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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) |
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You are here: BAILII >> Databases >> Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) >> A. (Exercice du droit a deduction) (Judgment) French Text [2021] EUECJ C-895/19 (18 March 2021) URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2021/C89519.html Cite as: ECLI:EU:C:2021:216, EU:C:2021:216, [2021] EUECJ C-895/19 |
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ARRÊT DE LA COUR (neuvième chambre)
18 mars 2021 (*)
« Renvoi préjudiciel – Fiscalité indirecte – TVA – Directive 2006/112/CE – Acquisition intracommunautaire de biens – Déduction de la taxe due en amont au titre d’une telle acquisition – Exigences formelles – Exigences de fond – Délai de dépôt de la déclaration fiscale – Principes de neutralité fiscale et de proportionnalité »
Dans l’affaire C‑895/19,
ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Wojewódzki Sąd Administracyjny w Gliwicach (tribunal administratif de voïvodie de Gliwice, Pologne), par décision du 4 novembre 2019, parvenue à la Cour le 4 décembre 2019, dans la procédure
A.
contre
Dyrektor Krajowej Informacji Skarbowej,
en présence de :
Rzecznik Małych i Średnich Przedsiębiorców,
LA COUR (neuvième chambre),
composée de M. N. Piçarra, président de chambre, M. S. Rodin et Mme K. Jürimäe (rapporteure), juges,
avocat général : M. H. Saugmandsgaard Øe,
greffier : M. A. Calot Escobar,
vu la procédure écrite,
considérant les observations présentées :
– pour A., par M. M. Bielawski, doradca podatkowy,
– pour le Rzecznik Małych i Średnich Przedsiębiorców, par M. P. Chrupek, radca prawny,
– pour le gouvernement polonais, par M. B. Majczyna, en qualité d’agent,
– pour la Commission européenne, par Mmes M. Siekierzyńska et J. Jokubauskaitė, en qualité d’agents,
vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,
rend le présent
Arrêt
1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 167 et 178 de la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée (JO 2006, L 347, p. 1), telle que modifiée par la directive 2010/45/UE du Conseil, du 13 juillet 2010 (JO 2010, L 189, p. 1) (ci-après la « directive TVA »).
2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant A. au Dyrektor Krajowej Informacji Skarbowej (directeur de l’information fiscale nationale, Pologne) (ci-après l’« autorité fiscale ») au sujet de la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) due en amont au titre d’acquisitions intracommunautaires.
Le cadre juridique
Le droit de l’Union
3 Aux termes de l’article 2, paragraphe 1, sous b), i), de la directive TVA :
« Sont soumises à la TVA les opérations suivantes :
[...]
b) les acquisitions intracommunautaires de biens effectuées à titre onéreux sur le territoire d’un État membre :
i) par un assujetti agissant en tant que tel, ou par une personne morale non assujettie, lorsque le vendeur est un assujetti agissant en tant que tel qui ne bénéficie pas de la franchise pour les petites entreprises prévue aux articles 282 à 292 et qui ne relève pas des dispositions prévues aux articles 33 et 36 ».
4 L’article 68 de cette directive énonce :
« Le fait générateur de la taxe intervient au moment où l’acquisition intracommunautaire de biens est effectuée.
L’acquisition intracommunautaire de biens est considérée comme effectuée au moment où la livraison de biens similaires sur le territoire de l’État membre est considérée comme effectuée. »
5 L’article 69 de ladite directive prévoit :
« Pour les acquisitions intracommunautaires de biens, la taxe devient exigible lors de l’émission de la facture, ou à l’expiration du délai visé à l’article 222, premier alinéa, si aucune facture n’a été émise avant cette date. »
6 Aux termes de l’article 167 de la même directive :
« Le droit à déduction prend naissance au moment où la taxe déductible devient exigible. »
7 L’article 168 de la directive TVA dispose :
« Dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de ses opérations taxées, l’assujetti a le droit, dans l’État membre dans lequel il effectue ces opérations, de déduire du montant de la taxe dont il est redevable les montants suivants :
[...]
c) la TVA due pour les acquisitions intracommunautaires de biens conformément à l’article 2, paragraphe 1, point b) i) ;
[...] »
8 L’article 178 de cette directive énonce :
« Pour pouvoir exercer le droit à déduction, l’assujetti doit remplir les conditions suivantes :
[...]
c) pour la déduction visée à l’article 168, point c), en ce qui concerne les acquisitions intracommunautaires de biens, avoir fait figurer sur la déclaration de TVA prévue à l’article 250 toutes les données nécessaires pour constater le montant de la TVA due au titre de ses acquisitions et détenir une facture établie conformément aux dispositions du titre XI, chapitre 3, sections 3 à 5 ;
[...] ».
9 Aux termes de l’article 179 de ladite directive :
« La déduction est opérée globalement par l’assujetti par imputation, sur le montant de la taxe due pour une période imposable, du montant de la TVA pour laquelle le droit à déduction a pris naissance et est exercé en vertu de l’article 178, au cours de la même période.
Toutefois, les États membres peuvent obliger les assujettis qui effectuent des opérations occasionnelles visées à l’article 12 à n’exercer le droit à déduction qu’au moment de la livraison. »
10 L’article 180 de la même directive est libellé comme suit :
« Les États membres peuvent autoriser un assujetti à procéder à une déduction qui n’a pas été effectuée conformément aux articles 178 et 179. »
11 L’article 181 de la directive TVA dispose :
« Les États membres peuvent autoriser un assujetti qui ne détient pas de facture établie conformément aux dispositions du titre XI, chapitre 3, sections 3 à 5, à procéder à la déduction visée à l’article 168, point c), en ce qui concerne ses acquisitions intracommunautaires de biens. »
12 L’article 182 de cette directive énonce :
« Les États membres déterminent les conditions et modalités d’application des articles 180 et 181. »
13 Aux termes de l’article 222, premier alinéa, de ladite directive :
« Pour les livraisons de biens effectuées dans les conditions prévues à l’article 138 ou pour les prestations de services pour lesquelles la TVA est due par le preneur conformément à l’article 196, une facture est émise au plus tard le quinzième jour du mois suivant celui au cours duquel est intervenu le fait générateur. »
14 L’article 273, premier alinéa, de la même directive prévoit :
« Les États membres peuvent prévoir d’autres obligations qu’ils jugeraient nécessaires pour assurer l’exacte perception de la TVA et pour éviter la fraude, sous réserve du respect de l’égalité de traitement des opérations intérieures et des opérations effectuées entre États membres par des assujettis, et à condition que ces obligations ne donnent pas lieu dans les échanges entre les États membres à des formalités liées au passage d’une frontière. »
Le droit polonais
15 L’article 86 de l’ustawa o podatku od towarów i usług (loi relative à la taxe sur les biens et services), du 11 mars 2004 (Dz. U. de 2018, position 2174), dans sa version applicable au litige au principal (ci-après la « loi relative à la TVA »), dispose :
« 1. Dans la mesure où les biens et les services sont utilisés par l’assujetti aux fins d’opérations taxées, ce dernier bénéficie d’un droit de déduire du montant de la taxe dont il est redevable le montant de la taxe en amont [...]
[...]
10. Le droit de déduire du montant de la taxe due le montant de la taxe en amont prend naissance pendant la période au cours de laquelle l’obligation fiscale relative aux biens et aux services acquis ou importés par l’assujetti a pris naissance.
10b. Le droit de déduire du montant de la taxe due le montant de la taxe en amont dans les cas visés :
[...]
2) au paragraphe 2, point 4, sous c), prend naissance conformément au paragraphe 10, pour autant que l’assujetti :
a) reçoit une facture attestant la livraison des biens qui constitue pour lui une acquisition intracommunautaire de biens, dans les trois mois qui suivent l’expiration du mois au cours duquel est née l’obligation fiscale relative aux biens acquis ;
b) inclut le montant de la taxe due au titre de l’acquisition intracommunautaire de biens dans la déclaration fiscale dans laquelle il est tenu de liquider cette taxe, au plus tard trois mois à compter de la fin du mois au cours duquel l’obligation fiscale relative aux biens acquis a pris naissance.
[...]
10i. Si l’assujetti inclut le montant de la taxe due dans la déclaration fiscale dans laquelle il est tenu de liquider cette taxe, en dehors du délai prévu par le paragraphe 10b, points 2, sous b), et 3, il peut augmenter d’autant le montant de la taxe en amont dans la liquidation effectuée pour la période imposable à l’égard de laquelle le délai de présentation de la déclaration fiscale n’est pas encore expiré.
[...]
13. Si l’assujetti n’a pas déduit du montant de la taxe due le montant de la taxe en amont dans les délais fixés aux paragraphes 10, 10d, 10e et 11, il peut déduire le montant de la taxe due en régularisant la déclaration fiscale pour la période au cours de laquelle le droit à déduction de la taxe a pris naissance, mais au plus tard cinq ans à compter du début de l’année au cours de laquelle le droit à déduction a pris naissance, sous réserve du paragraphe 13a.
13a. Si l’assujetti, en ce qui concerne les acquisitions intracommunautaires de biens, les livraisons de biens et les prestations de services pour lesquelles l’acquéreur de biens ou de services est un assujetti conformément à l’article 17, n’a pas déduit du montant de la taxe due le montant de la taxe en amont dans les délais fixés aux paragraphes 10 et 11, il peut déduire le montant de la taxe due en régularisant la déclaration fiscale pour la période au cours de laquelle le droit à déduction de la taxe a pris naissance, mais au plus tard cinq ans à compter de la fin de l’année au cours de laquelle le droit à déduction a pris naissance. »
16 La rédaction de l’article 86, paragraphe 10b, point 2, sous b), de la loi relative à la TVA est issue d’une modification législative, entrée en vigueur le 1er janvier 2017. Par l’effet de cette modification, l’incise « au plus tard trois mois à compter de la fin du mois au cours duquel l’obligation fiscale relative aux biens acquis a pris naissance » a été insérée dans cette disposition. Antérieurement à cette date, ladite disposition ne faisait état d’aucun délai. Par cette même modification, le paragraphe 10i a été ajouté à l’article 86 de cette loi.
Le litige au principal et la question préjudicielle
17 A. est une société qui effectue, dans le cadre de son activité commerciale, notamment des acquisitions intracommunautaires de biens sur le territoire polonais. Elle utilise ces biens aux fins d’opérations soumises à la TVA sur ce territoire.
18 A. a saisi l’autorité fiscale d’une demande de rescrit fiscal au sujet de la situation factuelle suivante. Dans certaines situations, elle ne serait pas en mesure de mentionner la TVA due, résultant d’acquisitions intracommunautaires, dans la déclaration fiscale soumise dans un délai de trois mois à compter de la fin du mois au cours duquel l’obligation fiscale relative aux biens acquis a pris naissance. Dans ce cas, elle mentionnerait cette TVA après l’expiration de ce délai, au moyen d’une régularisation de sa déclaration fiscale. Il pourrait en aller ainsi en cas de réception tardive d’une facture, de classification incorrecte de l’opération par A. ou d’une erreur de la part de la personne chargée des registres et des déclarations de TVA.
19 Concrètement, A. a demandé à l’autorité fiscale si elle pouvait, dans un tel cas, déduire la TVA due en amont au titre d’une acquisition intracommunautaire de biens au cours de la même période imposable que celle durant laquelle la TVA due a été déclarée, et cela même si elle a effectué la régularisation de la déclaration de TVA en dehors du délai de trois mois prévu à l’article 86, paragraphe 10b, point 2, sous b), de la loi relative à la TVA. Selon A., cette question appelle une réponse affirmative, dès lors que cette disposition ajoute une exigence supplémentaire aux conditions auxquelles est soumis le droit à déduction, posées par la directive TVA et qu’elle est contraire aux principes de neutralité fiscale et de proportionnalité.
20 Ainsi qu’il ressort du dossier dont dispose la Cour, le 27 décembre 2018, l’autorité fiscale a adopté un rescrit fiscal contraignant, selon lequel le délai de trois mois prévu à l’article 86, paragraphe 10b, point 2, sous b), de la loi relative à la TVA ne limite pas le droit à déduction et ne saurait, partant, être considéré comme étant incompatible avec la directive TVA ou avec les principes de neutralité fiscale et de proportionnalité. En outre, l’article 178 de cette directive autoriserait les États membres à introduire des formalités conditionnant le droit à déduction, telles que ce délai de trois mois.
21 A. a saisi la juridiction de renvoi, le Wojewódzki Sąd Administracyjny w Gliwicach (tribunal administratif de voïvodie de Gliwice, Pologne), d’un recours tendant à l’annulation dudit rescrit fiscal. À l’appui de son recours, elle a fait valoir que l’article 86, paragraphe 10b, point 2, sous b), de la loi relative à la TVA est incompatible avec les articles 167 et 178 de la directive TVA ainsi qu’avec les principes de neutralité fiscale et de proportionnalité.
22 La juridiction de renvoi nourrit des doutes quant à la compatibilité de l’article 86, paragraphe 10b, point 2, sous b), de la loi relative à la TVA avec le droit de l’Union.
23 Elle précise que, depuis le 1er janvier 2017, cette disposition énonce une nouvelle condition de délai, selon laquelle le bénéfice du droit à déduction est subordonné au dépôt d’une déclaration fiscale dans un délai de trois mois à compter de la fin du mois au cours duquel l’obligation fiscale relative aux biens acquis a pris naissance. Une fois ce délai passé, l’assujetti doit régulariser la déclaration soumise antérieurement et ne peut déduire la TVA due en amont au titre de l’acquisition intracommunautaire de biens que pour la période en cours, conformément à l’article 86, paragraphe 10i, de la loi relative à la TVA. L’assujetti supporterait ainsi la charge économique de la TVA due et, le cas échéant, du paiement d’intérêts.
24 Selon l’exposé des motifs ayant accompagné cette modification législative, celle-ci devrait permettre un meilleur contrôle des échanges intracommunautaires, au sujet desquels des irrégularités auraient été constatées, et de l’autoliquidation de la TVA.
25 La juridiction de renvoi souligne également que l’article 86 de la loi relative à la TVA instaure un délai de cinq ans pour la régularisation de la TVA due, tandis que cet article prévoit deux délais pour l’exercice du droit à déduction, à savoir, d’une part, un délai de forclusion de trois mois pour liquider cette taxe et, d’autre part, un délai de prescription de cinq ans. Ce délai de forclusion serait susceptible de poser des difficultés au regard du droit de l’Union.
26 En effet, il ressortirait de la jurisprudence de la Cour que les États membres peuvent, en principe, prévoir des délais de forclusion pour l’exercice du droit à déduction, pour autant qu’ils respectent les principes d’équivalence et d’effectivité. En outre, de tels délais ne devraient pas porter atteinte au principe de neutralité fiscale et devraient être proportionnés, en ce sens qu’ils n’introduisent pas de formalités excessives par rapport aux objectifs poursuivis et n’entraînent pas de charge économique pour l’assujetti. Afin d’apprécier le respect de ces principes, il conviendrait de prendre en considération les raisons ayant occasionné le retard dans la déclaration fiscale, selon que ces raisons sont indépendantes de l’assujetti ou qu’elles reflètent des erreurs qui lui sont imputables.
27 En l’occurrence, la juridiction de renvoi souligne que, d’une part, l’instauration d’un délai de forclusion de trois mois, dont la durée paraîtrait en principe suffisante, est de nature à inciter l’assujetti à la discipline, tout en luttant contre les abus de droit. Ainsi, ce délai viserait à prévenir les situations dans lesquelles, en présence d’un montant de TVA en amont égal à celui de la TVA due, des assujettis utiliseraient les possibilités de régularisation tardive à des fins d’optimisation fiscale et d’abus de droit. D’autre part, il existerait toutefois des situations dans lesquelles l’assujetti ne serait pas en mesure de respecter ce délai de trois mois, en particulier en cas d’émission tardive ou irrégulière de la facture ou d’irrégularités imputables aux opérateurs postaux. Or, l’article 86, paragraphe 10b, point 2, sous b), de la loi relative à la TVA n’opérerait aucune distinction selon que l’assujetti est ou non de bonne foi.
28 Cette juridiction parvient à la conclusion que les articles 167 et 178 de la directive TVA devraient être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une réglementation nationale, telle que l’article 86, paragraphe 10b, point 2, sous b), de la loi relative à la TVA, dans la mesure où ledit délai de trois mois s’applique à un assujetti de bonne foi.
29 C’est dans ces conditions que le Wojewódzki Sąd Administracyjny w Gliwicach (tribunal administratif de voïvodie de Gliwice) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante :
« [L]es dispositions combinées des articles 167 et 178 de la directive [TVA] doivent-elles être interprétées en ce sens qu’elles s’opposent à une réglementation nationale en vertu de laquelle l’exercice du droit à déduction de la taxe d’amont au cours de la même période imposable que celle durant laquelle la taxe d’amont est due sur des opérations constituant des acquisitions intracommunautaires de biens, est subordonné à l’indication de la taxe due au titre de ces opérations dans la déclaration fiscale appropriée, déposée dans un délai de forclusion qui, en Pologne, est de trois mois à compter de la fin du mois au cours duquel l’obligation fiscale relative aux biens et aux services acquis a pris naissance ? »
Sur la question préjudicielle
30 Par sa question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si les articles 167 et 178 de la directive TVA doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une réglementation nationale en vertu de laquelle l’exercice du droit à déduction de la TVA afférente à une acquisition intracommunautaire, au cours de la même période imposable que celle durant laquelle la TVA est due, est subordonné à la mention de la TVA due dans la déclaration fiscale déposée dans un délai de trois mois à compter de la fin du mois au cours duquel l’obligation fiscale relative aux biens acquis a pris naissance.
31 À titre liminaire, il convient de rappeler que, dans le cadre des acquisitions intracommunautaires, en application du régime de l’autoliquidation, aucun paiement de la TVA n’a lieu entre l’acquéreur et le fournisseur d’un bien, l’acquéreur étant redevable, pour les acquisitions intracommunautaires qu’il a effectuées, de la TVA en amont, tout en pouvant, en principe, déduire cette même taxe, de telle sorte qu’aucun montant n’est dû à l’administration fiscale (voir, en ce sens, arrêt du 11 décembre 2014, Idexx Laboratories Italia, C‑590/13, EU:C:2014:2429, point 33).
32 Selon une jurisprudence constante de la Cour, le droit des assujettis de déduire de la TVA dont ils sont redevables la TVA due ou acquittée pour les biens acquis et les services reçus par eux en amont constitue un principe fondamental inhérent au système commun de TVA mis en place par la législation de l’Union (arrêts du 11 décembre 2014, Idexx Laboratories Italia, C‑590/13, EU:C:2014:2429, point 30 et jurisprudence citée, ainsi que du 15 septembre 2016, Senatex, C‑518/14, EU:C:2016:691, point 26 et jurisprudence citée). Ainsi que la Cour l’a itérativement souligné, ce droit fait partie intégrante du mécanisme de TVA et ne peut, en principe, être limité (arrêt du 15 septembre 2016, Senatex, C‑518/14, EU:C:2016:691, point 37 et jurisprudence citée).
33 Le régime des déductions vise à soulager entièrement l’entrepreneur du poids de la TVA due ou acquittée dans le cadre de toutes ses activités économiques. Le système commun de TVA garantit, par conséquent, la neutralité quant à la charge fiscale de toutes les activités économiques, quels que soient les buts ou les résultats de ces activités, à condition que lesdites activités soient, en principe, elles-mêmes soumises à la TVA (arrêt du 15 septembre 2016, Senatex, C‑518/14, EU:C:2016:691, point 27 et jurisprudence citée).
34 En vertu de l’article 167 de la directive TVA, le droit à déduction de la TVA en amont prend naissance au moment où la taxe déductible devient exigible. Selon l’article 69 de cette directive, pour les acquisitions intracommunautaires de biens, la taxe devient exigible lors de l’émission de la facture ou à l’expiration du délai visé à l’article 222, premier alinéa, de ladite directive, si aucune facture n’a été émise avant cette date.
35 En outre, le droit à déduction de la TVA est subordonné au respect des conditions de fond et de forme prévues par la directive TVA (voir, en ce sens, arrêt du 26 avril 2018, Zabrus Siret, C‑81/17, EU:C:2018:283, point 35).
36 Les conditions de fond requises pour la naissance du droit à déduction de la TVA due pour les acquisitions intracommunautaires de biens conformément à l’article 2, paragraphe 1, sous b), i), de cette directive sont énumérées à l’article 168, sous c), de celle-ci. Ces conditions requièrent que ces acquisitions aient été effectuées par un assujetti, que ce dernier soit également le redevable de la TVA relative auxdites acquisitions et que les biens en cause soient utilisés pour les besoins de ses opérations taxées.
37 Les conditions formelles du droit à déduction de la TVA règlent, en revanche, les modalités et le contrôle de l’exercice de celui-ci ainsi que le bon fonctionnement du système commun de TVA, telles que les obligations relatives à la comptabilité, à la facturation et à la déclaration (arrêt du 11 décembre 2014, Idexx Laboratories Italia, C‑590/13, EU:C:2014:2429, point 42).
38 S’agissant de la TVA due pour des acquisitions intracommunautaires, il ressort de l’article 178, sous c), de la directive TVA que l’exercice du droit à déduction est subordonné à la condition que l’assujetti ait fait figurer sur la déclaration de TVA prévue à l’article 250 de cette directive toutes les données nécessaires pour constater le montant de la TVA due au titre de ses acquisitions et qu’il détienne une facture établie conformément aux dispositions du titre XI, chapitre 3, sections 3 à 5, de ladite directive.
39 En outre, selon l’article 179, premier alinéa, de la directive TVA, la déduction est opérée globalement par imputation, sur le montant de la taxe due pour une période imposable, du montant de la TVA « pour laquelle le droit à déduction a pris naissance et est exercé, en vertu de l’article 178, au cours de la même période ».
40 Il en résulte, selon la jurisprudence de la Cour, que le droit à déduction de la TVA doit, en principe, être exercé au titre de la période au cours de laquelle, d’une part, ce droit a pris naissance et, d’autre part, l’assujetti est en possession d’une facture (voir, en ce sens, arrêts du 29 avril 2004, Terra Baubedarf-Handel, C‑152/02, EU:C:2004:268, point 34, et du 15 septembre 2016, Senatex, C‑518/14, EU:C:2016:691, point 35).
41 Ainsi, le droit à déduction s’exerce, en principe, au cours de la même période que celle pendant laquelle il a pris naissance, à savoir, eu égard à l’article 167 de la directive TVA, au moment où la taxe devient exigible (voir, en ce sens, arrêt du 26 avril 2018, Zabrus Siret, C‑81/17, EU:C:2018:283, point 36).
42 Néanmoins, en vertu des articles 180 et 182 de la directive TVA, un assujetti peut être autorisé à procéder à la déduction même s’il n’a pas exercé son droit au cours de la période pendant laquelle ce droit a pris naissance, sous réserve du respect de certaines conditions et modalités fixées par les réglementations nationales (arrêts du 12 juillet 2012, EMS-Bulgaria Transport, C‑284/11, EU:C:2012:458, point 46 et jurisprudence citée, ainsi que du 26 avril 2018, Zabrus Siret, C‑81/17, EU:C:2018:283, point 37).
43 À cet égard, les États membres ont la faculté d’adopter, en vertu de l’article 273 de la directive TVA, des mesures afin d’assurer l’exacte perception de la taxe et d’éviter la fraude. Celles-ci ne doivent cependant pas aller au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre de tels objectifs et ne doivent pas remettre en cause la neutralité de la TVA (arrêts du 12 juillet 2012, EMS-Bulgaria Transport, C‑284/11, EU:C:2012:458, point 47 et jurisprudence citée, ainsi que du 15 septembre 2016, Barlis 06 – Investimentos Imobiliários e Turísticos, C‑516/14, EU:C:2016:690, point 47 et jurisprudence citée).
44 En l’occurrence, selon la réglementation nationale en cause au principal, le droit à déduction de la TVA afférente à une acquisition intracommunautaire prend naissance pour autant que, dans un délai de trois mois à compter de la fin du mois au cours duquel l’obligation fiscale relative aux biens acquis a pris naissance, l’assujetti, d’une part, reçoit une facture attestant la livraison des biens qui constitue pour lui une acquisition intracommunautaire de biens et, d’autre part, mentionne le montant de la TVA due au titre de cette acquisition dans la déclaration fiscale dans laquelle il est tenu de liquider cette taxe. En l’absence d’une telle mention dans la déclaration déposée dans ce délai, l’assujetti peut encore régulariser sa déclaration dans un délai de cinq ans à compter de la fin de l’année au cours de laquelle le droit à déduction de la TVA due au titre d’une acquisition intracommunautaire a pris naissance. Dans ce cas, l’assujetti doit liquider la TVA due au titre de cette acquisition de manière rétroactive tandis qu’il peut déduire la TVA afférente à cette même acquisition seulement pour la période fiscale en cours.
45 À cet égard, premièrement, dans la mesure où une telle réglementation paraît subordonner la naissance même du droit à déduction à des conditions d’obtention d’une facture et de déclaration, il convient de relever que, eu égard aux points 34 et 36 du présent arrêt, la naissance du droit à déduction ne peut être subordonnée qu’aux seules conditions de fond prévues par la directive TVA et qui, pour une acquisition intracommunautaire, sont énumérées à l’article 168, sous c), de cette directive. En revanche, elle ne dépend pas nécessairement de l’obtention d’une facture ni de la déclaration et de la liquidation de la TVA due au titre d’une telle acquisition dans un délai particulier.
46 Deuxièmement, une réglementation nationale, telle que celle décrite au point 44 du présent arrêt, peut avoir pour conséquence que la liquidation d’un montant de TVA exigible et du même montant de TVA déductible, afférents à une seule et même acquisition intracommunautaire, n’aura pas lieu au cours de la même période fiscale, indépendamment des circonstances de l’espèce, de la bonne foi de l’assujetti et des raisons de la déclaration tardive de la TVA due au titre d’une telle acquisition. L’application de cette réglementation retarde, en raison de la seule méconnaissance d’une condition formelle, l’exercice du droit à déduction de la TVA due au titre d’acquisitions intracommunautaires. Ainsi, elle fait temporairement peser sur l’assujetti la charge de la TVA.
47 Or, d’une part, il ressort d’une jurisprudence constante de la Cour que, dans le cadre du régime de l’autoliquidation, le principe fondamental de neutralité de la TVA exige que la déduction de la taxe en amont soit accordée si les exigences de fond sont satisfaites, même si certaines exigences formelles ont été omises par l’assujetti. Dès lors que l’administration fiscale dispose des données nécessaires pour établir que les exigences de fond sont satisfaites, elle ne saurait imposer, en ce qui concerne le droit de l’assujetti de déduire cette taxe, des conditions supplémentaires pouvant avoir pour effet de réduire à néant l’exercice de ce droit (arrêts du 12 juillet 2012, EMS-Bulgaria Transport, C‑284/11, EU:C:2012:458, point 62 et jurisprudence citée, ainsi que du 11 décembre 2014, Idexx Laboratories Italia, C‑590/13, EU:C:2014:2429, points 38 et 40 ainsi que jurisprudence citée). Il peut en aller autrement si la violation de telles exigences formelles a pour effet d’empêcher d’apporter la preuve certaine que les exigences de fond ont été satisfaites (arrêts du 12 juillet 2012, EMS-Bulgaria Transport, C‑284/11, EU:C:2012:458, point 71 et jurisprudence citée, ainsi que du 11 décembre 2014, Idexx Laboratories Italia, C‑590/13, EU:C:2014:2429, point 39).
48 D’autre part, il convient de relever que l’exigence, rappelée au point 41 du présent arrêt, selon laquelle le droit à déduction s’exerce, en principe, au cours de la période au cours de laquelle la taxe est devenue exigible est de nature à garantir la neutralité fiscale. En effet, elle permet de garantir que l’acquittement de la TVA et sa déduction interviennent au cours de la même période, de telle sorte que l’assujetti soit entièrement soulagé du poids de la TVA due ou acquittée dans le cadre de toutes ses activités économiques (voir, en ce sens, arrêt du 29 avril 2004, Terra Baubedarf-Handel, C‑152/02, EU:C:2004:268, points 35 à 37).
49 Il serait contraire à cette logique de faire temporairement peser sur l’assujetti la charge de la TVA due au titre d’une acquisition intracommunautaire, a fortiori dès lors que, ainsi qu’il ressort du point 31 du présent arrêt, aucun montant n’est dû à l’administration fiscale au titre d’une telle acquisition.
50 Partant, et sous réserve de la réunion des conditions de fond du droit à déduction de la TVA qu’il revient à la juridiction de renvoi de vérifier, l’application d’une réglementation nationale ne saurait empêcher, de manière automatique et en raison de la méconnaissance d’une exigence formelle, l’exercice du droit à déduction de la TVA due au titre d’une acquisition intracommunautaire au cours de la même période que celle de la liquidation du même montant de TVA, sans que soient prises en compte l’ensemble des circonstances pertinentes et, notamment, la bonne foi de l’assujetti.
51 Aucune conclusion différente ne saurait être tirée de la jurisprudence de la Cour, selon laquelle les États membres peuvent prévoir, pour des motifs de sécurité juridique, un délai de forclusion dont l’échéance a pour conséquence de sanctionner le contribuable insuffisamment diligent, qui a omis de réclamer la déduction de la TVA en amont, en lui faisant perdre le droit à déduction, pour autant, d’une part, que ce délai s’applique de la même manière aux droits analogues en matière fiscale fondés sur le droit interne et à ceux fondés sur le droit de l’Union (principe d’équivalence) et, d’autre part, qu’il ne rend pas en pratique impossible ou excessivement difficile l’exercice du droit à déduction (principe d’effectivité) (voir, en ce sens, arrêt du 26 avril 2018, Zabrus Siret, C‑81/17, EU:C:2018:283, point 38 et jurisprudence citée).
52 En effet, il découle des éléments exposés aux points 44 et 46 du présent arrêt que le délai de trois mois instauré, par la réglementation nationale en cause au principal, aux fins de la déclaration de la TVA afférente à une acquisition intracommunautaire ne saurait être assimilé à un délai de forclusion, au sens de cette jurisprudence, emportant la perte du droit à déduction.
53 Cela étant, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence citée au point 43 du présent arrêt, les États membres sont compétents pour prévoir, dans le respect du principe de proportionnalité, des sanctions en cas de non-respect des conditions formelles relatives à l’exercice du droit à déduction de la TVA en vertu de l’article 273 de la directive TVA. Notamment, le droit de l’Union n’empêche pas les États membres d’infliger, le cas échéant, une amende ou une sanction pécuniaire proportionnée à la gravité de l’infraction afin de sanctionner la méconnaissance des exigences formelles (arrêt du 15 septembre 2016, Barlis 06 – Investimentos Imobiliários e Turísticos, C‑516/14, EU:C:2016:690, point 48 ainsi que jurisprudence citée).
54 En revanche, une réglementation nationale qui interdirait de manière systématique l’exercice du droit à déduction de la TVA afférente à une acquisition intracommunautaire au cours de la même période que celle au cours de laquelle le même montant de TVA doit être liquidé, sans prévoir la prise en considération de l’ensemble des circonstances pertinentes et, notamment, de la bonne foi de l’assujetti, va au-delà de ce qui est nécessaire, d’une part, pour assurer l’exacte perception de la TVA, dans une hypothèse où, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence mentionnée au point 31 du présent arrêt, aucun montant de TVA n’est dû à l’administration fiscale, et, d’autre part, pour éviter la fraude fiscale.
55 Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la question posée que les articles 167 et 178 de la directive TVA doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une réglementation nationale en vertu de laquelle l’exercice du droit à déduction de la TVA afférente à une acquisition intracommunautaire, au cours de la même période imposable que celle durant laquelle la TVA est due, est subordonné à la mention de la TVA due dans la déclaration fiscale déposée dans un délai de trois mois à compter de la fin du mois au cours duquel l’obligation fiscale relative aux biens acquis a pris naissance.
Sur les dépens
56 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.
Par ces motifs, la Cour (neuvième chambre) dit pour droit :
Les articles 167 et 178 de la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée, telle que modifiée par la directive 2010/45/UE du Conseil, du 13 juillet 2010, doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une réglementation nationale en vertu de laquelle l’exercice du droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) afférente à une acquisition intracommunautaire, au cours de la même période imposable que celle durant laquelle la TVA est due, est subordonné à la mention de la TVA due dans la déclaration fiscale déposée dans un délai de trois mois à compter de la fin du mois au cours duquel l’obligation fiscale relative aux biens acquis a pris naissance.
Signatures
* Langue de procédure : le polonais.
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