Finanzamt Österreich (Allocations familiales pour cooperant) (Judgment) French Text [2021] EUECJ C-372/20 (25 November 2021)


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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions)


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URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2021/C37220.html
Cite as: EU:C:2021:962, ECLI:EU:C:2021:962, [2021] EUECJ C-372/20

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ARRÊT DE LA COUR (huitième chambre)

25 novembre 2021 (*)

« Renvoi préjudiciel – Articles 45 et 48 TFUE – Libre circulation des travailleurs – Égalité de traitement – Prestations familiales servies aux coopérants qui emmènent les membres de leur famille dans le pays tiers dans lequel ils ont été affectés – Suppression – Article 288, deuxième alinéa, TFUE – Actes juridiques de l’Union – Portée des règlements – Réglementation nationale dont le champ d’application personnel est plus large que celui d’un règlement – Conditions – Règlement (CE) no 883/2004 – Article 11, paragraphe 3, sous a) et e) – Champ d’application – Travailleuse salariée ressortissante d’un État membre occupée en qualité de coopérante par un employeur établi dans un autre État membre et envoyée en mission dans un pays tiers – Article 68, paragraphe 3 – Droit du demandeur de prestations familiales de déposer une demande unique auprès de l’institution de l’État membre prioritairement compétent ou de l’institution de l’État membre compétent en ordre subsidiaire »

Dans l’affaire C‑372/20,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Bundesfinanzgericht (tribunal fédéral des finances, Autriche), par décision du 30 juillet 2020, parvenue à la Cour le 6 août 2020, dans la procédure

QY

contre

Finanzamt Österreich, anciennement Finanzamt für den 8., 16. und 17. Bezirk in Wien,

LA COUR (huitième chambre),

composée de M. J. Passer, président de la septième chambre, faisant fonction de président de la huitième chambre, MM. F. Biltgen (rapporteur) et N. Wahl, juges,

avocat général : M. J. Richard de la Tour,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées :

–        pour le gouvernement autrichien, par Mmes J. Schmoll et E. Samoilova ainsi que par M. A. Posch, en qualité d’agents,

–        pour la Commission européenne, par MM. B.-R. Killmann et D. Martin, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 4, paragraphes 2 et 3, TUE, de l’article 4, paragraphe 4, et des articles 45, 208 et 288 TFUE, de l’article 7, de l’article 11, paragraphe 3, sous a) et e), et des articles 67 et 68 du règlement (CE) no 883/2004 du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale (JO 2004, L 166, p. 1, et rectificatif JO 2004, L 200, p. 1), de l’article 11, de l’article 60, paragraphes 2 et 3, du règlement (CE) no 987/2009 du Parlement européen et du Conseil, du 16 septembre 2009, fixant les modalités d’application du règlement no 883/2004 (JO 2009, L 284, p. 1), ainsi que de l’article 7, paragraphes 1 et 2, du règlement (UE) no 492/2011 du Parlement européen et du Conseil, du 5 avril 2011, relatif à la libre circulation des travailleurs à l’intérieur de l’Union (JO 2011, L 141, p. 1).

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant la requérante au principal, QY, au Finanzamt Österreich (administration fiscale d’Autriche), anciennement Finanzamt für den 8., 16. und 17. Bezirk in Wien (bureau des impôts pour les 8e, 16e et 17e districts de Vienne, Autriche) (ci-après l’« administration fiscale »), au sujet du refus de cette dernière de lui accorder des allocations familiales.

 Le cadre juridique

 Le droit de l’Union

 Le règlement no 883/2004

3        Les considérants 12 et 16 du règlement no 883/2004 se lisent comme suit :

« (12)      Compte tenu de la proportionnalité, il convient de veiller à ce que le principe d’assimilation des faits ou évènements ne donne pas lieu à des résultats objectivement injustifiés ou à un cumul de prestations de même nature pour la même période.

[...]

(16)      À l’intérieur de la Communauté, il n’est en principe pas justifié de faire dépendre les droits en matière de sécurité sociale du lieu de résidence de l’intéressé ; toutefois, dans des cas spécifiques, notamment pour des prestations spéciales qui ont un lien avec l’environnement économique et social de l’intéressé, le lieu de résidence pourrait être pris en compte. »

4        Aux termes de l’article 1er, sous z), de ce règlement :

« [L]e terme “prestations familiales” désigne toutes les prestations en nature ou en espèces destinées à compenser les charges de famille, à l’exclusion des avances sur pensions alimentaires et des allocations spéciales de naissance ou d’adoption visées à l’annexe I. »

5        L’article 2 dudit règlement, intitulé « Champ d’application personnel », énonce, à son paragraphe 1 :

« Le présent règlement s’applique aux ressortissants de l’un des États membres, aux apatrides et aux réfugiés résidant dans un État membre qui sont ou ont été soumis à la législation d’un ou de plusieurs États membres, ainsi qu’aux membres de leur famille et à leurs survivants. »

6        L’article 3, paragraphe 1, du même règlement dispose :

« Le présent règlement s’applique à toutes les législations relatives aux branches de sécurité sociale qui concernent :

[...]

j)      les prestations familiales. »

7        L’article 4 du règlement no 883/2004, intitulé « Égalité de traitement », prévoit :

« À moins que le présent règlement n’en dispose autrement, les personnes auxquelles le présent règlement s’applique bénéficient des mêmes prestations et sont soumises aux mêmes obligations, en vertu de la législation de tout État membre, que les ressortissants de celui-ci. »

8        L’article 5 de ce règlement, intitulé « Assimilation de prestations, de revenus, de faits ou d’événements », est libellé comme suit :

« À moins que le présent règlement n’en dispose autrement et compte tenu des dispositions particulières de mise en œuvre prévues, les dispositions suivantes s’appliquent :

a)      si, en vertu de la législation de l’État membre compétent, le bénéfice de prestations de sécurité sociale ou d’autres revenus produit certains effets juridiques, les dispositions en cause de cette législation sont également applicables en cas de bénéfice de prestations équivalentes acquises en vertu de la législation d’un autre État membre ou de revenus acquis dans un autre État membre ;

b)      si, en vertu de la législation de l’État membre compétent, des effets juridiques sont attribués à la survenance de certains faits ou événements, cet État membre tient compte des faits ou événements semblables survenus dans tout autre État membre comme si ceux-ci étaient survenus sur son propre territoire. »

9        L’article 7 dudit règlement est rédigé comme suit :

« À moins que le présent règlement n’en dispose autrement, les prestations en espèces dues en vertu de la législation d’un ou de plusieurs États membres ou du présent règlement ne peuvent faire l’objet d’aucune réduction, modification, suspension, suppression ou confiscation du fait que le bénéficiaire ou les membres de sa famille résident dans un État membre autre que celui où se trouve l’institution débitrice. »

10      Aux termes de l’article 11 du même règlement, intitulé « Règles générales » :

« 1.      Les personnes auxquelles le présent règlement est applicable ne sont soumises qu’à la législation d’un seul État membre. Cette législation est déterminée conformément au présent titre.

[...]

3.      Sous réserve des articles 12 à 16 :

a)      la personne qui exerce une activité salariée ou non salariée dans un État membre est soumise à la législation de cet État membre ;

b)      les fonctionnaires sont soumis à la législation de l’État membre dont relève l’administration qui les emploie ;

c)      la personne qui bénéficie de prestations de chômage conformément aux dispositions de l’article 65, en vertu de la législation de l’État membre de résidence, est soumise à la législation de cet État membre ;

d)      la personne appelée ou rappelée sous les drapeaux ou pour effectuer le service civil dans un État membre est soumise à la législation de cet État membre ;

e)      les personnes autres que celles visées aux points a) à d) sont soumises à la législation de l’État membre de résidence, sans préjudice d’autres dispositions du présent règlement qui leur garantissent des prestations en vertu de la législation d’un ou de plusieurs autres États membres.

[...] »

11      Les articles 12 à 16 du règlement no 883/2004 prévoient les règles particulières applicables aux personnes faisant l’objet d’un détachement (article 12), aux personnes exerçant une activité dans deux ou plusieurs États membres (article 13), aux personnes ayant choisi une assurance volontaire ou une assurance facultative continuée (article 14), aux agents contractuels des institutions européennes (article 15), ainsi que les dérogations aux articles 11 à 15 de ce règlement (article 16).

12      Les articles 67 et 68 dudit règlement figurent au chapitre 8, intitulé « Prestations familiales », du titre III du même règlement. Sous le titre « Membres de la famille résidant dans un autre État membre », cet article 67 dispose :

« Une personne a droit aux prestations familiales conformément à la législation de l’État membre compétent, y compris pour les membres de sa famille qui résident dans un autre État membre, comme si ceux-ci résidaient dans le premier État membre. Toutefois, le titulaire d’une pension a droit aux prestations familiales conformément à la législation de l’État membre compétent pour sa pension. »

13      L’article 68 du règlement no 883/2004, intitulé « Règles de priorité en cas de cumul », est rédigé dans les termes suivants :

« 1.      Si, pour la même période et pour les mêmes membres de la famille, des prestations sont prévues par la législation de plus d’un État membre, les règles de priorité ci-après s’appliquent :

a)      si des prestations sont dues par plus d’un État membre à des titres différents, l’ordre de priorité est le suivant : en premier lieu les droits ouverts au titre d’une activité salariée ou non salariée, deuxièmement les droits ouverts au titre de la perception d’une pension et enfin les droits ouverts au titre de la résidence ;

b)      si des prestations sont dues par plus d’un État membre à un même titre, l’ordre de priorité est établi par référence aux critères subsidiaires suivants :

i)      s’il s’agit de droits ouverts au titre d’une activité salariée ou non salariée : le lieu de résidence des enfants, à condition qu’il y ait une telle activité, et subsidiairement, si nécessaire, le montant le plus élevé de prestations prévu par les législations en présence. Dans ce dernier cas, la charge des prestations sera répartie selon des critères définis dans le règlement d’application ;

ii)      s’il s’agit de droits ouverts au titre de la perception de pensions : le lieu de résidence des enfants, à condition qu’une pension soit due en vertu de sa législation et subsidiairement, si nécessaire, la durée d’assurance ou de résidence la plus longue accomplie sous les législations en présence ;

iii)      s’il s’agit de droits ouverts au titre de la résidence : le lieu de résidence des enfants.

2.      En cas de cumul de droits, les prestations familiales sont servies conformément à la législation désignée comme étant prioritaire selon le paragraphe 1. Les droits aux prestations familiales dues en vertu de la ou des autres législations en présence sont suspendus jusqu’à concurrence du montant prévu par la première législation et servis, le cas échéant, sous forme de complément différentiel, pour la partie qui excède ce montant. Toutefois, il n’est pas nécessaire de servir un tel complément différentiel pour les enfants résidant dans un autre État membre, lorsque le droit aux prestations en question se fonde uniquement sur le lieu de résidence.

3.      Si, en vertu de l’article 67, une demande de prestations familiales est introduite auprès de l’institution compétente d’un État membre dont la législation est applicable, mais n’est pas prioritaire selon les paragraphes 1 et 2 du présent article :

a)      cette institution transmet la demande sans délai à l’institution compétente de l’État membre dont la législation est applicable en priorité, en informe l’intéressé, et, sans préjudice des dispositions du règlement d’application relatives à la liquidation provisoire de prestations, sert, le cas échéant, le complément différentiel visé au paragraphe 2 ;

b)      l’institution compétente de l’État membre dont la législation est applicable en priorité traite cette demande comme si celle-ci lui avait été soumise directement et la date à laquelle une telle demande a été introduite auprès de la première institution est considérée comme la date d’introduction de la demande auprès de l’institution prioritaire. »

 Le règlement no 987/2009

14      L’article 11 du règlement no 987/2009 dispose :

« 1.      En cas de divergence de vues entre les institutions de deux États membres ou plus au sujet de la détermination de la résidence d’une personne à laquelle le [règlement no 883/2004] s’applique, ces institutions établissent d’un commun accord le centre d’intérêt de la personne concernée en procédant à une évaluation globale de toutes les informations disponibles concernant les faits pertinents, qui peuvent inclure, le cas échéant :

a)      la durée et la continuité de la présence sur le territoire des États membres concernés ;

b)      la situation de l’intéressé, y compris :

i)      la nature et les spécificités de toute activité exercée, notamment le lieu habituel de son exercice, son caractère stable ou la durée de tout contrat d’emploi ;

ii)      sa situation familiale et ses liens de famille ;

iii)      l’exercice d’activités non lucratives ;

iv)      lorsqu’il s’agit d’étudiants, la source de leurs revenus ;

v)      sa situation en matière de logement, notamment le caractère permanent de celui-ci ;

vi)      l’État membre dans lequel la personne est censée résider aux fins de l’impôt.

2.      Lorsque la prise en compte des différents critères fondés sur les faits pertinents tels qu’ils sont énoncés au paragraphe 1 ne permet pas aux institutions concernées de s’accorder, la volonté de la personne en cause, telle qu’elle ressort de ces faits et circonstances, notamment les raisons qui l’ont amenée à se déplacer, est considérée comme déterminante pour établir le lieu de résidence effective de cette personne. »

15      L’article 60, paragraphes 2 et 3, du règlement no 987/2009 prévoit :

« 2.      L’institution saisie d’une demande conformément au paragraphe 1 examine celle-ci sur la base des informations détaillées fournies par le demandeur, compte tenu de l’ensemble des éléments de fait et de droit qui caractérisent la situation de la famille du demandeur.

Si cette institution conclut que sa législation est applicable en priorité conformément à l’article 68, paragraphes 1 et 2, du [règlement no 883/2004], elle sert les prestations familiales selon la législation qu’elle applique.

S’il semble à cette institution qu’il existe une possibilité de droit à un complément différentiel en vertu de la législation d’un autre État membre conformément à l’article 68, paragraphe 2, du [règlement no 883/2004], elle transmet sans délai la demande à l’institution compétente de l’autre État membre et informe l’intéressé ; elle informe en outre l’institution de l’autre État membre de sa décision relative à la demande et du montant des prestations familiales versées.

3.      Lorsque l’institution saisie de la demande conclut que sa législation est applicable, mais n’est pas prioritaire selon l’article 68, paragraphes 1 et 2, du [règlement no 883/2004], elle prend sans délai une décision à titre provisoire sur les règles de priorité applicables et transmet la demande, conformément à l’article 68, paragraphe 3, du [règlement no 883/2004], à l’institution de l’autre État membre ; elle en informe également le demandeur. Ladite institution prend position, dans un délai de deux mois, sur la décision prise à titre provisoire.

Si l’institution à laquelle la demande a été transmise ne prend pas position dans un délai de deux mois suivant la réception de la demande, la décision provisoire visée plus haut s’applique et l’institution verse les prestations prévues au titre de sa législation et informe l’institution à laquelle la demande a été faite du montant des prestations versées. »

 Le règlement no 492/2011

16      L’article 7, paragraphes 1 et 2, du règlement no 492/2011 dispose :

« 1.      Le travailleur ressortissant d’un État membre ne peut, sur le territoire des autres États membres, être, en raison de sa nationalité, traité différemment des travailleurs nationaux, pour toutes conditions d’emploi et de travail, notamment en matière de rémunération, de licenciement et de réintégration professionnelle ou de réemploi s’il est tombé au chômage.

2.      Il y bénéficie des mêmes avantages sociaux et fiscaux que les travailleurs nationaux. »

 Le droit autrichien

17      L’article 4, paragraphe 1, de l’Allgemeines Sozialversicherungsgesetz (code général des assurances sociales), du 9 septembre 1955 (BGBl., 189/1955), dans sa version applicable au litige au principal, prévoit :

« Sont affiliés (intégralement affiliés) au titre de la présente loi fédérale, à l’assurance maladie, à l’assurance accident et à l’assurance pension, lorsque l’emploi concerné n’est pas exclu de l’affiliation intégrale conformément aux articles 5 et 6 ni ne confère qu’une affiliation partielle conformément à l’article 7 :

[...]

(9)      le personnel de la coopération au développement visé à l’article 2 du [Bundesgesetz über den Personaleinsatz im Rahmen der Zusammenarbeit mit Entwicklungsländern (Entwicklungshelfergesetz) (loi relative au déploiement de personnel dans le cadre de la coopération au développement [loi sur le statut des coopérants]), du 10 novembre 1983 (BGBl., 574/1983)]. »

18      Conformément à l’article 13, paragraphe 1, de la loi sur le statut des coopérants, en vigueur jusqu’au 31 décembre 2018 et abrogé par la suite :

« Les membres du personnel et les membres de leur famille cohabitant avec eux, pour autant que ces personnes soient citoyens autrichiens ou des personnes y assimilées par le droit de l’Union, sont traités, durant la préparation et la mission pour ce qui concerne le droit à des prestations du fonds de compensation des allocations familiales et au crédit d’impôt pour enfant à charge au titre de l’article 33, paragraphe 3, de l’[Einkommensteuergesetz 1988 (loi de 1988 relative à l’impôt sur le revenu)] dans chacune de ses versions applicables, comme si elles ne séjournaient pas de manière permanente dans le pays de la mission. »

19      L’article 26, paragraphes 1 et 2, du Bundesabgabenordnung (code fédéral des impôts), dans sa version applicable au litige au principal (ci–après le « BAO »), dispose :

« 1.      Au sens des dispositions fiscales, une personne aura un domicile là où elle occupe une habitation dans des circonstances qui attestent qu’elle conservera et utilisera l’habitation.

2.      Au sens des dispositions fiscales, une personne aura une résidence habituelle là où elle réside dans des circonstances qui attestent qu’elle ne séjourne pas simplement temporairement dans ce lieu ou dans ce pays.

3.      Les citoyens autrichiens employés par un organisme de droit public qui sont en poste à l’étranger (personnel extérieur), sont assimilés à des personnes qui ont leur résidence habituelle dans les locaux de la direction du service. Il en va de même de leur conjoint pour autant que le couple vive durablement en ménage, et de leurs enfants mineurs faisant partie de leur ménage. »

20      Conformément à l’article 1er du Bundesgesetz betreffend den Familienlastenausgleich durch Beihilfen (loi relative à la compensation des charges familiales par des allocations), du 24 octobre 1967 (BGBl., 376/1967), dans sa version applicable au litige au principal (ci–après le « FLAG »), les prestations prévues sont « octroyées en vue d’une compensation des charges dans l’intérêt de la famille ».

21      En vertu de l’article 2, paragraphe 1, du FLAG, les personnes qui ont leur domicile ou leur résidence habituelle sur le territoire autrichien ont droit aux allocations familiales pour les enfants mineurs.

22      L’article 2, paragraphe 8, du FLAG prévoit que les personnes n’ont droit aux allocations familiales que si leur centre d’intérêts se situe sur le territoire autrichien. Le centre d’intérêts d’une personne se situe dans l’État avec lequel celle-ci a les rapports personnels et économiques les plus étroits.

23      En vertu de l’article 5, paragraphe 3, du FLAG, les enfants qui résident de manière permanente à l’étranger n’ouvrent pas de droit aux allocations familiales.

24      L’article 8 du FLAG régit les montants des allocations familiales et établit, à ses paragraphes 1 à 3, un barème en fonction du nombre d’enfants et un barème en fonction de leur âge. Les allocations familiales sont majorées à intervalles réguliers au titre d’une décision du Verfassungsgerichtshof (Cour constitutionnelle, Autriche).

25      L’article 53 du FLAG se lit comme suit :

« (1)      Dans le cadre de la présente loi fédérale, les ressortissants des parties à l’[accord sur l’Espace économique européen, du 2 mai 1992 (JO 1994, L 1, p. 3)] sont, dans la mesure où cela résulte de l’accord précité, assimilés aux ressortissants autrichiens. Dans ce contexte, la résidence permanente d’un enfant dans un État de l’Espace économique européen doit, conformément aux dispositions communautaires, être assimilée à une résidence permanente d’un enfant en Autriche.

[...]

(4)      Le paragraphe 1, deuxième phrase, ne s’applique pas pour ce qui concerne l’article 8a, paragraphes 1 à 3.

(5)      L’article 26, paragraphe 3, du BAO [...] s’applique jusqu’au 31 décembre 2018 pour ce qui concerne des prestations visées par la présente loi fédérale. À partir du 1er janvier 2019, l’article 26, paragraphe 3, du BAO ne s’applique aux prestations visées dans la présente loi fédérale que pour les personnes en poste à l’étranger qui exercent une activité pour le compte d’une collectivité territoriale. »

 Le litige au principal et les questions préjudicielles

26      La requérante au principal et ses trois enfants, tous quatre ressortissants allemands, ont leur domicile enregistré en Allemagne. L’époux de la requérante au principal, qui est le père des trois enfants, est ressortissant brésilien et n’a jamais eu de domicile enregistré en Allemagne.

27      Depuis l’année 2002, la requérante au principal travaille en qualité de coopérante. Entre l’année 2013 et l’année 2016, la famille a séjourné alternativement en Allemagne et au Brésil, où l’époux de la requérante au principal possède des biens immobiliers et où il travaillait comme agriculteur.

28      Le 6 septembre 2016, la requérante au principal a conclu un contrat de travail avec une organisation non gouvernementale autrichienne. En vertu de ce contrat, le lieu d’affectation de la requérante au principal se trouvait à Vienne (Autriche) et les membres de sa famille ainsi qu’elle-même relevaient pour la sécurité sociale de la Wiener Gebietskrankenkasse (caisse de maladie locale de Vienne, Autriche). Après avoir suivi un cours préparatoire à Vienne entre le 6 septembre et le 21 octobre 2016, la requérante au principal a débuté une mission en Ouganda le 31 octobre 2016. Cette mission, au cours de laquelle sa famille l’a accompagnée, a duré jusqu’au 15 août 2019 et a seulement été interrompue, entre le 17 octobre 2017 et le 7 février 2018, en raison de la naissance du troisième enfant de la requérante au principal. Pendant cette interruption, cette dernière a logé dans des chambres mises à sa disposition dans l’habitation de ses parents en Allemagne et a perçu une indemnité d’accouchement versée par la caisse de maladie locale de Vienne. Du 15 août au 15 septembre 2019, soit le dernier mois avant la fin de son contrat de travail, la requérante au principal a bénéficié d’une période de réintégration à Vienne. Pendant cette période, tout comme pendant son cours préparatoire, la requérante au principal disposait d’un domicile à Vienne qui avait été mis à sa disposition par l’employeur moyennant certaines conditions, en ce sens que la requérante au principal et sa famille ne pouvaient l’utiliser que durant le stage de formation et la période de réintégration. Pendant les missions à l’étranger de la requérante au principal, l’habitation en question était mise à la disposition d’autres coopérants. Durant ces périodes, la requérante au principal ainsi que ses enfants et son époux étaient inscrits en Autriche au titre de leur domicile principal.

29      Lorsque la requérante au principal exerçait ses fonctions en tant que coopérante, son époux, qui l’accompagnait dans ses missions à l’étranger, se chargeait des tâches domestiques. Pendant la période durant laquelle elle était en mission, la requérante au principal passait ses vacances en Allemagne, où elle possède des comptes bancaires.

30      Jusqu’au mois de septembre 2016, la requérante au principal a bénéficié d’une allocation familiale versée par l’autorité compétente allemande pour ses deux premiers enfants. Par décision de cette autorité du 26 septembre 2016, cette allocation a été annulée, au motif que la République d’Autriche était compétente pour les prestations familiales, compte tenu du fait que la requérante au principal travaillait désormais en Autriche et que son époux n’exerçait pas d’activité professionnelle en Allemagne.

31      Le 5 octobre 2016, la requérante au principal a introduit une demande d’allocations familiales auprès de l’administration fiscale pour ses deux premiers enfants et, le 8 janvier 2018, une même demande pour son troisième enfant. Elle a fait valoir que sa famille ne disposait pas de résidence commune en Allemagne ou au Brésil, puisque tous les membres de celle-ci l’accompagnaient habituellement sur ses lieux d’affectation, lors de ses missions à l’étranger. Lorsque la requérante au principal a introduit ces demandes, son lieu d’affectation était l’Ouganda.

32      L’administration fiscale a rejeté les demandes de la requérante au principal au motif que celle-ci n’avait pas droit aux prestations familiales autrichiennes, étant donné que son activité de coopérante était exercée dans un pays tiers. Par conséquent, elle n’exercerait pas d’activité salariée en Autriche, au sens de l’article 11, paragraphe 3, sous a), du règlement no 883/2004, et ne relèverait donc pas du champ d’application de ce règlement. De plus, l’appartement de la requérante au principal à Vienne ne constituerait pas une « résidence », pas plus qu’il ne permettrait un « séjour », au sens de l’article 1, sous j) et k), dudit règlement, ce qui aurait pour conséquence que la République d’Autriche ne serait pas l’État membre de résidence, au sens de l’article 11, paragraphe 3, sous e), du même règlement. En outre, la requérante au principal n’aurait pas non plus droit aux prestations familiales en vertu des dispositions nationales.

33      La requérante au principal a introduit un recours contre ces décisions en faisant valoir que la République d’Autriche est l’État membre dans lequel elle exerçait une activité salariée, au sens de l’article 11, paragraphe 3, sous a), du règlement no 883/2004, puisque, d’après son contrat de travail, Vienne était son lieu d’affectation. De plus, ses instructions lui auraient été fournies au départ de Vienne et le cours préparatoire ainsi que le mois de réintégration se seraient également déroulés dans cette ville. En outre, elle se serait enregistrée à Vienne et le centre de ses intérêts y aurait été situé.

34      Dans ces conditions, le Bundesfinanzgericht (tribunal fédéral des finances, Autriche) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)      Faut-il interpréter l’article 11, paragraphe 3, sous e), du règlement no 883/2004 en ce sens qu’il couvre notamment une situation dans laquelle une travailleuse salariée ressortissante d’un État membre dans lequel elle et ses enfants ont leur résidence, qui s’engage comme coopérante dans une relation de travail avec un employeur ayant son siège dans un autre État membre, relevant selon la législation de l’État du siège du régime de l’assurance obligatoire, qui est détachée par l’employeur dans un État tiers non pas immédiatement après son recrutement, mais au terme d’un stage de formation et qui retourne ensuite dans l’État du siège pour une phase de réintégration ?

2)      Une disposition de droit national telle que l’article 53, paragraphe 1, du [FLAG] qui arrête notamment un régime autonome d’assimilation aux ressortissants autrichiens enfreint-elle l’interdiction de transposer des règlements, au sens de l’article 288, deuxième alinéa, TFUE ?

Les troisième et quatrième questions visent le cas où la situation de la requérante au principal relève de l’article 11, paragraphe 3, sous e), du règlement no 883/2004 et où le droit de l’Union oblige exclusivement l’État de résidence à servir des prestations familiales.

3)      Le principe de non–discrimination en raison de la nationalité inscrit pour les travailleurs salariés à l’article 45, paragraphe 2, TFUE et, en ordre subsidiaire, à l’article 18 TFUE, doit-il être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une règle nationale telle que l’article 13, paragraphe 1, de [la loi sur le statut des coopérants] dans sa version en vigueur jusqu’au 31 décembre 2018 [...], qui subordonne le droit à des prestations familiales dans l’État membre qui n’est pas compétent selon le droit de l’Union à la condition que le coopérant ait eu avant même le début de l’emploi le centre de ses intérêts, c’est–à–dire sa résidence habituelle, sur le territoire de l’État membre du siège, étant entendu que cette condition doit également être remplie par les ressortissants autrichiens ?

4)      Faut-il interpréter l’article 68, paragraphe 3, du règlement no 883/2004 et l’article 60, paragraphes 2 et 3, du règlement [no 987/2009] en ce sens que l’institution de l’État membre que la requérante au principal a présumé être prioritairement compétent en tant qu’État d’emploi et dans lequel la demande de prestations familiales a été introduite, alors que sa législation n’est applicable ni en ordre prioritaire ni en ordre subsidiaire, [et dans lequel] il existe néanmoins un droit à des prestations familiales au titre d’une règle subsidiaire du droit de l’État membre, doit appliquer par analogie les dispositions relatives à l’obligation de transmettre la demande, d’informer l’intéressé, de prendre une décision à titre provisoire sur les règles de priorité applicables et sur une prestation en espèces provisoire ?

5)      L’obligation de prendre une décision à titre provisoire sur les règles de priorité applicables incombe-t-elle exclusivement à l’[administration fiscale] en tant qu’institution ou incombe-t-elle également au tribunal administratif saisi d’un recours ?

6)      À quel moment le tribunal administratif est-il tenu de prendre une décision à titre provisoire sur les règles de priorité applicables ?

La septième question vise le cas où la situation de la [requérante au principal] relève de l’article 11, paragraphe 3, sous a), du règlement no 883/2004 et où le droit de l’Union oblige conjointement l’État d’emploi et l’État de résidence à servir des prestations familiales.

7)      L’expression “cette institution transmet la demande” figurant à l’article 68, paragraphe 3, sous a), du règlement no 883/2004 et l’expression “elle transmet [...] la demande” figurant à l’article 60 du [règlement no 987/2009] doivent-elles être interprétées en ce sens que ces dispositions lient mutuellement l’institution de l’État membre prioritairement compétent et l’institution de l’État membre compétent en ordre subsidiaire au point qu’il incombe aux deux États membres de régler conjointement une (et une seule) demande de prestations familiales ou le versement complémentaire obligatoire le cas échéant de l’institution de l’État membre dont la législation est applicable en ordre subsidiaire, doit-il être sollicité séparément par le demandeur, de telle sorte que ce dernier doit introduire deux demandes physiques (formulaires) auprès de deux institutions de deux États membres, qui font naturellement courir deux délais distincts ?

Les huitième et neuvième questions concernent la période postérieure au 1er janvier 2019, date à laquelle la République d’Autriche a simultanément introduit l’indexation des allocations familiales et supprimé leur bénéfice aux coopérants en abrogeant l’article 13, paragraphe 1, de [la loi sur le statut des coopérants] [...]

8)      Faut-il interpréter l’article 4, paragraphe 4, l’article 45 et l’article 208 TFUE, l’article 4, paragraphe 3, TUE ainsi que les articles 2, 3, 7 et les dispositions du titre II du règlement no 883/2004 en ce sens qu’ils interdisent de manière générale à un État membre de supprimer les prestations familiales pour le coopérant qui emmène les membres de sa famille dans le pays tiers où il a été affecté ?

En ordre subsidiaire la neuvième question :

9)      Faut-il interpréter l’article 4, paragraphe 4, l’article 45 et l’article 208 TFUE, l’article 4, paragraphe 3, TUE ainsi que les articles 2, 3, 7 et les dispositions du titre II du règlement no 883/2004 en ce sens que, dans une situation comme celle de l’affaire au principal, ils garantissent à un coopérant qui a déjà acquis un droit à des prestations familiales pour des périodes passées, une conservation individuelle concrète de ce droit pour des périodes [ultérieures] bien que l’État membre ait abrogé le bénéfice des prestations familiales pour les coopérants ? »

 Sur les questions préjudicielles

 Sur la première question

35      Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 11, paragraphe 3, sous a), du règlement no 883/2004 doit être interprété en ce sens qu’une travailleuse salariée ressortissante d’un État membre dont elle-même et ses enfants sont résidents, qui est engagée dans les liens d’un contrat de travail en qualité de coopérante par un employeur ayant son siège social dans un autre État membre, qui relève, en vertu de la législation de cet autre État membre, du régime de sécurité sociale obligatoire de ce dernier, qui reçoit son affectation dans un pays tiers non pas immédiatement après son recrutement, mais au terme d’un stage de formation dans ledit autre État membre et qui y retourne par la suite pour une phase de réintégration, doit être regardée comme exerçant une activité salariée dans celui-ci, au sens de cette disposition, ou si, à défaut, la situation d’une telle travailleuse relève de l’article 11, paragraphe 3, sous e), de ce règlement.

36      En vue de répondre à cette question, il convient, d’abord, de rappeler que, selon la jurisprudence de la Cour, la seule circonstance que les activités d’un travailleur s’exercent en dehors du territoire de l’Union ne suffit pas pour écarter l’application des règles de l’Union sur la libre circulation des travailleurs, et notamment du règlement no 883/2004, dès lors que le rapport de travail garde un rattachement suffisamment étroit avec ce territoire (arrêt du 8 mai 2019, Inspecteur van de Belastingdienst, C‑631/17, EU:C:2019:381, point 22 et jurisprudence citée).

37      Un rattachement suffisamment étroit entre le rapport de travail en cause et le territoire de l’Union découle, notamment, de la circonstance qu’un citoyen de l’Union, résidant dans un État membre, a été engagé par une entreprise établie dans un autre État membre pour le compte de laquelle il exerce ses activités (arrêt du 8 mai 2019, Inspecteur van de Belastingdienst, C‑631/17, EU:C:2019:381, point 23 et jurisprudence citée).

38      En l’occurrence, et eu égard aux éléments contenus dans la demande de décision préjudicielle, il y a lieu de constater qu’il existe un rattachement suffisamment étroit entre la relation de travail en cause au principal et le territoire de l’Union, plus particulièrement avec le territoire autrichien. En effet, l’employeur de la requérante au principal est établi en Autriche et c’est dans cet État membre qu’elle a effectué une période de formation avant sa mission en Ouganda ainsi qu’une période de réintégration après cette dernière. De plus, le contrat de travail a été conclu conformément au droit autrichien, la requérante au principal est affiliée au régime de sécurité sociale autrichien et elle effectue ses missions dans le cadre de l’aide au développement fournie par la République d’Autriche. Ces éléments sont également pertinents aux fins de l’application du principe de l’unicité de la législation applicable énoncé à l’article 11 du règlement no 883/2004.

39      S’agissant, ensuite, plus précisément du point de savoir si une personne telle que la requérante au principal doit être considérée comme ayant exercé son activité salariée « dans un État membre », en l’occurrence la République d’Autriche, au sens de l’article 11, paragraphe 3, sous a), du règlement no 883/2004, ou si elle relève de l’article 11, paragraphe 3, sous e), de ce règlement, il importe de rappeler que cette dernière disposition revêt le caractère d’une règle résiduelle, ayant vocation à s’appliquer à toutes les personnes qui se trouvent dans une situation qui n’est pas spécifiquement réglée par d’autres dispositions dudit règlement, en vue d’instaurer un système complet de détermination de la législation applicable (voir, en ce sens, arrêt du 8 mai 2019, Inspecteur van de Belastingdienst, C‑631/17, EU:C:2019:381, point 31).

40      Compte tenu de cette subsidiarité, il y a lieu d’examiner si le cas de figure visé au point a) de l’article 11, paragraphe 3, du règlement no 883/2004 correspond notamment à une situation telle que celle en cause au principal, étant entendu, d’emblée, que ceux envisagés aux points b) à d) de ce paragraphe 3 n’ont aucun rapport avec une telle situation.

41      À cet égard, en l’occurrence, s’il apparaît, à première vue, que la requérante au principal n’a pas exercé son activité « dans un État membre », puisqu’elle était en mission en Ouganda, il n’en demeure pas moins qu’il découle du dossier dont dispose la Cour que, avant son départ en mission et après cette dernière, la requérante au principal a travaillé sur le territoire autrichien, où son employeur est établi, et qu’elle y disposait même d’un logement de fonction. De surcroît, la requérante au principal, ses enfants et son époux avaient leur domicile principal en Autriche pendant la durée du contrat de travail et y bénéficiaient d’une couverture sociale par la caisse de maladie locale de Vienne.

42      À supposer même que la requérante au principal ait eu, ainsi que l’a fait valoir l’administration fiscale devant la juridiction de renvoi, sa résidence sur le territoire d’un autre État membre, une situation ainsi caractérisée présenterait des similitudes avec celle en cause dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 29 juin 1994, Aldewereld (C‑60/93, EU:C:1994:271), portant sur l’interprétation du règlement (CEE) no 1408/71 du Conseil, du 14 juin 1971, relatif à l’application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l’intérieur de la Communauté (JO 1971, L 149, p. 2), que le règlement no 883/2004 a abrogé et remplacé. Cette affaire concernait le salarié d’une entreprise établie dans un autre État membre que l’État de résidence de ce salarié, lequel exerçait ses activités en dehors du territoire de l’Union. Or, au point 24 de cet arrêt, la Cour a jugé que, dans une telle situation, la « législation de l’État membre de résidence du travailleur ne saurait trouver application, cette législation ne présentant aucun lien de rattachement avec la relation de travail, contrairement à la législation de l’État où l’employeur est établi, qui doit, dès lors, s’appliquer ».

43      Il s’ensuit que, nonobstant la circonstance que, dans les faits, le travail pour lequel la requérante au principal a été engagée par son employeur autrichien s’effectuait en dehors du territoire de l’Union et qu’elle ait conservé des attaches dans son pays d’origine, à savoir la République fédérale d’Allemagne, en y disposant d’un logement mis à disposition par ses parents, il faut considérer que l’article 11, paragraphe 3, sous a), du règlement no 883/2004 doit être interprété en ce sens qu’il désigne la législation de l’État membre de son employeur, à savoir la législation autrichienne, comme étant la seule à laquelle cette requérante doit être soumise, sans qu’il soit besoin d’avoir recours à la règle subsidiaire établie au point e) de ce paragraphe 3.

44      Dans ces conditions, il convient de répondre à la première question que l’article 11, paragraphe 3, sous a), du règlement no 883/2004 doit être interprété en ce sens qu’une travailleuse salariée ressortissante d’un État membre dont elle-même et ses enfants sont résidents, qui est engagée dans les liens d’un contrat de travail en qualité de coopérante par un employeur ayant son siège social dans un autre État membre, qui relève, en vertu de la législation de cet autre État membre, du régime de sécurité sociale obligatoire de ce dernier, qui reçoit son affectation dans un pays tiers non pas immédiatement après son recrutement, mais au terme d’un stage de formation dans ledit autre État membre et qui y retourne par la suite pour une phase de réintégration, doit être regardée comme exerçant une activité salariée dans celui-ci, au sens de cette disposition.

 Sur la deuxième question

45      Par sa deuxième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 288, deuxième alinéa, TFUE doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à l’adoption, par un État membre, d’une réglementation nationale dont le champ d’application personnel est plus large que celui du règlement no 883/2004, en ce qu’elle prévoit une assimilation des ressortissants des États parties à l’accord sur l’Espace économique européen à ses propres ressortissants.

46      Il ressort de la demande de décision préjudicielle que la juridiction de renvoi estime que l’article 288, deuxième alinéa, TFUE s’oppose à une disposition nationale, telle que l’article 53, paragraphe 1, du FLAG, dans la mesure où, ainsi qu’il ressort du point 11 de l’arrêt du 10 octobre 1973, Variola (34/73, EU:C:1973:101), une telle disposition nationale est susceptible de dissimuler aux justiciables le droit de l’Union directement applicable et ainsi de compromettre effectivement le monopole d’interprétation du droit de l’Union conféré à la Cour.

47      À cet égard, il apparaît opportun de rappeler que, selon la jurisprudence de la Cour, si, en raison même de leur nature et de leur fonction dans le système des sources du droit de l’Union, les dispositions des règlements ont, en règle générale, un effet immédiat dans les ordres juridiques nationaux, sans qu’il soit nécessaire que les autorités nationales prennent des mesures d’application, certaines de leurs dispositions peuvent, toutefois, nécessiter, pour leur mise en œuvre, l’adoption de mesures d’application par les États membres (voir, en ce sens, arrêt du 21 décembre 2011, Danske Svineproducenter, C‑316/10, EU:C:2011:863, points 39 et 40 ainsi que jurisprudence citée).

48      Les États membres peuvent adopter des mesures d’application d’un règlement s’ils n’entravent pas son applicabilité directe, s’ils ne dissimulent pas sa nature communautaire et s’ils précisent l’exercice de la marge d’appréciation qui leur est conférée par ce règlement tout en restant dans les limites de ses dispositions (arrêt du 21 décembre 2011, Danske Svineproducenter, C‑316/10, EU:C:2011:863, point 41 et jurisprudence citée).

49      En l’occurrence, et sans qu’il y ait lieu pour la Cour de se prononcer sur le point de savoir si une disposition telle que l’article 53, paragraphe 1, du FLAG s’analyse comme une mesure de mise en œuvre du règlement no 883/2004 ou non, il suffit de constater que, en tout état de cause, l’applicabilité directe de ce règlement a pour effet de permettre aux juridictions nationales de contrôler la conformité de la mesure nationale au contenu dudit règlement (voir, en ce sens, arrêt du 27 septembre 1979, Eridania-Zuccherifici nazionali et Società italiana per l’industria degli zuccheri, 230/78, EU:C:1979:216, point 34), et, le cas échéant, de laisser ladite mesure inappliquée afin d’assurer la primauté du droit de l’Union, à savoir, dans le cas de l’affaire au principal, celle du règlement no 883/2004.

50      Partant, le droit de l’Union ne s’oppose pas à l’adoption d’une disposition telle que l’article 53, paragraphe 1, du FLAG à condition, toutefois, que cette disposition nationale soit interprétée de manière conforme à l’article 4 du règlement no 883/2004 et que la primauté de ce dernier ne soit pas remise en cause.

51      Au vu de ce qui précède, il y a lieu de répondre à la deuxième question que l’article 288, deuxième alinéa, TFUE doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à l’adoption, par un État membre, d’une réglementation nationale dont le champ d’application personnel est plus large que celui du règlement no 883/2004, en ce qu’elle prévoit une assimilation des ressortissants des États parties à l’accord sur l’Espace économique européen à ses propres ressortissants, à condition que cette réglementation soit interprétée de manière conforme à ce règlement et que la primauté de ce dernier ne soit pas remise en cause.

 Sur les troisième et quatrième questions

52      Eu égard à la réponse apportée à la première question, il n’y a pas lieu de répondre aux troisième et quatrième questions.

 Sur les cinquième et sixième questions

53      Par ses cinquième et sixième questions, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’obligation visée à l’article 60, paragraphe 3, du règlement no 987/2009 de prendre une décision provisoire en ce qui concerne la législation nationale applicable en priorité incombe uniquement à l’institution nationale compétente saisie de la demande de prestations familiales ou également à la juridiction nationale saisie d’un recours dans ce contexte et, dans l’affirmative, à quel moment celle-ci doit prendre une telle décision.

54      À titre liminaire, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante de la Cour, les questions relatives à l’interprétation du droit de l’Union posées par le juge national dans le cadre réglementaire et factuel qu’il définit sous sa responsabilité, et dont il n’appartient pas à la Cour de vérifier l’exactitude, bénéficient d’une présomption de pertinence. Le refus de la Cour de statuer sur une demande de décision préjudicielle formée par une juridiction nationale n’est possible que s’il apparaît de manière manifeste que l’interprétation sollicitée du droit de l’Union n’a aucun rapport avec la réalité ou l’objet du litige au principal, lorsque le problème est de nature hypothétique ou encore lorsque la Cour ne dispose pas des éléments de fait et de droit nécessaires pour répondre de façon utile aux questions qui lui sont posées (arrêt du 16 juin 2015, Gauweiler e.a., C‑62/14, EU:C:2015:400, point 25 ainsi que jurisprudence citée).

55      En l’occurrence, force est de constater qu’il ressort de la demande de décision préjudicielle que, dans le cadre du litige au principal, la juridiction de renvoi a déjà pris une décision à titre provisoire ordonnant à l’institution autrichienne compétente de transmettre la demande de prestations familiales en cause au principal à son homologue allemand et d’entamer une procédure de dialogue avec ce dernier.

56      Cette décision repose manifestement sur une application par analogie de l’article 60, paragraphe 3, du règlement no 987/2009, alors qu’il ressort paradoxalement de la demande de décision préjudicielle que cette juridiction considère, d’une part, qu’elle n’est pas compétente pour adopter une telle décision provisoire et, d’autre part, qu’il n’existe pas de disposition applicable en cas de recours tel que celui en cause au principal.

57      Or, dès lors que la juridiction de renvoi a déjà pris cette décision et que celle-ci est susceptible de produire tous ses effets, ne serait-ce qu’à titre provisoire, la cinquième question est devenue sans pertinence pour la solution du litige au principal et est, partant, hypothétique.

58      Ce constat est corroboré par le fait que, ainsi qu’il résulte de la réponse à la première question, la République d’Autriche doit, en l’occurrence, être considérée comme étant l’État membre prioritairement compétent, en vertu de l’article 68, paragraphe 1, sous a), du règlement no 883/2004, pour servir les prestations familiales en cause au principal, de sorte que les autorités autrichiennes ne sont pas tenues de prendre, sur le fondement de l’article 60, paragraphe 3, du règlement no 987/2009, une décision provisoire quant à la législation nationale applicable en priorité. Dans ces conditions, la question de savoir si la juridiction de renvoi doit prendre une telle décision « à titre provisoire » en lieu et place des autorités autrichiennes est de nature hypothétique et doit, partant, être déclarée irrecevable.

59      L’irrecevabilité de la cinquième question entraîne celle de la sixième question, dès lors que cette dernière repose sur la prémisse d’une réponse affirmative à la cinquième question

60      Eu égard à ce qui précède, il convient de déclarer les cinquième et sixième questions irrecevables.

 Sur la septième question

61      Par sa septième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 68, paragraphe 3, sous a), du règlement no 883/2004 et l’article 60 du règlement no 987/2009 doivent être interprétés en ce sens qu’ils lient mutuellement l’institution de l’État membre prioritairement compétent et l’institution de l’État membre compétent en ordre subsidiaire, de telle sorte que le demandeur de prestations familiales ne doit déposer qu’une seule demande auprès de l’une de ces institutions et qu’il revient ensuite à ces deux institutions de traiter conjointement ladite demande ou si le demandeur doit introduire deux demandes distinctes auprès de chacune de ces deux institutions.

62      À cet égard, il convient de relever que, conformément à l’article 68, paragraphe 3, du règlement no 883/2004, si une demande de prestations familiales est introduite auprès de l’institution compétente d’un État membre dont la législation est applicable, mais n’est pas prioritaire sur le fondement des paragraphes 1 et 2 de cet article, « cette institution transmet la demande sans délai à l’institution compétente de l’État membre dont la législation est applicable en priorité, en informe l’intéressé, et, sans préjudice des dispositions du règlement d’application relatives à la liquidation provisoire de prestations, sert, le cas échéant, le complément différentiel visé au paragraphe 2 » et « l’institution compétente de l’État membre dont la législation est applicable en priorité traite cette demande comme si celle-ci lui avait été soumise directement et la date à laquelle une telle demande a été introduite auprès de la première institution est considérée comme la date d’introduction de la demande auprès de l’institution prioritaire ».

63      Le libellé de l’article 68, paragraphe 3, du règlement no 883/2004 énonce ainsi en termes clairs que, lorsqu’une demande de prestations familiales est introduite auprès de l’institution compétente d’un État membre dont la législation n’est pas prioritaire, celle-ci doit transmettre la demande sans délai à l’institution compétente de l’État membre dont la législation est applicable en priorité et doit en informer le demandeur. En pareille hypothèse, cette seconde institution est tenue de traiter la demande en question comme si celle-ci lui avait été soumise directement à la date à laquelle elle a été introduite auprès de la première institution.

64      Il ressort tout aussi clairement du libellé de l’article 60, paragraphes 2 et 3, du règlement no 987/2009 que, si l’institution saisie d’une demande conformément au paragraphe 1 du même article conclut « que sa législation est applicable en priorité conformément à l’article 68, paragraphes 1 et 2, du règlement [no 883/2004], elle sert les prestations familiales selon la législation qu’elle applique » et que, si elle considère que sa législation est applicable, mais n’est pas prioritaire, « elle prend sans délai une décision à titre provisoire sur les règles de priorité applicables et transmet la demande, conformément à l’article 68, paragraphe 3, du règlement [no 883/2004], à l’institution de l’autre État membre » et « en informe également le demandeur ».

65      Il découle donc tant de l’article 68, paragraphe 3, sous a), du règlement no 883/2004 que de l’article 60, paragraphes 2 et 3, du règlement no 987/2009 que le demandeur ne doit soumettre qu’une seule demande auprès d’une seule institution compétente. Cette dernière, selon qu’elle considère être compétente de manière prioritaire ou subsidiaire, a l’obligation, dans le premier cas, de servir elle-même les prestations familiales demandées et, dans le second cas, de transférer la demande en question à l’institution compétente de l’État membre qu’elle considère être compétent en ordre prioritaire, le tout en vue d’assurer le prompt traitement d’une telle demande de prestations familiales.

66      Au vu de ce qui précède, il convient de répondre à la septième question que l’article 68, paragraphe 3, sous a), du règlement no 883/2004 et l’article 60, paragraphes 2 et 3, du règlement no 987/2009 doivent être interprétés en ce sens qu’ils lient mutuellement l’institution de l’État membre prioritairement compétent et l’institution de l’État membre compétent en ordre subsidiaire, de telle sorte que le demandeur de prestations familiales ne doit déposer qu’une seule demande auprès de l’une de ces institutions et qu’il revient ensuite à ces deux institutions de traiter conjointement ladite demande.

 Sur les huitième et neuvième questions

67      Par ses huitième et neuvième questions, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 4, paragraphe 4, et les articles 45 et 208 TFUE, l’article 4, paragraphe 3, TUE ainsi que les articles 2, 3, 7 et les dispositions du titre II du règlement no 883/2004 doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à ce qu’un État membre supprime, de manière générale, les prestations familiales qu’il servait jusqu’alors aux coopérants qui emmènent les membres de leur famille dans le pays tiers dans lequel ils ont été affectés.

68      En vue de répondre à cette question, il convient de rappeler, s’agissant de l’article 45 TFUE, d’une part, que tout ressortissant de l’Union, indépendamment de son lieu de résidence et de sa nationalité, qui a fait usage du droit à la libre circulation des travailleurs et qui a exercé une activité professionnelle dans un État membre autre que celui de résidence, relève du champ d’application de cette disposition (voir, en ce sens, arrêt du 12 décembre 2002, de Groot, C‑385/00, EU:C:2002:750, point 76 et jurisprudence citée).

69      Si l’article 45 TFUE s’oppose à toute mesure qui, même applicable sans discrimination tenant à la nationalité, est susceptible de gêner ou de rendre moins attrayant l’exercice, par les ressortissants de l’Union, de la liberté fondamentale de circulation que cet article garantit, ledit article n’accorde pas à un travailleur se déplaçant dans un État membre autre que son État membre d’origine le droit de se prévaloir, dans l’État membre d’accueil, de la même couverture sociale que celle dont il bénéficiait dans son État membre d’origine conformément à la législation de ce dernier État (arrêt du 19 septembre 2019, van den Berg e.a., C‑95/18 et C‑96/18, EU:C:2019:767, point 57 ainsi que jurisprudence citée).

70      S’agissant, d’autre part, de l’article 48 TFUE, qui prévoit un système de coordination des législations des États membres, et non leur harmonisation, les différences de fond et de procédure entre les régimes de sécurité sociale de chaque État membre et, partant, dans les droits des personnes qui y sont affiliées ne sont pas touchées par cette disposition, chaque État membre restant compétent pour déterminer dans sa législation, dans le respect du droit de l’Union, les conditions d’octroi des prestations d’un régime de sécurité sociale (arrêt du 19 septembre 2019, van den Berg e.a., C‑95/18 et C‑96/18, EU:C:2019:767, point 59 ainsi que jurisprudence citée).

71      Il convient d’ajouter que le règlement no 883/2004 n’organise pas davantage un régime commun de sécurité sociale, mais laisse subsister des régimes nationaux distincts et a pour unique objet d’assurer une coordination entre ces derniers afin de garantir l’exercice effectif de la libre circulation des personnes. Ainsi, selon une jurisprudence constante de la Cour, les États membres conservent leur compétence pour aménager leurs systèmes de sécurité sociale (voir, en ce sens, arrêt du 23 janvier 2020, Bundesagentur für Arbeit, C‑29/19, EU:C:2020:36, point 39 et jurisprudence citée).

72      Toutefois, dans l’exercice de cette compétence, les États membres doivent respecter le droit de l’Union et, en particulier, les dispositions du traité FUE relatives à la liberté reconnue à tout citoyen de l’Union de circuler et de séjourner sur le territoire des États membres (arrêt du 23 janvier 2020, Bundesagentur für Arbeit, C‑29/19, EU:C:2020:36, point 41 et jurisprudence citée).

73      En l’occurrence, il convient dès lors d’examiner si la République d’Autriche n’a pas contrevenu à ces dispositions lorsqu’elle a décidé de supprimer le droit aux prestations familiales qu’elle servait jusqu’alors aux coopérants qui emmènent les membres de leur famille dans le pays tiers dans lequel ils ont été affectés.

74      À cet égard, il ressort de la demande de décision préjudicielle que cette suppression décidée par le législateur autrichien a un caractère général et trouve à s’appliquer de manière indifférenciée tant aux bénéficiaires ressortissants de cet État membre qu’aux ressortissants des autres États membres, ce qu’il appartient toutefois à la juridiction de renvoi de vérifier.

75      Il n’apparaît dès lors pas que ladite suppression, intervenue à partir du 1er janvier 2019, engendre une discrimination directe en fonction de la nationalité.

76      S’agissant d’une possible discrimination indirecte fondée sur la nationalité des travailleurs concernés, en fonction de l’État membre de leur résidence ou des membres de leur famille, il y a lieu de constater que ni les dispositions du règlement no 883/2004, plus particulièrement ses articles 7 et 67 qui visent à empêcher qu’un État membre puisse faire dépendre l’octroi ou le montant de prestations familiales de la résidence des membres de la famille du travailleur dans l’État membre prestataire (voir, en ce sens, arrêt du 5 octobre 1995, Imbernon Martínez, C‑321/93, EU:C:1995:306, point 21) ni l’article 45 TFUE ne prévoient que le droit à la libre circulation des travailleurs s’applique en dehors du territoire de l’Union. Bien au contraire, il ressort du libellé clair de l’article 45 TFUE que la libre circulation des travailleurs « est assurée à l’intérieur de l’Union ».

77      La suppression des prestations familiales pour les coopérants résidant avec leur famille dans un pays tiers n’est donc pas susceptible de constituer une discrimination indirecte sur le territoire de l’Union si, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier, le traitement appliqué à ces agents à partir du 1er janvier 2019 en matière de prestations familiales ne diffère pas selon qu’ils ont ou non exercé leur droit à la libre circulation en ayant quitté leur État membre d’origine pour s’installer en Autriche, mais dépend exclusivement du point de savoir si les enfants des coopérants concernés résident dans un pays tiers ou dans un autre État membre, y compris en Autriche.

78      Ce constat n’est pas remis en cause par le fait que des coopérants ayant déjà acquis un droit à des prestations familiales pour des périodes passées ont perdu celui-ci à la suite de l’entrée en vigueur, le 1er janvier 2019, de la nouvelle législation, dès lors qu’il n’apparaît pas que la perte de ce droit soit due à l’exercice de leur droit à libre circulation, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier.

79      À cet égard, il convient d’ajouter, d’une part, qu’aucun enseignement pertinent pour la réponse à ces questions ne saurait être tiré des arrêts du 12 juin 1980, Laterza (733/79, EU:C:1980:156), et du 26 novembre 2009, Slanina (C‑363/08, EU:C:2009:732), dès lors que les affaires ayant donné lieu à ces arrêts ne sont comparables, ni en droit ni en fait, à la situation en cause dans l’affaire au principal, telle que décrite dans la demande de décision préjudicielle. En effet, dans ces affaires, étaient en cause des modifications de droits acquis à la suite de l’exercice, sur le territoire de l’Union, du droit à la libre circulation par un ressortissant de l’Union. Or, en l’occurrence, la modification législative concerne les coopérants qui sont en poste et dont les enfants résident avec eux en dehors du territoire de l’Union.

80      D’autre part, la possibilité, évoquée par la juridiction de renvoi, que la suppression des allocations familiales pour les coopérants puisse entraver la libre circulation des travailleurs et, le cas échéant, la rendre moins attractive, voire entraîner une baisse de la demande pour la profession de « coopérant », quand bien même devrait-elle se vérifier dans les faits, ne saurait, en tout état de cause, être à l’origine d’une situation contraire aux articles 45 et 48 TFUE. En effet, ainsi qu’il ressort des points 71 et 72 du présent arrêt, ces dispositions ne prévoient pas une harmonisation des régimes de sécurité sociale des États membres, ces derniers conservant leur compétence pour aménager, dans le respect du droit de l’Union, leurs systèmes de sécurité sociale et le traité FUE ne garantissant pas à un travailleur que l’extension de ses activités dans plus d’un État membre ou leur transfert dans un autre État membre soient neutres en matière de sécurité sociale. Compte tenu des disparités entre les législations de sécurité sociale des États membres, une telle extension ou un tel transfert peuvent, selon les cas, être plus ou moins avantageux ou désavantageux pour le travailleur sur le plan de la protection sociale. Il en découle que, même dans le cas où son application est ainsi moins favorable, une telle législation demeure conforme aux articles 45 et 48 TFUE si elle ne désavantage pas le travailleur concerné par rapport à ceux qui exercent la totalité de leurs activités dans l’État membre où elle s’applique ou par rapport à ceux qui y étaient déjà précédemment assujettis et si elle ne le conduit pas purement et simplement à verser des cotisations sociales à fonds perdus (arrêt du 14 mars 2019, Vester, C‑134/18, EU:C:2019:212, point 32 et jurisprudence citée).

81      Eu égard à ces considérations, il convient de répondre aux huitième et neuvième questions que les articles 45 et 48 TFUE doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à ce qu’un État membre supprime, de manière générale, les prestations familiales qu’il servait jusqu’alors aux coopérants qui emmènent les membres de leur famille dans un pays tiers dans lequel ils ont été affectés, pour autant, d’une part, que cette suppression trouve à s’appliquer de manière indifférenciée tant aux bénéficiaires ressortissants de cet État membre qu’aux bénéficiaires ressortissants des autres États membres et, d’autre part, que ladite suppression implique une différence de traitement entre les coopérants concernés non pas selon qu’ils ont ou non exercé leur droit à la libre circulation avant ou après celle-ci, mais selon que leurs enfants résident avec eux dans un État membre ou dans un pays tiers.

 Sur les dépens

82      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (huitième chambre) dit pour droit :

1)      L’article 11, paragraphe 3, sous a), du règlement (CE) no 883/2004 du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale, doit être interprété en ce sens qu’une travailleuse salariée ressortissante d’un État membre dont elle-même et ses enfants sont résidents, qui est engagée dans les liens d’un contrat de travail en qualité de coopérante par un employeur ayant son siège social dans un autre État membre, qui relève, en vertu de la législation de cet autre État membre, du régime de sécurité sociale obligatoire de ce dernier, qui reçoit son affectation dans un pays tiers non pas immédiatement après son recrutement, mais au terme d’un stage de formation dans ledit autre État membre et qui y retourne par la suite pour une phase de réintégration, doit être regardée comme exerçant une activité salariée dans celui-ci, au sens de cette disposition.

2)      L’article 288, deuxième alinéa, TFUE doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à l’adoption, par un État membre, d’une réglementation nationale dont le champ d’application personnel est plus large que celui du règlement no 883/2004, en ce qu’elle prévoit une assimilation des ressortissants des États parties à l’accord sur l’Espace économique européen, du 2 mai 1992, à ses propres ressortissants, à condition que cette réglementation soit interprétée de manière conforme à ce règlement et que la primauté de ce dernier ne soit pas remise en cause.

3)      L’article 68, paragraphe 3, sous a), du règlement no 883/2004 et l’article 60, paragraphes 2 et 3, du règlement (CE) no 987/2009 du Parlement européen et du Conseil, du 16 septembre 2009, fixant les modalités d’application du règlement no 883/2004, doivent être interprétés en ce sens qu’ils lient mutuellement l’institution de l’État membre prioritairement compétent et l’institution de l’État membre compétent en ordre subsidiaire, de telle sorte que le demandeur de prestations familiales ne doit déposer qu’une seule demande auprès de l’une de ces institutions et qu’il revient ensuite à ces deux institutions de traiter conjointement ladite demande.

4)      Les articles 45 et 48 TFUE doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à ce qu’un État membre supprime, de manière générale, les prestations familiales qu’il servait jusqu’alors aux coopérants qui emmènent les membres de leur famille dans un pays tiers dans lequel ils ont été affectés, pour autant, d’une part, que cette suppression trouve à s’appliquer de manière indifférenciée tant aux bénéficiaires ressortissants de cet État membre qu’aux bénéficiaires ressortissants des autres États membres et, d’autre part, que ladite suppression implique une différence de traitement entre les coopérants concernés non pas selon qu’ils ont ou non exercé leur droit à la libre circulation avant ou après celle-ci, mais selon que leurs enfants résident avec eux dans un État membre ou dans un pays tiers.

Signatures


*      Langue de procédure : l’allemand.

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