Bennahmias v Parliament (Judgment) French Text [2021] EUECJ T-798/19 (24 March 2021)


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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions)


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URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2021/T79819.html
Cite as: ECLI:EU:T:2021:158, [2021] EUECJ T-798/19, EU:T:2021:158

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ARRÊT DU TRIBUNAL (cinquième chambre)

24 mars 2021 (*)

« Droit institutionnel ‐ Réglementation concernant les frais et indemnités des députés au Parlement – Indemnité d’assistance parlementaire – Recouvrement des sommes indûment versées ‐ Charge de la preuve – Obligation de motivation – Erreur de droit ‐ Erreur de fait – Proportionnalité »

Dans l’affaire T‑798/19,

Jean-Luc Bennahmias, demeurant à Marseille (France), représenté par Mes J.-M. Rikkers, J.-L. Teheux, M. Ganilsy et C. De Kuyper, avocats,

partie requérante,

contre

Parlement européen, représenté par M. N. Lorenz et Mme M. Ecker, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation de la décision du secrétaire général du Parlement du 16 septembre 2019 relative au recouvrement auprès du requérant d’une somme de 29 806 euros indûment versée au titre de l’assistance parlementaire et de la note de débit y afférente du 19 septembre 2019,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre),

composé de MM. D. Spielmann, président, U. Öberg et Mme O. Spineanu‑Matei (rapporteure), juges,

greffier : Mme M. Marescaux, administratrice,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 12 janvier 2021,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le requérant, M. Jean-Luc Bennahmias, a été député au Parlement européen de 2004 à 2014.

2        Le 1er décembre 2010, le requérant a conclu avec A (ci-après l’« assistant local ») un contrat de travail à durée indéterminée, avec effet à la même date, ayant pour objet un emploi à temps partiel d’assistant local (ci-après le « contrat de travail »).

3        Le contrat de travail prévoyait un travail de 82,33 heures par mois et une rémunération mensuelle brute de 1 200 euros. Un avenant audit contrat conclu ultérieurement a porté ladite rémunération à un montant de 1 749 euros brut. Ces montants ont, à la suite de la demande du requérant, été pris en charge par le Parlement pendant toute la durée du contrat.

4        Le 1er décembre 2011, il a été mis fin au contrat de travail, ce dont le requérant a informé les services du Parlement.

5        Le 27 octobre 2017, le directeur de la direction des droits financiers et sociaux des députés du Parlement a demandé au requérant, à la suite de la parution, dans les médias français, en juin 2017, d’informations suscitant des interrogations quant à la réalité du travail de l’assistant local et à sa conformité au regard des règles applicables, d’apporter des informations sur la situation de ses assistants parlementaires locaux et accrédités et sur les activités que ceux-ci exerçaient en parallèle.

6        Le 15 décembre 2017, le requérant a présenté ses justifications relatives aux activités et aux missions de ses assistants parlementaires.

7        Par lettre du 12 février 2019, le secrétaire général du Parlement (ci-après le « secrétaire général ») a informé le requérant de l’ouverture d’une procédure de recouvrement sur la base de l’article 68 de la décision du bureau du Parlement européen des 19 mai et 9 juillet 2008 portant mesures d’application du statut des députés au Parlement européen (JO 2009, C 159, p. 1, ci-après les « mesures d’application ») et l’a invité à présenter ses observations dans un délai d’un mois. L’ouverture de ladite procédure était justifiée par l’absence d’éléments de réponse suffisants quant à la situation de l’assistant local et à la nature et à l’étendue des activités exercées en parallèle par celui-ci, notamment au regard de son activité de « responsable web et social media » pour le parti politique français Mouvement Démocrate (MODEM).

8        Par lettre du 22 avril 2019, le requérant a présenté ses observations au secrétaire général, accompagnées d’un dossier composé de 45 pièces destinées à établir la réalité du travail exercé par l’assistant local.

9        Par décision du 16 septembre 2019 (ci-après la « décision attaquée »), le secrétaire général, d’une part, a estimé que, pour la période allant du 1er décembre 2010 au 1er décembre 2011, un montant de 29 806 euros avait été indûment versé en faveur du requérant au titre de l’assistance parlementaire et devait être recouvré auprès de celui-ci et, d’autre part, a chargé l’ordonnateur du Parlement de procéder au recouvrement en cause.

10      Le 19 septembre 2019, le directeur général de la direction générale (DG) « Finances » du Parlement, en qualité d’ordonnateur du Parlement, a émis la note de débit 2019-1599 (ci-après la « note de débit ») ordonnant le recouvrement de la somme de 29 806 euros avant le 15 octobre 2019.

11      Le 19 septembre 2019 également, le directeur général de la DG « Finances » du Parlement a communiqué au requérant la décision attaquée et la note de débit.

 Procédure et conclusions des parties

12      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 18 novembre 2019, le requérant a introduit le présent recours.

13      Sur proposition de la juge rapporteure, le Tribunal (cinquième chambre) a décidé d’ouvrir la phase orale de la procédure. Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal lors de l’audience du 12 janvier 2021.

14      Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        annuler la note de débit ;

–        condamner le Parlement aux dépens.

15      Le Parlement conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme étant non fondé ;

–        condamner le requérant aux dépens.

 En droit

 Sur la recevabilité des preuves présentées pour la première fois devant le Tribunal

16      Le Parlement fait valoir que les preuves déposées en tant qu’annexes A.50 et A.51 de la requête devraient être rejetées comme irrecevables, car elles n’avaient pas été soumises au secrétaire général et n’ont pas pu être prises en considération lors de l’adoption de la décision attaquée, si bien qu’elles ne peuvent pas entraîner son annulation.

17      Interrogé lors de l’audience, le requérant a précisé qu’il considérait que les deux annexes étaient recevables.

18      À cet égard, il y a lieu de rappeler que, selon la jurisprudence, la légalité d’une décision doit être appréciée par le juge de l’Union européenne en fonction des éléments dont l’institution pouvait disposer au moment où elle l’a arrêtée. Nul ne saurait ainsi se prévaloir devant le juge de l’Union d’éléments de fait qui n’ont pas été avancés au cours de la procédure administrative (voir arrêts du 16 mai 2018, Troszczynski/Parlement, T‑626/16, non publié, EU:T:2018:270, point 39 et jurisprudence citée, et du 19 juin 2018, Le Pen/Parlement, T‑86/17, non publié, EU:T:2018:357, point 42 et jurisprudence citée).

19      Or, il ressort des pièces du dossier que les preuves déposées en tant qu’annexes A.50 et A.51 de la requête n’ont pas été communiquées par le requérant au secrétaire général avant l’adoption de la décision attaquée. Partant, dans la mesure où elles ont été présentées pour la première fois devant le Tribunal, elles ne peuvent pas être prises en considération aux fins du contrôle de la légalité de la décision attaquée et doivent, dès lors, être écartées.

 Sur le fond

20      À l’appui de son recours, le requérant invoque quatre moyens, tirés, le premier, d’une insuffisance de motivation de la décision attaquée, le deuxième, d’une erreur d’appréciation, le troisième, d’une erreur de droit quant à la charge de la preuve et, le quatrième, d’une violation du principe de proportionnalité.

 Sur le premier moyen, tiré d’une insuffisance de motivation

21      Le requérant estime que la décision attaquée est entachée d’une insuffisance  de motivation. En effet, ladite décision n’exposerait pas les motifs pour lesquels elle concluait que les pièces communiquées n’attestaient pas d’une quelconque contribution de la part de l’assistant local, alors qu’elles seraient toutes directement liées au mandat du requérant et qu’elles concerneraient précisément la présence médiatique du requérant en tant que député européen. Le secrétaire général se serait contenté de remettre en question les pièces communiquées sans approfondir son analyse.

22      Le Parlement conteste cette argumentation.

23      À cet égard, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la motivation exigée par l’article 296, deuxième alinéa, TFUE doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, auteur de l’acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle. L’exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences de l’article 296, deuxième alinéa, TFUE doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée. En particulier, l’institution concernée n’est pas tenue de prendre position sur tous les arguments invoqués devant elle par les intéressés, mais il lui suffit d’exposer les faits et les considérations juridiques revêtant une importance essentielle dans l’économie de la décision (voir arrêt du 29 novembre 2017, Bilde/Parlement, T‑633/16, non publié, EU:T:2017:849, point 125 et jurisprudence citée).

24      En l’espèce, il y a lieu de relever que, dans la décision attaquée, le secrétaire général a, tout d’abord, retracé l’ensemble de la procédure administrative et des échanges avec le requérant ayant conduit à la décision attaquée. À cette occasion, il a souligné, en substance, d’une part, la prise en charge par le Parlement des frais d’assistance parlementaire pour l’assistant local et, d’autre part, les informations parues dans la presse en France en juin 2017 mettant en cause la réalité du travail des assistants parlementaires des députés au Parlement du MODEM, et en particulier la dénonciation de l’assistant local lui-même relative à sa situation « irrégulière » en tant qu’assistant parlementaire.

25      Il a, en outre, énoncé de façon détaillée le cadre juridique ainsi que la jurisprudence applicables dans l’hypothèse d’un contrôle ayant trait à l’utilisation des frais d’assistance parlementaire. Il a rappelé, en particulier, le libellé de l’article 33, paragraphe 2, de l’article 43, sous a), de l’article 62, paragraphe 1, et de l’article 68 des mesures d’application.

26      Le secrétaire général a, ensuite, présenté son appréciation concernant les documents fournis par le requérant pour démontrer l’existence d’un travail de l’assistant local conforme aux mesures d’application. À cet égard, il a souligné, en substance, que, bien que le requérant ait indiqué les tâches que l’assistant local aurait accomplies, à savoir favoriser et promouvoir sa présence médiatique en tant que député au Parlement et, à ce titre, assurer notamment des prises de contact avec les journalistes, des demandes d’interview et de passages dans la presse et des diffusions de communiqués de presse ainsi que s’occuper de sa communication, il ressortait d’une analyse approfondie des pièces communiquées à l’appui, exposée en détail dans l’annexe 1 de la décision attaquée, qu’aucune preuve de l’accomplissement par l’assistant local desdites tâches n’avait été apportée.

27      Premièrement, il a relevé, en effet, que la majorité des pièces communiquées par le requérant ne constituaient pas en tant que telles des preuves du travail de l’assistant local. Ainsi, s’agissant des brèves et des articles de presse concernant le requérant, de l’attestation d’un autre assistant parlementaire du requérant, de la copie des agendas du requérant, du contrat de travail conclu avec l’assistant local et de la copie de la législation applicable, il a précisé qu’aucun de ces documents n’était de nature à démontrer que l’assistant local avait effectivement fourni une assistance nécessaire et directement liée à l’exercice du mandat de député européen du requérant. Deuxièmement, il a ajouté que la même conclusion était applicable pour les pièces pour lesquelles la preuve du lien avec le mandat du requérant n’était pas apportée, ce qui incluait les échanges de courriels. Troisièmement, il a indiqué que plusieurs pièces apparaissaient comme étant liées à l’activité de l’assistant local en sa qualité de responsable web et médias sociaux du MODEM, et n’étaient donc pas acceptables en tant qu’éléments de preuve de son travail comme assistant local du requérant.

28      En conclusion, le secrétaire général a, enfin, estimé, dans la décision attaquée, que le requérant n’avait pas apporté la preuve de la prestation effective par l’assistant local d’une assistance nécessaire et directement liée à l’exercice de son mandat parlementaire tout au long du contrat, en conformité avec les articles 33 et 62 des mesures d’application, et qu’il était dès lors fondé à demander le remboursement des sommes indûment versées.

29      Quant à l’annexe 1 de la décision attaquée, à laquelle renvoie expressément cette dernière, elle contient un tableau reprenant l’analyse des pièces que le requérant a produites et de leur admissibilité en tant que preuves du travail effectué par l’assistant local. Cette annexe expose de manière détaillée, en fonction de leur nature, la position du secrétaire général à l’égard des éléments produits par le requérant, lesquels visaient à démontrer un travail de l’assistant local conforme aux mesures d’application.

30      Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que, contrairement à ce que soutient le requérant, la décision attaquée lue conjointement avec son annexe 1 expose, à suffisance de droit, les motifs pour lesquels le secrétaire général a considéré que les éléments produits par le requérant devant lui étaient insuffisants pour démontrer un travail effectif de l’assistant local conforme aux mesures d’application. À cet égard, ladite décision évoque l’impossibilité notamment d’attester que l’assistant local était l’auteur de certains des documents fournis et même d’identifier sa contribution à la production de ces documents ou d’établir le lien de certaines de ses activités avec le mandat de député européen du requérant. De façon plus générale, la décision attaquée évoque l’absence de preuve permettant d’attester l’exercice effectif de l’activité d’assistant local par celui-ci.

31      En effet, nonobstant l’absence d’évaluation détaillée de la valeur probante des documents fournis par le requérant, la motivation de la décision attaquée permet d’étayer, à suffisance de droit, l’appréciation du secrétaire général selon laquelle ces documents sont insuffisants pour démontrer une activité de l’assistant local conforme aux mesures d’application.

32      Par ailleurs, compte tenu des développements détaillés du deuxième moyen, tiré d’une erreur d’appréciation, force est de constater que le requérant a nécessairement compris le raisonnement du Parlement contenu dans la décision attaquée, de sorte que la condition établie par la jurisprudence citée au point 23 ci-dessus est remplie en l’espèce.

33      Il s’ensuit que le premier moyen doit être rejeté.

 Sur le deuxième moyen, tiré d’une erreur d’appréciation

34      Le requérant soutient que la décision attaquée est entachée d’une erreur d’appréciation justifiant son annulation, en raison de l’analyse sommaire des éclaircissements et des pièces probantes qu’il avait soumis au secrétaire général. Il expose, en outre, diverses considérations relatives aux différentes pièces versées en annexe de la requête pour démontrer que le secrétaire général a commis une erreur dans l’appréciation des éléments qu’il lui avait soumis comme preuves.

35      Le Parlement conteste cette argumentation.

36      À titre liminaire, il convient de relever que, par son argumentation, le requérant entend, en substance, remettre en cause les appréciations effectuées par le secrétaire général, dans la décision attaquée, pour réfuter le caractère probant des documents qu’il a produits dans le cadre de la procédure prévue à l’article 68 des mesures d’application et ayant conduit à l’adoption de ladite décision.

37      À cet égard, il convient de relever que, dans la décision attaquée, le secrétaire général a considéré qu’aucun des éléments qui avaient été produits par le requérant n’était acceptable comme élément de preuve de la prestation effective par l’assistant local d’une assistance nécessaire et directement liée à l’exercice de son mandat parlementaire tout au long du contrat de travail, en conformité avec les articles 33 et 62 des mesures d’application, au motif, en substance :

–        de leur inaptitude à constituer, de manière générale, des preuves du travail fourni par l’assistant local ;

–        de l’impossibilité d’attester que l’assistant local en était l’auteur ou d’identifier sa contribution ;

–        de l’absence de lien avec le mandat de député européen du requérant.

38      Lesdits documents, communiqués le 22 avril 2019 au secrétaire général (voir point 8 ci-dessus), consistent en :

–        des extraits de la réglementation applicable ;

–        le contrat de travail ;

–        un courriel d’un des assistants parlementaires du requérant à l’assistant local sur le projet d’ouvrage du requérant intitulé Résolument démocrate… Et toujours écologiste ! ;

–        un courriel d’un des assistants parlementaires du requérant à l’assistant local, en annexe duquel sont envoyés des articles de presse sur le parti Europe Écologie Les Verts ;

–        des articles et des brèves de presse concernant le requérant ;

–        des communiqués de presse du requérant ;

–        des lettres d’informations locales du MODEM et des échanges de l’assistant local avec l’un des assistants parlementaires du requérant relatifs à l’une de ces lettres ;

–        un courriel de l’assistant local à l’un des assistants parlementaires du requérant relatif à un déplacement à Strasbourg (France) ;

–        un courriel de l’un des assistants parlementaires du requérant à l’assistant local concernant la résiliation du contrat de travail ;

–        un courriel de l’assistant local à l’un des assistants parlementaires du requérant datant du 23 octobre 2014, en annexe duquel est envoyé un communiqué de presse concernant le requérant ;

–        une attestation de l’un des assistants parlementaires du requérant concernant l’assistant local ;

–        des copies des agendas du requérant.

39      En premier lieu, en ce qui concerne les extraits de la réglementation applicable, le contrat de travail et les échanges relatifs à sa résiliation, l’attestation de l’assistant parlementaire du requérant et les copies des agendas de ce dernier, il ressort de la décision attaquée, en substance, que le secrétaire général a estimé qu’aucun de ces documents n’était de nature à démontrer que l’assistant local avait effectivement fourni une assistance nécessaire et directement liée à l’exercice du mandat de député européen du requérant.

40      À cet égard, premièrement, force est de constater que la réglementation n’est pas apte à constituer, en tant que telle, une preuve de la prestation effective d’un travail quel qu’il soit. En effet, elle représente l’ensemble des mesures légales et réglementaires régissant certains rapports sociaux de manière générale et abstraite. En revanche, une preuve suppose la démonstration de la réalité d’un fait, d’un état, d’une circonstance ou d’une obligation concrets et précis. Par conséquent, c’est à bon droit que le secrétaire général a considéré que les copies des mesures d’application et de la liste des dépenses prises en charge dans le cadre de l’assistance parlementaire ne pouvaient pas constituer la preuve du travail effectivement exécuté par l’assistant local.

41      Deuxièmement, il convient de relever que le contrat de travail et les échanges relatifs à sa résiliation ne peuvent pas non plus constituer en eux-mêmes des preuves du travail exécuté par l’assistant local.

42      En effet, le contrat de travail se limite à indiquer, notamment, que l’assistant local devait, dans le cadre de l’exercice du mandat parlementaire du requérant, accomplir une veille sur les questions européennes, rédiger des contenus et mettre à jour le site Internet, prendre en charge des sujets nationaux et, plus généralement, accomplir une mission d’assistance. Le contrat de travail peut constituer une preuve de la nature et de la portée des obligations qui revenaient à l’assistant local. En revanche, ainsi que le fait valoir à juste titre le Parlement, il ne permet pas de démontrer que ces obligations ont effectivement été accomplies et que, en l’occurrence, il y a effectivement eu une assistance nécessaire et directement liée à l’exercice du mandat parlementaire du requérant en conformité avec les mesures d’application. Ce contrat pouvait constituer éventuellement un commencement de preuve en ce sens qu’il devait nécessairement être complété par d’autres preuves pertinentes.

43      En outre, s’agissant de l’argument pris de ce que la réglementation de l’Union ne comporte aucune obligation, positive ou négative, quant au lieu de domiciliation du contrat, il doit être écarté. En effet, la question du lieu d’exécution du contrat ne constitue pas un motif fondant la décision attaquée et, en tout état de cause, le fait que le Parlement ne se soit pas opposé au lieu de travail désigné dans le contrat de travail ne saurait l’empêcher de contrôler le caractère effectif des tâches réalisées par l’assistant local au titre dudit contrat.

44      Enfin, pour ce qui est des échanges relatifs à la résiliation du contrat de travail, force est de constater que le courriel envoyé par l’un des assistants parlementaires du requérant à l’assistant local ne fait que confirmer à ce dernier « que le contrat a[vait] bien pris fin le 1er décembre 2011 [si bien que l]e Parlement d[eva]it donc être remboursé de la somme perçue pour le mois de décembre ». Il ne contient pas de référence au travail exécuté par l’assistant local et ne permet donc pas de démontrer qu’il y a effectivement eu une assistance en conformité avec les mesures d’application.

45      Troisièmement, s’agissant de l’attestation de l’un des assistants parlementaires du requérant concernant l’assistant local, il convient de constater qu’elle ne contient qu’une description des fonctions de l’assistant local, sans toutefois relever des exemples concrets du travail d’assistance parlementaire effectué par celui-ci en conformité avec les mesures d’application. En effet, comme le fait valoir le Parlement, les seuls travaux indiqués dans ladite attestation, à savoir la correction des communiqués de presse et le conseil sur la stratégie de communication et sur l’image du requérant en France, se conçoivent aussi dans le cadre d’un travail pour le MODEM, et non pour le mandat de député européen du requérant. Or, s’il n’est pas interdit que l’assistant local exerce des fonctions au sein de l’organigramme d’un parti politique, il n’en demeure pas moins que, pour que les conditions de remboursement des frais d’assistance parlementaire soient remplies, il est nécessaire d’apporter des éléments prouvant que ledit assistant assurait également des tâches en conformité avec les mesures d’application.

46      Quatrièmement, ainsi que le relève à bon droit le Parlement, bien que la production d’agendas soit admissible comme preuve de la réalité du travail de l’assistant local, force est de constater que, en l’occurrence, le requérant a produit une copie partiellement illisible de son agenda papier personnel et dont les inscriptions manuscrites ne dévoilent aucune contribution de l’assistant local. En effet, il ne résulte pas desdites inscriptions dans quelle mesure l’assistant local a contribué aux rendez-vous figurant dans les agendas du requérant. Or, si la jurisprudence a reconnu la valeur probante des agendas pour démontrer la réalité du travail d’un assistant local, cette reconnaissance a été soumise à la condition que les agendas attestent de rendez-vous ou de l’activité de l’assistant local (voir, en ce sens, arrêt du 29 novembre 2017, Montel/Parlement, T‑634/16, non publié, EU:T:2017:848, point 122), ce qui n’est pas le cas en l’espèce.

47      L’argument du requérant selon lequel il ressortirait de son agenda que de nombreux interviews, débats et conférences de presse avaient été organisés et pilotés par l’assistant local ne peut pas être retenu. En effet, bien qu’il soit possible, en dépit du caractère profondément illisible des inscriptions de la copie de l’agenda déposée, d’identifier certains des événements énumérés par le requérant, aucune mention du nom de l’assistant local ni aucune référence à celui-ci ou à ses éventuelles responsabilités au regard desdits événements n’en ressortent.

48      Quant à la production des agendas de l’assistant local, elle n’est évoquée, dans la décision attaquée, qu’à titre d’exemple d’éléments que le requérant aurait pu produire pour attester de la réalisation de travaux par l’assistant local. Il ne s’agit donc pas d’une exigence, comme le laisse à penser le requérant.

49      En deuxième lieu, s’agissant du courriel d’un des assistants parlementaires du requérant à l’assistant local en annexe duquel sont envoyés des articles de presse sur le parti Europe Écologie Les Verts, des articles et des brèves de presse concernant le requérant, des communiqués de presse du requérant et des lettres d’informations locales du MODEM, il ressort de la décision attaquée que le secrétaire général a estimé qu’il lui était impossible d’attester que l’assistant local en était l’auteur ou d’identifier sa contribution.

50      À cet égard, il convient de relever que le requérant n’avance aucun élément permettant de remettre en cause l’appréciation du secrétaire général relative à l’impossibilité d’attester que l’assistant local était l’auteur des documents fournis ou qu’il avait contribué à leur élaboration. Il se borne ainsi à affirmer que les articles de presse et les créations de contenu publiés sur des sites Internet, y compris de partis politiques, ne sont pas censés faire expressément mention de l’assistant qui les publie. Or, ainsi que le secrétaire général l’a souligné, aucun élément ne permet d’attester que l’assistant local serait à l’origine ou aurait contribué aux articles et aux brèves de presse concernant le requérant, aux communiqués de presse de ce dernier et aux lettres d’informations locales du MODEM fournies comme preuves par le requérant. D’ailleurs, nombre de parutions du requérant dans la presse écrite ou dans les médias en ligne sont liées à sa qualité de membre du MODEM, et non à celle de député européen. Enfin, s’agissant du courriel d’un des assistants parlementaires du requérant à l’assistant local en annexe duquel sont envoyés des articles de presse sur le parti Europe Écologie Les Verts, force est de constater qu’il ne démontre aucunement la contribution de l’assistant local, simple destinataire du courriel, au travail du requérant en tant que député européen.

51      Enfin, il convient de souligner que l’affirmation du requérant selon laquelle, en substance, il avait bénéficié d’une présence intense dans les médias grâce au travail de l’assistant local, qui avait été choisi pour son expérience dans le domaine de la communication et des médias et devait notamment élaborer une veille sur les questions européennes et rédiger des contenus, ne permet pas d’établir ipso facto que cet assistant local a effectivement et réellement contribué à la réalisation desdites interventions et parutions du requérant en tant que député européen. À cet égard, il est à noter que le requérant n’a apporté aucun élément, tels, notamment, des brouillons, des notes préparatoires, des annotations diverses ou des échanges avec l’assistant local, s’y rapportant et permettant d’établir que ce dernier avait contribué à ces travaux.

52      En troisième lieu, s’agissant du courriel d’un des assistants parlementaires du requérant à l’assistant local concernant le projet d’ouvrage du requérant intitulé Résolument démocrate… Et toujours écologiste !, de l’échange entre l’assistant local et un autre assistant parlementaire du requérant relatif à une lettre d’informations locales du MODEM ainsi que des courriels de l’assistant local à des assistants parlementaires du requérant relatifs à un déplacement à Strasbourg et à un communiqué de presse concernant le requérant, il ressort de la décision attaquée que le secrétaire général a estimé qu’ils n’étaient pas acceptables comme éléments de preuve, au motif, en substance, qu’ils ne présentaient pas de lien avec le mandat de député européen du requérant. En effet, selon le secrétaire général, l’assistant local était intervenu chaque fois en tant que responsable web et médias sociaux du MODEM.

53      À cet égard, premièrement, il convient de constater qu’il ne ressort aucunement du courriel de l’assistant parlementaire du requérant concernant le projet d’ouvrage du requérant intitulé Résolument démocrate… Et toujours écologiste ! une quelconque implication de l’assistant local dans l’exercice des tâches en conformité avec les mesures d’application. En effet, tout d’abord, ledit courriel a été envoyé à l’assistant local ainsi qu’aux deux autres personnes chargées des relations publiques du MODEM à leur adresse électronique dédiée pour le MODEM, ayant pour extension « @lesdemocrates.fr ». Ensuite, l’objet du courriel, à savoir « Livre de JBL si besoin pour la prochaine Newsletter », fait référence aux lettres d’informations locales du MODEM. Enfin, l’annexe figurant dans ce courriel, en format doc et de 176 Ko, a pour énoncé « CP-RESOLUMENT DEMOCRATES ». Ces trois circonstances viennent au soutien de la thèse du Parlement selon laquelle cet envoi à l’assistant local a été effectué en vertu de sa qualité de responsable web et médias sociaux du MODEM, chargé de la distribution des lettres d’informations du parti, et non en sa qualité d’assistant local du requérant en tant que député européen.

54      Deuxièmement, l’échange entre l’assistant local et l’un des assistants parlementaires du requérant relatif à la transmission d’une lettre d’informations locales du MODEM « au fichier B[ouches-du-] R[hône] » ne présente pas davantage de lien avec le mandat de député européen du requérant.

55      Troisièmement, s’agissant du courriel de l’assistant local à l’un des assistants parlementaires du requérant relatif à un déplacement à Strasbourg, force est de constater que le requérant n’apporte aucun élément remettant valablement en cause le constat du secrétaire général relatif à l’absence d’un lien avec la prestation effective d’une assistance nécessaire et directement liée à l’exercice du mandat de député européen du requérant. En effet, tout d’abord, ledit courriel a été envoyé depuis l’adresse électronique de l’assistant local dédiée pour le MODEM, avec l’extension « @lesdemocrates.fr », et celui-ci l’a signé en sa qualité de responsable web et médias sociaux dudit parti politique. Ensuite, il ressort du contenu dudit courriel que l’objectif du déplacement à Strasbourg en question n’était nullement lié aux fonctions de député européen du requérant, mais au souhait de réaliser un « mini interview » avec chacun des députés MODEM au Parlement afin de le publier sur la page Internet de ce même parti. Enfin, ainsi que le fait valoir le Parlement, sans que le requérant soit parvenu à remettre en cause ce constat, aucune demande de remboursement de frais de mission relatif audit déplacement de l’assistant local n’a été soumise au Parlement.

56      L’argument du requérant relatif à la pertinence de ce courriel relatif à un déplacement à Strasbourg pour démontrer la relation de travail qu’il avait avec l’assistant local, qui n’avait pas adressé ledit courriel à d’autres députés MODEM au Parlement, ne change en rien cette conclusion. En effet, le Parlement n’a pas reproché au requérant l’absence de preuves de toute relation de travail avec l’assistant local, mais le fait que certaines preuves, comme le courriel visé, étaient de nature à prouver un travail de l’assistant local pour un parti politique, et non pour le requérant en tant que député européen.

57      Or, il ressort de l’article 33, paragraphe 2, première phrase, des mesures d’application que seuls peuvent être pris en charge les frais correspondant à l’assistance nécessaire et directement liée à l’exercice du mandat parlementaire des députés. Il découle ainsi de cette disposition que les dépenses engagées pour des activités ne se rattachant pas nécessairement et directement à l’exercice du mandat parlementaire du député concerné ne peuvent faire l’objet d’une prise en charge par le Parlement sur le fondement des mesures d’application. D’ailleurs, l’article 1er, paragraphe 1, du contrat de travail précise explicitement que « l’employé assiste l’employeur dans l’exécution de son mandat parlementaire ». À cet égard, il importe de préciser que, si l’article 33, paragraphe 2, seconde phrase, des mesures d’application précise que les frais d’assistance parlementaire ne peuvent en aucun cas couvrir des frais liés à la sphère privée des députés, il ne saurait en être déduit que ces derniers frais seraient les seuls à ne pas se rattacher nécessairement et directement à l’exercice du mandat, de sorte que les dépenses résultant de la participation de l’assistant local à toutes les activités publiques du député seraient éligibles. Il est ainsi indispensable que l’activité de l’assistant parlementaire ait un lien direct et nécessaire avec l’exercice du mandat.

58      Quatrièmement, s’agissant du courriel de l’assistant local à l’un des assistants parlementaires du requérant relatif à un communiqué de presse concernant le requérant, il convient de constater que ce dernier l’utilise pour soutenir que l’assistant local n’avait pas forcément d’inimitié à son égard et à l’égard de son équipe après son départ du MODEM en 2014. Or, force est de constater que la qualité des relations entre l’assistant local et le requérant ou les autres collaborateurs de ce dernier, tant pendant le déroulement qu’après la fin du contrat de travail, n’est pas un critère pertinent pour démontrer l’existence d’un travail de l’assistant local conforme aux mesures d’application.

59      Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que le requérant n’a pas démontré que le secrétaire général avait commis une erreur d’appréciation en estimant, dans la décision attaquée, qu’il n’avait pas apporté la preuve que l’assistant local assurait des tâches en conformité avec les mesures d’application, et notamment avec les articles 33 et 62 de celles-ci.

60      Partant, le deuxième moyen doit être rejeté.

 Sur le troisième moyen, tiré d’une erreur de droit quant à la charge de la preuve

61      Le requérant estime que c’est au Parlement qu’incombe la charge de la preuve de la réalité du travail de l’assistant local, dans la mesure où le Parlement serait nécessairement le détenteur de l’intégralité de ses documents sur les dix années de mandat. À cet égard, il souligne que, en juillet 2014, il avait fait parvenir l’ensemble des courriels et des documents de travail au Parlement pour procéder à leur archivage, par dépôt de cartons et d’un volume colossal de fichiers. Dans la mesure où le Parlement a prétendu que, dès la fin de son mandat de député européen, toutes ses archives avaient été supprimées, il n’a pas été en mesure de verser de preuves complémentaires.

62      Le Parlement conteste l’argumentation du requérant.

63      Il convient de rappeler que, selon l’article 33, paragraphe 1, des mesures d’application, les députés ont droit à l’assistance de collaborateurs personnels, qu’ils choisissent librement. Le Parlement prend en charge les frais effectivement engagés et résultant entièrement et exclusivement de l’engagement d’un ou de plusieurs assistants conformément aux mesures d’application.

64      Aux termes de l’article 33, paragraphe 2, première phrase, des mesures d’application, seuls peuvent être pris en charge les frais correspondant à l’assistance nécessaire et directement liée à l’exercice du mandat parlementaire des députés.

65      En vertu de l’article 68, paragraphe 1, des mesures d’application, toute somme indûment versée en application de ce texte donne lieu à répétition et le secrétaire général donne des instructions en vue du recouvrement de ces sommes auprès du député concerné.

66      Selon la jurisprudence, la définition de la notion d’assistance parlementaire ne relevant pas de la discrétion des députés, ces derniers ne sont pas libres de demander le remboursement des dépenses sans rapport avec l’engagement ou l’utilisation des services fournis par de tels assistants (voir arrêt du 16 mai 2018, Troszczynski/Parlement, T‑626/16, non publié, EU:T:2018:270, point 114 et jurisprudence citée).

67      La nécessité de démontrer la réalité du travail fourni par l’assistant local découlant directement, notamment, des mesures d’application, le Parlement ne prend en charge que les frais effectivement engagés et résultant entièrement et exclusivement de l’engagement d’un ou de plusieurs assistants, ce qui implique que la réalité de ceux-ci soit démontrée par le député concerné (arrêts du 29 novembre 2017, Bilde/Parlement, T‑633/16, non publié, EU:T:2017:849, point 119, et du 7 mars 2018, Gollnisch/Parlement, T‑624/16, non publié, EU:T:2018:121, point 112).

68      Il s’ensuit que, dans l’hypothèse d’un contrôle ayant trait à l’utilisation des frais d’assistance parlementaire, le député concerné doit être en mesure de prouver que les montants perçus ont été utilisés afin de couvrir les dépenses effectivement engagées et résultant entièrement et exclusivement de l’engagement d’un ou de plusieurs assistants, comme le prévoit l’article 33, paragraphe 1, seconde phrase, des mesures d’application, de sorte qu’il lui incombe d’être en mesure de produire les pièces justificatives y afférentes et, partant, de les conserver, et ce même en l’absence d’obligation explicite en ce sens découlant du droit de l’Union (voir, en ce sens, arrêts du 29 novembre 2017, Montel/Parlement, T‑634/16, non publié, EU:T:2017:848, points 120 et 122 et jurisprudence citée ; du 7 mars 2018, Gollnisch/Parlement, T‑624/16, non publié, EU:T:2018:121, points 109 et 111 et jurisprudence citée, et du 16 mai 2018, Troszczynski/Parlement, T‑626/16, non publié, EU:T:2018:270, points 115 et 118 et jurisprudence citée).

69      Selon une jurisprudence désormais constante, en demandant au député concerné de justifier le travail réalisé par son assistant local, le Parlement n’exige pas une preuve impossible. En effet, il ne s’agit pas de démontrer un fait inexistant, mais un fait positif, à savoir la réalité du travail de l’assistant local, laquelle peut être attestée par de nombreux éléments de preuve concrets, tels que, par exemple, des agendas attestant de rendez-vous ou de l’activité de l’assistant local, des courriels rédigés par ce dernier et échangés, notamment, avec le député concerné ainsi que des documents, y compris sous forme électronique, émanant de l’assistant local (arrêts du 29 novembre 2017, Montel/Parlement, T‑634/16, non publié, EU:T:2017:848, point 122 ; du 29 novembre 2017, Bilde/Parlement, T‑633/16, non publié, EU:T:2017:849, point 118, et du 7 mars 2018, Gollnisch/Parlement, T‑624/16, non publié, EU:T:2018:121, point 111).

70      Il ressort de tout ce qui précède que, ainsi que le Parlement le relève à bon droit, il incombait en l’espèce au requérant de conserver et de produire des pièces justifiant que les montants perçus ont été utilisés afin de couvrir les dépenses effectivement engagées et correspondant entièrement et exclusivement à l’assistance nécessaire et directement liée à l’exercice de son mandat parlementaire, comme le prévoit l’article 33, paragraphe 1, seconde phrase, des mesures d’application. La circonstance, en la supposant avérée, qu’il aurait fait parvenir au Parlement à la fin de son mandat l’ensemble des courriels et des documents de travail sans en garder des copies ne change en rien cette obligation et ne renverse nullement la charge de la preuve s’attachant à celle-ci. Par ailleurs, rien ne permet de conclure qu’il n’était pas loisible au requérant de conserver au moins des copies de ses documents de travail et des versions imprimées de ses courriels.

71      Partant, c’est à tort que le requérant soutient, en substance, que, dans la mesure où il n’était prétendument plus en possession de l’ensemble des courriels et des documents de travail relevant de son mandat de député européen, qu’il aurait fait parvenir au Parlement à la fin de son mandat pour procéder à leur archivage, c’est sur cette institution que reposait la charge de la preuve.

72      Cette conclusion n’est pas remise en cause par l’allégation du requérant selon laquelle le Parlement était nécessairement le détenteur de l’intégralité de ses documents concernant ses dix années de mandat, lequel s’est achevé le 30 juin 2014.

73      Premièrement, à supposer même qu’une obligation de conservation des documents relatifs aux mandats parlementaires s’impose au Parlement – quod non –, cela ne renverserait pas pour autant la charge de la preuve, mais pourrait tout au plus permettre au requérant de se procurer, auprès du Parlement, les documents pertinents qu’il n’aurait pas conservés.

74      En outre et en tout état de cause, il ressort de la communication 1/2014 adoptée par le bureau du Parlement le 14 avril 2014 et entrée en vigueur le 6 mai 2014, ayant pour objet de régir le traitement des fichiers électroniques des députés au Parlement à la fin de leur mandat (ci-après la « communication 1/2014 »), que le député conserve le droit d’accéder à sa boîte électronique et au serveur partagé pendant les trois mois qui suivent la fin de son mandat et que ses fichiers électroniques sont ensuite supprimés des espaces de stockage électronique du Parlement, à moins que ce député ne soit réélu. L’argument selon lequel le Parlement aurait une obligation de conservation des documents relatifs aux mandats parlementaires au-delà de cette période de trois mois doit donc être écarté.

75      Deuxièmement, l’article 3, paragraphe 4, de la communication 1/2014 prévoit le droit du député de déposer copie de ses fichiers aux archives historiques du Parlement, en vertu de la décision du bureau du Parlement du 10 mars 2014 sur l’acquisition par le Parlement d’archives privées des députés. Toutefois, en l’espèce, aucun élément ne permet d’étayer l’hypothèse d’un tel versement des fichiers relevant du mandat de député du requérant aux archives historiques du Parlement. À cet égard, ainsi que le fait valoir le Parlement et contrairement à ce que le requérant a affirmé lors de l’audience, rien ne permet de conclure que ce dernier ait fait usage de la procédure régissant l’acquisition par le Parlement d’archives privées des députés et anciens députés, adoptée par la décision du bureau du Parlement du 10 mars 2014, qui lui aurait permis de verser ses documents aux archives du Parlement, en concluant une convention avec le directeur de la bibliothèque de ce dernier. En outre, bien que le requérant soutienne lors de l’audience qu’un de ses assistants aurait conclu une telle convention, il n’étaye d’aucune manière cette affirmation.

76      Troisièmement, en ce qui concerne l’argument relatif au prétendu refus d’accès aux courriels envoyés ou reçus depuis l’ancienne adresse électronique du requérant au Parlement, il ressort des pièces du dossier que, le requérant s’étant limité à la fin de son mandat à demander un export complet de ses « contacts Outlook » de sa boîte de messagerie au Parlement sur sa boîte de messagerie personnelle, la première a été supprimée après son départ du Parlement, conformément aux dispositions de l’article 3, paragraphe 3, de la communication 1/2014. L’argument tiré d’un refus d’accès à ses courriels doit donc être écarté.

77      Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que le troisième moyen doit être rejeté.

 Sur le quatrième moyen, tiré d’une violation du principe de proportionnalité

78      Le requérant considère que la décision attaquée viole le principe de proportionnalité, en ce qu’elle ordonne le remboursement de l’intégralité des sommes versées au titre des frais d’assistance parlementaire durant le contrat de travail. En effet, pour réclamer cette somme, le Parlement aurait dû prouver que l’assistant local n’avait jamais été son assistant au cours de la période en cause. Une restitution intégrale par le requérant des sommes versées en contrepartie du travail effectué aurait des conséquences manifestement disproportionnées au regard de la gravité des faits reprochés au requérant, qui aurait, en outre, démontré la réalité du travail de son assistant local.

79      Le Parlement conteste cette argumentation.

80      Il y a lieu de rappeler que le principe de proportionnalité constitue un principe général du droit de l’Union, qui exige que les actes des institutions de l’Union ne dépassent pas les limites de ce qui est approprié et nécessaire à la réalisation des objectifs légitimes poursuivis par la réglementation en cause (voir arrêt du 16 mai 2018, Troszczynski/Parlement, T‑626/16, non publié, EU:T:2018:270, point 186 et jurisprudence citée).

81      Toutefois, le Parlement ne dispose, en vertu de l’article 68, paragraphe 1, première phrase, des mesures d’application, d’aucune marge d’appréciation quant au montant à recouvrer au titre de la somme litigieuse, s’agissant de la répétition de sommes indues. En effet, en vertu de cette disposition, toute somme indûment versée en application des mesures d’application donne lieu à répétition (arrêts du 29 novembre 2017, Bilde/Parlement, T‑633/16, non publié, EU:T:2017:849, point 206 ; du 7 mars 2018, Gollnisch/Parlement, T‑624/16, non publié, EU:T:2018:121, point 219, et du 16 mai 2018, Troszczynski/Parlement, T‑626/16, non publié, EU:T:2018:270, point 187).

82      Or, dès lors qu’il n’a pas été établi, dans le cadre de l’examen du présent recours, que c’est à tort que le Parlement a estimé qu’il n’avait pas été démontré que l’assistant local assurait des tâches en conformité avec les mesures d’application et que, partant, les sommes qui lui ont été versées au titre des frais d’assistance parlementaire pour la période allant du 1er décembre 2010 au 1er décembre 2011, s’élevant à un montant de 29 806 euros, ne l’avaient pas été conformément à celles-ci, le Parlement était tenu par une obligation inconditionnelle de recouvrer l’intégralité de ces sommes.

83      Ainsi, à défaut de toute marge d’appréciation dans l’exécution de cette obligation inconditionnelle lui incombant, le Parlement n’a pas agi, en l’espèce, au-delà de ce qui était approprié et nécessaire à la réalisation des objectifs poursuivis par les mesures d’application.

84      C’est donc à tort que le requérant fait valoir, en substance, que le Parlement aurait dû prouver que l’assistant local n’avait jamais été son assistant parlementaire au cours de la période en cause.

85      Il s’ensuit que le quatrième moyen doit être rejeté ainsi que, par voie de conséquence, le recours dans son intégralité.

 Sur les dépens

86      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Le requérant ayant succombé, il y a lieu de le condamner aux dépens, conformément aux conclusions du Parlement.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      M. Jean-Luc Bennahmias supportera, outre ses propres dépens, ceux exposés par le Parlement européen.

Spielmann

Öberg

Spineanu-Matei

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 24 mars 2021.

Le greffier

 

Le président

E. Coulon

 

S. Papasavvas


*      Langue de procédure : le français.

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