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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) |
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You are here: BAILII >> Databases >> Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) >> Maternus v EUIPO - adp Gauselmann (Jokers WILD Casino) (EU trade mark - Judgment) French Text [2020] EUECJ T-321/19 (12 March 2020) URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2020/T32119.html Cite as: [2020] EUECJ T-321/19, EU:T:2020:101, ECLI:EU:T:2020:101 |
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DOCUMENT DE TRAVAIL
ARRÊT DU TRIBUNAL (septième chambre)
12 mars 2020 (*)
« Marque de l’Union européenne – Procédure de déchéance – Marque de l’Union européenne figurative Jokers WILD Casino – Obligation de motivation – Article 94, paragraphe 1, première phrase, du règlement (UE) 2017/1001 – Absence d’usage sérieux de la marque – Article 58, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001 »
Dans l’affaire T‑321/19,
Maternus GmbH, établie à Munich (Allemagne), représentée par Mes M. Zöbisch et R. Drozdz, avocats,
partie requérante,
contre
Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par Mmes J. Schäfer, A. Söder et D. Walicka en qualité d’agents,
partie défenderesse,
l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, intervenant devant le Tribunal, étant
adp Gauselmann GmbH, établie à Espelkamp (Allemagne), représentée par Mes K. Mandel et K. Guridi Sedlak, avocates,
ayant pour objet un recours formé contre la décision de la première chambre de recours de l’EUIPO du 27 février 2019 (affaire R 803/2018-1), relative à une procédure de déchéance entre adp Gauselmann et Maternus,
LE TRIBUNAL (septième chambre),
composé de MM. R. da Silva Passos, président, V. Valančius et M. Sampol Pucurull (rapporteur), juges,
greffier : Mme M. Marescaux, administratrice,
vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 27 mai 2019,
vu le mémoire en réponse de l’EUIPO déposé au greffe du Tribunal le 22 juillet 2019,
vu le mémoire en réponse de l’intervenante déposé au greffe du Tribunal le 1er août 2019,
vu la modification de la composition des chambres du Tribunal et la réattribution de l’affaire à la septième chambre,
à la suite de l’audience du 16 janvier 2020,
rend le présent
Arrêt
Antécédents du litige
1 Le 11 novembre 2010, la requérante, Maternus GmbH, a présenté une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne à l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), en vertu du règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1)].
2 La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe figuratif suivant, pour lequel les couleurs noir, rouge, jaune et blanc ont été revendiquées :
3 Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent, notamment, de la classe 28 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent à la description suivante : « Machines de jeux automatiques à prépaiement pour adultes ; tables de billard à prépaiement ; jetons pour jeux de hasard ; cartes à jouer et dès pour adultes ».
4 La demande de marque a été publiée au Bulletin des marques communautaires no 4/2011, du 7 janvier 2011, et la marque a été enregistrée le 3 septembre 2011 sous le numéro 009515321.
5 Le 19 septembre 2016, l’intervenante, adp Gauselmann GmbH, a déposé une demande en déchéance partielle de la marque contestée, au titre de l’article 51, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009 [devenu article 58, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001] pour les produits relevant de la classe 28 mentionnés au point 3 ci-dessus (ci-après les « produits en cause »), au motif que ladite marque n’aurait pas fait l’objet d’un usage sérieux dans l’Union européenne pendant une période ininterrompue de cinq ans.
6 Le 20 février 2017, la requérante a présenté devant l’EUIPO divers documents en vue d’établir l’usage de la marque contestée.
7 Le 25 avril 2018, la division d’annulation a déclaré la requérante déchue de ses droits pour défaut d’usage sérieux pour l’ensemble des produits visés par la demande en déchéance, avec effet au 19 septembre 2016.
8 Le 1er mai 2018, la requérante a introduit un recours auprès de l’EUIPO au titre des articles 66 à 71 du règlement 2017/1001 contre la décision de la division d’annulation.
9 Par décision du 27 février 2019 (ci-après la « décision attaquée »), la première chambre de recours de l’EUIPO a rejeté le recours. En particulier, elle a relevé que les éléments de preuve produits par la requérante ne portaient pas concrètement sur les produits en cause. En outre, elle a souligné que la requérante n’avait pas produit de bons de livraison ou de commandes, de chiffres de ventes ou de factures comme éléments de preuve et que la déclaration sous serment de son gérant ne concernait pas les produits en cause. Par ailleurs, la chambre de recours a constaté qu’une seule reproduction graphique des cartes à jouer, sur le dos desquelles la marque contestée était apposée, avait été produite, ce qui aurait indiqué qu’il s’agissait d’articles promotionnels pour les services de casino, aucune preuve d’une commercialisation de telles cartes à jouer n’ayant été produite. Quant aux photographies de machines de jeux automatiques produites par la requérante, celles-ci n’auraient montré la marque contestée qu’en tant que publicité. Enfin, la chambre de recours a constaté que la fréquence et la régularité de l’usage n’avaient pas été prouvées, les documents de preuve étant non datés ou ne correspondant pas à la période pertinente. La chambre de recours en a conclu que les éléments de preuve présentés par la requérante ne suffisaient pas pour démontrer l’usage de la marque contestée pour les produits en cause.
Conclusions des parties
10 La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– annuler la décision attaquée ;
– condamner l’EUIPO aux dépens.
11 L’EUIPO et l’intervenante concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :
– rejeter le recours ;
– condamner la requérante aux dépens.
En droit
12 À l’appui de son recours, la requérante invoque deux moyens, tirés, le premier, de la violation de l’obligation de motivation, prévue à l’article 94, paragraphe 1, première phrase, du règlement 2017/1001, et, le second, de la violation de l’article 58, paragraphe 1, sous a), de ce même règlement.
Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’obligation de motivation
13 La requérante soutient que la motivation de la chambre de recours est manifestement incomplète. Premièrement, elle considère que la chambre de recours n’aurait pas expliqué pourquoi les produits pour lesquels la marque contestée aurait été utilisée, d’après la déclaration sous serment du gérant, n’auraient pas été pertinents. À cet égard, elle fait valoir que lesdits produits comprennent pourtant les « cartes à jouer », qui relèvent des produits en cause, les « jeux », qui, selon la requérante, incluraient les « cartes à jouer », les « jetons pour jeux de hasard » et les « dés pour adultes », relevant des produits en cause, ainsi que les « automates », lesquels, selon la requérante, renvoient également aux « machines de jeux automatiques à prépaiement pour adultes », relevant des produits en cause. Deuxièmement, la requérante fait valoir que la chambre de recours a fondé sa motivation uniquement sur l’indication du chiffre d’affaires, contenu dans la déclaration sous serment, qui fait référence aux services de la classe 41, et n’a pas pris en considération l’indication du chiffre d’affaires portant sur les produits en cause.
14 L’EUIPO et l’intervenante contestent les allégations de la requérante.
15 Il convient de rappeler que, en vertu de l’article 94, paragraphe 1, première phrase, du règlement 2017/1001, les décisions de l’EUIPO doivent être motivées. Cette obligation de motivation a la même portée que celle découlant de l’article 296 TFUE, selon laquelle le raisonnement de l’auteur de l’acte doit apparaître de façon claire et non équivoque. Elle a pour double objectif de permettre, d’une part, aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise afin de défendre leurs droits, et d’autre part, au juge de l’Union d’exercer son contrôle sur la légalité de la décision. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences de l’article 296 TFUE doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée [arrêt du 7 juin 2017, Mediterranean Premium Spirits/EUIPO – G-Star Raw (GINRAW), T‑258/16, non publié, EU:T:2017:375, point 88].
16 En outre, l’obligation de motivation n’impose pas aux chambres de recours de fournir un exposé qui suivrait exhaustivement et un par un tous les raisonnements articulés des parties devant elles. Il suffit d’exposer les faits et les considérations juridiques revêtant une importance essentielle dans l’économie de la décision [arrêts du 15 janvier 2015, MEM/OHMI (MONACO), T‑197/13, EU:T:2015:16, point 19, et du 7 juin 2017, GINRAW, T‑258/16, non publié, EU:T:2017:375, point 89].
17 Par ailleurs, la motivation peut être implicite à condition qu’elle permette aux intéressés de connaître les raisons pour lesquelles la décision de la chambre de recours a été adoptée et à la juridiction compétente de disposer des éléments suffisants pour exercer son contrôle [arrêts du 9 juillet 2008, Reber/OHMI – Chocoladefabriken Lindt & Sprüngli (Mozart), T‑304/06, EU:T:2008:268, point 55, et du 7 juin 2017, GINRAW, T‑258/16, non publié, EU:T:2017:375, point 90].
18 Enfin, il y a lieu de rappeler que le défaut ou l’insuffisance de motivation constitue un moyen tiré de la violation des formes substantielles, distinct, en tant que tel, du moyen pris de l’inexactitude des motifs de la décision, dont le contrôle relève de l’examen du bien-fondé de cette décision [voir, en ce sens, arrêts du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink’s France, C‑367/95 P, EU:C:1998:154, point 67, et du 23 septembre 2015, Mechadyne International/OHMI (FlexValve), T‑588/14, non publié, EU:T:2015:676, point 59].
19 En l’espèce, la chambre de recours a indiqué, au point 29 de la décision attaquée, qu’il ressortait de la déclaration sous serment que la marque contestée aurait été utilisée pour « des étuis de téléphone portable, calendriers et articles de papeterie, du papier à lettres, des cartes à jouer, cartes pour roulette, jeux, allumettes, vêtements, épingles à cravate, tasse à café, cendriers, tapis, automates et distributeurs automatiques de cigarettes, chaises et fauteuils », mais que toutefois ces produits ne relevaient pas des produits en cause.
20 À cet égard, force est de constater que, si les « cartes à jouer » et « cartes pour roulette » relèvent bien des produits en cause, aucun des autres produits dont la liste est dressée ci-dessus ne relèvent des produits en cause, ce qui peut se déduire facilement de la comparaison de la liste des produits en cause, d’une part, et de la liste fournie dans la déclaration du gérant, d’autre part, sans que des explications particulières semblent nécessaires à cet égard.
21 Quant à l’argument de la requérante relatif aux « automates » mentionnés dans la déclaration sous serment et qui engloberaient les « machines de jeux automatiques », il y a lieu de constater qu’il ressort de la liste de produits annexée à ladite déclaration sous serment que les « automates et distributeurs automatiques de cigarettes » y sont très clairement distingués des « machines de jeux automatiques à prépaiement pour adultes ». Cet argument ne saurait donc aboutir.
22 Certes, il est regrettable que la chambre de recours n’ait ni constaté que, parmi les produits énumérés dans la déclaration sous serment, les « cartes à jouer » ainsi que les « cartes pour roulettes » relevaient bien des produits en cause, ni fourni des explications, similaires à celles fournies par l’EUIPO dans le mémoire en réponse, concernant le fait que le chiffre d’affaires indiqué dans la déclaration sous serment aurait dû être ventilé entre les différents produits pour qu’elle puisse, le cas échéant, prendre en compte le seul chiffre d’affaires provenant des cartes à jouer.
23 Cependant, il convient de noter que la chambre de recours rappelle, au point 27 de la décision attaquée, l’absence de preuves de vente des produits énumérés autres que la déclaration du gérant, telles que des bons de livraison, des chiffres de ventes, des factures ou des bons de commandes, se rangeant ainsi, comme le fait valoir l’EUIPO, à la décision de la division d’annulation qui avait déjà noté que le chiffre d’affaires mentionné dans la déclaration du gérant n’était pas étayée par d’autres éléments de preuve. La chambre de recours a ensuite considéré, au point 29 de la décision attaquée, que les produits dont la liste était dressée dans la déclaration du gérant n’étaient en tout état de cause pas pertinents.
24 Or, rien n’indique que la requérante n’était pas en mesure de comprendre les motifs de la décision attaquée et de les contester devant le Tribunal.
25 Enfin, il convient de noter, ainsi que le relève à juste titre l’EUIPO et conformément à la jurisprudence rappelée au point 18 ci-dessus, que la question de savoir si le chiffre d’affaires contenu dans la déclaration sous serment porte ou non sur les produits en cause, est une question qui ne relève pas de la motivation de la décision attaquée, mais du bien-fondé de celle-ci, lequel est apprécié, dans le cadre du second moyen.
26 Il s’ensuit que, contrairement à ce que soutient la requérante, la chambre de recours a motivé à suffisance de droit la décision attaquée quant à la question de savoir si celle-ci avait rapporté la preuve de l’usage sérieux de la marque contestée pour les produits en cause.
27 Par conséquent, il convient de rejeter le premier moyen.
Sur le second moyen, tiré de la violation de l’article 58, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001
28 La requérante soutient, en substance, qu’elle a fourni la preuve de l’usage sérieux pour tous les produits en cause. La requérante fait valoir, premièrement, que la chambre de recours aurait méconnu l’importance des indications contenues dans la déclaration sous serment de son gérant, relatives à l’usage de la marque contestée pour les produits en cause et qui prouveraient que lesdits produits génèrent un chiffre d’affaires annuel de 1,2 millions d’euros. À cet égard, la requérante relève que la chambre de recours a considéré à tort que les produits énumérés dans la déclaration du gérant ne concernaient pas les produits en cause. Deuxièmement, la requérante soutient que l’apposition de la marque contestée sur le dos des cartes à jouer ou à proximité de machines de jeux automatiques ne permet en aucun cas d’admettre qu’il s’agirait exclusivement d’un article promotionnel pour les services de casino. La requérante soutient, à ce titre, que tout lien indirect avec les produits en cause est suffisant et que le public percevra la marque contestée, apposée au-dessus de la machine de jeux ou sur les cartes à jouer, comme une indication de l’origine de ces produits. Enfin, la requérante reproche à la chambre de recours de ne pas avoir procédé à un examen d’ensemble de tous les faits pertinents et soutient que celle-ci aurait, à tort, considéré que le prétendu défaut d’importance de l’usage de la marque contestée entraînait l’absence d’usage sérieux de ladite marque.
29 L’EUIPO et l’intervenante contestent les allégations de la requérante.
30 Aux termes de l’article 58, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001, le titulaire d’une marque de l’Union européenne est déclaré déchu de ses droits sur demande présentée auprès de l’EUIPO ou sur demande reconventionnelle dans une action en contrefaçon, si, pendant une période ininterrompue de cinq ans, la marque n’a pas fait l’objet d’un usage sérieux dans l’Union pour les produits ou services pour lesquels elle est enregistrée et s’il n’existe pas de justes motifs pour le non-usage.
31 En vertu de la règle 22, paragraphes 3 et 4, du règlement (CE) no 2868/95 de la Commission, du 13 décembre 1995, portant modalités d’application du règlement (CE) no 40/94 du Conseil sur la marque communautaire (JO 1995, L 303, p. 1) [devenue article 10, paragraphes 3 et 4, du règlement délégué (UE) 2018/625, de la Commission, du 5 mars 2018, complétant le règlement 2017/1001, et abrogeant le règlement délégué (UE) 2017/1430 (JO 2018, L 104, p. 1)], applicable aux procédures de déchéance conformément à la règle 40, paragraphe 5, du même règlement (devenue article 19, paragraphe 1 du règlement 2018/625), la preuve de l’usage d’une marque doit porter sur le lieu, la durée, l’importance et la nature de l’usage qui a été fait de la marque et se limite, en principe, à la production de pièces justificatives, comme des emballages, des étiquettes, des barèmes de prix, des catalogues, des factures, des photographies, des annonces dans les journaux, ainsi qu’aux déclarations écrites visées à l’article 97, paragraphe 1, sous f), du règlement 2017/1001 [arrêts du 8 juillet 2004, Sunrider/OHMI – Espadafor Caba (VITAFRUIT), T‑203/02, EU:T:2004:225, point 37, et du 10 septembre 2008, Boston Scientific/OHMI – Terumo (CAPIO), T‑325/06, non publié, EU:T:2008:338, point 27].
32 Dans l’interprétation de la notion d’usage sérieux, il convient de prendre en compte le fait que la ratio legis de l’exigence selon laquelle la marque doit avoir fait l’objet d’un usage sérieux ne vise ni à évaluer la réussite commerciale, ni à contrôler la stratégie économique d’une entreprise, ni encore à réserver la protection des marques à leurs seules exploitations commerciales quantitativement importantes [voir arrêts du 8 juillet 2004, MFE Marienfelde/OHMI – Vétoquinol (HIPOVITON), T‑334/01, EU:T:2004:223, point 32 et jurisprudence citée, et du 27 septembre 2007, La Mer Technology/OHMI – Laboratoires Goëmar (LA MER), T‑418/03, non publié, EU:T:2007:299, point 53 et jurisprudence citée].
33 Ainsi qu’il ressort de la jurisprudence, une marque fait l’objet d’un usage sérieux lorsqu’elle est utilisée, conformément à sa fonction essentielle qui est de garantir l’identité d’origine des produits ou des services pour lesquels elle a été enregistrée, aux fins de créer ou de conserver un débouché pour ces produits ou ces services, à l’exclusion d’usages de caractère symbolique ayant pour seul objet le maintien des droits conférés par la marque (voir, par analogie, arrêt du 11 mars 2003, Ansul, C‑40/01, EU:C:2003:145, point 43). De plus, la condition relative à l’usage sérieux de la marque exige que celle-ci, telle qu’elle est protégée sur le territoire pertinent, soit utilisée publiquement et vers l’extérieur [voir arrêts du 6 octobre 2004, Vitakraft-Werke Wührmann/OHMI – Krafft (VITAKRAFT), T‑356/02, EU:T:2004:292, point 26 et jurisprudence citée, et du 4 juillet 2014, Construcción, Promociones e Instalaciones/OHMI – Copisa Proyectos y Mantenimientos Industriales (CPI COPISA INDUSTRIAL), T‑345/13, non publié, EU:T:2014:614, point 21 et jurisprudence citée].
34 Toutefois, la circonstance qu’une marque est utilisée afin de créer ou de conserver un débouché pour les produits ou les services pour lesquels elle a été enregistrée ne suffit pas pour conclure qu’il y a usage sérieux. En effet, il est tout autant indispensable que cette utilisation de la marque soit faite conformément à la fonction essentielle de la marque. Pour ce faire, la marque doit constituer la garantie que tous les produits ou services qu’elle désigne ont été fabriqués ou fournis sous le contrôle d’une entreprise unique à laquelle peut être attribuée la responsabilité de leur qualité. Si une marque peut, certes, également faire l’objet d’usages conformes à d’autres fonctions, telles que celles de communication, d’investissement ou de publicité, elle est toutefois soumise aux sanctions prévues au règlement 2017/1001 lorsque, pendant une période ininterrompue de cinq ans, elle n’a pas été utilisée conformément à sa fonction essentielle (voir, en ce sens, arrêts du 8 juin 2017, W. F. Gözze Frottierweberei et Gözze, C‑689/15, EU:C:2017:434, points 39 à 42, et du 17 octobre 2019, Landeskammer für Land- und Forstwirtschaft in Steiermark/Schmid, C‑514/18 P, non publié, EU:C:2019:878, points 37 et 38).
35 L’appréciation du caractère sérieux de l’usage de la marque doit reposer sur l’ensemble des faits et des circonstances propres à établir la réalité de l’exploitation commerciale de celle-ci, en particulier les usages considérés comme justifiés dans le secteur économique concerné pour maintenir ou créer des parts de marché au profit des produits ou des services protégés par la marque, la nature de ces produits ou de ces services, les caractéristiques du marché, l’importance et la fréquence de l’usage de la marque (voir arrêt du 10 septembre 2008, CAPIO, T‑325/06, non publié, EU:T:2008:338, point 30 et jurisprudence citée).
36 Par ailleurs, l’usage sérieux d’une marque ne peut être démontré par des probabilités ou des présomptions, mais doit reposer sur des éléments concrets et objectifs qui prouvent une utilisation effective et suffisante de la marque sur le marché concerné [voir arrêt du 23 septembre 2009, Cohausz/OHMI – Izquierdo Faces (acopat), T‑409/07, non publié, EU:T:2009:354, point 36 et jurisprudence citée]. Il convient de procéder à une appréciation globale qui tienne compte de tous les facteurs pertinents au cas d’espèce et qui implique une certaine interdépendance des facteurs pris en compte [voir arrêt du 18 janvier 2011, Advance Magazine Publishers/OHMI – Capela & Irmãos (VOGUE), T‑382/08, non publié, EU:T:2011:9, point 30 et jurisprudence citée].
37 C’est à la lumière des considérations qui précèdent qu’il convient d’examiner si c’est à bon droit que la chambre de recours a considéré, dans la décision attaquée, que les preuves présentées par la requérante, s’agissant des produits en cause, ne démontraient pas un usage sérieux de la marque contestée.
38 À titre liminaire, il y a lieu de relever que la demande en déchéance de la marque contestée ayant été déposée le 19 septembre 2016, la période de cinq années visée à l’article 58, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001, s’étend du 19 septembre 2011 au 18 septembre 2016.
39 Afin de prouver l’usage sérieux de la marque contestée, la requérante, au cours de la procédure administrative devant l’EUIPO a, notamment, produit :
– des photographies, non datées, de machines de jeux automatiques sur lesquelles des autocollants représentant le signe contesté sont apposés ;
– des photographies, non datées, de machines de jeux automatiques à l’intérieur de casinos, montrant le signe contesté à proximité des machines ;
– une reproduction graphique, non datée, de cartes à jouer sur le dos desquelles figure le signe contesté ;
– des photographies, non datées, d’enveloppes, de tasses, de soucoupes, d’étuis de téléphone portable, de sachets de sucre, de boîtes d’allumettes, de cendriers et de distributeurs automatiques de cigarettes sur lesquels le signe contesté est reproduit ;
– des photographies, non datées, de vêtements et d’uniformes (chemises, vestes et épingles à cravates) des collaborateurs et croupiers d’un casino, sur lesquels figure le signe contesté ;
– des photographies, non datées, à l’intérieur et à l’extérieur de casinos, où le signe contesté est reproduit sur des portes, des tapis, des vitres, des comptoirs et des sièges ;
– un contrat de licence du 1er décembre 2014 accordé par la requérante pour l’exploitation des services de casino ;
– une déclaration sous serment du gérant de la requérante, non datée, selon laquelle la marque contestée serait utilisée depuis 2007, pour différents produits, générant un chiffre d’affaires de 1,2 million d’euros par an tous produits confondus.
40 En l’espèce, premièrement, force est de constater, ainsi que la chambre de recours l’a relevé à juste titre, que la plupart des éléments de preuve présentés par la requérante, comprenant notamment la reproduction du signe contesté à l’intérieur et à l’extérieur de casinos et sur des affiches publicitaires, des enveloppes, des tasses, des sachets de sucre, des distributeurs automatiques de cigarettes, des boîtes d’allumettes, des cendriers, des étuis de téléphone portable et des uniformes de croupier ainsi que le contrat de licence ne concernent pas les produits en cause, mais d’autres classes de produits ou de services tels que les services de casino.
41 Deuxièmement, la requérante n’a produit aucun élément de preuve permettant d’établir que les « machines de jeux automatiques à prépaiement pour adultes », les « tables de billard à prépaiement », les « jetons pour jeux de hasard », les « cartes à jouer » et les « dés pour adultes » auraient été vendus au sein de l’Union au cours de la période pertinente. Or, il appartient à la requérante de démontrer l’usage sérieux de la marque contestée, à savoir d’apporter un ensemble d’éléments de preuve fondés non sur des probabilités ou des présomptions, mais sur des éléments concrets et objectifs, lui permettant de démontrer que ladite marque était utilisée de manière effective et suffisante sur le marché concerné (voir, en ce sens, arrêt du 23 septembre 2009, acopat, T‑409/07, non publié, EU:T:2009:354, point 36).
42 Plus précisément, s’agissant, en premier lieu, des « cartes à jouer », il convient de relever que la requérante a produit une seule reproduction graphique, non datée, de cartes à jouer qui montre le signe contesté apposé au dos desdites cartes. Cette représentation graphique, en l’absence d’autres éléments de preuve concrets et objectifs, tels que des factures, catalogues de produits ou des bons de livraison, ne saurait prouver ni que la marque contestée ait effectivement été apposée sur des cartes à jouer ni que la marque contestée aurait été utilisée en tant que marque pour des cartes à jouer. De même, en ce qui concerne les preuves afférentes aux « machines de jeux automatiques », il y a lieu de constater que les affiches ou enseignes installées à proximité de telles machines dans un casino et l’apposition d’autocollants promotionnels sur de telles machines ne permettent pas de prouver que la marque contestée ait été utilisée publiquement et vers l’extérieur, conformément à sa fonction essentielle d’indication d’origine ainsi qu’il ressort de la jurisprudence rappelée au point 33 ci-dessus.
43 À cet égard, il importe de ne pas confondre la fonction essentielle de la marque avec les autres fonctions, rappelées au point 34 ci-dessus, que la marque peut le cas échéant remplir, telle que celles de publicité et de communication. Lorsque l’usage d’une marque individuelle ne garantit pas aux consommateurs que les produits concernés proviennent d’une entreprise unique sous le contrôle de laquelle ils sont fabriqués ou fournis et à laquelle, par conséquent, peut être attribuée la responsabilité de la qualité desdits produits, un tel usage n’est pas fait conformément à la fonction essentielle d’indication d’origine.
44 En l’espèce, il est douteux que les usagers d’un casino considèrent le signe apposé à proximité des machines de jeux automatiques ou au dos d’une représentation graphique des cartes à jouer comme une indication de l’origine de tels produits. Comme le fait valoir à juste titre l’EUIPO, la requérante n’a donc pas fourni la preuve de l’usage de la marque contestée pour indiquer l’origine commerciale des produits en cause, mais seulement de son usage pour promouvoir ou désigner les services de casino. Autrement dit, la requérante n’a pas fourni la preuve qu’elle aurait vendu des cartes à jouer ou des machines de jeux automatiques et ne les aurait pas simplement utilisés dans le cadre de l’exploitation d’un casino.
45 Par ailleurs, en ce qui concerne la déclaration sous serment du gérant, il convient de rappeler qu’une déclaration sous serment constitue un élément de preuve recevable au sens de l’article 97, paragraphe 1, sous f), du règlement 2017/1001. Selon une jurisprudence constante, il convient, pour apprécier la valeur probante d’un document de vérifier la vraisemblance et la véracité de l’information qui y est contenue. Il faut tenir compte notamment, de l’origine du document, des circonstances de son élaboration et de son destinataire et se demander si, d’après son contenu, il semble sensé et fiable [voir arrêt du 8 mai 2017, Les Éclaires/EUIPO – L’éclaireur International (L’ECLAIREUR), T‑680/15, non publié, EU:T:2017:320, point 72 et jurisprudence citée].
46 Cependant, la déclaration du gérant de la requérante, dès lors qu’elle a été établie dans l’intérêt de son auteur, ne peut constituer à elle seule une preuve suffisante de l’usage sérieux de la marque en cause, et nécessite d’être corroborée par d’autres éléments [voir, en ce sens, arrêt du 13 janvier 2011, Park/OHMI – Bae (PINE TREE), T‑28/09, non publié, EU:T:2011:7, point 68 et jurisprudence citée].
47 À ce titre, la déclaration sous serment du gérant indique qu’un chiffre d’affaires de 1,2 million d’euros par an serait généré par plus d’une douzaine de produits, parmi lesquels se trouveraient les « cartes à jouer ». Il convient de relever, d’une part, que la déclaration du gérant ne spécifie pas la part du chiffre d’affaires qui serait générée par la vente de ce produit, et d’autre part, que, en tout état de cause, en l’absence de factures ou d’informations objectives sur le chiffre d’affaires généré, la déclaration sous serment ne permet pas de conclure que la marque contestée a fait l’objet d’un usage sérieux. En effet, la requérante n’a produit aucune facture, aucun bon de commande, aucun chiffre de vente ou publicitaire, ni aucune donnée indiquant la part de marché de la vente des « cartes à jouer ».
48 En outre, la reproduction graphique, non datée, de cartes à jouer (voir point 42 ci-dessus), dans la mesure où elle ne prouve pas que la marque contestée ait fait l’objet d’un usage sérieux ne peut corroborer la déclaration du gérant.
49 En second lieu, s’agissant des « tables de billard à prépaiement », des « jetons pour jeux de hasard » et des « dés pour adultes », il convient de noter, comme le constatent à juste titre l’EUIPO et l’intervenante, que la requérante n’a fourni aucune preuve à cet égard. Or, il ressort de la jurisprudence que l’usage sérieux au sens de l’article 58, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001 doit être démontré par rapport à chaque type de produits ou de services visés par la marque contestée susceptible d’être envisagé de façon autonome [voir, en ce sens, arrêt du 13 décembre 2018, C=Holdings/EUIPO – Trademarkers (C=commodore), T‑672/16, EU:T:2018:926, point 41].
50 En outre, il convient d’observer que, à supposer que, d’une part, les « jetons pour jeux de hasard » et les « dés pour adultes » puissent faire référence aux « jeux », et, d’autre part, les « machines de jeux automatiques à prépaiement pour adultes » puissent être comprises dans les « automates », auxquels se réfère respectivement la déclaration sous serment, ainsi qu’il a été exposé aux points 45 et 46 ci-dessus, pour constituer une preuve de l’usage sérieux, la déclaration du gérant doit être étayée par d’autres éléments de preuve. Or, il convient de constater qu’aucune preuve concernant la vente effective desdits produits n’a été fournie par la requérante.
51 Troisièmement, en ce qui concerne l’argument de la requérante selon lequel la chambre de recours n’aurait pas procédé à un examen d’ensemble en considérant que le défaut de preuve de l’importance de l’usage de la marque contestée entraînait l’absence d’usage sérieux de ladite marque, il convient de relever que les preuves d’usage de la marque doivent remplir toutes les conditions relatives au lieu, à la durée, à l’importance et à la nature de l’usage posées par l’article 10, paragraphe 3, du règlement 2017/1430 [voir, en ce sens, arrêt du 5 octobre 2010, Strategi Group/OHMI – RBI (STRATEGI), T‑92/09, non publié, EU:T:2010:424, point 43].
52 En tout état de cause, comme le fait valoir à juste titre l’EUIPO, font défaut en l’espèce des preuves non seulement de l’importance de l’usage de la marque en cause, mais également de l’usage de ladite marque conformément à sa fonction essentielle, c’est-à-dire comme indication de l’origine, et de son usage pendant la période pertinente, la majorité des preuves fournies étant non datées. Il en résulte que la conclusion quant à l’usage sérieux de la marque en cause ne saurait être différente en examinant d’autres facteurs tels que la nature ou la durée de l’usage de la marque.
53 C’est donc à juste titre que la chambre de recours a conclu à l’absence de caractère sérieux de l’usage de la marque contestée pour l’ensemble des produits en cause.
54 Eu égard aux considérations qui précèdent, il convient de rejeter le second moyen et, partant, le recours dans son ensemble.
Sur les dépens
55 Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.
56 En l’espèce, la requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’EUIPO et de l’intervenante.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (septième chambre)
déclare et arrête :
1) Le recours est rejeté.
2) Maternus GmbH est condamnée aux dépens.
da Silva Passos | Valančius | Sampol Pucurull |
Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 12 mars 2020.
Signatures
* Langue de procédure : l’allemand.
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