Commission v UG (Judgment) French Text [2021] EUECJ C-249/20P (25 November 2021)


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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions)


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URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2021/C24920P.html
Cite as: EU:C:2021:964, [2021] EUECJ C-249/20P, ECLI:EU:C:2021:964

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ARRÊT DE LA COUR (dixième chambre)

25 novembre 2021 (*)

« Pourvoi – Fonction publique – Agent contractuel – Contrat à durée indéterminée – Résiliation – Motifs de licenciement – Dénaturation – Préjudice moral – Recevabilité – Omission de statuer sur un chef de conclusions »

Dans l’affaire C‑249/20 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 9 juin 2020,

Commission européenne, représentée par M. B. Mongin et Mme L. Radu Bouyon, en qualité d’agents,

partie requérante,

l’autre partie à la procédure étant :

UG, représentée initialement par Mes M. Richard et P. Junqueira de Oliveira, puis par Me M. Richard, avocats,

partie demanderesse en première instance,

LA COUR (dixième chambre),

composée de M. C. Lycourgos (rapporteur), président de la quatrième chambre, faisant fonction de président de la dixième chambre, MM. I. Jarukaitis et M. Ilešič, juges,

avocat général : Mme J. Kokott,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

vu la décision prise, l’avocate générale entendue, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1        Par son pourvoi, la Commission européenne demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 2 avril 2020, UG/Commission (T‑571/17, non publié, ci-après l’« arrêt attaqué », EU:T:2020:141), par lequel le Tribunal a annulé la décision de la Commission, du 17 octobre 2016, de mettre fin au contrat de travail à durée indéterminée de UG (ci-après la « décision litigieuse »).

2        Par un pourvoi incident, UG demande l’annulation partielle de l’arrêt attaqué, en ce qu’il a omis de statuer sur son dommage moral lié à son licenciement abusif.

 Les antécédents du litige

3        Les antécédents du litige sont résumés aux points 1 à 19 de l’arrêt attaqué de la manière suivante :

« 1      La requérante, UG, a été engagée au service de la Commission européenne en qualité d’agent contractuel relevant de l’article 3 bis du régime applicable aux autres agents de l’Union européenne (ci-après le “RAA”), pour une durée déterminée, du 1er avril 2007 au 31 mars 2009. Classée dans le groupe de fonctions II, grade 5, elle a été affectée à l’Office “Infrastructures et logistique à Luxembourg” (OIL) de la Commission, au sein du centre polyvalent de l’enfance (ci-après le “CPE”), en tant qu’éducatrice. Après un premier renouvellement, pour une durée d’un an, le contrat de la requérante a été prolongé pour une durée indéterminée à compter du 1er avril 2010.

2      Du 16 novembre 2011 au 1er avril 2014, la requérante a été exemptée à 50 % de l’exercice de ses fonctions au sein du CPE afin d’assurer sa fonction de secrétaire politique auprès du regroupement syndical “Alliance Solidarité européenne”.

3      Le rapport d’évaluation de la requérante pour l’année 2013 a conclu au caractère satisfaisant des performances de cette dernière pour la période en question. De la même façon, le rapport d’évaluation de la requérante a conclu au caractère satisfaisant de ses performances pour l’année 2014.

4      La requérante a été élue membre du comité local du personnel à partir du 19 mai 2015 et désignée pour siéger au comité central du personnel.

5      Le rapport d’évaluation de la requérante pour l’année 2015 a conclu au caractère insatisfaisant des performances de cette dernière pour la période en question. La requérante a introduit un appel à l’encontre dudit rapport le 2 mai 2016 devant l’évaluateur d’appel, conformément à l’article 7 de la décision C(2013) 8985, du 16 décembre 2013, relative aux dispositions générales d’exécution de l’article 43 du statut [des fonctionnaires de l’Union européenne] et aux modalités d’application de l’article 44, premier alinéa, [de ce même] statut, applicable par analogie aux agents contractuels de l’Union visés par l’article 3 bis du RAA, en vertu de l’article 87 du RAA.

6      Le 15 juillet 2016, la requérante a été placée en congé parental pour une durée de quatre mois allant jusqu’au 14 novembre 2016 inclus.

7      Le 20 juillet 2016, l’évaluateur d’appel a confirmé la conclusion du rapport d’évaluation de la requérante pour l’année 2015.

8      Par courrier daté du 8 septembre 2016, le chef de l’unité “Sélection, recrutement & fin de service” de la direction générale (DG) des ressources humaines et de la sécurité de la Commission, agissant en qualité d’autorité habilitée à conclure des contrats (ci-après l’“AHCC”), a informé la requérante de son intention de mettre fin à son contrat d’engagement (ci-après la “lettre du 8 septembre 2016”).

9      Dans cette lettre, l’AHCC indiquait qu’un certain nombre de problèmes relatifs à la conduite de la requérante dans le service, notamment le respect des règles concernant la notification et la justification de ses absences, et à son attitude au travail, notamment son implication dans les groupes de travail et la réalisation de certaines tâches, avaient été constatés dans ses rapports d’évaluation depuis 2014. L’AHCC indiquait également que le rapport d’évaluation de la requérante pour 2015 avait conclu au caractère non satisfaisant de sa performance et que des objectifs avaient été fixés à la requérante dans ledit rapport pour regagner la confiance des membres de son service. L’AHCC indiquait encore que, bien que la requérante ait eu connaissance des objectifs en question le 5 avril 2016, il n’y avait pas eu, depuis cette date, de signe d’amélioration de sa performance, la requérante n’ayant pas rempli lesdits objectifs, et que les problèmes soulignés dans les rapports d’évaluation de 2014 et de 2015 avaient persisté.

10      L’AHCC précisait que cette situation avait eu et continuait d’avoir des conséquences négatives sur la continuité et la qualité du service fourni par le CPE à l’égard des enfants ainsi que des parents. L’AHCC informait la requérante de son intention de mettre fin à son contrat d’engagement sur la base des éléments décrits ci-dessus, ainsi que du fait que, si une telle décision devait être prise, il lui serait demandé d’accomplir une période de préavis de neuf mois, conformément à l’article 47 du RAA. La requérante était également invitée à communiquer ses éventuels commentaires dans un délai de huit jours ouvrables.

11      Le 19 septembre 2016, la requérante a introduit une demande de prolongation de son congé parental pour une période de six mois supplémentaires, jusqu’au 15 mai 2017, qui lui a été accordée par sa hiérarchie.

12      Par un courriel du 30 septembre 2016, la requérante a présenté ses commentaires sur la lettre du 8 septembre 2016.

13      Par courrier recommandé daté du 17 octobre 2016, l’AHCC a informé la requérante que, eu égard aux éléments contenus dans ses rapports d’évaluation, aux documents présentés par sa hiérarchie et aux commentaires de la requérante, elle considérait que la performance et la conduite de cette dernière ne correspondaient pas aux standards requis et aux besoins du service et qu’elle avait, en conséquence, pris la décision de mettre fin à son contrat, le délai de préavis commençant à courir le 1er novembre 2016.

14      Par courriel du 17 novembre 2016, l’équipe de management de la performance de la direction générale des ressources humaines et de la sécurité de la Commission a, d’une part, transmis à la requérante la [décision litigieuse] et, d’autre part, demandé à la requérante de bien vouloir confirmer la réception de cette décision par retour de courriel, dans la mesure où la requérante n’avait pas retiré le courrier recommandé du 17 octobre 2016 auprès de la poste.

15      Par courriel du 29 novembre 2016, M. C., agissant en qualité d’AHCC, a indiqué à la requérante qu’il avait signé la décision du 17 octobre 2016 de mettre fin à son contrat à durée indéterminée et que celle-ci lui avait été envoyée par courrier recommandé avec accusé de réception. Il indiquait également que cet envoi recommandé avait été notifié à la requérante le 20 octobre 2016 et que la poste avait informé les services de la Commission que la requérante n’avait pas réclamé ledit courrier dans le délai d’un mois dont elle bénéficiait. M. C. soulignait, en outre, que la requérante n’avait pas non plus accusé réception du courriel du 17 novembre 2016. En conséquence, M. C. précisait à la requérante qu’il considérait que le préavis de la fin de son contrat avait commencé à courir le 21 novembre 2016, à l’issue du délai d’un mois dont avait bénéficié la requérante pour réclamer à la poste le courrier recommandé qui lui avait été envoyé le 17 octobre 2016 et que le dernier jour du contrat de la requérante serait donc le 20 août 2017. M. C. demandait, en outre, à la requérante de bien vouloir accuser réception de ce courriel.

16      Le 2 décembre 2016, la requérante n’ayant pas accusé réception du courriel de M. C. du 29 novembre 2016, la cheffe du CPE, Mme X., a informé la requérante par courriel, en se référant à la [décision litigieuse], du fait que son contrat se terminait le 20 août 2017 et qu’elle pouvait par conséquent bénéficier d’un congé parental jusqu’à cette date.

17      Par courriel du 16 décembre 2016 adressé à Mme X., la requérante a exprimé son souhait de prolonger son congé parental jusqu’au 20 août 2017.

18      Le 19 janvier 2017, la requérante a introduit une réclamation auprès de l’AHCC, au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut, à l’encontre de la [décision litigieuse].

19      Par décision du 18 mai 2017 [...], le directeur de la direction générale des ressources humaines et de la sécurité de la Commission, agissant en sa qualité d’AHCC, a rejeté la réclamation. »

 La procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué

4        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 22 août 2017, UG a introduit un recours visant, notamment, d’une part, à l’annulation de la décision du 18 mai 2017 rejetant sa réclamation contre la décision litigieuse ainsi que de toutes les décisions qui en constituent le soutienet, d’autre part, à condamner la Commission au paiement des salaires qui lui sont dus depuis l’adoption de la décision prononçant son licenciement ainsi que de 40 000 euros assortis d’intérêts moratoires au titre de l’indemnisation de son préjudice moral.

5        UG a invoqué, en substance, sept moyens au soutien de sa demande d’annulation.

6        Par l’arrêt attaqué, le Tribunal a jugé que le quatrième moyen, pris de l’absence de motifs réels et sérieux de licenciement, était fondé et a, en conséquence, annulé la décision litigieuse, sans examiner les autres moyens. Il a également jugé que cette illégalité avait causé à UG un préjudice matériel, lié à la perte de rémunération subie du fait de la fin de son contrat de travail, et invité les parties à rechercher un accord fixant une compensation pécuniaire équitable.

7        Le Tribunal a jugé la demande d’indemnisation du préjudice moral irrecevable, au motif que UG n’avait pas respecté la procédure précontentieuse prévue à l’article 90 du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut »).

 Les conclusions des parties

 Les conclusions du pourvoi

8        Par son pourvoi, la Commission demande à la Cour :

–        d’annuler l’arrêt attaqué ;

–        de renvoyer l’affaire au Tribunal, et

–        de réserver les dépens en première instance et en pourvoi.

9        UG demande à la Cour :

–        de rejeter le pourvoi et

–        de condamner la Commission au remboursement de tous les frais et dépens, ainsi qu’au remboursement de ses frais d’avocat dans le cadre de la présente procédure, évalués provisoirement à 5 000 euros.

 Les conclusions du pourvoi incident

10      Par son pourvoi incident, UG demande à la Cour :

–        d’annuler partiellement l’arrêt attaqué en ce qu’il a omis de statuer sur son dommage moral causé par son licenciement abusif ;

–        de renvoyer l’affaire au Tribunal, et

–        de condamner la Commission au remboursement de tous les frais et dépens, ainsi qu’au remboursement des frais d’avocat, évalués provisoirement à 5 000 euros.

11      La Commission demande à la Cour :

–        de rejeter le pourvoi incident et

–        de condamner UG aux dépens.

 Sur le pourvoi

12      Au soutien de son pourvoi, la Commission invoque deux moyens, pris respectivement d’une dénaturation et d’une erreur de droit commises par le Tribunal.

 Sur la première branche du premier moyen

 Argumentation des parties

13      La Commission estime que le Tribunal a manifestement dénaturé la lettre du 8 septembre 2016 en déduisant de celle-ci que l’AHCC reprochait à UG de ne pas avoir atteint, dans un délai de trois mois, tous les objectifs qui lui avaient été assignés dans son rapport d’évaluation relatif à l’année 2015.

14      Il ressortirait clairement de cette lettre que l’AHCC ne s’attendait pas à ce que, en trois mois, UG atteigne tous les objectifs fixés dans ce rapport et restaure une relation de confiance avec ses collègues. L’AHCC aurait seulement considéré qu’il n’y avait pas eu de signe d’amélioration du comportement de UG. Elle aurait attendu de UG qu’elle prenne acte des reproches de sa hiérarchie, manifeste le signe qu’elle était prête à adopter l’attitude qui était attendue d’elle, et mette fin aux problèmes soulignés dans ladite lettre.

15      En outre, il résulterait du point 71 de l’arrêt attaqué que cette dénaturation a été l’un des motifs principaux de l’annulation de la décision litigieuse.

16      La Commission fait encore observer que UG aurait reconnu qu’elle n’avait pas besoin de trois mois pour communiquer le tableau d’actions éducatives, qui constituait un des objectifs mentionnés dans son rapport d’évaluation relatif à l’année 2015. Or, un tel tableau n’aurait jamais été communiqué, UG ayant justifié ce défaut de communication non par un manque de temps, mais par la prétendue inutilité du document. Dès lors, il ne serait nullement établi que le délai de trois mois aurait rendu impossible la perception de signes d’amélioration dans le chef de UG. En outre, le Tribunal n’aurait pas établi qu’un tel objectif devrait s’inscrire, par nature, dans la durée.

17      UG répond que la Commission demande à la Cour de revenir sur des appréciations factuelles souveraines du Tribunal.

18      En effet, le Tribunal aurait relevé que la Commission ne pouvait pas sérieusement invoquer les objectifs fixés dans le rapport d’évaluation relatif à l’année 2015, dès lors que la période d’évaluation à cet égard s’étendait, tout au plus, du 15 avril 2016 au 14 juillet 2016.

19      Pour le surplus, UG souligne qu’elle a toujours contesté intégralement les manquements que la Commission continue d’évoquer dans son pourvoi.

 Appréciation de la Cour

20      En premier lieu, il ressort de l’article 256, paragraphe 1, TFUE et de l’article 58, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne que le Tribunal est seul compétent, d’une part, pour constater les faits, sauf dans le cas où l’inexactitude matérielle de ses constatations résulterait des pièces du dossier qui lui ont été soumises, et, d’autre part, pour apprécier ces faits. Cette appréciation ne constitue pas, sous réserve du cas de la dénaturation des éléments de preuve produits devant le Tribunal, une question de droit soumise, comme telle, au contrôle de la Cour (arrêt du 4 février 2020, Uniwersytet Wrocławski et Pologne/REA, C‑515/17 P et C‑561/17 P, EU:C:2020:73, point 47). Une telle dénaturation doit ressortir de façon manifeste des pièces du dossier, sans qu’il soit nécessaire de procéder à une nouvelle appréciation des faits et des preuves (arrêt du 2 mars 2021, Commission/Italie e.a., C‑425/19 P, EU:C:2021:154, point 52 ainsi que jurisprudence citée).

21      En l’espèce, ainsi qu’il a été relevé au point 62 de l’arrêt attaqué, le rapport d’évaluation de UG relatif à l’année 2015 fixait les trois objectifs suivants pour l’année 2016. Premièrement, un plan/tableau d’actions éducatives devait être établi. Deuxièmement, un plus grand investissement de UG était attendu « dans la réalisation des tâches des différents groupes de travail comme personne de contact et/ou suppléant par la compilation et la diffusion de 3 journaux du CPE, la tenue d’un tableau mensuel répertoriant les commentaires/problèmes rencontrés (factuel et précis), des propositions/planning pour des activités physiques pendant les vacances scolaires et l’établissement d’un rapport annuel du groupe de travail “Sport” ». Troisièmement, le congé parental de UG devait être planifié bien à l’avance afin de faciliter l’organisation de son remplacement et d’assurer une rentrée 2016/2017 correcte au mois de septembre.

22      Au point 49 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a relevé que les motifs de la décision de mettre fin au contrat de UG avaient été communiqués à cette dernière dans la lettre du 8 septembre 2016.

23      Au point 64 de cet arrêt, le Tribunal a notamment considéré que l’appréciation, dans cette lettre, de la capacité de UG à remplir les objectifs qui lui avaient été fixés pour l’année 2016 avait porté sur une période de trois mois au plus.

24      Au point 70 dudit arrêt, le Tribunal a relevé que les tâches demandées à UG afin de remplir ces objectifs s’inscrivaient nécessairement dans une certaine durée, en soulignant, plus particulièrement, qu’il en allait ainsi, notamment, de la compilation et de la diffusion de trois journaux du CPE et de l’établissement du rapport annuel d’un groupe de travail, tel que le groupe de travail « Sport ».

25      Au point 71 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a jugé que, en considérant que UG aurait dû remplir les objectifs qui étaient conçus et décrits comme des objectifs s’inscrivant dans une certaine durée dans une période de seulement trois mois, la décision de l’AHCC était entachée d’erreur. Un tel constat confirme l’affirmation figurant au point 64 de cet arrêt selon laquelle une telle période de trois mois est trop courte pour permettre à UG de remplir de tels objectifs.

26      Il découle ainsi des points 64, 70 et 71 de l’arrêt attaqué que le Tribunal a jugé que, dans la lettre du 8 septembre 2016, l’AHCC avait reproché à UG de ne pas avoir rempli, dans un délai de trois mois, les objectifs qui lui avaient été assignés dans son rapport d’évaluation relatif à l’année 2015.

27      Or, ce faisant, le Tribunal a manifestement dénaturé le contenu de cette lettre.

28      En effet, il ressort explicitement de la lettre du 8 septembre 2016 que, dans son appréciation générale de la façon dont UG avait pris en compte ces objectifs, l’AHCC s’est limitée à constater qu’il n’y avait pas eu de signe d’amélioration de la performance de UG à cet égard (« there has been no sign of improvement in your performance »), sans préciser, contrairement à ce qui est affirmé au point 52 de l’arrêt attaqué, que UG n’avait pas atteint ces objectifs.

29      En outre, il ressort des développements de cette lettre explicitant une telle appréciation générale que, si l’AHCC a bien reproché à UG de ne pas avoir rempli intégralement le premier objectif qui lui avait été assigné dans son rapport d’évaluation relatif à l’année 2015, à savoir l’établissement d’un tableau d’actions éducatives, il n’en va pas de même des deux autres objectifs.

30      En effet, s’agissant du deuxième objectif visé dans ce rapport, et consistant en un plus grand investissement de UG dans la réalisation des tâches des différents groupes de travail comme personne de contact et/ou suppléant, il convient de rappeler que, comme il a été relevé au point 21 du présent arrêt, un tel objectif devait être réalisé au moyen de quatre actions spécifiques.

31      La première de ces actions concernait la « compilation et diffusion de trois journaux du CPE ». Or, dans la lettre du 8 septembre 2016, il est uniquement reproché à UG d’avoir envoyé, le 18 juillet 2016, un numéro du CPE intitulé « Noël 2015 », que sa hiérarchie a considéré comme n’étant plus pertinent. Le grief formulé dans cette lettre n’est donc pas de n’avoir envoyé qu’un seul numéro du CPE, sur les trois prévus dans le cadre de son deuxième objectif à réaliser, mais d’avoir envoyé, au mois de juillet 2016, un numéro du journal du CPE relatif au mois de décembre 2015.

32      Les troisième et quatrième actions spécifiques visées dans ce rapport portaient, respectivement, sur des « propositions/planning pour des activités physiques pendant les vacances scolaires » et sur « l’établissement d’un rapport annuel du groupe “Sport” ». Or, il ressort manifestement de la lettre du 8 septembre 2016 que l’AHCC reprochait uniquement à UG de ne pas avoir pris d’initiative afin d’être activement impliquée dans le groupe de travail « Sport ». Une telle lettre ne saurait dès lors être interprétée comme faisant spécifiquement grief à UG de ne pas avoir proposé, dans un délai de trois mois, des activités physiques pendant les vacances scolaires ou de ne pas avoir établi le rapport annuel de ce groupe de travail.

33      Il découle de ce qui précède que, dans la lettre du 8 septembre 2016, l’AHCC n’a pas reproché à UG de ne pas avoir accompli intégralement, en trois mois, le deuxième objectif arrêté par son rapport d’évaluation relatif à l’année 2015.

34      Quant au troisième objectif assigné à UG dans son rapport d’évaluation relatif à l’année 2015, à savoir la planification de son congé parental bien à l’avance afin de faciliter son remplacement et la bonne organisation de la rentrée scolaire 2016/2017, il ressort manifestement de la lettre du 8 septembre 2016 que la critique émise par l’AHCC à l’égard du congé parental de UG ne porte pas sur un manque de planification bien à l’avance d’un tel congé, mais sur les dates retenues pour celui-ci. En effet, l’AHCC a reproché à UG de ne pas avoir tenu compte du fait que son chef d’unité lui avait signifié, en février et en mars 2016, qu’un congé durant le mois de septembre n’était pas désirable et uniquement envisageable pour deux ou trois mois.

35      Par un tel grief, l’AHCC n’a donc pas reproché à UG de ne pas avoir rempli le troisième objectif qui lui avait été assigné dans son rapport d’évaluation relatif à l’année 2015.

36      Il ressort ainsi manifestement de la lettre du 8 septembre 2016 que l’AHCC n’a, ni de manière générale ni de manière spécifique, reproché à UG ne pas avoir rempli, en trois mois, l’intégralité des objectifs qui lui avaient été fixés dans son rapport d’évaluation relatif à l’année 2015.

37      En deuxième lieu, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, l’obligation de motivation qui incombe au Tribunal lui impose de faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement qu’il a suivi, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la décision prise et à la Cour d’exercer son contrôle juridictionnel (arrêt du 4 mars 2021, Liaño Reig/CRU, C‑947/19 P, EU:C:2021:172, point 26 et jurisprudence citée). En outre, s’il est vrai que la motivation du Tribunal peut être implicite, celle-ci doit néanmoins permettre aux intéressés de connaître les raisons pour lesquelles le Tribunal n’a pas fait droit à leurs arguments et à la Cour de disposer des éléments suffisants pour exercer son contrôle (arrêt du 18 juin 2020, Primart/EUIPO, C‑702/18 P, EU:C:2020:489, point 61 et jurisprudence citée).

38      En l’espèce, il ressort des points 70 et 71 de l’arrêt attaqué que le Tribunal a considéré que les tâches demandées à UG avaient été conçues et décrites comme s’inscrivant dans une certaine durée. Pour autant, ainsi que le soutient, en substance, la Commission, le Tribunal n’a pas exposé le motif pour lequel il a estimé qu’il n’était pas raisonnable d’exiger de la part de UG qu’elle établisse un tableau d’actions éducatives dans un délai de trois mois. Il convient, à cet égard, de relever que l’AHCC avait souligné, dans la lettre du 8 septembre 2016, que UG disposait d’un nombre important d’heures flexibles au cours desquelles il lui aurait été loisible d’établir un tel tableau et que la Commission avait expressément fait valoir, dans son mémoire en défense, que l’argument avancé par UG, afin de justifier le défaut d’établissement de ce tableau, était non pas un manque de temps, mais uniquement l’inutilité d’une telle démarche.

39      Dans de telles conditions, il convient de constater que le Tribunal a méconnu son obligation de motivation, les motifs de l’arrêt attaqué ne permettant pas de comprendre, fût-ce implicitement, la raison pour laquelle celui-ci a estimé que le délai de trois mois, concédé à UG pour établir le tableau d’actions éducatives, était trop bref.

40      En troisième lieu, il convient de relever que l’appréciation du Tribunal selon laquelle il était déraisonnable d’exiger de UG qu’elle remplisse les objectifs qui lui avaient été assignés dans un délai de trois mois a directement influencé le constat, contenu au point 77 de l’arrêt attaqué, en vertu duquel l’AHCC a commis une erreur manifeste d’appréciation en mettant fin au contrat de travail de UG.

41      En effet, le Tribunal a jugé, à ce point 77, que l’erreur manifeste d’appréciation de l’AHCC était constituée par le cumul de deux erreurs commises par cette dernière, à savoir, d’une part, le fait que « contrairement à ce qu’affirme l’AHCC dans la [décision litigieuse], les rapports d’évaluation pour les années 2014 et 2015 ne contenaient aucune référence précise à une absence non justifiée de la requérante ces années » et, d’autre part, « le fait que [UG] n’a pas été mise en mesure de reconstruire la relation de confiance avec le service et de remplir ses objectifs pour 2016 ».

42      À ce dernier égard, il convient de préciser qu’il découle du point 64 de l’arrêt attaqué que l’appréciation du Tribunal selon laquelle UG n’avait pas été mise en mesure de reconstruire la relation de confiance avec son service dans un délai aussi court qu’un délai de trois mois est étroitement liée à son appréciation selon laquelle un tel délai était trop bref pour remplir les objectifs assignés à UG par son rapport d’évaluation relatif à l’année 2015.

43      Par conséquent, c’est en procédant à une dénaturation manifeste de la lettre du 8 septembre 2016 et à une appréciation dépourvue de motivation que le Tribunal a conclu à l’existence d’une erreur manifeste d’appréciation de l’AHCC devant entraîner l’annulation de la décision mettant fin au contrat de travail de UG.

44      Il s’ensuit que la première branche du moyen doit être accueillie et que l’arrêt attaqué doit être annulé en ce que, par celui-ci, le Tribunal a annulé la décision litigieuse.

45      En outre, dès lors que le Tribunal a jugé que le préjudice matériel subi par UG avait été causé par la supposée erreur manifeste d’appréciation de l’AHCC ayant abouti à l’annulation de la décision litigieuse, il convient également d’annuler l’arrêt attaqué en ce que, par celui-ci, le Tribunal a constaté que la Commission avait commis une illégalité susceptible d’engager sa responsabilité non contractuelle et invité les parties à rechercher un accord fixant une compensation pécuniaire équitable d’un tel préjudice matériel.

 Sur la deuxième branche du premier moyen et sur le second moyen

46      Par la deuxième branche de son premier moyen, la Commission soutient que le Tribunal a dénaturé la lettre du 8 septembre 2016 en omettant de prendre en compte l’ensemble des insuffisances professionnelles ayant amené l’AHCC à mettre un terme au contrat de travail de UG. Par son second moyen, la Commission fait valoir que le Tribunal a commis une erreur de droit en qualifiant l’erreur commise par l’AHCC d’« erreur manifeste d’appréciation ».

47      L’examen de la deuxième branche du premier moyen et du second moyen ne pouvant aboutir à une annulation plus étendue de l’arrêt attaquée que celle découlant de l’accueil de la première branche du premier moyen, il n’y a pas lieu de les examiner.

 Sur le pourvoi incident

 Argumentation des parties

48      Par son pourvoi incident, UG estime que c’est à tort que le Tribunal a refusé de se prononcer sur le dommage moral lié à son licenciement, manifestement motivé par l’exercice de ses responsabilités syndicales et la prise d’un congé parental.

49      À cet égard, elle considère que, au point 93 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a considéré erronément que, dans ses conclusions indemnitaires, UG avait fait valoir que son préjudice moral résultait non pas de la décision de licenciement, mais de traitements dégradants et discriminatoires dont elle aurait fait l’objet, en raison de ses activités syndicales et de son congé parental.

50      Il ressortirait en effet du contexte global de sa requête en première instance que UG demandait l’indemnisation d’un préjudice moral en lien avec son licenciement abusif, comme l’avait du reste bien compris la Commission. Aussi, dans le doute, le Tribunal aurait dû interroger UG sur ses intentions réelles, ce qui n’aurait pas été fait.

51      L’évocation des traitements dégradants et discriminatoires aurait eu pour seul objectif de mettre en évidence que les raisons réelles du licenciement étaient vraisemblablement liées à son congé parental et à l’exercice de ses responsabilités syndicales, comme cela résulterait de la requête en première instance.

52      La Commission répond que le Tribunal n’a pas examiné le moyen tiré d’un détournement de pouvoir en ce que la décision litigieuse aurait été motivée par le fait que cette dernière avait pris un congé parental et qu’elle exerçait des activités syndicales. Par ailleurs, le Tribunal aurait précisé, dans la partie de son arrêt relative à la réparation du préjudice matériel, qu’il ressort du dossier que la seule raison pour laquelle le contrat d’engagement de UG avait été résilié résidait dans l’appréciation de sa conduite dans le service et de son attitude au travail. Le Tribunal ne se serait donc pas prononcé sur le grief tiré d’une éventuelle discrimination liée à l’appartenance syndicale ou au fait qu’elle aurait pris un congé parental.

53      Or, l’éventuel préjudice moral lié à une discrimination ne pourrait pas être réparé si la discrimination elle-même n’a pas été constatée. En tout état de cause, cette discrimination ne serait pas établie.

54      Le Tribunal n’aurait pu réparer le préjudice moral résultant d’une discrimination que s’il avait pu établir que celle-ci était détachable de la décision litigieuse. Or, il aurait relevé que la réparation d’un préjudice moral qui n’est pas étroitement lié à cette décision suppose l’introduction d’un recours administratif qui, en l’espèce, aurait fait défaut.

 Appréciation de la Cour

55      Au point 93 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a estimé que, au soutien de ses conclusions indemnitaires, UG ne faisait pas valoir que le préjudice moral qu’elle alléguait résultait de la décision litigieuse dont elle demandait l’annulation, mais de traitements dégradants et discriminatoires dont elle aurait fait l’objet de la part de l’OIL, relatifs à ses activités syndicales ainsi qu’à son congé parental.

56      Aux points 94 à 96 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a jugé qu’un tel chef de conclusions devait être considéré comme irrecevable, au motif que, avant de saisir le Tribunal, UG n’avait pas contesté de tels comportements dégradants ou discriminatoires dans le cadre de la procédure précontentieuse prévue par le statut.

57      Or, dans la partie de sa requête en première instance consacrée à son prétendu dommage moral, UG a fait valoir qu’il convenait « de condamner la Commission à indemniser la requérante pour le préjudice moral considérable accru des traitements dégradants et discriminatoires [qui] lui [ont été] infligés en raison de son activité syndicale et de la prise de congé parental ».

58      Il ressort ainsi expressément d’une telle demande que UG considérait que son préjudice moral était uniquement « accru » par les traitements dégradants et discriminatoires dont elle aurait fait l’objet, ou, en d’autres termes, qu’un tel préjudice avait été augmenté par de tels traitements.

59      Ce constat est conforté par le point 1 de la requête de UG devant le Tribunal dans lequel elle expose que son recours vise notamment « la réparation du préjudice [...] résultant du caractère abusif de son licenciement ».

60      Partant, le Tribunal a appréhendé de manière incorrecte ce chef de conclusions en considérant qu’il visait à réparer le préjudice moral causé, et non simplement augmenté, par ces traitements dégradants et discriminatoires et ne concernait donc pas la réparation du préjudice moral que UG prétendait avoir subi en raison de son licenciement.

61      Il s’ensuit que le Tribunal a commis une erreur de droit en omettant de statuer sur l’un des chefs de conclusions de UG.

62      Eu égard à ce qui précède, il y a lieu d’accueillir le pourvoi incident et d’annuler l’arrêt attaqué en ce que, par celui-ci, le Tribunal a rejeté comme irrecevable le chef de conclusions de UG relatif à son préjudice moral.

 Sur le recours devant le Tribunal

63      Conformément à l’article 61, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, la Cour, en cas d’annulation de la décision du Tribunal, peut soit statuer elle-même définitivement sur le litige, lorsque celui-ci est en état d’être jugé, soit renvoyer l’affaire au Tribunal pour qu’il statue.

64      En l’occurrence, la Cour considère qu’elle n’est pas en mesure de statuer définitivement sur le litige.

65      En effet, l’examen du chef de conclusions visant à obtenir l’annulation de la décision mettant fin au contrat de travail de UG, et notamment du moyen pris d’une erreur manifeste d’appréciation de l’AHCC, implique des appréciations de fait qui nécessiteraient, de la part de la Cour, l’adoption de mesures supplémentaires d’organisation de la procédure ou d’instruction du dossier.

66      Par ailleurs, il n’est pas envisageable de statuer au fond sur le chef de conclusions visant à obtenir la réparation du préjudice causé à UG par la décision mettant fin à son contrat de travail sans avoir déterminé si une telle décision est entachée d’illégalité.

67      Il y a lieu, par conséquent, de renvoyer l’affaire au Tribunal et de réserver les dépens.

Par ces motifs, la Cour (dixième chambre) déclare et arrête :

1)      L’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 2 avril 2020, UG/Commission (T571/17, non publié, EU:T:2020:141), est annulé en ce qu’il a procédé à l’annulation de la décision de la Commission européenne, du 17 octobre 2016, de mettre fin au contrat de travail à durée indéterminée de UG, a constaté l’existence d’une illégalité susceptible d’engager la responsabilité de cette institution et a rejeté comme irrecevable le chef de conclusions de UG tiré de la réparation de son préjudice moral.

2)      L’affaire est renvoyée au Tribunal de l’Union européenne.

3)      Les dépens sont réservés.

Lycourgos

Jarukaitis

Ilešič

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 25 novembre 2021.

Le greffier

 

Le président

A. Calot Escobar

 

K. Lenaerts


*      Langue de procédure : le français.

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