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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) |
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You are here: BAILII >> Databases >> Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) >> Opere Pie d'Onigo v Commission (Competition - Order) French Text [2019] EUECJ T-491/17_CO (24 September 2019) URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2019/T49117_CO.html Cite as: [2019] EUECJ T-491/17_CO, EU:T:2019:692, ECLI:EU:T:2019:692 |
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ORDONNANCE DU TRIBUNAL (deuxième chambre)
24 septembre 2019 (*)
« Recours en annulation – Aides d’État – Régime d’aide instauré par l’Italie en faveur de certains fournisseurs de services sociosanitaires – Coûts liés aux absences du personnel pour cause de maternité et d’assistance des membres de la famille se trouvant en situation de dépendance – Contributions versées par l’État aux entreprises privées – Décision de ne pas soulever d’objections – Défaut de placement dans une situation concurrentielle désavantageuse – Défaut d’affectation directe – Irrecevabilité »
Dans l’affaire T‑491/17,
Istituzione pubblica di assistenza e beneficenza « Opere Pie d’Onigo », établie à Pederobba (Italie), représentée par Me G. Maso, avocat,
partie requérante,
contre
Commission européenne, représentée par Mmes L. Armati et D. Recchia, en qualité d’agents,
partie défenderesse,
ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation de la décision de la Commission du 27 mars 2017 de ne pas soulever d’objections à l’égard du régime d’aide instauré par l’Italie en faveur de certains fournisseurs privés de services sociosanitaires [aide d’État SA.38825 (2016/NN)] (JO 2017, C 219, p. 1),
LE TRIBUNAL (deuxième chambre),
composé de MM. M. Prek, président, F. Schalin (rapporteur) et Mme M. J. Costeira, juges,
greffier : M. E. Coulon,
rend la présente
Ordonnance
Antécédents du litige
1 La requérante, Istituzione pubblica di assistenza e beneficenza « Opere Pie d’Onigo », est une entité publique autonome à but non lucratif italienne qui a le statut d’institution publique d’assistance et de bienfaisance (IPAB) et qui fournit une assistance sociosanitaire, par exemple, à des personnes âgées ou handicapées. Le 20 mai 2014, la Commission européenne a reçu une plainte de la requérante, qui a ensuite été soutenue par d’autres entités publiques autonomes à but non lucratif, des IPAB ou des entreprises publiques de services à la personne (APSP) (ci-après les « plaignants »). Dix-neuf d’entre elles ont leur siège en Vénétie (Italie).
2 Dans les plaintes, il a été indiqué que, contrairement aux entités publiques autonomes à but non lucratif comme les IPAB et les APSP, seuls les prestataires privés de services sociosanitaires bénéficiaient des régimes nationaux suivants (ci-après les « mesures nationales en cause ») :
– l’accès au système d’assurance géré par l’Istituto nazionale per la previdenza sociale (Institut national de prévoyance sociale, Italie, ci-après l’« INPS ») pour les frais prévus par les dispositions en matière de protection et de soutien de la maternité et de la paternité, prévu au decreto legislativo n. 151 – Testo unico delle disposizioni legislative in materia di tutela e sostegno della maternità e della paternità, a norma dell’articolo 15 della legge 8 marzo 2000, n. 53 (décret législatif no 151, portant texte consolidé des dispositions législatives relatives à la protection et au soutien de la maternité et de la paternité, en application de l’article 15 de la loi no 53 du 8 mars 2000), du 26 mars 2001 (Supplément ordinaire à la GURI no 93, du 26 avril 2001, p. 1), et
– le remboursement des coûts que les employeurs supportent au titre des congés prévus pour les salariés qui prêtent assistance à des membres de leur famille atteints d’un handicap grave, prévus à l’article 33 de la legge n. 104 – Legge quadro per 1’assistenza, 1’integrazione sociale e i diritti delle persone handicappate (loi no 104, dite « loi-cadre pour 1’assistance, 1’intégration sociale et les droits des personnes handicapées »), du 5 février 1992 (GURI no 39, du 17 février 1992 – Supplément ordinaire à la GURI no 30), et des congés payés de deux ans prévus à l’article 42, paragraphe 5, du décret législatif no 151 (article 33 de la loi no 104) et d’autres types de congés (décret législatif no 151, modifié par le décret législatif no 115 du 23 avril 2003).
3 Selon les plaignants, les IPAB et les APSP qu’ils représentaient supportaient directement les coûts correspondant aux mesures nationales en cause, sans avoir la possibilité de contribuer à l’INPS et de bénéficier des prestations correspondantes (congés de maternité et de paternité) et sans percevoir aucun remboursement de l’INPS (et, en définitive, de l’État) pour d’autres types de congés. Selon eux, cette situation entraînait un avantage sélectif et constituait une aide d’État en faveur des prestataires privés de services sociosanitaires, au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE.
4 Les plaignants soutenaient en outre que, bien qu’ils aient été historiquement considérés comme des entités publiques faisant l’objet du contrôle de l’État en ce qui concerne la régularité et le bien-fondé de leur gestion et pour éviter la dispersion de leur patrimoine, ils étaient en réalité des entités autonomes qui s’autofinançaient et devaient par conséquent être considérées comme des personnes de droit privé. Ils affirmaient que l’État italien devait modifier leur statut et leur permettre de bénéficier du régime de sécurité sociale fondé sur l’assurance, c’est-à-dire le régime géré par l’INPS.
5 Les plaignants dénonçaient, en d’autres termes, l’inégalité de traitement entre les prestataires publics et privés de services sociaux en ce qui concerne la couverture de certaines prestations accordées aux salariés ainsi que le fait que l’État italien les soumettait à la qualification d’entités publiques et non d’entités privées.
6 Par lettres des 6 et 8 août 2014, les services de la Commission ont transmis aux autorités italiennes les versions non confidentielles des plaintes. Les autorités italiennes y ont répondu par lettre du 25 septembre 2014. Les services de la Commission ont demandé d’autres renseignements le 10 décembre 2014. Le 7 mai 2015, les services de la Commission ont demandé par téléphone aux autorités italiennes de fournir des renseignements supplémentaires. Les autorités italiennes y ont répondu par lettre du 5 juin 2015. Par lettre du 5 août 2015, les services de la Commission ont envoyé aux autorités italiennes une nouvelle demande de renseignements à laquelle les autorités italiennes ont répondu par lettre du 12 octobre 2015.
7 Le 16 mars 2016, les services de la Commission ont envoyé aux plaignants une lettre d’évaluation préliminaire, dans laquelle ils concluaient que la mesure en question ne constituait pas une aide d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE. Les plaignants y ont répondu les 13 et 22 avril 2016 en fournissant davantage de renseignements et en demandant aux services de la Commission de reconsidérer leur position. Par lettre du 19 mai 2016, les services de la Commission ont confirmé leur évaluation préliminaire selon laquelle la mesure en question ne constituait pas une aide d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE. Par lettre du 26 mai 2016, les plaignants ont demandé que les constatations préliminaires des services de la Commission soient consignées dans une décision formelle. Par conséquent, le 27 mars 2017, la Commission a adopté la décision C(2017) 1939 final, relative à l’aide d’État SA.38825 « Aide d’État présumée en faveur des prestataires privés de services sociosanitaires » (ci-après la « décision attaquée »). Les critères de l’article 107 TFUE pour qualifier une mesure d’aide d’État étant cumulatifs, la Commission s’est uniquement prononcée de façon définitive sur le critère de sélectivité et, à titre surabondant, sur celui tenant à l’existence d’un avantage pour constater que lesdites mesures ne constituaient pas des aides d’État.
Procédure et conclusions des parties
8 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 1er août 2017, la requérante a introduit le présent recours.
9 Par acte déposé au greffe du Tribunal le 9 novembre 2017, la Commission a soulevé une exception d’irrecevabilité au titre de l’article 130, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal.
10 De ce fait, le traitement des demandes d’intervention introduites respectivement par Ipab di Vicenza le 13 octobre 2017, par Ipab Casa Gino e Pierina Marani le 23 octobre 2017, par Ipab Centro Residenziale per Anziani di Cittadella le 9 novembre 2017, par Azienda Pubblica dei Servizi alla Persona « Grimani Buttari – residenze per Anziani in Osimo » le 10 novembre 2017, au soutien des conclusions de la requérante, et par la République italienne le 22 novembre 2017, au soutien des conclusions de la Commission, a été suspendu, conformément à l’article 144, paragraphe 3, du règlement de procédure.
11 Le 5 janvier 2018, la requérante a présenté ses observations sur l’exception d’irrecevabilité.
12 Par décision du président de la deuxième chambre du Tribunal du 13 avril 2018, la procédure a été suspendue, conformément à l’article 69, sous b), du règlement de procédure, jusqu’à la décision de la Cour mettant fin à l’instance dans les affaires jointes Scuola Elementare Maria Montessori/Commission, Commission/Scuola Elementare Maria Montessori et Commission/Ferracci, enregistrées sous les numéros C‑622/16 P à C‑624/16 P.
13 Par arrêt du 6 novembre 2018, Scuola Elementare Maria Montessori/Commission, Commission/Scuola Elementare Maria Montessori et Commission/Ferracci (C‑622/16 P à C‑624/16 P, EU:C:2018:873), la Cour a confirmé la recevabilité des recours dans lesdites affaires sur la base de l’article 263, quatrième alinéa, dernier membre de phrase, TFUE.
14 Par mesure d’organisation de la procédure en date du 7 novembre 2018, les parties ont été invitées à indiquer au Tribunal les conséquences qu’elles tiraient, pour la présente affaire, de l’arrêt du 6 novembre 2018, Scuola Elementare Maria Montessori/Commission, Commission/Scuola Elementare Maria Montessori et Commission/Ferracci (C‑622/16 P à C‑624/16 P, EU:C:2018:873). Le 19 et le 23 novembre 2018, respectivement, la Commission et la requérante ont répondu à la question posée par le Tribunal.
15 La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– annuler la décision attaquée ;
– constater l’existence d’une seconde mesure d’aide d’État, qui consiste à permettre aux seuls opérateurs privés de services sociosanitaires de bénéficier du régime d’assurance géré par l’INPS pour les coûts prévus par les dispositions en matière de protection et de soutien de la maternité et de la paternité ;
– déclarer que l’une des mesures d’aide d’État ou les deux peuvent être écartées par des modifications législatives ;
– déclarer que les deux mesures ci-dessus constituent des aides d’État puisque sont réunies les conditions constitutives de l’aide d’État au sens de l’article 107 TFUE, que la Commission a examinées dans ses deux avis préliminaires du 16 mars et du 19 mai 2016 et qu’elle n’a pas examinées dans la décision attaquée ;
– condamner la Commission aux dépens.
16 La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– rejeter le recours au motif qu’il est irrecevable ;
– condamner la requérante aux dépens.
En droit
17 En vertu de l’article 130, paragraphes 1 et 7, du règlement de procédure, si la partie défenderesse le demande, le Tribunal peut statuer sur l’irrecevabilité ou l’incompétence sans engager le débat au fond.
18 En l’espèce, la Commission ayant demandé qu’il soit statué sur l’irrecevabilité, le Tribunal, s’estimant suffisamment éclairé par les pièces du dossier, décide de statuer sur cette demande sans poursuivre la procédure.
19 La Commission soutient, dans l’exception d’irrecevabilité, que les éléments de fait et de droit sur lesquels la requérante se fonde ne ressortent pas de façon cohérente et compréhensible du texte de la requête et que les conclusions excèdent l’objet d’un recours en annulation. Elle soutient également que le recours n’est pas recevable au sens de l’article 263, quatrième alinéa, dernier membre de phrase, TFUE.
20 La requérante conteste les arguments de la Commission. Elle soutient que la requête est suffisamment claire et que le Tribunal peut déclarer que les mesures nationales en cause sont des aides d’État même si, dans la décision attaquée, la Commission s’est uniquement prononcée sur le critère de sélectivité et, à titre surabondant, sur celui tenant à l’existence d’un avantage au sens de l’article 107 TFUE. La requérante fait valoir que le recours est recevable au regard de l’article 263, quatrième alinéa, dernier membre de phrase, TFUE. En effet, la décision attaquée serait un acte réglementaire ne comportant pas de mesures d’exécution qui affecte directement sa situation juridique. La requérante se réfère à cet égard à l’arrêt du 6 novembre 2018, Scuola Elementare Maria Montessori/Commission, Commission/Scuola Elementare Maria Montessori et Commission/Ferracci (C‑622/16 P à C‑624/16 P, EU:C:2018:873).
21 Le Tribunal estime opportun d’examiner la recevabilité du recours au regard de l’article 263, quatrième alinéa, dernier membre de phrase, TFUE avant d’examiner, le cas échéant, les autres causes d’irrecevabilité soulevées par la Commission. Ainsi qu’il est indiqué au point 20 ci-dessus, il ressort de ladite disposition que toute personne physique ou morale peut former un recours contre les actes réglementaires qui la concernent directement et qui ne comportent pas de mesures d’exécution. Compte tenu des circonstances de l’espèce, le Tribunal estime opportun d’examiner d’abord le critère de l’affectation directe, puis, le cas échéant, les autres critères de l’article 263, quatrième alinéa, dernier membre de phrase, TFUE.
22 S’agissant du critère d’affectation directe, la requérante soutient notamment qu’elle est directement concernée par la décision attaquée dans la mesure où cette dernière permet à la République italienne d’appliquer aux entreprises privées fournissant des services sociosanitaires un régime d’avantages en matière de coût de la main-d’œuvre et que cette décision produit ses effets juridiques de manière purement automatique, en vertu du seul droit de l’Union européenne et sans autre règle intermédiaire, ce qui permettrait à la République italienne d’appliquer le régime d’avantages en question. La requérante rappelle que la Commission ne conteste pas que, tout comme les 21 autres entités publiques qui ont adressé une plainte à la Commission en 2014 concernant des aides d’État illégales, elle opère sur le marché italien de la prestation de services sociosanitaires, et ce en concurrence avec les prestataires privés. Les entités publiques auraient les mêmes revenus que les prestataires privés tout en devant faire face à des coûts plus élevés en raison des mesures nationales en cause. La plainte émanant de 21 entités publiques et la requête ont quantifié l’ampleur du préjudice effectif que les prestataires publics de services sociosanitaires subiraient, parce qu’ils ne pourraient pas bénéficier des mesures nationales en cause alors qu’elles seraient réservées aux prestataires privés. En effet, la requérante explique, en substance, que, dans la mesure où le coût salarial constitue le coût le plus important (environ 70 % du chiffre d’affaires) pour les prestataires de services sociosanitaires, elle subit un préjudice d’environ 528 000 euros par an en raison du fait qu’elle ne peut pas bénéficier des mesures nationales en cause. La requérante explique également que la situation factuelle pertinente aux fins de l’article 107 TFUE, qui l’oppose, en tant qu’entreprise publique, aux entreprises privées fournissant des services identiques, est le marché des prestataires de services sociosanitaires, tel que le définit la legge n. 328 – Legge quadro per la realizzazione del sistema integrato di interventi e servizi sociali (loi no 328, dite « loi-cadre pour la mise en œuvre du système intégré d’interventions et de services sociaux »), du 8 novembre 2000 (GURI no 265, du 13 novembre 2000 – Supplément ordinaire à la GURI no 186, p. 1).
23 Il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante de la Cour, la condition selon laquelle une personne physique ou morale doit être directement concernée par la décision faisant l’objet du recours, telle que prévue à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, requiert que deux critères soient cumulativement réunis, à savoir que la mesure contestée, d’une part, produise directement des effets sur la situation juridique du particulier et, d’autre part, ne laisse aucun pouvoir d’appréciation aux destinataires chargés de sa mise en œuvre, celle-ci ayant un caractère purement automatique et découlant de la seule réglementation de l’Union, sans application d’autres règles intermédiaires (voir arrêt du 6 novembre 2018, Scuola Elementare Maria Montessori/Commission, Commission/Scuola Elementare Maria Montessori et Commission/Ferracci, C‑622/16 P à C‑624/16 P, EU:C:2018:873, point 42 et jurisprudence citée).
24 S’agissant spécifiquement des règles relatives aux aides d’État, il convient de souligner que celles-ci ont pour objectif de préserver la concurrence. Ainsi, dans ce domaine, le fait qu’une décision de la Commission laisse entiers les effets de mesures nationales dont la partie requérante a, dans une plainte adressée à cette institution, fait valoir qu’elles n’étaient pas compatibles avec cet objectif et la plaçaient dans une situation concurrentielle désavantageuse permet de conclure que cette décision affecte directement sa situation juridique, en particulier son droit, résultant des dispositions du traité FUE en matière d’aides d’État, à ne pas subir une concurrence faussée par les mesures nationales en cause (voir arrêt du 6 novembre 2018, Scuola Elementare Maria Montessori/Commission, Commission/Scuola Elementare Maria Montessori et Commission/Ferracci, C‑622/16 P à C‑624/16 P, EU:C:2018:873, point 43 et jurisprudence citée).
25 Or, il convient de rappeler que l’affectation directe d’une partie requérante ne saurait être inférée de la seule potentialité d’une relation de concurrence (voir, en ce sens, arrêt du 6 novembre 2018, Scuola Elementare Maria Montessori/Commission, Commission/Scuola Elementare Maria Montessori et Commission/Ferracci, C‑622/16 P à C‑624/16 P, EU:C:2018:873, point 46 et jurisprudence citée).
26 Dans la mesure où la condition relative à l’affectation directe exige que l’acte contesté produise directement des effets sur la situation juridique de la partie requérante, le juge de l’Union est tenu de vérifier si cette dernière a exposé de façon pertinente les raisons pour lesquelles la décision de la Commission est susceptible de la placer dans une situation concurrentielle désavantageuse et, partant, de produire des effets sur sa situation juridique (arrêt du 6 novembre 2018, Scuola Elementare Maria Montessori/Commission, Commission/Scuola Elementare Maria Montessori et Commission/Ferracci, C‑622/16 P à C‑624/16 P, EU:C:2018:873, point 47).
27 La requérante fait valoir, en substance, qu’elle subit un préjudice du fait qu’elle est soumise à des coûts salariaux plus élevés que les prestataires privés de services sociosanitaires qui bénéficient des mesures nationales en cause, maintenues par l’État italien en raison de la décision attaquée.
28 Il convient, à cet égard, de rappeler que les requérants dans les affaires ayant donné lieu à l’arrêt du 6 novembre 2018, Scuola Elementare Maria Montessori/Commission, Commission/Scuola Elementare Maria Montessori et Commission/Ferracci (C‑622/16 P à C‑624/16 P, EU:C:2018:873, point 50), ont, preuves à l’appui, démontré que leurs établissements respectifs étaient situés à proximité immédiate d’entités a priori éligibles aux mesures nationales évaluées dans la décision en cause, qu’ils exerçaient des activités semblables aux leurs et qu’ils étaient donc actifs sur le même marché de services et sur le même marché géographique.
29 En l’espèce, il y a lieu de constater que la seule mention d’un préjudice causé en raison des coûts salariaux plus élevés que ceux des opérateurs privés actifs sur le marché italien des « services sociosanitaires » ne saurait en elle-même permettre d’exposer de façon pertinente les raisons pour lesquelles la décision attaquée est susceptible de placer la requérante dans une situation concurrentielle désavantageuse et, partant, de produire des effets sur sa situation juridique. Il convient de préciser à cet égard que les mesures nationales en cause ne visent pas certains services ou marchés géographiques en particulier, mais les opérateurs privés en Italie en général. En outre, il y a lieu de souligner que, même si la loi no 328 est susceptible de concerner les prestataires de services sociosanitaires en raison de sa nature de loi-cadre, elle comporte des indications de nature générale sur l’organisation du secteur, mais pas d’éléments précis sur le marché pertinent, de sorte qu’il est impossible de déterminer si tous les opérateurs à laquelle elle s’applique sont en situation de concurrence entre eux.
30 Dans ces conditions, il est nécessaire de vérifier si la requérante a présenté de façon pertinente le marché sur lequel elle est active et précisé avec quels acteurs bénéficiant potentiellement des mesures nationales en cause elle est en concurrence afin d’appréhender l’impact négatif que les mesures nationales, maintenues par la décision attaquée, pourraient avoir sur sa capacité de concurrence.
31 Il y a lieu de constater à cet égard que la requérante fournit des services sociosanitaires et qu’il ressort du dossier qu’elle est établie dans la commune de Pederobba située dans la région de Vénétie. La requérante estime qu’elle est en concurrence avec des acteurs privés fournissant des services sociosanitaires. Elle énumère certaines entreprises venant d’autres États membres de l’Union qui se sont établies en Italie et qui sont actives dans le même secteur afin de démontrer que le critère d’affectation des échanges entre États membres au sens de l’article 107 TFUE est rempli en l’espèce.
32 Toutefois, il convient, en premier lieu, de considérer que les arguments de la requérante et les éléments évoqués au point 31 ci-dessus ne permettent pas d’établir le marché pertinent ni la situation concurrentielle sur celui-ci. En effet, la requérante a uniquement fait mention de services sociosanitaires impliquant, par exemple, de fournir des soins aux personnes âgées sans précision quant aux conditions dans lesquelles ces services sont offerts et sans préciser davantage si l’expression « services sociosanitaires » fait référence à un marché distinct ou à plusieurs marchés de services. En effet, cela ne ressort pas clairement des écrits de la requérante, qui semble se référer à un secteur plutôt qu’à un marché distinct. Cette impression est renforcée par le fait que la requérante fait mention de plusieurs types de services, tout comme la loi no 328 à laquelle elle fait référence. À titre d’exemple, elle énumère des entreprises fournissant des services « sociomédicaux », des services de « santé » et des services dans « les secteurs des résidences sanitaires et sociales » ou des entreprises qui ont des « résidences pour personnes âgées ».
33 En outre, il ne ressort pas du dossier sur quel marché géographique la requérante serait active. La requérante indique sans autre précision qu’elle opère sur le marché italien. En même temps, elle énumère à la fois des acteurs étrangers et des acteurs opérant dans plusieurs régions italiennes telles que l’Émilie-Romagne, le Latium, la Ligurie, la Lombardie, le Piémont, les Pouilles, la Toscane, la Sardaigne et la Vénétie. La requérante indique également qu’elle est établie dans la commune de Pederobba. Cependant, ces informations ne permettent pas de déduire sur quel marché géographique la requérante estime qu’elle opère effectivement, ce d’autant plus que les conditions dans lesquelles les services sociosanitaires sont fournis ne sont pas précisées. La requérante ne précise notamment pas si ces services sont fournis au niveau local, régional, national ou international.
34 Il convient, en second lieu, de constater que la requérante n’a pas précisé avec quels acteurs, pouvant potentiellement bénéficier des mesures nationales en cause, elle estime être en concurrence. En effet, en l’absence d’informations concrètes à cet égard, la requérante ne saurait établir qu’elle se trouverait dans une situation de concurrence désavantageuse. Il convient à cet égard de préciser, comme il est indiqué au point 25 ci-dessus, que l’affectation directe d’une partie requérante ne peut pas être inférée de la seule potentialité d’une relation de concurrence. Il ne suffit donc pas, comme le fait la requérante, de faire mention d’une notion abstraite telle que celle d’opérateurs privés ou d’énumérer des entreprises actives dans le même secteur mais d’expliquer pourquoi et comment lesdites entreprises devraient être considérées comme des concurrentes de la requérante.
35 Eu égard à ces considérations, il y a lieu de juger que, en l’absence des précisions mentionnées aux points 32 à 34 ci-dessus, la requérante n’a pas, en conformité avec la jurisprudence citée au point 26 ci-dessus, exposé de façon pertinente les raisons pour lesquelles la décision attaquée était susceptible de la placer dans une situation concurrentielle désavantageuse et, partant, de produire des effets sur sa situation juridique, de sorte que le critère de l’affectation directe n’est pas rempli en l’espèce.
36 Il en découle que, sans qu’il soit nécessaire de se prononcer sur les autres critères de l’article 263, quatrième alinéa, dernier membre de phrase, TFUE et les autres causes d’irrecevabilité soulevées par la Commission, il y a lieu de rejeter le recours dans son ensemble comme irrecevable.
37 Conformément à l’article 144, paragraphe 3, du règlement de procédure, lorsque la partie défenderesse dépose une exception d’irrecevabilité ou d’incompétence, visée à l’article 130, paragraphe 1, dudit règlement, il n’est statué sur les demandes d’intervention qu’après le rejet ou la jonction de l’exception au fond. Par ailleurs, conformément à l’article 142, paragraphe 2, du règlement de procédure, l’intervention est accessoire au litige principal et perd son objet, notamment lorsque la requête est déclarée irrecevable.
38 En l’espèce, le recours étant rejeté dans son ensemble, il n’y a plus lieu de statuer sur les demandes d’intervention présentées par Ipab di Vicenza, par Ipab Casa Gino e Pierina Marani, par Ipab Centro Residenziale per Anziani di Cittadella, par Azienda Pubblica dei Servizi alla Persona « Grimani Buttari – residenze per Anziani in Osimo » et par la République italienne.
Sur les dépens
39 Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.
40 La requérante ayant succombé en ses conclusions, il y a lieu de la condamner à supporter ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission, conformément aux conclusions de cette dernière.
41 Par ailleurs, en application de l’article 144, paragraphe 10, du règlement de procédure, Ipab di Vicenza, Ipab Casa Gino e Pierina Marani, Ipab Centro Residenziale per Anziani di Cittadella, Azienda Pubblica dei Servizi alla Persona « Grimani Buttari – residenze per Anziani in Osimo » et la République italienne supporteront chacune leurs propres dépens afférents aux demandes d’intervention.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (deuxième chambre)
ordonne :
1) Le recours est rejeté comme irrecevable.
2) Il n’y a plus lieu de statuer sur les demandes d’intervention présentées par Ipab di Vicenza, par Ipab Casa Gino e Pierina Marani, par Ipab Centro Residenziale per Anziani di Cittadella, par Azienda Pubblica dei Servizi alla Persona « Grimani Buttari – residenze per Anziani in Osimo » et par la République italienne.
3) Istituzione pubblica di assistenza e beneficenza « Opere Pie d’Onigo » est condamnée aux dépens.
4) Ipab di Vicenza, Ipab Casa Gino e Pierina Marani, Ipab Centro Residenziale per Anziani di Cittadella, Azienda Pubblica dei Servizi alla Persona « Grimani Buttari – residenze per Anziani in Osimo » et la République italienne supporteront chacune leurs propres dépens afférents aux demandes d’intervention.
Fait à Luxembourg, le 24 septembre 2019.
Le greffier | Le président |
E. Coulon | M. Prek |
* Langue de procédure : l’italien.
© European Union
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