Wywial-Prząda v Commission (Staff Regulations of officials and Conditions of Employment of other servants - Judgment) French Text [2019] EUECJ T-592/18 (28 November 2019)


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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions)


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URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2019/T59218.html
Cite as: [2019] EUECJ T-592/18, ECLI:EU:T:2019:820, EU:T:2019:820

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ARRÊT DU TRIBUNAL (cinquième chambre)

28 novembre 2019 (*)

« Fonction publique – Agents contractuels – Rémunération – Décision refusant l’indemnité de dépaysement – Article 4, paragraphe 1, sous a), de l’annexe VII du statut – Services effectués pour un autre État – Statut diplomatique – Période quinquennale de référence »

Dans l’affaire T‑592/18,

Katarzyna Wywiał-Prząda, demeurant à Wezembeek-Oppem (Belgique), représentée par Mes S. Orlandi et T. Martin, avocats,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par M. T. Bohr et Mme D. Milanowska, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 270 TFUE et tendant à l’annulation de la décision de la Commission du 23 novembre 2017 par laquelle le bénéfice de l’indemnité de dépaysement a été refusé à la requérante,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre),

composé de M. D. Gratsias, président, Mmes A. Marcoulli et R. Frendo (rapporteure), juges,

greffier : M. L. Ramette, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 9 juillet 2019,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        La requérante est de nationalité polonaise. Elle est arrivée en Belgique le 22 septembre 2010 à la suite de la nomination de son mari comme conseiller diplomatique à la délégation permanente de la République de Pologne auprès de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN).

2        À compter du 2 juillet 2010 la requérante a détenu un passeport diplomatique, délivré par le ministère des Affaires étrangères polonais.

3        Du 7 janvier 2011 au 31 décembre 2011, la requérante a exercé des fonctions de secrétaire au sein de la représentation permanente de la République de Pologne auprès de l’Union européenne.

4        Du 9 novembre 2012 au 11 janvier 2013, elle a animé des tables de conversations à Bruxelles (Belgique) pour le compte d’une association sans but lucratif et une note de frais a été honorée à ce titre.

5        La requérante a restitué son passeport diplomatique et a été inscrite au registre des étrangers de Woluwe-Saint-Pierre (Belgique) à compter du 7 juin 2013.

6        Du 16 juin 2014 au 31 décembre 2015, puis du 4 janvier 2016 au 31 août 2017, la requérante a été employée successivement par deux sociétés belges dans le cadre de prestations de services pour la Commission européenne.

7        Le 9 septembre 2016, le mari de la requérante est retourné en Pologne à la fin de sa mission diplomatique. La requérante est restée en Belgique avec leur fils.

8        Le 1er septembre 2017, la requérante a été recrutée par la Commission en tant qu’agent contractuel.

9        Par décision du 23 novembre 2017, l’autorité habilitée à conclure des contrats d’engagement de la Commission (ci-après l’« AHCC ») a refusé à la requérante le bénéfice de l’indemnité de dépaysement (ci-après la « décision attaquée »).

10      La requérante a introduit une réclamation contre la décision attaquée le 21 février 2018. Cette réclamation a été rejetée par une décision de l’AHCC du 18 juin 2018, notifiée le même jour. L’AHCC a, tout d’abord, déterminé la « période de cinq années expirant six mois avant [l’]entrée en fonction » (ci-après la « période de référence »), visée à l’article 4, paragraphe 1, sous a), de l’annexe VII du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut »), rendu applicable aux agents contractuels par les articles 21 et 92 du régime applicable aux autres agents de l’Union européenne. L’AHCC a fixé cette période de référence à celle allant du 1er mars 2012 au 28 février 2017. Ensuite, l’AHCC a justifié le rejet de la réclamation de la requérante par le motif qu’elle résidait en Belgique depuis le 22 septembre 2010, qu’elle y avait exercé des activités professionnelles et qu’elle avait continué d’y habiter après le départ de son mari, en septembre 2016.

 Procédure et conclusions des parties

11      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 28 septembre 2018, la requérante a introduit le présent recours.

12      La Commission a déposé le mémoire en défense le 14 décembre 2018.

13      Le 14 février 2019, la requérante a déposé la réplique.

14      Le 1er avril 2019, la Commission a déposé la duplique.

15      Sur proposition de la juge rapporteure, le Tribunal (cinquième chambre) a décidé d’ouvrir la phase orale de la procédure et, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 89 de son règlement de procédure, a posé aux parties des questions écrites, en les invitant à y répondre lors de l’audience.

16      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions écrites et orales posées par le Tribunal lors de l’audience du 9 juillet 2019.

17      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner la Commission aux dépens.

18      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

19      La requérante soulève un unique moyen, tiré de la violation de l’article 4, paragraphe 1, sous a), de l’annexe VII du statut. Il peut être divisé en deux branches, la première tirée d’une méconnaissance de son statut diplomatique, la seconde tirée d’une erreur dans l’application de la notion de résidence habituelle.

 Sur la première branche, tirée d’une méconnaissance du statut diplomatique de la requérante

20      La requérante fait valoir qu’elle a joui d’un statut diplomatique, en qualité d’épouse d’un agent diplomatique, du 22 septembre 2010, date de son arrivée en Belgique, au 16 juin 2013, date à laquelle elle a restitué son passeport diplomatique. En raison de ce statut diplomatique et en vertu de l’article 4, paragraphe 1, sous a), second tiret, seconde phrase, de l’annexe VII du statut, elle soutient qu’elle aurait dû bénéficier de la neutralisation de ce laps de temps. Par l’effet de cette neutralisation, la période de référence aurait débuté le 1er mai 2009, à un moment où elle résidait et travaillait en Pologne et où elle n’avait aucun lien de rattachement avec la Belgique. Or, un agent perdrait seulement le bénéfice de l’indemnité de dépaysement s’il a eu sa résidence habituelle ou a exercé son activité professionnelle principale dans le pays du lieu de son affectation durant la totalité de la période de référence. Comme tel ne serait pas le cas, la requérante estime qu’elle devait se voir accorder l’indemnité de dépaysement.

21      L’article 4, paragraphe 1, de l’annexe VII du statut dispose :

« L’indemnité de dépaysement égale à 16 % du montant total du traitement de base ainsi que de l’allocation de foyer et de l’allocation pour enfant à charge versées au fonctionnaire, est accordée :

a)       au fonctionnaire :

–        qui n’a pas et n’a jamais eu la nationalité de l’État sur le territoire duquel est situé le lieu de son affectation et,

–        qui n’a pas, de façon habituelle, pendant la période de cinq années expirant six mois avant son entrée en fonctions, habité ou exercé son activité professionnelle principale sur le territoire européen dudit État. Pour l’application de cette disposition, les situations résultant de services effectués pour un autre État ou une organisation internationale ne sont pas à prendre en considération.

b)       au fonctionnaire qui, ayant ou ayant eu la nationalité de l’État sur le territoire duquel est situé le lieu de son affectation, a, de façon habituelle, pendant la période de dix années expirant lors de son entrée en service, habité hors du territoire européen dudit État pour une raison autre que l’exercice de fonctions dans un service d’un État ou dans une organisation internationale. »

22      L’article 4, paragraphe 1, sous a), de l’annexe VII du statut comporte ainsi deux parties. La première définit les deux conditions cumulatives que le fonctionnaire doit, en principe, remplir pour bénéficier de l’indemnité de dépaysement : n’avoir jamais eu la nationalité de l’État sur le territoire duquel est situé le lieu de son affectation et ne pas avoir, de façon habituelle, pendant la période de cinq années expirant six mois avant son entrée en fonctions, habité ou exercé son activité professionnelle principale sur le territoire européen dudit État ; la deuxième partie prévoit, par exception à ce principe, que les situations résultant de services effectués pour un autre État ou une organisation internationale ne sont pas à prendre en considération. Les périodes correspondant à ces services sont ainsi neutralisées.

23      Par ailleurs, l’indemnité de dépaysement est uniquement refusée au fonctionnaire ou à l’agent concerné au titre de l’article 4, paragraphe 1, sous a), de l’annexe VII du statut si c’est durant la totalité de la période de référence qu’il a eu sa résidence habituelle ou a exercé son activité professionnelle principale dans le pays du lieu de son affectation (voir, en ce sens, arrêt du 18 juin 2015, Pondichie/Commission, F‑50/14, EU:F:2015:62, point 35). Or, en l’espèce, la neutralisation de la période s’étant écoulée du 22 septembre 2010 au 16 juin 2013, pendant laquelle la requérante a demeuré en Belgique sous statut diplomatique en qualité d’épouse d’un agent diplomatique, aurait pour effet d’avancer le début de la période de référence au 6 juin 2009, et non au 1er mai 2009 comme le soutient la requérante, c’est-à-dire à un moment où elle résidait et travaillait en Pologne et n’avait aucun lien de rattachement avec la Belgique.

24      Il convient, par conséquent, de se prononcer sur la question de savoir si la notion de « situations résultant de services effectués pour un autre État », utilisée à l’article 4, paragraphe 1, sous a), second tiret, de l’annexe VII du statut, doit être interprétée comme couvrant la période pendant laquelle la requérante jouissait d’un statut diplomatique en tant qu’épouse d’un agent diplomatique.

25      La neutralisation de la période correspondant à une situation résultant de services effectués dans l’État d’affectation, pour un autre État ou une organisation internationale, s’explique par le fait que l’accomplissement de tels services est présumé avoir pour conséquence le maintien d’un lien de rattachement spécifique de l’intéressé avec cet autre État ou cette organisation internationale, faisant ainsi obstacle à la création d’un lien de rattachement durable avec l’État d’affectation et donc à l’intégration suffisante de l’intéressé dans la société de ce dernier (arrêt du 13 juillet 2018, Quadri di Cardano/Commission, T‑273/17, EU:T:2018:480, point 49).

26      Cela étant précisé, la requérante soutient que, en sa qualité d’épouse d’un agent diplomatique, elle a bénéficié de différents privilèges et immunités en vertu de la convention de Vienne sur les relations diplomatiques, du 18 avril 1961 (ci-après la « convention de Vienne »). Selon la requérante, ce statut diplomatique fait, en lui-même, obstacle à la création de liens de rattachement durables avec le pays d’affectation. Il devrait donc être qualifié de « situation résultant de services effectués pour un autre État » au sens de l’article 4, paragraphe 1, sous a), second tiret, deuxième phrase, de l’annexe VII du statut.

27      Or, au point 14 de son arrêt du 2 mai 1985, De Angelis/Commission (246/83, EU:C:1985:165), la Cour a jugé que cette disposition ne visait que les situations résultant de services effectués par le fonctionnaire lui-même qui entre en fonctions et qu’elle ne saurait être étendue à une autre personne.

28      La requérante soutient cependant que cette jurisprudence ne lui est pas applicable parce que, dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 2 mai 1985, De Angelis/Commission (246/83, EU:C:1985:165), l’intéressée, qui avait accompagné en Belgique son mari, fonctionnaire de la Communauté européenne, ne bénéficiait, à ce titre, d’aucun statut diplomatique.

29      Toutefois, force est de constater que, dans l’arrêt du 2 mai 1985, De Angelis/Commission (246/83, EU:C:1985:165), la Cour n’a nullement tiré argument de cette absence de statut diplomatique pour dénier à l’intéressée le droit à l’indemnité de dépaysement.

30      Il est vrai que, dans son arrêt du 21 juin 2007, Commission/Hosman-Chevalier (C‑424/05 P, EU:C:2007:367, points 42 et 43), cité par la requérante, la Cour a évoqué les privilèges, les immunités et le statut particulier dont l’intéressée bénéficiait, pour admettre qu’elle avait un lien de rattachement spécifique avec un autre État faisant obstacle à son intégration dans le pays d’affectation. Toutefois, la question à trancher dans cette affaire était de savoir si la requérante, qui travaillait au bureau de liaison des Länder de la République d’Autriche, effectuait des services pour cet État et lui était ainsi rattachée. Dans cet arrêt, la Cour a déduit ce rattachement d’une série d’éléments. Le premier de ces éléments consistait dans la circonstance que le personnel d’une représentation permanente doit être considéré comme étant au service de l’État membre concerné et, par conséquent, dans une situation de dépaysement, en raison de son appartenance aux structures de cette représentation. Le deuxième élément résidait dans le fait que, malgré son affectation au bureau de liaison des Länder, l’intéressée était membre du personnel de la représentation permanente de la République d’Autriche et était soumise à l’autorité hiérarchique de l’ambassadeur autrichien, de telle sorte qu’elle devait être regardée comme ayant effectué des services pour l’État autrichien. Enfin, le troisième élément résultait de ce que son statut était le même que celui des autres fonctionnaires affectés à ladite représentation (arrêt du 21 juin 2007, Commission/Hosman-Chevalier, C‑424/05 P, EU:C:2007:367, points 41 et 42). Aussi, le statut particulier évoqué par la Cour au point 43 de cet arrêt ne saurait être compris comme découlant des seuls privilèges et immunités dont l’intéressée avait bénéficié. Au contraire, la Cour a davantage mis l’accent sur le fait que celle-ci avait accompli des services pour la République d’Autriche au sein de sa représentation permanente.

31      Dans son arrêt subséquent du 29 novembre 2007, Salvador García/Commission (C‑7/06 P, EU:C:2007:724, point 51), également cité par la requérante, la Cour s’est référée à son arrêt du 21 juin 2007, Commission/Hosman-Chevalier (C‑424/05 P, EU:C:2007:367), pour considérer que le statut particulier de l’intéressé, en tant que membre du personnel d’une représentation permanente, était à l’origine de son lien de rattachement spécifique avec l’État membre concerné et pour considérer aussi que ce statut privilégié, lui ayant permis de bénéficier de différents privilèges et immunités, créait par lui-même un obstacle qui empêchait que l’intéressé puisse nouer un lien de rattachement durable avec l’État d’affectation et, partant, qu’il s’intègre suffisamment dans la société de cet État. Toutefois, au point 50 de l’arrêt du 29 novembre 2007, Salvador García/Commission (C‑7/06 P, EU:C:2007:724), la Cour a précisé, compte tenu toujours de l’arrêt du 21 juin 2007, Commission/Hosman-Chevalier (C‑424/05 P, EU:C:2007:367), que l’intégration fonctionnelle au sein de la représentation permanente constituait un élément déterminant pour considérer qu’une recrue avait effectué des services pour un autre État (voir également, en ce sens, arrêt du 24 janvier 2008, Adam/Commission, C‑211/06 P, EU:C:2008:34, point 45).

32      Enfin, dans le prolongement de l’arrêt du 29 novembre 2007, Salvador García/Commission (C‑7/06 P, EU:C:2007:724), la Cour a jugé, dans son arrêt du 24 janvier 2008, Adam/Commission (C‑211/06 P, EU:C:2008:34, point 49), que, aux fins de l’interprétation de l’expression « services effectués pour un autre État », visée à l’article 4, paragraphe 1, sous a), second tiret, de l’annexe VII du statut, seul le fait que les services sont effectués au sein d’une représentation permanente d’un État autre que l’État d’affectation doit être considéré comme étant pertinent.

33      Il en découle que, même dans la jurisprudence citée par la requérante, le seul élément faisant obstacle à la création d’un lien de rattachement avec le pays d’affectation est la prestation de services dans une situation d’intégration fonctionnelle au sein d’une représentation diplomatique d’un autre État ou d’une organisation internationale.

34      La requérante objecte cependant que les termes « situation résultant de services effectués pour un autre État ou une organisation internationale » utilisés à l’article 4, paragraphe 1, sous a), second tiret, seconde phrase, de l’annexe VII du statut recouvrent d’autres situations que celles découlant du seul exercice de fonctions pour un tel État ou pour une telle organisation.

35      La jurisprudence est effectivement fixée en ce sens que cette disposition ne peut être limitée aux seules personnes ayant fait partie du personnel d’un autre État que l’État d’affectation ou d’une organisation internationale, puisqu’elle vise toutes « les situations résultant de services effectués » pour un tel État ou une telle organisation (arrêts du 25 octobre 2005, Salazar Brier/Commission, T‑83/03, EU:T:2005:371, point 45, et du 25 octobre 2005, De Bustamante Tello/Conseil, T‑368/03, EU:T:2005:372, point 42). Comme le relève la requérante, cette jurisprudence s’explique par la circonstance que ces termes ont une portée plus large que ceux d’« exercice de fonctions », employés à l’article 4, paragraphe 1, sous b), de l’annexe VII du statut (arrêt du 30 mars 1993, Vardakas/Commission, T‑4/92, EU:T:1993:29, point 36).

36      Il s’ensuit que l’article 4, paragraphe 1, sous a), second tiret, dernière phrase, de l’annexe VII du statut ne couvre pas seulement les cas dans lesquels l’intéressé s’est trouvé dans le cadre d’une relation de travail au sens strict (voir, en ce sens, arrêt du 3 mai 2001, Liaskou/Conseil, T‑60/00, EU:T:2001:129, point 50). Il n’en reste pas moins que, selon la même jurisprudence, la notion de « situation résultant de services effectués pour un autre État ou une organisation internationale » correspond seulement aux situations dans lesquelles le service découle d’un lien juridique direct entre l’intéressé et l’État ou l’organisation internationale en cause, dans le cadre d’un stage ou d’un contrat d’expert par exemple (voir, en ce sens, arrêts du 25 octobre 2005, Salazar Brier/Commission, T‑83/03, EU:T:2005:371, point 45, et du 25 octobre 2005, De Bustamante Tello/Conseil, T‑368/03, EU:T:2005:372, point 42).

37      Partant, l’article 4, paragraphe 1, sous a), second tiret, dernière phrase, de l’annexe VII du statut ne saurait être étendu à l’épouse d’un agent diplomatique qui a bénéficié, en cette qualité, de certains privilèges et immunités en vertu de la convention de Vienne, mais qui ne peut se prévaloir d’un tel lien juridique direct. À cet égard, la Commission souligne à juste titre que le droit de la requérante à un statut diplomatique n’était pas un droit propre, mais un droit dérivé, destiné à faciliter la vie familiale des agents diplomatiques, qu’elle tirait des fonctions de son mari.

38      La requérante fait encore valoir que, dans l’examen de son degré d’intégration en Belgique qui, en définitive, détermine l’octroi de l’indemnité de dépaysement, il ne saurait être fait abstraction de la circonstance que, en application de la convention de Vienne et d’une note circulaire de l’État belge, du 15 mai 2014, relative à l’exercice d’une activité professionnelle ou commerciale lucrative par les membres des missions diplomatiques ou postes consulaires de carrière ou par les membres de leur famille (ci-après la « note circulaire de l’État belge »), elle ne pouvait exercer aucune activité professionnelle en Belgique, sauf à restituer son passeport diplomatique et à renoncer ainsi au statut diplomatique accordé aux membres de la famille d’un agent diplomatique.

39      Il y a lieu de rappeler, à cet égard, que la notion de dépaysement dépend notamment de la situation personnelle du fonctionnaire, à savoir de son degré d’intégration dans l’État d’affectation résultant, par exemple, de l’exercice antérieure d’une activité professionnelle dans celui-ci (voir, en ce sens, arrêts du 24 janvier 2008, Adam/Commission, C‑211/06 P, EU:C:2008:34, point 38, et du 13 juillet 2018, Quadri di Cardano/Commission, T‑273/17, EU:T:2018:480, point 44). Par conséquent, l’impossibilité d’exercer une telle activité professionnelle, si elle était avérée, pourrait être un élément de nature à contredire cette intégration et à établir, a contrario, l’existence d’un dépaysement.

40      Force est toutefois de relever que l’article 42 de la convention de Vienne prévoit que « [l]’agent diplomatique n’exercera pas dans l’État accréditaire une activité professionnelle ou commerciale en vue d’un gain personnel » et qu’aucune disposition n’étend le champ d’application de cette interdiction aux membres de la famille de cet agent. Dès lors, contrairement aux agents diplomatiques, ceux-ci peuvent exercer une activité professionnelle ou commerciale dans l’État accréditaire dans le cadre des lois et des règlements de celui-ci, et donc moyennant, le cas échéant, les autorisations requises de tout étranger de la même nationalité, telle que, par exemple, un permis de travail. Toutefois, en sa qualité de ressortissante d’un État membre de l’Union, la requérante était même dispensée de cette obligation. De plus, malgré l’exercice d’une activité professionnelle ou commerciale, les membres de la famille d’un agent diplomatique conservent en principe leurs privilèges et immunités tels qu’ils sont prévus et circonscrits par les articles 29 à 36 de ladite convention qui leur sont applicables en vertu de l’article 37, paragraphe 1, de celle-ci. En fait, en vertu de l’article 31, paragraphe 1, sous c), de la convention de Vienne, seules les immunités de juridiction civile et administrative sont levées pour toute action concernant une activité professionnelle ou commerciale. L’immunité pénale, quant à elle, ne l’est pas par anticipation.

41      Quoique postérieure à la période qui aurait dû être neutralisée selon la requérante, la note circulaire de l’État belge corrobore ce qui précède.

42      Force est également de constater eu égard à tout ce qui précède que, à la différence de la requérante, son mari ne pouvait en aucun cas exercer une activité professionnelle ou commerciale en Belgique. Ainsi, la requérante et son mari ne se trouvaient pas dans la même situation juridique.

43      La requérante invoque encore l’article 57 de la convention de Vienne sur les relations consulaires, du 24 avril 1963. Toutefois, l’intéressée décrit les fonctions de son mari comme étant celles d’un agent diplomatique et, plus précisément, comme étant celles de « conseiller à la délégation permanente de la République de Pologne auprès de l’OTAN ». Dès lors, et à défaut d’étayer en quoi ces fonctions relèveraient de cette convention, il y a lieu de la considérer comme étant dépourvue de pertinence en l’espèce.

44      La requérante soutient également qu’il n’y a pas d’explication au fait qu’un agent exerçant dans le pays d’affectation des fonctions pour un État ou une organisation internationale serait plus dépaysé que son conjoint, qui y a également vécu sans exercer de telles fonctions, mais en bénéficiant tout autant d’un statut diplomatique.

45      Comme cela a déjà été exposé (point 39 ci-dessus), la notion de dépaysement dépend notamment du degré d’intégration de l’intéressé dans le pays d’affectation. Or, s’il peut être présumé qu’une personne maintient un lien de rattachement spécifique avec son État d’origine lorsqu’elle le sert au sein de sa délégation ou de son ambassade et que cette situation fait obstacle à la création d’un lien de rattachement durable avec le pays d’affectation (voir, en ce sens, arrêts du 21 juin 2007, Commission/Hosman-Chevalier, C‑424/05 P, EU:C:2007:367, point 38, et du 13 juillet 2018, Quadri di Cardano/Commission, T‑273/17, EU:T:2018:480, point 49), il n’en va pas nécessairement de même de son conjoint, qui ne partage pas le même environnement professionnel dédié au service dudit État et qui dispose dès lors d’un éventail plus large de possibilités pour s’intégrer dans la société du pays d’accueil.

46      Enfin, c’est vainement que la requérante soutient que si son mari avait été recruté par les institutions de l’Union à la même date qu’elle, la période au cours de laquelle il a bénéficié d’un statut diplomatique aurait été neutralisée. En effet, contrairement à ce que la requérante soutient, il ressort des points 27 à 37, 40 et 45 ci-dessus qu’elle et son mari ne se trouvaient pas dans la même situation juridique et factuelle.

47      En conclusion, le dépaysement d’une personne, ouvrant le droit à une indemnité de dépaysement, est indépendant du statut diplomatique dont elle bénéficie en vertu du droit international (voir, en ce sens, arrêt du 30 mars 1993, Vardakas/Commission, T‑4/92, EU:T:1993:29, point 40). Il en va a fortiori ainsi lorsque, comme la requérante en l’espèce, cette personne bénéficie de ce statut sans être membre du personnel d’une organisation internationale ou de la représentation d’un État autre que l’État d’affectation.

48      Partant, c’est sans méconnaître l’article 4, paragraphe 1, sous a), second tiret, dernière phrase, de l’annexe VII du statut que l’AHCC a fixé la période de référence du 1er mars 2012 au 28 février 2017 et ne l’a pas fait remonter jusqu’au 6 juin 2009.

49      Il découle par conséquent de tout ce qui précède que la première branche du moyen de la requérante doit être rejetée.

 Sur la seconde branche, tirée d’une erreur dans l’application de la notion de résidence habituelle

50      La requérante prétend, à titre subsidiaire, que, même si la période au cours de laquelle elle a bénéficié d’un statut diplomatique particulier ne peut être neutralisée, elle n’a pas eu, au cours de cette période, la volonté de conférer à sa présence en Belgique le caractère stable nécessaire pour tomber dans le champ d’application de l’article 4, paragraphe 1, sous a), second tiret, première phrase, de l’annexe VII du statut. Elle énumère à cet égard des éléments matériels qui seraient autant d’indices de son dépaysement.

51      En premier lieu, la requérante prétend que son séjour en Belgique était indissociablement lié à la mission diplomatique de son mari et que sa présence sur le territoire belge avait, de ce fait, un caractère précaire et provisoire. Ce caractère précaire et provisoire aurait rendu sans intérêt toute tentative de créer des liens durables avec la Belgique.

52      Toutefois, dans la mesure où l’application de l’article 4, paragraphe 1, sous a), second tiret, de l’annexe VII du statut dépend du degré d’intégration de la personne concernée dans le pays d’affectation avant son entrée en fonction (point 39 ci-dessus) et dans la mesure où le degré d’intégration est indépendant du statut diplomatique dont elle bénéficie en vertu du droit international (point 47 ci-dessus), la circonstance que le séjour de la requérante en Belgique trouvait son origine dans la mission diplomatique de son mari est, en elle-même, dépourvue de pertinence.

53      Quant à la nature prétendument précaire et provisoire dudit séjour, il y a lieu de rappeler qu’il appartient à la requérante de démontrer que les conditions visées à l’article 4, paragraphe 1, sous a), de l’annexe VII du statut sont remplies (voir arrêt du 13 juillet 2018, Quadri di Cardano/Commission, T‑273/17, EU:T:2018:480, point 51 et jurisprudence citée). Or, le fait que le personnel diplomatique est appelé à changer périodiquement d’affectation ne peut pas faire présumer une absence d’intégration. Sauf circonstance exceptionnelle, les agents diplomatiques restent en poste plusieurs années dans un pays. En l’espèce, le mari de la requérante est d’ailleurs demeuré affecté à Bruxelles durant six ans.

54      En deuxième lieu, la requérante tire argument de la nature particulière de sa résidence en Belgique, en ce qu’elle a été logée avec sa famille dans un appartement mis à sa disposition par la délégation permanente de la République de Pologne auprès de l’OTAN, qui payait le loyer et les factures de consommation d’énergie.

55      Il convient de rappeler à ce propos que la notion de résidence habituelle est interprétée de manière constante par la jurisprudence comme étant le lieu où l’intéressé a fixé, avec la volonté de lui conférer un caractère stable, le centre permanent ou habituel de ses intérêts. En outre, la notion de résidence implique, indépendamment de la donnée purement quantitative du temps passé par la personne sur le territoire de l’un ou de l’autre pays, outre le fait physique de demeurer en un certain lieu, l’intention de conférer à ce fait la continuité résultant d’une habitude de vie et du déroulement de rapports sociaux normaux (arrêt du 13 juillet 2018, Quadri di Cardano/Commission, T‑273/17, EU:T:2018:480, point 48).

56      En l’espèce, il convient de constater que la requérante réside en Belgique depuis le 22 septembre 2010. La circonstance qu’elle a bénéficié d’avantages matériels consistant en un logement de fonction dont le loyer et la consommation d’énergie étaient payés par la délégation permanente de la République de Pologne auprès de l’OTAN ne saurait être la preuve du maintien d’un rattachement avec son pays d’origine tel que ce rattachement exclurait toute intégration en Belgique. En d’autres termes, la prise en charge de ces coûts par la République de Pologne n’implique pas que ce logement ne pouvait être, de manière stable, le centre permanent ou habituel des intérêts de la requérante en Belgique.

57      Cette prise en charge n’empêchait pas davantage la requérante de nouer des rapports sociaux avec la Belgique. Ainsi, le fait que, après le retour de son mari en Pologne, la requérante soit restée en Belgique avec son fils afin qu’il y poursuive sa scolarité constitue un indice accréditant une intégration. Constitue également un indice de cette intégration le fait que, alors même qu’elle était toujours sous statut diplomatique, la requérante a temporairement collaboré avec une association bruxelloise active dans le domaine de la formation et a ainsi participé au réseau associatif de son futur pays d’affectation.

58      À cet égard, et en troisième lieu, la requérante fait précisément valoir que l’animation de tables de conversation ne constituait pas une activité professionnelle au sens de l’article 4, paragraphe 1, sous a), de l’annexe VII du statut et qu’elle ne permettrait pas de présumer de sa volonté de déplacer en Belgique le centre permanent de ses intérêts. Cette activité aurait été très limitée et aurait seulement donné lieu à un défraiement.  La Commission considère, quant à elle, qu’il s’agissait d’une activité rémunérée.

59      Cependant, il ne saurait être perdu de vue qu’une activité professionnelle est un critère certes objectif cité par l’article 4, paragraphe 1, sous a), de l’annexe VII du statut pour appréhender la situation des fonctionnaires et des agents nouvellement recrutés (voir, en ce sens, arrêt du 28 février 2019, Pozza/Parlement, T‑216/18, non publié, EU:T:2019:118, point 25), mais que celui-ci ne vaut qu’à titre d’exemple (arrêts du 21 juin 2007, Commission/Hosman-Chevalier, C‑424/05 P, EU:C:2007:367, point 35, et du 13 juillet 2018, Quadri di Cardano/Commission, T‑273/17, EU:T:2018:480, point 44). Aussi la contribution d’un fonctionnaire ou d’un agent à l’activité d’un acteur du monde associatif dans le pays de sa future affectation est-elle susceptible, dans certaines circonstances, de constituer un indice parmi d’autres d’intégration de l’intéressé.

60      Quatrièmement, la requérante fait observer que ce n’est qu’après avoir restitué son passeport diplomatique, le 16 juin 2013, qu’elle a été enregistrée dans les registres belges de la population.

61      Toutefois, si l’inscription en tant que résident dans une commune révèle la volonté de l’intéressé et son intention de fixer le centre stable et permanent de sa résidence et de ses intérêts audit endroit (ordonnance du 26 septembre 2007, Salvador Roldán/Commission, F‑129/06, EU:F:2007:166, point 60), cette inscription reste un élément formel dont il ne peut être déduit, en l’espèce, que la requérante n’avait pas auparavant de résidence effective en Belgique, spécifiquement dans les circonstances de l’espèce, où l’existence de cette résidence n’est d’ailleurs pas contestée.

62      Cinquièmement, la requérante prétend que, pendant la période où son mari a exercé en Belgique la fonction d’agent d’ambassade, elle a conservé des liens de rattachement durables avec la Pologne.

63      La requérante prétend ainsi être demeurée propriétaire d’un immeuble en Pologne et avoir conservé un numéro de téléphone polonais. Elle y aurait même conservé une activité professionnelle en tant que professeur de langue et traductrice jurée jusqu’en 2013 et aurait continué d’y payer des impôts.

64      Néanmoins, le fait d’être domiciliée fiscalement dans le pays d’origine et le fait d’y disposer d’intérêts et de biens patrimoniaux ne permettent pas de démontrer que la résidence habituelle de la requérante se situe dans ce pays (voir, en ce sens, ordonnance du 26 septembre 2007, Salvador Roldán/Commission, F‑129/06, EU:F:2007:166, point 59). Il en va d’autant plus ainsi lorsque les revenus déclarés fiscalement dans le pays d’origine résultent d’une activité professionnelle exercée à l’étranger. Lors de l’audience, la requérante a précisément exposé qu’elle avait exercé la profession indépendante de traducteur juré pour les tribunaux polonais depuis la Belgique et que c’est à ce titre qu’elle avait déclaré, pour l’année 2012, un revenu professionnel de 2 664,64 zlotys polonais (PLN) (environ 650 euros). La requérante a également exposé, lors de l’audience, qu’elle avait demandé sa radiation du registre du commerce polonais en 2014 et que le montant de 54 289,16 PLN (environ 12 700 euros) déclaré pour cette année représentait le salaire qu’elle avait perçu en Belgique du fait de son emploi cette année-là dans une société belge prestataire de services de la Commission.

65      Le fait d’avoir conservé un numéro de téléphone polonais ne permet pas non plus d’établir que la requérante avait conservé le centre de ses intérêts en Pologne, a fortiori dès lors que, comme la requérante l’a indiqué lors de l’audience, il s’agissait d’un numéro de téléphone portable, qui était donc susceptible d’être utilisé depuis le territoire belge.

66      Sixièmement, la requérante expose qu’elle a toujours travaillé dans un environnement international public, d’abord à la représentation permanente de la République de Pologne auprès de l’Union, du 7 janvier au 31 décembre 2011, puis auprès de la Commission, du 16 juin 2014 au 31 août 2017. Elle soutient que le fait d’avoir ainsi travaillé dans un environnement international et de n’avoir exercé aucune activité dans le secteur privé atténuerait toute présomption d’intégration dans la société belge.

67      Toutefois, et ainsi que la requérante l’admet elle-même, elle n’a exercé une activité professionnelle au sein de la Commission que par l’intermédiaire de deux contrats successifs avec deux sociétés belges agissant pour cette institution dans le cadre de prestations de services. Or, la jurisprudence a exclu du champ d’application de l’article 4, paragraphe 1, sous a), second tiret, dernière phrase, de l’annexe VII du statut les situations triangulaires dans lesquelles le nouveau fonctionnaire ou le nouvel agent avait certes précédemment travaillé au sein d’institutions de l’Union, mais pour le compte de sociétés privées auprès desquelles il était salarié (arrêt du 28 février 2019, Pozza/Parlement, T‑216/18, non publié, EU:T:2019:118, point 51). Aussi, le fait d’avoir exercé une activité professionnelle auprès de la Commission dans ces conditions ne saurait être regardé comme un indice d’une absence d’intégration de la requérante en Belgique durant la période de référence.

68      Quant aux prestations de la requérante au sein de la représentation permanente de la République de Pologne auprès de l’Union, elles sont antérieures à la période de référence. Elles ne pouvaient dès lors avoir une influence déterminante sur l’appréciation par l’AHCC de la question de savoir si la requérante s’était ou non intégrée en Belgique durant ladite période.

69      Au vu de ce qui précède, la deuxième branche du moyen n’est pas fondée et celui-ci doit être rejeté dans son ensemble.

70      Partant, il y a lieu de rejeter le recours.

 Sur les dépens

71      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Mme Katarzyna Wywiał-Prząda est condamnée aux dépens.

Gratsias

Marcoulli

Frendo

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 28 novembre 2019.

Le greffier

 

Le président

E. Coulon

 

D. Gratsias



*      Langue de procédure : le français.

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