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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) |
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You are here: BAILII >> Databases >> Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) >> Pro Rauchfrei (Judgment) French Text [2021] EUECJ C-370/20 (09 December 2021) URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2021/C37020.html Cite as: [2021] EUECJ C-370/20, EU:C:2021:988, ECLI:EU:C:2021:988 |
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ARRÊT DE LA COUR (quatrième chambre)
9 décembre 2021 (*)
« Renvoi préjudiciel – Fabrication, présentation et vente de produits du tabac – Directive 2014/40/UE – Étiquetage et conditionnement – Article 8, paragraphe 8 – Avertissements sanitaires devant figurer sur chaque unité de conditionnement d’un produit du tabac ainsi que sur tout emballage extérieur – Distributeur automatique de paquets de cigarettes – Avertissements sanitaires invisibles de l’extérieur – Représentation des unités de conditionnement – Notion d’“image” d’unités de conditionnement et de tout emballage extérieur destinée aux consommateurs de l’Union européenne »
Dans l’affaire C‑370/20,
ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Bundesgerichtshof (Cour fédérale de justice, Allemagne), par décision du 25 juin 2020, parvenue à la Cour le 7 août 2020, dans la procédure
Pro Rauchfrei eV
contre
JS e.K.,
LA COUR (quatrième chambre),
composée de Mme K. Jürimäe, présidente de la troisième chambre, faisant fonction de président de la quatrième chambre, MM. S. Rodin (rapporteur) et N. Piçarra, juges,
avocat général : M. E. Tanchev,
greffier : M. A. Calot Escobar,
vu la procédure écrite,
considérant les observations présentées :
– pour JS e.K., par Me A. Meisterernst, Rechtsanwalt,
– pour la Commission européenne, par M. C. Hödlmayr et Mme I. Rubene, en qualité d’agents,
ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 15 juillet 2021,
rend le présent
Arrêt
1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 8, paragraphes 3 et 8, de la directive 2014/40/UE du Parlement européen et du Conseil, du 3 avril 2014, relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres en matière de fabrication, de présentation et de vente des produits du tabac et des produits connexes, et abrogeant la directive 2001/37/CE (JO 2014, L 127, p. 1).
2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Pro Rauchfrei eV à JS e.K. au sujet de l’utilisation, par ce dernier, de distributeurs automatiques de paquets de cigarettes qui ont pour effet de dissimuler au consommateur les avertissements sanitaires qui figurent sur les emballages de cigarettes.
Le cadre juridique
3 Les considérants 21 à 24 de la directive 2014/40 énoncent :
« (21) Conformément à l’objet de la présente directive, à savoir faciliter le bon fonctionnement du marché intérieur des produits du tabac et des produits connexes en prenant pour base un niveau élevé de protection de la santé, notamment chez les jeunes, et conformément à la [recommandation 2003/54/CE du Conseil, du 2 décembre 2002, relative à la prévention du tabagisme et à des initiatives visant à renforcer la lutte antitabac (JO 2003, L 22, p. 31)], il convient d’encourager les États membres à empêcher la vente de ces produits aux enfants et aux adolescents en adoptant des mesures appropriées visant à fixer des limites d’âge et à les faire respecter.
(22) Des disparités subsistent entre les dispositions nationales sur l’étiquetage des produits du tabac, notamment en ce qui concerne l’utilisation d’avertissements sanitaires combinés, constitués d’une image et d’un message, des informations sur les services d’aide au sevrage tabagique et des éléments promotionnels à l’intérieur et à l’extérieur des unités de conditionnement.
(23) De telles disparités sont de nature à créer des entraves aux échanges et au bon fonctionnement du marché intérieur des produits du tabac et, partant, devraient être éliminées. Il est en outre possible que les consommateurs de certains États membres soient mieux informés que ceux d’autres États membres quant aux risques que présentent les produits du tabac pour la santé. Faute d’action supplémentaire au niveau de l’Union, les disparités actuelles risquent de s’accroître au cours des prochaines années.
(24) L’adaptation des dispositions en matière d’étiquetage est par ailleurs nécessaire en vue d’aligner la réglementation au niveau de l’Union sur les avancées internationales. Ainsi, les directives de la [convention-cadre de l’Organisation mondiale de la santé pour la lutte antitabac] sur le conditionnement et l’étiquetage des produits du tabac recommandent des mises en garde de grande taille assorties d’images sur les deux faces principales du conditionnement, des informations obligatoires concernant le sevrage tabagique et des règles strictes quant aux informations de nature à induire en erreur. Les dispositions relatives aux informations de nature à induire en erreur viendront compléter l’interdiction générale des pratiques commerciales trompeuses des entreprises vis-à-vis des consommateurs établie par la [directive 2005/29/CE du Parlement européen et du Conseil, du 11 mai 2005, relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs dans le marché intérieur et modifiant la directive 84/450/CEE du Conseil et les directives 97/7/CE, 98/27/CE et 2002/65/CE du Parlement européen et du Conseil et le règlement (CE) no 2006/2004 du Parlement européen et du Conseil (“directive sur les pratiques commerciales déloyales”) (JO 2005, L 149, p 22)]. »
4 L’article 1er de cette directive, intitulé « Objet », dispose :
« La présente directive a pour objectif le rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres concernant :
[...]
b) certains aspects de l’étiquetage et du conditionnement des produits du tabac, notamment les avertissements sanitaires devant figurer sur les unités de conditionnement et sur tout emballage extérieur, ainsi que les dispositifs de traçabilité et de sécurité qui s’appliquent aux produits du tabac afin de garantir le respect de la présente directive par ceux-ci ;
[...]
en vue de faciliter le bon fonctionnement du marché intérieur des produits du tabac et des produits connexes, en prenant pour base un niveau élevé de protection de la santé humaine, particulièrement pour les jeunes, et de respecter les obligations de l’Union découlant de la [convention-cadre de l’Organisation mondiale de la santé pour la lutte antitabac]. »
5 Aux termes de l’article 2 de ladite directive, intitulé « Définitions » :
« Aux fins de la présente directive, on entend par :
[...]
33) “avertissement sanitaire combiné”, un avertissement sanitaire associant un message d’avertissement et une photo ou une illustration correspondante, tel que prévu par la présente directive ;
[...]
40) “mise sur le marché”, le fait de mettre des produits, quel que soit leur lieu de fabrication, à la disposition des consommateurs de l’Union, à titre onéreux ou non, y compris par vente à distance ; [...]
[...] »
6 Le titre II de la même directive, intitulé « Produits du tabac », contient un chapitre II, intitulé « Étiquetage et conditionnement ». L’article 8 de la directive 2014/40, qui figure dans ce chapitre et qui est intitulé « Dispositions générales », dispose, à ses paragraphes 1, 3 et 8 :
« 1. Chaque unité de conditionnement d’un produit du tabac ainsi que tout emballage extérieur porte les avertissements sanitaires prévus au présent chapitre dans la ou les langues officielles de l’État membre dans lequel le produit est mis sur le marché.
[...]
3. Les États membres veillent à ce que les avertissements sanitaires présents sur une unité de conditionnement ou tout emballage extérieur soient imprimés de façon inamovible, indélébile et pleinement visible et ne soient pas dissimulés ou interrompus, partiellement ou en totalité, par des timbres fiscaux, des étiquettes de prix, des dispositifs de sécurité, des suremballages, des enveloppes, des boîtes ou tout autre élément lors de la mise sur le marché des produits du tabac. Sur les unités de conditionnement des produits du tabac autres que les cigarettes et le tabac à rouler en pochettes, les avertissements sanitaires peuvent être apposés au moyen d’adhésifs, à condition que ces derniers soient inamovibles. Les avertissements sanitaires restent intacts lors de l’ouverture de l’unité de conditionnement, sauf pour les paquets comportant un couvercle supérieur rabattable pour lesquels les avertissements sanitaires peuvent être interrompus par l’ouverture du paquet, mais uniquement d’une façon qui garantisse l’intégrité graphique et la visibilité du texte, des photos et des informations concernant le sevrage.
[...]
8. Les images d’unités de conditionnement et de tout emballage extérieur destinées aux consommateurs de l’Union sont conformes aux dispositions du présent chapitre. »
7 L’article 10 de cette directive, intitulé « Avertissements sanitaires combinés concernant les produits du tabac à fumer », prévoit, à son paragraphe 1 :
« Chaque unité de conditionnement ainsi que tout emballage extérieur des produits du tabac à fumer porte des avertissements sanitaires combinés. Les avertissements sanitaires combinés :
a) contiennent l’un des messages d’avertissement figurant à l’annexe I et une photographie en couleurs correspondante définie dans la bibliothèque d’images figurant à l’annexe II [intitulée “Bibliothèque d’images (d’avertissements sanitaires combinés)”] »
Le litige au principal et les questions préjudicielles
8 JS, gérant de deux supermarchés situés à Munich (Allemagne), a installé, depuis le 20 mai 2017, des distributeurs automatiques de paquets de cigarettes au niveau des caisses de ces supermarchés. Les paquets de cigarettes étaient stockés à l’intérieur de ces distributeurs si bien que ces paquets n’étaient pas visibles par les clients. Les touches de sélection desdits distributeurs permettaient certes d’identifier différentes marques de cigarettes avec une représentation graphique, mais sans présenter les avertissements sanitaires réglementaires.
9 Pour acheter un paquet de cigarettes, le client devait solliciter le déblocage du distributeur auprès du personnel de caisse. Il devait ensuite appuyer lui-même sur la touche correspondante au paquet de cigarettes sélectionné, lequel était alors envoyé directement sur le tapis roulant de la caisse pour permettre au client de le payer.
10 Pro Rauchfrei est une association à but non lucratif qui défend les droits des fumeurs passifs. Elle a introduit une action devant le Landgericht München I (tribunal régional de Munich I, Allemagne) aux fins qu’il soit fait interdiction à JS d’offrir des produits du tabac, notamment des cigarettes, au moyen d’un dispositif qui a pour effet de dissimuler au consommateur, au moment de l’offre, les avertissements sanitaires qui figurent sur les unités de conditionnement et sur tout emballage extérieur des produits du tabac. À titre subsidiaire, elle a demandé qu’il soit interdit à JS d’offrir de tels produits au moyen d’un dispositif qui ne reproduit que l’image d’unités de conditionnement de cigarettes, sans les avertissements sanitaires qui doivent y figurer.
11 Le Landgericht München I (tribunal régional de Munich I) a rejeté cette action.
12 Pro Rauchfrei a interjeté appel de cette décision devant l’Oberlandesgericht München (tribunal régional supérieur de Munich, Allemagne) qui l’en a également déboutée. C’est dans ces conditions qu’elle a décidé de saisir la juridiction de renvoi, le Bundesgerichtshof (Cour fédérale de justice, Allemagne), d’un recours en Revision contre cet arrêt.
13 La juridiction de renvoi estime que l’issue de ce recours dépend de l’interprétation de l’article 8, paragraphe 3, première phrase, et de l’article 8, paragraphe 8, de la directive 2014/40.
14 En ce qui concerne l’article 8, paragraphe 3, première phrase, de la directive 2014/40, la juridiction de renvoi émet des doutes à l’égard de la signification de la notion de « mise sur le marché » et sur la portée de l’interdiction de dissimuler les avertissements par « tout autre élément », prévue par cette disposition.
15 S’agissant de l’article 8, paragraphe 8, de la directive 2014/40, cette juridiction se demande si la notion d’« images d’unités de conditionnement », au sens de cette disposition, vise des représentations graphiques telles que celles qui sont apposées sur les touches de ces distributeurs automatiques. Elle se demande également si, le cas échéant, les exigences de cet article sont remplies dès lors que, avant son achat, le consommateur reçoit du distributeur une unité de conditionnement comportant les avertissements réglementaires. En effet, le consommateur peut, selon ladite juridiction, associer une représentation graphique figurant sur le distributeur automatique, tel que celui en cause au principal, à une unité de conditionnement en raison de son aspect, à savoir ses contours, ses proportions, ses couleurs ainsi que le logo de la marque, même si cette image n’est pas une reproduction fidèle de l’emballage d’origine. Cependant, une fois que le consommateur s’est vu délivrer le paquet de cigarettes par le distributeur automatique, il aurait la possibilité de l’examiner et de prendre connaissance des avertissements sanitaires réglementaires préalablement à la conclusion du contrat de vente.
16 Dans ce contexte, le Bundesgerichtshof (Cour fédérale de justice) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :
« 1) La notion de “mise sur le marché”, au sens de l’article 8, paragraphe 3, première phrase, de la directive 2014/40, comprend-elle la mise en vente de produits du tabac par l’intermédiaire de distributeurs automatiques dans lesquels les unités de conditionnement de cigarettes, bien que présentant les avertissements réglementaires, sont stockées de telle manière qu’elle ne sont pas initialement visibles pour le consommateur, les avertissements présents sur les unités de conditionnement ne devenant visibles qu’au moment où le distributeur, préalablement déverrouillé par l’hôte ou l’hôtesse de caisse, est actionné par le client et où, de ce fait, l’unité de conditionnement est éjectée sur le tapis de caisse avant que le client ne procède au paiement ?
2) La dissimulation complète de l’emballage des produits du tabac présentés dans un distributeur tombe-t-elle sous le coup de l’interdiction de “dissimuler [les avertissements] par tout autre élément” prévue à l’article 8, paragraphe 3, première phrase, de la directive 2014/40 ?
3) Une image constitue-t-elle une “image d’une unité de conditionnement”, au sens de l’article 8, paragraphe 8, de la directive 2014/40, dès lors que le consommateur l’associe à un emballage de tabac en raison de son aspect, à savoir ses contours, ses proportions, ses couleurs ainsi que le logo de la marque, même si la représentation utilisée n’est pas une reproduction fidèle de l’emballage d’origine ?
4) Les exigences de l’article 8, paragraphe 8, de la directive 2014/40 sont-elles remplies, quelle que soit la représentation utilisée, dès lors que le consommateur a la possibilité de voir les emballages de cigarettes ainsi que les avertissements réglementaires présents sur ceux-ci préalablement à la conclusion du contrat de vente ? »
Sur les questions préjudicielles
Sur la troisième question
17 Par sa troisième question, qu’il convient d’examiner en premier lieu, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 8, paragraphe 8, de la directive 2014/40 doit être interprété en ce sens que constitue une « image d’une unité de conditionnement », au sens de cette disposition, une image, qui n’est pas une reproduction fidèle d’une unité de conditionnement de cigarettes, mais que le consommateur associe à une telle unité de conditionnement en raison de son aspect, à savoir ses contours, ses proportions, ses couleurs ainsi que le logo de la marque.
18 Aux termes de l’article 8, paragraphe 8, de la directive 2014/40, les images d’unités de conditionnement et de tout emballage extérieur d’un produit du tabac destinées aux consommateurs de l’Union doivent être conformes aux dispositions du titre II, chapitre II, de cette directive.
19 En vertu de l’article 8, paragraphe 1, de la directive 2014/40, qui fait partie du titre II, chapitre II, de celle-ci, chaque unité de conditionnement d’un produit du tabac ainsi que tout emballage extérieur porte les avertissements sanitaires prévus audit chapitre dans la ou les langues officielles de l’État membre dans lequel le produit est mis sur le marché.
20 Ainsi, il ressort des termes de l’article 8, paragraphe 8, de la directive 2014/40, lu conjointement avec l’article 8, paragraphe 1, de celle-ci, que toutes les images d’unités de conditionnement et de tout emballage extérieur destinées aux consommateurs de l’Union doivent porter les avertissements sanitaires prévus par les dispositions du titre II, chapitre II, de la directive 2014/40.
21 En revanche, la notion d’« images d’unités de conditionnement » n’est pas définie à cet article, pas plus qu’à une autre disposition de cette directive.
22 À cet égard, ainsi que l’a relevé M. l’avocat général au point 58 de ses conclusions, en l’absence d’une telle définition, la détermination de la signification et de la portée des termes doit être établie conformément au sens habituel en langage courant de ceux-ci, tout en tenant compte du contexte dans lequel ils sont utilisés et des objectifs poursuivis par la réglementation dont ils font partie (voir, en ce sens, arrêt du 22 avril 2021, Austrian Airlines, C‑826/19, EU:C:2021:318, point 22 et jurisprudence citée).
23 En ce qui concerne, premièrement, le sens habituel de la notion d’« image », M. l’avocat général a fait observer, au point 59 de ses conclusions, que cette notion englobe l’imitation de la forme de l’objet qu’elle vise à représenter et non pas uniquement les reproductions fidèles de cet objet. Il y a lieu de relever, à ce titre, que les termes retenus par le législateur de l’Union, par exemple dans les versions en langues espagnole (« imagen »), allemande (« Bild »), anglaise (« image »), française (« image ») ou encore polonaise (« wygląd ») de l’article 8, paragraphe 8, de la directive 2014/40, revêtent une signification, dans ces différentes langues, qui s’étend à une imitation qui reprend les contours, les proportions, les couleurs et les formes de l’objet représenté.
24 Il en découle que la notion d’« image », au sens de cet article, doit être comprise comme incluant, certes, les reproductions fidèles des unités de conditionnement des produits du tabac, mais comme ne se limitant pas à de telles reproductions.
25 Deuxièmement, une telle interprétation est corroborée par une analyse du contexte dans lequel s’inscrit l’article 8, paragraphe 8, de la directive 2014/40. Il ressort du titre de l’annexe II de cette directive, « Bibliothèque d’images (d’avertissements sanitaires combinés) », que le terme « image » comprend les avertissements sanitaires combinés qui, selon leur définition à l’article 2, point 33, de ladite directive, sont les avertissements ne comprenant pas seulement des photographies, mais également des messages et des illustrations. Partant, cette notion ne saurait être comprise comme désignant uniquement les photographies d’unités de conditionnement.
26 Troisièmement, une interprétation large de la notion d’« images d’unités de conditionnement », au sens de l’article 8, paragraphe 8, de la directive 2014/40, englobant non seulement les reproductions fidèles d’unités de conditionnement, mais également les images que les consommateurs associent à de telles unités, est conforme aux objectifs de cette directive et notamment à l’objectif poursuivi par son article 8.
27 En effet, d’une part, la directive 2014/40 poursuit, selon son article 1er, un double objectif, consistant à faciliter le bon fonctionnement du marché intérieur des produits du tabac et des produits connexes, en prenant pour base un niveau élevé de protection de la santé humaine, particulièrement pour les jeunes (arrêt du 30 janvier 2019, Planta Tabak, C‑220/17, EU:C:2019:76, point 38 et jurisprudence citée). À cette fin, cette directive vise à rapprocher des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres concernant, entre autres, certains aspects de l’étiquetage et du conditionnement des produits du tabac, notamment les avertissements sanitaires devant figurer sur les unités de conditionnement et sur tout emballage extérieur, ainsi que les dispositifs de traçabilité et de sécurité qui s’appliquent aux produits du tabac afin de garantir le respect de ladite directive par les États membres.
28 D’autre part, à l’instar de M. l’avocat général au point 63 de ses conclusions, il convient d’observer que l’article 8, paragraphe 8, de la directive 2014/40 vise, notamment, à empêcher le contournement de la règle énoncée à l’article 8, paragraphe 1, de cette directive, selon laquelle chaque unité de conditionnement d’un produit du tabac doit porter les avertissements sanitaires réglementaires. En effet, l’article 8, paragraphe 3, de ladite directive garantit l’efficacité de cette règle en interdisant la dissimulation et l’interruption de ces avertissements. L’article 8, paragraphe 8, de la même directive vise notamment à prévenir la situation dans laquelle un détaillant, pour ne pas afficher les avertissements sanitaires réglementaires dans le point de vente, présente, en lieu et place des unités de conditionnement sur lesquelles figurent ces avertissements, des images de ces unités dénuées d’avertissements. En exigeant que les images des emballages de tabac portent, eux aussi, les avertissements sanitaires réglementaires, l’article 8, paragraphe 8, de la directive 2014/40 vise ainsi à prévenir cette situation, garantissant ainsi, à l’instar de l’article 8, paragraphe 3, de cette directive, l’efficacité de la règle énoncée à l’article 8, paragraphe 1, de celle-ci.
29 Les avertissements sanitaires prévus par les dispositions du titre II, chapitre II, de la directive 2014/40 ont notamment pour objectif de mieux faire connaître les risques pour la santé que fait courir la consommation de produits du tabac, d’avoir un impact émotionnel fort et durable et d’inciter ainsi les consommateurs de ces produits à réduire ou à abandonner leur consommation, en particulier à l’égard de personnes plus vulnérables, telles que des personnes peu instruites, des enfants et des jeunes (voir, en ce sens, arrêt du 4 mai 2016, Philip Morris Brands e.a., C‑547/14, EU:C:2016:325, point 204).
30 Or, comme le fait remarquer la juridiction de renvoi, une image que le consommateur associe à une unité de conditionnement de produits du tabac est, tout comme une reproduction fidèle, susceptible de déclencher un désir d’achat que les avertissements sanitaires réglementaires servent pourtant à dissuader. Il en découle qu’une interprétation large de la notion d’« images d’unités de conditionnement », au sens de l’article 8, paragraphe 8, de la directive 2014/40, qui s’étend également à une telle image conduit à imposer d’apposer ces avertissements sanitaires sur ces images, ce qui contribue à l’effet dissuasif recherché et, ainsi, à la protection de la santé humaine.
31 Il convient donc de comprendre la notion d’« images d’unités de conditionnement », au sens de l’article 8, paragraphe 8, de la directive 2014/40, comme englobant les images qu’un consommateur associe à de telles unités en raison de son aspect, à savoir ses contours, ses proportions, ses couleurs ainsi que le logo de la marque. En revanche, il revient à la juridiction de renvoi d’apprécier si, dans l’affaire au principal, les images des marques de cigarettes affichées sur les touches de sélection des distributeurs automatiques en cause dans cette affaire constituent des images qu’un consommateur associe à des unités de conditionnement des produits du tabac, en raison de leur aspect.
32 Il résulte de l’ensemble des éléments qui précèdent que l’article 8, paragraphe 8, de la directive 2014/40 doit être interprété en ce sens que constitue une « image d’une unité de conditionnement », au sens de cette disposition, une image, qui n’est pas une reproduction fidèle d’une unité de conditionnement de cigarettes, mais que le consommateur associe à une telle unité de conditionnement en raison de son aspect, à savoir ses contours, ses proportions, ses couleurs ainsi que le logo de la marque.
Sur la quatrième question
33 Par sa quatrième question, qu’il convient d’examiner en second lieu, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 8, paragraphe 8, de la directive 2014/40 doit être interprété en ce sens qu’une image d’un paquet de cigarettes couverte par cette disposition, mais qui ne porte pas les avertissements sanitaires prévus au titre II, chapitre II, de cette directive, est néanmoins conforme à ladite disposition si le consommateur a la possibilité de voir ces avertissements sur le paquet de cigarettes correspondant à une telle image avant de l’acheter.
34 Il importe de rappeler que, en vertu de l’article 8, paragraphe 8, de la directive 2014/40, les images d’unités de conditionnement et de tout emballage extérieur destinées aux consommateurs de l’Union doivent être conformes aux dispositions du titre II, chapitre II, de cette directive et doivent, ainsi, porter les avertissements sanitaires visés au paragraphe 1 de cet article.
35 Or, ainsi que l’a relevé M. l’avocat général, au point 73 de ses conclusions, cette règle interdit l’utilisation d’images destinées aux consommateurs de l’Union sur lesquelles ne figurent pas les avertissements sanitaires prescrits, indépendamment de tout processus d’achat des produits auxquels ces images se réfèrent.
36 Partant, il y a lieu de répondre à la quatrième question que l’article 8, paragraphe 8, de la directive 2014/40 doit être interprété en ce sens qu’une image d’un paquet de cigarettes couverte par cette disposition, mais qui ne porte pas les avertissements sanitaires prévus au titre II, chapitre II, de cette directive, n’est pas conforme à ladite disposition, même si le consommateur a la possibilité de voir ces avertissements sur le paquet de cigarettes correspondant à une telle image avant de l’acheter.
Sur les première et deuxième questions
37 Eu égard à la réponse apportée aux troisième et quatrième questions, il n’y a pas lieu de répondre aux première et deuxième questions.
Sur les dépens
38 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.
Par ces motifs, la Cour (quatrième chambre) dit pour droit :
1) L’article 8, paragraphe 8, de la directive 2014/40/UE du Parlement européen et du Conseil, du 3 avril 2014, relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres en matière de fabrication, de présentation et de vente des produits du tabac et des produits connexes, et abrogeant la directive 2001/37/CE, doit être interprété en ce sens que constitue une « image d’une unité de conditionnement », au sens de cette disposition, une image, qui n’est pas une reproduction fidèle d’une unité de conditionnement de cigarettes, mais que le consommateur associe à une telle unité de conditionnement en raison de son aspect, à savoir ses contours, ses proportions, ses couleurs ainsi que le logo de la marque.
2) L’article 8, paragraphe 8, de la directive 2014/40 doit être interprété en ce sens qu’une image d’un paquet de cigarettes couverte par cette disposition, mais qui ne porte pas les avertissements sanitaires prévus au titre II, chapitre II, de cette directive, n’est pas conforme à ladite disposition, même si le consommateur a la possibilité de voir ces avertissements sur le paquet de cigarettes correspondant à une telle image avant de l’acheter.
Signatures
* Langue de procédure : l’allemand.
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