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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) |
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You are here: BAILII >> Databases >> Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) >> Kemwater ProChemie (Judgment) French Text [2021] EUECJ C-154/20 (09 December 2021) URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2021/C15420.html Cite as: [2021] EUECJ C-154/20, ECLI:EU:C:2021:989, EU:C:2021:989 |
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ARRÊT DE LA COUR (dixième chambre)
9 décembre 2021 (*)
« Renvoi préjudiciel – Fiscalité – Taxe sur la valeur ajoutée (TVA) – Directive 2006/112/CE – Article 168 – Droit à déduction de la taxe acquittée en amont – Conditions matérielles du droit à déduction – Qualité d’assujetti du fournisseur – Charge de la preuve – Refus du droit à déduction lorsque le véritable fournisseur n’a pas été identifié – Conditions »
Dans l’affaire C‑154/20,
ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Nejvyšší správní soud (Cour administrative suprême, République tchèque), par décision du 11 mars 2020, parvenue à la Cour le 31 mars 2020, dans la procédure
Kemwater ProChemie s. r. o.
contre
Odvolací finanční ředitelství,
LA COUR (dixième chambre),
composée de M. C. Lycourgos, président de la quatrième chambre, faisant fonction de président de la dixième chambre, MM. I. Jarukaitis (rapporteur) et M. Ilešič, juges,
avocat général : M. P. Pikamäe,
greffier : M. A. Calot Escobar,
vu la procédure écrite,
considérant les observations présentées :
– pour l’Odvolací finanční ředitelství, par M. T. Rozehnal,
– pour le gouvernement tchèque, par MM. M. Smolek, O. Serdula et J. Vláčil, en qualité d’agents,
– pour le gouvernement espagnol, par M. S. Jiménez García, en qualité d’agent,
– pour le gouvernement hongrois, par M. M. Z. Fehér et Mme R. Kissné Berta, en qualité d’agents,
– pour la Commission européenne, par Mmes A. Armenia et M. Salyková, en qualité d’agents,
vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,
rend le présent
Arrêt
1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée (JO 2006, L 347, p. 1).
2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Kemwater ProChemie s. r. o. à l’Odvolací finanční ředitelství (direction des finances compétente en matière de recours, République tchèque) (ci-après la « direction des finances ») au sujet d’un refus du droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) acquittée en amont au titre de la fourniture de services de publicité effectuée au cours des années 2010 et 2011.
Le cadre juridique
Le droit de l’Union
3 L’article 9, paragraphe 1, de la directive 2006/112 dispose :
« Est considéré comme “assujetti” quiconque exerce, d’une façon indépendante et quel qu’en soit le lieu, une activité économique, quels que soient les buts ou les résultats de cette activité.
Est considérée comme “activité économique” toute activité de producteur, de commerçant ou de prestataire de services, y compris les activités extractives, agricoles et celles des professions libérales ou assimilées. Est en particulier considérée comme activité économique, l’exploitation d’un bien corporel ou incorporel en vue d’en tirer des recettes ayant un caractère de permanence. »
4 L’article 168 de cette directive prévoit :
« Dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de ses opérations taxées, l’assujetti a le droit, dans l’État membre dans lequel il effectue ces opérations, de déduire du montant de la taxe dont il est redevable les montants suivants :
a) la TVA due ou acquittée dans cet État membre pour les biens qui lui sont ou lui seront livrés et pour les services qui lui sont ou lui seront fournis par un autre assujetti ;
[...] »
5 Aux termes de l’article 178 de ladite directive :
« Pour pouvoir exercer le droit à déduction, l’assujetti doit remplir les conditions suivantes :
a) pour la déduction visée à l’article 168, point a), en ce qui concerne les livraisons de biens et les prestations de services, détenir une facture établie conformément aux articles 220 à 236 et aux articles 238, 239 et 240 ;
[...] »
6 L’article 273, premier alinéa, de la directive 2006/112 dispose:
« Les États membres peuvent prévoir d’autres obligations qu’ils jugeraient nécessaires pour assurer l’exacte perception de la TVA et pour éviter la fraude, sous réserve du respect de l’égalité de traitement des opérations intérieures et des opérations effectuées entre États membres par des assujettis, et à condition que ces obligations ne donnent pas lieu dans les échanges entre les États membres à des formalités liées au passage d’une frontière. »
7 L’article 287 de cette directive prévoit :
« Les États membres ayant adhéré après le 1er janvier 1978 peuvent octroyer une franchise de taxe aux assujettis dont le chiffre d’affaires annuel est au maximum égal à la contre-valeur en monnaie nationale des montants suivants au taux du jour de leur adhésion :
[...]
7) la République tchèque : 35 000 EUR ;
[...] »
Le droit tchèque
8 Selon l’article 6, paragraphe 1, du zákon č. 235/2004 Sb., o dani z přidané hodnoty (loi no 235/2004 relative à la taxe sur la valeur ajoutée), un assujetti établi en République tchèque devient redevable de la TVA lorsque son chiffre d’affaires réalisé au cours, au maximum, des douze derniers mois calendaires consécutifs dépasse 1 000 000 couronnes tchèques (CZK) (environ 39 250 euros), à l’exception de la personne qui n’effectue que des opérations exonérées de la taxe sans droit à déduction.
9 L’article 29 de cette loi contient les dispositions transposant l’article 178, sous a), de la directive 2006/112.
10 Les articles 72 et 73 de ladite loi précisent les conditions du droit à déduction de la TVA. En vertu de ces articles, l’assujetti redevable de la TVA a un droit à déduction de la TVA acquittée en amont, qui doit correspondre à la taxe en aval déclarée par un assujetti, de sorte qu’il n’est pas possible de faire valoir un droit à déduction en l’absence d’une obligation d’appliquer la taxe en aval.
11 L’article 94a, paragraphe 1, de la même loi prévoit qu’un assujetti ayant son siège ou un établissement en République tchèque qui réalise ou réalisera des opérations ouvrant droit à déduction peut s’enregistrer.
12 Selon l’article 92, paragraphe 3, du zákon č. 280/2009 Sb., daňový řád (loi no 280/2009 établissant le code de procédure fiscale), l’assujetti établit toutes les circonstances qu’il est tenu de mentionner dans une déclaration fiscale régulière, dans une déclaration fiscale complémentaire ou dans d’autres documents.
Le litige au principal et les questions préjudicielles
13 À la suite d’un contrôle fiscal entamé le 25 avril 2012 et portant sur les périodes d’imposition des mois d’août à octobre 2010, d’avril à juin 2011 et d’août 2011, l’autorité fiscale tchèque a refusé à Kemwater ProChemie, une société commerciale établie en République tchèque, le bénéfice du droit à déduction de la TVA acquittée par celle-ci au titre de services de publicité fournis lors de tournois de golf ayant eu lieu au cours des années 2010 et 2011. Selon les documents fiscaux, ces services ont été fournis par Viasat Service s. r. o., pour un montant de 120 000 CZK (environ 4 708 euros) incluant 20 % de TVA, pour chacune des périodes d’imposition.
14 Sans mettre en doute la réalité des services en cause, l’autorité fiscale tchèque a constaté que le gérant de la société Viasat Service avait déclaré qu’il n’avait pas connaissance du fait que ces services avaient été fournis par cette société et que Kemwater ProChemie, de son côté, n’était pas en mesure de démontrer que ladite société était bien le fournisseur desdits services. Considérant, d’une part, que l’identité du ou des fournisseurs et la qualité d’assujetti à la TVA de ceux-ci n’étaient pas établies et, d’autre part, que l’étendue des prestations en cause était partiellement litigieuse, l’autorité fiscale a, le 20 décembre 2013, émis des avis d’imposition fixant à 20 000 CZK (environ 784 euros) la TVA due pour chaque période d’imposition et infligé à Kemwater ProChemie une astreinte de 4 000 CZK (environ 156 euros) pour chacune de ces périodes.
15 La direction des finances ayant rejeté le recours formé par Kemwater ProChemie contre ces avis d’imposition, cette dernière a saisi le Krajský soud v Praze (cour régionale de Prague, République tchèque), qui a accueilli son recours. Cette juridiction a considéré, en se fondant sur la jurisprudence de la Cour et sur un arrêt du Nejvyšší správní soud (Cour administrative suprême, République tchèque), que le droit à déduction n’est pas subordonné à la preuve que l’assujetti a acquis la prestation imposable auprès du fournisseur mentionné sur la facture afférente à cette prestation et que le manque de preuve quant à l’identité du fournisseur réel de celle-ci n’est déterminant que si l’administration fiscale prouve que cette opération est impliquée dans une fraude fiscale dont l’assujetti exerçant le droit à déduction avait connaissance ou aurait dû avoir connaissance.
16 La direction des finances a alors formé un recours en cassation devant la juridiction de renvoi, le Nejvyšší správní soud (Cour administrative suprême).
17 La juridiction de renvoi expose qu’elle est confrontée à la question de savoir s’il est possible de refuser le bénéfice du droit à déduction de la TVA au motif que le fournisseur réel des services pour lesquels leur destinataire exerce ce droit n’a pas été identifié.
18 Cette juridiction relève qu’il ressort de la jurisprudence de la Cour que, d’une part, le droit à déduction de la TVA est soumis à la condition que le destinataire de l’opération imposable soit un assujetti qui a utilisé les biens livrés ou les services fournis aux fins d’opérations imposables en aval et que ces biens aient été livrés ou ces services aient été fournis par un autre assujetti, et que ce droit ne peut en principe être refusé lorsque ces conditions sont remplies. D’autre part, l’administration fiscale devrait refuser à l’assujetti le bénéfice du droit à déduction si elle démontre, sans exiger de l’assujetti la preuve d’autres circonstances qui ne lui incombe pas, que cet assujetti savait ou pouvait savoir que, en acquérant les biens ou les services en cause, il participait à une fraude.
19 La juridiction de renvoi indique que, en droit tchèque, c’est sur l’assujetti que pèse la charge de la preuve du respect des conditions matérielles du droit à déduction de la TVA. Elle considère que la même exigence résulte de la jurisprudence de la Cour, tout en relevant qu’un doute quant à l’identité du fournisseur ne devrait pas à lui seul permettre à l’administration fiscale de refuser le bénéfice du droit à déduction, car la directive 2006/112 donne une définition large de la notion d’« assujetti ». Toutefois, elle observe que, la République tchèque appliquant l’exception prévue à l’article 287 de cette directive, il ne pourrait être clairement établi que la condition matérielle du droit à déduction tenant à la qualité d’assujetti du fournisseur est remplie lorsque le véritable fournisseur n’est pas identifié.
20 En outre, la juridiction de renvoi estime qu’il existe une contradiction entre, d’une part, la jurisprudence de la Cour selon laquelle il incombe à la personne faisant valoir le droit à déduction de prouver le respect des conditions matérielles de ce droit, en ce compris le fait que les biens ont été effectivement livrés ou les services effectivement fournis par un assujetti et, d’autre part, l’ arrêt du 13 février 2014, Maks Pen (C‑18/13, EU:C:2014:69, ainsi que l’ordonnance du 10 novembre 2016, Signum Alfa Sped (C‑446/15, non publiée, EU:C:2016: 869), dans lesquels il aurait été jugé que ce droit devait être reconnu dans la mesure où la participation à une fraude n’avait pas été prouvée, alors même que, dans les affaires ayant donné lieu à ces décisions, la qualité d’assujetti du fournisseur n’était pas établie.
21 Enfin, la juridiction de renvoi considère qu’il est nécessaire d’imposer à l’assujetti de prouver que les conditions matérielles du droit à déduction sont remplies non seulement lorsqu’il n’est pas établi que le fournisseur est un assujetti, mais également lorsque, bien qu’il soit certain que celui-ci a cette qualité, il n’est pas possible de l’identifier. Selon elle, s’il en était autrement, la condition matérielle du droit à déduction tenant à la qualité d’assujetti du fournisseur ne pourrait être établie avec certitude lorsque l’État membre a fait application de l’exception prévue à l’article 287 de la directive 2006/112. Une interprétation contraire ne serait pas conforme au principe de neutralité fiscale et à la jurisprudence de la Cour relative à la preuve de la réunion des conditions matérielles du droit à déduction incombant à l’assujetti, et ouvrirait la voie à d’importantes fraudes fiscales, alors que la lutte contre la fraude est un objectif reconnu par cette directive.
22 C’est dans ces conditions que le Nejvyšší správní soud (Cour administrative suprême) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :
« 1) Le fait de subordonner le droit à déduction de la [TVA] en amont à l’obligation pour l’assujetti de prouver que la prestation imposable qu’il a acquise a été fournie par un autre assujetti concret est-il conforme à la directive 2006/112[...] ?
2) En cas de réponse affirmative à la première question et si l’assujetti ne s’acquitte pas de la charge de la preuve précitée, le droit à la déduction de la taxe en amont peut-il être refusé sans qu’il ait été prouvé que cet assujetti savait, ou pouvait savoir, qu’en acquérant des biens ou des services il participait à une fraude fiscale ? »
Sur les questions préjudicielles
23 Par ses deux questions, qu’il convient d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi demande, en substance, si la directive 2006/112 doit être interprétée en ce sens que l’exercice du droit à déduction de la TVA acquittée en amont doit être refusé, sans que l’administration fiscale ait à prouver que l’assujetti a commis une fraude à la TVA ou qu’il savait, ou aurait dû savoir, que l’opération invoquée pour fonder le droit à déduction était impliquée dans une telle fraude, lorsque, le véritable fournisseur des biens ou des services concernés n’ayant pas été identifié, cet assujetti n’apporte pas la preuve que ce fournisseur avait la qualité d’assujetti.
24 Il convient de rappeler que le droit à déduction de la TVA est subordonné au respect de conditions tant matérielles que formelles. S’agissant des conditions matérielles, il ressort de l’article 168, sous a), de la directive 2006/112 que, pour pouvoir bénéficier dudit droit, il faut, d’une part, que l’intéressé soit un « assujetti », au sens de cette directive. D’autre part, il faut que, en amont, les biens ou les services invoqués pour fonder le droit à déduction soient livrés ou fournis par un autre assujetti et que, en aval, ces biens ou ces services soient utilisés par l’assujetti pour les besoins de ses propres opérations taxées. Quant aux modalités d’exercice du droit à déduction de la TVA, qui s’assimilent à des conditions de nature formelle, l’article 178, sous a), de ladite directive prévoit que l’assujetti doit détenir une facture établie conformément aux articles 220 à 236 et aux articles 238 à 240 de celle-ci (arrêt du 11 novembre 2021, Ferimet, C‑281/20, EU:C:2021:910, point 26 et jurisprudence citée).
25 Il en découle que l’indication du fournisseur, sur la facture afférente aux biens ou aux services au titre desquels le droit à déduction de la TVA est exercé, constitue une condition formelle d’exercice de ce droit. En revanche, la qualité d’assujetti du fournisseur des biens ou des services relève, comme la juridiction de renvoi ainsi que les gouvernements tchèque, espagnol et hongrois le font observer, des conditions matérielles de celui-ci (voir, en ce sens, arrêt du 11 novembre 2021, Ferimet, C‑281/20, EU:C:2021:910, point 27).
26 Quant aux conséquences qui découlent du fait que le véritable fournisseur des biens ou des services concernés n’a pas été identifié, il y a lieu de rappeler que le régime des déductions vise à soulager entièrement l’entrepreneur du poids de la TVA due ou acquittée dans le cadre de toutes ses activités économiques. Le système commun de la TVA garantit, par conséquent, la neutralité quant à la charge fiscale de toutes les activités économiques, quels que soient les buts ou les résultats de ces activités, à condition que lesdites activités soient, en principe, elles-mêmes soumises à la TVA (voir, en ce sens, arrêt du 11 novembre 2021, Ferimet, C‑281/20, EU:C:2021:910, point 30 et jurisprudence citée).
27 Selon une jurisprudence constante de la Cour, le droit des assujettis de déduire de la TVA dont ils sont redevables la TVA due ou acquittée pour les biens acquis et les services reçus par eux en amont constitue un principe fondamental du système commun de la TVA. Ainsi que la Cour l’a itérativement jugé, le droit à déduction prévu aux articles 167 et suivants de la directive 2006/112 fait partie intégrante du mécanisme de la TVA et ne peut, en principe, être limité dès lors que les exigences ou les conditions tant matérielles que formelles auxquelles ce droit est subordonné sont respectées par les assujettis souhaitant l’exercer (arrêt du 11 novembre 2021, Ferimet, C‑281/20, EU:C:2021:910, point 31 et jurisprudence citée).
28 Si, conformément à l’article 273, premier alinéa, de la directive 2006/112, les États membres peuvent prévoir d’autres obligations que celles prévues par cette directive lorsqu’ils jugent ces obligations nécessaires pour assurer l’exacte perception de la TVA et pour éviter la fraude, les mesures adoptées par les États membres ne doivent cependant pas aller au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre de tels objectifs. Elles ne peuvent dès lors être utilisées de manière telle qu’elles remettraient systématiquement en cause le droit à déduction de la TVA et, partant, la neutralité de la TVA (arrêt du 11 novembre 2021, Ferimet, C‑281/20, EU:C:2021:910, point 32 et jurisprudence citée).
29 Ainsi, la Cour a jugé que le principe fondamental de neutralité de la TVA exige que la déduction de cette taxe acquittée en amont soit accordée si les conditions matérielles sont satisfaites, même si certaines conditions formelles ont été omises par les assujettis (arrêt du 11 novembre 2021, Ferimet, C‑281/20, EU:C:2021:910, point 33 et jurisprudence citée).
30 En conséquence, dès lors que l’administration fiscale dispose des données nécessaires pour établir que les conditions matérielles sont satisfaites, elle ne saurait imposer, en ce qui concerne le droit de l’assujetti de déduire ladite taxe, des conditions supplémentaires pouvant avoir pour effet de réduire à néant l’exercice de ce droit (arrêt du 11 novembre 2021, Ferimet, C‑281/20, EU:C:2021:910, point 34 et jurisprudence citée).
31 Il peut cependant en aller autrement si la violation des exigences formelles a pour effet d’empêcher d’apporter la preuve certaine que les exigences de fond ont été satisfaites (arrêt du 11 novembre 2021, Ferimet, C‑281/20, EU:C:2021:910, point 36 et jurisprudence citée).
32 Or, tel peut être le cas lorsque l’identité du véritable fournisseur n’est pas mentionnée sur la facture afférente aux biens ou aux services au titre desquels le droit à déduction est exercé, si cela empêche d’identifier ce fournisseur et, partant, d’établir qu’il avait la qualité d’assujetti, dès lors que, ainsi qu’il a été rappelé au point 25 du présent arrêt, cette qualité constitue l’une des conditions matérielles du droit à déduction de la TVA (arrêt du 11 novembre 2021, Ferimet, C‑281/20, EU:C:2021:910, point 37).
33 Dans ce contexte, il convient de souligner que, d’une part, l’administration fiscale ne saurait se limiter à l’examen de la facture elle-même. Elle doit également tenir compte des informations complémentaires fournies par l’assujetti. D’autre part, c’est à l’assujetti qui demande la déduction de la TVA qu’il incombe d’établir qu’il répond aux conditions prévues pour en bénéficier. Les autorités fiscales peuvent donc exiger de l’assujetti lui-même les preuves qu’elles jugent nécessaires pour apprécier s’il y a lieu ou non d’accorder la déduction demandée (arrêt du 11 novembre 2021, Ferimet, C‑281/20, EU:C:2021:910, point 38 et jurisprudence citée).
34 Il en résulte que c’est à l’assujetti exerçant le droit à déduction de la TVA qu’il appartient, en principe, d’établir que le fournisseur des biens ou des services au titre desquels ce droit est exercé avait la qualité d’assujetti. Ainsi, l’assujetti est tenu de fournir des preuves objectives que des biens ou des services lui ont effectivement été livrés ou fournis en amont par des assujettis, pour les besoins de ses propres opérations soumises à la TVA et à l’égard desquels il s’est effectivement acquitté de la TVA. Ces preuves peuvent comprendre, notamment, des pièces se trouvant en la possession de fournisseurs ou de prestataires auprès desquels l’assujetti a acquis des biens ou des services pour lesquels il a acquitté la TVA (arrêt du 11 novembre 2021, Ferimet, C‑281/20, EU:C:2021:910, point 39 et jurisprudence citée).
35 Toutefois, s’agissant de la lutte contre la fraude à la TVA, l’administration fiscale ne peut exiger de manière générale de l’assujetti souhaitant exercer le droit à déduction de la TVA de vérifier, notamment, que le fournisseur des biens ou des services au titre desquels ledit droit est exercé dispose de la qualité d’assujetti (arrêt du 11 novembre 2021, Ferimet, C‑281/20, EU:C:2021:910, point 40 et jurisprudence citée).
36 Pour ce qui est de la charge de la preuve quant à la question de savoir si le fournisseur a la qualité d’assujetti, il convient de distinguer entre, d’une part, l’établissement d’une condition matérielle du droit à déduction de la TVA et, d’autre part, la détermination de l’existence d’une fraude à la TVA (arrêt du 11 novembre 2021, Ferimet, C‑281/20, EU:C:2021:910, point 41).
37 Ainsi, si, dans le cadre de la lutte contre la fraude à la TVA, il ne peut être exigé de manière générale de l’assujetti souhaitant exercer son droit à déduction de la TVA qu’il vérifie que le fournisseur des biens ou des services concernés dispose de la qualité d’assujetti, il en est autrement lorsque l’établissement de cette qualité est nécessaire pour vérifier que cette condition matérielle du droit à déduction est satisfaite (arrêt du 11 novembre 2021, Ferimet, C‑281/20, EU:C:2021:910, point 42).
38 Dans cette dernière hypothèse, il appartient à l’assujetti d’établir, sur la base de preuves objectives, que le fournisseur a la qualité d’assujetti, à moins que l’administration fiscale ne dispose des données nécessaires pour vérifier que cette condition matérielle du droit à déduction de la TVA est satisfaite. À cet égard, il convient de rappeler qu’il résulte du libellé de l’article 9, paragraphe 1, de la directive 2006/112 que la notion d’« assujetti » est définie de manière large, en se fondant sur des circonstances factuelles, de telle sorte que la qualité d’assujetti du fournisseur peut ressortir des circonstances de l’espèce (arrêt du 11 novembre 2021, Ferimet, C‑281/20, EU:C:2021:910, point 43).
39 Il en est notamment ainsi, alors même que l’État membre a fait usage de la faculté offerte à l’article 287 de la directive 2006/112 d’octroyer une franchise de taxe aux assujettis dont le chiffre d’affaires annuel ne dépasse pas un certain montant, lorsqu’il peut être déduit avec certitude des circonstances factuelles, telles que le volume et le prix des biens ou des services acquis, que le chiffre d’affaires annuel du fournisseur dépasse ce montant, de telle sorte que ce fournisseur ne saurait bénéficier de la franchise prévue à cet article, et que ledit fournisseur a nécessairement la qualité d’assujetti.
40 Refuser à un assujetti l’exercice du droit à déduction de la TVA au motif que le véritable fournisseur des biens ou des services concernés n’a pas été identifié et que cet assujetti n’a pas prouvé que ce fournisseur avait la qualité d’assujetti, alors qu’il résulte de façon certaine des circonstances factuelles que ledit fournisseur avait nécessairement cette qualité, serait, en effet, contraire au principe de neutralité fiscale ainsi qu’à la jurisprudence rappelée aux points 26 à 30 du présent arrêt. Par conséquent, contrairement à ce que relève la juridiction de renvoi, il ne saurait être exigé de l’assujetti, dans tous les cas, qu’il prouve, lorsque le véritable fournisseur des biens ou des services concernés n’a pas été identifié, que ce fournisseur a la qualité d’assujetti pour pouvoir exercer ce droit.
41 Il s’ensuit que, lorsque le véritable fournisseur des biens ou des services concernés n’a pas été identifié, l’exercice du droit à déduction de la TVA doit être refusé à l’assujetti si, compte tenu des circonstances factuelles et malgré les éléments fournis par cet assujetti, les données nécessaires pour vérifier que ce fournisseur avait la qualité d’assujetti font défaut (voir, en ce sens, arrêt du 11 novembre 2021, Ferimet, C‑281/20, EU:C:2021:910, point 44).
42 Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de répondre aux questions posées que la directive 2006/112 doit être interprétée en ce sens que l’exercice du droit à déduction de la TVA acquittée en amont doit être refusé, sans que l’administration fiscale ait à prouver que l’assujetti a commis une fraude à la TVA ou qu’il savait, ou aurait dû savoir, que l’opération invoquée pour fonder le droit à déduction était impliquée dans une telle fraude, lorsque, le véritable fournisseur des biens ou des services concernés n’ayant pas été identifié, cet assujetti n’apporte pas la preuve que ce fournisseur avait la qualité d’assujetti, si, compte tenu des circonstances factuelles et des éléments fournis par ledit assujetti, les données nécessaires pour vérifier que le véritable fournisseur avait cette qualité font défaut.
Sur les dépens
43 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.
Par ces motifs, la Cour (dixième chambre) dit pour droit :
La directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée, doit être interprétée en ce sens que l’exercice du droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) acquittée en amont doit être refusé, sans que l’administration fiscale ait à prouver que l’assujetti a commis une fraude à la TVA ou qu’il savait, ou aurait dû savoir, que l’opération invoquée pour fonder le droit à déduction était impliquée dans une telle fraude, lorsque, le véritable fournisseur des biens ou des services concernés n’ayant pas été identifié, cet assujetti n’apporte pas la preuve que ce fournisseur avait la qualité d’assujetti, si, compte tenu des circonstances factuelles et des éléments fournis par ledit assujetti, les données nécessaires pour vérifier que le véritable fournisseur avait cette qualité font défaut.
Signatures
* Langue de procédure : le tchèque.
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