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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) |
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You are here: BAILII >> Databases >> Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) >> Aeris Invest v ECB (Judgment) French Text [2021] EUECJ T-827/17 (06 October 2021) URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2021/T82717.html Cite as: [2021] EUECJ T-827/17 |
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ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre élargie)
6 octobre 2021 (*)
« Accès aux documents – Décision 2004/258/CE – Documents afférents à l’adoption d’un dispositif de résolution à l’égard de Banco Popular Español – Refus partiel d’accès – Exception relative à la protection de la confidentialité des délibérations des organes de décision de la BCE – Documents reflétant le résultat des délibérations des organes de décision de la BCE – Obligation de motivation – Exception relative à la protection de la politique financière, monétaire ou économique de l’Union ou d’un État membre – Exception relative à la protection de la stabilité du système financier dans l’Union ou dans un État membre – Exception relative à la protection de la confidentialité des informations protégées en tant que telles en vertu du droit de l’Union – Notion d’informations confidentielles – Présomption générale de confidentialité – Dérogations à l’obligation de secret professionnel – Article 47 de la charte des droits fondamentaux »
Dans l’affaire T‑827/17,
Aeris Invest Sàrl, établie à Luxembourg (Luxembourg), représentée par Mes R. Vallina Hoset et E. Galán Burgos, avocats,
partie requérante,
contre
Banque centrale européenne (BCE), représentée par Mme T. Filipova, MM. D. Báez Seara et F. von Lindeiner, en qualité d’agents, assistés de Me M. Kottmann, avocat,
partie défenderesse,
soutenue par
Commission européenne, représentée par MM. É. Gippini Fournier, J. Rius, Mmes C. Ehrbar et A. Steiblytė, en qualité d’agents,
et par
Banco Santander, SA, établie à Santander (Espagne), représentée par Mes J. Rodríguez Cárcamo et A. Rodríguez Conde, avocats,
parties intervenantes,
ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation des décisions LS/MD/17/405, LS/MD/17/406 et LS/MD/17/419 de la BCE, du 7 novembre 2017, refusant l’accès intégral à certains documents afférents à l’adoption d’un dispositif de résolution à l’égard de Banco Popular Español, SA,
LE TRIBUNAL (troisième chambre élargie),
composé de MM. A. M. Collins, président, V. Kreuschitz, Z. Csehi, G. De Baere (rapporteur) et Mme G. Steinfatt, juges,
greffier : Mme A. Juhász-Tóth, administratrice,
vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 4 mars 2021,
rend le présent
Arrêt
I. Antécédents du litige
Résolution de Banco Popular Español, SA
1 Banco Popular Español, SA (ci-après « Banco Popular ») était un établissement de crédit établi en Espagne, soumis à la surveillance prudentielle directe de la Banque centrale européenne (BCE) en application du règlement (UE) no 1024/2013 du Conseil, du 15 octobre 2013, confiant à la BCE des missions spécifiques ayant trait aux politiques en matière de surveillance prudentielle des établissements de crédit (JO 2013, L 287, p. 63).
2 Le 6 juin 2017, la BCE a réalisé, après consultation du Conseil de résolution unique (CRU), une évaluation sur la situation de défaillance avérée ou prévisible de Banco Popular (ci-après l’« évaluation FOLTF »), conformément à l’article 18, paragraphe 1, deuxième alinéa, du règlement (UE) no 806/2014 du Parlement européen et du Conseil, du 15 juillet 2014, établissant des règles et une procédure uniformes pour la résolution des établissements de crédit et de certaines entreprises d’investissement dans le cadre d’un mécanisme de résolution unique et d’un Fonds de résolution bancaire unique, et modifiant le règlement (UE) no 1093/2010 (JO 2014, L 225, p. 1).
3 Le même jour, le conseil d’administration de Banco Popular a informé la BCE qu’il était arrivé à la conclusion que la banque était en situation de défaillance prévisible.
4 Toujours le même jour, la BCE a communiqué la version finale de l’évaluation FOLTF au CRU et à la Commission européenne, conformément à l’article 18, paragraphe 1, troisième alinéa, du règlement no 806/2014.
5 Dans l’évaluation FOLTF, la BCE a indiqué que, au cours des derniers mois, Banco Popular avait subi une détérioration importante de sa situation de trésorerie, due principalement à un épuisement significatif de sa base de dépôts.
6 Compte tenu, en particulier, des sorties excessives de dépôts, de la rapidité à laquelle la trésorerie avait été perdue par Banco Popular et de l’incapacité de celle-ci à générer d’autres liquidités, la BCE a considéré qu’il existait des éléments objectifs indiquant que Banco Popular ne serait probablement pas en mesure dans un proche avenir de s’acquitter de ses dettes ou de ses autres engagements à l’échéance. La BCE en a conclu que la défaillance de Banco Popular était réputée avérée ou, en tout état de cause, prévisible dans un proche avenir, conformément à l’article 18, paragraphe 1, sous a), et paragraphe 4, sous c), du règlement no 806/2014.
7 Le 7 juin 2017, la session exécutive du CRU a adopté la décision SRB/EES/2017/08 concernant un dispositif de résolution à l’égard de Banco Popular sur le fondement du règlement no 806/2014 (ci-après le « dispositif de résolution »). Le dispositif de résolution désigne le Fondo de Reestructuración Ordenada Bancaria (FROB, Fonds de restructuration ordonnée des établissements bancaires, Espagne) comme destinataire.
8 Préalablement à l’adoption du dispositif de résolution, une valorisation de Banco Popular a été réalisée conformément à l’article 20 du règlement no 806/2014. Cette valorisation comprend un premier rapport de valorisation daté du 5 juin 2017 et rédigé par le CRU en application de l’article 20, paragraphe 5, sous a), du règlement no 806/2014 et un deuxième rapport de valorisation daté du 6 juin 2017 et rédigé par un expert indépendant en application de l’article 20, paragraphe 10, du règlement no 806/2014. Ces deux rapports de valorisation sont annexés au dispositif de résolution.
9 Estimant que les conditions prévues à l’article 18, paragraphe 1, du règlement no 806/2014 étaient réunies, le CRU a décidé de soumettre Banco Popular à une procédure de résolution. Ainsi, le CRU a considéré, premièrement, que Banco Popular était en situation de défaillance avérée ou prévisible, deuxièmement, qu’il n’existait pas d’autres mesures qui pourraient empêcher la défaillance de Banco Popular dans un délai raisonnable et, troisièmement, qu’une mesure de résolution sous la forme d’un instrument de cession des activités de Banco Popular était nécessaire dans l’intérêt public.
10 L’application de l’instrument de cession des activités consistait à transférer des actions de Banco Popular, libres et quittes de tout droit ou privilège d’un tiers, à Banco Santander, SA en contrepartie du paiement d’un prix d’achat de 1 euro.
11 Le 7 juin 2017, la Commission a adopté la décision (UE) 2017/1246, approuvant le dispositif de résolution à l’égard de Banco Popular (JO 2017, L 178, p. 15), et l’a notifiée au CRU.
12 Le même jour, le FROB a adopté les mesures nécessaires pour mettre en œuvre le dispositif de résolution, conformément à l’article 29 du règlement no 806/2014.
13 Le CRU a publié sur son site Internet une communication résumant les effets du dispositif de résolution. En outre, le 11 juillet 2017, le dispositif de résolution a fait l’objet d’une communication succincte publiée au Journal officiel de l’Union européenne (JO 2017, C 222, p. 3). Cette communication mentionne que de plus amples informations sur le dispositif de résolution sont disponibles sur le site Internet du CRU et indique le lien permettant d’accéder à ces informations, en ce compris la version non confidentielle du dispositif de résolution. Le même jour, la décision 2017/1246 a été publiée au Journal officiel de l’Union européenne (JO 2017, L 178, p. 15).
14 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 18 septembre 2017, la requérante, Aeris Invest Sàrl, a introduit un recours en annulation contre le dispositif de résolution. Ce recours a été enregistré sous le numéro T‑628/17. Le 10 octobre 2017, la requérante a également introduit un recours en responsabilité non contractuelle contre le CRU visant à la réparation du préjudice prétendument subi à la suite de l’adoption du dispositif de résolution. Cette affaire a été enregistrée sous le numéro T‑714/17.
Demandes d’accès à des documents introduites par la requérante
15 La requérante détenait des actions de Banco Popular avant l’adoption du dispositif de résolution.
16 Entre le 19 juin et le 2 août 2017, la requérante a introduit trois demandes d’accès à des documents auprès de la BCE, conformément à l’article 6, paragraphe 1, de la décision 2004/258/CE de la BCE, du 4 mars 2004, relative à l’accès du public aux documents de la BCE (JO 2004, L 80, p. 42), telle que modifiée, d’une part, par la décision 2011/342/UE de la BCE, du 9 mai 2011 (JO 2011, L 158, p. 37), et, d’autre part, par la décision (UE) 2015/529 de la BCE, du 21 janvier 2015 (JO 2015, L 84, p. 64), et deux demandes auprès du Banco de España (Banque d’Espagne, Espagne). Les demandes adressées à la Banque d’Espagne, qui concernaient des documents établis ou détenus par la BCE, ont été transmises à cette dernière, conformément à l’article 5, alinéa 2, de la décision 2004/258.
17 En réponse aux demandes d’accès aux documents de la requérante, la BCE a adopté quatre décisions, à savoir la décision LS/PT/2017/66, du 11 août 2017, la décision LS/PT/2017/77, du 30 août 2017, la décision LS/PT/2017/71, du 31 août 2017, et la décision LS/PT/2017/74, du 1er septembre 2017.
18 À la suite de ces décisions, conformément à l’article 8, paragraphe 2, de la décision 2004/258, la requérante a introduit une seule demande confirmative auprès du directoire de la BCE (ci-après la « demande confirmative ») dans laquelle elle a regroupé tous les documents auxquels elle souhaitait obtenir un accès intégral, visés dans les décisions de la BCE mentionnées au point 17 ci-dessus.
19 Ainsi, la requérante a, notamment, demandé l’accès aux documents suivants :
– les données occultées relatives au plafond de l’apport urgent de liquidités (ci-après l’« AUL »), au montant de l’AUL effectivement accordé, aux garanties données par Banco Popular pour l’octroi de celui-ci (ci-après les « garanties offertes »), à la situation de liquidité et au ratio de fonds propres ;
– l’évaluation FOLTF ;
– tout document de la Banque d’Espagne indiquant le solde quotidien (positif ou négatif) des dépôts de Banco Popular, à savoir aussi bien les retraits que les montants déposés, entre le 1er janvier et le 6 juin 2017, ainsi que tout document contenant cette information en tout ou en partie ;
– tout document de la Banque d’Espagne contenant, premièrement, le solde moyen (positif ou négatif) des dépôts de Banco Popular, à savoir aussi bien les retraits que les montants déposés, entre le 1er janvier et le 23 mai 2017 et, deuxièmement, le solde quotidien (positif ou négatif) des retraits de Banco Popular entre le 1er janvier et le 23 mai 2017 ;
– les documents transmis par Banco Popular à la BCE et à la Banque d’Espagne dans le cadre du mécanisme de surveillance unique (MSU) entre le 1er et le 6 juin 2017, relatifs à l’adoption par le CRU du dispositif de résolution, en particulier les correspondances adressées par Banco Popular à la BCE le 6 juin 2017 et, à titre subsidiaire, la lettre que Banco Popular aurait transmise à la BCE le 6 juin 2017.
20 La BCE a répondu à la demande confirmative par trois décisions adoptées le 7 novembre 2017 (ci-après les « décisions attaquées »).
21 Par la décision LS/MD/17/405 du 7 novembre 2017 (ci-après la « première décision attaquée »), la BCE a refusé d’accorder l’accès aux informations identifiées aux troisième et quatrième tirets du point 19 ci-dessus. Selon la BCE, le document contenant ces informations était couvert par une présomption générale de confidentialité en vertu de l’article 4, paragraphe 1, sous c), de la décision 2004/258, qui vise à protéger la confidentialité des informations protégées en tant que telles en vertu du droit de l’Union européenne.
22 À cet égard, la BCE a indiqué que, dans le cadre de ses activités continues de surveillance prudentielle, elle recueillait, aux dates de déclaration de fin de période, des informations sur les dépôts relatives aux établissements de crédit qu’elle supervise directement. Ce suivi ne couvrait habituellement pas des informations relatives au solde quotidien (positif ou négatif) des dépôts, c’est-à-dire tant des retraits que des dépôts, ni des informations relatives à la capacité de couverture de liquidités de l’établissement de crédit concerné. Dans le cas de Banco Popular, la BCE a, de façon exceptionnelle, commencé à recueillir ces informations à partir du 3 avril 2017.
23 Selon la BCE, le document contenant ces informations a été préparé par elle dans le cadre de sa mission de surveillance prudentielle et son contenu a été pris en compte lors de la préparation de l’évaluation FOLTF. Le document demandé ferait ainsi partie du dossier administratif relatif à la surveillance prudentielle continue de Banco Popular et à la procédure FOLTF.
24 Partant, le document demandé serait couvert par les obligations de secret professionnel prévues par l’article 27 du règlement no 1024/2013, par les articles 53 et suivants de la directive 2013/36/UE du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, concernant l’accès à l’activité des établissements de crédit et la surveillance prudentielle des établissements de crédit et des entreprises d’investissement, modifiant la directive 2002/87/CE et abrogeant les directives 2006/48/CE et 2006/49/CE (JO 2013, L 176, p. 338), et par l’article 84 de la directive 2014/59/UE du Parlement européen et du Conseil, du 15 mai 2014, établissant un cadre pour le redressement et la résolution des établissements de crédit et des entreprises d’investissement et modifiant la directive 82/891/CEE du Conseil ainsi que les directives du Parlement européen et du Conseil 2001/24/CE, 2002/47/CE, 2004/25/CE, 2005/56/CE, 2007/36/CE, 2011/35/UE, 2012/30/UE et 2013/36/UE et les règlements du Parlement européen et du Conseil (UE) no 1093/2010 et (UE) no 648/2012 (JO 2014, L 173, p. 190). Selon la BCE, sa divulgation pouvait porter atteinte non seulement à Banco Popular, mais également au système bancaire en général, puisque les banques ne pourraient plus avoir confiance en ce que les informations qu’elles avaient fournies resteraient confidentielles.
25 Par la décision LS/MD/17/406 du 7 novembre 2017 (ci-après la « deuxième décision attaquée »), la BCE a refusé de donner accès aux informations identifiées au premier tiret du point 19 ci-dessus. Ces informations avaient été occultées dans le cadre de l’accès partiel que la BCE avait accordé à la requérante à la suite de sa première demande d’accès. Cet accès partiel concernait les quatre documents suivants :
– une lettre du gouverneur de la Banque d’Espagne adressée le 5 juin 2017 au président de la BCE, intitulée « Emergency liquidity assistance » ;
– une lettre de suivi du gouverneur de la Banque d’Espagne adressée le 5 juin 2017 au président de la BCE, intitulée « Emergency liquidity assistance » ;
– une proposition du directoire au conseil des gouverneurs de la BCE, intitulée « Emergency liquidity assistance request from Banco de España », du 5 juin 2017 ;
– le compte rendu de la 447e réunion du conseil des gouverneurs de la BCE tenue par téléconférence le 5 juin 2017.
26 La BCE a décidé que l’accès intégral à ces documents ne pouvait être accordé pour plusieurs motifs. Premièrement, les informations qu’ils contiennent concernant le plafond de l’AUL et le montant effectivement accordé étaient couvertes par les exceptions visées à l’article 4, paragraphe 1, sous a), premier tiret, de la décision 2004/258, relatif à la protection de l’intérêt public en ce qui concerne la confidentialité des délibérations des organes de décision de la BCE, à l’article 4, paragraphe 1, sous a), deuxième tiret, de cette décision, relatif à la protection de l’intérêt public en ce qui concerne la politique financière, monétaire ou économique de l’Union ou d’un État membre, et à l’article 4, paragraphe 1, sous a), septième tiret, de la même décision, relatif à la protection de l’intérêt public en ce qui concerne la stabilité du système financier dans l’Union ou dans un État membre. Deuxièmement, selon la BCE, les informations contenues dans les documents demandés concernant les garanties offertes étaient également protégées par l’exception visée à l’article 4, paragraphe 2, premier tiret, de la décision 2004/258, relatif à la protection des intérêts commerciaux d’une personne physique ou morale. Troisièmement, la BCE a estimé que les informations concernant la situation de liquidité de Banco Popular et ses ratios de fonds propres étaient protégées en vertu des exceptions visées à l’article 4, paragraphe 1, sous c), de la décision 2004/258, relatif à la protection de la confidentialité des informations qui sont protégées en tant que telles en vertu du droit de l’Union, et à l’article 4, paragraphe 2, premier tiret, de la même décision, relatif à la protection des intérêts commerciaux d’une personne physique ou morale.
27 S’agissant des informations concernant le plafond de l’AUL et le montant de l’AUL effectivement accordé, la BCE a indiqué que la divulgation de ces informations pouvait spécifiquement et effectivement porter atteinte à la politique monétaire et à la stabilité financière dans la mesure où le pouvoir discrétionnaire des banques centrales nationales de résoudre des problèmes temporaires de liquidité constitue un élément essentiel pour la stabilité financière et un prérequis fondamental pour l’efficacité de la politique monétaire.
28 Selon la BCE, la résolution de Banco Popular a fragilisé davantage le marché financier espagnol s’agissant d’éventuels cas similaires. La confiance du marché se serait détériorée, en particulier par rapport à des établissements financiers de petite taille. La divulgation des informations relatives au plafond de l’AUL et au montant de l’AUL effectivement accordé pourrait raviver les tensions à l’égard des institutions financières ou ouvrir la porte à des spéculations non fondées au regard de la situation de Banco Santander. En outre, en raison du fait que les marchés financiers sont hautement interconnectés, des développements négatifs en Espagne pourraient avoir des effets de cascade dans d’autres États membres, ce qui pourrait finalement avoir des effets néfastes pour la stabilité financière de l’Union.
29 En outre, la BCE a relevé que la divulgation du plafond de l’AUL et du montant de l’AUL effectivement accordé à Banco Popular pouvait réduire la flexibilité des banques centrales nationales pour adapter l’octroi d’un AUL aux circonstances spécifiques de futurs cas. Par ailleurs, la divulgation de ces données pourrait créer des attentes que les banques centrales nationales et la BCE agissent toujours de la même façon, même dans des situations qui ne justifieraient pas une telle approche.
30 S’agissant des garanties offertes, la BCE a, en substance, souligné que la divulgation de ces données porterait atteinte à l’efficacité de l’AUL en tant qu’instrument visant à maintenir la stabilité financière. Selon la BCE, les banques seraient dissuadées de demander un AUL au moment opportun si les informations concernant les garanties offertes étaient publiées. La divulgation de ces informations, même ex post, pourrait en outre avoir pour effet de réduire la flexibilité des banques centrales nationales à prendre en considération une grande variété d’actifs possibles puisque la connaissance de l’approche qu’elles ont préconisée par le passé créerait des attentes par rapport au type de garanties qui pourrait être accepté dans le futur. Cela réduirait la possibilité de réagir de façon efficace à des problèmes futurs de liquidité et entraverait l’efficacité de l’AUL en tant qu’instrument de maintien de la stabilité financière.
31 En ce qui concerne les informations relatives à la situation de liquidité et les ratios de fonds propres de Banco Popular, la BCE a indiqué que celles-ci relèvent de la surveillance prudentielle et sont dès lors protégées par les règles de secret professionnel et de confidentialité applicables à ce domaine, prévues à l’article 27 du règlement no 1024/2013, lu en combinaison avec les articles 53 et suivants de la directive 2013/36. Selon la BCE, la divulgation de ces données causerait une spéculation de la part des acteurs du marché sur la position de liquidité de Banco Santander et ses besoins de financement, ce qui créerait des pressions financières non fondées. La divulgation de ces informations risquerait donc de porter atteinte, d’une part, à l’intérêt public en ce qui concerne la stabilité du système financier de l’Espagne et de l’Union et, d’autre part, aux intérêts commerciaux de Banco Santander.
32 Enfin, la BCE a indiqué que, selon elle, il n’existait pas d’intérêt public supérieur permettant de renverser l’application de l’exception visée à l’article 4, paragraphe 2, premier tiret, de la décision 2004/258. Elle a estimé que l’intérêt invoqué en l’espèce par la requérante, à savoir son statut d’ancien actionnaire, constituait un intérêt privé qui ne pouvait primer sur l’intérêt public protégé par cette disposition.
33 Par la décision LS/MD/17/419 du 7 novembre 2017 (ci-après la « troisième décision attaquée »), la BCE a refusé de donner accès aux documents identifiés aux deuxième et cinquième tirets du point 19 ci-dessus. La BCE a estimé que ces documents étaient couverts par une présomption générale de confidentialité fondée sur les exceptions visées à l’article 4, paragraphe 1, sous c), de la décision 2004/258, relatif à la protection de la confidentialité des informations qui sont protégées en tant que telles en vertu du droit de l’Union, et à l’article 4, paragraphe 2, premier tiret, de la même décision, relatif à la protection des intérêts commerciaux d’une personne physique ou morale.
34 La BCE a expliqué que, s’agissant de la version intégrale de l’évaluation FOLTF et de la documentation fournie par Banco Popular, à savoir sa situation en termes de capital et de liquidité, des données relatives aux conditions requises pour son agrément ainsi que des communications transmises par Banco Popular à la BCE entre le 1er et le 6 juin 2017, ces documents relevaient des dossiers administratifs relatifs à la surveillance prudentielle continue et à la procédure de l’évaluation FOLTF.
35 Puisque ces dossiers administratifs étaient liés à l’exercice par la BCE de sa mission en tant qu’autorité de surveillance prudentielle, ils étaient couverts par les obligations de secret professionnel et de confidentialité applicables dans ce domaine, prévues à l’article 27 du règlement no 1024/2013, aux articles 53 et suivants de la directive 2013/36 et à l’article 84 de la directive 2014/59.
36 Selon la BCE, la divulgation des documents demandés pouvait porter atteinte non seulement à l’établissement de crédit concerné, mais également au système bancaire en général, puisque les banques ne pourraient plus avoir confiance en ce que les informations qu’elles soumettent à la BCE aux fins de la surveillance prudentielle resteront confidentielles.
37 Le régime de secret professionnel et de confidentialité n’autoriserait la divulgation d’informations confidentielles que sous une forme résumée ou agrégée de façon à ce que l’établissement de crédit concerné ne puisse pas être identifié. Ce régime continuerait à s’appliquer même si un établissement de crédit avait fait l’objet d’une résolution.
38 La BCE a ensuite relevé que les documents demandés contenaient également des informations sur la position de Banco Popular sur le marché ainsi que sur ses actifs et ses passifs, dont la divulgation pouvait porter atteinte aux intérêts commerciaux de Banco Popular et de son entreprise mère, Banco Santander. La BCE a estimé en particulier que des informations telles que l’évaluation de l’incidence de la liquidité de Banco Popular sur le financement et la structure opérationnelle de sa filiale Banco Popular Portugal étaient sensibles d’un point de vue commercial et pouvaient donner lieu à une spéculation non fondée sur la situation financière et la liquidité du groupe.
39 Enfin, la BCE a indiqué que, selon elle, il n’existait pas d’intérêt public supérieur permettant de renverser l’application de l’exception visée à l’article 4, paragraphe 2, premier tiret, de la décision 2004/258. Elle a estimé que l’intérêt invoqué en l’espèce par la requérante, à savoir son statut d’ancien actionnaire, constituait un intérêt privé qui ne pouvait primer sur l’intérêt public protégé par cette disposition.
II. Faits postérieurs à l’introduction du recours
40 À la suite de divers recours formés par plusieurs anciens actionnaires, y compris la requérante, et créanciers de Banco Popular devant le comité d’appel du CRU, le CRU a publié sur son site Internet certains documents relatifs à la résolution de Banco Popular.
41 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 6 février 2018, la requérante a introduit un recours en annulation de la décision du comité d’appel du CRU du 28 novembre 2017, enregistré sous le numéro T‑62/18.
42 En outre, le 18 juillet 2018, la requérante a introduit un recours en annulation de la décision LS/MD/18/141 de la BCE, du 8 mai 2018, par laquelle cette dernière refusait de donner accès à certains documents, autres que ceux qui font l’objet du présent recours, relatifs à la résolution de Banco Popular. Ce recours a été enregistré sous le numéro T‑442/18.
43 Le 14 juin 2018, le cabinet Deloitte a transmis au CRU le rapport sur la valorisation réalisée afin de déterminer si les actionnaires et les créanciers auraient bénéficié d’un meilleur traitement si l’établissement soumis à une procédure de résolution avait fait l’objet d’une procédure normale d’insolvabilité, prévue à l’article 20, paragraphes 16 à 18, du règlement no°806/2014 (ci-après la « valorisation 3 »).
44 Le 6 août 2018, le CRU a publié sur son site Internet son avis du 2 août 2018 relatif à sa décision préliminaire SRB/EES/2018/132 sur la nécessité d’accorder ou non un dédommagement aux actionnaires et aux créanciers affectés par les mesures de résolution concernant Banco Popular et le lancement de la procédure relative au droit d’être entendu, ainsi qu’une version non confidentielle de la valorisation 3. Le 7 août 2018, une communication concernant l’avis du CRU du 2 août 2018 a été publiée au Journal officiel de l’Union européenne (JO 2018, C 277 I, p. 1).
45 Le 17 mars 2020, le CRU a adopté la décision SRB/EES/2020/52 déterminant si un dédommagement devait être accordé aux actionnaires et créanciers concernés par les mesures de résolution effectuées à l’égard de Banco Popular. Dans cette décision, publiée sur son site Internet, le CRU a considéré que les actionnaires et créanciers qui avaient été affectés par la résolution de Banco Popular n’avaient pas le droit à un dédommagement du Fonds de résolution unique (FRU) en application de l’article 76, paragraphe 1, sous e), du règlement no 806/2014. Un communiqué concernant cette décision a été publié le 20 mars 2020 au Journal officiel de l’Union européenne (JO 2020, C 91, p. 2).
III. Procédure et conclusions des parties
46 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 27 décembre 2017, la requérante a introduit le présent recours.
47 Par acte séparé, déposé au greffe du Tribunal le même jour, la requérante a demandé qu’il soit statué sur le présent recours selon une procédure accélérée, conformément à l’article 152 du règlement de procédure du Tribunal. La BCE a déposé ses observations sur cette demande dans le délai imparti. Par décision du 26 janvier 2018, le Tribunal (huitième chambre) a rejeté la demande de procédure accélérée.
48 Par actes déposés au greffe du Tribunal le 6 mars 2018, Banco Popular et Banco Santander ont respectivement demandé à intervenir dans la présente procédure au soutien des conclusions de la BCE.
49 Par acte déposé au greffe du Tribunal le 11 avril 2018, la Commission a demandé à intervenir dans la présente procédure au soutien des conclusions de la BCE.
50 Par décision du 17 juillet 2018, le président de la huitième chambre du Tribunal a admis l’intervention de la Commission. La Commission a déposé son mémoire en intervention et les parties principales ont déposé leurs observations sur celui-ci dans le délai imparti.
51 Par ordonnances du 27 juillet 2018, le président de la huitième chambre du Tribunal a admis les interventions de Banco Santander et de Banco Popular. Celles-ci ont déposé leurs mémoires en intervention et les parties principales ont déposé leurs observations sur ces mémoires dans le délai imparti.
52 Par acte déposé au greffe du Tribunal le 30 octobre 2018, Banco Santander a informé le Tribunal que, avec effet au 28 septembre 2018, elle avait succédé à titre universel à Banco Popular et que l’intervention de cette dernière était retirée.
53 La requérante a déposé des observations sur le retrait de l’intervention de Banco Popular dans le délai imparti. Ni la BCE ni la Commission n’ont déposé d’observations à cet égard.
54 Par ordonnance du 5 février 2019, le président de la huitième chambre du Tribunal a radié du registre l’intervention de Banco Popular et a décidé que Banco Santander supporterait ses propres dépens ainsi que les dépens de la requérante relatifs à l’intervention de Banco Popular. Il a également décidé que la BCE et la Commission supporteraient leurs propres dépens.
55 Par décision du président de la huitième chambre du 1er août 2019, les parties entendues, la procédure a été suspendue conformément à l’article 69, sous b), du règlement de procédure jusqu’à l’adoption d’une décision définitive dans l’affaire ayant donné lieu, depuis lors, à l’arrêt du 19 décembre 2019, BCE/Espírito Santo Financial (Portugal) (C‑442/18 P, EU:C:2019:1117).
56 La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée, en application de l’article 27, paragraphe 5, du règlement de procédure, le juge rapporteur a été affecté à la troisième chambre, à laquelle la présente affaire a, par conséquent, été attribuée.
57 Le 19 décembre 2019, la Cour a rendu l’arrêt BCE/Espirito Santo Financial (Portugal) (C‑442/18 P, EU:C:2019:1117). Par conséquent, la procédure dans la présente affaire a repris.
58 Dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues par l’article 89 du règlement de procédure, d’une part, la requérante a été invitée à se prononcer sur les conséquences qu’il convenait, selon elle, de tirer de l’arrêt du 19 décembre 2019, BCE/Espirito Santo Financial (Portugal) (C‑442/18 P, EU:C:2019:1117), pour la présente affaire et, d’autre part, la BCE, la Commission et Banco Santander ont été invitées à déposer des observations sur la réponse de la requérante.
59 Dans le cadre d’une mesure d’organisation de la procédure prévue par l’article 89 du règlement de procédure, la requérante, la BCE et la Commission ont été invitées à répondre par écrit à des questions posées par le Tribunal. Elles y ont répondu dans le délai imparti.
60 Par ordonnance de mesures d’instruction du 27 novembre 2020, le Tribunal a ordonné à la BCE, sur le fondement, d’une part, de l’article 24, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne et, d’autre part, de l’article 91, sous c), ainsi que de l’article 104 du règlement de procédure, de produire les documents auxquels l’accès avait été refusé par les décisions attaquées.
61 Sur proposition de la troisième chambre, le Tribunal a décidé, en application de l’article 28 du règlement de procédure, de renvoyer l’affaire devant une formation de jugement élargie.
62 Par lettre du 12 février 2021, Banco Santander a indiqué que, en raison de la crise sanitaire liée à la COVID-19, il lui était impossible de se déplacer à Luxembourg (Luxembourg) pour l’audience de plaidoiries et a demandé à pouvoir plaider par vidéoconférence. Par décision du 17 février 2021, le président de la troisième chambre élargie a décidé d’accueillir la demande de Banco Santander.
63 Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales posées par le Tribunal lors de l’audience du 4 mars 2021.
64 La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– annuler les décisions attaquées ;
– condamner la BCE aux dépens.
65 La BCE, soutenue par la Commission et Banco Santander, conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– rejeter le recours ;
– condamner la requérante aux dépens.
IV. En droit
66 À l’appui de son recours, la requérante invoque cinq moyens. Le premier moyen est tiré de ce que la BCE, dans les décisions attaquées, a violé l’article 4, paragraphe 1, sous c), de la décision 2004/258. Dans le cadre du deuxième moyen, la requérante fait valoir que, dans la deuxième décision attaquée, la BCE a violé l’article 4, paragraphe 1, sous a), deuxième et septième tirets, de la décision 2004/258. Le troisième moyen tend à l’annulation des deuxième et troisième décisions attaquées au motif d’une violation de l’article 4, paragraphe 2, premier tiret, de la décision 2004/258. Le quatrième moyen est tiré de la violation de l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »). Dans le cadre du cinquième moyen, soulevé pour la première fois dans ses observations sur les mémoires en intervention de la Commission et de Banco Santander, la requérante soutient que la deuxième décision attaquée est entachée d’une violation de l’obligation de motivation en ce qui concerne l’application de l’article 4, paragraphe 1, sous a), premier tiret, de la décision 2004/258.
67 Avant d’examiner les cinq moyens soulevés par la requérante, il conviendra de vérifier si l’objet du litige et l’intérêt à agir de la requérante persistent.
68 Il y aura lieu, ensuite, d’examiner le libellé de la deuxième décision attaquée. Sur la base de cette analyse, il conviendra de traiter, dans un premier temps, les cinquième et deuxième moyens. Dans un second temps seront examinés le premier et, le cas échéant, le troisième moyen et, enfin, le quatrième moyen.
A. Sur l’objet du litige et l’intérêt à agir de la requérante
69 Dans son mémoire en intervention, Banco Santander attire l’attention du Tribunal sur le fait que, depuis l’introduction du présent recours, certains documents ont en grande partie été publiés ou le seront bientôt sur le site Internet du CRU à la suite des décisions du comité d’appel de celui-ci (voir, à cet égard, points 40 et suivants ci-dessus). Banco Santander estime que cette circonstance pourrait priver le recours de son objet.
70 La BCE et la requérante contestent les allégations de Banco Santander.
71 Comme le remarque à juste titre Banco Santander, il a été jugé qu’une partie intervenante n’a pas qualité pour soulever de façon autonome une fin de non-recevoir et que le Tribunal n’est donc pas tenu d’examiner les moyens invoqués exclusivement par celle-ci et qui ne seraient pas d’ordre public (arrêts du 24 mars 1993, CIRFS e.a./Commission, C‑313/90, EU:C:1993:111, point 22, et du 13 décembre 2018, Post Bank Iran/Conseil, T‑559/15, EU:T:2018:948, point 63).
72 Toutefois, conformément à l’article 131, paragraphe 1, du règlement de procédure, si le Tribunal constate que le recours est devenu sans objet et qu’il n’y a plus lieu de statuer, il peut, à tout moment, d’office, sur proposition du juge rapporteur, les parties entendues, décider de statuer par voie d’ordonnance motivée.
73 Ainsi qu’il a été reconnu par une jurisprudence établie, l’intérêt à agir d’une partie requérante doit, compte tenu de l’objet du recours, exister au stade de l’introduction de celui-ci, sous peine d’irrecevabilité. Cet objet du litige doit perdurer, tout comme l’intérêt à agir, jusqu’au prononcé de la décision juridictionnelle, sous peine de non-lieu à statuer, ce qui suppose que le recours soit susceptible, par son résultat, de procurer un bénéfice à la partie qui l’a intenté (voir arrêt du 21 janvier 2021, Leino-Sandberg/Parlement, C‑761/18 P, EU:C:2021:52, point 32 et jurisprudence citée).
74 S’agissant, d’une part, de l’objet du litige, la Cour a rappelé, au point 33 de son arrêt du 21 janvier 2021, Leino-Sandberg/Parlement (C‑761/18 P, EU:C:2021:52), que, dans le domaine de l’accès du public aux documents des institutions de l’Union, le litige conserve son objet tant que la décision par laquelle l’institution concernée a refusé l’accès au document demandé n’a pas formellement été retirée par cette institution, même si le document demandé a été divulgué par un tiers.
75 Étant donné que la BCE n’a pas formellement retiré les décisions attaquées, le présent recours a conservé son objet.
76 S’agissant, d’autre part, de l’intérêt à agir de la requérante, il convient de relever que les documents relatifs à la procédure de résolution de Banco Popular qui ont fait l’objet d’une publication partielle ou intégrale sur le site Internet du CRU sont les suivants : premièrement, le dispositif de résolution ; deuxièmement, le premier rapport de valorisation du 5 juin 2017 rédigé par le CRU en application de l’article 20, paragraphe 5, sous a), du règlement no 806/2014 ; troisièmement, le deuxième rapport de valorisation du 6 juin 2017 rédigé par un expert indépendant en application de l’article 20, paragraphe 10, du règlement no 806/2014 ; quatrièmement, le plan de résolution de 2016 ; cinquièmement, la lettre de vente du 6 juin 2017 ; sixièmement, la décision du CRU du 3 juin 2017 d’ouvrir la procédure de vente de Banco Popular ; septièmement, la lettre de couverture de la décision du CRU du 3 juin 2017 d’ouvrir la procédure de vente de Banco Popular ; huitièmement, la valorisation 3 ; neuvièmement, l’avis du CRU du 2 août 2018 relatif à sa décision préliminaire sur la nécessité d’accorder ou non un dédommagement aux actionnaires et aux créanciers affectés par les mesures de résolution concernant Banco Popular et au lancement de la procédure du droit d’être entendu ; dixièmement, le rapport sur les données relatives au passif de 2017 ; onzièmement, le rapport sur les fonctions critiques de 2017 et, douzièmement, certains documents reçus de la part de Banco Popular dans le cadre de la procédure de vente privée.
77 Force est de constater que les documents mentionnés au point 76 ci-dessus n’incluent pas les documents faisant l’objet du présent litige, tels que mentionnés aux points 21 à 25 et 33 ci-dessus, ce qui a été confirmé par la requérante tant par écrit que lors de l’audience.
78 En tout état de cause, la Cour a relevé que, dans une situation où la partie requérante a obtenu uniquement l’accès au document demandé divulgué par un tiers et où l’institution concernée continue à lui refuser l’accès au document demandé, il ne peut être considéré que la partie requérante a obtenu l’accès à ce dernier document ou que, partant, elle a perdu son intérêt à demander l’annulation de la décision en cause du seul fait de cette divulgation. Au contraire, dans une telle situation, la partie requérante conserve un intérêt réel à obtenir l’accès à une version authentifiée du document demandé, garantissant que cette institution en est l’auteur et que ce document exprime la position officielle de celle-ci (voir, en ce sens, arrêt du 21 janvier 2021, Leino-Sandberg/Parlement, C‑761/18 P, EU:C:2021:52, point 48).
79 Dans la mesure où la BCE a confirmé à l’audience qu’elle n’avait pas divulgué les documents demandés depuis l’introduction du présent recours et qu’elle continuait à refuser d’y donner accès, il y a lieu de conclure que la requérante a conservé son intérêt à agir dans le cadre du présent recours.
B. Sur l’interprétation de la deuxième décision attaquée
80 À titre liminaire, il convient de constater qu’il existe une discordance entre la manière dont la BCE a résumé la deuxième décision attaquée dans ses écrits déposés devant le Tribunal et le libellé même de cette décision. Plus particulièrement, cette discordance concerne la question de savoir quelles dispositions de la décision 2004/258 ont été invoquées par la BCE dans le cadre de la deuxième décision attaquée pour refuser l’accès aux différents types d’informations concernées.
81 Il y a lieu, tout d’abord, de relever que le Tribunal s’appuiera sur la version anglaise de la deuxième décision attaquée pour interpréter le contenu de celle-ci. En effet, la version espagnole de la deuxième décision attaquée comporte la mention « Traducción de cortesía (en caso de discrepancia prevalece la versión en inglés) » [Traduction de courtoisie (en cas de divergence, la version en langue anglaise prévaudra)]. Il n’est pas contesté entre les parties que la version anglaise de ladite décision doit être considérée comme étant la version faisant foi.
82 Ensuite, il convient de rappeler, tel qu’il a été exposé au point 25 ci-dessus, que la deuxième décision attaquée contient un refus d’accès partiel à quatre documents contenant cinq catégories d’informations, à savoir les informations relatives au plafond de l’AUL, au montant de l’AUL effectivement accordé, aux garanties offertes, à la situation de liquidité de Banco Popular et aux ratios de capital de cette dernière. À l’égard de ces cinq catégories d’informations, la deuxième décision attaquée applique cinq exceptions au droit d’accès, qui se recoupent selon le type d’information en cause.
83 En réponse à une question posée par le Tribunal lors de l’audience, la BCE a expliqué que, selon elle, la deuxième décision attaquée se fonde sur les exceptions visées à l’article 4, paragraphe 1, sous a), premier, deuxième et septième tirets, de la décision 2004/258 en ce qui concerne chacune des cinq catégories d’informations auxquelles l’accès a été refusé (voir point 82 ci-dessus). Selon la BCE, cette interprétation est confirmée par l’annexe B.1 du mémoire en défense contenant un tableau relatif aux documents demandés et aux motifs de non-divulgation (partielle) invoqués par la BCE, laquelle fait partie intégrante de la deuxième décision attaquée.
84 En réponse aux allégations de la BCE, la requérante a indiqué, lors de l’audience, qu’elle considérait que ses droits de la défense étaient violés étant donné, d’une part, que l’annexe B.1 du mémoire en défense ne lui avait pas été communiquée avec la deuxième décision attaquée et, d’autre part, que le texte de la deuxième décision attaquée ne confirmait pas la position de la BCE selon laquelle les cinq catégories d’informations auxquelles l’accès avait été refusé étaient couvertes par l’ensemble des exceptions visées à l’article 4, paragraphe 1, sous a), premier, deuxième et septième tirets, de la décision 2004/258.
85 Force est de constater que, premièrement, la deuxième décision attaquée prétend confirmer la décision LS/PT/2017/66 de la BCE, du 11 août 2017. Or, il ressort du texte de cette décision du 11 août 2017 que seules les informations concernant le plafond de l’AUL, le montant de l’AUL effectivement accordé et les garanties offertes étaient couvertes par les exceptions visées à l’article 4, paragraphe 1, sous a), premier, deuxième et septième tirets, de la décision 2004/258, mais que tel n’était pas le cas des informations concernant la situation de liquidité de Banco Popular et ses ratios de capital.
86 Deuxièmement, dans la deuxième décision attaquée, sous le titre « Information on the liquidity situation and the capital ratios of BPE » ( Informations sur la situation de liquidité et les ratios de capital de BPE), la BCE indique : « [i]n your confirmatory application you do not contest the ECB’s reasoning and arguments put forward as justification for the non-disclosure of the liquidity situation and the capital ratios of BPE » ([d]ans votre demande confirmative, vous ne contestez pas le raisonnement et les arguments avancés par la BCE aux fins de justifier la non-divulgation de la situation de liquidité et des ratios de capital de BPE) et « [t]he Executive Board takes the view that such data are protected under Article 4(1)(c) (“protected as such under Union law”) and the first indent of Article 4(2) (“the commercial interests of a natural or legal person”) of Decision ECB/2004/3 » [le directoire est d’avis que ces informations sont protégées par l’article 4, paragraphe 1, sous c) (« protégées en tant que tel[les] en vertu du droit de l’Union »), et par le premier tiret de l’article 4, paragraphe 2 (« intérêts commerciaux d’une personne physique ou morale ») de la décision BCE/2004/3]. Ces phrases ne laissent aucun doute sur le fait que les informations relatives à la situation de liquidité de Banco Popular et à ses ratios de capital ne sont pas couvertes par les exceptions visées à l’article 4, paragraphe 1, sous a), premier, deuxième et septième tirets, de la décision 2004/258.
87 Troisièmement, il convient de constater que, contrairement aux allégations de la BCE, aucun élément du dossier de l’affaire ne permet de considérer que l’annexe B.1 du mémoire en défense de la BCE ferait partie intégrante de la deuxième décision attaquée.
88 En effet, d’une part, la deuxième décision attaquée ne fait pas référence à une quelconque annexe qui y serait jointe. D’autre part, le tableau contenu à l’annexe B.1 concerne les trois décisions attaquées et non uniquement la deuxième décision attaquée, si bien qu’il est vraisemblable que ladite annexe a été préparée aux fins du présent recours.
89 Compte tenu de ces éléments, il y a lieu de conclure que, contrairement à ce qu’a fait valoir la BCE dans ses écrits déposés devant le Tribunal ainsi que pendant l’audience, la deuxième décision attaquée ne se fonde pas sur les exceptions visées à l’article 4, paragraphe 1, sous a), premier, deuxième et septième tirets, de la décision 2004/258 en ce qui concerne chacune des cinq catégories d’informations auxquelles l’accès a été refusé. Plus particulièrement, dans la deuxième décision attaquée, la BCE a uniquement refusé l’accès au plafond de l’AUL, au montant de l’AUL effectivement accordé et aux garanties offertes sur le fondement de l’article 4, paragraphe 1, sous a), premier, deuxième et septième tirets, de la décision 2004/258. L’accès aux informations concernant les garanties offertes a également été refusé sur le fondement de l’article 4, paragraphe 2, premier tiret, de la décision 2004/258. En revanche, s’agissant du refus d’accès aux informations concernant la situation de liquidité de Banco Popular et ses ratios de capital, la deuxième décision attaquée se fonde uniquement sur l’article 4, paragraphe 1, sous c), et l’article 4, paragraphe 2, premier tiret, de la décision 2004/258.
C. Sur le cinquième moyen, tiré d’une violation de l’obligation de motivation s’agissant de l’application de l’article 4, paragraphe 1, sous a), premier tiret, de la décision 2004/258 dans la deuxième décision attaquée
90 Dans ses observations sur les mémoires en intervention de la Commission et de Banco Santander, la requérante a soulevé un moyen tiré de ce que la deuxième décision attaquée est entachée d’un défaut de motivation dans la mesure où la BCE n’y expose pas les raisons pour lesquelles elle considère, d’une part, que les informations relatives au plafond de l’AUL, au montant de l’AUL effectivement accordé et aux garanties offertes sont couvertes par l’exception prévue à l’article 4, paragraphe 1, sous a), premier tiret, de la décision 2004/258, relatif à la protection de l’intérêt public en ce qui concerne la confidentialité des délibérations des organes de décision de la BCE, et, d’autre part, que la divulgation de ces informations pourrait concrètement et effectivement porter atteinte à l’intérêt protégé par cette exception.
91 À l’appui de ce moyen, la requérante se réfère à l’arrêt du 26 avril 2018, Espírito Santo Financial (Portugal)/BCE (T‑251/15, non publié, EU:T:2018:234). Dans cet arrêt, le Tribunal a jugé que la BCE avait violé son devoir de motivation en omettant, d’une part, d’expliquer les raisons pour lesquelles les documents demandés dans le cadre de cette affaire relevaient du domaine visé par l’exception prévue à l’article 4, paragraphe 1, sous a), premier tiret, de la décision 2004/258 et, d’autre part, de fournir une motivation permettant de comprendre et de vérifier comment l’accès aux documents en cause aurait porté atteinte à l’intérêt protégé.
1. Observations liminaires
92 Force est de constater que ce n’est qu’à un stade avancé de la procédure, à savoir dans ses observations sur les mémoires en intervention de la Commission et de Banco Santander, que la requérante a soulevé le moyen tiré de la violation de l’obligation de motivation.
93 Or, il importe de rappeler que, dans le cadre d’un recours en annulation, le moyen tiré d’un défaut ou d’une insuffisance de motivation d’un acte constitue un moyen d’ordre public qui peut, voire doit, être soulevé d’office par le juge de l’Union et qui, par conséquent, peut être invoqué par les parties à tout stade de la procédure (arrêts du 20 février 1997, Commission/Daffix, C‑166/95 P, EU:C:1997:73, point 25 ; du 13 décembre 2001, Krupp Thyssen Stainless et Acciai speciali Terni/Commission, T‑45/98 et T‑47/98, EU:T:2001:288, point 125, et du 10 février 2021, Şanli/Conseil, T‑157/19, non publié, EU:T:2021:75, point 34).
94 De plus, selon une jurisprudence constante, l’obligation de motiver un acte faisant grief, telle que prévue à l’article 296, deuxième alinéa, TFUE et consacrée à l’article 41, paragraphe 2, sous c), de la Charte, constitue un corollaire du principe du respect des droits de la défense et a pour but, d’une part, de fournir à l’intéressé une indication suffisante pour savoir si l’acte est bien fondé ou s’il est éventuellement entaché d’un vice permettant d’en contester la validité devant le juge de l’Union et, d’autre part, de permettre à ce dernier d’exercer son contrôle sur la légalité de cet acte (voir arrêts du 26 juillet 2017, Conseil/LTTE, C‑599/14 P, EU:C:2017:583, point 29 et jurisprudence citée, et du 10 février 2021, Şanli/Conseil, T‑157/19, non publié, EU:T:2021:75, point 36 et jurisprudence citée).
95 Conformément à une jurisprudence tout aussi constante, la motivation exigée par l’article 296 TFUE doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, auteur de l’acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle [arrêts du 30 avril 2019, Italie/Conseil (Quota de pêche de l’espadon méditerranéen), C‑611/17, EU:C:2019:332, point 40 ; du 8 mai 2019, Landeskreditbank Baden-Württemberg/BCE, C‑450/17 P, EU:C:2019:372, point 85, et du 27 janvier 2021, KPN/Commission, T‑691/18, non publié, EU:T:2021:43, point 161].
96 En l’occurrence, ainsi qu’il sera exposé ci-après, le refus de la BCE d’accorder l’accès à certaines informations sur le fondement de l’article 4, paragraphe 1, sous a), premier tiret, de la décision 2004/258 ne répond pas à ces exigences.
2. Sur la violation de l’obligation de motivation
a) Sur le défaut de motivation s’agissant du refus d’accès aux informations relatives au plafond de l’AUL, au montant de l’AUL effectivement accordé et aux garanties offertes
97 Il convient, tout d’abord, de rappeler, s’agissant du cadre juridique applicable au droit d’accès aux documents de la BCE, que l’article 1er, deuxième alinéa, TUE est consacré au principe d’ouverture du processus décisionnel de l’Union. À cet égard, l’article 15, paragraphe 1, TFUE précise que, afin de promouvoir une bonne gouvernance et d’assurer la participation de la société civile, les institutions, organes et organismes de l’Union œuvrent dans le plus grand respect possible du principe d’ouverture. Selon le paragraphe 3, premier alinéa, de cet article, tout citoyen de l’Union et toute personne physique ou morale résidant ou ayant son siège statutaire dans un État membre a un droit d’accès aux documents des institutions, des organes et des organismes de l’Union, quel que soit leur support, sous réserve des principes et des conditions qui seront fixés conformément à ce paragraphe. En outre, selon le deuxième alinéa de ce paragraphe, les principes généraux et les limites qui, pour des raisons d’intérêt public ou privé, régissent l’exercice de ce droit d’accès aux documents sont fixés par voie de règlements par le Parlement européen et le Conseil de l’Union européenne, statuant conformément à la procédure législative ordinaire. Conformément au troisième alinéa de ce paragraphe, chaque institution, organe ou organisme assure la transparence de ses travaux et élabore dans son règlement intérieur des dispositions particulières concernant l’accès à ses documents, en conformité avec les règlements visés au deuxième alinéa dudit paragraphe. Selon le quatrième alinéa de ce paragraphe, la Cour de justice de l’Union européenne, la BCE et la Banque européenne d’investissement (BEI) ne sont soumises audit paragraphe que lorsqu’elles exercent des fonctions administratives.
98 La décision 2004/258 vise, ainsi que l’indiquent ses considérants 2 et 3, à autoriser un accès plus large aux documents de la BCE que celui qui existait sous le régime de la décision 1999/284/CE de la BCE, du 3 novembre 1998, concernant l’accès du public aux documents et aux archives de la BCE (JO 1999, L 110, p. 30), tout en veillant à protéger l’indépendance de la BCE et des banques centrales nationales ainsi que la confidentialité de certaines questions touchant à l’accomplissement des missions de la BCE.
99 L’article 2, paragraphe 1, de la décision 2004/258 donne ainsi à tout citoyen de l’Union et à toute personne physique ou morale résidant ou ayant son siège dans un État membre un droit d’accès aux documents de la BCE, sous réserve des conditions et des limites définies par cette décision.
100 Ce droit est soumis à certaines limites fondées sur des raisons d’intérêt public ou privé. Plus spécifiquement, et en conformité avec son considérant 4, la décision 2004/258 prévoit, à son article 4, un régime d’exceptions autorisant la BCE à refuser l’accès à un document dans le cas où la divulgation de ce dernier porterait atteinte à l’un des intérêts protégés par les paragraphes 1 et 2 de cet article ou dans le cas où ledit document contiendrait des avis destinés à l’utilisation interne dans le cadre de délibérations et de consultations préliminaires au sein de la BCE ou avec les banques centrales nationales.
101 Dès lors que les exceptions au droit d’accès visées à l’article 4 de la décision 2004/258 dérogent au droit d’accès aux documents, elles doivent être interprétées et appliquées strictement (arrêts du 29 novembre 2012, Thesing et Bloomberg Finance/BCE, T‑590/10, non publié, EU:T:2012:635, point 41, et du 12 mars 2019, De Masi et Varoufakis/BCE, T‑798/17, EU:T:2019:154, point 17).
102 Ensuite, il importe de relever que l’arrêt du 26 avril 2018, Espírito Santo Financial (Portugal)/BCE (T‑251/15, non publié, EU:T:2018:234), que la requérante a invoqué à l’appui du cinquième moyen (voir point 91 ci-dessus), a été annulé par l’arrêt du 19 décembre 2019, BCE/Espírito Santo Financial (Portugal) (C‑442/18 P, EU:C:2019:1117).
103 Dans l’arrêt du 19 décembre 2019, BCE/Espírito Santo Financial (Portugal) (C‑442/18 P, EU:C:2019:1117), la Cour a jugé que, au regard de la compétence exclusive attribuée au conseil des gouverneurs de la BCE, l’article 4, paragraphe 1, sous a), de la décision 2004/258, lu en combinaison avec l’article 10, paragraphe 4, seconde phrase, du protocole no 4 sur les statuts du système européen de banques centrales et de la BCE, annexé aux traités UE et FUE (ci-après les « statuts du SEBC et de la BCE »), doit être interprété en ce sens qu’il protège la confidentialité du résultat des délibérations du conseil des gouverneurs, sans qu’il soit nécessaire que le refus d’accès aux documents qui contiennent ce résultat soit subordonné à la condition que la divulgation de celui-ci porte atteinte à la protection de l’intérêt public [arrêts du 19 décembre 2019, BCE/Espírito Santo Financial (Portugal), C‑442/18 P, EU:C:2019:1117, point 43, et du 21 octobre 2020, BCE/Estate of Espírito Santo Financial Group, C‑396/19 P, non publié, EU:C:2020:845, point 50].
104 La Cour a ajouté que, en application de l’article 4, paragraphe 1, sous a), premier tiret, et de l’article 7, paragraphe 1, de la décision 2004/258, le directeur général du secrétariat de la BCE est tenu de refuser l’accès au résultat des délibérations du conseil des gouverneurs, sauf si ce dernier a décidé de le rendre, intégralement ou partiellement, public [arrêts du 19 décembre 2019, BCE/Espírito Santo Financial (Portugal), C‑442/18 P, EU:C:2019:1117, point 44, et du 21 octobre 2020, BCE/Estate of Espírito Santo Financial Group, C‑396/19 P, non publié, EU:C:2020:845, point 51].
105 La Cour en a conclu qu’une décision de refus d’accorder l’accès au résultat des délibérations du conseil des gouverneurs est motivée à suffisance de droit par la seule référence au prescrit de l’article 4, paragraphe 1, sous a), premier tiret, de la décision 2004/258 en ce qui concerne des documents reflétant le résultat de ces délibérations [arrêts du 19 décembre 2019, BCE/Espírito Santo Financial (Portugal), C‑442/18 P, EU:C:2019:1117, point 46, et du 21 octobre 2020, BCE/Estate of Espírito Santo Financial Group, C‑396/19 P, non publié, EU:C:2020:845, point 53].
106 En réponse à l’invitation du Tribunal à s’exprimer sur les conséquences à tirer de l’arrêt du 19 décembre 2019, BCE/Espírito Santo Financial (Portugal) (C‑442/18 P, EU:C:2019:1117), la requérante reconnaît que cet arrêt semble permettre à la BCE de déroger à l’obligation de motiver ses décisions eu égard aux caractéristiques particulières de la confidentialité des délibérations des organes de décision découlant des statuts du SEBC et de la BCE. Or, la requérante souligne que le raisonnement de la Cour est limité aux seuls « documents reflétant le résultat des délibérations des organes de décision de la BCE ».
107 Selon la BCE, soutenue à cet égard par la Commission et Banco Santander, le cinquième moyen de la requérante doit être rejeté sur la base des conséquences à tirer de l’arrêt du 19 décembre 2019, BCE/Espírito Santo Financial (Portugal) (C‑442/18 P, EU:C:2019:1117). Ainsi, la BCE estime avoir respecté son obligation de motivation par le simple fait d’avoir invoqué l’application de l’article 4, paragraphe 1, sous a), premier tiret, de la décision 2004/258 pour refuser l’accès aux informations demandées.
108 C’est compte tenu de ces éléments qu’il convient d’examiner si la BCE a motivé à suffisance de droit la deuxième décision attaquée en ce que celle-ci refuse l’accès à certaines informations sur le fondement de l’exception visée à l’article 4, paragraphe 1, sous a), premier tiret, de la décision 2004/258, relatif à la protection de l’intérêt public en ce qui concerne la confidentialité des délibérations des organes de décision de la BCE.
109 Comme l’indique correctement la BCE, la motivation de la deuxième décision attaquée se limite à la simple référence au prescrit de l’article 4, paragraphe 1, sous a), de la décision 2004/258 pour refuser l’accès aux informations relatives au plafond de l’AUL, au montant de l’AUL effectivement accordé et aux garanties offertes.
110 Or, la requérante fait valoir, à bon droit, qu’il ressort de la jurisprudence de la Cour citée aux points 103 à 105 ci-dessus que c’est seulement en ce qui concerne les documents « reflétant le résultat des délibérations du conseil des gouverneurs » que le refus d’accès est soumis à un devoir de motivation qui peut se limiter à une simple référence au prescrit de l’article 4, paragraphe 1, sous a), premier tiret, de la décision 2004/258.
111 En l’occurrence, il convient de constater que la BCE ne précise pas, pour chaque type d’information à laquelle elle refuse l’accès sur le fondement de l’article 4, paragraphe 1, sous a), premier tiret, de la décision 2004/258, dans quel document cette information se trouve. Elle se limite à mentionner, de façon globale, que les trois types d’informations auxquelles elle refuse l’accès sur le fondement des exceptions qu’elle invoque se trouvent dans les quatre documents auxquels elle a accordé un accès partiel, à savoir une lettre du gouverneur de la Banque d’Espagne adressée le 5 juin 2017 au président de la BCE, intitulée « Emergency liquidity assistance », une lettre de suivi du gouverneur de la Banque d’Espagne adressée le 5 juin 2017 au président de la BCE, intitulée « Emergency liquidity assistance », une proposition du directoire au conseil des gouverneurs de la BCE, intitulée « Emergency liquidity assistance request from Banco de España », du 5 juin 2017 et le compte rendu de la 447e réunion du conseil des gouverneurs de la BCE tenue par téléconférence le 5 juin 2017.
112 Or, parmi ces quatre documents, le seul document destiné, à l’évidence, à constater le résultat des délibérations du conseil des gouverneurs de la BCE est le compte rendu de sa 447e réunion tenue par téléconférence le 5 juin 2017. À cet égard, la BCE a expliqué, dans la décision LS/PT/2017/66, du 11 août 2017, qui est confirmée par la deuxième décision attaquée, que les décisions du conseil des gouverneurs de ne pas s’opposer au plafond de l’AUL sont consignées dans les procès-verbaux des réunions de cet organe, qui, en vertu de l’article 10, paragraphe 4, des statuts du SEBC et de la BCE, sont confidentiels afin de préserver l’indépendance des membres du conseil des gouverneurs et l’efficacité de son processus décisionnel.
113 Après consultation des versions confidentielles des quatre documents concernés, tels que déposés par la BCE à la suite de la mesure d’instruction mentionnée au point 60 ci-dessus, le Tribunal a pu constater que ledit compte rendu contient seulement une des trois informations auxquelles l’accès a été refusé sur le fondement de l’article 4, paragraphe 1, sous a), premier tiret, de la décision 2004/258, à savoir le plafond de l’AUL. Les informations relatives au montant de l’AUL effectivement accordé et aux garanties offertes sont contenues dans les trois autres documents auxquels la BCE a refusé l’accès intégral, à savoir dans les deux lettres du gouverneur de la Banque d’Espagne du 5 juin 2017 et dans la proposition du directoire du 5 juin 2017.
114 Ainsi, conformément à la jurisprudence de la Cour citée aux points 103 à 105 ci-dessus, la BCE a motivé à suffisance de droit son refus d’accès au plafond de l’AUL pour autant que cette information se trouve dans le compte rendu de la 447e réunion du conseil des gouverneurs, étant donné que ce document reflète le résultat des délibérations du conseil des gouverneurs.
115 Cependant, il convient d’examiner si la BCE a également motivé à suffisance de droit son refus d’accès aux informations relatives au plafond de l’AUL, au montant de l’AUL effectivement accordé et aux garanties offertes, pour autant que ces informations sont contenues dans les trois autres documents.
116 Interrogée à cet égard lors de l’audience, la BCE a indiqué qu’elle était d’avis que les deux lettres du gouverneur de la Banque d’Espagne et la proposition du directoire sont des documents qui permettent au conseil des gouverneurs de prendre une décision éclairée et qui présentent, à ce titre, nécessairement un lien avec les délibérations de cet organe. Il s’ensuivrait que la protection de la confidentialité du résultat des délibérations du conseil des gouverneurs au titre de l’article 4, paragraphe 1, sous a), premier tiret, de la décision 2004/258, lu en combinaison avec l’article 10, paragraphe 4, seconde phrase, des statuts du SEBC et de la BCE, s’étend à tous les documents préparatoires présentés aux fins des délibérations du conseil des gouverneurs. Selon la BCE, en refusant l’accès à la version intégrale de ces documents en invoquant simplement le prescrit de l’article 4, paragraphe 1, sous a), premier tiret, de la décision 2004/258, elle a respecté son devoir de motivation conformément à la jurisprudence de la Cour exposée aux points 103 à 105 ci-dessus.
117 La requérante a rétorqué que, faute d’avoir été en mesure de connaître la raison sous-tendant l’application de l’article 4, paragraphe 1, sous a), premier tiret, de la décision 2004/258 aux informations occultées dans les lettres du gouverneur de la Banque d’Espagne et la proposition du directoire, il lui était impossible de formuler un moyen visant à remettre en cause le bien-fondé de l’application de cette disposition. Plus particulièrement, elle a fait valoir que les exceptions au droit d’accès doivent être interprétées de façon restrictive et que l’interprétation extensive de l’article 4, paragraphe 1, sous a), premier tiret, de la décision 2004/258, lu en combinaison avec l’article 10, paragraphe 4, des statuts du SEBC et de la BCE, telle que proposée par la BCE, se heurte à cette règle.
118 Force est de constater que les deux lettres du gouverneur de la Banque d’Espagne et la proposition du directoire sont antérieures à la réunion du conseil des gouverneurs et ne reflètent donc pas le résultat des délibérations de cet organe. Il s’ensuit que l’article 10, paragraphe 4, seconde phrase, des statuts du SEBC et de la BCE ne s’applique pas à ces documents, de sorte que le raisonnement suivi par la Cour, tel qu’exposé aux points 103 à 105 ci-dessus, ne saurait leur être appliqué.
119 De surcroît, il appartient à la BCE de fournir une motivation permettant de comprendre et de vérifier, d’une part, si le document demandé est effectivement concerné par le domaine visé par l’exception invoquée et, d’autre part, si le besoin de protection relatif à cette exception est réel (arrêts du 12 septembre 2013, Besselink/Conseil, T‑331/11, non publié, EU:T:2013:419, point 99, et du 26 mars 2020, Bonnafous/Commission, T‑646/18, EU:T:2020:120, point 24 ; voir également, par analogie, arrêt du 26 avril 2005, Sison/Conseil, T‑110/03, T‑150/03 et T‑405/03, EU:T:2005:143, point 61).
120 À cet égard, il importe de souligner que la décision 2004/258 contient une exception au droit d’accès, à savoir l’article 4, paragraphe 3, qui vise de façon explicite le refus d’accès aux documents rédigés ou reçus par la BCE destinés à l’utilisation interne dans le cadre de délibérations et de consultations préliminaires au sein de la BCE (voir, en ce sens, arrêt du 17 décembre 2020, De Masi et Varoufakis/BCE, C‑342/19 P, EU:C:2020:1035, points 66 à 79).
121 L’absence de tout raisonnement, tant dans la décision LS/PT/2017/66, du 11 août 2017, que dans la deuxième décision attaquée, expliquant pour quel motif le refus d’accès intégral aux lettres du gouverneur de la Banque d’Espagne et à la proposition du directoire, pour autant que ces documents contiennent les informations relatives au plafond de l’AUL, au montant de l’AUL effectivement accordé et aux garanties offertes, était couvert par l’exception visée à l’article 4, paragraphe 1, sous a), premier tiret, de la décision 2004/258 a empêché la requérante de comprendre les raisons du refus d’accès à ces informations et, ainsi qu’elle le soutient, de soulever un moyen visant à contester le bien-fondé de l’application de l’article 4, paragraphe 1, sous a), premier tiret, de la décision 2004/258 auxdits documents.
122 Comme exposé au point 116 ci-dessus, c’est seulement lors de l’audience que la BCE a précisé que, selon elle, les lettres du gouverneur de la Banque d’Espagne et la proposition du directoire constituant un appui nécessaire aux délibérations du conseil des gouverneurs, le refus d’accès à certaines informations contenues dans ces documents pouvait être motivé en évoquant simplement le prescrit de l’article 4, paragraphe 1, sous a), premier tiret, de la décision 2004/258, conformément à la jurisprudence de la Cour exposée aux points 103 à 105 ci-dessus.
123 Or, il est de jurisprudence constante que la motivation doit, en principe, être communiquée à l’intéressé en même temps que la décision lui faisant grief. L’absence de motivation ne saurait, en effet, être régularisée par le fait que l’intéressé prend connaissance des motifs de la décision au cours de la procédure devant les instances de l’Union (arrêts du 29 septembre 2011, Elf Aquitaine/Commission, C‑521/09 P, EU:C:2011:620, point 149 ; du 19 juillet 2012, Alliance One International et Standard Commercial Tobacco/Commission, C‑628/10 P et C‑14/11 P, EU:C:2012:479, point 74, et du 10 septembre 2019, Trasys International et Axianseu – Digital Solutions/AESA, T‑741/17, EU:T:2019:572, point 53).
124 Il convient donc d’accueillir le moyen tiré de l’insuffisance de motivation de la deuxième décision attaquée en ce que celle-ci refuse l’accès aux informations concernant le plafond de l’AUL, le montant de l’AUL effectivement accordé et les garanties offertes sur le fondement de l’article 4, paragraphe 1, sous a), premier tiret, de la décision 2004/258, pour autant que ces informations sont contenues dans la lettre du gouverneur de la Banque d’Espagne adressée le 5 juin 2017 au président de la BCE, intitulée « Emergency liquidity assistance », dans la lettre de suivi du gouverneur de la Banque d’Espagne adressée le 5 juin 2017 au président de la BCE, intitulée « Emergency liquidity assistance » et dans la proposition du directoire au conseil des gouverneurs de la BCE, intitulée « Emergency liquidity assistance request from Banco de España », du 5 juin 2017.
125 Or, avant de déterminer les conséquences de cette insuffisance de motivation de la deuxième décision attaquée, il conviendra d’examiner si les autres exceptions invoquées par la BCE et dont le bien-fondé est remis en cause par la requérante dans le cadre du deuxième moyen sont susceptibles de justifier le refus d’accès aux informations relatives au plafond de l’AUL, au montant de l’AUL effectivement accordé et aux garanties offertes.
b) Sur le défaut de motivation s’agissant du refus d’accès au résultat du vote au sein du conseil des gouverneurs
126 À la lecture de la version confidentielle du compte rendu de la 447e réunion du conseil des gouverneurs de la BCE tenue par téléconférence le 5 juin 2017, le Tribunal a constaté que la BCE avait refusé l’accès à une information, contenue dans ledit document, qui n’était pas comprise dans l’une des cinq catégories d’informations auxquelles la deuxième décision attaquée refuse explicitement l’accès (voir point 82 ci-dessus). Il s’agit du résultat du vote au sein du conseil des gouverneurs. Cette information ne concerne ni le plafond de l’AUL, ni le montant de l’AUL effectivement accordé, ni les garanties offertes, ni la situation de liquidité de Banco Popular, ni les ratios de capital de cette dernière. En effet, il convient de considérer que le suffrage exprimé constitue une information spécifique qui doit être distinguée des données concernant le contenu des délibérations précédant ce suffrage.
127 Interrogée, lors de l’audience, au sujet de l’absence totale de mention concernant le résultat du vote, la BCE, soutenue à cet égard par la Commission, a répondu que, nonobstant le fait qu’elle n’a pas explicitement mentionné qu’elle refusait également l’accès à ce type d’information, elle considérait avoir motivé à suffisance de droit son refus d’accès à cette information en ayant invoqué l’application de l’article 4, paragraphe 1, sous a), premier tiret, de la décision 2004/258 pour refuser l’accès intégral au compte rendu de la 447e réunion du conseil des gouverneurs.
128 Or, l’approche suggérée par la BCE impliquerait de donner une interprétation large à ce qui constitue le « résultat des délibérations » du conseil des gouverneurs dans la mesure où le résultat des délibérations du conseil des gouverneurs inclurait d’office le résultat du vote de cet organe. Une telle interprétation large justifierait, par voie de conséquence, que le devoir de motivation incombant à la BCE quand elle refuse l’accès à un document contenant le résultat du vote au sein du conseil des gouverneurs soit limité conformément à la jurisprudence de la Cour exposée aux points 103 à 105 ci-dessus.
129 Cependant, comme l’a soulevé à bon droit la requérante lors de l’audience, une telle approche se heurterait manifestement au principe selon lequel les dérogations au droit d’accès sont d’interprétation stricte (voir points 101 et 117 ci-dessus).
130 Partant, il incombait à la BCE de motiver l’application de l’article 4, paragraphe 1, sous a), premier tiret, de la décision 2004/258 au refus d’accès au résultat du vote au sein du conseil des gouverneurs de façon à permettre à la requérante d’en apprécier le bien-fondé.
131 En ne mentionnant pas même l’occurrence de l’information relative au résultat du vote au sein du conseil des gouverneurs, la deuxième décision attaquée est viciée par un défaut de motivation et il y a lieu de l’annuler sur ce point.
D. Sur le deuxième moyen, tiré de la violation, dans la deuxième décision attaquée, de l’article 4, paragraphe 1, sous a), deuxième et septième tirets, de la décision 2004/258
132 À l’appui de son deuxième moyen, la requérante soutient que, dans la deuxième décision attaquée, la BCE a violé l’article 4, paragraphe 1, sous a), deuxième tiret, de la décision 2004/258, relatif à la protection de l’intérêt public en ce qui concerne la politique financière, monétaire ou économique de l’Union ou d’un État membre, et l’article 4, paragraphe 1, sous a), septième tiret, de la même décision, relatif à la protection de l’intérêt public en ce qui concerne la stabilité du système financier dans l’Union ou dans un État membre, dans la mesure où elle y affirme erronément que la divulgation de l’utilisation de l’AUL par Banco Popular dans les jours ayant précédé sa résolution ainsi que des informations relatives à l’état des liquidités et aux ratios de capital pourrait saper l’efficacité de la politique monétaire et mettre en péril la stabilité financière de l’Union ou d’un État membre.
133 Si la requérante admet que la BCE dispose d’une large marge d’appréciation pour décider s’il est porté atteinte à l’intérêt public relatif à la politique financière, monétaire ou économique de l’Union ou d’un État membre, elle fait valoir que la BCE a commis une erreur manifeste d’appréciation en l’espèce dans la mesure où les documents demandés n’auraient pas trait à la politique financière, monétaire ou économique de l’Union ou d’un État membre.
134 Ainsi, premièrement, la requérante n’aurait pas demandé des informations portant sur une politique générale, mais uniquement des informations concernant une affaire particulière, limitée à un établissement financier déterminé, à savoir Banco Popular, pendant une période déterminée, à savoir celle de la résolution de cette dernière par le CRU. En vertu du principe selon lequel les exceptions au droit d’accès doivent être interprétées de façon stricte, il conviendrait de ne pas interpréter de façon excessivement large la demande d’accès de la requérante comme une demande d’accès à des données relatives à la politique financière, monétaire ou économique de l’Union ou d’un État membre.
135 Deuxièmement, les informations demandées par la requérante ne concerneraient pas l’Union ou un État membre, mais l’état des liquidités de Banco Popular.
136 Troisièmement, les informations demandées ne seraient pas d’ordre général, mais seraient, au contraire, très spécifiques. Elles concerneraient une période très précise et limitée, à savoir les jours ayant précédé la résolution de Banco Popular, et porteraient sur la situation particulière de Banco Popular. Les informations analysées dans le cadre de la deuxième décision attaquée, à savoir le plafond de l’AUL, le montant de l’AUL effectivement accordé, les garanties offertes ainsi que l’état des liquidités et les ratios de fonds propres de Banco Popular, ne révéleraient pas une politique générale de l’Union. Par conséquent, la divulgation de ces informations ne pourrait que difficilement affecter l’efficacité de la politique monétaire et la stabilité financière de l’Union.
137 Quatrièmement, la requérante soutient que sa demande d’accès respecte le principe de proportionnalité, puisqu’elle porte uniquement sur les informations qui lui permettraient de comprendre les prétendus problèmes de liquidité de Banco Popular qui ont mené à sa résolution.
138 La BCE conteste les arguments de la requérante.
1. Sur le caractère inopérant du deuxième moyen
139 La BCE fait valoir que le deuxième moyen est inopérant en ce que la requête vise formellement les exceptions de l’article 4, paragraphe 1, sous a), deuxième et septième tirets, de la décision 2004/258, mais que les arguments avancés se rapportent uniquement au deuxième tiret de l’article 4, paragraphe 1, sous a), de la décision 2004/258.
140 À cet égard, il convient, à titre liminaire, de constater que la formulation du deuxième moyen aurait, certes, pu être plus claire aux fins d’en faciliter la compréhension. Ainsi, au point 48 de la requête, la requérante affirme que la deuxième décision attaquée est fondée sur l’article 4, paragraphe 1, sous a), deuxième et septième tirets, de la décision 2004/258 pour refuser l’accès, notamment, aux informations « relatives à l’état des liquidités et aux ratios de capital ». Or, comme il a été constaté au point 85 ci-dessus, l’accès à ces informations a uniquement été refusé sur le fondement de l’article 4, paragraphe, 1, sous c), et de l’article 4, paragraphe 2, premier tiret, de la décision 2004/258. Le deuxième moyen est donc inopérant en ce qu’il vise cette catégorie d’informations auxquelles la deuxième décision attaquée refuse l’accès.
141 Ensuite, s’agissant de la question de savoir si le deuxième moyen soulevé par la requérante vise à remettre en cause l’application tant de l’article 4, paragraphe 1, sous a), deuxième tiret, de la décision 2004/258 que de l’article 4, paragraphe 1, sous a), septième tiret, de la même décision, il convient de constater que l’argumentation de la requérante, telle qu’exposée notamment au point 55 de la requête, vise clairement à mettre en cause le fait que la BCE s’est fondée sur deux exceptions qui ont une portée politique et géographique très large alors que les informations demandées concerneraient le cas très spécifique d’une seule banque. Partant, il convient de rejeter l’argument de la BCE selon lequel le deuxième moyen est inopérant à cet égard.
142 Enfin, il convient de rappeler qu’il a été constaté au point 124 ci-dessus que, s’agissant des informations relatives au plafond de l’AUL, au montant de l’AUL effectivement accordé et aux garanties offertes, la deuxième décision attaquée n’est pas motivée à suffisance de droit pour autant que ces informations se trouvent dans la lettre du gouverneur de la Banque d’Espagne adressée le 5 juin 2017 au président de la BCE, intitulée « Emergency liquidity assistance », dans la lettre de suivi du gouverneur de la Banque d’Espagne adressée le 5 juin 2017 au président de la BCE, intitulée « Emergency liquidity assistance » et dans la proposition du directoire au conseil des gouverneurs de la BCE, intitulée « Emergency liquidity assistance request from Banco de España », du 5 juin 2017. Le deuxième moyen n’est donc pas inopérant en ce qu’il vise ces informations.
143 En revanche, le deuxième moyen est inopérant en tant qu’il concerne le refus d’accès à l’information relative au plafond de l’AUL contenue dans le compte rendu de la 447e réunion du conseil des gouverneurs. En effet, dans la mesure où, d’une part, il a été constaté au point 114 ci-dessus que la deuxième décision attaquée est motivée à suffisance de droit en ce qui concerne le refus d’accès à ladite information pour autant qu’elle se trouve dans le compte rendu de la 447e réunion du conseil des gouverneurs et, d’autre part, la requérante n’a pas soulevé un moyen visant à contester, sur le fond, l’application par la BCE de l’article 4, paragraphe 1, sous a), premier tiret, de la décision 2004/258, il convient de constater que le refus d’accès à l’information relative au plafond de l’AUL contenue dans le compte rendu de la 447e réunion du conseil des gouverneurs est justifié par cette exception. Cela étant, dans un souci de complétude, le Tribunal examinera le bien-fondé du deuxième moyen également en ce qui concerne cette information.
2. Sur le bien-fondé du deuxième moyen
144 Le deuxième moyen s’articule, en substance, autour de deux griefs. Dans le cadre du premier grief, la requérante reproche à la BCE d’avoir considéré que les informations demandées entrent dans le champ d’application des exceptions prévues à l’article 4, paragraphe 1, sous a), deuxième et septième tirets, de la décision 2004/258. Par son second grief, la requérante conteste que la divulgation des informations demandées, en ce qu’elles concernent uniquement la situation particulière de Banco Popular, porte atteinte à l’efficacité de la politique monétaire et à la stabilité financière.
a) Sur le premier grief, tiréde ce que les informations demandées ne tombent pas dans le champ d’application de l’article 4, paragraphe 1, sous a), deuxième et septième tirets, de la décision 2004/258
145 Dans le cadre de son premier grief, la requérante fait valoir que les exceptions au droit d’accès doivent être interprétées et appliquées de manière stricte, de sorte qu’il n’y a pas lieu de considérer qu’une demande d’accès à des informations relatives à Banco Popular doit être interprétée comme une demande relative à la politique financière, monétaire ou économique de l’Union ou d’un État membre ou à la stabilité du système financier dans l’Union ou dans un État membre. Ainsi, lesdites informations ne concerneraient pas l’Union ou un État membre, mais seulement la situation de liquidité d’un établissement financier particulier, à savoir Banco Popular. Elles concerneraient en outre seulement une période très précise et porteraient sur un cas très spécifique. Ces informations ne relèveraient donc pas d’une politique générale de l’Union, mais seulement de la situation particulière de Banco Popular.
146 Comme le soutient à juste titre la requérante, il a déjà été jugé que dès lors que les exceptions au droit d’accès visées à l’article 4 de la décision 2004/258 dérogent au droit d’accès aux documents, elles doivent être interprétées et appliquées strictement (arrêts du 29 novembre 2012, Thesing et Bloomberg Finance/BCE, T‑590/10, non publié, EU:T:2012:635, point 41 ; du 27 septembre 2018, Spiegel-Verlag Rudolf Augstein et Sauga/BCE, T‑116/17, non publié, EU:T:2018:614, point 22, et du 12 mars 2019, De Masi et Varoufakis/BCE, T‑798/17, EU:T:2019:154, point 17).
147 Or, s’il est vrai que la demande confirmative ne visait pas à obtenir accès à des informations qui concernent explicitement la politique monétaire ou la stabilité financière de l’Union ou d’un État membre, il ne peut en être déduit que les informations que la BCE a identifiées comme étant pertinentes au regard de cette demande restent effectivement confinées à la situation particulière de Banco Popular.
148 En effet, il ressort tant de la décision LS/PT/2017/66, du 11 août 2017, que de la deuxième décision attaquée que les informations concernant le plafond de l’AUL, le montant de l’AUL effectivement accordé et les garanties offertes se situent dans un contexte réglementaire très spécifique qui repose sur des considérations de stabilité des prix, de politique monétaire et de stabilité financière de l’Union, si bien que ces informations ont nécessairement un caractère dépassant le cas spécifique d’un seul établissement de crédit.
149 Ainsi, s’agissant, d’une part, des informations concernant le plafond de l’AUL et le montant de l’AUL effectivement accordé, la décision LS/PT/2017/66, du 11 août 2017, expose d’abord de façon assez détaillée le cadre réglementaire applicable à l’octroi de celle-ci en distinguant la nature d’un tel crédit des opérations monétaires standards. La BCE explique, notamment, que ce sont en principe les banques centrales nationales qui sont seules responsables, en vertu du droit national, de l’octroi d’un AUL. Elle mentionne, ensuite, que la BCE n’approuve et n’adopte pas de décisions concernant l’octroi d’un AUL, mais que, en vertu de l’article 14.4 des statuts du SEBC et de la BCE, son pouvoir se limite à évaluer si l’octroi d’un AUL peut, dans un cas spécifique, interférer avec les objectifs et les missions de l’Eurosystème. À cet égard, il est fait état de ce que, aux fins de l’exercice de ce pouvoir, l’Eurosystème dispose d’un régime d’échange d’informations entre les banques centrales nationales et la BCE. La BCE mentionne, enfin, que la publication ex post du plafond de l’AUL et du montant de l’AUL effectivement accordé risque de réduire la flexibilité avec laquelle les banques centrales nationales peuvent adapter une opération d’AUL aux circonstances spécifiques dans des cas futurs. En effet, une telle publication créerait l’attente que la BCE agira de la même manière lors de futures interventions, même si cela n’est pas justifié. Cela pourrait engendrer des spéculations non fondées du marché, ce qui limiterait le pouvoir du conseil des gouverneurs d’évaluer si une opération d’AUL envisagée interfère avec les objectifs et les missions de l’Eurosystème, dans la mesure où il devrait également tenir compte des effets d’une publication sur la stabilité financière et, in fine, sur la politique monétaire.
150 La deuxième décision attaquée fait explicitement référence à l’aperçu détaillé du cadre réglementaire applicable à l’octroi d’un AUL tel qu’exposé au point 149 ci-dessus. La BCE explique ensuite que la capacité des banques centrales nationales de faire face à des problèmes temporaires de liquidité d’établissements de crédit constitue un facteur essentiel pour la stabilité financière et une condition fondamentale pour l’efficacité de la politique monétaire. À cet égard, elle se réfère aux effets systémiques qui ont suivi la résolution de Banco Popular et qui ont fragilisé le marché financier espagnol et explique que la publication des informations demandées pourrait raviver les tensions à l’égard des institutions financières ou engendrer une spéculation non justifiée à l’égard de Banco Santander. Ces effets négatifs en Espagne pourraient en outre, en raison de la nature hautement interconnectée des marchés, avoir des effets préjudiciables dans d’autres États membres et, enfin, mettre en danger la stabilité financière de toute l’Union. La deuxième décision attaquée se réfère en outre à l’article 127, paragraphe 5, TFUE, qui prévoit que l’Eurosystème doit contribuer à la stabilité du système financier. Enfin, elle reprend les considérations figurant dans la décision LS/PT/2017/66, du 11 août 2017, concernant la publication ex post des informations concernant le plafond de l’AUL et le montant de l’AUL effectivement accordé et l’effet d’une telle publication sur la flexibilité dont doivent disposer les banques centrales nationales et la BCE dans la gestion des opérations d’AUL.
151 S’agissant, d’autre part, des garanties offertes, tant la décision LS/PT/2017/66, du 11 août 2017, que la deuxième décision attaquée mentionnent que la publication de ces informations pourrait réduire l’effet utile des opérations d’AUL en tant qu’instrument de maintien de la stabilité financière. Selon la BCE, une telle publication pourrait avoir pour effet que les établissements de crédit seraient dissuadés de participer aux opérations standards de politique monétaire, ce qui pourrait alors saper le mécanisme de transmission qui transpose la politique monétaire de la BCE. La publication des informations concernant les garanties offertes pourrait en outre réduire la flexibilité dont doivent disposer les banques centrales nationales pour réagir de façon efficace à des crises de liquidités, dans la mesure où une telle publication créerait des attentes sur le type de garanties acceptées dans le futur. Or, il serait essentiel que les banques centrales nationales conservent de la flexibilité pour prendre en considération un large éventail d’éventuelles garanties.
152 Compte tenu du contenu de la décision LS/PT/2017/66, du 11 août 2017, et de la deuxième décision attaquée, la BCE, en ayant attiré l’attention de la requérante sur le régime applicable à l’octroi d’un AUL et en ayant expliqué le rôle de la BCE à cet égard, a fourni suffisamment d’éléments permettant de comprendre que les informations relatives au plafond de l’AUL, au montant de l’AUL effectivement accordé et aux garanties offertes ont été générées et utilisées dans un contexte guidé par des réflexions qui ne se limitent pas à la situation particulière de Banco Popular, mais qui ont essentiellement trait à des considérations de politique monétaire et de stabilité financière de l’Union et de l’Espagne.
153 En effet, c’est précisément aux fins de l’évaluation, par le conseil des gouverneurs de la BCE, de l’interférence de l’opération d’AUL envisagée par la Banque d’Espagne avec les objectifs du Système européen de banques centrales (SEBC), dont font partie la politique monétaire et la stabilité financière, conformément à l’article 127, paragraphes 1, 2 et 5, TFUE et aux articles 2 et 3 des statuts du SEBC et de la BCE, que les informations concernant le plafond de l’AUL, le montant de l’AUL effectivement accordé et les garanties offertes figurent dans les quatre documents concernés. Autrement dit, la raison d’être de ces documents réside précisément dans le fait que ces informations ont trait à des considérations qui dépassent la situation spécifique de Banco Popular. Comme le relève à juste titre la BCE, les informations concernant le plafond de l’AUL et le montant de l’AUL effectivement accordé révèlent la position de la BCE quant au montant marginal de l’AUL qui peut être accordé sans courir le risque d’entraver les objectifs de la politique monétaire de l’Union.
154 Compte tenu de ce qui précède, il y a lieu de conclure que la BCE n’a pas méconnu le principe d’interprétation stricte des exceptions au droit d’accès prévues par la décision 2004/258 en estimant que les informations concernant le plafond de l’AUL, le montant de l’AUL effectivement accordé et les garanties offertes tombaient dans le champ d’application des exceptions prévues à l’article 4, paragraphe 1, sous a), deuxième et septième tirets, de la décision 2004/258.
155 Il s’ensuit que le premier grief du deuxième moyen doit être rejeté.
b) Sur le second grief, tiré de ce que le refus d’accès ne vise pas à effectivement et concrètement protéger les intérêts publics en cause
156 Par son second grief, la requérante reproche à la BCE d’avoir commis une erreur manifeste d’appréciation s’agissant de la question de savoir si la divulgation des informations demandées pourrait concrètement et effectivement nuire à l’efficacité de la politique monétaire et à la stabilité financière de l’Union ou d’un État membre.
157 Comme le relève à juste titre la requérante, il a déjà été jugé qu’il convient de reconnaître à la BCE une large marge d’appréciation aux fins de déterminer si la divulgation de documents relevant des domaines couverts par certaines exceptions visées par la décision 2004/258 est susceptible de porter atteinte à l’intérêt public en cause.
158 En effet, s’agissant de l’article 4, paragraphe 1, sous a), deuxième et septième tirets, de la décision 2004/258, l’existence d’une telle marge a été explicitement reconnue dans plusieurs arrêts, notamment les arrêts du 29 novembre 2012, Thesing et Bloomberg Finance/BCE (T‑590/10, non publié, EU:T:2012:635, points 43 et 44), du 4 juin 2015, Versorgungswerk der Zahnärztekammer Schleswig-Holstein/BCE (T‑376/13, EU:T:2015:361, point 53), et du 27 septembre 2018, Spiegel-Verlag Rudolf Augstein et Sauga/BCE (T‑116/17, non publié, EU:T:2018:614, point 42).
159 D’une part, cette large marge d’appréciation a été fondée, par analogie avec la jurisprudence relative à l’article 4, paragraphe 1, sous a), du règlement (CE) no 1049/2001 du Parlement européen et du Conseil, du 30 mai 2001, relatif à l’accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission (JO 2001, L 145, p. 43), sur la considération selon laquelle la nature particulièrement sensible et essentielle des intérêts protégés par l’article 4, paragraphe 1, sous a), de la décision 2004/258, combinée au caractère obligatoire du refus d’accès devant, aux termes de ladite disposition, être opposé par l’institution lorsque la divulgation au public d’un document porte atteinte à ces intérêts, confère à la décision devant ainsi être prise par l’institution un caractère complexe et délicat et nécessite un degré de prudence tout particulier (arrêt du 29 novembre 2012, Thesing et Bloomberg Finance/BCE, T‑590/10, non publié, EU:T:2012:635, point 44 ; voir également, par analogie, arrêts du 1er février 2007, Sison/Conseil, C‑266/05 P, EU:C:2007:75, point 35 ; du 27 novembre 2019, Izuzquiza et Semsrott/Frontex, T‑31/18, EU:T:2019:815, point 64, et du 25 novembre 2020, Bronckers/Commission, T‑166/19, EU:T:2020:557, point 34).
160 D’autre part, la reconnaissance de l’existence d’une large marge d’appréciation de la BCE a également été motivée par le fait que les critères énoncés à l’article 4, paragraphe 1, sous a), de la décision 2004/258 sont très généraux (arrêt du 29 novembre 2012, Thesing et Bloomberg Finance/BCE, T‑590/10, non publié, EU:T:2012:635, point 43 ; voir également, par analogie, arrêt du 1er février 2007, Sison/Conseil, C‑266/05 P, EU:C:2007:75, point 36).
161 Selon la jurisprudence, la reconnaissance d’une telle marge d’appréciation de la BCE a pour conséquence que le contrôle de légalité exercé par le juge de l’Union à cet égard se limite à la vérification du respect des règles de procédure et de motivation, de l’exactitude matérielle des faits ainsi que de l’absence d’erreur manifeste d’appréciation et de détournement de pouvoir (voir arrêt du 4 juin 2015, Versorgungswerk der Zahnärztekammer Schleswig-Holstein/BCE, T‑376/13, EU:T:2015:361, point 53 et jurisprudence citée ; arrêt du 12 mars 2019, De Masi et Varoufakis/BCE, T‑798/17, EU:T:2019:154, point 54).
162 En outre, en raison du contrôle limité du juge de l’Union, le respect de l’obligation pour la BCE de motiver de façon suffisante ses décisions revêt une importance d’autant plus fondamentale. En effet, c’est seulement ainsi que le juge de l’Union est en mesure de vérifier si les éléments de fait et de droit dont dépend l’exercice du pouvoir d’appréciation ont été réunis (voir arrêt du 4 juin 2015, Versorgungswerk der Zahnärztekammer Schleswig-Holstein/BCE, T‑376/13, EU:T:2015:361, point 54 et jurisprudence citée ; arrêt du 12 mars 2019, De Masi et Varoufakis/BCE, T‑798/17, EU:T:2019:154, point 54).
163 En l’espèce, il ne saurait être reproché à la BCE d’avoir commis une erreur manifeste en estimant que la divulgation du plafond de l’AUL, du montant de l’AUL effectivement accordé et des garanties offertes pouvait réellement et concrètement porter atteinte à la politique monétaire et à la stabilité financière de l’Union ou d’un État membre.
164 En effet, il y a lieu de constater que, tant dans sa décision LS/PT/2017/66, du 11 août 2017, que dans la deuxième décision attaquée, la BCE a établi un lien de causalité précis entre la potentielle divulgation des informations en cause et l’atteinte concrète aux intérêts publics protégés.
165 Ainsi, s’agissant du plafond de l’AUL et du montant de l’AUL effectivement accordé, la BCE a expliqué que la divulgation desdites informations pourrait porter atteinte à la stabilité financière et à la politique monétaire de l’Union dans la mesure où, le marché espagnol ayant été fragilisé à la suite de la résolution de Banco Popular, une telle divulgation pourrait raviver les tensions à l’égard des institutions financières et ouvrir la voie à des spéculations non justifiées à l’égard de la situation de Banco Santander. Ces effets négatifs sur le marché espagnol pourraient ensuite avoir un effet en cascade sur les marchés d’autres États membres, ce qui pourrait avoir des répercussions néfastes pour la stabilité financière de l’Union. En outre, une publication ex post des informations concernées aurait pour conséquence de réduire considérablement la possibilité pour les banques centrales nationales ainsi que la BCE de gérer de manière flexible des opérations d’AUL dans le futur. En effet, la connaissance de ces données concrètes par les acteurs du marché créerait l’attente que la même approche soit suivie dans des cas où cela ne serait pas justifié. Ces attentes pourraient également amener les acteurs du marché à faire des conjectures injustifiées, ce qui pourrait entraver le pouvoir du conseil des gouverneurs de la BCE d’évaluer si une opération d’AUL envisagée interfère avec les objectifs et les missions de l’Eurosystème, puisqu’il devrait également prendre en considération les effets éventuels d’une publication des paramètres de l’opération concernée sur la stabilité financière et la politique monétaire dans des cas futurs.
166 En ce qui concerne, par ailleurs, les garanties offertes, la BCE a expliqué que cette information constitue un indicateur du stress éprouvé par un établissement de crédit dans la mesure où de telles garanties constituent potentiellement des garanties qui ne sont pas considérées comme étant éligibles dans le cadre d’opérations conventionnelles de politique monétaire. Une éventuelle publication de ces données pourrait dissuader des établissements de crédit d’avoir recours à un AUL ou de le demander en temps utile par crainte d’être exposés sur le marché. Les acteurs du marché pourraient en outre être tentés de demander davantage de garanties ou d’autres garanties en échange de leurs opérations avec l’établissement concerné ou pourraient cesser de prêter de l’argent à cet établissement, ce qui constituerait une réelle menace pour la stabilité financière dans l’État membre concerné. La divulgation de cette information, même ex post, pourrait en outre avoir pour effet de réduire la possibilité pour les banques centrales nationales de prendre en considération de manière flexible une grande variété de garanties possibles, puisque la connaissance de l’approche qu’elles ont préconisée par le passé créerait des attentes par rapport au type de garanties qui pourrait être accepté dans le futur. Cela réduirait la possibilité de réagir de façon efficace à de futurs problèmes de liquidité et entraverait l’efficacité de l’AUL en tant qu’instrument de maintien de la stabilité financière.
167 Il convient de constater que la requérante n’avance pas d’arguments précis, encore moins d’éléments de preuve, susceptibles de remettre en cause le bien-fondé du raisonnement de la BCE exposé aux points 165 et 166 ci-dessus. En se limitant à invoquer le fait que les informations demandées seraient uniquement liées à la situation de Banco Popular et ne concerneraient qu’une période courte et déterminée, elle ne remet pas en cause le raisonnement de la BCE selon lequel la divulgation des informations concernées pourrait avoir des conséquences préjudiciables pour la stabilité financière et la politique monétaire de l’Union dans le futur.
168 Eu égard à ce qui précède, il y a lieu de constater que la BCE n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation en considérant que la divulgation des informations relatives au plafond de l’AUL, au montant de l’AUL effectivement accordé et aux garanties offertes porterait concrètement et effectivement atteinte à l’intérêt public en ce qui concerne la politique monétaire et la stabilité financière de l’Union ou de l’Espagne.
169 Il s’ensuit qu’il y a lieu de rejeter le second grief et, partant, le deuxième moyen dans son intégralité.
170 Étant donné que le refus d’accès aux informations relatives au plafond de l’AUL, au montant de l’AUL effectivement accordé et aux garanties offertes est légalement fondé sur l’article 4, paragraphe 1, sous a), deuxième et septième tirets, de la décision 2004/258, la constatation faite au point 124 ci-dessus, selon laquelle la deuxième décision attaquée n’est pas motivée à suffisance de droit en ce que celle-ci refuse l’accès auxdites informations sur le fondement de l’article 4, paragraphe 1, sous a), premier tiret, de la décision 2004/258, pour autant que ces informations sont contenues dans la lettre du gouverneur de la Banque d’Espagne adressée le 5 juin 2017 au président de la BCE, intitulée « Emergency liquidity assistance », la lettre de suivi du gouverneur de la Banque d’Espagne adressée le 5 juin 2017 au président de la BCE, intitulée « Emergency liquidity assistance », et la proposition du directoire au conseil des gouverneurs de la BCE, intitulée « Emergency liquidity assistance request from Banco de España », du 5 juin 2017, ne justifie pas d’annuler la deuxième décision attaquée sur ce point.
E. Sur le premier moyen, tiré d’une violation de l’article 4, paragraphe 1, sous c), de la décision 2004/258 dans les décisions attaquées
171 Le premier moyen s’articule autour de trois griefs, tirés, premièrement, de ce que la BCE a erronément appliqué une présomption générale de confidentialité sur le fondement de l’article 4, paragraphe 1, sous c), de la décision 2004/258, deuxièmement, de ce que les conditions définies dans l’arrêt du 19 juin 2018, Baumeister (C‑15/16, ci-après l’« arrêt Baumeister », EU:C:2018:464), ne sont pas remplies et, troisièmement, de ce que les dérogations au principe de confidentialité, prévues par l’article 53, paragraphe 1, troisième alinéa, de la directive 2013/36 et par l’article 84, paragraphe 6, de la directive 2014/59, s’appliquent.
172 Avant d’examiner les arguments soulevés dans le cadre du premier moyen, il convient, tout d’abord, de rappeler que la BCE a invoqué l’application de l’article 4, paragraphe 1, sous c), de la décision 2004/258 dans les trois décisions attaquées. Dans la première décision attaquée, la BCE a invoqué ladite disposition pour refuser l’accès au document contenant un aperçu du solde quotidien (positif ou négatif) des dépôts, c’est-à-dire tant des retraits que des dépôts, et des informations relatives à la capacité de couverture de liquidité de Banco Popular à partir du 3 avril 2017. Dans la deuxième décision attaquée, la BCE a occulté les informations relatives à l’état des liquidités de Banco Popular et à ses ratios de capital dans les lettres du gouverneur de la Banque d’Espagne et la proposition du directoire, notamment, sur le fondement de l’article 4, paragraphe 1, sous c), de la décision 2004/258. La troisième décision attaquée invoque l’application, notamment, de ladite disposition pour refuser l’accès à l’évaluation FOLTF et aux documents que Banco Popular a transmis à la BCE et à la Banque d’Espagne dans le cadre du MSU entre le 1er et le 6 juin 2017.
173 Il importe de préciser que la deuxième décision attaquée comporte, en outre, un refus d’accès à d’autres informations, à savoir le plafond de l’AUL, le montant de l’AUL accordé et les garanties offertes, qui n’a pas été fondé sur l’article 4, paragraphe 1, sous c), de la décision 2004/258. Tel qu’il a été constaté dans le cadre de l’examen du deuxième moyen, le refus d’accès à ces informations est légalement fondé sur les dispositions de l’article 4, paragraphe 1, sous a), deuxième et septième tirets, de la décision 2004/258.
1. Sur le premier grief, tiré de ce que la BCE a erronément appliqué une présomption générale de confidentialité sur le fondement de l’article 4, paragraphe 1, sous c), de la décision 2004/258
174 Dans le cadre de son premier grief, la requérante soutient que, dans les trois décisions attaquées, la BCE s’est à tort fondée sur l’application d’une présomption générale de confidentialité pour refuser l’accès aux documents demandés. Selon elle, une telle présomption, qui se fonde sur la circonstance que les documents demandés seraient protégés par une obligation de secret professionnel incombant aux institutions de l’Union, n’existe pas en l’espèce.
175 Si la requérante reconnaît que la jurisprudence a admis l’application de présomptions générales de confidentialité dans certains cas déterminés, elle fait valoir que cette jurisprudence ne peut pas être transposée au cas d’espèce, puisque le devoir de secret professionnel s’applique à toutes les institutions en vertu de l’article 339 TFUE, de sorte que, à suivre la logique de la BCE, tout document d’une institution de l’Union serait toujours couvert par une présomption générale qui se fonde précisément sur ce devoir. Cela reviendrait à vider de son sens le principe de transparence et le droit d’accès aux documents tel que prévu à l’article 41 de la Charte.
176 La BCE rétorque qu’une présomption générale de confidentialité s’applique en l’espèce. Elle se réfère, à cet égard, à la jurisprudence de la Cour et du Tribunal qui a déjà reconnu l’existence de telles présomptions dans les domaines des aides d’État, des concentrations et des ententes. Selon la BCE, la logique sous-tendant cette jurisprudence, à savoir la nécessité d’assurer le bon fonctionnement des procédures dans ces domaines et de garantir que leurs objectifs ne sont pas compromis en évitant que le droit d’accès soit utilisé pour contourner les règles spécifiques prévoyant un accès limité au dossier, s’applique également au domaine de la surveillance prudentielle.
177 La BCE soutient que, à la différence des procédures en matière du droit de la concurrence, qui ont un début et qui se terminent par une décision, la surveillance prudentielle bancaire qu’elle effectue est continue. Ainsi, les différents risques que présentent les établissements de crédit soumis à la surveillance prudentielle seraient constamment évalués, sur la base des informations fournies régulièrement par ceux-ci. En outre, alors que les présomptions générales de confidentialité admises dans d’autres domaines protégeraient essentiellement l’intégrité des procédures administratives particulières, les obligations de confidentialité incombant à la BCE viseraient à protéger au surplus le fonctionnement du mécanisme de surveillance prudentielle bancaire dans son ensemble et, partant, la stabilité des marchés financiers.
178 Compte tenu de ces considérations, la BCE estime qu’il convient d’interpréter l’article 4, paragraphe 1, sous c), de la décision 2004/258 en ce sens que cette disposition offre à ses dossiers de surveillance prudentielle une protection au moins équivalente à celle que la Cour a reconnue en matière de contrôle des concentrations.
179 Dans ce contexte, la BCE conteste l’argument de la requérante selon lequel tout document d’une institution de l’Union est toujours couvert par une obligation de secret professionnel en raison du fait que l’article 339 TFUE est applicable à toutes les institutions de l’Union. Selon elle, le devoir de secret professionnel lui incombant dans l’exercice de ses missions de surveillance prudentielle reflète la nature particulière de ses activités de surveillance. Ce devoir serait en outre clairement circonscrit et spécifique en termes de champ d’application personnel. Partant, celui-ci se distinguerait de l’obligation générale de secret professionnel consacrée à l’article 339 TFUE. Par ailleurs, les obligations de secret professionnel imposées par l’article 339 TFUE et l’article 37 des statuts du SEBC et de la BCE n’excluraient pas toute divulgation, mais uniquement la divulgation indue d’informations confidentielles.
180 Il y a lieu, d’emblée, de constater que le premier grief repose partiellement sur une lecture erronée des décisions attaquées. En effet, si la requérante affirme que « les » décisions attaquées enfreignent l’article 4, paragraphe 1, sous c), de la décision 2004/258, au motif que, dans ces décisions, la BCE aurait fondé le refus d’accès aux documents demandés en appliquant une présomption générale de confidentialité, en réalité seules la première et la troisième décision attaquée se fondent sur une telle présomption, ce qui a été confirmé par la BCE lors de l’audience.
181 S’agissant de la deuxième décision attaquée, tel qu’il a été rappelé au point 172 ci-dessus, celle-ci se fonde sur l’article 4, paragraphe 1, sous c), de la décision 2004/258 pour refuser l’accès aux informations relatives à la situation de liquidité de Banco Popular et à ses ratios de capital. Or, comme la BCE l’a expliqué lors de l’audience, au lieu d’appliquer une présomption générale pour refuser l’accès auxdites informations, elle a effectué un examen concret et individuel des quatre documents auxquels elle a donné un accès partiel pour déterminer si lesdites informations étaient protégées par l’exception prévue à l’article 4, paragraphe 1, sous c), de la décision 2004/258. Cette approche est conforme à la jurisprudence selon laquelle le recours à une présomption générale de confidentialité ne constitue qu’une simple faculté pour l’institution, l’organe ou l’organisme de l’Union concerné, lequel conserve toujours la possibilité de procéder à un examen concret et individuel des documents en cause (arrêt du 22 janvier 2020, PTC Therapeutics International/EMA, C‑175/18 P, EU:C:2020:23, point 61).
182 Ensuite, il importe de rappeler que la jurisprudence ayant consacré l’existence de présomptions générales de confidentialité est fondée sur le fait que les exceptions au droit d’accès aux documents visées à l’article 4 du règlement no 1049/2001 ne sauraient, lorsque les documents concernés par une demande d’accès relèvent d’un domaine particulier du droit de l’Union, être interprétées sans tenir compte des règles spécifiques régissant l’accès à ces documents. Ces présomptions générales permettent ainsi d’assurer une application cohérente de régimes juridiques qui poursuivent des objectifs différents et qui ne prévoient pas expressément la primauté de l’un sur l’autre [voir arrêt du 19 septembre 2018, Chambre de commerce et d’industrie métropolitaine Bretagne-Ouest (port de Brest)/Commission, T‑39/17, non publié, EU:T:2018:560, point 55 et jurisprudence citée].
183 L’application des présomptions générales est essentiellement dictée par l’impérative nécessité d’assurer le fonctionnement correct des procédures en question et de garantir que leurs objectifs ne sont pas compromis. Ainsi, la reconnaissance d’une présomption générale peut être fondée sur l’incompatibilité de l’accès aux documents de certaines procédures avec le bon déroulement de celles-ci et sur le risque qu’il soit porté atteinte à celles-ci, étant entendu que les présomptions générales permettent de préserver l’intégrité du déroulement de la procédure en limitant l’ingérence des tierces parties (voir arrêt du 28 mai 2020, Campbell/Commission, T‑701/18, EU:T:2020:224, point 50 et jurisprudence citée).
184 Les présomptions générales constituant ainsi une exception à l’obligation d’examen concret et individuel de chaque document visé par une demande d’accès par l’institution de l’Union concernée et, d’une manière plus générale, au principe de l’accès le plus large possible du public aux documents détenus par les institutions de l’Union, elles doivent faire l’objet d’une interprétation et d’une application strictes (voir arrêt du 4 septembre 2018, ClientEarth/Commission, C‑57/16 P, EU:C:2018:660, point 80 et jurisprudence citée ; arrêt du 28 mai 2020, Campbell/Commission, T‑701/18, EU:T:2020:224, point 39).
185 C’est à la lumière de ces éléments qu’il convient d’examiner si la BCE a, à juste titre, appliqué une présomption générale de confidentialité fondée sur l’article 4, paragraphe 1, sous c), de la décision 2004/258.
186 À cet égard, premièrement, il convient de relever que l’article 4, paragraphe 1, sous c), de la décision 2004/258 prévoit que la BCE doit refuser l’accès à un document dans le cas où sa divulgation porterait atteinte à la protection de la confidentialité des informations qui sont protégées en tant que telles « en vertu du droit de l’Union ».
187 Force est de constater, eu égard au libellé de l’article 4, paragraphe 1, sous c), de la décision 2004/258, qu’une présomption générale de confidentialité fondée sur cette disposition n’aurait pas de champ d’application circonscrit de manière claire et précise.
188 En effet, s’agissant du caractère confidentiel des informations qui méritent d’être protégées en tant que telles, l’article 4, paragraphe 1, sous c), de la décision 2004/258, en se référant au droit de l’Union, n’a pas de contenu précis et dépend, pour son application, du renvoi à d’autres règles du droit de l’Union applicables au contexte dans lequel les documents auxquels l’accès est demandé ont été établis.
189 L’article 4, paragraphe 1, sous c), de la décision 2004/258 établit ainsi un lien entre le régime d’accès du public aux documents de la BCE et les régimes de secret professionnel auxquels la BCE et son personnel sont assujettis en vertu du droit de l’Union, visant ainsi à assurer que la BCE respecte ses obligations de secret professionnel également dans le contexte des demandes d’accès à ses documents.
190 Or, reconnaître une présomption générale de confidentialité fondée sur une disposition dont le champ d’application n’est pas clairement circonscrit ne satisfait pas aux exigences de la sécurité juridique, qui fait partie des principes généraux du droit de l’Union et qui exige que les règles de droit soient claires, précises et prévisibles dans leurs effets, afin que les intéressés puissent s’orienter dans des situations et des relations juridiques relevant de l’ordre juridique de l’Union [arrêts du 30 avril 2019, Italie/Conseil (Quota de pêche de l’espadon méditerranéen), C‑611/17, EU:C:2019:332, point 111 ; du 25 novembre 2020, ACRE/Parlement, T‑107/19, non publié, EU:T:2020:560, point 66, et du 9 décembre 2020, Adraces/Commission, T‑714/18, non publié, EU:T:2020:591, point 37]. Le respect des exigences découlant de ce principe est d’autant plus important lorsque les règles de droit en cause peuvent avoir sur les individus et les entreprises des conséquences défavorables [voir, en ce sens, arrêts du 30 avril 2019, Italie/Conseil (Quota de pêche de l’espadon méditerranéen), C‑611/17, EU:C:2019:332, point 111, et du 26 mars 2020, Hungeod e.a., C‑496/18 et C‑497/18, EU:C:2020:240, point 93 et jurisprudence citée]. En particulier, ledit principe exige qu’une réglementation de l’Union permette aux intéressés de connaître avec exactitude l’étendue des obligations qu’elle leur impose et que ces derniers puissent connaître sans ambiguïté leurs droits et leurs obligations et prendre leurs dispositions en conséquence (arrêt du 10 mars 2009, Heinrich, C‑345/06, EU:C:2009:140, point 44).
191 De surcroît, admettre l’existence d’une présomption générale de confidentialité fondée sur une disposition dont le champ d’application n’est pas clairement circonscrit se heurterait à la jurisprudence exposée au point 184 ci-dessus selon laquelle, les présomptions constituant une exception au principe de l’accès le plus large, elles doivent faire l’objet d’une interprétation stricte.
192 Deuxièmement, la reconnaissance d’une présomption générale de confidentialité fondée sur l’article 4, paragraphe 1, sous c), de la décision 2004/258 ne saurait être conciliée avec l’approche préconisée par la Cour dans l’arrêt Baumeister.
193 Dans cet arrêt, rendu après l’adoption des décisions faisant l’objet du présent litige, la Cour a interprété la notion d’informations confidentielles contenue dans l’article 54 de la directive 2004/39/CE du Parlement européen et du Conseil, du 21 avril 2004, concernant les marchés d’instruments financiers, modifiant les directives 85/611/CEE et 93/6/CEE du Conseil et la directive 2000/12/CE du Parlement européen et du Conseil et abrogeant la directive 93/22/CEE du Conseil (JO 2004, L 145, p. 1). À cet égard, il y a lieu de relever que l’article 54 de la directive 2004/39 pose un principe général d’interdiction de divulgation des informations confidentielles détenues par les autorités compétentes et énonce de manière exhaustive les cas spécifiques dans lesquels cette interdiction générale ne fait exceptionnellement pas obstacle à leur transmission ou à leur utilisation (arrêt Baumeister, point 38).
194 Au point 46 de l’arrêt Baumeister, la Cour a jugé que toutes les informations relatives à une entreprise surveillée et communiquées par celle-ci à l’autorité compétente, ainsi que toutes les déclarations de cette autorité de surveillance figurant dans son dossier de surveillance, y compris sa correspondance avec d’autres services, ne constituaient pas, de manière inconditionnelle, des informations confidentielles, couvertes par le secret professionnel prévu à l’article 54 de la directive 2004/39. En revanche, selon la Cour, relèvent de cette qualification les informations détenues par les autorités compétentes, d’une part, qui n’ont pas de caractère public et, d’autre part, dont la divulgation risquerait de porter atteinte aux intérêts de la personne physique ou morale qui les a fournies ou de tiers, ou encore au bon fonctionnement du système de contrôle de l’activité des entreprises d’investissement.
195 Les parties ne contestent pas qu’il convient de transposer l’interprétation de l’article 54 de la directive 2004/39 faite par la Cour dans l’arrêt Baumeister au cas d’espèce, étant donné que ladite disposition est libellée de façon très similaire aux dispositions que la BCE a invoquées en l’espèce comme constituant le « droit de l’Union » en vertu de l’article 4, paragraphe 1, sous c), de la décision 2004/258, à savoir l’article 53, paragraphe 1, deuxième alinéa, de la directive 2013/36 et l’article 84, paragraphe 3, de la directive 2014/59. En effet, tant l’article 54 de la directive 2004/39 que l’article 53, paragraphe 1, deuxième alinéa, de la directive 2013/36 et l’article 84, paragraphe 3, de la directive 2014/59 imposent aux autorités compétentes une interdiction de divulguer des « informations confidentielles » qu’elles détiennent, sauf sous une forme résumée ou agrégée empêchant toute identification des entités concernées.
196 Ainsi, l’application de l’article 53, paragraphe 1, deuxième alinéa, de la directive 2013/36 et de l’article 84, paragraphe 3, de la directive 2014/59 suppose que la BCE vérifie que les deux conditions énoncées dans l’arrêt Baumeister sont remplies à l’égard de chaque information à laquelle un accès est demandé. Si ces conditions sont effectivement remplies, la BCE doit refuser l’accès aux informations en cause. Les dispositions concernées ne laissent aucune marge d’appréciation à cet égard, ainsi que la Cour l’a confirmé au point 43 de l’arrêt Baumeister. Cet exercice requiert nécessairement une appréciation concrète et individuelle de chaque information concernée qui ne saurait être contournée par l’application d’une présomption générale de confidentialité.
197 Troisièmement, il y a lieu de rappeler que l’exception visée à l’article 4, paragraphe 1, sous c), de la décision 2004/258 constitue une exception dite « absolue ». À la différence des exceptions dont l’application présuppose une mise en balance des intérêts en cause, l’application d’une exception absolue est obligatoire dès lors que la divulgation au public du document concerné est de nature à porter atteinte aux intérêts que protège ladite disposition.
198 Selon une jurisprudence bien établie, l’application d’une présomption générale n’exclut pas la possibilité de démontrer qu’un document donné, dont la divulgation est demandée, n’est pas couvert par ladite présomption ou qu’il existe, en vertu de l’article 4, paragraphe 2, dernier membre de phrase, du règlement no 1049/2001, un intérêt public supérieur justifiant la divulgation du document visé (arrêt du 29 juin 2010, Commission/Technische Glaswerke Ilmenau, C‑139/07 P, EU:C:2010:376, point 62 ; voir, également, arrêts du 11 mai 2017, Suède/Commission, C‑562/14 P, EU:C:2017:356, point 46 et jurisprudence citée, et du 28 mai 2020, Campbell/Commission, T‑701/18, EU:T:2020:224, point 37 et jurisprudence citée).
199 Or, le fait qu’une présomption générale peut, selon la jurisprudence citée au point 198 ci-dessus, être renversée par la démonstration d’un intérêt public supérieur est en contradiction avec le fait que l’exception visée à l’article 4, paragraphe 1, sous c), de la décision 2004/258 est une exception dite « absolue » et ne prévoit donc pas de mise en balance avec un tel intérêt supérieur.
200 De même, il convient de rappeler, ainsi qu’il a été exposé au point 181 ci-dessus, que le recours à une présomption générale de confidentialité ne constitue qu’une simple faculté pour l’institution, l’organe ou l’organisme de l’Union concerné, lequel conserve toujours la possibilité de procéder à un examen concret et individuel des documents en cause (arrêt du 22 janvier 2020, PTC Therapeutics International/EMA, C‑175/18 P, EU:C:2020:23, point 61).
201 En l’espèce, comme le soutient la BCE au point 94 du mémoire en défense et compte tenu des constatations faites aux points 228, 271 et 302 ci-après, qu’une présomption générale soit ou non appliquée aux informations auxquelles l’accès a été refusé dans les première et troisième décisions attaquées, ces informations constituent, en tout état de cause, des « informations confidentielles » qui sont couvertes par l’application de l’article 4, paragraphe 1, sous c), de la décision 2004/258.
202 Il s’ensuit que, quelle que soit l’issue de l’examen du premier grief du premier moyen, celui-ci ne saurait remettre en cause la légalité des première et troisième décisions attaquées puisque, au regard du rejet des deuxième et troisième griefs du premier moyen, les informations en cause sont néanmoins couvertes par l’exception prévue à l’article 4, paragraphe 1, sous c), de la décision 2004/258.
203 Partant, même à supposer que la BCE ait entendu appliquer, dans les première et troisième décisions attaquées, par erreur, une présomption générale de confidentialité, le premier grief du premier moyen doit être rejeté comme inopérant.
2. Sur le deuxième grief, tiré de ce que les informations demandées ne sont pas des informations confidentielles
204 Dans le cadre du deuxième grief, d’une part, la requérante reproche à la BCE d’avoir refusé l’accès à des informations qui relevaient du domaine public. D’autre part, la requérante fait valoir que la BCE n’aurait pas précisé à suffisance de droit le préjudice que l’accès aux documents demandés pourrait causer tant aux intérêts commerciaux de Banco Popular et de Banco Santander qu’au bon fonctionnement du système de surveillance prudentielle.
205 Ces arguments soulèvent, en substance, la question de savoir si les documents demandés contiennent des informations confidentielles au sens de l’article 53, paragraphe 1, deuxième alinéa, de la directive 2013/36 et de l’article 84, paragraphe 3, de la directive 2014/59.
206 Il convient donc d’examiner si les documents demandés contiennent des informations confidentielles, à savoir des informations, d’une part, qui n’ont pas de caractère public et, d’autre part, dont la divulgation risquerait de porter atteinte aux intérêts de la personne physique ou morale qui les a fournies ou de tiers, ou encore au bon fonctionnement du système de surveillance prudentielle (voir, par analogie, arrêt Baumeister, point 46). Ces deux conditions seront examinées successivement.
a) Sur le caractère public des informations demandées
207 Dans la requête, la requérante soutient que le marché a déjà eu connaissance de la plupart des informations relatives à la résolution de Banco Popular sous une forme résumée ou indirecte dans la mesure où, d’une part, des informations sont parues dans la presse et, d’autre part, les banques cotées sont soumises à de nombreuses obligations de transparence. Ainsi, la requérante estime que le marché avait déjà connaissance du fait que Banco Popular avait connu des problèmes de liquidité ayant conduit à sa résolution. Selon elle, expliciter les détails de la résolution ne modifierait pas la perception qu’a le marché de ce qui s’est produit.
208 Dans ses observations sur les interventions de la Commission et de Banco Santander, la requérante fait référence à de nombreux articles de presse et en produit plusieurs, relatifs à la demande d’AUL de Banco Popular et à l’état de ses liquidités, qui prouveraient que ces données sont publiques.
209 Dans ces mêmes observations, la requérante relève, en substance, que Banco Santander elle-même ne considère pas les informations demandées comme étant confidentielles. À cet égard, la requérante fait valoir que Banco Popular a publié certaines données relatives aux ratios à court terme dans ses rapports annuels et trimestriels et qu’elle a également publié le ratio prêts/dépôts, qui constitue l’un des indicateurs de sa liquidité. En outre, l’Asociación Española de Banca (association espagnole des banques, ci-après l’« AEB ») aurait publié mensuellement le bilan financier de chaque banque dans lequel figureraient le niveau des dépôts et le niveau des prêts. Ces données permettraient de calculer le ratio prêts/dépôts. Selon la requérante, Banco Santander n’explique pas pourquoi ces données peuvent être publiques alors que d’autres indicateurs de liquidité auxquels elle a demandé accès devraient rester confidentiels.
210 Selon la BCE, ces allégations sont irrecevables ou, à tout le moins, non fondées. Elle conteste que les informations auxquelles elle a refusé l’accès sur le fondement de l’article 4, paragraphe 1, sous c), de la décision 2004/258 relevaient du domaine public au moment de l’adoption des décisions attaquées. En outre, elle fait valoir que la requérante n’a pas réussi à identifier les informations auxquelles se réfèrent ses allégations.
211 En réponse aux allégations de la BCE, la requérante a précisé ses arguments et a fourni davantage de documents à l’appui de ceux-ci. Ainsi, premièrement, s’agissant des documents concernés par la troisième décision attaquée, la requérante se réfère à une annexe contenant des articles de presse dans lesquels il est fait mention de l’existence et du contenu de la lettre que Banco Popular a envoyée le 6 juin 2017 à la BCE. Deuxièmement, s’agissant des documents « relatifs à la liquidité de Banco Popular », qui font l’objet de la première décision attaquée, la requérante relève que ces informations ont été publiées soit dans les rapports annuel et trimestriel de Banco Popular, soit au sein de l’AEB, à laquelle Banco Popular appartenait, en vue de leur publication. À cet égard, la requérante se réfère aux documents qu’elle a joints à ses observations sur le mémoire en intervention de la Commission. Troisièmement, s’agissant des données relatives à l’octroi de l’AUL, qui font l’objet de la deuxième décision attaquée, la requérante se réfère aux annexes qu’elle avait produites avec ses observations sur les mémoires en intervention de la Commission et de Banco Santander et a joint d’autres articles de presse qui, selon elle, corroborent le caractère public de ces données.
212 En premier lieu, il convient de relever que la BCE n’a pas invoqué l’exception prévue par l’article 4, paragraphe 1, sous c), de la décision 2004/258 pour fonder son refus d’accès aux informations relatives au plafond de l’AUL, au montant de l’AUL effectivement accordé et aux garanties offertes (voir, à cet égard, point 89 ci-dessus). Pour autant que les allégations de la requérante dans le cadre du présent grief visent ces informations, elles doivent être écartées comme étant inopérantes.
213 En deuxième lieu, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence bien établie, conformément à l’article 21 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne et à l’article 76, sous d), du règlement de procédure, la requête introductive d’instance doit contenir un exposé sommaire des moyens invoqués. Cet exposé doit être suffisamment clair et précis pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal de statuer sur le recours, le cas échéant sans autre information à l’appui. La requête doit, de ce fait, expliciter en quoi consiste le moyen sur lequel le recours est fondé, de sorte que sa seule énonciation abstraite ne répond pas aux exigences du règlement de procédure. Des exigences analogues sont requises lorsqu’un argument est invoqué au soutien d’un moyen [voir, en ce sens, arrêts du 7 juin 2018, Winkler/Commission, T‑369/17, non publié, EU:T:2018:334, point 53 et jurisprudence citée, et du 13 mai 2020, Peek & Cloppenburg/EUIPO – Peek & Cloppenburg (Peek & Cloppenburg), T‑446/18, non publié, EU:T:2020:187, point 29].
214 S’il est vrai que le corps de la requête peut être étayé et complété, sur des points spécifiques, par des renvois à des passages déterminés de pièces qui y sont annexées, un renvoi global à d’autres écrits, même annexés à la requête, ne saurait pallier l’absence des éléments essentiels de l’argumentation en droit, qui, en vertu des dispositions rappelées ci-dessus, doivent figurer dans la requête (voir, en ce sens, arrêt du 11 septembre 2014, MasterCard e.a./Commission, C‑382/12 P, EU:C:2014:2201, point 40 et jurisprudence citée).
215 Ainsi, il n’appartient pas au Tribunal de rechercher et d’identifier, dans les annexes, les moyens et les arguments qu’il pourrait considérer comme constituant le fondement du recours, les annexes ayant une fonction purement probatoire et instrumentale (voir arrêt du 17 septembre 2007, Microsoft/Commission, T‑201/04, EU:T:2007:289, point 94 et jurisprudence citée ; arrêt du 24 février 2021, Universität Koblenz-Landau/EACEA, T‑606/18, non publié, EU:T:2021:105, point 61).
216 Force est de constater, au regard de cette jurisprudence, que les allégations de la requérante ne sauraient suffire pour valablement remettre en cause l’affirmation de la BCE selon laquelle les informations demandées ne relevaient pas du domaine public au moment de l’adoption des décisions attaquées. En effet, la requérante n’a apporté aucun élément concret de nature à étayer ses allégations, si bien que le Tribunal n’est pas en mesure d’en vérifier l’exactitude. Ainsi, la requérante omet de préciser, dans le corps de ses écrits, les informations exactes qu’elle considère être publiques et se limite à faire un renvoi global à une dizaine d’annexes représentant au total plus de 1 000 pages. La requérante n’indique pas les passages précis dans les annexes qui permettraient d’établir que l’une des informations demandées était publique au moment de l’adoption des décisions attaquées.
217 En troisième lieu, il convient de relever, comme le soutient à juste titre la BCE, que celle-ci ne saurait être tenue de surveiller les initiatives de publication entreprises par les établissements de crédit concernés, les autorités nationales compétentes ou la presse.
218 Ainsi, au point 56 de son arrêt du 19 décembre 2019, BCE/Espírito Santo Financial (Portugal) (C‑442/18 P, EU:C:2019:1117), la Cour a indiqué, en substance, que la confidentialité de certaines informations peut être invoquée pour autant que ces informations n’ont pas été rendues publiques par la BCE et que la circonstance que des informations approximatives ont été publiées par des tiers n’est pas, en tant que telle, de nature à obliger la BCE à communiquer ces informations. Partant, même si les articles de presse mentionnés par la requérante contenaient des informations qui se rapprochaient de manière significative des informations contenues dans les documents demandés, cette circonstance n’entraînerait pas une obligation pour la BCE d’y donner accès.
219 En outre, la divulgation non autorisée d’un document ne peut avoir pour conséquence de rendre accessible au public un document couvert par une des exceptions prévues à l’article 4 de la décision 2004/258 (voir, par analogie, arrêt du 25 octobre 2013, Beninca/Commission, T‑561/12, non publié, EU:T:2013:558, point 55).
220 En quatrième lieu, une lecture des documents demandés permet de conclure que les informations qui y sont contenues ne sont connues que par un nombre restreint de personnes et n’ont dès lors pas de caractère public (voir, en ce sens, arrêt du 30 mai 2006, Bank Austria Creditanstalt/Commission, T‑198/03, EU:T:2006:136, point 71).
221 Ainsi, en ce qui concerne, premièrement, l’évaluation FOLTF, la lecture de sa version intégrale permet de constater que les extraits auxquels l’accès a été refusé contiennent essentiellement des informations financières relatives à la situation de capital et de liquidité de Banco Popular dans les semaines précédant la rédaction de l’évaluation FOLTF. Comme l’a confirmé la BCE lors de l’audience, il s’agit de données qui ne sont pas régulièrement ou habituellement publiées par l’établissement de crédit concerné, ni par la banque centrale nationale ou la BCE, mais plutôt d’informations qui ont été spécifiquement recherchées afin d’apprécier si l’établissement de crédit sous surveillance continue à satisfaire aux conditions d’agrément prévues par la directive 2013/36.
222 En ce qui concerne, deuxièmement, la lettre que Banco Popular a envoyée le 6 juin 2017 à la BCE, force est de constater que la requérante affirme que, même si l’existence de cette lettre ainsi que son contenu sont mentionnés dans les articles de presse qu’elle a produits, ces mentions sont très génériques et ne révèlent pas de données contenues dans ladite lettre.
223 En ce qui concerne, troisièmement, le document faisant l’objet de la première décision attaquée, à savoir l’aperçu des soldes quotidiens des dépôts de Banco Popular à partir du 3 avril 2017, il y a lieu de constater que la BCE explique dans ladite décision que ce document contient des informations qui ne lui sont pas habituellement communiquées, mais qu’elle a, de façon exceptionnelle, commencé à recueillir ces informations le 3 avril 2017. La BCE ajoute que ce document a été préparé dans le contexte de la surveillance prudentielle de Banco Popular en vue de préparer l’évaluation FOLTF.
224 Rien dans l’argumentaire de la requérante ne permet de conclure que ces informations recueillies à titre exceptionnel par la BCE étaient publiques au moment de l’adoption de la première décision attaquée. La requérante se borne à affirmer que Banco Popular et l’AEB ont publié certaines données qui permettent de calculer « des indicateurs de la liquidité de Banco Popular ». Or, elle indique se demander pourquoi « d’autres indicateurs auxquels [elle] demande à accéder sont confidentiels ». Loin d’apporter un début de preuve que les informations auxquelles elle souhaite avoir accès seraient publiques, la requérante confirme donc plutôt que ces informations ne se trouvent pas dans le domaine public.
225 En ce qui concerne, quatrièmement, les informations auxquelles la BCE, dans la deuxième décision attaquée, a refusé l’accès sur le fondement de l’article 4, paragraphe 1, sous c), de la décision 2004/258, à savoir les informations relatives à l’état des liquidités et aux ratios de capital de Banco Popular, il y a lieu de constater que les trois documents dans lesquels figurent ces informations sont destinés à l’utilisation interne dans le cadre de délibérations au sein du conseil des gouverneurs de la BCE. Ces trois documents sont dès lors, par leur nature, destinés à être connus seulement par un nombre restreint de personnes.
226 En cinquième lieu, la requérante ne saurait pas non plus tirer argument de l’allégation selon laquelle Banco Santander a elle-même reconnu que les informations demandées n’étaient pas confidentielles étant donné que, dans ses contacts avec les institutions, Banco Santander s’est uniquement opposée à la divulgation de certaines informations spécifiques susceptibles de porter préjudice à ses intérêts commerciaux, à savoir des données relatives à ses clients, les conséquences du dispositif de résolution pour les contrats d’entreprise commune ainsi que les détails et l’évaluation de la politique de comptabilisation des risques juridiques relatifs à Banco Popular en date du 6 juin 2017.
227 En effet, comme l’a confirmé Banco Santander lors de l’audience, les contacts auxquels elle a fait référence se sont déroulés dans le cadre de procédures d’accès aux documents devant le CRU et ne concernaient pas les informations détenues et utilisées par la BCE. En outre, contrairement à ce qu’affirme la requérante, Banco Santander fait valoir de façon explicite, dans son mémoire en intervention, qu’elle considère que les informations demandées en l’espèce étaient confidentielles au moment de l’adoption des décisions attaquées.
228 Compte tenu de ce qui précède, il y a lieu de conclure qu’aucun élément du dossier ne permet de conclure que les informations auxquelles l’accès a été refusé sur le fondement de l’article 4, paragraphe 1, sous c), de la décision 2004/258 relevaient du domaine public au moment de l’adoption des décisions attaquées.
b) Sur le risque d’atteinte aux intérêts de la personne physique ou morale ayant fourni les informations demandées ou de tiers ou au bon fonctionnement du système de surveillance prudentielle et de résolution
229 La seconde condition posée par la Cour dans l’arrêt Baumeister afin de reconnaître le caractère confidentiel de certaines informations exige d’examiner si leur divulgation risque de porter atteinte aux intérêts de la personne physique ou morale qui les a fournies ou de tiers, ou encore au bon fonctionnement du système de surveillance prudentielle et de résolution (arrêt Baumeister, point 46). Les arguments présentés par la requérante et relatifs à cette condition se divisent en deux branches.
1) Sur la première branche, tirée de ce que la divulgation des documents demandés ne porte pas atteinte aux intérêts de la personne ayant fourni les informations qui y sont contenues ou de tiers
230 En premier lieu, la requérante allègue que, en raison de la nature des informations demandées, leur divulgation ne pourrait pas affecter de manière appréciable les intérêts commerciaux de Banco Popular ni ceux de Banco Santander.
231 À cet égard, la requérante constate, tout d’abord, que les informations en cause relèvent du passé. Or, selon un rapport économique joint à la requête, seules les données actuelles et futures seraient importantes pour le marché et les établissements des marchés financiers. Compte tenu des particularités du secteur financier, où les informations se transfèrent rapidement et où les opérateurs tirent rapidement des conclusions de ce qu’ils estiment être des informations pertinentes, les informations deviendraient vite obsolètes et par conséquent inutiles pour le marché. La requérante estime que cela est précisément le cas pour les informations concernant les garanties offertes, l’état des liquidités et les ratios de capital de Banco Popular et sa défaillance prévisible ou avérée. Quand bien même ces informations seraient normalement sensibles sur le plan commercial, la requérante allègue qu’elles ne seraient plus pertinentes pour le marché financier ou les concurrents, puisqu’elles datent d’avant la résolution de Banco Popular et ne reflètent donc plus sa situation actuelle. Toutes les informations antérieures à la résolution seraient donc devenues historiques et ne pourraient être considérées comme étant confidentielles.
232 La requérante fait également valoir que la jurisprudence suit une approche casuistique pour apprécier le caractère historique des informations. Si l’arrêt Baumeister a établi une présomption réversible du caractère historique de certaines informations qui ont plus de cinq ans, il ne pourrait être déduit de cet arrêt que les informations de moins de cinq ans d’ancienneté ne peuvent absolument pas être qualifiées d’informations historiques.
233 D’emblée, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, dans le cadre d’un recours en annulation introduit en vertu de l’article 263 TFUE, la légalité d’un acte de l’Union doit être appréciée en fonction des éléments de fait et de droit existant à la date où l’acte a été adopté (voir arrêts du 28 janvier 2021, Qualcomm et Qualcomm Europe/Commission, C‑466/19 P, EU:C:2021:76, point 82 et jurisprudence citée, et du 4 juin 2015, Versorgungswerk der Zahnärztekammer Schleswig-Holstein/BCE, T‑376/13, EU:T:2015:361, point 84 et jurisprudence citée ; voir également, en ce sens, arrêt Baumeister, point 50). Ainsi que le relève à juste titre Banco Santander, la date que le Tribunal doit prendre en compte pour apprécier la légalité du refus d’accès aux informations demandées par la BCE est donc la date de l’adoption des décisions attaquées, à savoir le 7 novembre 2017.
234 Partant, l’allégation de la requérante selon laquelle les informations demandées ne seraient plus pertinentes pour le marché financier ou les concurrents puisqu’elles datent d’avant la résolution de Banco Popular et ne reflètent donc plus sa situation actuelle ne saurait prospérer.
235 Ensuite, il importe de constater que la Cour a indiqué, au point 54 de l’arrêt Baumeister, que, lorsque les informations qui ont pu constituer des secrets d’affaires à une certaine époque datent de cinq ans ou plus, elles sont considérées, en principe, du fait de l’écoulement du temps, comme historiques et comme ayant perdu, de ce fait, leur caractère secret, à moins que, exceptionnellement, la partie qui se prévaut de ce caractère ne démontre que, en dépit de leur ancienneté, ces informations constituent encore des éléments essentiels de sa position commerciale ou de celles de tiers concernés.
236 À cet égard, Banco Santander fait valoir, sans être contredite par les autres parties, que les informations demandées remontent principalement à la période immédiatement antérieure à la résolution et, dans certains cas, au début de l’année 2017.
237 Partant, les informations demandées avaient, au moment de l’adoption des décisions attaquées, tout au plus quelques mois et ne pouvaient donc, compte tenu des critères mentionnés aux points 233 et 235 ci-dessus, être considérées comme étant des informations historiques.
238 Cette constatation ne saurait être remise en cause par l’argument de la requérante selon lequel rien ne laisse entendre, dans l’arrêt Baumeister, que des informations de moins de cinq ans d’ancienneté ne peuvent absolument pas être qualifiées d’informations historiques et une approche au cas par cas s’imposerait. En particulier, dans un cas comme celui de l’espèce où les informations demandées concernent la position commerciale d’un établissement de crédit ayant été soumis à un dispositif de résolution, la requérante suggère que ces informations sont automatiquement devenues historiques après l’adoption de l’instrument de résolution.
239 Or, il ne saurait être admis que l’adoption d’un dispositif de résolution engendre une nouvelle présomption selon laquelle les informations relatives à la position commerciale de l’établissement de crédit soumis au dispositif de résolution deviennent automatiquement historiques. Une telle approche exclurait, par principe, l’application de l’exception visée à l’article 4, paragraphe 1, sous c), de la décision 2004/258, lu conjointement avec l’article 53, paragraphe 1, deuxième alinéa, de la directive 2013/36 et l’article 84, paragraphe 3, de la directive 2014/59.
240 Comme le relèvent à juste titre la BCE, la Commission et Banco Santander, Banco Popular est demeurée en activité en tant que partie du groupe Banco Santander après le 7 juin 2017, et ce jusqu’au 28 avril 2018, date à laquelle elle a fait l’objet d’une fusion par absorption avec Banco Santander.
241 En effet, l’une des raisons pour lesquelles le CRU a décidé d’adopter un dispositif de résolution à l’égard de Banco Popular était d’assurer la continuité de ses fonctions critiques, conformément à l’article 14, paragraphe 2, sous a), du règlement no 806/2014. Ainsi, la vente à Banco Santander a permis à Banco Popular de continuer à fonctionner sous des conditions de marché normales en tant que membre du groupe Santander.
242 Il s’ensuit que la BCE pouvait valablement considérer que la divulgation du solde quotidien des dépôts de Banco Santander à partir du 3 avril 2017, de la situation de liquidité de Banco Popular et de ses ratios de capital, des informations concernant la position de Banco Popular sur le marché, ainsi que de ses actifs et de ses passifs, et de l’appréciation de l’impact de la situation de liquidité de Banco Popular sur le financement et la structure opérationnelle de sa filiale Banco Popular Portugal pouvait, au moment de l’adoption des décisions attaquées, porter atteinte aux intérêts de Banco Popular ou à ceux de sa société mère, en dépit de l’application d’un instrument de résolution.
243 En second lieu, la requérante soutient, en substance, que la BCE n’a pas réussi à démontrer que la divulgation des informations demandées pourrait concrètement et effectivement porter atteinte aux intérêts commerciaux de Banco Santander et de Banco Popular. La requérante considère, à cet égard, que la motivation des décisions attaquées est très générique et pourrait s’appliquer à n’importe quelle banque. Elle indique également que la BCE n’a pas vraiment tenu compte de la résolution de Banco Popular, ni du caractère exceptionnel de la situation.
244 À cet égard, il y a lieu de constater, d’emblée, que la requérante n’a pas formellement soulevé un moyen tiré d’une violation de l’obligation de motivation. À la lecture des écrits de la requérante, il paraît plutôt qu’elle est en désaccord avec la motivation avancée par la BCE.
245 Or, il ressort d’une jurisprudence constante que l’obligation de motivation constitue une formalité substantielle qui doit être distinguée de la question du bien-fondé de la motivation, celui-ci relevant de la légalité au fond de l’acte litigieux. En effet, la motivation d’une décision consiste à exprimer formellement les motifs sur lesquels repose cette décision. Si ces motifs sont entachés d’erreurs, elles entachent la légalité au fond de la décision, mais non la motivation de celle-ci, qui peut être suffisante tout en exprimant des motifs erronés. Il s’ensuit que les griefs et les arguments visant à contester le bien-fondé d’un acte sont dénués de pertinence dans le cadre d’un moyen tiré du défaut ou de l’insuffisance de motivation (voir arrêts du 30 mai 2017, Safa Nicu Sepahan/Conseil, C‑45/15 P, EU:C:2017:402, point 85 et jurisprudence citée, et du 29 avril 2020, Tilly-Sabco/Conseil et Commission, T‑707/18, non publié, EU:T:2020:160, point 103 et jurisprudence citée).
246 Or, dans la première décision attaquée, la BCE indique que la divulgation du document demandé aurait des conséquences préjudiciables pour l’établissement de crédit concerné, puisque celui-ci ne pourrait plus se fier au fait que les informations qu’il a fournies à la BCE aux fins de sa surveillance prudentielle resteront confidentielles. Il est également précisé, dans cette décision, que ce régime de confidentialité s’applique nonobstant le fait qu’une banque a fait l’objet d’un dispositif de résolution.
247 Dans la deuxième décision attaquée, la BCE a expliqué, s’agissant des informations relatives à la situation de liquidité de Banco Popular et à ses ratios de capital, que leur divulgation inciterait les acteurs du marché à spéculer sur la situation de liquidité de Banco Santander et ses besoins de financement, ce qui pourrait alors donner lieu à une pression injustifiée de financement.
248 Dans la troisième décision attaquée, la BCE a constaté que les informations demandées concernaient, d’une part, la position commerciale de Banco Santander sur le marché et, d’autre part, ses actifs et passifs et que la divulgation de ces informations pourrait avoir un impact négatif sur les intérêts commerciaux de Banco Popular et de Banco Santander. En particulier, selon la BCE, l’appréciation de l’impact de la situation de liquidité de Banco Popular sur le financement et la structure opérationnelle de sa filiale Banco Popular Portugal est sensible d’un point de vue commercial et pourrait donner lieu à une spéculation injustifiée concernant la situation financière et de liquidité du groupe. Ladite décision mentionne en outre que le régime de secret professionnel s’applique nonobstant le fait qu’une banque a été résolue.
249 Dès lors, la BCE pouvait valablement considérer que les informations auxquelles elle a refusé l’accès sur le fondement de l’article 4, paragraphe 1, sous c), de la décision 2004/258 pouvaient, au moment de l’adoption des décisions attaquées, concrètement et effectivement porter atteinte aux intérêts de Banco Popular ou de Banco Santander. Le fait que les décisions attaquées ne contiennent qu’une motivation très succincte s’agissant de la question de savoir pourquoi une telle atteinte pouvait être présumée en dépit de l’application d’un instrument de résolution à Banco Popular n’enlève rien à cette constatation.
250 Compte tenu de ce qui précède, il convient de rejeter la première branche, tiré de ce que la divulgation des informations demandées ne causerait pas de préjudice aux intérêts de Banco Popular ou de Banco Santander.
2) Sur la seconde branche, tirée de ce que la divulgation des documents demandés ne porte pas atteinte au bon fonctionnement du système de surveillance prudentielle
251 Il y a lieu, avant d’entamer l’examen des arguments avancés par la requérante, de rappeler les considérations exposées aux points 157 à 162 ci-dessus.
252 Comme le soutient à juste titre la Commission, il convient de transposer la jurisprudence en vertu de laquelle la BCE dispose d’une large marge d’appréciation aux fins de déterminer si la divulgation de certaines informations pourrait porter préjudice à un intérêt public tel que visé à l’article 4, paragraphe 1, sous a), de la décision 2004/258 à l’appréciation que la BCE est amenée à effectuer dans le cadre de l’application de la seconde condition de l’arrêt Baumeister. L’évaluation du risque d’atteinte au bon fonctionnement du système de surveillance prudentielle et de résolution correspond, en effet, à l’évaluation du risque d’atteinte à l’intérêt public.
253 Par ailleurs, conformément à la jurisprudence rappelée au point 159 ci-dessus, l’appréciation par la BCE de la question de savoir si la divulgation de certains documents porterait atteinte à la protection du bon fonctionnement du système de surveillance prudentielle et de résolution revêt un caractère complexe et délicat nécessitant un degré de prudence tout particulier.
254 De surcroît, les critères énoncés par la Cour dans l’arrêt Baumeister afin d’apprécier une atteinte au bon fonctionnement du système de contrôle de l’activité des entreprises d’investissement, qui sont applicables par analogie dans le contexte de la surveillance prudentielle et de la résolution, sont très généraux, ainsi qu’il est requis par la jurisprudence exposée au point 160 ci-dessus.
255 Il s’ensuit, d’une part, que le contrôle de légalité que le Tribunal est amené à effectuer dans ce cadre se limite au contrôle prévu par la jurisprudence citée au point 161 ci-dessus et, d’autre part, que le respect de l’obligation pour la BCE de motiver à suffisance de droit ses décisions revêt, en principe, une importance d’autant plus fondamentale (voir, à cet égard, point 162 ci-dessus).
256 En l’espèce, la BCE a indiqué, dans la première décision attaquée, que le document contenant les informations relatives au solde quotidien de dépôts de Banco Popular relevait du dossier administratif relatif à la surveillance continue de Banco Popular ainsi que de l’analyse finale de la défaillance avérée ou prévisible de Banco Popular.
257 Dans la deuxième décision attaquée, la BCE a fait état de ce que la requérante n’avait pas contesté l’analyse effectuée dans la décision LS/PT/2017/66, du 11 août 2017, selon laquelle le document intitulé « Emergency liquidity assistance request from Banco de España », du 5 juin 2017, contient des informations concernant l’état des liquidités et des ratios de capital de Banco Popular. Elle a expliqué, ensuite, que ces informations lui avaient été fournies par Banco Popular dans le contexte de la surveillance prudentielle continue.
258 S’agissant de la version intégrale de l’évaluation FOLTF ainsi que de la documentation fournie par Banco Popular au sujet, notamment, de sa position de capital, de l’état de ses liquidités et des autres conditions pour son autorisation continue, la BCE a expliqué, dans la troisième décision attaquée, que ces documents relevaient de dossiers administratifs relatifs à la surveillance prudentielle continue et à la procédure d’évaluation FOLTF. D’après la BCE, ces dossiers administratifs relevaient de l’exercice par la BCE de ses missions en tant qu’autorité de surveillance compétente, qui sont prévues dans le règlement no 1024/2013.
259 Or, dans les trois décisions attaquées, la BCE a en outre exposé que, dans l’exercice des missions qui lui sont confiées par le règlement no 1024/2013, elle est liée par des obligations de secret professionnel. Dans ce contexte, elle a précisé les dispositions réglementaires applicables, ainsi que le contenu de cette obligation de secret professionnel, et elle a fait état de ce que les dérogations à cette obligation de secret professionnel n’étaient pas applicables en l’espèce.
260 La BCE en a conclu que la divulgation d’informations confidentielles issues d’une surveillance prudentielle pouvait porter atteinte tant à l’établissement de crédit directement concerné qu’au système bancaire en général, puisque les banques ne pourraient plus se fier au fait que les informations qu’elles avaient fournies à la BCE dans le cadre de la surveillance prudentielle conserveraient leur caractère confidentiel.
261 Dans la première et la troisième décision attaquée, la BCE s’est référée, dans ce contexte, aux arrêts du 11 décembre 1985, Hillenius, (110/84, EU:C:1985:495, point 27), et du 12 novembre 2014, Altmann e.a. (C‑140/13, EU:C:2014:2362, points 31 à 33). La BCE y a également indiqué que la résolution n’avait pas modifié le statut d’entité surveillée de Banco Popular et que le régime de confidentialité continuait dès lors à s’appliquer à son égard.
262 La BCE a ainsi fourni une explication relative au besoin de protection invoqué en faisant valoir que la divulgation des documents demandés porterait atteinte, notamment, au système bancaire en général.
263 Ces conclusions ne sont pas infirmées par les arguments de la requérante.
264 En effet, d’une part, l’argument de la requérante selon lequel la motivation serait générique et stéréotypée doit être rejeté. À cet égard, il doit être tenu compte du fait qu’il peut être impossible d’indiquer les raisons justifiant le refus d’accès de chaque document, en l’occurrence de chaque élément d’information des documents, sans divulguer le contenu de ce document ou un élément essentiel de celui-ci et, partant, priver l’exception de sa finalité essentielle. En l’espèce, une démonstration plus complète et individualisée du contenu du document demandé du fait que ce dernier était couvert par les exceptions relatives à l’intérêt public en ce qui concerne le bon fonctionnement du système de surveillance prudentielle et de résolution pouvait compromettre la confidentialité d’informations qui ont vocation à demeurer confidentielles (voir, par analogie, arrêt du 26 avril 2005, Sison/Conseil, T‑110/03, T‑150/03 et T‑405/03, EU:T:2005:143, point 84).
265 D’autre part, il y a lieu de rejeter l’argument tiré de ce que la divulgation d’informations telles que les ratios de liquidités ne créerait en aucun cas un précédent selon lequel ce genre d’informations seraient à l’avenir révélées au marché, puisque la résolution de Banco Popular avait un caractère exceptionnel.
266 En effet, la requérante ne parvient pas à remettre en cause l’appréciation de la BCE selon laquelle la divulgation de certaines informations serait susceptible de porter atteinte à la confiance mutuelle entre la BCE et les établissements surveillés, nécessaire au mécanisme de surveillance prudentielle. À cet égard, le fait que la résolution bancaire reste exceptionnelle et que certaines informations n’ont été recueillies qu’exceptionnellement par la BCE n’a aucune incidence sur le risque que d’autres établissements ne puissent plus se fier au fait que les informations qu’ils seront susceptibles de fournir à la BCE à l’avenir dans le cadre de la surveillance prudentielle conserveront leur caractère confidentiel.
267 Par ailleurs, selon la jurisprudence, une institution de l’Union peut se fonder sur des comportements hypothétiques des opérateurs de marché et sur les effets de ces comportements pour de futures interventions (voir, par analogie, arrêt du 4 juin 2015, Versorgungswerk der Zahnärztekammer Schleswig-Holstein/BCE, T‑376/13, EU:T:2015:361, point 78).
268 Dès lors, la BCE pouvait valablement se fonder sur un risque de spéculation des opérateurs du marché fondé sur les données concernant l’état de liquidité de Banco Popular préalablement à sa résolution, tant que ces données pouvaient être considérées, de manière raisonnablement prévisible, comme des informations de nature à faire naître des spéculations et, ainsi, mettre en péril le bon fonctionnement du système de surveillance prudentielle et de résolution.
269 Sur la base des considérations qui précèdent, il convient de considérer que la requérante n’est pas parvenue à démontrer que la BCE avait commis une erreur manifeste d’appréciation en considérant que la divulgation des documents demandés risquait de porter atteinte au bon fonctionnement du système de surveillance prudentielle et de résolution.
270 Il convient dès lors de rejeter la seconde branche, tirée de ce que la divulgation des informations demandées ne porte pas atteinte au bon fonctionnement du système de surveillance prudentielle et de résolution.
271 Partant, il y a lieu de conclure que les documents demandés auxquels la BCE a refusé l’accès sur le fondement de l’article 4, paragraphe 1, sous c), de la décision 2004/258 contiennent des informations confidentielles au sens de l’article 53, paragraphe 1, deuxième alinéa, de la directive 2013/36 et de l’article 84, paragraphe 3, de la directive 2014/59.
3. Sur le troisième grief, tiré de ce que les dérogations prévues par l’article 53, paragraphe 1, troisième alinéa, de la directive 2013/36 et l’article 84, paragraphe 6, de la directive 2014/59 s’appliquent aux documents demandés
272 Par son troisième grief, la requérante fait valoir que les dispositions de l’article 53, paragraphe 1, troisième alinéa, de la directive 2013/36 et de l’article 84, paragraphe 6, de la directive 2014/59 autorisent la BCE à donner accès aux documents demandés dans le cadre ou aux fins d’une procédure judiciaire. Il ressortirait en particulier d’une interprétation téléologique desdites dispositions qu’il existe une exception à la confidentialité lorsque l’accès aux documents demandés serait nécessaire aux fins de l’exercice du droit à une protection juridictionnelle effective dans le cadre d’une procédure judiciaire présentant un lien avec le comportement d’une institution ou d’un organe de l’Union.
273 La requérante ajoute que, selon la jurisprudence, l’appréciation du caractère confidentiel d’une information nécessite la mise en balance des intérêts légitimes qui s’opposent à sa divulgation et de l’intérêt général. Or, les particularités de la présente affaire, à savoir le fait que les anciens actionnaires de Banco Popular souhaitent connaître les circonstances dans lesquelles la résolution de Banco Popular s’est déroulée, justifieraient la divulgation des informations demandées. À cet égard, il est fondamental, selon la requérante, de prendre en compte le fait qu’elle a introduit devant le Tribunal un recours en annulation (enregistré sous le numéro T‑628/17) contre le dispositif de résolution et un recours en responsabilité extracontractuelle (enregistré sous le numéro T‑714/17). Les informations demandées dans le cadre de la présente affaire auraient pour seule finalité d’être utilisées en tant que preuves dans le cadre de ces deux recours.
274 La requérante souligne qu’elle a notamment besoin d’avoir connaissance des problèmes de liquidités qui auraient conduit à la résolution de Banco Popular, mais que tant l’évaluation FOLTF que le dispositif de résolution ont été censurés à cet égard. L’accès à ces données lui permettrait de présenter des preuves à l’appui de son argument selon lequel l’état des liquidités de Banco Popular n’était pas suffisamment grave pour que sa résolution soit prononcée et selon lequel tout problème de liquidité était lié à des déclarations de la présidente du CRU.
275 La BCE, soutenue par la Commission et Banco Santander, conteste les arguments de la requérante.
276 À cet égard, il convient, tout d’abord, de relever que la Cour a indiqué, au point 30 de l’arrêt du 13 septembre 2018, Buccioni (C‑594/16, ci-après l’« arrêt Buccioni », EU:C:2018:717), que les cas spécifiques dans lesquels le principe général d’interdiction de divulgation des informations confidentielles détenues par les autorités compétentes, posé à l’article 53, paragraphe 1, de la directive 2013/36, ne fait exceptionnellement pas obstacle à leur transmission ou à leur utilisation sont énoncés de manière exhaustive dans cette directive. En outre, la Cour a précisé, au point 37 du même arrêt, que les dérogations prévues par la directive 2013/36 à l’interdiction générale de divulguer des informations confidentielles devaient être interprétées de manière stricte.
277 Ces mêmes considérations s’appliquent, par analogie, à la dérogation à l’interdiction de divulgation posée à l’article 84, paragraphe 6, de la directive 2014/59.
278 C’est à la lumière de ces principes qu’il convient d’apprécier les arguments de la requérante.
279 D’une part, s’agissant de l’article 53, paragraphe 1, troisième alinéa, de la directive 2013/36, cette disposition prévoit que, lorsqu’un établissement de crédit a été déclaré en faillite ou que sa liquidation forcée a été ordonnée, les informations confidentielles qui ne concernent pas les tiers impliqués dans les tentatives de sauvetage de cet établissement de crédit peuvent être divulguées dans le cadre de procédures civiles ou commerciales.
280 Or, en l’espèce, comme le fait valoir à juste titre la BCE, Banco Popular n’a pas été déclarée en faillite, pas plus que sa liquidation forcée n’a été ordonnée. Il ressort au contraire du dispositif de résolution que celui-ci visait notamment à une cession des activités de Banco Popular à Banco Santander. Cette cession a permis à Banco Popular de continuer à fonctionner sous des conditions de marché normales en tant que membre du groupe Santander.
281 Par ailleurs, il ressort du règlement no 806/2014 que c’est précisément dans le but d’éviter une liquidation selon une procédure normale d’insolvabilité que le règlement no 806/2014 prévoit l’application d’un instrument de résolution à une entité défaillante.
282 Ainsi, avant l’adoption d’une mesure de résolution, dans le contexte de l’évaluation de la condition tenant à ce que la résolution soit dans l’intérêt public, prévue par l’article 18, paragraphe 1, sous c), du règlement no 806/2014, le CRU doit notamment évaluer si la résolution d’une entité insolvable n’est pas préférable à sa liquidation. À cet égard, au considérant 58 du règlement no 806/2014, il est indiqué que, dans le cas où la liquidation d’une entité défaillante selon une procédure normale d’insolvabilité pourrait compromettre la stabilité financière, interrompre la fourniture de services essentiels et menacer la protection des déposants, il est d’intérêt public d’appliquer des instruments de résolution.
283 Par ailleurs, à la suite de l’adoption d’une mesure de résolution, conformément à l’article 15, paragraphe 1, sous g), à l’article 20, paragraphe 16, et à l’article 76, paragraphe 1, sous e), du règlement no 806/2014, une évaluation par un expert indépendant doit comparer le traitement réel dont les actionnaires et les créanciers ont fait l’objet dans le cadre de la résolution et le traitement dont ils auraient bénéficié si l’entité avait été soumise à une procédure normale d’insolvabilité au moment où la décision sur la mesure de résolution a été prise. S’il est constaté que les actionnaires et les créanciers ont reçu, en paiement de leurs créances dans le cadre de la résolution, moins que ce qu’ils auraient reçu dans le cadre d’une procédure normale d’insolvabilité, ils devraient, en principe, avoir droit à un dédommagement.
284 Compte tenu de ces éléments, il y a lieu de conclure qu’une faillite a une nature et des objectifs essentiellement différents de ceux d’une résolution et qu’une application par analogie de l’article 53, paragraphe 1, troisième alinéa, de la directive 2013/36 à une entité soumise à une procédure de résolution est donc exclue.
285 Une telle application par analogie de ladite disposition serait également contraire aux principes rappelés au point 276 ci-dessus, selon lesquels les dérogations prévues par la directive 2013/36 à l’interdiction générale de divulguer des informations confidentielles sont prévues de manière exhaustive et doivent être interprétées de manière stricte.
286 Il s’ensuit que la dérogation prévue à l’article 53, paragraphe 1, troisième alinéa, de la directive 2013/36 ne trouve pas à s’appliquer en l’espèce.
287 D’autre part, s’agissant de la dérogation au principe de secret professionnel prévue à l’article 84, paragraphe 6, de la directive 2014/59, cette disposition prévoit qu’elle s’applique sans préjudice du droit national concernant la divulgation d’informations aux fins de procédures judiciaires dans le cadre d’affaires pénales ou civiles.
288 Or, comme l’avance à bon droit la BCE, la requérante n’a invoqué aucune disposition de droit national qui requerrait la divulgation des documents demandés.
289 En outre, l’article 84, paragraphe 6, de la directive 2014/59 vise la divulgation exceptionnelle d’informations confidentielles dans le cadre de procédures nationales. Or, la requérante ne nie pas que ses demandes d’accès ont été motivées par son intention d’introduire un recours devant le Tribunal.
290 Partant, la dérogation prévue à l’article 84, paragraphe 6, de la directive 2014/59 n’est pas applicable en l’espèce.
291 Ces conclusions ne sauraient être remises en cause par les arguments de la requérante.
292 Premièrement, l’argument de la requérante selon lequel la règle de confidentialité n’est pas applicable lorsque le demandeur avance des indices précis et concordants laissant supposer de manière plausible qu’elles s’avèrent pertinentes pour les besoins d’une procédure civile ou commerciale en cours ou à engager doit être rejeté. La requérante renvoie à l’arrêt Buccioni afin d’étayer cet argument. Or, il convient de relever que, contrairement à la présente affaire, l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Buccioni concernait un établissement de crédit qui avait été mis en liquidation forcée (arrêt Buccioni, point 17). Or, comme il a été exposé aux points 281 à 285 ci-dessus, l’article 53, paragraphe 1, troisième alinéa, de la directive 2013/36 ne saurait être appliqué de façon large sans méconnaître le principe d’interprétation stricte des dérogations au principe de confidentialité, que la Cour a elle-même rappelé au point 37 de l’arrêt Buccioni.
293 En tout état de cause, l’approche préconisée dans l’arrêt Buccioni n’est pas transposable à la présente affaire. En effet, aux points 38 et 40 de cet arrêt, il est indiqué que le demandeur d’accès à des informations confidentielles doit avancer des indices précis et concordants laissant supposer de manière plausible que les informations demandées s’avèrent pertinentes pour les besoins d’une procédure civile ou commerciale en cours ou à engager, dont l’objet doit être concrètement identifié par le demandeur. Or, une telle approche mènerait à une application contra legem de l’article 6 de la décision 2004/258, qui prévoit qu’un demandeur d’accès n’est pas obligé de justifier sa demande. L’absence d’obligation de démontrer un quelconque intérêt à demander l’accès à un document constitue l’une des pierres angulaires des régimes d’accès aux documents qui, selon une jurisprudence constante, ne permettent précisément pas de traitement différencié des demandeurs d’accès en fonction de leurs intérêts ou besoins particuliers (voir, en ce sens, arrêts du 26 avril 2005, Sison/Conseil, T‑110/03, T‑150/03 et T‑405/03, EU:T:2005:143, points 50 à 56, et du 6 juillet 2006, Franchet et Byk/Commission, T‑391/03 et T‑70/04, EU:T:2006:190, point 82).
294 De surcroît, comme le soutient à juste titre la BCE, quand un document est divulgué à la suite d’une demande présentée dans le cadre du régime d’accès du public aux documents, celui-ci devient public erga omnes. Or, dans l’arrêt Buccioni, la Cour a jugé que, sous les conditions exposées au point 38 de cet arrêt, les autorités compétentes pouvaient divulguer des informations confidentielles pour les besoins d’une procédure civile ou commerciale en cours ou à engager, « en dehors de laquelle ces informations ne peuvent être utilisées ». La décision 2004/258, plus particulièrement son article 9, qui traite de l’accès à la suite d’une demande, ne prévoit toutefois pas la possibilité de donner à un membre du public l’accès à un document tout en lui imposant de ne pas divulguer ce document à d’autres personnes. Une telle possibilité serait contraire à l’esprit et à la logique de ladite décision, dans la mesure où, lorsque les exceptions au droit d’accès prévues à l’article 4 de cette même décision trouvent à s’appliquer, l’accès audit document est tout simplement refusé (voir, par analogie, ordonnance du 7 mars 2013, Henkel et Henkel France/Commission, T‑64/12, non publiée, EU:T:2013:116, point 47).
295 Deuxièmement, l’argument de la requérante, formulé à titre subsidiaire, visant à ce que le Tribunal lui octroie un accès aux documents concernés sous forme d’un engagement de confidentialité, au-delà du fait que cet argument se heurte aux considérations liées à la nature des régimes d’accès du public aux documents rappelées au point 293 ci-dessus, méconnaît également le fait que l’article 104 du règlement de procédure prévoit qu’un document auquel l’accès a été refusé par une institution et qui a fait l’objet d’une mesure d’instruction ne saurait être communiqué aux autres parties. Cette règle a pour finalité d’éviter que le recours devant le Tribunal ne devienne sans objet du fait de la communication du document concerné au demandeur d’accès (voir, en ce sens, arrêt du 1er février 2007, Sison/Conseil, C‑266/05 P, EU:C:2007:75, point 39). En outre, l’accès sous forme d’un engagement de confidentialité, tel que proposé par la requérante, constitue un des moyens que le règlement de procédure prévoit en vue de la production et de l’utilisation d’informations en possession d’une des parties à une procédure devant le Tribunal dans le cadre de cette même procédure.
296 Troisièmement, la requérante ne saurait prétendre que le fait que certaines dérogations au principe de confidentialité s’appliquent en raison de l’existence de procédures devant les juridictions nationales ne s’oppose pas à l’application de ces dérogations dans le cadre du présent litige devant le Tribunal, ce qui, selon elle, conduirait à la situation absurde dans laquelle les juridictions nationales pourraient accéder à des documents des institutions de l’Union alors que le Tribunal ne le pourrait pas. En effet, d’une part, pour les raisons exposées au point 295 ci-dessus, il ne revient pas au Tribunal, dans le cadre d’une procédure d’accès aux documents, d’ordonner la divulgation à la partie requérante d’un document auquel l’accès lui a été refusé. D’autre part, si le régime de l’administration des preuves devant les juridictions de l’Union est différent de celui devant les juridictions nationales, ce régime n’en est pas moins complet. En effet, d’une part, les articles 89 et suivants du règlement de procédure prévoient que le Tribunal peut demander ou ordonner, dans le cadre d’un litige, la production d’un document par une des parties au litige. D’autre part, le Tribunal peut, sur le fondement de l’article 24 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, demander aux institutions, aux organes ou aux organismes qui ne sont pas parties au litige tout renseignement qu’il estime nécessaire aux fins de l’examen du litige. Contrairement à ce qu’affirme la requérante, le Tribunal, comme les juridictions nationales, dispose de tous les moyens nécessaires pour bénéficier d’un accès aux documents issus de la surveillance prudentielle et pour mener à bien l’instruction d’une affaire dont il a été saisi dans ce domaine.
297 Quatrièmement, la jurisprudence que la requérante cite aux points 38 et 39 de la requête à l’appui de son argument selon lequel les particularités de la présente affaire justifient, compte tenu des divers intérêts en jeu, la divulgation des informations demandées n’infirme pas non plus les constatations faites dans le cadre de l’analyse du troisième grief. En effet, les arrêts du 9 juin 2010, Éditions Jacob/Commission (T‑237/05, EU:T:2010:224, point 90), et du 24 mai 2011, NLG/Commission (T‑109/05 et T‑444/05, EU:T:2011:235, point 140), concernent l’application du principe de secret professionnel par la Commission dans le contexte du droit de la concurrence. Dans ces deux arrêts, le Tribunal a précisé que l’obligation de secret professionnel ne revêt pas une portée telle qu’elle puisse justifier un refus d’accès général et abstrait aux documents contenant des informations commerciales sur les entreprises impliquées. L’appréciation du caractère confidentiel de ces informations nécessite une mise en balance des intérêts qui s’opposent à sa divulgation et de l’intérêt général qui veut que les activités des institutions de l’Union se déroulent dans le plus grand respect possible du principe d’ouverture.
298 Or, cette jurisprudence n’est pas transposable au cas d’espèce.
299 En effet, d’une part, la BCE est soumise, dans le contexte de la surveillance prudentielle et de la résolution des établissements de crédit, à des règles de droit primaire et de droit dérivé qui ont fait l’objet d’une interprétation par la Cour dans les arrêts Baumeister et Buccioni. Selon ces arrêts, l’article 53, paragraphe 1, de la directive 2013/36 impose, en tant que règle générale, une obligation de secret professionnel (arrêts Baumeister, point 33, et Buccioni, point 29). Dans ce contexte, la Cour a établi les conditions sous lesquelles certaines informations sont considérées comme étant confidentielles et donc couvertes par l’obligation de secret professionnel. Si ces conditions sont remplies, les informations concernées peuvent, comme en l’espèce, être couvertes par l’article 4, paragraphe 1, sous c), de la décision 2004/258 et aucune mise en balance ne devra être faite pour que la BCE puisse y refuser l’accès.
300 D’autre part, comme le souligne à bon droit la BCE, la jurisprudence citée par la requérante concernait des affaires pour lesquelles s’appliquait l’article 4, paragraphe 2, du règlement no 1049/2001 qui, à la différence de l’article 4, paragraphe 1, sous c), de la décision 2004/258, prévoit une mise en balance des intérêts en cause.
301 Compte tenu de ce qui précède, il y a lieu de rejeter le troisième grief.
302 Il convient dès lors de considérer que, les documents demandés contenant des informations confidentielles (voir point 271 ci-dessus) et les dérogations au principe de confidentialité n’étant pas applicables, la BCE a pu légalement fonder les décisions attaquées sur l’article 4, paragraphe 1, sous c), de la décision 2004/258. Partant, il convient de rejeter le premier moyen.
303 Il ressort de l’ensemble de ce qui précède que, premièrement, s’agissant des informations relatives à l’état des liquidités de Banco Popular et à ses ratios de capital, la deuxième décision attaquée est légalement fondée par les motifs qu’elle comporte et qui sont relatifs à l’exception prévue par l’article 4, paragraphe 1, sous c), de la décision 2004/258.
304 Deuxièmement, s’agissant des documents auxquels l’accès a été refusé dans le cadre de la troisième décision attaquée, celle-ci est légalement fondée par les motifs qu’elle comporte et qui sont relatifs à l’exception prévue par l’article 4, paragraphe 1, sous c), de la décision 2004/258.
305 Troisièmement, en ce qui concerne les garanties offertes, la deuxième décision attaquée est légalement fondée par les motifs qu’elle comporte et qui sont relatifs aux exceptions prévues par l’article 4, paragraphe 1, sous a), deuxième et septième tirets, de la décision 2004/258 (voir point 170 ci-dessus).
306 Il résulte de ces constatations que, même si l’accès aux documents et informations visés aux points 303 à 305 ci-dessus a également été refusé sur le fondement de l’article 4, paragraphe 2, premier tiret, de la décision 2004/258, il n’y a plus lieu de se prononcer sur le bien-fondé du troisième moyen tiré de la violation de cette disposition. En effet, le troisième moyen doit être écarté comme étant en toute hypothèse inopérant, puisque, pour que les décisions attaquées soient fondées en droit, il suffit que l’une des exceptions que la BCE a opposées pour refuser l’accès aux documents demandés l’ait été à juste titre (voir, en ce sens, arrêt du 25 novembre 2020, Bronckers/Commission, T‑166/19, EU:T:2020:557, point 78 et jurisprudence citée).
F. Sur le quatrième moyen, tiré d’une violation de l’article 47 de la Charte
307 À l’appui de son quatrième moyen, la requérante fait valoir que la BCE a violé l’article 47 de la Charte, en ce que les refus d’accès que les décisions attaquées comportent l’ont empêchée d’accéder aux documents sur lesquels la BCE s’est fondée pour prononcer la résolution de Banco Popular. La requérante considère qu’il existe une jurisprudence constante selon laquelle la protection juridictionnelle effective, consacrée par l’article 47 de la Charte, exige que l’intéressé puisse prendre connaissance des motifs de la décision prise à son égard. La requérante estime en outre que, eu égard au principe du contradictoire, lequel fait partie intégrante des droits de la défense, les parties à un procès ont le droit de prendre connaissance de toutes les pièces et observations présentées au juge en vue d’influer sur sa décision et de les discuter. Compte tenu de ces éléments, la requérante estime que l’adoption d’un acte administratif qui prive les particuliers de leur propriété en se fondant sur des documents dont ils n’ont pas pu prendre connaissance constitue une violation de leur droit fondamental à une protection juridictionnelle effective.
308 La requérante admet qu’il existe une exception à la règle générale de l’accessibilité aux documents dans certaines procédures, dès lors que le refus d’accès est recommandé pour des raisons impérieuses liées à la sécurité de l’État. Elle insiste cependant sur le fait que tel n’est pas le cas en l’espèce. Elle ajoute que les documents demandés portent sur un fait concret, à savoir l’état des liquidités de Banco Popular.
309 La requérante considère, en outre, que l’article 53, paragraphe 1, de la directive 2013/36 ainsi que l’article 84 de la directive 2014/59 autorisent la diffusion d’informations confidentielles dans le cadre de procédures civiles, commerciales ou pénales de défaillance des établissements de crédit au niveau national. À cet égard, elle précise qu’il y a lieu de considérer que ces dérogations au principe de confidentialité sont également applicables aux procédures devant le juge de l’Union en vertu de l’article 47 de la Charte.
310 Enfin, la requérante fait valoir que la qualification des documents demandés en documents confidentiels constitue, en tout état de cause, une mesure disproportionnée ne remplissant pas les conditions posées à l’article 52 de la Charte.
311 La BCE, soutenue à cet égard par la Commission et Banco Santander, conteste les arguments de la requérante.
312 L’article 47 de la Charte énonce, en son premier alinéa, le droit à un recours effectif devant un tribunal et, en son deuxième alinéa, le droit à un procès équitable.
313 Il est de jurisprudence constante que le droit à une protection juridictionnelle effective exige que l’intéressé puisse connaître les motifs sur lesquels est fondée la décision prise à son égard, soit par la lecture de la décision elle-même, soit par une communication de ces motifs faite à sa demande, sans préjudice du pouvoir du juge compétent d’exiger de l’autorité en cause qu’elle les communique, afin de lui permettre de défendre ses droits dans les meilleures conditions possibles et de décider en pleine connaissance de cause s’il est utile de saisir le juge compétent, ainsi que pour mettre ce dernier pleinement en mesure d’exercer le contrôle de la légalité de la décision en cause (voir arrêt du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 100 et jurisprudence citée ; arrêt du 3 février 2021, Ramazani Shadary/Conseil, T‑122/19, non publié, EU:T:2021:61, point 50).
314 En l’espèce, les seules décisions que la BCE a adoptées à l’égard de la requérante sont les trois décisions attaquées. Or, la requérante a pu prendre connaissance des motifs de ces décisions et elle a pu les contester devant le Tribunal par le présent recours, introduit sur le fondement de l’article 263 TFUE, ce qui démontre l’existence de son droit à un recours effectif.
315 Contrairement à ce qu’affirme la requérante au point 73 de la requête, la BCE n’a pas « prononcé la résolution de Banco Popular », mais a déclaré, dans le cadre de son évaluation FOLTF, que cet établissement de crédit se trouvait dans une situation de défaillance avérée ou prévisible, au sens de l’article 18, paragraphe 4, du règlement no 806/2014. Cette évaluation FOLTF revêt le caractère d’un acte préparatoire visant à permettre au CRU de prendre une décision quant à la résolution de Banco Popular (voir, en ce sens, ordonnance du 6 mai 2019, ABLV Bank/BCE, T‑281/18, EU:T:2019:296, point 36). Ainsi et en tout état de cause, l’évaluation FOLTF n’a pas produit, en tant que telle, d’effet de droit obligatoire de nature à affecter les intérêts de la requérante, en modifiant de façon caractérisée sa situation juridique, seules l’adoption puis l’entrée en vigueur d’un dispositif de résolution ainsi que la mise en œuvre d’instruments de résolution, au sens de l’article 22, paragraphe 2, du règlement no 806/2014, étant susceptibles de modifier cette situation.
316 Dans l’hypothèse où il conviendrait de comprendre le présent moyen en ce sens que la requérante prétend en réalité que son droit à un recours effectif a été violé en raison du fait qu’elle n’a pas eu connaissance des documents qui ont servi de fondement à l’adoption de la décision en vertu de laquelle les activités de Banco Popular ont été transférées à Banco Santander, à savoir la décision SRB/EES/2017/08 de la session exécutive du CRU, du 7 juin 2017, concernant un dispositif de résolution à l’égard de Banco Popular, il convient de rappeler que cette décision fait l’objet du recours en annulation introduit par la requérante devant le Tribunal dans le cadre de l’affaire T‑628/17.
317 Or, la jurisprudence concernant le droit à une protection juridictionnelle effective n’exige pas que la BCE donne, dans le cadre d’une demande introduite en vertu de la décision 2004/258, accès à certains documents dont les demandeurs d’accès prétendent avoir besoin afin de préparer un recours en annulation d’une décision adoptée par une autre institution. Cette constatation découle des caractéristiques du régime d’accès aux documents instauré par la décision 2004/258.
318 En effet, premièrement, l’article 1er de la décision 2004/258 prévoit que l’objet de cette décision consiste à définir les conditions auxquelles sont soumises les demandes d’accès du public aux documents détenus par la BCE. La décision 2004/258 n’a donc pas pour objet de régler les questions relatives aux preuves à apporter par les parties dans le cadre d’une procédure juridictionnelle (voir, par analogie, arrêts du 14 mai 2019, Commune de Fessenheim e.a./Commission, T‑751/17, EU:T:2019:330, point 123, et du 30 janvier 2020, CBA Spielapparate- und Restaurantbetrieb/Commission, T‑168/17, non publié, EU:T:2020:20, point 74).
319 Deuxièmement, en vertu de l’article 2, paragraphe 1, de la décision 2004/258, les bénéficiaires du droit d’accès aux documents de la BCE sont « tout citoyen de l’Union et toute personne physique ou morale résidant ou ayant son siège dans un État membre ». La décision 2004/258 n’a donc pas vocation à édicter des règles destinées à protéger l’intérêt spécifique que telle ou telle personne pourrait avoir à accéder à un document (voir, par analogie, arrêts du 1er février 2007, Sison/Conseil, C‑266/05 P, EU:C:2007:75, point 43 ; du 30 janvier 2020, CBA Spielapparate- und Restaurantbetrieb/Commission, T‑168/17, non publié, EU:T:2020:20, point 74, et du 6 février 2020, Compañía de Tranvías de la Coruña/Commission, T‑485/18, EU:T:2020:35, point 80).
320 Troisièmement, il importe de rappeler que si un document est divulgué à la suite d’une demande d’accès introduite sur le fondement de la décision 2004/258, celui-ci devient public erga omnes, en ce sens que ce document pourra être communiqué à d’autres demandeurs et que toute personne aura le droit d’y accéder. Or, un tel effet erga omnes dépasserait manifestement la sphère des intérêts légitimes d’une partie qui vise à se prévaloir de son droit à un recours effectif aux fins de l’instruction d’une autre affaire devant le Tribunal (voir, en ce sens, ordonnance du 1er septembre 2015, Pari Pharma/EMA, T‑235/15 R, EU:T:2015:587, point 71).
321 La question de savoir si une personne a besoin d’un document pour préparer un recours en annulation relève de l’examen de ce recours (voir, par analogie, arrêts du 26 avril 2005, Sison/Conseil, T‑110/03, T‑150/03 et T‑405/03, EU:T:2005:143, point 55, et du 26 mai 2016, International Management Group/Commission, T‑110/15, EU:T:2016:322, point 57). C’est donc seulement dans le cadre du recours formé contre la décision adoptant un dispositif de résolution à l’égard de Banco Popular, à savoir dans le cadre de l’affaire T‑628/17, que la requérante pourrait éventuellement et utilement soulever un moyen tiré de la violation de l’article 47 de la Charte. Comme le rappellent à juste titre la BCE et la Commission, le Tribunal pourra, dans le cadre de cette affaire, avoir utilement recours au régime spécifique et complet de production et d’utilisation de documents prévu par le règlement de procédure (voir, à cet égard, point 296 ci-dessus).
322 Compte tenu de ce qui précède, il convient de conclure que la BCE n’a pas commis de violation de l’article 47 de la Charte. Le quatrième moyen doit, par conséquent, être rejeté.
323 Compte tenu de l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient d’annuler la deuxième décision attaquée en ce que celle-ci refuse l’accès au résultat du vote au sein du conseil des gouverneurs de la BCE figurant dans le compte rendu de la 447e réunion du conseil des gouverneurs de la BCE et de rejeter le recours pour le surplus.
V. Sur les dépens
324 Aux termes de l’article 134, paragraphe 2, du règlement de procédure, si plusieurs parties succombent, le Tribunal décide du partage des dépens. En l’espèce, la BCE et la requérante ayant succombé partiellement, il y a lieu de décider que la BCE supportera un tiers de ses propres dépens et que la requérante supportera, outre ses propres dépens, deux tiers des dépens de la BCE.
325 Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure, les institutions qui sont intervenues au litige supportent leurs dépens. Par conséquent, la Commission supportera ses propres dépens.
326 Aux termes de l’article 138, paragraphe 3, du règlement de procédure, le Tribunal peut ordonner qu’une partie intervenante autre que celles mentionnées aux paragraphes 1 et 2 de cet article supporte ses propres dépens. En l’espèce, il y a lieu de décider que Banco Santander, intervenue au soutien des conclusions de la BCE, supportera ses propres dépens.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (troisième chambre élargie)
déclare et arrête :
1) La décision LS/MD/17/406 de la Banque centrale européenne (BCE), du 7 novembre 2017, est annulée en ce qu’elle refuse l’accès au résultat du vote au sein du conseil des gouverneurs de la BCE figurant dans le compte rendu de la 447e réunion du conseil des gouverneurs de la BCE.
2) Le recours est rejeté pour le surplus.
3) Aeris Invest Sàrl supportera ses propres dépens ainsi que deux tiers de ceux exposés par la BCE.
4) La BCE supportera un tiers de ses propres dépens.
5) La Commission européenne et Banco Santander, SA supporteront leurs propres dépens.
Collins | Kreuschitz | Csehi |
De Baere | Steinfatt |
Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 6 octobre 2021.
Signatures
* Langue de procédure : l’espagnol.
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