Bulstrad Vienna Insurance Group (Judgment) French Text [2020] EUECJ C-427/19 (12 November 2020)


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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions)


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URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2020/C42719.html
Cite as: EU:C:2020:914, [2020] EUECJ C-427/19, ECLI:EU:C:2020:914

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ARRÊT DE LA COUR (première chambre)

12 novembre 2020 (*)

« Renvoi préjudiciel – Directive 2009/138/CE – Article 274 – Droit applicable à la procédure de liquidation des entreprises d’assurance – Retrait de l’agrément d’une compagnie d’assurance – Désignation d’un liquidateur provisoire – Notion de “décision d’ouvrir une procédure de liquidation d’une entreprise d’assurance” – Absence de décision juridictionnelle d’ouvrir la procédure de liquidation dans l’État membre d’origine – Suspension des procédures juridictionnelles à l’égard de l’entreprise d’assurance concernée dans les autres États membres que l’État membre d’origine de celle-ci »

Dans l’affaire C‑427/19,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Sofiyski rayonen sad (tribunal d’arrondissement de Sofia, Bulgarie), par décision du 27 mai 2019, parvenue à la Cour le 4 juin 2019, dans la procédure

Bulstrad Vienna Insurance Group АD

contre

Olympic Insurance Company Ltd,

LA COUR (première chambre),

composée de M. J.-C. Bonichot, président de chambre, M. L. Bay Larsen, Mme C. Toader, MM. M. Safjan (rapporteur) et M. N. Jääskinen, juges,

avocat général : M. G. Hogan,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées :

–        pour le gouvernement bulgare, par Mmes T. Mitova et E. Petranova, en qualité d’agents,

–        pour la Commission européenne, par Mmes H. Tserepa-Lacombe et Y. G. Marinova, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 16 juillet 2020,

rend le présent

Arrêt

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 274 de la directive 2009/138/CE du Parlement européen et du Conseil, du 25 novembre 2009, sur l’accès aux activités de l’assurance et de la réassurance et leur exercice (solvabilité II) (JO 2009, L 335, p. 1), telle que modifiée par la directive 2013/58/UE du Parlement européen et du Conseil, du 11 décembre 2013 (JO 2013, L 341, p. 1) (ci-après la « directive 2009/138 »).

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant la compagnie d’assurance Bulstrad Vienna Insurance Group AD (ci-après « Bulstrad ») à la compagnie d’assurance Olympic Insurance Company Ltd (ci-après « Olympic ») au sujet du paiement d’une indemnité d’assurance.

 Le cadre juridique

 Le droit de l’Union

3        Les considérants 117 à 119, 123, 125, 126 et 130 de la directive 2009/138 sont libellés comme suit :

« (117) Étant donné que les législations nationales concernant les mesures d’assainissement et les procédures de liquidation ne sont pas harmonisées, il convient, dans le cadre du marché intérieur, d’assurer la reconnaissance mutuelle des mesures d’assainissement et de la législation des États membres applicable à la liquidation en ce qui concerne les entreprises d’assurance, ainsi que la coopération nécessaire, en tenant compte des impératifs d’unité, d’universalité, de coordination et de publicité de ces mesures ainsi que d’égalité de traitement et de protection des créanciers d’assurance.

(118)      Il importe en outre de veiller à ce que les mesures d’assainissement adoptées par l’autorité compétente d’un État membre afin de préserver ou de rétablir la santé financière d’une entreprise d’assurance et de prévenir autant que possible sa liquidation produisent tous leurs effets dans l’ensemble de [l’Union européenne]. Toutefois, les effets de telles mesures d’assainissement et procédures de liquidation vis-à-vis de pays tiers ne devraient pas être affectés.

(119)      Il convient de distinguer les autorités compétentes aux fins des mesures d’assainissement et des procédures de liquidation, des autorités de contrôle des entreprises d’assurance.

[...]

(123)      Les autorités compétentes de l’État membre d’origine devraient être seules habilitées à prendre des décisions concernant les procédures de liquidation des entreprises d’assurance. Ces décisions devraient produire leurs effets dans toute [l’Union] et être reconnues par l’ensemble des États membres. Elles devraient être publiées conformément aux procédures de l’État membre d’origine ainsi qu’au Journal officiel de l’Union européenne. L’information devrait être aussi communiquée aux créanciers connus résidant dans [l’Union], qui devraient avoir le droit de produire des créances et de présenter des observations.

[...]

(125)      Toutes les conditions relatives à l’ouverture, à la conduite et à la clôture des procédures de liquidation devraient relever de la loi de l’État membre d’origine.

(126)      Pour assurer la coordination de l’action entre les États membres, les autorités de contrôle de l’État membre d’origine et celles de l’ensemble des autres États membres devraient être informées, de toute urgence, de l’ouverture d’une procédure de liquidation.

[...]

(130) Afin de protéger la confiance légitime et la sécurité de certaines transactions dans les États membres autres que l’État membre d’origine, il est nécessaire de déterminer la loi applicable aux effets des mesures d’assainissement et des procédures de liquidation sur les instances en cours et sur les actions en exécution forcée individuelle découlant de ces instances. »

4        L’article 13 de cette directive, intitulé « Définitions », dispose :

« Aux fins de la présente directive, on entend par :

[...]

8)      “État membre d’origine” :

a)      en matière d’assurance non-vie, l’État membre dans lequel est situé le siège social de l’entreprise d’assurance qui couvre le risque ;

b)      en matière d’assurance vie, l’État membre dans lequel est situé le siège social de l’entreprise d’assurance qui prend l’engagement ; ou

c)      en matière de réassurance, l’État membre dans lequel est situé le siège social de l’entreprise de réassurance 

[...] »

5        L’article 144 de ladite directive, intitulé « Retrait de l’agrément », est libellé comme suit :

« 1.      L’autorité de contrôle de l’État membre d’origine peut retirer l’agrément accordé à une entreprise d’assurance ou de réassurance lorsque l’entreprise concernée :

a)      ne fait pas usage de l’agrément dans un délai de douze mois, y renonce expressément ou a cessé d’exercer son activité pendant une période supérieure à six mois, à moins que l’État membre concerné ne prévoie que l’agrément devient caduc dans ces cas ;

b)      ne satisfait plus aux conditions d’agrément ;

c)      manque gravement aux obligations qui lui incombent en vertu de la réglementation qui lui est applicable.

L’autorité de contrôle de l’État membre d’origine retire l’agrément accordé à une entreprise d’assurance ou de réassurance lorsque l’entreprise concernée ne dispose plus du minimum de capital requis et que l’autorité de contrôle considère que le plan de financement présenté est manifestement insuffisant ou que l’entreprise concernée ne se conforme pas au plan approuvé dans les trois mois qui suivent la constatation de la non-conformité du minimum de capital requis.

2.      En cas de retrait ou de caducité de l’agrément, l’autorité de contrôle de l’État membre d’origine en informe les autorités de contrôle des autres États membres, lesquelles prennent les mesures appropriées pour empêcher l’entreprise d’assurance ou de réassurance concernée de commencer de nouvelles opérations sur leur territoire.

L’autorité de contrôle de l’État membre d’origine prend, en collaboration avec ces autorités, toute mesure nécessaire pour sauvegarder les intérêts des assurés et restreint notamment la libre disposition des actifs de l’entreprise d’assurance conformément à l’article 140.

3.      Toute décision de retrait de l’agrément est dûment motivée et est notifiée à l’entreprise d’assurance ou de réassurance concernée. »

6        Figurant au titre IV de la même directive, intitulé « Assainissement et liquidation des entreprises d’assurance », l’article 268, intitulé « Définitions », prévoit :

« 1.      Aux fins du présent titre, on entend par :

a)      “autorités compétentes” : les autorités administratives ou judiciaires des États membres compétentes pour les mesures d’assainissement ou les procédures de liquidation ;

[...]

d)      “procédure de liquidation” : une procédure collective entraînant la réalisation des actifs d’une entreprise d’assurance et la répartition du produit entre les créanciers, les actionnaires ou les associés, selon le cas, qui implique nécessairement une intervention des autorités compétentes, y compris lorsque cette procédure collective est clôturée par un concordat ou une autre mesure analogue, que la procédure soit ou non fondée sur l’insolvabilité et qu’elle soit volontaire ou obligatoire ;

[...] »

7        Aux termes de l’article 273 de la directive 2009/138, intitulé « Ouverture de la procédure de liquidation et information des autorités de contrôle » :

« 1.      Seules les autorités compétentes de l’État membre d’origine sont habilitées à prendre une décision concernant l’ouverture d’une procédure de liquidation à l’égard d’une entreprise d’assurance, y compris pour ses succursales dans d’autres États membres. Cette décision peut être prise en l’absence ou à la suite de l’adoption de mesures d’assainissement.

2.      Une décision concernant l’ouverture d’une procédure de liquidation d’une entreprise d’assurance, y compris de ses succursales dans d’autres États membres, adoptée conformément à la législation de l’État membre d’origine, est reconnue, sans aucune autre formalité, dans toute [l’Union] et y produit ses effets dès que la décision produit ses effets dans l’État membre d’ouverture de la procédure.

3.      Les autorités compétentes de l’État membre d’origine informent d’urgence les autorités de contrôle de cet État membre de la décision d’ouvrir une procédure de liquidation, si possible avant l’ouverture de cette procédure ou, à défaut, immédiatement après.

Les autorités de contrôle de l’État membre d’origine informent d’urgence les autorités de contrôle de tous les autres États membres de la décision d’ouvrir une procédure de liquidation, y compris des effets concrets que pourrait avoir cette procédure. »

8        L’article 274 de cette directive, intitulé « Droit applicable », dispose :

« 1.      La décision d’ouvrir une procédure de liquidation d’une entreprise d’assurance, la procédure de liquidation et leurs effets sont régis par le droit applicable dans l’État membre d’origine, sauf dispositions contraires des articles 285 à 292.

2.      Le droit de l’État membre d’origine détermine au moins :

a)      les actifs qui font l’objet du dessaisissement et le sort des actifs acquis par l’entreprise d’assurance ou dont la propriété lui a été transférée après l’ouverture de la procédure de liquidation ;

b)      les pouvoirs respectifs de l’entreprise d’assurance et du liquidateur ;

c)      les conditions d’opposabilité d’une compensation ;

d)      les effets de la procédure de liquidation sur les contrats en cours auxquels l’entreprise d’assurance est partie ;

e)      les effets de la procédure de liquidation sur les poursuites individuelles par les créanciers, à l’exception des instances en cours visées à l’article 292 ;

f)      les créances à produire au passif de l’entreprise d’assurance et le sort des créances nées après l’ouverture de la procédure de liquidation ;

g)      les règles concernant la production, la vérification et l’admission des créances ;

h)      les règles de distribution du produit de la réalisation des actifs, le rang des créances et les droits des créanciers qui ont été partiellement désintéressés après l’ouverture de la procédure de liquidation en vertu d’un droit réel ou par l’effet d’une compensation ;

i)      les conditions et les effets de la clôture de la procédure de liquidation, notamment par concordat ;

j)      les droits des créanciers après la clôture de la procédure de liquidation ;

k)      la partie devant supporter les frais et dépens de la procédure de liquidation ; et

l)      les règles relatives à la nullité, à l’annulation ou à l’inopposabilité des actes juridiques préjudiciables à l’ensemble des créanciers. »

9        Selon l’article 292 de ladite directive :

« Les effets des mesures d’assainissement ou de la procédure de liquidation sur une instance en cours concernant un actif ou un droit dont l’entreprise d’assurance est dessaisie sont régis exclusivement par le droit de l’État membre dans lequel l’instance est en cours. »

 Le droit bulgare

10      Le Kodeks za zastrahovaneto (code des assurances, ci-après le « KZ ») dispose, à son article 624 :

« (1)      La décision d’ouvrir une procédure de liquidation ou d’insolvabilité d’une entreprise d’assurance ayant obtenu son agrément dans un autre État membre produit des effets en Bulgarie à partir de la date à laquelle elle produit des effets dans l’autre État membre.

(2)      Lorsque [la commission de contrôle financier] a été informée de l’ouverture d’une procédure de liquidation ou d’insolvabilité par l’autorité compétente d’un autre État membre, elle prend des mesures d’information du public.

(3)      L’information au sens du paragraphe 2 inclut des renseignements sur l’administration ou la juridiction compétente pour la liquidation ou l’insolvabilité dans l’autre État membre, sur la législation applicable et sur le liquidateur ou syndic nommé. »

11      L’article 630 du KZ est libellé comme suit :

« (1)      Le droit bulgare est le droit applicable à la procédure de liquidation ou d’insolvabilité d’un assureur, sauf s’il en est disposé autrement dans la présente section.

(2)      Aux contrats de travail et aux relations de travail sont appliquées les dispositions de la législation de l’État membre qui sont applicables à ces contrats et à ces relations de travail.

(3)      Aux contrats accordant un droit d’usage ou transférant un droit de propriété sur un bien immobilier situé sur le territoire d’un État membre est appliquée la législation de cet État membre.

(4)      Aux droits de l’assureur sur un bien immobilier, un navire ou un aéronef, inscrits dans un registre public dans un État membre est appliquée la législation de cet État membre. »

12      Aux termes de l’article 43 du Kodeks na mezhdunarodnoto chastno pravo (code de droit international privé) :

« (1)      La juridiction ou une autre autorité d’application du droit établit d’office le contenu du droit étranger. Elle peut recourir aux moyens prévus dans les traités internationaux, demander des informations au ministère de la Justice ou à une autre autorité, et demander des avis à des experts et à des organismes spécialisés.

(2)      Les parties peuvent présenter des documents établissant le contenu de dispositions du droit étranger sur lesquelles elles fondent leurs demandes ou leurs objections ou coopérer d’une autre manière avec la juridiction ou une autre autorité d’application du droit.

(3)      Lorsque le droit applicable a été choisi, la juridiction ou une autre autorité d’application du droit peut contraindre les parties à contribuer à l’établissement du contenu de celui–ci ».

 Le droit chypriote

13      Conformément à l’article 220 de l’O peri Etairion Nomos (loi relative aux sociétés), lorsqu’une décision d’ouvrir une procédure de liquidation ou d’insolvabilité a été rendue ou qu’un liquidateur provisoire a été désigné, il est impossible de présenter une demande ou d’ouvrir ou de poursuivre une procédure, à moins que la juridiction compétente ne l’autorise, auquel cas les conditions fixées par cette juridiction sont appliquées.

 Le litige au principal et les questions préjudicielles

14      Devant le Sofiyski rayonen sad (tribunal d’arrondissement de Sofia, Bulgarie), Bulstrad, une compagnie d’assurance immatriculée en Bulgarie, demande qu’Olympic, une compagnie d’assurance immatriculée à Chypre, soit condamnée à lui payer la somme de 7 603,63 leva bulgares (BGN) (environ 3 887 euros), majorée des frais de liquidation d’un montant de 25,00 BGN (environ 13 euros), au titre d’une indemnité d’assurance qu’elle a versée, conformément à une police d’assurance « dommage-collision » souscrite auprès d’elle par CD, le conducteur d’un véhicule endommagé lors d’un accident de la circulation. Bulstrad soutient que, le 5 janvier 2018, dans la ville de Bansko (Bulgarie), AB, en ouvrant brusquement la portière avant gauche de son véhicule de tourisme à l’arrêt sur la chaussée, a endommagé par sa faute le véhicule de CD, qui se déplaçait sur la chaussée et passait près de lui.

15      Selon Bulstrad, à la date du sinistre, la responsabilité d’AB était couverte par une police d’assurance « responsabilité civile », souscrite auprès d’Olympic.

16      Estimant que, à la suite du versement de l’indemnité d’assurance à CD, elle avait été subrogée dans les droits de son assuré à l’égard d’AB et de la compagnie d’assurance de ce dernier, Bulstrad a formé une demande récursoire à l’égard d’Olympic, reçue par cette dernière le 6 juillet 2018, sans que les sommes ainsi réclamées lui aient cependant été reversées.

17      Olympic conteste en effet la demande formée par Bulstrad tant sur la forme que sur le fond.

18      Au cours de la procédure, la juridiction de renvoi a été informée de ce que les autorités compétentes chypriotes avaient retiré l’agrément d’Olympic pour non-respect des exigences prudentielles ainsi que de ce qu’un liquidateur provisoire, qui assume et contrôle tous les droits patrimoniaux et légaux auxquels cette compagnie d’assurance a droit ou semble avoir droit, avait été désigné pour celle-ci.

19      Cette juridiction a considéré que ces actes des autorités chypriotes étaient constitutifs d’une « décision d’ouvrir une procédure de liquidation d’une entreprise d’assurance », au sens de l’article 624 du KZ, et, par ordonnance du 26 septembre 2018, a suspendu la procédure au principal. En effet, conformément aux dispositions du KZ transposant en droit bulgare la directive 2009/138, la décision d’ouvrir une procédure de liquidation d’une entreprise d’assurance, la procédure de liquidation proprement dite et leurs effets seraient régis par le droit applicable dans l’État membre d’origine de l’entreprise d’assurance qui couvre le risque, en l’occurrence, le droit chypriote. Ce dernier prévoirait la suspension des procédures à l’égard de toute entreprise d’assurance pour laquelle les autorités compétentes chypriotes ont désigné un liquidateur provisoire.

20      Bulstrad demande cependant la reprise de la procédure au principal, au motif que, eu égard à l’interprétation des dispositions pertinentes par le Varhoven kasatsionen sad (Cour suprême de cassation, Bulgarie), ce serait à tort que cette procédure a été suspendue. Selon cette interprétation, les deux actes susmentionnés des autorités chypriotes ne pourraient être considérés comme constitutifs d’une « décision d’ouvrir une procédure de liquidation d’une entreprise d’assurance » par l’État membre d’origine, au sens de la législation adoptée pour la transposition dans le droit bulgare de l’article 274 de la directive 2009/138. En l’absence d’une telle décision, ce serait par conséquent à tort que la juridiction de renvoi a conclu à l’applicabilité du droit chypriote, au détriment de celle du droit bulgare, qui ne prévoirait pas de dispositions analogues exigeant une suspension de la procédure.

21      En réponse à la demande de reprise de la procédure, la juridiction de renvoi a demandé à la commission de contrôle financier bulgare de lui indiquer si elle disposait d’informations relatives à l’ouverture d’une procédure de liquidation ou d’insolvabilité en ce qui concerne Olympic devant la juridiction chypriote compétente ainsi que, dans le cas où une telle procédure aurait été engagée, de préciser à quel stade celle-ci se trouvait et si un liquidateur ou un syndic avait été désigné. Par une lettre du 19 mars 2019, cette commission de contrôle financier a répondu que, à cette date, elle n’avait reçu aucune information concernant l’ouverture d’une procédure de liquidation d’Olympic par l’autorité chypriote compétente.

22      Selon la juridiction de renvoi, l’article 630 du KZ doit être interprété à la lumière de l’article 274 de la directive 2009/138, ainsi que des considérants 117 à 121 et 125 de celle-ci. Il en ressortirait que les conséquences de l’ouverture d’une procédure d’insolvabilité doivent être régies par le droit chypriote.

23      Dans l’exercice de ses compétences en application de l’article 43 du code de droit international privé, cette juridiction a établi d’office le droit chypriote applicable et en a conclu que le déroulement d’autres procédures était subordonné à une autorisation de la juridiction compétente en matière d’insolvabilité.

24      Ladite juridiction estime par conséquent qu’elle doit suspendre la procédure au principal, inviter Bulstrad à déclarer ses créances selon les modalités prévues par le droit chypriote, précisant que l’acceptation éventuelle de celles-ci entraînerait la clôture de cette procédure. Cette dernière pourrait se poursuivre uniquement si la juridiction compétente en matière d’insolvabilité donnait une telle autorisation ou si des preuves que les créances n’avaient pas été admises selon les modalités prévues par le droit chypriote étaient produites.

25      Dans ces conditions, le Sofiyski rayonen sad (tribunal d’arrondissement de Sofia) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

«1)      Dans le cadre de l’interprétation de l’article 630 du KZ à la lumière de l’article 274 de la [directive 2009/138], convient-il de considérer que la décision d’une autorité d’un État membre de retirer l’agrément à une entreprise d’assurance et de désigner un liquidateur provisoire pour celle-ci, sans que soit ouverte une procédure juridictionnelle de liquidation, constitue une “décision d’ouverture de la procédure de liquidation” ?

2)      Lorsque le droit de l’État membre où a son siège l’entreprise d’assurance dont l’agrément a été retiré et pour laquelle a été désigné un liquidateur provisoire prévoit que, en cas de nomination d’un liquidateur provisoire, toutes les procédures juridictionnelles contre cette entreprise sont suspendues, ces règles doivent-elles être appliquées par les juridictions des autres États membres si cela n’est pas prévu expressément par leur droit national, en vertu de l’article 274 de la [directive 2009/138] ? »

 Sur les questions préjudicielles

 Sur la première question

26      Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 274 de la directive 2009/138 doit être interprété en ce sens que la décision, prise par une autorité de l’État membre d’origine d’une entreprise d’assurance, de retirer l’agrément de celle-ci et de désigner un liquidateur provisoire pour celle-ci, sans qu’une décision juridictionnelle d’ouverture d’une procédure de liquidation ait été formellement adoptée, constitue une « décision d’ouvrir une procédure de liquidation d’une entreprise d’assurance », au sens de cet article.

27      La réponse à cette question permettra de déterminer si la décision en cause au principal bénéficie de la reconnaissance mutuelle prévue à l’article 273, paragraphe 2, de la directive 2009/138.

28      Afin de répondre à la première question posée, il convient de relever que si, en vertu de l’article 274 de cette directive, la décision d’ouvrir une procédure de liquidation d’une entreprise d’assurance, la procédure de liquidation proprement dite et leurs effets sont régis par le droit applicable dans l’État membre d’origine de cette entreprise d’assurance, la question de savoir ce que constituent une telle décision et une telle procédure doit être résolue conformément à l’article 268 de ladite directive, lequel définit plusieurs notions aux fins du titre IV de la même directive.

29      À cet égard, l’article 268, paragraphe 1, sous d), de la directive 2009/138 prévoit que la notion de « procédure de liquidation » vise une procédure collective entraînant la réalisation des actifs d’une entreprise d’assurance et la répartition du produit entre les créanciers, les actionnaires ou les associés, selon le cas, qui implique nécessairement une intervention des autorités compétentes, à savoir, conformément à l’article 268, paragraphe 1, sous a), de cette directive, les autorités administratives ou judiciaires des États membres compétentes pour les mesures d’assainissement ou les procédures de liquidation.

30      Il s’ensuit que, pour qu’une décision soit qualifiée de « décision d’ouvrir une procédure de liquidation d’une entreprise d’assurance », au sens de l’article 274 de la directive 2009/138, la procédure concernée doit remplir deux conditions.

31      Cette procédure doit, premièrement, avoir pour objet la réalisation des actifs d’une entreprise d’assurance et la répartition du produit entre, selon le cas, les créanciers, les actionnaires ou les associés de celle-ci ainsi que, deuxièmement, impliquer nécessairement l’intervention des autorités administratives ou judiciaires des États membres compétentes pour adopter des mesures d’assainissement ou mener des procédures de liquidation.

32      Ces deux conditions étant cumulatives, le fait qu’un liquidateur provisoire ne soit pas habilité à réaliser les actifs de l’entreprise d’assurance concernée ou à désintéresser les créanciers de cette dernière avec les dividendes exclut que la décision de désigner un tel liquidateur puisse impliquer l’ouverture ou l’existence d’une procédure de liquidation, au sens de l’article 268, paragraphe 1, sous d), de cette directive.

33      En l’occurrence, il appartient par conséquent à la juridiction de renvoi de vérifier si, au regard du droit chypriote, le liquidateur provisoire désigné dispose ou non de tels pouvoirs.

34      À cet égard, il convient de préciser que si, comme M. l’avocat général l’a relevé, en substance, au point 50 de ses conclusions, la distinction que la directive 2009/138 établit entre une décision de retrait de l’agrément de l’entreprise d’assurance concernée et celle d’ouvrir une procédure de liquidation à l’égard de cette dernière suggère que la seconde décision ne se confond pas avec la première, une décision de retrait d’agrément pourrait être regardée comme équivalente à une décision d’ouverture d’une procédure de liquidation si les deux conditions visées au point 31 du présent arrêt étaient réunies.

35      Toutefois, la première de ces conditions ne serait satisfaite que si, selon le droit de l’État membre d’origine de l’entreprise d’assurance concernée, le retrait de l’agrément de cette entreprise d’assurance a pour effet d’ouvrir automatiquement la procédure de liquidation permettant de réaliser les actifs de ladite entreprise d’assurance ou de désintéresser ses créanciers avec les dividendes, sans qu’une décision formelle doive être adoptée à cette fin par une autorité distincte.

36      Il résulte de ce qui précède qu’il y a lieu de répondre à la première question posée que l’article 274 de la directive 2009/138 doit être interprété en ce sens que la décision de l’autorité compétente de retirer l’agrément de l’entreprise d’assurance concernée et de désigner un liquidateur provisoire ne peut constituer une « décision d’ouvrir une procédure de liquidation d’une entreprise d’assurance », au sens de cet article, que si le droit de l’État membre d’origine de cette entreprise d’assurance prévoit soit que ce liquidateur provisoire est habilité à réaliser les actifs de ladite entreprise d’assurance et à en distribuer le produit parmi les créanciers de celle-ci, soit que le retrait de l’agrément de la même entreprise d’assurance a pour effet d’ouvrir automatiquement la procédure de liquidation, sans qu’une décision formelle doive être adoptée à cette fin par une autorité distincte.

 Sur la seconde question

37      Par sa seconde question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 274 de la directive 2009/138 doit être interprété en ce sens que le droit de l’État membre d’origine d’une entreprise d’assurance, qui prévoit la suspension de toute procédure juridictionnelle à l’égard de cette entreprise d’assurance en cas de retrait de l’agrément de celle-ci et de désignation d’un liquidateur provisoire pour celle-ci, doit être appliqué par les juridictions des autres États membres, même si la législation de ces derniers ne prévoit pas une telle règle.

38      Il résulte de la réponse apportée à la première question posée que ce n’est que lorsque l’adoption, par l’État membre d’origine d’une entreprise d’assurance, d’une décision de retrait d’agrément et de nomination d’un liquidateur provisoire peut être qualifiée de « décision d’ouvrir une procédure de liquidation d’une entreprise d’assurance », au sens du titre IV de la directive 2009/138, que, conformément à l’article 273, paragraphe 2, de celle-ci, cette décision doit être reconnue sans aucune autre formalité dans toute l’Union et y produire ses effets dès que tel est le cas dans l’État membre d’ouverture de la procédure de liquidation.

39      En vertu de l’article 274, paragraphe 2, sous e), de la directive 2009/138, cette reconnaissance mutuelle s’étend aux effets de l’ouverture de la procédure de liquidation sur les poursuites individuelles engagées par les créanciers, à l’exception des instances en cours visées à l’article 292 de cette directive, qui demeurent régies exclusivement par le droit de l’État membre dans lequel l’instance est en cours.

40      Il s’ensuit que, lorsqu’une décision prise par l’État membre d’origine doit être qualifiée de « décision d’ouvrir une procédure de liquidation d’une entreprise d’assurance », au sens du titre IV de la directive 2009/138, et que la législation de cet État membre prévoit que cette décision implique la suspension de toutes les procédures juridictionnelles ouvertes à l’égard de l’entreprise concernée, les procédures juridictionnelles en cours dans d’autres États membres doivent, pour ce motif, être également suspendues, à l’exclusion de celles qui relèvent du champ d’application de l’exception mentionnée au point précédent.

41      En revanche, l’article 273, paragraphe 2, de la directive 2009/138 n’exige aucunement qu’il y ait une reconnaissance mutuelle des effets d’une décision de retrait d’agrément ou de nomination d’un liquidateur provisoire, telle que celle en cause au principal, lorsque cette dernière n’a pas le caractère d’une décision d’ouvrir une procédure de liquidation. Il s’ensuit que la réponse à la question de savoir si, dans cette hypothèse, la juridiction de renvoi doit ou peut néanmoins suspendre une procédure pendante, conformément à ce que prévoit le droit de l’État membre d’origine, sans que cela soit prévu par son droit national, ne relève pas d’une application de cette disposition, ni de l’article 274 de cette directive.

42      Il résulte de ce qui précède qu’il y a lieu de répondre à la seconde question posée que l’article 274 de la directive 2009/138 doit être interprété en ce sens que, si les conditions exigées pour qu’une décision de retrait d’agrément d’une entreprise d’assurance et de nomination d’un liquidateur provisoire pour celle-ci constitue une « décision d’ouvrir une procédure de liquidation d’une entreprise d’assurance », au sens de cet article, ne sont pas satisfaites, ledit article ne contient pas d’obligation pour les juridictions des autres États membres d’appliquer le droit de l’État membre d’origine de l’entreprise d’assurance concernée, lequel prévoit la suspension de toute procédure juridictionnelle ouverte à l’égard d’une telle entreprise.

 Sur les dépens

43      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (première chambre) dit pour droit :

1)      L’article 274 de la directive 2009/138/CE du Parlement européen et du Conseil, du 25 novembre 2009, sur l’accès aux activités de l’assurance et de la réassurance et leur exercice (solvabilité II), telle que modifiée par la directive 2013/58/UE du Parlement européen et du Conseil, du 11 décembre 2013, doit être interprété en ce sens que la décision de l’autorité compétente de retirer l’agrément de l’entreprise d’assurance concernée et de désigner un liquidateur provisoire ne peut constituer une « décision d’ouvrir une procédure de liquidation d’une entreprise d’assurance », au sens de cet article, que si le droit de l’État membre d’origine de cette entreprise d’assurance prévoit soit que ce liquidateur provisoire est habilité à réaliser les actifs de ladite entreprise d’assurance et à en distribuer le produit parmi les créanciers de celle-ci, soit que le retrait de l’agrément de la même entreprise d’assurance a pour effet d’ouvrir automatiquement la procédure de liquidation, sans qu’une décision formelle doive être adoptée à cette fin par une autorité distincte.

2)      L’article 274 de la directive 2009/138, telle que modifiée par la directive 2013/58, doit être interprété en ce sens que, si les conditions exigées pour qu’une décision de retrait d’agrément d’une entreprise d’assurance et de nomination d’un liquidateur provisoire pour celle-ci constitue une « décision d’ouvrir une procédure de liquidation d’une entreprise d’assurance », au sens de cet article, ne sont pas satisfaites, ledit article ne contient pas d’obligation pour les juridictions des autres États membres d’appliquer le droit de l’État membre d’origine de l’entreprise d’assurance concernée, lequel prévoit la suspension de toute procédure juridictionnelle ouverte à l’égard d’une telle entreprise.

Signatures


*      Langue de procédure : le bulgare.

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