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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) |
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You are here: BAILII >> Databases >> Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) >> Comune di Gesturi (Judgment) French Text [2020] EUECJ C-670/18 (02 April 2020) URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2020/C67018.html Cite as: EU:C:2020:272, ECLI:EU:C:2020:272, [2020] EUECJ C-670/18, [2020] IRLR 987 |
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ARRÊT DE LA COUR (huitième chambre)
2 avril 2020 (*)
« Renvoi préjudiciel – Politique sociale – Principe d’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail – Directive 2000/78/CE – Interdiction de toute discrimination fondée sur l’âge – Appel public à manifestation d’intérêt – Conditions de participation – Exclusion des retraités des secteurs public ou privé »
Dans l’affaire C‑670/18,
ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Tribunale amministrativo regionale per la Sardegna (tribunal administratif régional pour la Sardaigne, Italie), par décision du 21 février 2018, parvenue à la Cour le 29 octobre 2018, dans la procédure
CO
contre
Comune di Gesturi,
LA COUR (huitième chambre),
composée de Mme L. S. Rossi, présidente de chambre, MM. J. Malenovský et F. Biltgen (rapporteur), juges,
avocat général : M. M. Szpunar,
greffier : M. R. Schiano, administrateur,
vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 14 novembre 2019,
considérant les observations présentées :
– pour CO, par MM. G. L. Machiavelli, F. Cocco Ortu et M. Tronci, avvocati,
– pour le gouvernement italien, par Mme G. Palmieri, en qualité d’agent, assistée de MM. M. Santoro et A. Jacoangeli, avvocati delle Stato,
– pour le gouvernement hellénique, par Mme E.-M. Mamouna, en qualité d’agent,
– pour la Commission européenne, par M. B.-R. Killmann et Mme C. Valero, en qualité d’agents,
vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,
rend le présent
Arrêt
1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 1er et 2 de la directive 2000/78/CE du Conseil, du 27 novembre 2000, portant création d’un cadre général en faveur de l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail (JO 2000, L 303, p. 16).
2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant CO au Comune di Gesturi (commune de Gesturi, Italie) au sujet d’un appel à manifestation d’intérêt relatif à une mission d’étude et de conseil excluant de sa participation les personnes retraitées.
Le cadre juridique
Le droit de l’Union
3 Aux termes de son article 1er, la directive 2000/78 a « pour objet d’établir un cadre général pour lutter contre la discrimination fondée sur la religion ou les convictions, l[e] handicap, l’âge ou l’orientation sexuelle, en ce qui concerne l’emploi et le travail, en vue de mettre en œuvre, dans les États membres, le principe de l’égalité de traitement ».
4 L’article 2 de cette directive prévoit :
« 1. Aux fins de la présente directive, on entend par “principe de l’égalité de traitement” l’absence de toute discrimination directe ou indirecte, fondée sur un des motifs visés à l’article 1er.
2. Aux fins du paragraphe 1 :
a) une discrimination directe se produit lorsqu’une personne est traitée de manière moins favorable qu’une autre ne l’est, ne l’a été ou ne le serait dans une situation comparable, sur la base d’un des motifs visés à l’article 1er ;
b) une discrimination indirecte se produit lorsqu’une disposition, un critère ou une pratique apparemment neutre est susceptible d’entraîner un désavantage particulier pour des personnes d’une religion ou de convictions, d’un handicap, d’un âge ou d’une orientation sexuelle donnés, par rapport à d’autres personnes, à moins que :
i) cette disposition, ce critère ou cette pratique ne soit objectivement justifié par un objectif légitime et que les moyens de réaliser cet objectif ne soient appropriés et nécessaires [...]
[...] »
5 L’article 3 de ladite directive, intitulé « Champ d’application », dispose :
« 1. Dans les limites des compétences conférées à [l’Union européenne], la présente directive s’applique à toutes les personnes, tant pour le secteur public que pour le secteur privé, y compris les organismes publics, en ce qui concerne :
a) les conditions d’accès à l’emploi, aux activités non salariées ou au travail, y compris les critères de sélection et les conditions de recrutement, quelle que soit la branche d’activité et à tous les niveaux de la hiérarchie professionnelle, y compris en matière de promotion ;
[...]
c) les conditions d’emploi et de travail, y compris les conditions de licenciement et de rémunération ;
[...] »
6 Aux termes de l’article 4, paragraphe 1, de la même directive :
« Nonobstant l’article 2, paragraphes 1 et 2, les États membres peuvent prévoir qu’une différence de traitement fondée sur une caractéristique liée à l’un des motifs visés à l’article 1er ne constitue pas une discrimination lorsque, en raison de la nature d’une activité professionnelle ou des conditions de son exercice, la caractéristique en cause constitue une exigence professionnelle essentielle et déterminante, pour autant que l’objectif soit légitime et que l’exigence soit proportionnée. »
7 L’article 6 de la directive 2000/78, intitulé « Justifications des différences de traitement fondées sur l’âge », prévoit, à son paragraphe 1 :
« Nonobstant l’article 2, paragraphe 2, les États membres peuvent prévoir que des différences de traitement fondées sur l’âge ne constituent pas une discrimination lorsqu’elles sont objectivement et raisonnablement justifiées, dans le cadre du droit national, par un objectif légitime, notamment par des objectifs légitimes de politique de l’emploi, du marché du travail et de la formation professionnelle, et que les moyens de réaliser cet objectif sont appropriés et nécessaires.
Ces différences de traitement peuvent notamment comprendre :
a) la mise en place de conditions spéciales d’accès à l’emploi et à la formation professionnelle, d’emploi et de travail, y compris les conditions de licenciement et de rémunération, pour les jeunes, les travailleurs âgés et ceux ayant des personnes à charge, en vue de favoriser leur insertion professionnelle ou d’assurer leur protection ;
b) la fixation de conditions minimales d’âge, d’expérience professionnelle ou d’ancienneté dans l’emploi, pour l’accès à l’emploi ou à certains avantages liés à l’emploi ;
c) la fixation d’un âge maximum pour le recrutement, fondée sur la formation requise pour le poste concerné ou la nécessité d’une période d’emploi raisonnable avant la retraite. »
Le droit national
8 L’article 5, paragraphe 9, du decreto-legge 6 luglio 2012, n. 95, convertito con modificazioni dalla legge 7 agosto 2012, n. 135 [décret-loi no 95, du 6 juillet 2012, converti en loi, avec modifications, par la loi no 135, du 7 août 2012 (supplément ordinaire à la GURI no 156, du 6 juillet 2012)], dans sa version modifiée par l’article 6 du decreto-legge 24 guigno 2014, n. 90, convertito dalla legge 11 agosto 2014, n. 114 [décret-loi no 90, du 24 juin 2014, converti en loi par la loi no 114, du 11 août 2014 (supplément ordinaire à la GURI no 190, du 18 août 2014)] (ci-après le « décret-loi no 95/2012 »), réglemente l’attribution de missions d’étude et de conseil par les administrations publiques, en leur interdisant, notamment, d’attribuer de telles missions à des personnes retraitées des secteurs privé et public. Il leur est également interdit d’attribuer à ces personnes retraitées des postes d’encadrement ou de direction ou des postes dans les organes de direction de ces administrations, ainsi que des entreprises et sociétés que ces dernières contrôlent, à l’exception des fonctions de membre des conseils d’administration des entreprises territoriales et de membre ou de titulaire des organes élus de certaines entreprises. Il est toutefois admis que ces postes, missions et collaborations peuvent leur être attribués lorsqu’elles sont exercées à titre bénévole. En outre, il est spécifié, en ce qui concerne les postes d’encadrement et de direction, et sous réserve de leur caractère bénévole, que la durée des mandats ne peut excéder une année, sans possibilité de prorogation ni de renouvellement, auprès d’une même administration.
Le litige au principal et la question préjudicielle
9 Le 28 décembre 2017, la commune de Gesturi a publié un appel à manifestation d’intérêt en vue de l’attribution d’une mission d’étude et de conseil pour le centre de recyclage communal.
10 En ce qui concerne les conditions de participation, cet appel à manifestation contenait une clause exigeant des candidats qu’ils remplissent les conditions suivantes : « Diplôme en médecine et chirurgie – Spécialisation en hygiène – Expérience confirmée de gestion dans le Servizio Sanitario Nazionale [Service national de santé, Italie] d’au moins cinq ans – Ne pas être un employé des secteurs privé ou public à la retraite ».
11 Alors même que CO remplissait toutes les exigences professionnelles énoncées dans ledit appel à manifestation, il n’a pas été autorisé à participer à la procédure en raison du fait qu’il est retraité du secteur public.
12 Considérant que la clause qui exclut du cercle des candidats potentiellement admissibles les personnes à la retraite constitue une discrimination indirecte en fonction de l’âge et doit, dès lors, être déclarée illégale, voire nulle, CO a formé un recours contre l’appel à manifestation d’intérêt en cause au principal devant le Tribunale amministrativo regionale per la Sardegna (tribunal administratif régional pour la Sardaigne, Italie).
13 Dans son recours, le requérant au principal fait valoir que l’article 5, paragraphe 9, du décret-loi no 95/2012, qui interdit aux administrations publiques d’attribuer des missions d’étude et de conseil aux retraités des secteurs privé et public, doit être écarté comme étant contraire à la directive 2000/78. En outre, cette disposition violerait l’article 21 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. Ledit requérant allègue que la réglementation nationale en cause au principal crée une discrimination indirecte, qui ne peut être justifiée par aucun objectif légitime.
14 La juridiction de renvoi s’interroge sur la compatibilité de la disposition du droit national en cause au principal avec les articles 1er et 2 de la directive 2000/78. Dans l’hypothèse où il s’agirait effectivement d’une discrimination indirecte, elle émet des doutes quant à l’existence d’une possible justification, au sens de l’article 6 de cette directive. En effet, il serait improbable que des missions d’étude et de conseil, qui présentent une certaine complexité et requièrent une certaine expérience, puissent être menées à bien par des personnes qui débutent leur carrière professionnelle. Une mesure excluant de l’attribution de telles missions les personnes à la retraite serait, dès lors, inadéquate au regard de l’objectif poursuivi, consistant à favoriser le renouvellement du personnel par le recrutement de personnes plus jeunes.
15 Dans ces conditions, le Tribunale amministrativo regionale per la Sardegna (tribunal administratif régional pour la Sardaigne) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante :
« Le principe de non-discrimination visé aux articles 1er et 2 de la directive [2000/78] s’oppose-t-il à la disposition figurant à l’article 5, paragraphe 9, du décret-loi no [95/2012], qui interdit aux administrations publiques d’attribuer des missions d’étude et de conseil à des personnes qui, après avoir travaillé dans les secteurs privé ou public, ont été mises à la retraite ? »
Sur la question préjudicielle
16 Par sa question, la juridiction de renvoi demande en substance si la directive 2000/78 doit être interprétée en ce sens qu’elle s’oppose à une réglementation nationale qui interdit aux administrations publiques d’attribuer des missions d’étude et de conseil à des personnes retraitées.
17 À titre liminaire, il y a lieu de rappeler, en ce qui concerne l’argument invoqué par le requérant au principal, tiré de ce que la juridiction de renvoi a omis d’analyser la question au regard du principe de libre prestation des services, qu’une réglementation nationale telle que celle en cause au principal, qui est indistinctement applicable aux ressortissants italiens et aux ressortissants des autres États membres, n’est, en règle générale, susceptible de relever des dispositions relatives aux libertés fondamentales garanties par le traité FUE que dans la mesure où elle s’applique à des situations ayant un lien avec les échanges entre les États membres (voir, en ce sens, arrêt du 11 juin 2015, Berlington Hungary e.a., C‑98/14, EU:C:2015:386, point 24, ainsi que ordonnance du 4 juin 2019, Pólus Vegas, C‑665/18, non publiée, EU:C:2019:477, point 17).
18 Or, tel n’est pas le cas en l’espèce, tous les éléments du litige au principal étant circonscrits à l’intérieur d’un seul État membre, à savoir la République italienne.
19 Afin de répondre à la question posée par la juridiction de renvoi, il importe de vérifier si la réglementation nationale en cause au principal relève du champ d’application de la directive 2000/78 et, dans l’affirmative, si elle institue une différence de traitement fondée sur l’âge, susceptible, le cas échéant, d’être justifiée au regard de l’article 6 de ladite directive.
20 S’agissant, en premier lieu, de la question de savoir si la réglementation en cause au principal relève du champ d’application de la directive 2000/78, il ressort, tant de l’intitulé et du préambule que du contenu et de la finalité de cette directive, que celle-ci tend à établir un cadre général pour assurer à toute personne l’égalité de traitement « en matière d’emploi et de travail », en lui offrant une protection efficace contre les discriminations fondées sur l’un des motifs visés à son article 1er, au nombre desquels figure l’âge (arrêts du 18 juin 2009, Hütter, C‑88/08, EU:C:2009:381, point 33, et du 12 octobre 2010, Ingeniørforeningen i Danmark, C‑499/08, EU:C:2010:600, point 19).
21 En outre, il découle, en particulier, de l’article 3, paragraphe 1, sous a) et c), de la directive 2000/78 que celle-ci s’applique, dans le cadre des compétences dévolues à l’Union, « à toutes les personnes, tant pour le secteur public que pour le secteur privé, y compris les organismes publics », en ce qui concerne, d’une part, « les conditions d’accès à l’emploi [...] y compris les critères de sélection et les conditions de recrutement », et, d’autre part, « les conditions d’emploi et de travail, y compris les conditions de licenciement et de rémunération » (voir, en ce sens, arrêts du 18 juin 2009, Hütter, C‑88/08, EU:C:2009:381, point 34, et du 12 janvier 2010, Petersen, C‑341/08, EU:C:2010:4, point 32).
22 Une réglementation nationale qui interdit, de manière générale, aux administrations publiques d’attribuer des missions d’étude et de conseil aux personnes issues tant du secteur privé que du secteur public au motif qu’elles sont retraitées, conduit à exclure ces personnes de tout recrutement ou embauche.
23 Il s’ensuit qu’une telle réglementation affecte directement la formation du rapport de travail et, a fortiori, l’exercice, par les personnes concernées, de certaines activités professionnelles et doit, partant, être considérée comme établissant des règles relatives aux conditions d’accès à l’emploi, au sens de l’article 3, paragraphe 1, sous a), de la directive 2000/78.
24 Dans ces conditions, la réglementation en cause au principal relève du champ d’application de la directive 2000/78.
25 S’agissant, en deuxième lieu, de la question de savoir si cette réglementation institue une différence de traitement fondée sur l’âge, au sens de l’article 2, paragraphe 1, de la directive 2000/78, il y a lieu de rappeler que, aux termes de cette disposition, « on entend par “principe de l’égalité de traitement” l’absence de toute discrimination directe ou indirecte, fondée sur l’un des motifs visés à l’article 1er » de cette directive. Le paragraphe 2, sous a), de l’article 2 de ladite directive précise que, pour les besoins de l’application du paragraphe 1 de cet article 2, une discrimination directe se produit lorsqu’une personne est traitée de manière moins favorable qu’une autre se trouvant dans une situation comparable, sur la base de l’un des motifs visés à l’article 1er de la même directive. En vertu de l’article 2, paragraphe 2, sous b), de la directive 2000/78, il y a discrimination indirecte lorsqu’une disposition, un critère ou une pratique apparemment neutre est susceptible d’entraîner un désavantage particulier pour des personnes d’un âge donné, par rapport à d’autres personnes.
26 En l’occurrence, il importe de relever que, certes, l’article 5 du décret-loi no 95/2012 ne vise pas directement un âge déterminé. En effet, l’exclusion de la participation à des appels à manifestation d’intérêt en vue de l’attribution de missions d’étude et de conseil par les administrations publiques s’applique à toutes les personnes retraitées, alors même que l’âge auquel celles-ci ont pu bénéficier d’une pension de retraite n’est pas le même pour toutes ces personnes, celui-ci pouvant être compris, selon les observations présentées par le gouvernement italien lors de l’audience, entre 60 et 75 ans. Toutefois, en faisant référence à la retraite, la réglementation nationale en cause au principal se fonde indirectement à un critère lié à l’âge, dès lors que le bénéfice d’une pension de retraite est subordonné à l’accomplissement d’un certain nombre d’années de travail et à la condition d’avoir atteint un certain âge.
27 Or, une réglementation nationale qui interdit aux personnes retraitées de participer à des appels à manifestation d’intérêt pour l’attribution, par les administrations publiques, de missions d’étude et de conseil doit être considérée comme imposant à ces personnes un traitement moins favorable que celui qui est réservé à l’ensemble des personnes qui exercent encore une activité professionnelle.
28 Une telle réglementation établit, par conséquent, une discrimination indirecte fondée sur l’âge de la personne concernée, à la différence, notamment, de celle en cause dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 21 mai 2015, SCMD (C‑262/14, non publié, EU:C:2015:336, points 28 et 30), qui s’appliquait en fonction du statut ou de la catégorie socioprofessionnelle dont relevait l’intéressé au niveau national, en interdisant le cumul de la pension de retraite perçue avec un revenu tiré d’une activité professionnelle.
29 Il s’ensuit que la réglementation en cause au principal constitue une différence de traitement indirectement fondée sur l’âge, au sens des dispositions combinées de l’article 1er et de l’article 2, paragraphe 2, sous b), de la directive 2000/78.
30 S’agissant, en troisième lieu, de la question de savoir si cette différence de traitement est susceptible d’être justifiée au regard de l’article 6 de directive 2000/78, il convient de relever que le paragraphe 1, premier alinéa, de cet article 6 énonce qu’une différence de traitement fondée sur l’âge ne constitue pas une discrimination lorsqu’elle est objectivement et raisonnablement justifiée, dans le cadre du droit national, par un objectif légitime, notamment par des objectifs légitimes de politique de l’emploi, du marché du travail et de la formation professionnelle, et que les moyens de réaliser cet objectif sont appropriés et nécessaires.
31 Ledit article 6 précise également que ces différences de traitement peuvent notamment comprendre la mise en place de conditions spéciales d’accès à l’emploi pour les jeunes ou la fixation d’un âge maximal pour le recrutement.
32 En l’occurrence, il ressort de la demande de décision préjudicielle que la réglementation nationale en cause au principal a pour finalité d’assurer le renouvellement du personnel par le recrutement de personnes jeunes. En outre, il découle des observations écrites du gouvernement italien que l’article 5 du décret-loi no 95/2012 poursuit un objectif double, à savoir, d’une part, mettre en œuvre une révision effective de la dépense publique par la réduction des coûts de fonctionnement de l’administration publique, sans porter atteinte à la substance des services fournis aux citoyens, et, d’autre part, faciliter le rajeunissement du personnel des administrations publiques, en favorisant l’accès de personnes plus jeunes à la fonction publique.
33 À cet égard, il importe de rappeler, d’emblée, que l’invocation simultanée de plusieurs objectifs, qui sont soit liés les uns aux autres, soit classés par ordre d’importance, ne constitue pas un obstacle à l’existence d’un objectif légitime, au sens de l’article 6, paragraphe 1, de la directive 2000/78 (arrêt du 21 juillet 2011, Fuchs et Köhler, C‑159/10 et C‑160/10, EU:C:2011:508, points 44 et 46).
34 En outre, si des considérations d’ordre budgétaire peuvent être à la base des choix de politique sociale d’un État membre et influencer la nature ou l’étendue des mesures de protection de l’emploi qu’il souhaite adopter, elles ne sauraient toutefois constituer en elles-mêmes un objectif poursuivi par cette politique (voir, en ce sens, arrêt du 20 juin 2013, Giersch e.a., C‑20/12, EU:C:2013:411, point 51).
35 Il s’ensuit que l’objectif de réduction effective de la dépense publique, en ce que l’article 5 du décret-loi no 95/2012 fait partie, dans un contexte économique général, des mesures nécessaires afin de réduire les déficits excessifs de l’administration publique italienne et vise, plus précisément, à éviter un cumul de salaires et de pensions de retraites provenant de fonds publics, est susceptible d’influer sur la nature ou l’étendue des mesures de protection de l’emploi, mais ne saurait constituer, en lui-même, un objectif légitime.
36 Quant à l’objectif consistant à assurer un rajeunissement du personnel en activité, il convient de rappeler que la légitimité d’un tel objectif d’intérêt général tenant à la politique de l’emploi ne saurait être raisonnablement mis en doute, dès lors qu’il figure parmi les objectifs expressément énoncés à l’article 6, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive 2000/78 et que, conformément à l’article 3, paragraphe 3, premier alinéa, TUE, la promotion d’un niveau d’emploi élevé constitue l’une des finalités poursuivies par l’Union (voir, en ce sens, arrêt du 16 octobre 2007, Palacios de la Villa, C‑411/05, EU:C:2007:604, point 64).
37 Selon la jurisprudence de la Cour, la promotion de l’embauche constitue incontestablement un objectif légitime de politique sociale ou de l’emploi des États membres, notamment lorsqu’il s’agit d’améliorer les chances d’insertion dans la vie active de certaines catégories de travailleurs, notamment de favoriser l’accès des jeunes à l’exercice d’une profession (voir, en ce sens, arrêts du 16 octobre 2007, Palacios de la Villa, C‑411/05, EU:C:2007:604, point 65, ainsi que du 19 juillet 2017, Abercrombie & Fitch Italia, C‑143/16, EU:C:2017:566, point 37).
38 Plus particulièrement, il est justifié, à titre de dérogation au principe d’interdiction des discriminations fondées sur l’âge, d’instaurer des différences de traitement liées aux conditions d’accès à l’emploi, lorsque l’objectif visé consiste à établir une structure d’âge équilibrée entre jeunes fonctionnaires et fonctionnaires plus âgés, afin de favoriser l’embauche et la promotion des jeunes (voir, en ce sens, arrêt du 21 juillet 2011, Fuchs et Köhler, C‑159/10 et C‑160/10, EU:C:2011:508, point 50).
39 Par conséquent, les objectifs de politique de l’emploi poursuivis par la réglementation nationale en cause au principal doivent, en principe, être considérés comme étant susceptibles de justifier objectivement et raisonnablement une différence de traitement fondée sur l’âge.
40 Encore faut-il vérifier, selon les termes mêmes de l’article 6, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive 2000/78, si les moyens mis en œuvre pour réaliser ces objectifs sont « appropriés et nécessaires ».
41 Ainsi, il importe de vérifier si l’article 5 du décret-loi no 95/2012 permet d’atteindre les objectifs de politique de l’emploi poursuivis par le législateur sans pour autant porter une atteinte excessive aux intérêts légitimes des personnes retraitées, qui se trouvent, par l’effet de cette disposition, privés d’une possibilité de réembauche.
42 À cet égard, il convient de rappeler que les États membres disposent d’une large marge d’appréciation non seulement dans le choix de la poursuite d’un objectif déterminé parmi d’autres en matière de politique sociale et de l’emploi, mais également dans la définition des mesures susceptibles de le réaliser (voir, en ce sens, arrêts du 22 novembre 2005, Mangold, C‑144/04, EU:C:2005:709, point 63, et du 16 octobre 2007, Palacios de la Villa, C‑411/05, EU:C:2007:604, point 68). Toutefois, cette marge d’appréciation ne saurait avoir pour effet de vider de sa substance la mise en œuvre du principe de non-discrimination fondée sur l’âge (arrêt du 12 octobre 2010, Ingeniørforeningen i Danmark, C‑499/08, EU:C:2010:600, point 33).
43 En outre, il incombe aux autorités compétentes des États membres de trouver un juste équilibre entre les différents intérêts en présence (arrêt du 16 octobre 2007, Palacios de la Villa, C‑411/05, EU:C:2007:604, point 71).
44 En effet, l’interdiction de discrimination en fonction de l’âge doit être lue à la lumière du droit de travailler reconnu à l’article 15, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux. Il en résulte qu’une attention particulière doit être accordée à la participation des travailleurs âgés à la vie professionnelle et, par là même, à la vie économique, culturelle et sociale. Le maintien de ces personnes dans la vie active favorise notamment la diversité dans l’emploi. L’intérêt que représente le maintien en activité desdites personnes doit cependant être pris en compte dans le respect d’autres intérêts éventuellement divergents (voir, en ce sens, arrêts du 21 juillet 2011, Fuchs et Köhler, C‑159/10 et C‑160/10, EU:C:2011:508, points 62 à 64, ainsi que du 5 juillet 2012, Hörnfeldt, C‑141/11, EU:C:2012:421, point 37).
45 Il importe, dès lors, de déterminer si le législateur, dans l’exercice de la large marge d’appréciation dont il dispose en matière de politique sociale et de l’emploi, a cherché à atteindre un équilibre entre la volonté de favoriser l’accès des travailleurs jeunes à l’emploi et le respect du droit des personnes plus âgées de travailler.
46 Ainsi, s’agissant de l’objectif visé, consistant, d’une manière générale, à assurer le rajeunissement de la population active occupée, il peut être soutenu qu’un tel objectif ne va pas au-delà de ce qui est nécessaire, dès lors qu’il peut être raisonnablement envisagé de refuser l’embauche ou le recrutement de personnes retraitées, qui ont achevé leur vie professionnelle et qui perçoivent une pension de retraite, en vue de promouvoir le plein emploi de la population active ou de favoriser l’accès au marché du travail aux plus jeunes.
47 En revanche, ainsi qu’il a été relevé par la juridiction de renvoi, il n’est pas certain que la mesure en cause au principal, consistant à interdire aux personnes retraitées de participer aux manifestations d’intérêt pour l’attribution de missions d’étude et de conseil, permette effectivement d’améliorer les chances d’insertion dans la vie active des personnes les plus jeunes. En effet, l’exécution de missions d’étude et de conseil pouvant se révéler délicate et complexe, une personne plus âgée est probablement mieux placée, compte tenu de l’expérience qu’elle a acquise, pour remplir la mission qui lui est confiée. Partant, son recrutement est bénéfique tant pour l’administration publique à l’origine de la manifestation d’intérêt qu’au regard de l’intérêt général. Si un rajeunissement du personnel en activité est susceptible d’intervenir dans l’hypothèse où des personnes disposant déjà d’une certaine expérience manifestent leur intérêt pour l’exécution de telles missions, en permettant ainsi à des travailleurs plus jeunes, qui leur succéderont dans l’emploi qu’elles libéreront, d’accéder au marché du travail, encore faut-il que ces missions d’étude et de conseil ne correspondent pas à des emplois isolés, à durée déterminée et n’offrant aucune possibilité d’évolution professionnelle ultérieure.
48 En outre, il y aurait lieu de vérifier si l’interdiction en cause au principal ne va pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre l’objectif poursuivi, en portant une atteinte excessive aux prétentions légitimes des personnes retraitées, dès lors qu’elle est fondée uniquement sur le critère de l’âge permettant de bénéficier d’une pension de retraite et ne prend pas en considération le caractère raisonnable ou non du niveau de la pension de retraite dont les intéressés bénéficient au terme de leur carrière professionnelle.
49 Or, une prise en compte du niveau de la pension de retraite dont sont susceptibles de bénéficier les personnes concernées serait pertinente, dès lors que la réglementation nationale en cause au principal permet à ces personnes d’occuper des postes d’encadrement et de direction pour une durée déterminée et à titre bénévole, conformément aux considérations d’ordre budgétaire invoquées par le gouvernement italien parallèlement à l’objectif de politique de l’emploi fondé sur un rajeunissement du personnel en activité.
50 Il appartient au juge national, seul compétent pour apprécier les faits en cause au principal et pour interpréter la législation nationale applicable, de vérifier si l’interdiction faite aux personnes retraitées de participer aux manifestations d’intérêt en vue de l’attribution de missions d’étude et de conseil est propre à garantir la réalisation de l’objectif invoqué et répond véritablement au souci de l’atteindre d’une manière cohérente et systématique (voir, en ce sens, arrêts du 10 mars 2009, Hartlauer, C‑169/07, EU:C:2009:141, point 55, et du 12 janvier 2010, Petersen, C‑341/08, EU:C:2010:4, point 53).
51 Dans ce contexte, il lui incombe, notamment, de vérifier si la possibilité d’attribuer des postes d’encadrement et de direction occupés à titre bénévole ne constitue pas, en réalité, un objectif de politique budgétaire poursuivi par la réglementation en cause au principal, qui se trouve en contradiction avec l’objectif de politique de l’emploi fondé sur le rajeunissement du personnel en activité.
52 Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de répondre à la question posée que la directive 2000/78, notamment son article 2, paragraphe 2, son article 3, paragraphe 1, et son article 6, paragraphe 1, doit être interprétée en ce sens qu’elle ne s’oppose pas à une réglementation nationale qui interdit aux administrations publiques d’attribuer des missions d’étude et de conseil à des personnes retraitées, dans la mesure où, d’une part, cette réglementation poursuit un objectif légitime de politique de l’emploi et du marché du travail et, d’autre part, les moyens mis en œuvre pour réaliser cet objectif sont appropriés et nécessaires. Il incombe à la juridiction de renvoi de vérifier si tel est effectivement le cas dans l’affaire au principal.
Sur les dépens
53 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.
Par ces motifs, la Cour (huitième chambre) dit pour droit :
La directive 2000/78/CE du Conseil, du 27 novembre 2000, portant création d’un cadre général en faveur de l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail, notamment son article 2, paragraphe 2, son article 3, paragraphe 1, et son article 6, paragraphe 1, doit être interprétée en ce sens qu’elle ne s’oppose pas à une réglementation nationale qui interdit aux administrations publiques d’attribuer des missions d’étude et de conseil à des personnes retraitées, dans la mesure où, d’une part, cette réglementation poursuit un objectif légitime de politique de l’emploi et du marché du travail et, d’autre part, les moyens mis en œuvre pour réaliser cet objectif sont appropriés et nécessaires. Il incombe à la juridiction de renvoi de vérifier si tel est effectivement le cas dans l’affaire au principal.
Signatures
* Langue de procédure : l’italien.
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