n’avait pas tenu compte de l’avis dissident de l’un des sept membres du CORAP ne peut constituer une violation de l’obligation de motivation. En effet, conformément à la jurisprudence rappelée au point 101 ci-dessus, l’obligation de motivation a pour objet, d’une part, de fournir à la partie requérante une indication suffisante pour apprécier le bien-fondé de la décision de l’AIPN qui lui fait grief et, dès lors, l’opportunité d’introduire un recours devant le Tribunal et, d’autre part, de permettre à ce dernier d’exercer son contrôle sur la légalité au fond, voire du bien-fondé de ladite décision, ce qui était le cas en l’espèce comme l’atteste l’appréciation des deuxième à cinquième moyens.

112    Ainsi, en se référant aux différents documents et éléments mentionnés d’abord dans la décision du 19 août 2016 et ensuite dans la décision du 11 avril 2017, l’AIPN a donné des indications suffisantes au requérant pour apprécier le bien-fondé de sa décision et pour permettre au Tribunal d’en contrôler la légalité. L’obligation de motivation de l’AIPN ne lui imposait pas d’exposer pour quelle raison elle n’avait pas pris en considération une opinion « dissidente » manifestée par l’un seulement des membres du CORAP dès lors qu’elle avait, après avoir pris connaissance de l’avis dudit comité, motivé sa décision en faisant siennes les appréciations exprimées par la quasi-totalité des membres du CORAP.

113    Partant, le deuxième grief doit être rejeté.

114    Troisièmement, le requérant fait valoir, en substance, que les décisions attaquées ne lui permettent pas de comprendre comment ses observations sur le rapport final ont été prises en compte par l’AIPN.

115    À cet égard, il y a lieu de relever que, conformément à l’article 34 du statut, le rapport final ainsi que les observations écrites du requérant sur celui-ci ont été transmis au CORAP pour qu’il puisse émettre un avis sur les mesures à prendre.

116    Dès lors, en licenciant le requérant à l’issue de son stage pour les motifs exposés dans les décisions attaquées, l’AIPN n’a implicitement, mais nécessairement, pas été convaincue par les observations présentées par le requérant sur le rapport final et plus largement sur la décision de ne pas le titulariser.

117    Partant, le troisième grief doit être rejeté.

118    Il ressort de ce qui précède que le premier moyen, tiré de la violation de l’obligation de motivation, doit être rejeté et, par voie de conséquence, l’ensemble des conclusions en annulation des décisions attaquées.

 Sur les conclusions en réparation

119    Le requérant fait valoir que, en plus de l’annulation des décisions attaquées, il y a également lieu de réparer le préjudice moral qu’il allègue avoir subi. Ainsi, compte tenu des circonstances dans lesquelles le rapport final et l’avis du CORAP auraient été établis, l’AIPN aurait dû prendre en considération les intérêts du requérant « de façon utile et effective ». De plus, en informant le service de traduction de la Commission qu’il « était déjà signalé au Conseil », en l’engageant, puis en le licenciant sur des motifs douteux, le Conseil aurait empêché le requérant d’être embauché par la Commission. Le préjudice moral du requérant consisterait dans l’impact psychologique à son égard causé par la perte d’emploi, sans possibilité d’être inscrit sur la liste de réserve, et par les critiques excessivement sévères et inexactes formulées à l’égard de sa performance. Cela aurait causé un stress important et de forts sentiments d’injustice et de frustration et aurait affecté la dignité et la réputation du requérant. En raison de la gravité de l’illégalité commise par l’AIPN et de la nature des décisions attaquées, ce préjudice ne pourrait pas être réparé uniquement par l’annulation de ces décisions. Le requérant évalue ce préjudice ex æquo et bono à 20 000 euros.

120    Le Conseil conteste les arguments du requérant.

121    Force est de rappeler que, selon une jurisprudence constante en matière de fonction publique, les conclusions tendant à la réparation d’un préjudice doivent être rejetées dans la mesure où elles présentent un lien étroit avec les conclusions en annulation qui ont elles-mêmes été rejetées comme non fondées (arrêts du 5 février 1997, Ibarra Gil/Commission, T‑207/95, EU:T:1997:12, point 88, et du 15 mai 1997, N/Commission, T‑273/94, EU:T:1997:71, point 159).

122    Or, en l’espèce, le requérant n’invoque aucune faute de nature à engager la responsabilité de la Commission qui soit distincte des illégalités qui, selon lui, entachent les décisions attaquées. Dès lors, étant donné que les conclusions en annulation doivent être rejetées comme non fondées, il en est de même, par voie de conséquence, des conclusions en réparation.

123    Il ressort de ce qui précède que le recours doit être rejeté dans son intégralité.

 Sur les dépens

124    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Le requérant ayant succombé, il y a lieu de le condamner aux dépens, conformément aux conclusions du Conseil.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      TV est condamné aux dépens.

Frimodt Nielsen

Kreuschitz

Półtorak

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 12 février 2019.

Signatures


*      Langue de procédure : le français.

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