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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) |
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You are here: BAILII >> Databases >> Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) >> Frankischer Weinbauverband v EUIPO (Forme d'une bouteille ellipsoidale) (Intellectual, industrial and commercial property - Judgment) French Text [2019] EUECJ T-68/18 (24 September 2019) URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2019/T6818.html Cite as: [2019] EUECJ T-68/18, EU:T:2019:677, ECLI:EU:T:2019:677 |
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DOCUMENT DE TRAVAIL
ARRÊT DU TRIBUNAL (sixième chambre)
24 septembre 2019 (*)
« Marque de l’Union européenne – Demande de marque de l’Union européenne tridimensionnelle – Forme d’une bouteille ellipsoïdale bombée, aplatie à l’avant et à l’arrière – Motif absolu de refus – Absence de caractère distinctif – Article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement (UE) 2017/1001 »
Dans l’affaire T‑68/18,
Fränkischer Weinbauverband eV, établie à Würzburg (Allemagne), représentée par Mes L. Petri et M. Gilch, avocats,
partie requérante,
contre
Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par MM. W. Schramek, M. Fischer et Mme D. Walicka, en qualité d’agents,
partie défenderesse,
ayant pour objet un recours formé contre la décision de la quatrième chambre de recours de l’EUIPO du 4 décembre 2017 (affaire R 413/2017‑4), concernant une demande d’enregistrement d’un signe tridimensionnel constitué par la forme d’une bouteille ellipsoïdale bombée, aplatie à l’avant et à l’arrière comme marque de l’Union européenne,
LE TRIBUNAL (sixième chambre),
composé de MM. G. Berardis, président, D. Spielmann et Z. Csehi (rapporteur), juges,
greffier : Mme R. Ūkelytė, administrateur,
vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 7 février 2018,
vu le mémoire en réponse déposé au greffe du Tribunal le 2 mai 2018,
à la suite de l’audience du 20 mars 2019,
rend le présent
Arrêt
Antécédents du litige
1 Le 12 mai 2016, la requérante, Fränkischer Weinbauverband eV, a présenté une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne à l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), en vertu du règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1)], laquelle a été enregistrée sous le numéro 15 431 281.
2 La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe tridimensionnel en noir et blanc reproduit ci-après :
3 Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent des classes 21, 32 et 33 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent, pour chacune de ces classes, à la description suivante :
– classe 21 : « Bouteilles » ;
– classe 32 : « Bières ; eaux minérales et gazeuses et autres boissons sans alcool ; boissons à base de fruits et jus de fruits ; sirops et autres préparations pour faire des boissons » ;
– classe 33 : « Boissons alcooliques (à l’exception des bières) ; spiritueux ; vins ; vins mousseux et effervescents ; boissons à base de vin ».
4 Par décision du 20 janvier 2017, l’examinateur a rejeté la demande d’enregistrement sur le fondement de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 (devenu article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001), pour l’ensemble des produits visés au point 3 ci-dessus.
5 Le 22 février 2017, la requérante a formé un recours contre la décision de l’examinateur auprès de l’EUIPO, au titre des articles 58 à 64 du règlement no 207/2009 (devenus articles 66 à 71 du règlement 2017/1001).
6 Par décision du 4 décembre 2017 (ci-après la « décision attaquée »), la quatrième chambre de recours de l’EUIPO a rejeté le recours au motif que la marque demandée était dépourvue de caractère distinctif au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 pour les produits visés au point 3 ci-dessus.
7 En particulier, tout d’abord, la chambre de recours a considéré que les produits en cause étaient destinés au public de tous les États membres de l’Union européenne, étant donné que la marque demandée ne présentait pas d’éléments verbaux. Elle a estimé que le public pertinent des produits relevant de la classe 21 était constitué de producteurs et embouteilleurs de boissons alcooliques et non alcooliques, tandis que le public pertinent des produits relevant des classes 32 et 33 était constitué du consommateur moyen. Ensuite, la chambre de recours a considéré, en substance, que la marque demandée consistait uniquement en une variante d’une forme basique traditionnelle de bouteille, la gourde. Elle a précisé que la marque demandée était constituée d’une bouteille trapue et bombée, aplatie à l’avant et à l’arrière. Elle a ajouté que la forme aplatie de la bouteille avait l’avantage pratique de permettre à la bouteille de ne pas rouler toute seule. Enfin, elle a conclu que la marque demandée n’était pas susceptible d’être perçue par le consommateur moyen comme une indication de l’origine et, par conséquent, était dépourvue de caractère distinctif.
Conclusions des parties
8 La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– annuler la décision attaquée ;
– condamner l’EUIPO aux dépens.
9 L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– rejeter le recours ;
– condamner la requérante aux dépens.
En droit
10 À l’appui de son recours, la requérante invoque un moyen unique, tiré, en substance, de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001.
11 La requérante reproche à la chambre de recours d’avoir commis des erreurs d’appréciation en ce qui concerne, d’une part, la définition et le niveau d’attention du public pertinent et, d’autre part, la divergence significative de la marque demandée par rapport à la norme et aux habitudes des secteurs concernés.
12 L’EUIPO conteste les arguments de la requérante.
13 Conformément à l’article 4 du règlement 2017/1001, la forme d’un produit ou de son conditionnement est susceptible de constituer une marque de l’Union européenne, à condition que celle-ci soit propre à distinguer les produits d’une entreprise de ceux d’autres entreprises.
14 Aux termes de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, les marques qui sont dépourvues de caractère distinctif sont refusées à l’enregistrement.
15 Il résulte d’une jurisprudence constante que le caractère distinctif d’une marque, au sens de cette dernière disposition, signifie que cette marque permet d’identifier le produit ou le service pour lequel l’enregistrement est demandé comme provenant d’une entreprise déterminée et donc de distinguer ce produit de ceux d’autres entreprises (voir arrêt du 7 mai 2015, Voss of Norway/OHMI, C‑445/13 P, EU:C:2015:303, point 88 et jurisprudence citée).
16 Ce caractère distinctif doit être apprécié, d’une part, par rapport aux produits ou aux services pour lesquels l’enregistrement est demandé et, d’autre part, par rapport à la perception qu’en a le public pertinent (voir arrêt du 7 mai 2015, Voss of Norway/OHMI, C‑445/13 P, EU:C:2015:303, point 89 et jurisprudence citée).
17 Selon une jurisprudence constante, les critères d’appréciation du caractère distinctif des marques tridimensionnelles constituées par la forme du produit lui-même ne sont pas différents de ceux applicables aux autres catégories de marques. Toutefois, dans le cadre de l’application de ces critères, la perception du consommateur moyen n’est pas nécessairement la même dans le cas d’une marque tridimensionnelle, constituée par l’apparence du produit lui-même, que dans le cas d’une marque verbale ou figurative, qui consiste en un signe indépendant de l’aspect des produits qu’elle désigne. En effet, les consommateurs moyens n’ont pas pour habitude de présumer l’origine des produits en se fondant sur leur forme ou celle de leur emballage, en l’absence de tout élément graphique ou textuel, et il pourrait donc s’avérer plus difficile d’établir le caractère distinctif s’agissant d’une telle marque tridimensionnelle que s’agissant d’une marque verbale ou figurative (voir arrêt du 7 mai 2015, Voss of Norway/OHMI, C‑445/13 P, EU:C:2015:303, point 90 et jurisprudence citée).
18 Plus particulièrement, le conditionnement d’un produit liquide étant un impératif de commercialisation, le consommateur moyen lui attribue, en premier lieu, cette simple fonction. Une marque tridimensionnelle constituée d’un tel conditionnement n’est distinctive que si elle permet au consommateur moyen du produit concerné, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, sans procéder à une analyse ou à une comparaison et sans faire preuve d’une attention particulière, de distinguer ce produit de ceux des autres entreprises [voir arrêt du 24 février 2016, Coca-Cola/OHMI (Forme d’une bouteille à contours sans cannelures), T‑411/14, EU:T:2016:94, point 38 et jurisprudence citée].
19 Dans ces conditions, seule une marque qui, de manière significative, diverge de la norme ou des habitudes du secteur et, de ce fait, est susceptible de remplir sa fonction essentielle d’origine n’est pas dépourvue de caractère distinctif au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 (voir arrêt du 24 février 2016, Forme d’une bouteille à contours sans cannelures, T‑411/14, EU:T:2016:94, point 39 et jurisprudence citée).
20 Cependant, il ne résulte pas de cette jurisprudence qu’il faille systématiquement circonscrire le secteur dans lequel s’opère la comparaison aux produits mêmes pour lesquels l’enregistrement est demandé. Il ne peut être exclu que les consommateurs d’un produit donné soient, le cas échéant, influencés, dans leur perception de la marque dont ce produit est revêtu, par les modalités de commercialisation développées pour d’autres produits dont ils sont également consommateurs. Ainsi, selon la nature des produits en cause et de la marque demandée, il peut être nécessaire, aux fins d’apprécier si la marque est ou non dépourvue de caractère distinctif, de prendre en considération un secteur plus vaste (arrêt du 12 janvier 2006, Deutsche SiSi-Werke/OHMI, C‑173/04 P, EU:C:2006:20, point 32).
21 En particulier, lorsque, comme en l’espèce, la marque dont l’enregistrement est demandé est constituée de la forme tridimensionnelle de l’emballage des produits concernés – a fortiori lorsque la commercialisation de ces produits exige, en raison de leur nature même, un emballage, de sorte que c’est l’emballage choisi qui confère sa forme au produit et, aux fins de l’examen d’une demande d’enregistrement en tant que marque, doit être assimilé à la forme du produit –, la norme ou les habitudes pertinentes peuvent être celles en vigueur dans le secteur de l’emballage des produits de même nature et destinés aux mêmes consommateurs que ceux pour lesquels l’enregistrement est demandé (arrêt du 12 janvier 2006, Deutsche SiSi-Werke/OHMI, C‑173/04 P, EU:C:2006:20, point 33).
22 En effet, il ne saurait être exclu que le consommateur moyen, qui est habitué à voir divers produits provenant d’entreprises distinctes conditionnés dans un même type d’emballage, n’identifie pas d’emblée l’utilisation de ce type d’emballage par une entreprise pour la commercialisation d’un produit donné comme étant, en soi, une indication d’origine, quand bien même ledit produit est commercialisé par les concurrents de cette entreprise dans d’autres modes de conditionnement. À cet égard, il convient de souligner que le consommateur moyen, qui ne se livre pas à une étude de marché, ne saura pas, à l’avance, qu’une seule entreprise commercialise un produit donné dans un certain type d’emballage, tandis que ses concurrents utilisent d’autres modes de conditionnement pour ce produit (arrêt du 12 janvier 2006, Deutsche SiSi-Werke/OHMI, C‑173/04 P, EU:C:2006:20, point 34).
Sur le public pertinent
23 La requérante conteste les conclusions de la chambre de recours concernant la définition du public pertinent et notamment le niveau d’attention de ce dernier. En ce qui concerne les produits visés par la marque demandée relevant des classes 32 et 33, elle estime que le niveau d’attention du public pertinent se situe entre moyen et élevé, notamment lors de l’acquisition de vin. Quant aux produits relevant de la classe 21, elle soutient que le niveau d’attention du public pertinent est également élevé, puisque les producteurs et les embouteilleurs de boissons alcooliques et non alcooliques constituent un public spécialisé.
24 Aux points 26 et 27 de la décision attaquée, la chambre de recours a relevé que le public pertinent des produits visés relevant des classes 32 et 33 était le consommateur moyen de tous les États membres de l’Union, qui, en l’espèce, était le grand public, et que le public pertinent des produits visés relevant de la classe 21 était composé de producteurs et d’embouteilleurs de boissons alcooliques et non alcooliques.
25 À cet égard, il convient de rappeler qu’une marque doit permettre au public pertinent de distinguer les produits qu’elle désigne de ceux d’autres entreprises sans que ce public doive faire preuve d’une attention particulière, de sorte que le seuil de distinctivité nécessaire à l’enregistrement d’une marque ne saurait dépendre du niveau d’attention dudit public [voir, en ce sens, arrêt du 14 février 2019, Bayer Intellectual Property/EUIPO (Représentation d’un coeur), T‑123/18, EU:T:2019:95, point 17 et jurisprudence citée].
26 Par conséquent, il y a lieu d’écarter comme inopérants les arguments de la requérante en ce qui concerne le niveau d’attention du public pertinent.
Sur l’existence d’une divergence significative entre la marque demandée et la norme ou les habitudes du secteur
27 S’agissant du caractère distinctif de la marque demandée, la requérante soutient que, pour être pourvu d’un caractère distinctif, il suffit que la marque demandée présente une « divergence significative » par rapport aux formes de base communément utilisées dans le commerce et qu’ainsi une « différence substantielle » n’est pas exigée. Elle fait valoir que la marque demandée remplit le critère de la divergence significative par ses caractéristiques extrêmement marquantes, à savoir une forme bombée aplatie, ayant une forme ellipsoïdale écrasée ; un goulot court comparé au corps plat (rapport d’environ 2,5:1) ; une optique plane, stricte, claire et « dure » en forme de flacon avec de nombreux bords dont résulte une haptique différente ; une forme de goutte sur le devant, avec un bord affûté vers le goulot ; un cintrage latéral, légèrement renflé sur le devant ; des lignes latérales qui, à partir du haut, tendent à s’aplatir vers le goulot en formant un « x » ; et une légère cavité de préhension par le dessous. Elle souligne que ces caractéristiques sont visibles sur les vues noires et blanches déposées dans le cadre de la demande d’enregistrement. Néanmoins, elle inclut dans sa requête une série d’images en couleur plus détaillées de la marque demandée mettant davantage en évidence les caractéristiques énumérées ci-dessus, notamment à l’aide de lignes et de flèches rouges.
À titre liminaire, sur la représentation graphique de la marque demandée
28 Selon l’économie du règlement 2017/1001, l’enregistrement ne peut avoir lieu que sur le fondement et dans les limites de la demande d’enregistrement présentée à l’EUIPO par le demandeur. Il s’ensuit que, lors de l’examen du caractère distinctif d’une marque tridimensionnelle, l’EUIPO doit se référer à la reproduction de la marque demandée jointe à la demande d’enregistrement et, le cas échéant, à la description incluse dans cette demande. Dès lors, l’EUIPO ne peut pas prendre en compte les caractéristiques de la marque demandée qui ne sont pas indiquées dans la demande d’enregistrement et les documents l’accompagnant. En effet, la représentation graphique, ayant pour fonction de définir la marque, doit être complète par elle-même, afin de déterminer, avec clarté et précision, l’objet exact de la protection conférée par la marque enregistrée à son titulaire [arrêt du 25 novembre 2015, Jaguar Land Rover/OHMI (Forme d’une voiture), T‑629/14, non publié, EU:T:2015:878, point 34].
29 Partant, il y a lieu d’entériner l’appréciation de la chambre de recours au point 23 de la décision attaquée, d’ailleurs non contestée par la requérante, selon laquelle seule la description incluse dans une demande d’enregistrement et la représentation graphique jointe à cette demande peuvent être prises en compte lors de l’examen du caractère distinctif d’une marque demandée. En l’espèce, seules les quatre vues noires et blanches, reproduites au point 2 ci-dessus, ont été déposées lors de la demande d’enregistrement, sans aucune description. Il convient donc, à l’instar de la chambre de recours, d’apprécier le caractère distinctif de la marque demandée en tenant compte uniquement des caractéristiques reconnaissables sur les quatre vues noire et blanches susmentionnées, en ne tenant compte ni des caractéristiques non reconnaissables sur ces quatre vues noires et blanches, ni des images en couleur incluses dans la requête.
Sur la notion de « divergence significative »
30 La requérante fait valoir que la chambre de recours a commis une erreur de droit en subordonnant la reconnaissance du caractère distinctif de la marque demandée à l’existence d’une « différence substantielle », au lieu d’une simple « divergence significative », ce qui serait contraire à la jurisprudence.
31 Toutefois, la chambre de recours, au point 30 de la décision attaquée, a expressément fait référence à la jurisprudence pertinente relative à l’existence d’une divergence significative. Elle a ensuite relevé, au point 31 de la décision attaquée, qu’elle « ne [parvenait] pas à reconnaître une telle divergence ». Ainsi, la référence à l’expression « différences fondamentales » faite au point 35 de la décision attaquée ne suffit pas, à elle seule, à démontrer que la chambre de recours aurait appliqué un standard, différent et plus élevé, de la différence substantielle.
32 Il y a donc lieu d’écarter l’argument de la requérante selon lequel la chambre de recours a exigé une différence substantielle plutôt qu’une divergence significative. Toutefois, il convient ensuite de contrôler l’appréciation de la chambre de recours sur l’absence de divergence significative, et par conséquent, de caractère distinctif de la marque demandée, d’abord en ce qui concerne les vins, puis les autres boissons et enfin les bouteilles vides.
Sur l’existence d’une divergence significative en ce qui concerne les produits visés par la marque demandée relevant des classes 32 et 33
33 En ce qui concerne les produits visés par la marque demandée relevant des classes 32 et 33, la requérante fait valoir que la forme demandée diverge de manière significative des formes habituelles dans le secteur en raison de ses caractéristiques et qu’elle peut donc fournir une indication sur la provenance des produits. Par ailleurs, contrairement aux affirmations de la chambre de recours, la requérante considère que sa demande d’enregistrement diffère du signe définitivement refusé de la demande antérieure numéro 2323301.
34 Plus particulièrement, s’agissant des bouteilles de vin, la requérante fait valoir que la marque demandée se distingue clairement, par ses caractéristiques particulières, des bouteilles de vin habituelles. Elle explique que la marque demandée a été créée au cours d’un processus long et difficile par un célèbre designer, en partant de l’ancienne forme de cantil et en s’inspirant du capot de la Mercedes classe E et que la marque demandée n’est pas une simple bouteille du point de vue de la technologie du procédé de fabrication. Elle soutient que ces éléments plaident en faveur de la divergence significative de la marque demandée par rapport à la norme et aux bouteilles habituelles dans le secteur du vin.
35 À titre liminaire, il convient de constater que, contrairement à ce que la chambre de recours a relevé au point 32 de la décision attaquée, la demande d’enregistrement qui fait l’objet de la présente affaire se distingue de la demande antérieure numéro 2323301, et ne constitue donc pas une répétition de ladite demande.
36 En premier lieu, en ce qui concerne les « vins » relevant de la classe 33, il y a lieu de relever, comme la requérante le soutient, que la marque demandée a été créée en partant de l’ancienne forme de cantil, une forme de bouteille utilisée pour le conditionnement de certains vins.
37 À cet égard, aux points 34 à 36 de la décision attaquée, la chambre de recours a souligné que la forme de la bouteille trapue, bombée, aplatie à l’avant et à l’arrière, qui constitue la marque demandée était une forme basique traditionnelle de bouteille faisant l’objet d’un usage massif sur le marché des vins, tels qu’en témoignait la bouteille de vin « Mateus Rosé », ainsi que la définition de la forme de bouteille pour ce vin et pour les vins franconiens proposée par le règlement n° 607/2009 de la Commission, du 14 juillet 2009, fixant certaines modalités d’application du règlement n° 479/2008 du Conseil en ce qui concerne les appellations d’origine protégées et les indications géographiques protégées, les mentions traditionnelles, l’étiquetage et la présentation de certains produits du secteur vitivinicole (JO 2009, L 193, p. 60).
38 Le règlement n° 607/2009 définit, dans son annexe XVII, le cantil comme étant une « bouteille de verre à col court d’une forme pansue et bombée mais aplatie dont la base ainsi que la coupe transversale au niveau de la plus grande convexité du corps de la bouteille sont ellipsoïdes:
– Le rapport grand axe/petit axe de la coupe transversale ellipsoïde = 2:1,
– Le rapport hauteur du corps bombée/col cylindrique de la bouteille = 2,5:1 ».
39 L’annexe XVII du règlement n° 607/2009 réserve l’utilisation du cantil, dans le domaine des produits « vins », à un certain nombre de vins allemands, italiens, grecs et portugais.
40 Il ressort de ce qui précède que la chambre de recours n’a pas commis d’erreur en considérant que la forme de cantil fait partie des normes du secteur des produits « vins » et doit être considéré comme faisant partie des habitudes du secteur des produits « vins », tel que le démontre notamment la forme de la bouteille de vin « Mateus Rosé ».
41 Dans ces circonstances, il convient de vérifier si la forme de la bouteille qui constitue la marque demandée s’éloigne de façon significative de cette norme.
42 À titre liminaire, il convient de constater que la marque demandée est un signe complexe composé de plusieurs caractéristiques. Il convient donc, aux fins de l’appréciation de son caractère distinctif, de la considérer dans son ensemble. Toutefois, cela n’est pas incompatible avec l’examen successif des différents éléments qui la composent (voir, en ce sens, arrêt du 24 février 2016, Forme d’une bouteille à contours sans cannelures, T‑411/14, EU:T:2016:94, point 44 et jurisprudence citée).
43 La marque demandée, comme le cantil décrit par le règlement n° 607/2009, est une bouteille en verre caractérisée par une forme ellipsoïdale bombée mais aplatie et un goulot cylindrique court comparé au corps de la bouteille.
44 Prises séparément, les autres caractéristiques de la marque demandée, reconnaissables sur la représentation graphique, reproduite au point 2 ci-dessus, constituent chacune une variation par rapport à l’ancienne forme pansue de cantil décrite dans l’annexe XVII du règlement n° 607/2009. Même si ces caractéristiques, notamment celles qui contribuent au design anguleux de la marque demandée, présentent une certaine originalité, aucune des caractéristiques reconnaissables sur la reproduction graphique ne permettraient au consommateur moyen de déduire l’origine commerciale des produits concernés lorsqu’elles sont prises séparément. Elles sont ainsi dépourvues de caractère distinctif.
45 En outre, il ressort de la jurisprudence que le fait qu’une marque complexe n’est composée que d’éléments dépourvus de caractère distinctif par rapport aux produits concernés permet, en règle générale, de conclure que cette marque, considérée dans son ensemble, est dépourvue de caractère distinctif. Une telle conclusion ne saurait être infirmée que dans l’hypothèse où des indices concrets, tels que la manière dont les différents éléments sont combinés, indiqueraient que la marque complexe, considérée dans son ensemble, représente davantage que la somme des éléments dont elle est composée (voir arrêt du 24 février 2016, Forme d’une bouteille à contours sans cannelures, T‑411/14, EU:T:2016:94, point 49 et jurisprudence citée).
46 En l’espèce, il n’apparaît pas qu’il existe de tels indices. En effet, la marque demandée ne représente pas davantage que la somme des éléments dont elle est composée, à savoir une bouteille en forme de cantil assortie de quelques modifications qui ne divergent pas de manière significative de l’ancienne forme de cantil, une norme du secteur. La manière dont les éléments de la marque demandée, identifiables sur la représentation graphique reproduite au point 2 ci-dessus, sont combinés n’est pas non plus susceptible de lui conférer un caractère distinctif.
47 Dans ces conditions, la chambre de recours n’a pas commis d’erreur en concluant que la marque demandée était dépourvue de caractère distinctif en ce qui concerne les « vins » relevant de la classe 33.
48 Cette conclusion n’est pas remise en cause par les circonstances liées à la création de la marque demandée, évoquées par la requérante et rappelées au point 34 ci-dessus, car le public pertinent n’est pas censé connaître le processus de création ou de fabrication de la marque demandée et n’est pas davantage censé savoir que la conception de cette marque est inspirée du capot de la Mercedes classe E, une voiture haut de gamme très coûteuse n’ayant aucun rapport avec le domaine des vins.
49 En deuxième lieu, en ce qui concerne les produits visés par la marque demandée relevant des classes 32 et 33 autres que les « vins », la requérante soutient que la marque demandée diverge de manière significative de la norme et des habitudes dans les secteurs concernés des vins mousseux, des jus de fruits, de l’eau minérale, de la bière, ainsi que de l’eau et des boissons non alcooliques. Elle fait valoir, à cet égard, une série d’images des bouteilles qu’elle estime être le conditionnement habituel desdits produits. En comparant ces bouteilles avec la forme de la marque demandée, elle en conclut qu’elles sont très différentes.
50 La chambre de recours a relevé, au point 38 de la décision attaquée, que la tentative d’identifier des catégories de boissons pour lesquelles une utilisation de la forme de bouteille demandée n’avait pas pu être prouvée était vaine. Elle a estimé que toutes les boissons visées par la marque demandée, qu’elles soient alcooliques ou non alcooliques, pouvaient être aisément versées dans la bouteille demandée et qu’il n’existait aucun indice pouvant plaider en sens contraire ou exclure cela comme peu pratique ou éloigné de la réalité. En faisant référence à la jurisprudence citée aux points 20 et 21 ci-dessus, la chambre de recours a estimé que, pour apprécier le caractère distinctif des emballages, il convenait de prendre en considération non seulement les produits en cause, mais aussi le domaine des produits avoisinants.
51 En vertu de la jurisprudence citée au point 21 ci-dessus, lorsque, comme en l’espèce, la marque demandée est constituée de la forme tridimensionnelle de l’emballage des produits concernés, la norme ou les habitudes pertinentes peuvent être celles en vigueur dans le secteur de l’emballage des produits de même nature et destinés aux mêmes consommateurs que ceux pour lesquels l’enregistrement est demandé.
52 Or, il y a lieu de constater que tous les produits visés par la marque demandée relevant des classes 32 et 33 sont des boissons pouvant être aisément versées dans la bouteille qui constitue la marque demandée. De ce fait, ces produits peuvent être considérés comme des produits de même nature et destinés aux mêmes consommateurs.
53 Par conséquent, l’appréciation du caractère distinctif ou non de la marque demandée peut être opérée en prenant en considération un secteur plus vaste, en l’espèce, le secteur de tous les produits visés par la marque demandée relevant des classes 32 et 33.
54 Dans ces conditions, la chambre de recours n’a pas commis d’erreur en prenant en considération le secteur plus vaste de tous les produits visés par la marque demandée relevant des classes 32 et 33 afin d’apprécier la divergence significative de la marque demandée par rapport à la norme et aux habitudes de ce secteur plus vaste. En conséquence, après avoir établi que la marque demandée était dépourvue de caractère distinctif pour les produits « vins » relevant de la classe 33, la chambre de recours a opposé à bon droit le même motif absolu de refus aux produits visés par la marque demandée relevant des classes 32 et 33 autres que les « vins ».
Sur l’existence d’une divergence significative en ce qui concerne les produits visés par la marque demandée relevant de la classe 21
55 En ce qui concerne les produits visés par la marque demandée relevant de la classe 21, à savoir les bouteilles vides, la requérante fait valoir que, grâce à ses caractéristiques particulières, la marque demandée présente également un caractère distinctif. Elle souligne que le design anguleux saute particulièrement aux yeux du public spécialisé de ces produits.
56 À cet égard, il convient de relever, à l’instar de la chambre de recours, que dans le cas où une forme d’emballage associée aux produits emballés, en l’espèce les produits visés par la marque demandée relevant des classes 32 et 33, est dépourvue de caractère distinctif, il est logiquement exclu que cette même forme possède un caractère distinctif en tant qu’emballage vide.
57 En effet, le secteur des bouteilles englobe les bouteilles dans lesquelles les produits visés relevant des classes 32 et 33 sont conditionnés. Par conséquent, si la marque demandée ne diverge pas de manière significative de la norme ou des habitudes du secteur des bouteilles dans lesquelles les produits visés relevant des classes 32 et 33 sont conditionnés, il est exclu qu’elle diverge de manière significative de la norme ou des habitudes du secteur des bouteilles.
58 Dans ces conditions, la chambre de recours n’a pas commis d’erreur en concluant que la marque demandée était également dépourvue de caractère distinctif en ce qui concerne les « bouteilles » relevant de la classe 21.
59 Eu égard à ce qui précède, il y a lieu de rejeter le moyen unique comme non fondé et, partant, de rejeter le recours dans son intégralité.
Sur les dépens
60 Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’EUIPO.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (sixième chambre)
déclare et arrête :
1) Le recours est rejeté.
2) Fränkischer Weinbauverband eV est condamnée aux dépens.
Berardis | Spielmann | Csehi |
Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 24 septembre 2019.
Signatures
* Langue de procédure : l’allemand.
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