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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) |
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You are here: BAILII >> Databases >> Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) >> Vincenti v EUIPO (Judgment) French Text [2020] EUECJ T-174/19 (23 September 2020) URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2020/T17419.html Cite as: [2020] EUECJ T-174/19, EU:T:2020:419, ECLI:EU:T:2020:419 |
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DOCUMENT DE TRAVAIL
ARRÊT DU TRIBUNAL (première chambre)
23 septembre 2020 (*)
« Fonction publique – Fonctionnaires – Promotion – Exercices de promotion 2014 à 2017 – Décision de ne pas promouvoir le requérant au grade AST 8 – Droit d’être entendu »
Dans l’affaire T‑174/19,
Guillaume Vincenti, demeurant à Alicante (Espagne), représenté par Me H. Tettenborn, avocat,
partie requérante,
contre
Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par Mme A. Lukošiūtė et M. K. Tóth, en qualité d’agents,
partie défenderesse,
ayant pour objet une demande fondée sur l’article 270 TFUE et tendant à l’annulation de la décision de l’EUIPO du 6 juin 2018 de ne pas promouvoir le requérant au grade AST 8 au titre des exercices de promotion 2014 à 2017,
LE TRIBUNAL (première chambre),
composé de M. H. Kanninen, président, Mmes N. Półtorak (rapporteure) et O. Porchia, juges,
greffier : M. E. Coulon,
rend le présent
Arrêt
Antécédents du litige
1 Le requérant, M. Guillaume Vincenti, est fonctionnaire de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) de grade AST 7. Il est titulaire de ce grade depuis le 1er avril 2009. Depuis le 10 juin 2013, le requérant est en congé de maladie.
2 L’appréciation dont le requérant a fait l’objet dans l’ensemble des rapports d’évaluation pour les exercices 2009 à 2012 a montré que, « dans l’ensemble, le rendement, les compétences et les éléments de conduite évalués correspond[ai]ent au niveau requis pour le poste occupé ». En raison de son absence justifiée, les rapports d’évaluation pour les années 2013 à 2016 n’ont pas été finalisés.
3 Le seuil de promotion dans le grade du requérant est de 9 points. Par lettre du 12 juin 2014, le département des ressources humaines de l’EUIPO a proposé une attribution de 0,5 point au requérant. Dans le même temps, lors de l’exercice de promotion 2014, le requérant a été informé que, après un examen comparatif des fonctionnaires promouvables, le comité consultatif de gestion avait estimé à l’unanimité que les appréciations particulièrement négatives indiquées dans son rapport d’évaluation le plus récent justifiaient un report de promotion.
4 Le 25 juin 2014, le requérant a contesté cette proposition devant le comité paritaire d’évaluation et de promotion (ci-après le « CPEP »).
5 Le 11 juillet 2014, après avoir examiné le cas du requérant, le CPEP a recommandé à l’autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l’« AIPN ») de faire droit à la demande du requérant. Il a estimé qu’il n’y avait aucune raison de reporter la promotion. Par lettre du 21 juillet 2014, l’AIPN a confirmé la décision d’attribuer des points supplémentaires au requérant. Le nombre total de points s’élevait donc à 9,25. Néanmoins, le requérant n’a pas été promu dans le cadre de l’exercice de promotion 2014.
6 Par une communication au personnel du 27 avril 2015, l’EUIPO a lancé l’exercice de promotion 2015 et a informé le personnel qu’il appliquait par analogie, conformément à l’article 110 du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut »), la décision C(2013) 8968 final de la Commission, du 16 décembre 2013, portant dispositions générales d’exécution de l’article 45 du statut (ci-après les « DGE de l’article 45 »), publiée aux Informations administratives no 55-2013, du 19 décembre 2013.
7 Dans le cadre de l’exercice de promotion 2015, le comité consultatif de gestion de l’EUIPO n’a pas inscrit le nom du requérant sur la liste des fonctionnaires proposés à la promotion.
8 Le 2 juillet 2015, le requérant a contesté cette décision auprès du comité paritaire de promotion (ci-après le « CPP ») et a demandé à ce que son nom soit inscrit sur la liste des fonctionnaires proposés à la promotion.
9 Après avoir examiné le cas du requérant, le CPP a transmis sa recommandation à l’AIPN. Dans celle-ci, le CPP a recommandé de ne pas faire droit à la demande du requérant.
10 Le 24 juillet 2015, l’AIPN a publié la liste des fonctionnaires promus au titre de l’exercice de promotion 2015, sur laquelle le nom du requérant ne figurait pas.
11 Après avoir introduit une réclamation au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut et à la suite du rejet explicite de celle-ci le 8 décembre 2015, le requérant a formé, le 18 mars 2016, un recours devant le Tribunal, enregistré sous le numéro d’affaire T‑586/16 et fondé sur l’article 270 TFUE, contre la décision de l’AIPN du 24 juillet 2015.
12 Le requérant estimait, en substance, que l’AIPN avait méconnu l’article 3, cinquième tiret, deuxième phrase, des DGE de l’article 45 en ce que ses rapports d’évaluation n’avaient pas été finalisés en raison d’un fait qui ne lui était pas imputable, à savoir son congé de maladie. Selon le requérant, le libellé de cette disposition n’aurait pas permis d’exclure son cas de la procédure de promotion pour l’année 2015.
13 Par arrêt du 14 novembre 2017, Vincenti/EUIPO (T‑586/16, EU:T:2017:803), le Tribunal a annulé la décision de l’AIPN du 24 juillet 2015 établissant la liste des fonctionnaires promus au titre de l’exercice de promotion 2015 en tant que le requérant n’avait pas été pris en considération pour celui-ci.
14 Par lettre du 6 juin 2018, transmise par courriel du 11 juin 2018 (ci-après la « décision attaquée »), l’AIPN a informé le requérant que les exercices de promotion le concernant encore ouverts, à savoir ceux qui portaient sur les années 2014 à 2017, avaient finalement été clos. L’AIPN a par ailleurs indiqué au requérant que, après examen comparatif des mérites, son nom n’avait pas été inscrit sur la liste des fonctionnaires promus au grade AST 8, ni au titre de la procédure de promotion de 2014 ni au titre de celles de 2015 à 2017.
15 Le 11 septembre 2018, le requérant a introduit une réclamation au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut contre la décision attaquée.
16 Par lettre du 12 décembre 2018, transmise au requérant le même jour par courriel, l’AIPN a rejeté la réclamation.
Procédure et conclusions des parties
17 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 22 mars 2019, le requérant a introduit le présent recours.
18 Par mesure d’organisation de la procédure du 31 mars 2020, adoptée sur le fondement de l’article 89, paragraphe 3, de son règlement de procédure, le Tribunal a invité les parties à présenter leurs observations sur le cours de la procédure de promotion de 2014. Les parties ont présenté leurs réponses dans le délai imparti.
19 Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– annuler la décision attaquée ;
– condamner l’EUIPO aux dépens.
20 L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– rejeter le recours ;
– condamner le requérant aux dépens.
21 En l’absence de demande en ce sens formulée par les parties dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure, le Tribunal, s’estimant suffisamment éclairé par les pièces du dossier, a, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure, décidé de statuer sans phase orale de la procédure.
En droit
22 À l’appui de son recours, le requérant soulève deux moyens, tirés, le premier, de la violation de l’article 45 du statut, d’une erreur manifeste d’appréciation et de l’exécution erronée ou de l’inexécution de l’arrêt du 14 novembre 2017, Vincenti/EUIPO (T‑586/16, EU:T:2017:803), et, le second, d’une violation du droit d’être entendu consacré à l’article 41, paragraphe 2, sous a), de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte ») et d’une violation des droits procéduraux prévus à l’article 5, paragraphes 5 et 7, des DGE de l’article 45.
23 Le Tribunal estime opportun d’examiner d’abord le second moyen.
24 Le requérant soutient que la décision attaquée est illégale au motif qu’elle a été adoptée sans qu’il ait eu l’opportunité de présenter, au préalable, des observations et d’avancer des arguments au soutien de sa demande de promotion, et ce en violation du droit d’être entendu tel que consacré par l’article 41, paragraphe 2, sous a), de la Charte et concrétisé par l’article 5, paragraphes 5 et 7, des DGE de l’article 45. Les droits du requérant auraient été violés en raison du non-respect, lors des procédures de promotion pour les années 2014 à 2017, des règles de procédure prévues à l’article 5, paragraphes 5 et 7, des DGE de l’article 45, dès lors que ces règles tendent effectivement à la protection de ses droits. À cet égard, le requérant affirme que, s’il avait été entendu utilement avant l’adoption de la décision attaquée, celle-ci aurait pu aboutir à un autre résultat.
25 L’EUIPO conteste cette argumentation.
26 À titre liminaire, il convient de rappeler que le droit à une bonne administration, tel que consacré par l’article 41 de la Charte, lequel est d’application générale, inclut le droit procédural, prévu au paragraphe 2, sous a), dudit article, de toute personne d’être entendue avant qu’une mesure individuelle qui l’affecterait défavorablement ne soit prise à son égard (voir arrêt du 24 avril 2017, HF/Parlement, T‑584/16, EU:T:2017:282, point 149 et jurisprudence citée).
27 Ainsi, le droit d’être entendu, qui doit être assuré même en l’absence de réglementation applicable, exige que la personne concernée soit mise en mesure de faire connaître utilement son point de vue au sujet des éléments qui pourraient être retenus à son endroit dans l’acte à intervenir (voir arrêt du 6 février 2019, Karp/Parlement, T‑580/17, non publié, EU:T:2019:62, point 88 et jurisprudence citée).
28 Le droit d’être entendu poursuit un double objectif : d’une part, il sert à l’instruction du dossier et à l’établissement des faits le plus précisément et correctement possible et, d’autre part, il permet d’assurer une protection effective de l’intéressé. Le droit d’être entendu vise en particulier à garantir que toute décision faisant grief est adoptée en pleine connaissance de cause et a notamment pour objectif de permettre à l’autorité compétente de corriger une erreur ou à la personne concernée de faire valoir les éléments relatifs à sa situation personnelle qui militent pour que la décision soit prise, ne soit pas prise ou qu’elle ait tel ou tel contenu (voir arrêt du 13 décembre 2017, HQ/OCVV, T‑592/16, non publié, EU:T:2017:897, point 85 et jurisprudence citée).
29 Le droit d’être entendu implique également que l’administration prête toute l’attention requise aux observations ainsi soumises par l’intéressé en examinant, avec soin et impartialité, tous les éléments pertinents du cas d’espèce (voir arrêt du 22 novembre 2012, M., C‑277/11, EU:C:2012:744, point 88 et jurisprudence citée).
30 Le droit d’être entendu doit ainsi permettre à l’administration d’instruire le dossier de manière à prendre une décision en pleine connaissance de cause et de motiver cette dernière de manière appropriée, afin que, le cas échéant, l’intéressé puisse valablement exercer son droit de recours (arrêt du 10 janvier 2019, RY/Commission, T‑160/17, EU:T:2019:1, point 27).
31 L’existence d’une violation du droit d’être entendu doit être appréciée en fonction, notamment, des règles juridiques régissant la matière concernée (arrêts du 9 février 2017, M, C‑560/14, EU:C:2017:101, point 33, et du 24 avril 2017, HF/Parlement, T‑584/16, EU:T:2017:282, point 154).
32 C’est au regard des considérations qui précèdent qu’il convient de se prononcer, en l’espèce, sur la question de savoir si le droit d’être entendu du requérant a été violé.
33 Concernant l’évaluation des fonctionnaires de l’Union européenne, qui précède l’exercice de promotion, l’article 43, premier alinéa, du statut dispose que la compétence, le rendement et la conduite dans le service de chaque fonctionnaire font l’objet d’un rapport annuel dans les conditions fixées par l’AIPN conformément à l’article 110 du statut. Selon l’article 43, premier et troisième alinéas, du statut, ce rapport est communiqué au fonctionnaire et peut, dans le cadre de la procédure de notation, faire l’objet d’une contestation qui s’exerce préalablement à l’introduction d’une réclamation au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut. Le requérant a la faculté d’y joindre toutes observations qu’il juge utiles.
34 Concernant la procédure de promotion prévue au sein de l’EUIPO, il y a lieu de rappeler que le droit d’être entendu est également garanti par les règles internes (voir, par analogie, arrêt du 20 novembre 2018, Barata/Parlement, T‑854/16, non publié, EU:T:2018:809, point 91).
35 Ainsi, conformément à l’article 5, paragraphe 7, des DGE de l’article 45, dans un délai de cinq jours ouvrables à compter de la publication de la liste des fonctionnaires que le directeur général souhaite proposer à la promotion, le titulaire de poste dont le nom ne figure pas sur cette liste peut, de manière dûment motivée, contester cet état de fait auprès du CPP. À la suite de la communication de cette liste, le CPP procède, en tenant compte des éventuelles contestations, à l’examen comparatif des mérites des fonctionnaires promouvables et soumet à l’AIPN la liste des fonctionnaires qu’il recommande à la promotion. Il lui transmet en même temps les contestations et les divergences éventuelles visées à l’annexe III des DGE de l’article 45. Conformément au paragraphe 8 du même article, après avoir reçu les informations mentionnées au paragraphe 7, et ayant à sa disposition les dossiers de tous les fonctionnaires promouvables, l’AIPN procède à un dernier examen comparatif des mérites des fonctionnaires promouvables et, en tenant compte des disponibilités budgétaires, adopte la liste des fonctionnaires promus. La promotion entraîne pour le fonctionnaire concerné la nomination au grade supérieur du groupe de fonctions auquel il appartient.
36 S’agissant du requérant, dès lors que l’établissement des rapports d’évaluation dans le cadre des exercices de promotion 2014 à 2017 ne pouvait pas être réalisé en temps utile pour être pris en compte au titre des procédures de promotion pertinentes, en raison du fait qu’il se trouvait en congé de maladie, ce dernier bénéficiait du droit, en vertu des DGE de l’article 45, d’être considéré comme promouvable, de participer à la procédure de promotion et, partant, de participer à l’examen comparatif des mérites des fonctionnaires promouvables en considération d’autres éléments d’information valables suppléant l’absence de ses rapports d’évaluation (voir, en ce sens, arrêt du 14 novembre 2017, Vincenti/EUIPO, T‑586/16, EU:T:2017:803, point 29).
37 À la suite de l’arrêt du 14 novembre 2017, Vincenti/EUIPO (T‑586/16, EU:T:2017:803), l’EUIPO a considéré le requérant comme promouvable et a finalisé les procédures de promotion afférentes aux années 2014 à 2017. En l’occurrence, l’EUIPO a procédé à une comparaison des mérites parmi les fonctionnaires ayant vocation à la promotion au grade AST 8 pour les exercices de promotion 2014 à 2017 afin d’adopter une décision sur la promotion du requérant pour chacune de ces années.
38 Dès lors que, d’une part, en raison de son congé de maladie, les rapports d’évaluation du requérant pour les exercices de promotion 2014 à 2017 n’ont pas pu être finalisés et que, d’autre part, l’EUIPO a repris l’exercice de promotion à partir de la phase de comparaison des mérites des fonctionnaires promouvables, le droit du requérant d’être entendu ne pouvait plus, dans les circonstances particulières de l’espèce, être exercé dans les conditions prévues par l’article 43, troisième alinéa, du statut et par l’article 5, paragraphe 7, des DGE de l’article 45.
39 Néanmoins, conformément à la jurisprudence rappelée aux points 26 et 27 ci-dessus, l’EUIPO devait, en vertu de l’article 41, paragraphe 2, sous a), de la Charte, mettre le requérant en mesure de faire connaître utilement son point de vue au sujet des éléments qui pouvaient être retenus à son endroit avant de prendre la décision de ne pas le promouvoir.
40 Quant à savoir si le droit du requérant d’être entendu a été respecté en l’espèce, il y a lieu de relever que l’EUIPO fait valoir qu’il a été entendu en 2014 et 2015 lors des exercices de promotion qui y étaient relatifs et que, dans la mesure où ses mérites étaient identiques lors des exercices de promotion 2016 et 2017, il n’existait pas de nouvelles informations pertinentes à propos desquelles le requérant aurait pu être entendu et qui auraient été susceptibles de conduire à une autre décision au terme de l’examen comparatif des mérites. En l’occurrence, l’EUIPO estime que le requérant a eu l’occasion de présenter des observations sur ses propres mérites dans le cadre des exercices de promotion 2014 et 2015, lesquels sont restés inchangés pendant son absence. Par conséquent, il n’aurait pas pu faire valoir de nouvelles circonstances avant l’adoption de la décision attaquée.
41 Dans ce contexte, il convient d’examiner si le droit d’être entendu dans les procédures de promotion reprises en 2018 aurait effectivement dû être exercé.
42 À cet égard, la décision attaquée mentionne que, « pour tous les exercices [de promotion], en tenant compte des mérites [du requérant] tels qu’établis par les rapports depuis [s]a dernière promotion et d’autres informations disponibles se référant notamment aux cas d’inconduites découverts, puis confirmés par la suite par le rapport de l’OLAF, l’AIPN a décidé de ne pas promouvoir [le requérant] dans la mesure où [sa] conduite ne le justifiait pas ». En outre, dans le rejet de la réclamation du requérant, il a été indiqué qu’« une étude d’audit sur l’utilisation des télécommunications réalisée en mars 2014 a[vait] révélé plusieurs faiblesses dans la gestion des contrats de télécommunications ».
43 Toutefois, ainsi qu’il ressort du dossier, il y a lieu de relever que toutes ces appréciations ne figurent pas dans le dernier rapport d’évaluation du requérant relatif, en raison de son congé de maladie, à l’année 2012. Dès lors, force est de constater que l’AIPN a pris en compte d’autres circonstances, ne figurant pas dans ledit rapport, afin de réaliser la comparaison des mérites des fonctionnaires promouvables pour les années 2014 à 2017.
44 À cet égard, en ce qui concerne l’exercice de promotion réalisé en 2014, il convient de relever que le requérant a introduit une contestation devant le CPEP. Cette contestation ne pouvait concerner que les circonstances connues du requérant, c’est-à-dire relatives à son dernier rapport d’évaluation, daté de 2012. Ce rapport contenait une évaluation généralement positive du requérant, concluant que, « dans l’ensemble, le rendement, les compétences et les éléments de conduite évalués correspond[ai]ent au niveau requis pour le poste occupé ». Le rapport d’évaluation contenait également des observations négatives relatives à la documentation de son travail. En outre, comme cela est indiqué au point 42 ci-dessus, il ressort du dossier que les circonstances prises en compte dans le cadre de l’exercice de promotion 2014, tel que repris en 2018, étaient plus étendues et concernaient, notamment, d’autres informations disponibles se référant, en particulier, aux cas d’inconduites découverts, puis confirmés par la suite par un rapport de l’Office européen de lutte antifraude (OLAF) et un audit sur l’utilisation des télécommunications réalisé en mars 2014, mentionné dans la décision de rejet de la réclamation du requérant. Or, les circonstances évoquées dans le rapport de l’OLAF ne coïncident pas avec celles qui ont fait l’objet de l’audition du requérant en 2014. À cet égard, il convient de relever que le rapport de l’OLAF concerne, notamment, des allégations relatives à des conflits d’intérêts, un abus de position professionnelle, des tentatives d’influencer des processus d’appel d’offres et des tentatives d’influencer la procédure de reconnaissance de l’invalidité du requérant. Ainsi, ce dernier n’a pas été mis en mesure d’exercer son droit d’être entendu sur chacune des circonstances qui ont été prises en compte lors de l’exercice de promotion 2014 repris en 2018.
45 Cette constatation ne saurait être remise en cause par le renvoi de l’EUIPO à l’évaluation intermédiaire du requérant de l’année 2013 ainsi qu’à l’échange de courriels entre son évaluatrice et l’AIPN en août 2014. En effet, l’évaluation intermédiaire de 2013 indique que, « en général, [le] travail [du requérant] est conforme à ses objectifs » et qu’« [i]l est flexible et agit rapidement en cas de besoin ». La seule remarque négative est relative au fait qu’« il est nécessaire [pour le requérant] de mieux documenter son travail et dans un endroit accessible aux autres membres du service ». Par ailleurs, l’échange de courriels ne concerne que quelques allégations ponctuelles relatives au requérant et ne coïncide pas avec les circonstances révélées dans le rapport de l’OLAF.
46 Or, dès lors qu’il s’agit de circonstances nouvelles au regard de la procédure de promotion organisée en 2014 et ainsi qu’il ressort des points 26 à 30 ci-dessus, le requérant aurait dû avoir à nouveau la possibilité d’exercer son droit d’être entendu lors de la procédure reprise en 2018 pour l’exercice de promotion 2014.
47 En ce qui concerne l’exercice de promotion 2015, il y a lieu de constater que le requérant a été considéré initialement comme non promouvable en raison de son absence pour congé de maladie. Par suite, le requérant a introduit une contestation devant le CPP en 2015 contre la décision de non-promotion. Ainsi, il convient de noter que celle-ci a été introduite alors que le requérant n’était pas considéré comme promouvable, dans une situation où il n’avait pas été informé de toutes les circonstances prises en compte concernant l’appréciation de ses mérites. Or, la décision attaquée, s’agissant de l’exercice de promotion repris en 2018 pour l’année 2015, s’appuie sur les circonstances indiquées au point 42 ci-dessus qui ne faisaient pas l’objet de la procédure en 2015.
48 En effet, dans le cadre de l’exécution de l’arrêt du 14 novembre 2017, Vincenti/EUIPO (T‑586/16, EU:T:2017:803), et après avoir été inclus dans la liste des fonctionnaires promouvables pour l’exercice de promotion 2015, le requérant n’a jamais eu l’occasion de se prononcer sur les mérites qui ont été pris en considération lors de l’examen comparatif et lors de l’adoption de la décision attaquée concernant l’exercice de promotion 2015 (voir point 42 ci-dessus).
49 En ce qui concerne les exercices de promotion 2016 et 2017, il convient de noter que le requérant n’a été entendu ni lors des procédures de promotion portant sur les exercices de promotion 2016 et 2017, ni lors des exercices de promotion repris en 2018 concernant les années 2016 et 2017.
50 À cet égard, l’EUIPO fait valoir que le requérant a été entendu dans le cadre des procédures de promotion pour les années 2014 et 2015 et que, ses mérites n’ayant pas changé depuis lors, le droit d’être entendu a été garanti dans les procédures de promotion pour les années 2016 et 2017. Néanmoins, il ressort des points 44 et 48 ci-dessus que, lors des exercices de promotion 2014 et 2015, le requérant n’a effectivement pas pu se prononcer sur toutes les circonstances, rappelées au point 42 ci-dessus, prises en compte par l’EUIPO pour les procédures de promotion reprises en 2018. Ainsi, il ne saurait être soutenu que les contestations introduites par le requérant devant le CPEP et le CPP en 2014 et 2015 sont suffisantes pour considérer qu’il a pu exercer son droit d’être entendu sur ses mérites pris en considération lors de l’examen comparatif et de l’adoption de la décision attaquée concernant les exercices de promotion 2016 et 2017.
51 Au vu de ce qui précède, il convient de constater que l’EUIPO n’a garanti au requérant le droit d’être entendu à aucun stade des procédures de promotion pour les années 2014 à 2017, telles que reprises en 2018, avant que la décision attaquée n’ait été prise.
52 Toutefois, pour qu’une violation du droit d’être entendu puisse aboutir à l’annulation de la décision attaquée, il est encore nécessaire d’examiner si, en l’absence de cette irrégularité, la procédure aurait pu aboutir à un résultat différent (voir, en ce sens, arrêt du 25 juin 2020, HF/Parlement, C‑570/18 P, EU:C:2020:490, point 72).
53 À cet égard, il convient de rappeler qu’il ressort de la jurisprudence qu’il ne saurait être imposé à la partie requérante qui invoque la violation de son droit d’être entendu de démontrer que la décision de l’institution de l’Union concernée aurait eu un contenu différent, mais uniquement qu’une telle hypothèse n’est pas entièrement exclue (arrêts du 1er octobre 2009, Foshan Shunde Yongjian Housewares & Hardware/Conseil, C‑141/08 P, EU:C:2009:598, point 94, et du 18 juin 2020, Commission/RQ, C‑831/18 P, EU:C:2020:481, point 106).
54 En l’occurrence, le requérant se prévaut d’une exécution erronée de l’arrêt du 14 novembre 2017, Vincenti/EUIPO (T‑586/16, EU:T:2017:803). Selon le requérant, le Tribunal aurait déclaré dans ledit arrêt que le rapport de l’OLAF ne devait pas être pris en compte dans le cadre de la procédure de promotion de 2015 dès lors qu’il avait été adopté postérieurement à l’adoption de la décision de non-promotion pour l’année 2015. Le requérant affirme également que les irrégularités soulevées dans le rapport de l’OLAF n’ont pas de rapport avec ses missions dans le domaine de la gestion des contrats de télécommunications. En outre, il fait valoir qu’il n’a jamais eu l’occasion de prendre position sur la plupart de ces irrégularités et, ce faisant, de présenter des arguments en vue de les réfuter. Ainsi, il soutient que les circonstances soulevées dans le rapport de l’OLAF ne sauraient en aucun cas être considérées comme des « faits objectifs ». Il soutient également que lesdites circonstances ne l’emportent pas sur ses précédentes évaluations positives. Par conséquent, le requérant estime que, s’il avait été entendu avant l’adoption de la décision attaquée, il aurait pu avancer des éléments qui n’ont pas été pris en compte par l’EUIPO. Il constate qu’il ne peut donc être exclu, de manière absolue, que, s’il avait été mis en mesure de présenter ses observations, l’EUIPO aurait pris une décision différente.
55 Les arguments du requérant exposés au point 54 ci-dessus se rapportent directement aux motifs de la décision attaquée sur lesquels il n’a pas été entendu. Dès lors, il ne peut être exclu que, si l’EUIPO avait mis le requérant en mesure de faire connaître utilement son point de vue quant à chacune des circonstances évoquées au point 42 ci-dessus, de manière à garantir son droit d’être entendu, la décision aurait raisonnablement pu aboutir à un résultat différent (voir, en ce sens, arrêts du 4 avril 2019, OZ/BEI, C‑558/17 P, EU:C:2019:289, point 78, du 18 juin 2020, Commission/RQ, C‑831/18 P, EU:C:2020:481, points 106 et 107, et du 25 juin 2020, HF/Parlement, C‑570/18 P, EU:C:2020:490, point 73).
56 Cette conclusion ne saurait être remise en cause par les arguments de l’EUIPO selon lesquels le requérant n’a fait valoir aucun mérite qui aurait été de nature à l’emporter sur ceux pris en compte en l’absence de rapport de notation et qui aurait été susceptible de modifier le résultat de l’examen comparatif des mérites des candidats lors des exercices de promotion en cause. En effet, il ressort de la décision attaquée que, dans le cadre de l’examen comparatif des mérites des candidats à la procédure de promotion, les circonstances évoquées dans le rapport de l’OLAF ont été retenues comme un élément pertinent afin d’apprécier les défauts du requérant. Partant, il ne saurait être exclu que les arguments du requérant concernant ses défauts auraient pu modifier l’appréciation globale de ses mérites s’il avait été entendu avant l’adoption de la décision attaquée.
57 Au vu de tout ce qui précède, il convient d’accueillir le second moyen en ce qu’il est tiré de la violation du droit d’être entendu et, partant, d’annuler la décision attaquée, sans qu’il soit besoin d’examiner le premier moyen.
Sur les dépens
58 Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. L’EUIPO ayant succombé, il y a lieu de le condamner aux dépens, conformément aux conclusions du requérant.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (première chambre)
déclare et arrête :
1) La décision de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 6 juin 2018 de ne pas promouvoir M. Guillaume Vincenti au grade AST 8 au titre des exercices de promotion 2014 à 2017 est annulée.
2) L’EUIPO est condamné aux dépens.
Kanninen | Półtorak | Porchia |
Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 23 septembre 2020.
Signatures
* Langue de procédure : l’allemand.
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