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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) |
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You are here: BAILII >> Databases >> Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) >> Lucaccioni v Commission (Judgment (extracts)) French Text [2021] EUECJ T-316/19 (16 June 2021) URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2021/T31619.html Cite as: [2021] EUECJ T-316/19, ECLI:EU:T:2021:367, EU:T:2021:367 |
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ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre)
16 juin 2021 (*)
« Fonction publique – Fonctionnaires – Sécurité sociale – Article 73 du statut – Réglementation commune relative à la couverture des risques d’accident et de maladie professionnelle – Maladie professionnelle – Article 9 – Demande de remboursement de frais médicaux – Article 23 – Consultation d’un autre médecin – Refus de saisir la commission médicale sur le fondement de l’article 22 – Absence d’application, par analogie, de l’article 22, paragraphe 1, deuxième alinéa – Règle de concordance entre la requête et la réclamation – Application de la loi dans le temps »
Dans l’affaire T‑316/19,
Arnaldo Lucaccioni, demeurant à San Benedetto del Tronto (Italie), représenté par Me E. Bonanni, avocat,
partie requérante,
contre
Commission européenne, représentée par MM. T. Bohr et L. Vernier, en qualité d’agents, assistés de Me A. Dal Ferro, avocat,
partie défenderesse,
ayant pour objet une demande fondée sur l’article 270 TFUE et tendant, d’une part, à l’annulation de la décision de la Commission du 2 août 2018 rejetant les demandes du requérant des 23 mars et 8 juin 2018 de saisine de la commission médicale conformément à l’article 22 de la réglementation commune relative à la couverture des risques d’accident et de maladie professionnelle des fonctionnaires des Communautés européennes et, d’autre part, à la réparation des préjudices que le requérant aurait prétendument subis du fait de cette décision,
LE TRIBUNAL (quatrième chambre),
composé de M. S. Gervasoni, président, Mme R. Frendo et M. J. Martín y Pérez de Nanclares (rapporteur), juges,
greffier : M. E. Coulon,
rend le présent
Arrêt (1)
Cadre juridique et antécédents du litige
Cadre juridique
[omissis]
3 L’article 18 de la réglementation de couverture, sous le titre « Décisions », prévoit :
« Les décisions relatives à la reconnaissance de l’origine accidentelle d’un événement, qu’il soit attribué aux risques résultant du travail ou de la vie privée, et les décisions qui y sont liées relatives à la reconnaissance de l’origine professionnelle de la maladie ainsi qu’à la fixation du degré d’invalidité permanente, sont prises par l’autorité investie du pouvoir de nomination suivant la procédure prévue à l’article 20 :
– sur la base des conclusions émises par le ou les médecins désignés par les institutions et
– si l’assuré le requiert, après consultation de la commission médicale visée à l’article 22. »
4 En ce qui concerne la composition et les travaux de la commission médicale, l’article 22, paragraphe 1, premier et deuxième alinéas, de la réglementation de couverture, intitulé « Commission médicale », prévoit ce qui suit :
« 1. La commission médicale est composée de trois médecins désignés :
– le premier, par l’assuré ou ses ayants droit,
– le deuxième, par l’autorité investie du pouvoir de nomination,
– le troisième, du commun accord des deux médecins ainsi désignés.
À défaut d’accord sur la désignation du troisième médecin, dans un délai de deux mois à compter de la désignation du deuxième médecin, le troisième médecin est commis d’office par le président de la Cour de justice [de l’Union européenne] à l’initiative d’une des parties. »
5 L’article 23, paragraphe 1, premier alinéa, de la réglementation de couverture, intitulé « Consultation d’un autre médecin », dispose :
« 1. Dans les cas non prévus à l’article 18, lorsqu’une décision est à prendre après avis du médecin désigné par l’autorité investie du pouvoir de nomination, celle-ci, préalablement à cette décision, en notifie le projet à l’assuré ou à ses ayants droit, accompagné des conclusions du médecin. L’assuré ou ses ayants droit peuvent, dans un délai de trente jours, demander la consultation d’un autre médecin, à choisir de commun accord par le médecin désigné par l’autorité investie du pouvoir de nomination et par celui désigné par l’assuré ou ses ayants droit. Si, à l’expiration de ce délai, aucune demande de consultation n’a été déposée, ladite autorité prend la décision telle que le projet en a été notifié. »
[omissis]
Procédure et conclusions des parties
28 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 23 mai 2019, le requérant a introduit le présent recours.
29 Le 6 août 2019, la Commission a déposé le mémoire en défense.
30 Le 3 octobre 2019, le requérant a déposé la réplique.
31 Par décision adoptée le 25 octobre 2019, en application de l’article 27, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, le président du Tribunal a réattribué l’affaire à un nouveau juge rapporteur, affecté à la quatrième chambre.
32 Le 18 novembre 2019, la Commission a déposé la duplique.
33 Par courrier du 19 novembre 2019, les parties ont été informées de la clôture de la phase écrite de la procédure et de la possibilité, pour elles, de demander la tenue d’une audience dans les conditions prévues à l’article 106 du règlement de procédure. Par lettre du 13 décembre 2019, le requérant a demandé la tenue d’une audience dans le délai prévu.
34 Dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 89, paragraphe 3, sous a) et d), du règlement de procédure, le Tribunal a, le 15 juin 2020, demandé aux parties de répondre à une série de questions et de produire une version lisible de certains documents. Les parties ont répondu aux questions et le requérant a déféré à la demande de production de documents dans le délai imparti.
35 Sur proposition du juge rapporteur, le Tribunal (quatrième chambre) a décidé d’ouvrir la phase orale de la procédure. Toutefois, le requérant ayant, à la suite d’une demande du Tribunal, en substance indiqué, par lettre du 16 juillet 2020, qu’il n’assisterait finalement pas à l’audience de plaidoiries, le Tribunal (quatrième chambre) a décidé, en application de l’article 108, paragraphe 2, du règlement de procédure, de clore la phase orale de la procédure.
36 Par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le 16 juillet 2020, le requérant a, sur le fondement de l’article 86 du règlement de procédure, adapté la requête de sorte que le recours vise, en substance, la prise en considération, après que le requérant en a eu connaissance, « d’un acte, constitutif d’un élément nouveau, ayant pour effet de réduire de façon automatique les prétentions initiales du recours, afin “de tenir compte de cet élément nouveau”, en vue de l’annulation de la décision du 2 août 2018 de la Commission ». Par acte déposé au greffe du Tribunal le 18 septembre 2020, la Commission a conclu au rejet du mémoire en adaptation du requérant comme étant irrecevable.
37 Le 14 septembre 2020, le requérant a déposé un mémoire contenant un moyen nouveau. La Commission a présenté ses observations sur ledit mémoire le 30 septembre 2020.
38 Dans la requête, le requérant conclut, en substance, à ce qu’il plaise au Tribunal :
– « [annuler] la décision de la Commission figurant dans le courriel, du 2 août 2018, à la deuxième page, premier paragraphe, par laquelle “pour faire avancer le dossier, [l’AIPN] a décidé de s’inspirer de la règle expressément prévue à l’article 22, [paragraphe 1, deuxième alinéa,] de la réglementation de couverture pour les cas où aucun accord n’est trouvé, en ce qui concerne la nomination du troisième médecin, entre le médecin qui représente l’assuré et celui qui représente l’institution et de l’appliquer, par analogie, aux fins de désigner un autre médecin dans [la présente] affaire” ;
– condamner, si les pouvoirs du Tribunal le permettent, la Commission [à payer au requérant] la somme de 21 440 euros, qui correspond au remboursement des frais [...] pour les “traitements nécessités par les suites des lésions subies et leurs manifestations, et s’il y a lieu, des frais nécessités par la réadaptation fonctionnelle” et nécessaires pour “une remise en état d’urgence, puisque la béance était susceptible d’aggraver une situation clinique déjà compromise par la maladie avec des épisodes continus et répétés d’infections des voies respiratoires supérieures” ;
– à titre subsidiaire, imposer[,] autoriser ou adopter toute autre mesure afin que la Commission reconnaisse que les circonstances de l’espèce, dans le cas spécifique du requérant et compte tenu de ses antécédents liés à la maladie professionnelle, relèvent manifestement du cas décrit à l’article 10 de [l’ancienne réglementation de couverture], et procède au remboursement de la somme demandée à titre principal ;
– à titre plus subsidiaire, imposer à la Commission, conformément à l’approche indiquée dans la décision [litigieuse] qui consiste à “s’inspirer de la règle expressément prévue à l’article 22 de la règlementation [de couverture]” dans le cas spécifique du requérant et à “l’appliquer par analogie”, de demander à la commission médicale de donner son avis, conformément à l’article 20 de la réglementation [de couverture] ;
– condamner la Commission au paiement des intérêts moratoires à compter du 23 janvier 2017, date du refus de remboursement des dépenses pour les traitements effectués, jusqu’au paiement, en suivant le calcul no 238 (annexe A.04) ;
– condamner la Commission à indemniser [le requérant] du préjudice subi pour un montant de 500 000 euros ou tout autre montant [...] déterminé ex æquo et bono, en raison du caractère volontaire ou vexatoire des actes et omissions illégales de la Commission, notamment pour le comportement anormal des trois médecins consultés, qui ont entre autres nié les fonctions les plus élémentaires du nez, en prétendant en pratique que, dans le cas spécifique du requérant, respirer par la bouche est aussi sain que de respirer par le nez ;
– condamner, en tout état de cause, la Commission aux dépens. »
39 Dans la défense, la Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– rejeter le recours ;
– condamner le requérant aux dépens.
40 Dans la réplique, le requérant conclut, en outre, à ce qu’il plaise au Tribunal de « déclarer qu’[il] a droit, à titre provisoire, y compris par ordonnance séparée, à la somme de 7 754 euros, représentant le remboursement prévu par le [bureau liquidateur] et ayant été autorisé à l’époque, sur la base des documents produits à deux reprises, lesquels sont en possession de la Commission ».
41 Dans la duplique, la Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal de rejeter également la demande formulée par le requérant dans la réplique.
En droit
[omissis]
Sur le fond
98 Le premier chef de conclusions vise à demander l’annulation de la décision litigieuse, par laquelle, selon le requérant, l’AIPN s’inspire, à tort, de la règle expressément visée à l’article 22, paragraphe 1, deuxième alinéa, de la réglementation de couverture, applicable aux cas où « aucun accord n’est trouvé entre le médecin qui représente l’assuré et celui qui représente l’institution pour nommer le troisième médecin », afin de l’appliquer, par analogie, aux fins de désigner un « autre médecin ».
99 Le quatrième chef de conclusions, soulevé à titre plus subsidiaire, vise, en substance, à imposer à la Commission de s’inspirer de la règle expressément prévue à l’article 22 de la réglementation de couverture, telle qu’indiquée dans la décision litigieuse, dans le cas spécifique du requérant et de l’appliquer par analogie, en demandant à la commission médicale de donner son avis, conformément à l’article 20 de la réglementation de couverture.
100 Ainsi, par les formulations des premier et quatrième chefs de conclusions, le requérant vise, d’une part, à contester la position de la Commission privilégiant une application sélective, en ne recourant qu’au paragraphe 1, deuxième alinéa, de l’article 22 de la réglementation de couverture dans le cas d’espèce, et, d’autre part, à contester la décision de la Commission de ne pas recourir à l’ensemble de la procédure prévue audit article. Il convient, dès lors, d’analyser ces deux chefs de conclusions ensemble.
[omissis]
106 En premier lieu, il importe de relever que, contrairement à ce qui est soutenu par le requérant dans le cadre du quatrième chef de conclusions, consistant, en substance, à s’inspirer de la règle de procédure visant à saisir la commission médicale afin de réexaminer sa demande de remboursement des frais, la réglementation de couverture distingue clairement deux cas de figure concernant le réexamen d’un projet de décision.
107 Dans le premier cas de figure, si l’assuré le demande, la décision est adoptée après consultation de la commission médicale conformément à l’article 18, deuxième tiret, de la réglementation de couverture. Dans le second cas de figure, l’assuré peut demander la consultation pour avis d’un « autre médecin » dans les cas autres que ceux visés à l’article 18 de ladite réglementation. À la suite de la notification de ces projets de décision, les deux procédures instituent respectivement un délai de 60 jours et de 30 jours dans lesquels l’assuré peut demander le réexamen desdits projets. Si, à l’expiration du délai, aucune demande de consultation n’a été déposée, l’AIPN adopte la décision telle qu’elle en a été notifiée par le projet.
108 Il résulte de ces dispositions que les décisions adoptées, comme en l’espèce, dans le cadre d’une demande de remboursement des dépenses, conformément à l’article 9, paragraphe 1, de la réglementation de couverture, ne relèvent pas, comme le souligne justement la Commission, du champ d’application matériel de l’article 18 de la réglementation de couverture. En effet, cet article porte sur « les décisions relatives à la reconnaissance de l’origine accidentelle d’un événement, qu’il soit attribué aux risques résultant du travail ou de la vie privée, et les décisions qui y sont liées relatives à la reconnaissance de l’origine professionnelle de la maladie ainsi qu’à la fixation du degré d’invalidité permanente ». Ces termes étant clairs, ils ne peuvent être interprétés de sorte à y inclure les décisions relatives à des demandes de remboursement de frais au sens de l’article 9, paragraphe 1, de la réglementation de couverture.
109 En outre, contrairement à ce que suggère le requérant, il ne s’agit pas de déterminer un quelconque droit de recourir à l’ensemble de la procédure applicable à une demande de remboursement, mais bien de déterminer la procédure de désignation de l’« autre médecin » applicable en cas de désaccord entre les parties au sujet de ladite désignation. En effet, sur ce point, l’article 23 de la réglementation de couverture ne comporte aucune lacune qui justifierait l’application de l’ensemble de la procédure prévue à l’article 22 de ladite réglementation.
110 Dès lors, les décisions adoptées en vertu de l’article 9, paragraphe 1, de la réglementation de couverture concernent des hypothèses différentes de celles couvertes par son article 18 et sont régies par la procédure décrite à son article 23.
111 Il découle de la conclusion formulée au point 110 ci-dessus que le requérant ne saurait se prévaloir du fait que l’AIPN a, en l’espèce, décidé de recourir en partie et par analogie, pour ce qui concerne la désignation de l’« autre médecin » prévue par l’article 23 de la réglementation de couverture, à la procédure prévue par l’article 22, paragraphe 1, deuxième alinéa, de la réglementation de couverture pour en déduire que, a fortiori, l’ensemble de la procédure prévue audit article 22 devrait s’appliquer à sa demande de remboursement. De même, il ne saurait tirer du refus de remboursement de frais opposé par le médecin désigné par l’AIPN aucun droit de saisine de la commission médicale. Par conséquent, le premier motif de la décision litigieuse est fondé en ce que l’article 22 de la réglementation de couverture ne vise pas les décisions relatives à un remboursement de frais médicaux.
112 En deuxième lieu, compte tenu de la conclusion retenue au point 110 ci-dessus, il convient d’apprécier la légalité du recours, par analogie, à la procédure prévue par l’article 22, paragraphe 1, deuxième alinéa, de la réglementation de couverture, telle que contestée par le requérant et défendue par la Commission, afin de désigner l’« autre médecin » au sens de l’article 23 de ladite réglementation.
113 Il ressort des termes de l’article 9, paragraphe 1, de la réglementation de couverture, intitulé « Remboursement des dépenses », que cet article institue un droit au remboursement de « tous les frais nécessités […] pour tous les soins et traitements nécessités par les suites des lésions subies et leurs manifestations et, s’il y a lieu, des frais nécessités par la réadaptation fonctionnelle et professionnelle de la victime ». En revanche, il ne comporte aucune précision concernant la procédure applicable aux demandes de remboursement de frais médicaux.
114 À cet égard, il convient de se référer à l’article 23, paragraphe 1, de la réglementation de couverture, qui, conformément à son champ d’application matériel résiduel, définit la procédure applicable aux décisions relatives aux cas non prévus à l’article 18 de la réglementation de couverture, situation dont relève la décision litigieuse.
115 Il est vrai que, comme l’indiquent les parties, l’article 23, paragraphe 1, de la réglementation de couverture, intitulé « Consultation d’un autre médecin », ne précise pas explicitement la procédure à suivre pour désigner l’« autre médecin » afin de remédier, le cas échéant, à un désaccord entre le médecin désigné par l’AIPN et le médecin désigné par l’assuré.
116 Toutefois, le principe de sécurité juridique justifie une interprétation axée sur les dispositions du droit de l’Union afin de garantir un haut degré de prévisibilité (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 22 mai 2008, Glaxosmithkline et Laboratoires Glaxosmithkline, C‑462/06, EU:C:2008:299, points 32 et 33). Il importe, afin d’assurer une telle prévisibilité, de rester, dans la mesure du possible, fidèle à la lettre des dispositions interprétées.
117 Admettre que, à défaut d’accord entre le médecin désigné par l’AIPN et le médecin désigné par l’assuré pour la nomination de l’« autre médecin », il convient de recourir à la procédure prévue par l’article 22, paragraphe 1, deuxième alinéa, de la réglementation de couverture risquerait de modifier le champ d’application de la procédure de consultation telle qu’elle a initialement été envisagée par ses auteurs. En outre, ainsi qu’il résulte du préambule de la réglementation de couverture, il appartient aux institutions, et non au Tribunal, d’arrêter, d’un commun accord, la réglementation de couverture et, par conséquent, de prévoir, le cas échéant, une telle procédure ou d’opérer un renvoi explicite à l’article 22, paragraphe 1, deuxième alinéa, de la réglementation de couverture.
118 En outre, selon une jurisprudence bien établie, bien qu’une interprétation d’une disposition du droit de l’Union « à la lumière » du contexte juridique dans lequel elle s’insère ou de sa finalité soit en principe possible pour résoudre une ambiguïté de rédaction, une telle interprétation ne saurait avoir pour résultat de retirer tout effet utile au libellé clair et précis de cette disposition sous peine d’être incompatible avec les exigences du principe de sécurité juridique (voir, en ce sens, arrêts du 8 décembre 2005, BCE/Allemagne, C‑220/03, EU:C:2005:748, point 31 ; du 15 juillet 2010, Commission/Royaume‑Uni, C‑582/08, EU:C:2010:429, points 46, 49 et 51 et jurisprudence citée, et du 22 septembre 2016, Parlement/Conseil, C-14/15 et C-116/15, EU:C:2016:715, point 70).
119 Dès lors que les institutions n’ont pas explicitement prévu le recours à une désignation d’office par le président de la Cour de l’« autre médecin », ni n’ont marqué leur accord sur cette application par analogie, il n’appartient pas au Tribunal de l’imposer de manière prétorienne. À cet égard, le Tribunal ne saurait ignorer le libellé clair et précis d’une disposition qui prévoit seulement la possibilité de désigner un « autre médecin » choisi d’un commun accord par le médecin désigné par l’AIPN et celui désigné par l’assuré. Par conséquent, la Commission ne pouvait pas appliquer, par analogie à la situation d’espèce, l’article 22, paragraphe 1, deuxième alinéa, de la réglementation de couverture.
120 En troisième lieu, la conclusion retenue au point précédent ne saurait être remise en cause par les arguments de la Commission. Cette dernière justifie le recours à l’application par analogie de la règle de désignation du « troisième médecin » prévue par l’article 22, paragraphe 1, deuxième alinéa, de la réglementation de couverture en raison de la nécessité de trouver une solution à la situation d’impasse causée par l’impossibilité de nommer un « autre médecin » au sens de l’article 23 de la réglementation de couverture et de l’absence, dans l’article en question, d’une réglementation expresse applicable dans un tel cas. De plus, le choix de ce recours serait selon la Commission équilibré et permettrait de concilier équitablement les intérêts de l’ancien fonctionnaire et de l’administration. Ce choix serait fondé sur le devoir de sollicitude et le principe de bonne administration qui incombent à l’institution.
121 À cet égard, tout d’abord, l’argument de la Commission selon lequel, en raison de la nécessité de trouver une solution à la situation d’impasse caractérisant le cas d’espèce, la disposition de l’article 23 de la réglementation de couverture devrait, en présence d’un désaccord sur la désignation d’un « autre médecin », être lue comme prévoyant le recours par analogie à la procédure prévue à l’article 22, paragraphe 1, deuxième alinéa, de la réglementation de couverture est incompatible avec le libellé clair de ladite disposition et ne trouve, de surcroît, aucun appui dans d’autres éléments de la réglementation de couverture.
122 D’ailleurs, il convient de relever que l’allégation de la Commission selon laquelle le choix de recourir à la règle de désignation d’un troisième médecin prévue par l’article 22, paragraphe 1, deuxième alinéa, de la réglementation de couverture serait équilibré et permettrait de concilier équitablement les intérêts de l’ancien fonctionnaire et de l’administration est contestée par le requérant. En particulier, les arguments présentés relatifs au contenu incertain du mandat de cet « autre médecin » désigné par le président de la Cour, à la documentation qui serait envoyée à ce dernier sans droit de regard du requérant et au caractère définitif de la décision de cette procédure de réexamen ad hoc témoignent, à tout le moins, de ce que le requérant conteste que ce choix soit équilibré et concilie les intérêts des parties en présence. En effet, en présence d’une procédure ad hoc comme celle en cause, les arguments du requérant peuvent être interprétés comme faisant valoir que le principe de sécurité juridique ne serait pas respecté en raison du défaut de prévisibilité de cette procédure.
123 Par ailleurs, la circonstance que d’autres dispositions de la réglementation de couverture prévoient une procédure semblable, ou que celle-ci soit justifiée par le devoir de sollicitude et le principe de bonne administration qui incombent à l’institution, ne saurait justifier que l’interprétation de l’article 23, paragraphe 1, premier alinéa, de la réglementation de couverture figurant dans la décision litigieuse soit retenue.
124 Selon une jurisprudence constante, le devoir de sollicitude reflète l’équilibre des droits et des obligations réciproques que les conditions d’emploi et les règles applicables au personnel ont créés dans les relations entre l’autorité publique et les agents du service public, ce qui implique notamment que, lorsqu’elle statue à propos de la situation d’un fonctionnaire, l’autorité prenne en considération l’ensemble des éléments qui sont susceptibles de déterminer sa décision et que, ce faisant, elle tienne compte non seulement de l’intérêt du service, mais aussi de celui du fonctionnaire concerné. Cette dernière obligation est imposée à l’administration par le principe de bonne administration consacré à l’article 41 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne [voir arrêts du 5 décembre 2006, Angelidis/Parlement, T‑416/03, EU:T:2006:375, point 117 et jurisprudence citée, et du 13 décembre 2017, Arango Jaramillo e.a./BEI, T‑482/16 RENV, EU:T:2017:901, point 131 (non publié) et jurisprudence citée].
125 En outre, les obligations découlant pour l’administration du devoir de sollicitude sont substantiellement renforcées lorsqu’est en cause la situation d’un fonctionnaire dont il est avéré que la santé, physique ou mentale, est affectée (voir arrêt du 18 novembre 2014, McCoy/Comité des régions, F‑156/12, EU:F:2014:247, point 106 et jurisprudence citée ; voir également, en ce sens et par analogie, arrêt du 7 novembre 2019, WN/Parlement, T‑431/18, non publié, EU:T:2019:781, point 106).
126 Toutefois, dans le cadre du devoir de sollicitude, la protection des droits et des intérêts des fonctionnaires doit toujours trouver sa limite dans le respect des normes en vigueur (voir arrêt du 5 décembre 2006, Angelidis/Parlement, T‑416/03, EU:T:2006:375, point 117 et jurisprudence citée). En particulier, ce dernier ne saurait conduire l’administration à donner à une disposition communautaire un effet qui irait à l’encontre des termes clairs et précis de cette disposition (arrêts du 27 juin 2000, K/Commission, T‑67/99, EU:T:2000:169, point 68, et du 26 mars 2020, Teeäär/BCE, T‑547/18, EU:T:2020:119, points 87 à 89).
127 En l’espèce, s’il est vrai que la décision litigieuse s’inscrit dans le cadre plus général d’une demande de remboursement de frais médicaux qui serait liée à la maladie professionnelle du requérant, le fait que les obligations de l’administration découlant du devoir de sollicitude soient substantiellement renforcées ne signifie pas que la Commission puisse aller à l’encontre des termes clairs et précis de l’article 23, paragraphe 1, premier alinéa, de la réglementation de couverture. Si, en vertu du devoir de sollicitude, la Commission est effectivement tenue de trouver une solution à la situation de blocage existante, cette solution doit être respectueuse du cadre réglementaire qui s’impose à elle.
128 Par conséquent, la Commission ne peut invoquer le devoir de sollicitude pour justifier l’application par analogie de la règle de désignation du troisième médecin prévue par l’article 22, paragraphe 1, deuxième alinéa, de la réglementation de couverture dès lors que la disposition de l’article 23, paragraphe 1, premier alinéa, de ladite réglementation s’oppose à une telle application et n’est d’ailleurs incompatible avec aucun principe général du droit (voir, en ce sens, arrêt du 15 février 2011, Marcuccio/Commission, F‑81/09, EU:F:2011:13, point 55).
129 En quatrième lieu, la conclusion retenue au point 119 ci-dessus ne saurait pas davantage être remise en cause par les arguments du requérant. Tout d’abord, ce dernier fait valoir, en substance, qu’il aurait le droit de se voir appliquer la procédure de consultation de la commission médicale prévue par l’article 22 de la réglementation de couverture dans la mesure où l’avis d’un organe collégial offrirait plus de garanties que celui d’un seul médecin dans le cadre d’un dossier et d’un mandat pratiquement secrets. À cet égard, il semble faire référence, notamment, au respect de ses droits de la défense, dans le cadre de l’article 23 de ladite réglementation, tant au cours de la procédure d’examen ayant conduit à l’adoption du projet de décision du 30 juin 2017 qu’au cours de la procédure de réexamen actuellement pendante. Plus particulièrement, il mentionne, d’une part, la prise en compte de son dossier médical personnel et de ses antécédents liés à la maladie professionnelle et, d’autre part, la mise à disposition auprès de l’« autre médecin », par le médecin de l’assuré, de documents adéquats au cas d’espèce.
130 À cet égard, il ressort de la jurisprudence que, dans le cadre de leur examen concret et circonstancié de la situation qui leur est soumise, les médecins désignés par l’AIPN doivent se prononcer sur la base de la littérature scientifique, mais ils ne sauraient faire abstraction de l’état de santé effectif et complet de la personne concernée. Au demeurant, cette obligation de tenir compte de la situation personnelle de l’assuré serait imposée par le devoir de sollicitude (voir, en ce sens, arrêts du 9 décembre 2009, Commission/Birkhoff, T‑377/08 P, EU:T:2009:485, point 88, et du 25 mai 2016, GW/Commission, F‑111/15, EU:F:2016:122, point 40).
131 Aussi, l’« autre médecin » chargé de réexaminer la pertinence du remboursement de la prestation médicale au regard de la maladie professionnelle du requérant doit avoir connaissance de l’étendue et des conséquences induites par celle-ci et avoir accès au contenu des décisions.
132 En outre, il ressort de la jurisprudence que, pour émettre valablement un avis médical, il faut que le médecin soit en mesure de prendre connaissance de la totalité des documents susceptibles d’être utiles pour son appréciation (voir, par analogie, arrêts du 15 juillet 1997, R/Commission, T‑187/95, EU:T:1997:119, point 49, et du 29 février 2012, AM/Parlement, F‑100/10, EU:F:2012:24, point 92). Ainsi, comme le rappelle justement la Commission, le médecin désigné par l’assuré a la possibilité de présenter et de défendre son point de vue en soumettant des documents complémentaires.
133 Ensuite, l’argument du requérant visant à démontrer que les médecins de la Commission ne seraient pas impartiaux, à la lumière de l’arrêt du 24 octobre 1996, Commission/Royale belge (C‑76/95, EU:C:1996:406), est dénué de fondement et ne remet pas en cause la conclusion retenue au point 119 ci-dessus. En effet, par cet argument formulé de manière générale et cette référence jurisprudentielle succincte, le requérant ne développe pas en quoi dans la situation d’espèce, et à l’égard de quelle entité précisément, les médecins désignés par l’institution auraient manqué d’impartialité dans l’adoption d’une décision relative au remboursement des frais demandés.
134 Par conséquent, la procédure d’examen et celle de réexamen, telles que régies par l’article 23 de la réglementation de couverture, offrent des garanties suffisantes concernant le respect des droits de la défense du requérant dans le cadre de l’examen de sa demande de remboursement de frais, de sorte qu’il ne saurait revendiquer la nomination d’une commission médicale pour assurer le respect de ces droits.
135 Dès lors, le second motif de la décision litigieuse, selon lequel l’administration a décidé de s’inspirer de la règle prévue à l’article 22, paragraphe 1, deuxième alinéa, de la réglementation de couverture afin de demander au président de la Cour de désigner d’office un « autre médecin », est erroné en droit.
136 Toutefois, il ressort de la jurisprudence que, dans la mesure où certains motifs d’une décision sont, à eux seuls, de nature à justifier à suffisance de droit celle-ci, les vices dont pourraient être entachés d’autres motifs de l’acte sont, en tout état de cause, sans influence sur son dispositif. En outre, dès lors que le dispositif d’une décision de la Commission repose sur plusieurs piliers de raisonnement dont chacun suffirait à lui seul à fonder ce dispositif, il n’y a lieu d’annuler cet acte, en principe, que si chacun de ces piliers est entaché d’illégalité. Dans cette hypothèse, une erreur ou une autre illégalité qui n’affecterait qu’un seul des piliers du raisonnement ne saurait suffire à justifier l’annulation de la décision litigieuse, dès lors que cette erreur n’a pu avoir une influence déterminante quant au dispositif retenu par l’institution auteur de cette décision (voir arrêt du 10 novembre 2017, Icap e.a./Commission, T‑180/15, EU:T:2017:795, point 74 et jurisprudence citée).
137 En l’espèce, l’erreur de droit entachant le second motif de la décision litigieuse n’est pas de nature à entraîner l’annulation de cette décision, étant donné qu’elle n’a pas pu avoir d’incidence sur son résultat. En effet, conformément à la conclusion retenue par le Tribunal aux points 110 et 111 ci-dessus, le premier motif de la décision litigieuse, indiquant que la procédure prévue à l’article 22 de la réglementation de couverture ne vise pas les décisions relatives à un remboursement de frais médicaux, est fondé et suffit à justifier à suffisance de droit le refus de saisine de la commission médicale opposé dans la décision litigieuse.
138 Partant, les premier et quatrième chefs de conclusions doivent être rejetés comme étant non fondés.
[omissis]
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (quatrième chambre)
déclare et arrête :
1) Le recours est rejeté.
2) M. Arnaldo Lucaccioni est condamné aux dépens.
Gervasoni | Frendo | Martín y Pérez de Nanclares |
Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 16 juin 2021.
Signatures |
* Langue de procédure : l’italien.
1 Ne sont reproduits que les points du présent arrêt dont le Tribunal estime la publication utile.
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