EC v Comittee of the Regions (Judgment (extracts)) French Text [2021] EUECJ T-355/19 (16 June 2021)


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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions)


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URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2021/T35519.html
Cite as: EU:T:2021:369, [2021] EUECJ T-355/19, ECLI:EU:T:2021:369

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ARRÊT DU TRIBUNAL (septième chambre)

16 juin 2021 (*)

« Fonction publique – Agents temporaires – Article 2, sous c), du RAA – Contrat à durée indéterminée – Résiliation anticipée avec préavis – Article 47, sous c), i), du RAA – Rupture du lien de confiance – Modalités de préavis – Détournement de procédure – Droit d’être entendu – Principe de bonne administration – Droits de la défense – Erreur manifeste d’appréciation »

Dans l’affaire T‑355/19,

CE, représentée par Me M. Casado García‑Hirschfeld, avocate,

partie requérante,

contre

Comité des régions, représenté par Mme S. Bachotet et M. M. Esparrago Arzadun, en qualité d’agents, assistés de Me B. Wägenbaur, avocat,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 270 TFUE et tendant, d’une part, à l’annulation, à titre principal, de la décision du 16 avril 2019 par laquelle le Comité des régions a résilié le contrat de travail de la requérante et, à titre subsidiaire, de la lettre du 16 mai 2019 par laquelle il a prorogé la date jusqu’à laquelle la requérante pouvait récupérer ses effets personnels et accéder à sa messagerie électronique pendant la période de préavis et, d’autre part, à la réparation des préjudices matériel et moral que la requérante aurait prétendument subis du fait de ces décisions,

LE TRIBUNAL (septième chambre),

composé de M. R. da Silva Passos, président, Mme I. Reine et M. M. Sampol Pucurull (rapporteur), juges,

greffier : Mme M. Marescaux, administratrice,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 10 décembre 2020,

rend le présent

Arrêt (1)

[omissis]

II.    Procédure et conclusions des parties

38      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 13 juin 2019, la requérante a introduit le présent recours. Par acte séparé, déposé au greffe du Tribunal le même jour, la requérante a introduit une demande en référé, fondée sur les articles 278 et 279 TFUE et tendant, d’une part, au sursis à exécution, à titre principal, de la décision attaquée et, à titre subsidiaire, de la lettre du 16 mai 2019 et, d’autre part, à l’adoption de mesures provisoires relatives aux modalités de la période de préavis. En application de l’article 91, paragraphe 4, du statut, la procédure au principal a été suspendue.

39      Par ordonnance du 12 juillet 2019, CE/Comité des régions (T‑355/19 R, non publiée, EU:T:2019:543), le président du Tribunal a rejeté la demande en référé de la requérante, au motif que celle-ci n’avait pas établi à suffisance de droit l’urgence à surseoir à l’exécution des actes visés, et a réservé les dépens.

40      Conformément à l’article 91, paragraphe 4, du statut, la procédure au principal a été reprise à la suite de l’adoption, le 10 octobre 2019, de la décision explicite de rejet de la réclamation de la requérante.

41      La composition du Tribunal ayant été modifiée, par décision du 18 octobre 2019, le président du Tribunal, en application de l’article 27, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, a réattribué l’affaire à un nouveau juge rapporteur, affecté à la septième chambre.

42      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 18 octobre 2019, la requérante a demandé que l’anonymat lui soit accordé en application de l’article 66 du règlement de procédure. Par décision du 29 octobre 2019, le Tribunal a fait droit à cette demande.

43      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 20 mai 2020, la requérante a demandé la tenue d’une audience sur la base de l’article 106, paragraphe 2, du règlement de procédure.

44      Le 24 septembre 2020, le Tribunal a, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 89 du règlement de procédure, posé plusieurs questions écrites aux parties pour réponse orale lors de l’audience et a demandé la production de certains documents au Comité des régions. Le Comité des régions a déféré à cette demande dans le délai qui lui était imparti.

45      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal lors de l’audience du 10 décembre 2020.

46      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée et, subsidiairement, la lettre du 16 mai 2019 ;

–        ordonner la réparation du préjudice matériel subi, qui s’élève à la somme de 19 200 euros, et du préjudice moral subi, estimé à 83 208,24 euros ;

–        condamner le Comité des régions aux dépens.

47      Le Comité des régions conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

III. En droit

A.      Sur les conclusions en annulation

[omissis]

2.      Sur le fond

[omissis]

a)      Sur le premier moyen, tiré d’un détournement de procédure et de la violation des articles 47 et 49 du RAA et des articles 23 et 24 de l’annexe IX du statut

55      La requérante soutient que l’AHCC du Comité des régions n’était pas habilitée à résilier unilatéralement son contrat avec préavis, conformément à l’article 47, sous c), i), du RAA, tout en la suspendant de ses fonctions, en vertu de l’article 49, paragraphe 1, du RAA, sans respecter les règles régissant l’adoption de la mesure administrative de suspension, telles qu’établies par les articles 23 et 24 de l’annexe IX du statut. Dès lors, la requérante considère qu’une décision de l’AHCC qui prévoit conjointement la résiliation de son contrat en application de l’article 47, sous c), i), du RAA et la suspension de ses fonctions pendant toute la période du préavis constitue, conformément à la jurisprudence, un détournement de procédure.

56      Dans la réplique, la requérante précise que, contrairement aux affirmations du Comité des régions, la décision attaquée comporte non pas une « dispense de prester », mais une mesure de suspension. À cet égard, elle souligne que, conformément à la jurisprudence, la « dispense de prester » renvoie à une autorisation de ne pas faire ce qui est prescrit. Or, la décision attaquée lui aurait imposé de ne pas exercer ses fonctions pendant la période de préavis. Par ailleurs, la requérante fait valoir que le maintien de son salaire pendant la période de préavis n’est pas un élément pertinent à cet égard. Selon la requérante, il est évident que la dispense de service qui lui a été imposée n’est guère différente d’une suspension de fonctions.

57      En outre, la requérante relève que le Comité des régions ne saurait justifier sa décision de la suspendre de ses fonctions pendant la période de préavis par une impossibilité d’aménager autrement cette période, découlant de l’intérêt du service. Elle soutient à cet égard que, si le Comité des régions estimait que son comportement s’apparentait à un motif grave susceptible d’entraîner son licenciement sans préavis, il lui appartenait de diligenter à son égard une procédure disciplinaire.

58      Le Comité des régions conteste les arguments de la requérante.

59      Il convient de rappeler que le détournement de procédure constitue une expression particulière de la notion de détournement de pouvoir, laquelle a une portée précise se référant à l’usage de ses pouvoirs par une autorité administrative dans un but autre que celui en vue duquel ils lui ont été conférés. Un acte n’est entaché de détournement de pouvoir que s’il apparaît, sur la base d’indices objectifs, pertinents et concordants, avoir été pris dans le but exclusif, ou à tout le moins déterminant, d’atteindre des fins autres que celles excipées ou d’éluder une procédure spécialement prévue par le statut pour parer aux circonstances de l’espèce (voir, en ce sens, arrêt du 16 octobre 2019, ZV/Commission, T‑684/18, non publié, EU:T:2019:748, point 35 et jurisprudence citée).

60      S’agissant de la procédure permettant de résilier le contrat à durée indéterminée d’un agent temporaire, il ressort de l’article 47, sous c), i), du RAA que l’engagement prend fin à l’issue du préavis prévu dans ce contrat. Par ailleurs, l’article 49, paragraphe 1, du RAA prévoit que, après accomplissement de la procédure disciplinaire prévue à l’annexe IX du statut, applicable par analogie, l’engagement peut être résilié sans préavis pour motif disciplinaire en cas de manquement grave aux obligations auxquelles l’agent temporaire est tenu, commis volontairement ou par négligence, et que, préalablement à une telle résiliation, l’agent concerné peut faire l’objet d’une mesure de suspension dans les conditions prévues aux articles 23 et 24 de l’annexe IX du statut.

61      À cet égard, selon une jurisprudence établie, en raison du large pouvoir d’appréciation dont dispose l’AHCC en cas de faute susceptible de justifier le licenciement d’un agent temporaire, rien ne l’oblige à engager une procédure disciplinaire à l’encontre de ce dernier plutôt que de recourir à la faculté de résiliation unilatérale du contrat prévue à l’article 47, sous c), du RAA et ce n’est que dans l’hypothèse où l’AHCC entend licencier un agent temporaire sans préavis, en cas de manquement grave à ses obligations, qu’il convient d’engager, conformément à l’article 49, paragraphe 1, du RAA, la procédure disciplinaire organisée à l’annexe IX du statut pour les fonctionnaires et applicable par analogie aux agents temporaires [voir arrêt du 2 avril 2019, Fleig/SEAE, T‑492/17, EU:T:2019:211, point 97 (non publié) et jurisprudence citée].

62      En l’espèce, il convient de constater que la résiliation du contrat de la requérante a été motivée essentiellement par la rupture du lien de confiance entre le groupe et la requérante, en raison d’une gestion inappropriée de ses collaborateurs et de l’impact que ladite gestion a eu sur la santé de ceux-ci, sans qu’un motif disciplinaire ait été retenu contre la requérante dans la décision attaquée. En effet, l’AHCC du Comité des régions a choisi de résilier le contrat de la requérante en application de l’article 47, sous c), i), du RAA, et non pas de faire application de l’article 49, paragraphe 1, du RAA.

63      Il s’ensuit que, en principe, l’AHCC du Comité des régions était habilitée à résilier le contrat de la requérante sur le fondement de l’article 47, sous c), i), du RAA, avant son échéance et avec un préavis de six mois, sans devoir procéder à l’ouverture d’une procédure disciplinaire.

64      Cela étant, il est également indiqué dans la décision attaquée que, dans la mesure où les relations directes de travail de la requérante avec ses collaborateurs risquaient de dégrader la santé de ces derniers et de maintenir un environnement de travail difficile, elle était dispensée de fournir les prestations découlant de son contrat durant la période de préavis de six mois tout en étant assurée de conserver sa rémunération et les prestations sociales liées à son contrat. En outre, dans la décision attaquée, l’AHCC du Comité des régions a précisé que la requérante pourrait accéder à son bureau pour récupérer ses effets personnels dans les deux semaines suivant le début de la période de préavis et que le bureau serait ensuite utilisé par l’institution en fonction de ses besoins et ne serait plus accessible pour la requérante. Par ailleurs, elle a indiqué que l’accès à sa messagerie électronique se ferait uniquement en « mode lecture » pendant le mois suivant le début de la période de préavis, avant que cette messagerie ne soit désactivée de façon automatique. Enfin, conformément à la décision attaquée, la requérante conservait le droit d’accéder aux locaux du Comité des régions pendant la période de préavis, mais devait toutefois restituer sa carte de service qui serait remplacée par une nouvelle carte, étant dès lors empêchée d’accéder aux réunions du bureau du groupe et aux séances plénières.

65      Ce faisant, les conséquences que l’AHCC du Comité des régions a entendu tirer de la rupture du lien de confiance ont, certes, consisté principalement dans la résiliation du contrat de la requérante sur la base de l’article 47, sous c), i), du RAA, mais aussi, accessoirement, dans les aménagements de la période de préavis envisagés pour autant qu’ils impliquaient une modification substantielle de ses conditions de travail, y compris la dispense de fournir les prestations de travail découlant de son contrat durant la période de préavis.

66      À cet égard, il y a lieu de relever que, si l’article 47, sous c), i), du RAA ne prévoit pas explicitement que les conditions de travail de l’agent dont le contrat est résilié puissent faire l’objet d’aménagements pendant la période de préavis, de sorte que cette période est présumée constituer une période de travail normal, il n’en demeure pas moins que les institutions, organes et organismes de l’Union disposent d’un large pouvoir d’appréciation dans l’organisation de leurs services et dans l’affectation du personnel qui se trouve à leur disposition, pour autant que cette affectation se fasse dans l’intérêt du service et qu’elle respecte l’équivalence des emplois y compris en ce qui concerne les membres du personnel qui sont dans une phase de préavis (voir, par analogie, arrêt du 13 décembre 2017, CJ/ECDC, T‑703/16 RENV, non publié, EU:T:2017:892, point 42).

67      Par ailleurs, il a été jugé que, sans méconnaître la faculté dont dispose l’AHCC, en cas de faute susceptible de justifier le licenciement d’un agent, de recourir à la résiliation unilatérale du contrat prévue à l’article 47, sous c), i), du RAA plutôt que d’engager une procédure disciplinaire à l’encontre de cet agent, il y a lieu de considérer, néanmoins, que le choix de recourir, dans de telles circonstances, à une résiliation de contrat impose de respecter l’exigence d’un préavis qui constitue un élément central desdites dispositions. Partant, si l’AHCC considère que les manquements qu’elle reproche à un agent s’opposent à la poursuite de l’exécution, dans des conditions normales, de son contrat pendant une période de préavis, elle doit en tirer les conséquences et, dès lors, engager une procédure disciplinaire tout en recourant à une mesure de suspension, conformément à l’article 49, paragraphe 1, du RAA, sauf si l’intéressé a été régulièrement dispensé de l’exercice de ses fonctions (arrêt du 13 décembre 2017, CJ/ECDC, T‑703/16 RENV, non publié, EU:T:2017:892, point 51).

68      En outre, lorsque, dans le cas d’une faute susceptible de justifier le licenciement d’un agent, l’AHCC décide de résilier avec préavis le contrat de l’agent concerné au lieu d’engager une procédure disciplinaire à l’encontre de celui-ci, il appartient à l’AHCC, dans le cadre de son pouvoir de détermination des fonctions administratives que cet agent est appelé à exercer pendant cette période, d’indiquer à ce dernier, de façon motivée et dans le texte de la décision de résiliation du contrat, qu’il doit, le cas échéant, s’abstenir d’exercer certaines fonctions déterminées (voir arrêt du 13 décembre 2017, CJ/ECDC, T‑703/16 RENV, non publié, EU:T:2017:892, point 43 et jurisprudence citée).

69      Pour autant, il ne saurait être exclu que, dans certaines circonstances particulières, les motifs de résiliation du contrat de travail d’une personne sur le fondement de l’article 47 du RAA trouvent leur source dans une situation justifiant que les institutions, organes ou organismes de l’Union puissent considérer, dans le cadre de leur large pouvoir d’appréciation dans l’organisation des services et dans l’affectation du personnel qui se trouve à leur disposition, que l’intérêt du service exige de retirer à la personne concernée l’ensemble de ses tâches pendant la durée de son préavis.

70      Tel peut être spécifiquement le cas lors du licenciement pour rupture du lien de confiance d’un agent recruté, comme la requérante, sur le fondement de l’article 2, sous c), du RAA et à l’encontre duquel, comme c’est également son cas, aucune faute grave au sens de l’article 23 de l’annexe IX du statut n’a été retenue ni même alléguée.

71      En effet, tous les agents temporaires recrutés sur le fondement de l’article 2, sous c), du RAA ont un contrat de travail conclu intuitu personae ayant pour élément essentiel la confiance mutuelle (voir, en ce sens, arrêt du 17 octobre 2006, Bonnet/Cour de justice, T‑406/04, EU:T:2006:322, points 47 et 101).

72      Ainsi, comme l’a souligné le Comité des régions lors de l’audience, la rupture d’un tel lien de confiance mutuelle peut être de nature à rendre impossible que la personne ou l’entité à l’origine du recrutement de l’agent temporaire confie à ce dernier la moindre tâche pendant la période de préavis.

73      En pareille hypothèse, la décision de ne pas confier la moindre tâche pendant la période de préavis à l’agent temporaire dont le contrat est résilié constitue une mesure prise dans l’intérêt du service et ne saurait être nécessairement assimilée, comme le fait valoir en substance la requérante, à une décision de suspension prise en vertu des articles 23 et 24 de l’annexe IX du statut. De même, lorsque la situation à l’origine de la rupture du lien de confiance à l’égard d’un agent temporaire recruté sur le fondement de l’article 2, sous c), du RAA rend impossible le fait que cet agent se voie confier des tâches pendant la période de préavis, il ne saurait être imposé à l’AHCC d’ouvrir une procédure disciplinaire pendant cette période.

74      La requérante n’avance, par ailleurs, aucun élément de nature à établir qu’elle aurait, en réalité, été suspendue et licenciée pour motif disciplinaire.

75      Dans ces conditions, il convient de conclure que la thèse de la requérante au soutien de son premier moyen repose sur une prémisse erronée selon laquelle l’AHCC du Comité des régions a adopté, à son égard, une mesure de suspension pour motif disciplinaire sur le fondement des articles 23 et 24 de l’annexe IX du statut, mesure qui aurait imposé que la résiliation de son contrat de travail soit adoptée à l’issue d’une procédure disciplinaire conformément à l’article 49 du RAA.

76      Partant, l’AHCC du Comité des régions pouvait, sans que cela implique un détournement de procédure, résilier le contrat de travail de la requérante sur le fondement de l’article 47 du RAA tout en décidant que celle-ci ne devait pas travailler durant la période de préavis.

77      Il s’ensuit que le premier moyen doit être rejeté comme non fondé.

b)      Sur le deuxième moyen, tiré de la violation du droit à des conditions de travail justes et équitables, du principe de bonne administration et de l’interdiction de toute forme de harcèlement

[omissis]

1)      Sur la première branche, tirée, en substance, de la violation du principe de bonne administration, des droits de la défense et du droit d’être entendu

[omissis]

ii)    Sur la prétendue violation du droit d’être entendu dans le cadre de l’adoption de la décision attaquée en tant qu’elle prévoit des modalités d’aménagement de la période de préavis de la requérante

92      Conformément à l’article 41, paragraphe 2, de la Charte, le droit à une bonne administration comporte, notamment, le droit de toute personne d’être entendue avant qu’une mesure individuelle qui l’affecterait défavorablement ne soit prise à son égard.

93      En particulier, le droit d’être entendu garantit à toute personne la possibilité de faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue au cours de la procédure administrative et avant l’adoption de toute décision susceptible d’affecter de manière défavorable ses intérêts (voir arrêts du 4 avril 2019, OZ/BEI, C‑558/17 P, EU:C:2019:289, point 53 et jurisprudence citée, et du 10 janvier 2019, RY/Commission, T‑160/17, EU:T:2019:1, point 24 et jurisprudence citée).

94      Ce droit a notamment pour objet, afin d’assurer une protection effective de la personne concernée, de permettre à cette dernière de corriger une erreur ou de faire valoir des éléments relatifs à sa situation personnelle qui militent dans le sens que la décision soit prise, ne soit pas prise ou qu’elle ait tel ou tel contenu (voir, en ce sens, arrêt du 11 décembre 2014, Boudjlida, C‑249/13, EU:C:2014:2431, point 37 et jurisprudence citée).

95      Dans un contexte tel que celui de l’espèce, la preuve du respect du droit de l’intéressé d’être entendu incombe à l’AHCC (voir, en ce sens, arrêts du 6 décembre 2007, Marcuccio/Commission, C‑59/06 P, EU:C:2007:756, point 47 ; du 10 janvier 2019, RY/Commission, T‑160/17, EU:T:2019:1, point 48, du 7 novembre 2019, WN/Parlement, T‑431/18, non publié, EU:T:2019:781, point 44).

96      Il convient de constater que, avant l’adoption de la décision attaquée, l’AHCC du Comité des régions n’a jamais évoqué la possibilité d’aménager la période de préavis de la requérante. En effet, bien que cette autorité l’ait entendue quant à la matérialité et à l’imputabilité des faits ainsi que concernant la base juridique sur laquelle la décision attaquée pourrait être adoptée, la requérante n’a pas eu la possibilité de présenter des observations sur les modalités particulières d’exécution du préavis que ladite autorité envisageait d’adopter et en particulier sur le fait que la requérante n’exercerait plus les fonctions de secrétaire général du groupe et que l’accès à sa messagerie électronique ainsi qu’à son bureau et aux locaux du Comité des régions serait aménagé.

97      Or, de telles mesures ne pouvaient être adoptées sans que la requérante ait été préalablement entendue afin de s’assurer qu’elle pût exprimer sa position à leur égard. À ce titre, il convient de rappeler que le droit d’être entendu a notamment pour objet de permettre à l’intéressé de préciser certains éléments ou d’en faire valoir d’autres, par exemple relatifs à sa situation personnelle, qui pourraient militer dans le sens que la décision envisagée ne soit pas prise ou ait un contenu différent (voir, en ce sens, arrêt du 13 décembre 2017, CJ/ECDC, T‑703/16 RENV, non publié, EU:T:2017:892, point 48).

98      Le Comité des régions ne saurait utilement soutenir à cet égard que le contexte dans lequel est intervenue la lettre d’intention impliquait de manière implicite, mais intrinsèque, la possibilité d’accompagner la résiliation du contrat de travail de la requérante d’une dispense de fournir les prestations de travail découlant de son contrat durant la période de préavis et que la requérante ne pouvait ignorer qu’il était envisagé d’aménager la période de préavis lorsqu’elle a été invitée à faire part de ses observations sur les faits qui lui étaient reprochés.

99      Il y a lieu de relever que les différentes pièces figurant dans le dossier, notamment les courriers électroniques échangés entre l’un des membres du groupe et la requérante, ne permettent pas de considérer que celle-ci a été en mesure de comprendre avec certitude que l’AHCC du Comité des régions envisageait d’aménager la période de préavis. Outre le fait qu’elles ne provenaient pas de cette autorité, les pièces du dossier mentionnées par le Comité des régions au soutien de son argumentation ne faisaient pas référence à de telles mesures, mais évoquaient ou suggéraient la possibilité que la requérante démissionne dans le cadre d’un accord de compromis.

100    Par conséquent, en ce qui concerne les mesures d’aménagement de la période de préavis de la requérante mentionnées au point 96 ci-dessus, le Comité des régions a méconnu le droit d’être entendu de la requérante, en violation de l’article 41, paragraphe 2, sous a), de la Charte.

101    Toutefois, une violation du droit d’être entendu n’entraîne l’annulation de la décision prise au terme de la procédure administrative en cause que si, en l’absence de cette irrégularité, la procédure aurait pu aboutir à un résultat différent (voir arrêts du 4 avril 2019, OZ/BEI, C‑558/17 P, EU:C:2019:289, point 76 et jurisprudence citée, et du 10 janvier 2019, RY/Commission, T‑160/17, EU:T:2019:1, point 51 et jurisprudence citée).

102    En l’occurrence, le fait, pour la requérante, d’avoir pu être entendue sur les modalités prévues pour la période de préavis, mentionnées au point 96 ci‑dessus, aurait été de nature à amener l’AHCC du Comité des régions à éventuellement envisager d’autres modalités pour ladite période (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 13 décembre 2017, CJ/ECDC, T‑703/16 RENV, non publié, EU:T:2017:892, point 49).

103    En outre, interrogée lors de l’audience, la requérante a affirmé que le droit d’être entendu ne se résumait pas à la simple possibilité de manifester son opposition aux modalités particulières d’exécution du préavis proprement dites, mais impliquait également la possibilité de faire valoir des observations de nature à influer sur le contenu de la décision envisagée. À cet égard, la requérante a indiqué que, si elle avait été entendue avant l’adoption d’une décision quant aux modalités d’exécution du préavis litigieuses, elle aurait pu faire valoir qu’une mesure telle que l’exécution de ses prestations de travail depuis son domicile aurait pu être envisagée.

104    Dans ces conditions, il ne saurait être raisonnablement exclu que les modalités particulières d’exécution du préavis figurant dans la décision attaquée, notamment celle de dispenser la requérante de fournir les prestations de travail découlant de son contrat durant la période de préavis, auraient pu aboutir à un résultat différent si la requérante avait été dûment entendue.

105    Partant, le droit de la requérante d’être entendue avant que n’intervienne la décision attaquée a été méconnu en ce qui concerne les modalités particulières d’aménagement de la période de préavis mentionnées au point 96 ci-dessus.

106    En conséquence, il convient d’accueillir le présent grief, de sorte que la décision attaquée doit être annulée en ce qu’elle fixe les modalités particulières d’exécution du préavis en raison de la violation du droit d’être entendu de la requérante. Toutefois, cette illégalité ne remet pas en cause, par elle-même, la légalité de ladite décision en tant qu’elle a résilié le contrat de la requérante (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 23 octobre 2013, Gomes Moreira/ECDC, F‑80/11, EU:F:2013:159, point 54).

[omissis]

IV.    Sur les dépens

151    Aux termes de l’article 134, paragraphe 2, du règlement de procédure, si plusieurs parties succombent, le Tribunal décide du partage des dépens. En l’espèce, la demande en annulation ayant été partiellement accueillie et la demande en indemnité rejetée, il y a lieu de décider que chaque partie supportera ses propres dépens, y compris ceux afférents à la procédure de référé, qui avaient été réservés.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (septième chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision du Comité des régions du 16 avril 2019 résiliant le contrat de travail de CE est annulée en ce qui concerne les modalités particulières d’exécution du préavis.

2)      Le recours est rejeté pour le surplus.

3)      Chaque partie supportera ses propres dépens, y compris ceux afférents à la procédure de référé.

da Silva Passos

Reine

Sampol Pucurull

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 16 juin 2021.

Signatures


*      Langue de procédure : le français.


1      Ne sont reproduits que les points du présent arrêt dont le Tribunal estime la publication utile.

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