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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) |
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You are here: BAILII >> Databases >> Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) >> Price v Council (Order) French Text [2020] EUECJ T-231/20_CO (24 June 2020) URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2020/T23120_CO.html Cite as: [2020] EUECJ T-231/20_CO |
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ORDONNANCE DU PRÉSIDENT DU TRIBUNAL
24 juin 2020 (*)
« Référé – Espace de liberté, de sécurité et de justice – Décision (UE) 2020/135 – Accord sur le retrait du Royaume‑Uni de l’Union et de l’Euratom – Perte de la citoyenneté de l’Union – Demande de sursis à exécution – Irrecevabilité manifeste du recours principal – Irrecevabilité – Renvoi à la Cour – Incompétence »
Dans l’affaire T‑231/20 R,
David Price, demeurant au Dorat (France), représenté par Me J. Fouchet, avocat,
partie requérante,
contre
Conseil de l’Union européenne, représenté par MM. M. Bauer, R. Meyer et Mme M.-M. Joséphidès, en qualité d’agents,
partie défenderesse,
ayant pour objet, d’une part, une demande fondée sur les articles 278 et 279 TFUE et tendant au sursis à l’exécution partiel de la décision (UE) 2020/135 du Conseil, du 30 janvier 2020, relative à la conclusion de l’accord sur le retrait du Royaume‑Uni de Grande‑Bretagne et d’Irlande du Nord de l’Union européenne et de la Communauté européenne de l’énergie atomique (JO 2020, L 29, p. 1), et de l’accord sur le retrait du Royaume‑Uni de Grande‑Bretagne et d’Irlande du Nord de l’Union européenne et de la Communauté européenne de l’énergie atomique (JO 2020, L 29, p. 7), en tant que ces actes ne permettent pas de préserver la citoyenneté de l’Union européenne du requérant, ou, à tout le moins, de l’article 127, paragraphe 1, sous b), dudit accord, et, d’autre part, une demande fondée sur l’article 256, paragraphe 3, deuxième alinéa, TFUE et tendant au sursis à statuer et au renvoi de l’affaire à la Cour afin de lui poser des questions préjudicielles,
LE PRÉSIDENT DU TRIBUNAL
rend la présente
Ordonnance
Faits, procédure et conclusions des parties
1 Le requérant, M. David Price, est un citoyen du Royaume‑Uni de Grande‑Bretagne et d’Irlande du Nord vivant depuis plus de quinze ans en France.
2 Le 29 mars 2017, le Royaume‑Uni, à la suite du résultat d’un référendum et de sa décision souveraine de quitter l’Union européenne, a notifié son intention de se retirer de l’Union et de la Communauté européenne de l’énergie atomique (Euratom) conformément à l’article 50 TUE. Conformément à cette disposition, l’Union a négocié avec le Royaume‑Uni un accord fixant les modalités de son retrait, en tenant compte du cadre de ses relations futures avec l’Union.
3 Le 24 janvier 2020, l’accord sur le retrait du Royaume‑Uni de Grande‑Bretagne et d’Irlande du Nord de l’Union européenne et de la Communauté européenne de l’énergie atomique a été signé (JO 2020, L 29, p. 7, ci-après l’« accord sur le retrait »).
4 Le 30 janvier 2020, le Conseil de l’Union européenne a adopté la décision (UE) 2020/135 relative à la conclusion de l’accord sur le retrait du Royaume‑Uni de Grande‑Bretagne et d’Irlande du Nord de l’Union européenne et de la Communauté européenne de l’énergie atomique (JO 2020, L 29, p. 1).
5 L’accord sur le retrait est entré en vigueur le 1er février 2020, conformément à son article 185. Il prévoit une période de transition, qui se termine le 31 décembre 2020, durant laquelle le droit de l’Union est applicable au Royaume-Uni, sauf disposition contraire dans cet accord. Depuis le 1er février 2020, le Royaume‑Uni n’est, par conséquent, plus membre de l’Union.
6 Pendant cette période de transition, telle que définie à l’article 126 de l’accord sur le retrait, l’applicabilité du droit de l’Union au Royaume‑Uni et à ses ressortissants est régie, à titre principal, par l’article 127 dudit accord.
7 L’article 127, paragraphe 1, de l’accord sur le retrait prévoit l’applicabilité de principe de l’ensemble du droit de l’Union au Royaume‑Uni et sur son territoire, sauf en ce qui concerne, d’une part, l’acquis qui ne liait pas le Royaume‑Uni avant l’entrée en vigueur de l’accord sur le retrait et, d’autre part, les dispositions régissant le droit de vote et d’éligibilité aux élections municipales et au Parlement européen ainsi que le droit d’initiative citoyenne.
8 Le 1er février 2020, l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE, France) a radié le requérant des listes électorales.
9 Le 15 mars 2020, le requérant n’a ainsi pas pu voter lors du premier tour des élections municipales françaises.
10 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 23 avril 2020, le requérant a introduit un recours tendant à l’annulation de l’accord sur le retrait et de la décision relative à la conclusion de cet accord (ci‑après, pris ensemble, les « actes attaqués »).
11 Le 29 avril 2020, le requérant a introduit la présente demande en référé, dans laquelle il conclut à ce qu’il plaise au président du Tribunal :
– en application de l’article 256, paragraphe 3, deuxième alinéa, TFUE, surseoir à statuer et renvoyer l’affaire devant la Cour afin de lui poser quatre questions préjudicielles ;
– suspendre partiellement l’exécution des actes attaqués ;
– condamner l’Union aux entiers frais de la procédure, y compris les frais d’avocat à hauteur de 5 000 euros.
12 Dans ses observations sur la demande en référé, déposées au greffe du Tribunal le 8 juin 2020, le Conseil conclut à ce qu’il plaise au président du Tribunal :
– rejeter la demande comme manifestement irrecevable ou, à défaut, comme non fondée ;
– condamner le requérant aux dépens de l’instance.
En droit
13 Il ressort d’une lecture combinée des articles 278 et 279 TFUE, d’une part, et de l’article 256, paragraphe 1, TFUE, d’autre part, que le juge des référés peut, s’il estime que les circonstances l’exigent, ordonner le sursis à l’exécution d’un acte attaqué devant le Tribunal ou prescrire les mesures provisoires nécessaires, et ce en application de l’article 156 du règlement de procédure du Tribunal. Néanmoins, l’article 278 TFUE pose le principe du caractère non suspensif des recours, les actes adoptés par les institutions de l’Union bénéficiant d’une présomption de légalité. Ce n’est donc qu’à titre exceptionnel que le juge des référés peut ordonner le sursis à l’exécution d’un acte attaqué devant le Tribunal ou prescrire des mesures provisoires (ordonnance du 19 juillet 2016, Belgique/Commission, T‑131/16 R, EU:T:2016:427, point 12).
14 L’article 156, paragraphe 4, première phrase, du règlement de procédure dispose que les demandes en référé doivent spécifier « l’objet du litige, les circonstances établissant l’urgence ainsi que les moyens de fait et de droit justifiant à première vue l’octroi de la mesure provisoire à laquelle elles concluent ».
15 Ainsi, le sursis à exécution et les autres mesures provisoires peuvent être accordés par le juge des référés s’il est établi que leur octroi est justifié à première vue en fait et en droit (fumus boni juris) et qu’ils sont urgents, en ce sens qu’il est nécessaire, pour éviter un préjudice grave et irréparable aux intérêts de la partie qui les sollicite, qu’ils soient édictés et produisent leurs effets avant la décision dans l’affaire principale. Ces conditions sont cumulatives, de telle sorte que les demandes de mesures provisoires doivent être rejetées dès lors que l’une d’elles fait défaut. Le juge des référés procède également, le cas échéant, à la mise en balance des intérêts en présence (voir ordonnance du 2 mars 2016, Evonik Degussa/Commission, C‑162/15 P‑R, EU:C:2016:142, point 21 et jurisprudence citée).
16 Dans le cadre de cet examen d’ensemble, le juge des référés dispose d’un large pouvoir d’appréciation et reste libre de déterminer, au regard des particularités de l’espèce, la manière dont ces différentes conditions doivent être vérifiées ainsi que l’ordre de cet examen, dès lors qu’aucune règle de droit ne lui impose un schéma d’analyse préétabli pour apprécier la nécessité de statuer provisoirement [voir ordonnance du 19 juillet 2012, Akhras/Conseil, C‑110/12 P(R), non publiée, EU:C:2012:507, point 23 et jurisprudence citée].
17 Compte tenu des éléments du dossier, le président du Tribunal estime qu’il dispose de tous les éléments nécessaires pour statuer sur la présente demande en référé, sans qu’il soit utile d’entendre, au préalable, les parties en leurs explications orales.
Considérations liminaires
18 Le Conseil, dans ses observations sur la demande en référé, fait notamment valoir que le recours dans l’affaire principale est manifestement irrecevable.
19 À cet égard, il convient de rappeler que, en vertu des dispositions de l’article 156, paragraphe 1, du règlement de procédure, une demande en référé n’est recevable que si elle émane d’une partie à une affaire dont le Tribunal est saisi. Cette règle implique que le recours dans l’affaire principale, sur lequel se greffe la demande en référé, puisse être effectivement examiné par le juge du fond (voir ordonnance du 20 juin 2014, Wilders/Parlement et Conseil, T‑410/14 R, non publiée, EU:T:2014:564, point 18 et jurisprudence citée).
20 Dans ce contexte, il est de jurisprudence constante que la recevabilité du recours dans l’affaire principale ne doit pas, en principe, être examinée dans le cadre d’une procédure de référé. Cependant, quand l’irrecevabilité manifeste du recours dans l’affaire principale est soulevée, la partie sollicitant les mesures provisoires doit établir l’existence d’éléments permettant de conclure, à première vue, à la recevabilité de ce recours, sur lequel se greffe la demande en référé, afin d’éviter qu’elle puisse, par la voie du référé, obtenir le sursis à l’exécution d’un acte dont elle se verrait par la suite refuser l’annulation, son recours étant déclaré irrecevable lors de son examen au fond. Un tel examen, par le juge des référés, de la recevabilité du recours dans l’affaire principale est nécessairement sommaire, compte tenu du caractère urgent de la procédure de référé (voir ordonnance du 20 juin 2014, Wilders/Parlement et Conseil, T‑410/14 R, non publiée, EU:T:2014:564, point 19 et jurisprudence citée).
21 Ainsi, dans le cadre d’une procédure de référé, la recevabilité du recours dans l’affaire principale ne peut être appréciée que de prime abord et le juge des référés ne doit déclarer cette demande irrecevable que si la recevabilité du recours dans l’affaire principale peut être totalement exclue. À défaut, statuer sur la recevabilité du recours dans l’affaire principale au stade du référé lorsque celle‑ci n’est pas prima facie totalement exclue reviendrait à préjuger la décision du Tribunal statuant dans l’affaire principale (voir ordonnance du 20 juin 2014, Wilders/Parlement et Conseil, T‑410/14 R, non publiée, EU:T:2014:564, point 20 et jurisprudence citée).
Sur la recevabilité du recours dans l’affaire principale
22 Aux termes de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, « [t]oute personne physique ou morale peut former, dans les conditions prévues aux premier et deuxième alinéas, un recours contre [, première hypothèse,] les actes dont elle est le destinataire ou [, deuxième hypothèse,] qui la concernent directement et individuellement, ainsi que [, troisième hypothèse,] contre les actes réglementaires qui la concernent directement et qui ne comportent pas de mesures d’exécution ».
23 En l’espèce, il convient de constater que les actes attaqués n’identifient pas le requérant comme en étant le destinataire. Dans ces conditions, la première hypothèse pour qu’une personne physique ou morale ait qualité pour agir en vertu de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE doit être écartée.
24 Il convient donc d’examiner si la deuxième ou la troisième hypothèse dans lesquelles, en vertu de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, la qualité pour agir est reconnue à une personne physique ou morale pour former un recours contre un acte dont elle n’est pas le destinataire, peuvent correspondre au cas d’espèce. Comme cela est indiqué au point 22 ci‑dessus, selon la deuxième hypothèse, un recours peut être formé à condition que cet acte concerne directement et individuellement la personne physique ou morale qui forme ce recours. Selon la troisième hypothèse, une telle personne peut introduire un recours contre un acte réglementaire ne comportant pas de mesures d’exécution si celui‑ci la concerne directement (arrêts du 19 décembre 2013, Telefónica/Commission, C‑274/12 P, EU:C:2013:852, point 19 ; du 27 février 2014, Stichting Woonpunt e.a./Commission, C‑132/12 P, EU:C:2014:100, point 44, et du 27 février 2014, Stichting Woonlinie e.a./Commission, C‑133/12 P, EU:C:2014:105, point 31).
Sur l’existence d’un acte réglementaire ne comportant pas de mesures d’exécution
25 En premier lieu, s’agissant de la troisième hypothèse visée au point 22 ci-dessus, selon laquelle des personnes physiques et morales, telles que le requérant, peuvent, conformément à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, former un recours contre un acte réglementaire ne comportant pas de mesures d’exécution si celui‑ci les concerne directement, il y a lieu d’examiner, tout d’abord, si les actes attaqués comprennent des mesures d’exécution.
26 Ainsi que la Cour l’a déjà jugé, il y a lieu, aux fins d’apprécier le point de savoir si un acte réglementaire comporte des mesures d’exécution, de s’attacher à la position de la personne invoquant le droit de recours au titre de l’article 263, quatrième alinéa, dernier membre de phrase, TFUE. Il est donc sans pertinence de savoir si l’acte en question comporte des mesures d’exécution à l’égard d’autres justiciables (arrêts du 19 décembre 2013, Telefónica/Commission, C‑274/12 P, EU:C:2013:852, point 30, et du 28 avril 2015, T & L Sugars et Sidul Açúcares/Commission, C‑456/13 P, EU:C:2015:284, point 32). En outre, pour déterminer si un acte réglementaire comporte des mesures d’exécution, il convient de se référer exclusivement à l’objet du recours et, dans le cas où une partie requérante ne demande que l’annulation partielle d’un acte, ce sont seulement les mesures d’exécution que cette partie de l’acte comporte éventuellement qui doivent le cas échéant être prises en considération (arrêt du 19 décembre 2013, Telefónica/Commission, C‑274/12 P, EU:C:2013:852, point 31).
27 En outre, selon la jurisprudence de la Cour, lorsqu’un acte réglementaire comporte des mesures d’exécution, le contrôle juridictionnel du respect de l’ordre juridique de l’Union est assuré, indépendamment de la question de savoir si lesdites mesures émanent de l’Union ou des États membres. Les personnes physiques ou morales ne pouvant pas, en raison des conditions de recevabilité prévues à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, attaquer directement devant le juge de l’Union un acte réglementaire de l’Union sont protégées contre l’application à leur égard d’un tel acte par la possibilité d’attaquer les mesures d’exécution que cet acte comporte (arrêt du 16 mai 2019, Pebagua/Commission, C‑204/18 P, non publié, EU:C:2019:425, point 66).
28 Lorsque la mise en œuvre d’un tel acte incombe aux États membres, ces personnes peuvent faire valoir l’invalidité de l’acte de base en cause devant les juridictions nationales et amener celles-ci à interroger, sur le fondement de l’article 267 TFUE, la Cour par la voie de questions préjudicielles (voir arrêt du 16 mai 2019, Pebagua/Commission, C‑204/18 P, non publié, EU:C:2019:425, point 67 et jurisprudence citée).
29 En l’espèce, le requérant justifie l’urgence à obtenir la suspension des actes attaqués au regard du préjudice grave et irréparable résultant de l’impossibilité, pour lui, de voter au second tour des élections municipales en France.
30 Or, en ce qui concerne spécifiquement la perte du droit de vote et d’éligibilité aux élections municipales françaises, contrairement à ce que soutient le requérant, les actes attaqués ne déploient leurs effets juridiques à son égard que par l’intermédiaire d’actes pris par les autorités nationales.
31 En effet, comme le fait observer le Conseil, l’absence d’attribution du droit de vote et d’éligibilité aux ressortissants du Royaume‑Uni a nécessité l’adoption d’actes par les autorités électorales nationales. Ce sont ainsi les autorités nationales qui ont radié le requérant des listes électorales françaises au 1er février 2020.
32 Dès lors, le requérant n’est pas recevable à contester devant le juge de l’Union, au titre de la troisième hypothèse de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, les actes attaqués, en tant qu’ils ne lui accordent pas le droit de vote et d’éligibilité aux élections municipales françaises. Le requérant peut toutefois faire valoir l’invalidité de ces actes devant les juridictions nationales et amener celles‑ci à interroger, sur le fondement de l’article 267 TFUE, la Cour par la voie de questions préjudicielles.
33 Partant, et sans qu’il soit besoin d’examiner si les autres conditions de la troisième hypothèse de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, exposée au point 22 ci-dessus, sont réunies, la recevabilité du recours dans l’affaire principale ne saurait être établie à ce titre.
Sur la condition relative à l’affectation directe et individuelle
34 En second lieu, il convient d’examiner la recevabilité du recours dans l’affaire principale au regard de la deuxième hypothèse visée au point 22 ci‑dessus, selon laquelle des personnes physiques et morales, telles que le requérant, peuvent, conformément à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, former un recours contre un acte dont elles ne sont pas les destinataires à condition que cet acte les concerne directement et individuellement, ces conditions étant cumulatives.
35 Il convient d’examiner d’emblée la condition de l’affectation individuelle.
36 Ainsi, en ce qui concerne le fait d’être individuellement concerné par l’acte en cause, il ressort d’une jurisprudence constante que les sujets autres que les destinataires d’une décision ne peuvent prétendre être concernés individuellement que si cette décision les atteint en raison de certaines qualités qui leur sont particulières ou d’une situation de fait qui les caractérise par rapport à toute autre personne et, de ce fait, les individualise d’une manière analogue à celle d’un destinataire (arrêts du 15 juillet 1963, Plaumann/Commission, 25/62, EU:C:1963:17, p. 223, et du 19 décembre 2013, Telefónica/Commission, C‑274/12 P, EU:C:2013:852, point 46).
37 Il résulte d’une jurisprudence constante que, lorsqu’une décision affecte un groupe de personnes qui étaient identifiées ou identifiables au moment où cet acte a été pris et en fonction de critères propres aux membres de ce groupe, ces personnes peuvent être individuellement concernées par cet acte en tant qu’elles font partie d’un cercle restreint d’opérateurs économiques. Il peut en être notamment ainsi lorsque la décision modifie les droits acquis par un particulier antérieurement à son adoption (arrêts du 13 mars 2008, Commission/Infront WM, C‑125/06 P, EU:C:2008:159, points 71 et 72 ; du 27 février 2014, Stichting Woonpunt e.a./Commission, C‑132/12 P, EU:C:2014:100, point 59, et du 7 juillet 2015, Federcoopesca e.a./Commission, T‑312/14, EU:T:2015:472, point 71).
38 Il ressort également d’une jurisprudence constante que la possibilité de déterminer, avec plus ou moins de précision, le nombre ou même l’identité des sujets de droit auxquels s’applique une mesure n’implique nullement que ces sujets doivent être considérés comme étant concernés individuellement par cette mesure, dès lors que cette application est effectuée en vertu d’une situation objective de droit ou de fait définie par l’acte en cause (voir arrêt du 28 avril 2015, T & L Sugars et Sidul Açúcares/Commission, C‑456/13 P, EU:C:2015:284, point 64 et jurisprudence citée).
39 En l’espèce, le requérant fait valoir que l’accord sur le retrait ne prévoit aucune protection des droits de la citoyenneté de l’Union pour les citoyens du Royaume-Uni ayant exercé leur droit à la libre circulation au sein de l’Union il y a plus de quinze ans. De ce fait, dès lors qu’il n’a plus la nationalité d’un État membre, le requérant a été radié des listes électorales françaises au 1er février 2020. En outre, selon le requérant, les citoyens de l’Union, ressortissants du Royaume-Uni ou non, qui ont exercé leur droit à la libre circulation avant la fin de la période de transition sont regardés comme une catégorie à part, non pas en tant qu’elle devrait être particulièrement privilégiée, mais en tant que pèse sur elle un risque de discrimination.
40 À cet égard, il convient de souligner que la perte du statut de citoyen de l’Union est susceptible d’affecter de manière considérable les droits d’un ressortissant d’un État membre se retirant de l’Union (arrêt du 10 décembre 2018, Wightman e.a., C‑621/18, EU:C:2018:999, point 64). Les ressortissants d’un tel État membre, expatriés dans un autre État membre, sont d’autant plus susceptibles d’être affectés par la sortie de l’Union de l’État membre dont ils sont originaires, en raison des liens créés parfois de longue date, tant du point de vue personnel que professionnel et économique (ordonnance du 23 octobre 2019, Walker e.a./Parlement et Conseil, T‑383/19 R, non publiée, EU:T:2019:754, point 27).
41 Toutefois, le requérant ne fait pas valoir de circonstances de nature à l’individualiser, au sens de la jurisprudence citée aux points 36 à 38 ci‑dessus, par rapport à l’ensemble des citoyens du Royaume-Uni.
42 La circonstance que le requérant, en tant que citoyen du Royaume-Uni expatrié dans un autre État membre de l’Union et ayant perdu, dès l’entrée en vigueur de l’accord sur le retrait, des droits conférés par la citoyenneté de l’Union au nombre desquels figurent les droits de vote et d’éligibilité aux élections au Parlement et aux élections municipales dans l’État membre de résidence, serait susceptible d’être affecté davantage que les autres citoyens du Royaume-Uni par les actes attaqués n’est pas en soi de nature à le rendre individuellement concerné par les actes attaqués. En effet, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la circonstance qu’un acte puisse avoir des effets concrets différents pour les divers sujets de droit auxquels il s’applique n’a pas d’effet sur sa qualification de mesure de portée générale, dès lors que cette situation est objectivement déterminée (voir ordonnance du 23 octobre 2019, Walker e.a./Parlement et Conseil, T‑383/19 R, non publiée, EU:T:2019:754, point 29 et jurisprudence citée).
43 Les circonstances particulières que fait valoir le requérant, en particulier la privation du droit de vote et d’éligibilité aux élections au Parlement et aux élections municipales dans un État membre de l’Union, sont susceptibles d’être partagées par un nombre indéterminé et, en toute hypothèse, important de ressortissants du Royaume‑Uni se trouvant dans une situation similaire d’expatriation. En outre, le requérant ne soutient pas appartenir à un groupe de personnes qui étaient identifiées ou identifiables au moment où les actes attaqués ont été pris et en fonction de critères propres aux membres de ce groupe (voir, en ce sens, ordonnance du 23 octobre 2019, Walker e.a./Parlement et Conseil, T‑383/19 R, non publiée, EU:T:2019:754, point 30).
44 Dans ces conditions, il ne saurait être considéré prima facie que le requérant fait partie d’un cercle restreint, au sens de la jurisprudence citée au point 37 ci‑dessus.
45 Il s’ensuit que le requérant ne saurait prétendre que les actes attaqués le concernent individuellement au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, de sorte qu’une des conditions cumulatives de recevabilité prévues par cette disposition fait défaut.
46 Il en résulte que le recours dans l’affaire principale étant manifestement irrecevable, la demande en référé doit être rejetée comme irrecevable à ce titre.
Sur la compétence du Tribunal en ce qui concerne la demande de questions préjudicielles
47 S’agissant ensuite de la demande présentée au titre de l’article 256, paragraphe 3, deuxième alinéa, TFUE, il importe de rappeler, premièrement, que la procédure prévue à l’article 267 TFUE est un instrument de coopération entre la Cour et les juridictions nationales. Il en découle qu’il appartient aux seules juridictions nationales qui sont saisies du litige et doivent assumer la responsabilité de la décision judiciaire à intervenir d’apprécier, au regard des particularités de chaque affaire, tant la nécessité d’une décision préjudicielle pour être en mesure de rendre leur jugement que la pertinence des questions qu’elles posent à la Cour (arrêt du 7 juillet 2011, Agafiţei e.a., C‑310/10, EU:C:2011:467, point 25).
48 Deuxièmement, les compétences du Tribunal sont celles énumérées à l’article 256 TFUE, telles que précisées par l’article 51 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne. En application de ces dispositions, le Tribunal n’est pas compétent pour soumettre à la Cour, en vertu de l’article 267 TFUE, des questions préjudicielles.
49 Troisièmement, si l’article 256, paragraphe 3, deuxième alinéa, TFUE précise que, lorsque le Tribunal estime que l’affaire appelle une décision de principe susceptible d’affecter l’unité ou la cohérence du droit de l’Union, il peut renvoyer l’affaire devant la Cour afin qu’elle statue, force est de constater, ainsi que le fait valoir le Conseil, que cette disposition n’a pas vocation à s’appliquer de manière indépendante des autres alinéas de ce paragraphe, mais uniquement en tant qu’élément accessoire à un transfert de compétence au Tribunal.
50 Il s’ensuit que l’article 256, paragraphe 3, deuxième alinéa, TFUE n’est pas applicable en l’espèce.
51 Il en résulte que le Tribunal n’est pas compétent, sur le fondement de l’article 256, paragraphe 3, deuxième alinéa, TFUE, pour procéder au renvoi de l’affaire à la Cour afin de lui poser des questions préjudicielles.
52 Pour l’ensemble de ces motifs, il y a lieu de rejeter la présente demande en référé dans son intégralité en raison, pour partie, de l’incompétence du Tribunal pour en connaître et, pour partie, de son caractère irrecevable.
53 En vertu de l’article 158, paragraphe 5, du règlement de procédure, il convient de réserver les dépens.
Par ces motifs,
LE PRÉSIDENT DU TRIBUNAL
ordonne :
1) La demande en référé est rejetée.
2) Les dépens sont réservés.
Fait à Luxembourg, le 24 juin 2020.
Le greffier | Le président |
E. Coulon | M. van der Woude |
* Langue de procédure : le français.
© European Union
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