Baltic Master (Judgment) French Text [2022] EUECJ C-599/20 (09 June 2022)


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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions)


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URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2022/C59920.html
Cite as: EU:C:2022:457, ECLI:EU:C:2022:457, [2022] EUECJ C-599/20

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ARRÊT DE LA COUR (deuxième chambre)

9 juin 2022 (*)

« Renvoi préjudiciel – Union douanière – Code des douanes communautaire – Règlement (CEE) no 2913/92 – Article 29 – Détermination de la valeur en douane – Valeur transactionnelle – Article 29, paragraphe 1, sous d) – Notion de “personnes liées” – Article 31 – Prise en compte des informations issues d’une base de données nationale aux fins de la détermination de la valeur en douane – Règlement (CEE) no 2454/93 – Article 143, paragraphe 1, sous b), e) et f) – Situations dans lesquelles des personnes sont réputées liées – Article 181 bis – Doutes fondés sur la véracité du prix déclaré »

Dans l’affaire C‑599/20,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Lietuvos vyriausiasis administracinis teismas (Cour administrative suprême de Lituanie), par décision du 3 novembre 2020, parvenue à la Cour le 13 novembre 2020, dans la procédure

« Baltic Master » UAB

contre

Muitinės departamentas prie Lietuvos Respublikos finansų ministerijos,

en présence de :

Vilniaus teritorinė muitinė,

LA COUR (deuxième chambre),

composée de Mme A. Prechal, présidente de chambre, MM. J. Passer, F. Biltgen, N. Wahl (rapporteur) et Mme M. L. Arastey Sahún, juges,

avocat général : M. N. Emiliou,

greffier : Mme M. Ferreira, administratrice principale,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 17 novembre 2021,

considérant les observations présentées :

–        pour « Baltic Master » UAB, par Me D. Aukštuolytė, advokatė,

–        pour le gouvernement lituanien, par MM. K. Dieninis, S. Grigonis et Mme V. Kazlauskaitė-Švenčionienė, en qualité d’agents,

–        pour le gouvernement tchèque, par MM. O. Serdula, M. Smolek et J. Vláčil, en qualité d’agents,

–        pour le gouvernement estonien, par Mme N. Grünberg, en qualité d’agent,

–        pour le gouvernement espagnol, par M. J. Rodríguez de la Rúa Puig, en qualité d’agent,

–        pour le gouvernement français, par M. G. Bain, Mme A.‑L. Desjonquères, M. D. Dubois et Mme C. Mosser, en qualité d’agents,

–        pour le gouvernement néerlandais, par Mmes M. K. Bulterman et A. Hanje, en qualité d’agents,

–        pour la Commission européenne, par Mmes F. Clotuche-Duvieusart et J. Jokubauskaitė, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 20 janvier 2022,

rend le présent

Arrêt

1        La présente demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 29, paragraphe 1, sous d), et de l’article 31, paragraphe 1, du règlement (CEE) no 2913/92 du Conseil, du 12 octobre 1992, établissant le code des douanes communautaire (JO 1992, L 302, p. 1), tel que modifié par le règlement (CE) no 82/97 du Parlement européen et du Conseil, du 19 décembre 1996 (JO 1997, L 17, p. 1) (ci-après le « code des douanes communautaire »), ainsi que de l’article 143, sous b), e) et f), du règlement (CEE) no 2454/93 de la Commission, du 2 juillet 1993, fixant certaines dispositions d’application du règlement no 2913/92 (JO 1993, L 253, p. 1), tel que modifié par le règlement (CE) no 46/1999 de la Commission, du 8 janvier 1999 (JO 1999, L 10, p. 1) (ci-après le « règlement d’application »).

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant « Baltic Master » UAB au Muitinės departamentas prie Lietuvos Respublikos finansų ministerijos (département des douanes près le ministère des Finances de la République de Lituanie) au sujet de la détermination de la valeur en douane de certaines marchandises importées.

 Le cadre juridique

 Le code des douanes communautaire

3        L’article 29, paragraphes 1 et 2, du code des douanes communautaire dispose :

« 1.      La valeur en douane des marchandises importées est leur valeur transactionnelle, c’est-à-dire le prix effectivement payé ou à payer pour les marchandises lorsqu’elles sont vendues pour l’exportation à destination du territoire douanier de la Communauté, le cas échéant, après ajustement effectué conformément aux articles 32 et 33 pour autant :

[...]

d)      que l’acheteur et le vendeur ne soient pas liés ou, s’ils le sont, que la valeur transactionnelle soit acceptable à des fins douanières, en vertu du paragraphe 2.

2.      a)      Pour déterminer si la valeur transactionnelle est acceptable aux fins de l’application du paragraphe 1, le fait que l’acheteur et le vendeur sont liés ne constitue pas en soi un motif suffisant pour considérer la valeur transactionnelle comme inacceptable. Si nécessaire, les circonstances propres à la vente sont examinées, et la valeur transactionnelle admise pour autant que ces liens n’ont pas influencé le prix. Si, compte tenu des renseignements fournis par le déclarant ou obtenus d’autres sources, les autorités douanières ont des motifs de considérer que les liens ont influencé le prix, elles communiquent leurs motifs au déclarant et lui donnent une possibilité raisonnable de répondre. Si le déclarant le demande, les motifs lui sont communiqués par écrit.

b)      Dans une vente entre personnes liées, la valeur transactionnelle est acceptée et les marchandises sont évaluées conformément au paragraphe 1 lorsque le déclarant démontre que ladite valeur est très proche de l’une des valeurs indiquées ci-après, se situant au même moment ou à peu près au même moment :

i)      la valeur transactionnelle lors de ventes, entre des acheteurs et des vendeurs qui ne sont liés dans aucun cas particulier, de marchandises identiques ou similaires pour l’exportation à destination de la Communauté ;

ii)      la valeur en douane de marchandises identiques ou similaires, telle qu’elle est déterminée par application de l’article 30 paragraphe 2 point c) ;

iii)      la valeur en douane de marchandises identiques ou similaires, telle qu’elle est déterminée par application de l’article 30 paragraphe 2 point d).

Dans l’application des critères qui précèdent, il est dûment tenu compte des différences démontrées entre les niveaux commerciaux, les quantités, les éléments énumérés à l’article 32 et les coûts supportés par le vendeur lors de ventes dans lesquelles l’acheteur et lui ne sont pas liés et qu’il ne supporte pas lors de ventes dans lesquelles l’acheteur et lui sont liés.

c)      Les critères fixés au point b) sont à utiliser à l’initiative du déclarant et à des fins de comparaison seulement. Des valeurs de substitution ne peuvent être établies en vertu de ladite lettre. »

4        L’article 30 de ce code prévoit :

« 1.      Lorsque la valeur en douane ne peut être déterminée par application de l’article 29, il y a lieu de passer successivement aux lettres a), b), c) et d) du paragraphe 2 jusqu’à la première de ces lettres qui permettra de la déterminer, sauf si l’ordre d’application des points c) et d) doit être inversé à la demande du déclarant ; c’est seulement lorsque cette valeur en douane ne peut être déterminée par application d’une lettre donnée qu’il est loisible d’appliquer la lettre qui vient immédiatement après celle-ci dans l’ordre établi en vertu du présent paragraphe.

2.      Les valeurs en douane déterminées par application du présent article sont les suivantes :

a)      valeur transactionnelle de marchandises identiques, vendues pour l’exportation à destination de la Communauté et exportées au même moment ou à peu près au même moment que les marchandises à évaluer ;

b)      valeur transactionnelle de marchandises similaires, vendues pour l’exportation à destination de la Communauté et exportées au même moment ou à peu près au même moment que les marchandises à évaluer ;

c)      valeur fondée sur le prix unitaire correspondant aux ventes dans la Communauté des marchandises importées ou de marchandises identiques ou similaires importées totalisant la quantité la plus élevée, ainsi faites à des personnes non liées aux vendeurs ;

d)      valeur calculée, égale à la somme :

–        du coût ou de la valeur des matières et des opérations de fabrication ou autres, mises en œuvre pour produire les marchandises importées,

–        d’un montant représentant les bénéfices et les frais généraux égal à celui qui entre généralement dans les ventes de marchandises de la même nature ou de la même espèce que les marchandises à évaluer, qui sont faites par des producteurs du pays d’exportation pour l’exportation à destination de la Communauté,

–        du coût ou de la valeur des éléments énoncés à l’article 32 paragraphe 1 point e).

3.      Les conditions supplémentaires et modalités d’application du paragraphe 2 ci-dessus sont déterminées selon la procédure du comité. »

5        L’article 31 dudit code énonce :

« 1.      Si la valeur en douane des marchandises importées ne peut être déterminée par application des articles 29 et 30, elle est déterminée, sur la base des données disponibles dans la Communauté, par des moyens raisonnables compatibles avec les principes et les dispositions générales :

–        de l’accord relatif à la mise en œuvre de l’article VII de l’accord général sur les tarifs douaniers et le commerce de 1994,

–        de l’article VII de l’accord général sur les tarifs douaniers et le commerce de 1994

et

–        des dispositions du présent chapitre.

2.      La valeur en douane déterminée par application du paragraphe 1 ne se fonde pas :

a)      sur le prix de vente, dans la Communauté, de marchandises produites dans la Communauté ;

b)      sur un système prévoyant l’acceptation, à des fins douanières, de la plus élevée de deux valeurs possibles ;

c)      sur le prix de marchandises sur le marché intérieur du pays d’exportation ;

d)      sur le coût de production, autre que les valeurs calculées qui ont été déterminées pour des marchandises identiques ou similaires conformément à l’article 30 paragraphe 2 point d) ;

e)      sur des prix pour l’exportation à destination d’un pays non compris dans le territoire douanier de la Communauté ;

f)      sur des valeurs en douane minimales

ou

g)      sur des valeurs arbitraires ou fictives. »

 Le règlement d’application

6        L’article 142, paragraphe 1, sous d), du règlement d’application énonce :

« Au sens du présent titre on entend par :

[...]

d)      “marchandises similaires” : des marchandises produites dans le même pays qui, sans être pareilles à tous égards, présentent des caractéristiques semblables et sont composées de matières semblables, ce qui leur permet de remplir les mêmes fonctions et d’être commercialement interchangeables ; la qualité des marchandises, leur réputation et l’existence d’une marque de fabrique ou de commerce font partie des éléments à prendre en considération pour déterminer si des marchandises sont similaires ».

7        L’article 143, paragraphe 1, sous b), e) et f), de ce règlement dispose :

« Aux fins de l’application des dispositions du titre II, chapitre 3, du code et des dispositions du présent titre, des personnes ne sont réputées être liées que :

[...]

b)      si elles ont juridiquement la qualité d’associés ;

[...]

e)      si l’une d’elles contrôle l’autre directement ou indirectement ;

f)      si toutes deux sont directement ou indirectement contrôlées par une tierce personne ».

8        L’article 181 bis dudit règlement prévoit :

« 1.      Les autorités douanières ne doivent pas nécessairement déterminer la valeur en douane des marchandises importées sur la base de la méthode de la valeur transactionnelle si, conformément à la procédure décrite au paragraphe 2, elles ne sont pas convaincues, sur la base de doutes fondés, que la valeur déclarée représente le montant total payé ou à payer défini à l’article 29 du code.

2.      Lorsque les autorités douanières ont des doutes tels que visés au paragraphe 1, elles peuvent demander des informations complémentaires conformément à l’article 178, paragraphe 4. Si ces doutes persistent, les autorités douanières doivent, avant de prendre une décision définitive, informer la personne concernée, par écrit si la demande leur en est faite, des motifs sur lesquels ces doutes sont fondés et lui donner une occasion raisonnable de répondre. La décision finale ainsi que les motifs y afférents sont communiqués à la personne concernée par écrit. »

9        L’annexe 23 du règlement d’application, intitulée « Notes interprétatives en matière de valeur en douane », contient, notamment, les notes interprétatives relatives à l’article 29, paragraphes 2 et 3, ainsi qu’à l’article 31, paragraphe 1, du code des douanes communautaire, et à l’article 143, paragraphe 1, sous e), de ce règlement :

Article 29 paragraphe 2

1.      L’article 29 paragraphe 2 points a) et b) prévoit différents moyens d’établir l’acceptabilité d’une valeur transactionnelle.

2.      Le paragraphe 2 point a) prévoit que, lorsque l’acheteur et le vendeur sont liés, les circonstances propres à la vente seront examinées et la valeur transactionnelle admise comme valeur en douane pour autant que ces liens n’ont pas influencé le prix. Il ne faut pas entendre par là que les circonstances de la vente devraient être examinées chaque fois que l’acheteur et le vendeur sont liés. Cet examen ne sera exigé que lorsqu’il y aura doute quant à l’acceptabilité du prix. Lorsque les autorités douanières n’ont aucun doute quant à l’acceptabilité du prix, celui-ci devrait être accepté sans que le déclarant soit tenu de fournir des renseignements complémentaires. Par exemple, les autorités douanières peuvent avoir examiné précédemment les questions des liens, ou être déjà en possession de renseignements détaillés concernant l’acheteur et le vendeur, et être déjà convaincues, sur la base de cet examen ou de ces renseignements, que les liens n’ont pas influencé le prix.

3.      Lorsque les autorités douanières ne sont pas en mesure d’accepter la valeur transactionnelle sans complément d’enquête, elles devraient donner au déclarant la possibilité de fournir tous les autres renseignements détaillés qui pourraient être nécessaires pour leur permettre d’examiner les circonstances de la vente. À cet égard, les autorités douanières devraient être prêtes à examiner les aspects pertinents de la transaction, y compris la façon dont l’acheteur et le vendeur organisent leurs rapports commerciaux et la façon dont le prix en question a été arrêté, afin de déterminer si les liens ont influencé le prix S’il pouvait être prouvé que l’acheteur et le vendeur, bien que liés au sens de l’article 143 du présent règlement, achètent et vendent l’un à l’autre comme s’ils n’étaient pas liés, il serait ainsi démontré que les liens n’ont pas influencé le prix. Par exemple, si le prix avait été arrêté de manière compatible avec les pratiques normales de fixation des prix dans la branche de production en question ou avec la façon dont le vendeur arrête ses prix pour les ventes à des acheteurs qui ne lui sont pas liés, cela démontrerait que les liens n’ont pas influencé le prix. De même, lorsqu’il serait prouvé que le prix est suffisant pour couvrir tous les coûts et assurer un bénéfice représentatif du bénéfice global réalisé par l’entreprise sur une période représentative (par exemple sur une base annuelle) pour des ventes de marchandises de la même nature ou de la même espèce, il serait ainsi démontré que le prix n’a pas été influencé.

4.      Le paragraphe 2 point b) prévoit que le déclarant aura la possibilité de démontrer que la valeur transactionnelle est très proche d’une valeur “critère” précédemment acceptée par les autorités douanières et qu’elle est par conséquent acceptable selon les dispositions de l’article 29. Lorsqu’il est satisfait à l’un des critères prévus au paragraphe 2 point b), il n’est pas nécessaire d’examiner la question de l’influence visée au paragraphe 2 point a). Si les autorités douanières sont déjà en possession de renseignements suffisants pour être convaincues, sans recherches plus approfondies, que l’un des critères prévus au paragraphe 2 point b) est satisfait, elles n’auront pas de raison d’exiger du déclarant qu’il en apporte la démonstration.

Article 29 paragraphe 2 point b)

Un certain nombre d’éléments doivent être pris en considération pour déterminer si une valeur est “très proche” d’une autre valeur. Il s’agit notamment de la nature des marchandises importées, de la nature de la branche de production considérée, de la saison pendant laquelle les marchandises sont importées et de savoir si la différence de valeur est significative du point de vue commercial. Comme ces éléments peuvent varier d’un cas à l’autre, il serait impossible d’appliquer dans tous les cas une norme uniforme, telle qu’un pourcentage fixe. Par exemple, pour déterminer si la valeur transactionnelle est très proche des valeurs “critères” énoncées à l’article 29 paragraphe 2 point b), une petite différence de valeur pourrait être inacceptable dans un cas concernant tel type de marchandise, tandis qu’une différence importante serait peut-être acceptable dans un cas concernant tel autre type de marchandise.

[...]

[...]

Article 31 paragraphe 1

1.      Les valeurs en douane déterminées par application des dispositions de l’article 31 paragraphe 1 devraient, dans la plus grande mesure possible, se fonder sur des valeurs en douane déterminées antérieurement.

2.      Les méthodes d’évaluation à employer en vertu de l’article 31 paragraphe 1 devraient être celles que définissent les articles 29 à 30 paragraphe 2 inclus, mais une souplesse raisonnable dans l’application de ces méthodes serait conforme aux objectifs et aux dispositions de l’article 31 paragraphe 2.

3.      Quelques exemples montreront ce qu’il faut entendre par souplesse raisonnable :

[...]

b)      marchandises similaires – la prescription selon laquelle les marchandises similaires devraient être exportées au même moment ou à peu près au même moment que les marchandises à évaluer pourrait être interprétée avec souplesse ; des marchandises importées similaires, produites dans un pays autre que le pays d’exportation des marchandises à évaluer, pourraient fournir la base de l’évaluation en douane ; on pourrait utiliser les valeurs en douane de marchandises importées similaires, déjà déterminées par application des dispositions de l’article 30 paragraphe 2 points c) ou d) ;

[...]

[...]

[...]

Article 143 paragraphe 1 point e)

Une personne sera réputée en contrôler une autre lorsqu’elle sera, en droit ou en fait, en mesure d’exercer sur celle-ci un pouvoir de contrainte ou d’orientation.


 Le litige au principal et les questions préjudicielles

10      Entre l’année 2009 et l’année 2012, Baltic Master a importé en Lituanie diverses quantités de marchandises originaires de Malaisie, qu’elle avait achetées à la société Gus Group (ci-après le « vendeur »). Dans les déclarations en douane, ces marchandises étaient présentées comme étant des « parties de machines et appareils pour le conditionnement de l’air ». Ces déclarations ne mentionnaient qu’un seul code TARIC, accompagné de la masse totale de ces marchandises en kilogrammes. Dans lesdites déclarations, Baltic Master a indiqué comme valeur en douane la valeur transactionnelle desdites marchandises, c’est-à-dire le prix figurant sur leurs factures d’achat.

11      À la suite d’un contrôle de ces importations par le Vilniaus teritorinė muitinė (service régional des douanes de Vilnius, Lituanie), cette autorité douanière a établi un rapport dans lequel elle a expliqué avoir refusé de tenir compte de la valeur transactionnelle indiquée dans 23 déclarations d’importation, au motif que, en raison de la nature des relations commerciales que Baltic Master entretenait avec le vendeur, ces entreprises devaient être considérées comme étant des personnes liées, au sens de l’article 29, paragraphe 1, sous d), du code des douanes communautaire, et qu’il était impossible de déterminer la valeur en douane des marchandises en cause sur le fondement des articles 29 et 30 de ce code. Dans ce rapport, ladite autorité a arrêté une valeur en douane conformément à l’article 31 dudit code, en s’appuyant sur les données contenues dans le système d’information sur le dédouanement des marchandises des autorités douanières nationales.

12      Baltic Master a contesté ce rapport devant le département des douanes près le ministère des Finances de la République de Lituanie, qui l’a confirmé par une décision du 31 mars 2014.

13      Baltic Master a introduit un recours contre cette décision devant la Mokestinių ginčų komisija prie Lietuvos Respublikos vyriausybės (commission des litiges fiscaux près le gouvernement de la République de Lituanie). Le 2 juillet 2014, cette dernière a confirmé ladite décision, mais a dispensé Baltic Master du paiement d’intérêts de retard.

14      Par la suite, Baltic Master a introduit un recours devant le Vilniaus apygardos administracinis teismas (tribunal administratif régional de Vilnius, Lituanie), dans le cadre duquel elle a demandé que la Cour soit saisie d’une demande de décision préjudicielle portant sur l’interprétation des articles 29, 30 et 31 du code des douanes communautaire ainsi que de l’article 143 du règlement d’application. Par un jugement du 5 janvier 2015, ledit tribunal a rejeté ce recours en considérant qu’aucune interprétation du droit de l’Union ne s’imposait.

15      Saisi d’un recours contre ce jugement, le Lietuvos vyriausiasis administracinis teismas (Cour administrative suprême de Lituanie), la juridiction de renvoi, a, par un arrêt du 22 mars 2016, confirmé ledit jugement.

16      À la suite de l’arrêt de la Cour EDH du 16 avril 2019, Baltic Master LTD c. Lituanie (CE:ECHR:2019:0416JUD005509216), par lequel cette juridiction, saisie d’un recours introduit par Baltic Master contre la République de Lituanie, a constaté une violation de l’article 6, paragraphe 1, de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950, en raison de l’insuffisance de la motivation relative au refus des juridictions lituaniennes de saisir la Cour d’une demande de décision préjudicielle, la juridiction de renvoi a fait droit à la demande de réouverture de la procédure introduite par Baltic Master.

17      Selon cette dernière juridiction, le dossier dont elle dispose ne contient aucun document attestant de l’existence d’un lien, au sens de l’article 143, paragraphe 1, du règlement d’application, entre le vendeur et Baltic Master. Il n’existerait en effet pas d’information qui permettrait de considérer que ces entreprises ont juridiquement la qualité d’associés, au sens de l’article 143, paragraphe 1, sous b), de ce règlement ou qu’il existe un rapport de contrôle, direct ou indirect, tel que visé à cet article 143, paragraphe 1, sous e) et f).

18      Cependant, la juridiction de renvoi relève qu’il est établi que, premièrement, le vendeur et Baltic Master sont liés par une relation commerciale de longue date, deuxièmement, les marchandises ont été livrées en l’absence d’un contrat de vente précisant les conditions de livraison, de paiement, de retour des marchandises et d’autres conditions caractéristiques de ce type d’opération, troisièmement, les marchandises ont été livrées sans que le moindre acompte ait été versé et en dépit du fait que Baltic Master devait toujours des montants importants au vendeur au titre de précédentes livraisons, quatrièmement, malgré l’importance du montant des opérations en cause, aucune sûreté ou mesure de minimisation des risques n’a été constituée ou prévue, cinquièmement, il n’existe aucun élément qui permettrait de considérer que le vendeur a surveillé la bonne exécution des paiements dus et des autres obligations et, enfin, sixièmement, des cas ont été constatés dans lesquels des employés de Baltic Master ont reçu un mandat pour agir au nom du vendeur et utilisé le tampon de ce dernier.

19      Les éléments énumérés au point précédent permettraient de supposer l’existence d’un lien particulièrement étroit entre Baltic Master et le vendeur, en raison duquel les opérations en cause auraient été réalisées dans des conditions étrangères à la pratique commerciale ordinaire et sans qu’il existe d’élément objectif de nature à justifier la logique économique de ces opérations. De tels comportements correspondraient à ceux rencontrés dans des situations où l’une des parties contrôle l’autre ou lorsque les deux parties sont contrôlées par un tiers.

20      La juridiction de renvoi estime donc que lesdits éléments factuels sont susceptibles de relever d’un contrôle de fait et que les parties à l’opération pourraient être considérées comme étant des personnes liées, en vertu de l’article 143, paragraphe 1, sous e) ou f), du règlement d’application. Cette juridiction ajoute que, sur le fondement de ces éléments, le service régional des douanes de Vilnius a considéré Baltic Master et le vendeur comme étant des personnes liées, conformément à l’article 143, paragraphe 1, sous b), de ce règlement, c’est-à-dire des personnes ayant de fait la qualité d’associés, mais elle s’interroge sur le bien-fondé d’une telle qualification au regard du libellé de cette dernière disposition, qui se réfère aux personnes ayant juridiquement la qualité d’associés.

21      Par ailleurs, ladite juridiction s’interroge sur la possibilité de recourir à la méthode de détermination de la valeur en douane prévue à l’article 31, paragraphe 1, du code des douanes communautaire, dans une situation telle que celle au principal, lorsque, à cette fin, les autorités douanières utilisent des informations contenues dans une base de données nationale ne portant que sur une seule importation de marchandises, qui, bien que relevant du même code TARIC, et provenant de la même origine, ne sauraient être considérées comme étant similaires, au sens de l’article 142, paragraphe 1, sous d), du règlement d’application.

22      C’est dans ces conditions que le Lietuvos vyriausiasis administracinis teismas (Cour administrative suprême de Lituanie) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)      Convient-il d’interpréter l’article 29, paragraphe 1, sous d), du [code des douanes communautaire] ainsi que l’article 143, [paragraphe 1], sous b), e) et f), du [règlement d’application] en ce sens que l’acheteur et le vendeur sont considérés comme étant liés lorsque, comme dans la présente affaire, il n’existe pas de documents (d’informations officielles) établissant l’existence d’une association ou d’un contrôle, mais que les conditions de conclusion des opérations, démontrées par des preuves objectives, sont caractéristiques non pas d’une activité économique exercée dans des conditions normales, mais, au contraire, d’une situation où[, premièrement,] il existe entre les parties à l’opération des relations d’affaires particulièrement étroites et fondées sur une grande confiance mutuelle ou[, deuxièmement,] l’une des parties à l’opération contrôle l’autre ou les deux parties à l’opération sont contrôlées par une tierce personne ?

2)      Convient-il d’interpréter l’article 31, paragraphe 1, du [code des douanes communautaire] en ce sens qu’il interdit de déterminer la valeur en douane de marchandises sur la base des informations que contient la base de données nationale concernant la valeur en douane des seules marchandises de même origine qui, bien qu’elles ne fussent pas similaires, au sens de l’article 142, paragraphe 1, sous d), du règlement d’application, relevaient [du] même [code] TARIC ? »

 Sur les questions préjudicielles

 Sur la première question

23      Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 29, paragraphe 1, sous d), du code des douanes communautaire et l’article 143, paragraphe 1, sous b), e) et f), du règlement d’application doivent être interprétés en ce sens que l’acheteur et le vendeur doivent être considérés comme étant liés, dans une situation dans laquelle il n’existe pas de document permettant d’établir un tel lien, mais dans laquelle les conditions de conclusion des opérations en cause, attestées par des éléments objectifs, sont susceptibles d’être regardées comme indiquant l’existence d’un contrôle de fait.

24      À titre liminaire, il convient de rappeler que le droit de l’Union relatif à l’évaluation en douane vise à établir un système équitable, uniforme et neutre qui exclut l’utilisation de valeurs en douane arbitraires ou fictives. La valeur en douane doit donc refléter la valeur économique réelle d’une marchandise importée et, dès lors, tenir compte de l’ensemble des éléments de cette marchandise qui présentent une valeur économique (arrêt du 20 juin 2019, Oribalt Rīga, C‑1/18, EU:C:2019:519, point 22 et jurisprudence citée).

25      En particulier, en vertu de l’article 29 du code des douanes communautaire, la valeur en douane des marchandises importées est constituée par leur valeur transactionnelle, à savoir le prix effectivement payé ou à payer pour les marchandises lorsqu’elles sont vendues pour l’exportation à destination du territoire douanier de l’Union européenne, sous réserve, toutefois, des ajustements devant être, le cas échéant, effectués conformément, notamment, à l’article 32 de ce code (arrêt du 19 novembre 2020, 5th AVENUE Products Trading, C‑775/19, EU:C:2020:948, point 23 et jurisprudence citée).

26      Ainsi que la Cour l’a déjà indiqué, la valeur en douane doit être déterminée, en priorité, selon la méthode dite « de la valeur transactionnelle » des marchandises importées. Cette méthode de détermination de la valeur en douane est ainsi supposée être la plus adaptée et la plus fréquemment utilisée (arrêt du 19 novembre 2020, 5th AVENUE Products Trading, C‑775/19, EU:C:2020:948, point 24 et jurisprudence citée).

27      Le prix effectivement payé ou à payer pour les marchandises forme donc, en règle générale, la base de calcul de la valeur en douane, même si ce prix est une donnée qui doit éventuellement faire l’objet d’ajustements, lorsque cette opération est nécessaire pour éviter de déterminer une valeur en douane arbitraire ou fictive (arrêt du 20 juin 2019, Oribalt Rīga, C‑1/18, EU:C:2019:519, point 23 et jurisprudence citée).

28      Cela étant, l’article 29, paragraphe 1, sous d), du code des douanes communautaire permet d’écarter la valeur transactionnelle de marchandises importées lorsque deux conditions cumulatives sont réunies, à savoir, d’une part, que l’acheteur et le vendeur soient liés, au sens de ce code, et, d’autre part, que cette valeur transactionnelle ne soit pas acceptable aux fins de déterminer la valeur en douane.

29      Conformément à l’article 143, paragraphe 1, du règlement d’application, des personnes ne peuvent être considérées comme étant liées que si elles relèvent de l’une des situations limitativement énumérées à cette disposition. Ainsi, selon cet article 143, paragraphe 1, sous b), sont réputées comme étant liées des personnes qui ont juridiquement la qualité d’associés. Il en est de même, en vertu dudit article 143, paragraphe 1, sous e) et f), lorsqu’une personne contrôle directement ou indirectement l’autre ou lorsque toutes deux sont directement ou indirectement contrôlées par une tierce personne.

30      En premier lieu, ne saurait être retenu l’argument développé en substance par les États membres ainsi que par la Commission européenne dans leurs observations respectives, selon lequel il conviendrait de s’écarter de la lettre de l’article 143, paragraphe 1, du règlement d’application, puisqu’une interprétation stricte de cette disposition serait susceptible de porter atteinte à l’effet utile de l’article 29, paragraphe 1, sous d), du code des douanes communautaire et d’affecter la capacité des autorités douanières à écarter une valeur transactionnelle.

31      En effet, il y a lieu de relever, d’une part, que cet argument méconnaît non seulement le caractère limitatif des situations énumérées à l’article 143, paragraphe 1, du règlement d’application, mais également l’objectif poursuivi par cette disposition et par l’article 29 du code des douanes communautaire. Ainsi qu’il découle de la jurisprudence rappelée aux points 24 à 26 du présent arrêt, la méthode de la valeur transactionnelle des marchandises importées constitue la méthode devant être appliquée en priorité pour déterminer leur valeur en douane. Les dispositions qui permettent de s’en écarter doivent donc, en tant que dérogations à ce principe, faire l’objet d’une interprétation stricte.

32      D’autre part, l’allégation selon laquelle les autorités douanières risqueraient de voir affectée leur capacité d’écarter une valeur transactionnelle inadéquate en raison d’une interprétation stricte de l’article 143, paragraphe 1, du règlement d’application n’a pas lieu d’être.

33      Tout d’abord, conformément à son libellé même, l’article 143, paragraphe 1, du règlement d’application prévoit une série de situations dans lesquelles les autorités douanières peuvent considérer que le vendeur et l’acheteur sont liés et dans lesquelles celles-ci peuvent donc, le cas échéant, écarter la valeur transactionnelle visée à l’article 29, paragraphe 1, du code des douanes communautaire.

34      Ensuite, ainsi que l’a souligné la Commission lors de l’audience, l’article 181 bis du règlement d’application, introduit à la suite de la modification de ce dernier par le règlement (CE) no 3254/94 de la Commission, du 19 décembre 1994, modifiant le règlement no 2454/93 (JO 1994, L 346, p. 1), permet aux autorités douanières d’écarter la valeur transactionnelle aux fins de la détermination de la valeur en douane, lorsque ces autorités estiment que la valeur déclarée de marchandises importées ne reflète pas la valeur réelle de celles-ci, et ce indépendamment de l’existence d’un lien entre Baltic Master et le vendeur (voir, en ce sens, arrêts du 28 février 2008, Carboni e derivati, C‑263/06, EU:C:2008:128, point 52, et du 16 juin 2016, EURO 2004. Hungary, C‑291/15, EU:C:2016:455, point 31).

35      En deuxième lieu, s’agissant du lien entre personnes en raison de leur qualité d’associés, visé à l’article 143, paragraphe 1, sous b), du règlement d’application, il convient de souligner que le libellé même de cette disposition exclut toute association de fait.

36      Ainsi que l’a souligné M. l’avocat général aux points 42 et 43 de ses conclusions, cette disposition visant les personnes ayant « juridiquement la qualité d’associés » requiert, aux fins de la constatation de l’existence d’un lien, de démontrer que les conditions prévues par les dispositions nationales relatives à la qualité d’associés sont satisfaites, excluant ainsi toute association qui ne serait pas de droit.

37      En troisième lieu, s’agissant des personnes réputées être liées, selon l’article 143, paragraphe 1, sous e) et f), du règlement d’application, lorsque l’une d’elles contrôle l’autre directement ou indirectement ou lorsque toutes deux sont directement ou indirectement contrôlées par une tierce personne, il importe, comme le confirme la note interprétative en matière de valeur en douane relative à cet article 143, paragraphe 1, sous e), figurant à l’annexe 23 de ce règlement, de distinguer, d’une part, le contrôle de droit et, d’autre part, le contrôle de fait.

38      D’une part, s’agissant de l’existence d’un contrôle de droit, il ressort des éléments énumérés au point 18 du présent arrêt qu’aucun document ne permet de considérer qu’il existe un rapport de contrôle juridique, direct ou indirect, tel que visé audit article 143, paragraphe 1, sous e) et f). Un contrôle de droit paraît, dès lors, devoir être exclu dans le cadre du litige au principal, ce qu’il appartiendra à la juridiction renvoi de vérifier.

39      D’autre part, s’agissant de l’existence d’un contrôle de fait, il découle de la note interprétative mentionnée au point 37 du présent arrêt qu’une personne est réputée en contrôler une autre lorsqu’elle est en mesure d’exercer sur celle-ci un pouvoir de contrainte ou d’orientation (voir, en ce sens, arrêt du 9 juillet 2020, Direktor na Teritorialna direktsiya Yugozapadna Agentsiya « Mitnitsi », C‑76/19, EU:C:2020:543, point 67).

40      Or, les éléments factuels énoncés au point 18 du présent arrêt semblent attester d’un lien de confiance étroit entre le vendeur et Baltic Master, mais ne paraissent pas permettre de conclure à l’existence d’un tel pouvoir de contrainte ou d’orientation, ce qu’il appartiendra toutefois à la juridiction de renvoi de confirmer.

41      Si, au terme de ces vérifications, la juridiction de renvoi devait arriver à la conclusion que, en l’occurrence, l’acheteur et le vendeur ne sont pas liés, au sens de l’article 29, paragraphe 1, sous d), du code des douanes communautaire, il en découlerait que la valeur en douane des marchandises importées devait, en principe, être déterminée sur la base de leur valeur transactionnelle et non sur la base d’une autre méthode d’évaluation, telle celle visée à l’article 31, paragraphe 1, de ce code.

42      Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la première question que l’article 29, paragraphe 1, sous d), du code des douanes communautaire et l’article 143, paragraphe 1, sous b), e) et f), du règlement d’application doivent être interprétés en ce sens que :

–        l’acheteur et le vendeur ne peuvent pas être considérés comme ayant juridiquement la qualité d’associés ou comme étant liés en raison d’un rapport de contrôle de droit, direct ou indirect, dans une situation dans laquelle il n’existe aucun document permettant d’établir un tel lien ;

–        l’acheteur et le vendeur peuvent être considérés comme étant liés en raison d’un rapport de contrôle de fait, direct ou indirect, dans une situation dans laquelle les conditions de conclusion des opérations en cause, attestées par des éléments objectifs, sont susceptibles d’être regardées comme indiquant non pas uniquement qu’un lien de confiance étroit existe entre cet acheteur et ce vendeur, mais que l’un d’entre eux est en mesure d’exercer un pouvoir de contrainte ou d’orientation sur l’autre ou qu’une tierce personne est en mesure d’exercer un tel pouvoir sur eux.

 Sur la seconde question

43      Par sa seconde question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 31, paragraphe 1, du code des douanes communautaire doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à ce que, lorsque la valeur en douane d’une marchandise importée n’a pas pu être déterminée conformément aux articles 29 et 30 de ce code, elle le soit sur le fondement des informations contenues dans une base de données nationale concernant la valeur en douane des seules marchandises de même origine qui, bien que n’étant pas « similaires », au sens de l’article 142, paragraphe 1, sous d), du règlement d’application, relèvent du même code TARIC.

44      À titre liminaire, il y a lieu d’observer que, ainsi qu’il découle du point 41 du présent arrêt, cette seconde question ne se pose que si, au terme des vérifications qu’il lui incombe d’effectuer au regard de la réponse à la première question, la juridiction de renvoi devait conclure que les autorités douanières ont rejeté à bon droit la valeur transactionnelle pour déterminer la valeur en douane des marchandises concernées, au motif que, en l’occurrence, l’acheteur et le vendeur seraient liés, au sens de l’article 29, paragraphe 1, sous d), du code des douanes communautaire, et que la valeur transactionnelle ne serait pas acceptable à des fins douanières, en vertu de l’article 29, paragraphe 2, de ce code. En effet, si la juridiction de renvoi devait arriver à la conclusion inverse selon laquelle la valeur en douane de ces marchandises devait être déterminée sur la base de leur valeur transactionnelle en vertu de l’article 29 dudit code, cette valeur en douane ne pourrait pas être déterminée sur le fondement de l’article 31, paragraphe 1, du même code, de sorte que la seconde question, qui porte sur l’interprétation de cette dernière disposition, deviendrait sans objet.

45      Dans ce contexte, il y a lieu de rappeler qu’il résulte tant du libellé des articles 29 à 31 du code des douanes communautaire que de l’ordre selon lequel les critères de détermination de la valeur en douane doivent être appliqués en vertu de ces articles que ces dispositions présentent un lien de subsidiarité entre elles. En effet, ce n’est que lorsque la valeur en douane ne peut être déterminée par application d’une disposition donnée qu’il y a lieu de se référer à la disposition qui vient immédiatement après celle-ci dans l’ordre établi (arrêt du 16 juin 2016, EURO 2004. Hungary, C‑291/15, EU:C:2016:455, point 29).

46      S’agissant en particulier de l’article 30, paragraphe 2, du code des douanes communautaire, il semble ressortir du dossier dont dispose la Cour que les autorités douanières compétentes n’ont pas pu recourir aux méthodes de détermination de la valeur en douane prévues à cette disposition dès lors que Baltic Master a décidé de présenter les marchandises importées de façon succincte dans les déclarations en douane, en se bornant à renseigner le code TARIC de celles-ci ainsi que leur masse totale, ce qu’il appartient néanmoins à la juridiction de renvoi de vérifier. À cet égard, il incombera à cette juridiction de tenir compte des renseignements éventuellement soumis par Baltic Master à ces autorités aux fins de l’application soit de l’article 29, paragraphe 2, du code des douanes communautaire, lu à la lumière de la note interprétative en matière de valeur en douane relative à cet article 29, paragraphe 2, figurant à l’annexe 23 du règlement d’application, soit de l’article 181 bis de ce règlement.

47      Ensuite, il convient de souligner que, conformément au libellé de l’article 31, paragraphe 1, du code des douanes communautaire, lorsque la valeur en douane des marchandises importées ne peut être déterminée par application des articles 29 et 30 de ce code, elle est déterminée, sur la base des données disponibles dans l’Union, par des moyens raisonnables compatibles avec les principes et les dispositions générales des accords internationaux ainsi que des dispositions du chapitre 3 dudit code.

48      Enfin, le point 1 de la note interprétative en matière de valeur en douane relative à l’article 31, paragraphe 1, du code des douanes communautaire, figurant à l’annexe 23 du règlement d’application, précise tout d’abord que les valeurs en douane déterminées par application de cette disposition devraient, dans la plus grande mesure du possible, se fonder sur des valeurs en douane déterminées antérieurement. Le point 2 de cette note souligne ensuite que les méthodes d’évaluation à employer en vertu de ladite disposition devraient être celles que définissent les articles 29 à 30, paragraphe 2, de ce code, mais qu’une souplesse raisonnable dans l’application de ces méthodes serait conforme aux objectifs et aux dispositions de l’article 31 dudit code.

49      Il ressort des informations transmises par la juridiction de renvoi, d’une part, que Baltic Master a décrit les marchandises importées en cause dans ses déclarations en douane comme étant des « parties de machines et appareils pour le conditionnement de l’air », en les classant sous un seul code TARIC et en indiquant la masse totale de ces marchandises en kilogrammes. D’autre part, selon ces informations, l’autorité douanière en cause a écarté la valeur transactionnelle déclarée par Baltic Master et a déterminé la valeur en douane desdites marchandises en application de l’article 31, paragraphe 1, du code des douanes communautaire, en utilisant des données contenues dans une base de données nationale portant sur des marchandises importées par un autre importateur au cours de l’année 2010, soit l’année suivant celle de la première importation en cause au principal, déclarées sous le même code TARIC et provenant du même fabricant.

50      En l’espèce, le code TARIC utilisé regroupe un ensemble disparate de parties de machines pour le conditionnement de l’air, telles que des panneaux en plastique pour machines à moteur, des bagues métalliques, des tuyaux, des câbles de transmission, des interrupteurs, des capteurs de pression, des dispositifs de diffusion par tourbillon dans les sols des bâtiments et des circuits électroniques.

51      Ainsi, la juridiction de renvoi se demande si, compte tenu de l’hétérogénéité des pièces relevant de ce code TARIC et de l’absence de description détaillée des marchandises importées, une détermination de la valeur en douane de ces dernières en application de l’article 31, paragraphe 1, du code des douanes communautaire, sur la base de la valeur transactionnelle de marchandises similaires, est possible dans le cadre du litige dont elle est saisie, alors que la notion de « marchandises similaires », définie à l’article 142, paragraphe 1, sous d), du règlement d’application, suppose une homogénéité des marchandises importées, qui s’accommode difficilement de la diversité des produits classés sous ledit code TARIC.

52      À cet égard, il convient de souligner que la définition de cette notion figurant à cet article 142, paragraphe 1, sous d), se rapporte à la détermination de la valeur en douane au titre de l’article 30, paragraphe 2, sous b), du code des douanes communautaire. Or, s’il ressort du point 2 de la note interprétative, visée au point 48 du présent arrêt, que les méthodes d’évaluation à employer en vertu de l’article 31 de ce code devraient être celles que définissent les articles 29 à 30, paragraphe 2, de celui-ci, ce même point précise que ces méthodes doivent être appliquées avec une souplesse raisonnable, notamment s’agissant de l’appréciation de la notion de « marchandises similaires ».

53      En l’occurrence, il ne saurait être considéré comme étant déraisonnable que, après avoir écarté, conformément aux dispositions pertinentes du code des douanes communautaire, la valeur transactionnelle de marchandises importées aux fins de la détermination de leur valeur en douane, des autorités douanières s’appuient, à l’occasion d’un contrôle a posteriori, sur des éléments transmis par la déclarante, à savoir le poids de ces marchandises et le code TARIC auxquelles celles-ci appartiennent. Dans ce contexte, il y a lieu de rappeler que ce code repose sur un système déclaratif, afin de limiter autant que possible les formalités et les contrôles douaniers tout en prévenant les fraudes ou les irrégularités susceptibles de porter préjudice au budget de l’Union (arrêt du 9 juillet 2020, Unipack, C‑391/19, EU:C:2020:547, point 22).

54      Dès lors, compte tenu, tout d’abord, de la nécessité d’établir une valeur en douane dans l’hypothèse où une entreprise ne fournirait pas des informations suffisamment précises ou fiables concernant la valeur en douane des marchandises concernées, ensuite, de la diligence dont doivent faire preuve les autorités douanières lorsqu’elles appliquent chacune des méthodes successives de détermination de la valeur en douane (voir, en ce sens, arrêt du 9 novembre 2017, LS Customs Services, C‑46/16, EU:C:2017:839, point 52) et, enfin, de la « souplesse raisonnable » avec laquelle, conformément au point 2 de la note interprétative visée aux points 48 et 52 du présent arrêt, ces méthodes doivent être appliquées, il convient d’admettre que des données contenues dans une base de données nationale, portant sur des marchandises relevant du même code TARIC et provenant du même vendeur que les marchandises concernées, constituent une « donnée disponible dans l’Union », au sens de l’article 31, paragraphe 1, du code des douanes communautaire, pouvant être retenue comme base aux fins de la détermination de la valeur en douane des marchandises concernées.

55      En effet, la référence à ces données constitue un moyen pour déterminer cette valeur qui est, à la fois, « raisonnable », au sens dudit article 31, paragraphe 1, et compatible tant avec les principes qu’avec les dispositions générales des accords internationaux et des dispositions auxquelles se réfère le même article 31, paragraphe 1 (voir, en ce sens, arrêt du 9 mars 2017, GE Healthcare, C‑173/15, EU:C:2017:195, point 81).

56      Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la seconde question que l’article 31, paragraphe 1, du code des douanes communautaire doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à ce que, lorsque la valeur en douane d’une marchandise importée n’a pas pu être déterminée conformément aux articles 29 et 30 de ce code, elle le soit sur le fondement d’informations contenues dans une base de données nationale concernant la valeur en douane des seules marchandises de même origine qui, bien que n’étant pas « similaires », au sens de l’article 142, paragraphe 1, sous d), du règlement d’application, relèvent du même code TARIC.

 Sur les dépens

57      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (deuxième chambre) dit pour droit :

1)      L’article 29, paragraphe 1, sous d), du règlement (CEE) no 2913/92 du Conseil, du 12 octobre 1992, établissant le code des douanes communautaire, tel que modifié par le règlement (CE) no 82/97 du Parlement européen et du Conseil, du 19 décembre 1996, et l’article 143, paragraphe 1, sous b), e) et f), du règlement (CEE) no 2454/93 de la Commission, du 2 juillet 1993, fixant certaines dispositions d’application du règlement (CEE) no 2913/92 du Conseil, tel que modifié par le règlement (CE) no 46/1999 de la Commission, du 8 janvier 1999, doivent être interprétés en ce sens que :

–        l’acheteur et le vendeur ne peuvent pas être considérés comme ayant juridiquement la qualité d’associés ou comme étant liés en raison d’un rapport de contrôle de droit, direct ou indirect, dans une situation dans laquelle il n’existe aucun document permettant d’établir un tel lien ;

–        l’acheteur et le vendeur peuvent être considérés comme étant liés en raison d’un rapport de contrôle de fait, direct ou indirect, dans une situation dans laquelle les conditions de conclusion des opérations en cause, attestées par des éléments objectifs, sont susceptibles d’être regardées comme indiquant non pas uniquement qu’un lien de confiance étroit existe entre cet acheteur et ce vendeur, mais que l’un d’entre eux est en mesure d’exercer un pouvoir de contrainte ou d’orientation sur l’autre ou qu’une tierce personne est en mesure d’exercer un tel pouvoir sur eux.

2)      L’article 31, paragraphe 1, du règlement no 2913/92, tel que modifié par le règlement no 82/97, doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à ce que, lorsque la valeur en douane d’une marchandise importée n’a pas pu être déterminée conformément aux articles 29 et 30 de ce règlement, elle le soit sur le fondement d’informations contenues dans une base de données nationale concernant la valeur en douane des seules marchandises de même origine qui, bien que n’étant pas « similaires », au sens de l’article 142, paragraphe 1, sous d), du règlement no 2454/93, tel que modifié par le règlement no 46/1999, relèvent du même code TARIC.

Signatures


*      Langue de procédure : le lituanien.

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