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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) |
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You are here: BAILII >> Databases >> Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) >> Saure v Commission (Judgment) French Text [2022] EUECJ T-448/21 (07 September 2022) URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2022/T44821.html Cite as: [2022] EUECJ T-448/21, ECLI:EU:T:2022:525, EU:T:2022:525 |
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DOCUMENT DE TRAVAIL
ARRÊT DU TRIBUNAL (huitième chambre)
7 septembre 2022 (*)
« Accès aux documents – Règlement (CE) no 1049/2001 – Correspondance de la Commission relative aux quantités et aux délais de livraison des vaccins contre la COVID-19 de BioNTech – Recours en annulation – Décision explicite adoptée après refus implicite d’accès – Absence de litispendance en raison de l’irrecevabilité d’un autre recours – Refus partiel d’accès – Exceptions relatives à la protection de la vie privée et de l’intégrité de l’individu, à la protection des avis juridiques, à la protection du processus décisionnel et à la protection des intérêts commerciaux d’un tiers »
Dans l’affaire T‑448/21,
Hans-Wilhelm Saure, demeurant à Berlin (Allemagne), représenté par Me C. Partsch, avocat,
partie requérante,
contre
Commission européenne, représentée par Mme K. Herrmann, MM. G. Gattinara et A. Spina, en qualité d’agents,
partie défenderesse,
LE TRIBUNAL (huitième chambre),
composé de MM. J. Svenningsen (rapporteur), président, R. Barents et C. Mac Eochaidh, juges,
greffier : Mme S. Jund, administratrice,
vu la phase écrite de la procédure,
à la suite de l’audience du 18 mai 2022,
rend le présent
Arrêt
1 Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, le requérant, M. Hans‑Wilhelm Saure, demande l’annulation de la décision explicite de la Commission européenne, du 2 juin 2021, lui accordant un accès total à certains documents et un accès partiel à d’autres documents (ci-après la « décision attaquée »).
Antécédents du litige
2 Le 14 avril 2020, le Conseil de l’Union européenne a adopté le règlement (UE) 2020/521 portant activation de l’aide d’urgence en vertu du règlement (UE) 2016/369 et modification des dispositions dudit règlement pour tenir compte de la propagation de la COVID-19 (JO 2020, L 117, p. 3). Par ce règlement, ainsi qu’il ressort de son intitulé et de ses considérants 3 et 4, le Conseil a activé l’aide d’urgence établie par le règlement (UE) 2016/369 du Conseil, du 15 mars 2016, relatif à la fourniture d’une aide d’urgence au sein de l’Union (JO 2016, L 70, p. 1), en tant que l’une des mesures devant permettre à l’Union européenne dans son ensemble de faire face à la crise liée à la pandémie de COVID-19, dans un esprit de solidarité compte tenu des contraintes liées à la propagation rapide du virus et dès lors que l’ampleur et le caractère transnational de cette propagation et de ses effets rendaient nécessaire une réponse globale.
3 Le 17 juin 2020, la Commission a publié la communication COM(2020) 245 final, « Stratégie de l’Union européenne concernant les vaccins contre la COVID-19 », visant à accélérer la mise au point, la fabrication et le déploiement de vaccins contre la COVID‑19. Selon la section 1 de cette communication, ladite stratégie repose sur deux piliers, dont le premier est d’assurer une production suffisante de vaccins dans l’Union et, ce faisant, un approvisionnement suffisant des États membres au moyen de contrats d’achat anticipé conclus avec des producteurs de vaccins par l’intermédiaire de l’instrument d’aide d’urgence tel qu’il a été activé par le règlement 2020/521.
4 S’agissant de ces contrats d’achat anticipé, ladite communication est notamment rédigée comme suit :
« 2.2. Contrats d’achat anticipé par l’intermédiaire de l’instrument d’aide d’urgence
Pour soutenir les entreprises dans la mise au point et la production rapides d’un vaccin, la Commission conclura des contrats avec des producteurs de vaccins individuels au nom des États membres. En échange du droit d’acheter un nombre défini de doses de vaccin dans un délai donné et à un prix donné, une partie des coûts initiaux supportés par les producteurs de vaccins seront financés grâce à l’instrument d’aide d’urgence. Cet échange prendra la forme de contrats d’achat anticipé.
[…]
En tant qu’acquéreurs finaux des vaccins, les États membres seront associés à la procédure dès le départ. Ils seront invités à partager leur expertise en ce qui concerne les candidats vaccins potentiels ainsi qu’à fournir des fonds supplémentaires (si ceux de l’instrument d’aide d’urgence ne suffisaient pas) et seront étroitement associés aux négociations. La Commission propose de conclure un accord avec les États membres participants pour formaliser leurs engagements réciproques. Tous les États membres participants seront représentés au sein d’un comité de pilotage, qui assistera la Commission sur tous les aspects du contrat d’achat anticipé avant sa signature. Une équipe conjointe de négociation, composée de la Commission et d’un petit nombre d’experts des États membres, négociera les contrats d’achat anticipé. Ces contrats seront conclus au nom de l’ensemble des États membres participants. »
5 Par lettre du 6 janvier 2021, le requérant, un journaliste travaillant pour le quotidien allemand Bild, a, sur le fondement du règlement (CE) no 1049/2001 du Parlement européen et du Conseil, du 30 mai 2001, relatif à l’accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission (JO 2001, L 145, p. 43), demandé à la Commission l’accès aux copies de l’ensemble de la correspondance de cette dernière, échangée depuis le 1er avril 2020 et relative, en particulier, aux quantités de vaccins proposés par la société BioNTech SE et aux délais de livraison de ces vaccins, avec, premièrement, cette société, deuxièmement, la Chancellerie fédérale de la République fédérale d’Allemagne et concernant ladite société et ses produits et, troisièmement, le ministère fédéral de la Santé de la République fédérale d’Allemagne et concernant l’achat de vaccins pour lutter contre la pandémie de COVID-19 (ci-après la « demande litigieuse »). La demande litigieuse a été enregistrée sous la référence GESTDEM 2021/0101.
6 Par lettre du 27 janvier 2021 (ci-après la « lettre du 27 janvier 2021 »), la direction générale (DG) « Santé et sécurité alimentaire » de la Commission a informé le requérant qu’elle avait identifié 34 documents relevant du champ de la demande litigieuse et, au titre de plusieurs des exceptions prévues à l’article 4 du règlement no 1049/2001, a refusé de lui accorder un accès à ces documents. Ce faisant, la Commission a intégralement rejeté la demande litigieuse.
7 Par lettre du même jour, le requérant a, sur le fondement de l’article 7, paragraphe 2, du règlement no 1049/2001, présenté une demande confirmative d’accès aux documents en cause. Cette demande a été suivie, le 29 janvier 2021, par un courrier exposant la motivation du requérant relative à ladite demande confirmative et visant à répondre à la lettre du 27 janvier 2021.
8 Le 17 février 2021, le secrétariat général de la Commission a informé le requérant que sa demande confirmative était toujours en cours de traitement, de sorte qu’il n’était pas possible de répondre à cette demande dans le délai initial de quinze jours ouvrables, expirant le jour même, et que ce délai était prolongé jusqu’au 10 mars suivant, à savoir à l’expiration des quinze jours ouvrables additionnels prévus par l’article 8, paragraphe 2, du règlement no 1049/2001.
9 Le 10 mars 2021, le secrétariat général de la Commission a informé le requérant que sa demande confirmative était en cours de traitement et que, « malheureusement, [il n’avait] pas été en mesure de collecter tous les éléments nécessaires pour procéder à une analyse complète de [cette demande] et pour prendre une décision finale ». La Commission a précisé fournir les meilleurs efforts pour lui répondre au plus vite.
10 Le 19 mars 2021, le requérant a introduit un recours, dirigé contre la lettre du 27 janvier 2021, lequel a été enregistré sous le numéro d’affaire T‑151/21.
11 Le 2 juin 2021, la secrétaire générale de la Commission a adopté la décision attaquée, relative à la demande confirmative, laquelle décision fait l’objet du présent recours, introduit après le recours évoqué au point précédent. Elle y a indiqué que les 34 documents initialement identifiés dans la lettre du 27 janvier 2021 constituaient en réalité 34 ensembles de documents ; que, après réexamen, il s’avérait que certains documents ne relevaient pas du champ de ladite demande ; que la Commission n’avait pas conclu son examen de divers documents, et que le requérant serait informé de l’issue de cet examen dès que possible ; qu’une version de l’un des documents, expurgée de certaines données, avait entretemps été diffusée sur le site Internet de la Commission, que la Commission divulguait entièrement quelques documents et qu’elle accordait un accès partiel aux autres documents identifiés.
12 Dans la décision attaquée, la Commission a invoqué quatre exceptions prévues par le règlement no 1049/2001 pour justifier l’accès partiel aux documents concernés, à savoir les exceptions relatives à la protection de la vie privée et de l’intégrité de l’individu, à la protection des procédures juridictionnelles et des avis juridiques, à la protection du processus décisionnel et à la protection des intérêts commerciaux d’un tiers.
Sur les faits postérieurs à l’introduction du recours
13 Par lettre du 11 août 2021, la secrétaire générale de la Commission a adopté une seconde décision explicite couvrant les documents pour lesquels elle avait précédemment informé le requérant que leur examen était encore en cours. Par cette décision, la Commission a, à nouveau, accordé un accès partiel à certains de ces documents tout en refusant l’accès aux autres.
14 Le 7 octobre 2021, le requérant a introduit un troisième recours, dirigé contre cette lettre du 11 août 2021, lequel a été enregistré sous le numéro d’affaire T‑651/21.
Conclusions des parties
15 Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– annuler la décision attaquée dans la mesure où elle refuse un accès total aux documents couverts par la demande litigieuse ;
– condamner la Commission aux dépens.
16 La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– rejeter le recours comme irrecevable et, à titre subsidiaire, comme non fondé ;
– condamner le requérant aux dépens.
En droit
Sur la recevabilité
17 Compte tenu de l’introduction du présent recours parallèlement au dépôt le 29 juillet 2021, dans le cadre de l’affaire T‑151/21, d’un mémoire en adaptation de la requête visant également la décision attaquée (ci-après le « mémoire en adaptation du 29 juillet 2021 »), les parties principales ont été interrogées, par voie d’une mesure d’organisation de la procédure, sur la question d’une éventuelle situation de litispendance existant dans la présente affaire. L’attention des parties a été attirée sur le fait que la requête introduisant le recours dans la présente affaire a été déposée au greffe du Tribunal le 30 juillet 2021 à 12 h 54, tandis que le mémoire en adaptation du 29 juillet 2021 a été déposé la veille à 17 h 41 dans le cadre de l’affaire T‑151/21.
18 Le requérant n’a pas répondu à cette mesure d’organisation de la procédure.
19 Pour sa part, la Commission a soutenu, en réponse à ladite mesure d’organisation de la procédure ainsi que dans le mémoire en défense, que, compte tenu de l’ordre d’introduction de la requête dans la présente affaire et du mémoire en adaptation du 29 juillet 2021 dans l’affaire T‑151/21, le présent recours devrait être rejeté comme étant irrecevable pour cause de litispendance. Elle a cependant précisé que cette situation de litispendance disparaitrait si le Tribunal devait considérer, ainsi qu’elle le faisait valoir, que le recours dans l’affaire T‑151/21 était irrecevable.
20 Selon une jurisprudence constante, un recours introduit postérieurement à un autre, qui oppose les mêmes parties, qui est fondé sur les mêmes moyens et qui tend à l’annulation du même acte juridique, doit être rejeté comme irrecevable pour cause de litispendance (voir arrêts du 18 septembre 2014, Central Bank of Iran/Conseil, T‑262/12, non publié, EU:T:2014:777, point 39 et jurisprudence citée, et du 25 mars 2015, Central Bank of Iran/Conseil, T‑563/12, EU:T:2015:187, point 32 et jurisprudence citée). Par ailleurs, aux fins de l’examen d’une situation de litispendance, le dépôt, par acte de procédure devant le greffe du Tribunal, d’une demande d’adaptation des conclusions et des moyens de la requête à l’égard d’un acte modifiant ou remplaçant l’acte initialement attaqué, équivaut, sans préjudice d’une décision ultérieure du Tribunal sur la recevabilité, au dépôt d’un nouveau recours (voir arrêt du 18 septembre 2014, Central Bank of Iran/Conseil, T‑262/12, non publié, EU:T:2014:777, point 40 et jurisprudence citée).
21 En l’espèce, il ressort d’une comparaison entre le contenu de la requête déposée dans le cadre du présent recours et du mémoire en adaptation du 29 juillet 2021 dans l’affaire T‑151/21 que les conclusions, les moyens soulevés et l’argumentation développée au soutien de ces moyens sont, en substance, identiques dans chacun de ces deux actes de procédure. En outre, il convient de relever, ainsi qu’il ressort du point 17 ci-dessus, que cette requête a été déposée après ledit mémoire en adaptation.
22 Toutefois, il convient également de constater que le recours dans l’affaire T‑151/21, tel qu’il a été adapté par le mémoire en adaptation du 29 juillet 2021, a été rejeté comme étant manifestement irrecevable par l’ordonnance du 25 mars 2022, Saure/Commission (T‑151/21, non publiée, EU:T:2022:208).
23 Pour cette raison, le litige résultant du recours dans l’affaire T‑151/21 a cessé d’exister, de sorte que le présent recours ne se heurte plus à une litispendance et est recevable (voir, en ce sens, arrêt du 9 juin 2011, Comitato « Venezia vuole vivere » e.a./Commission, C‑71/09 P, C‑73/09 P et C‑76/09 P, EU:C:2011:368, points 30 à 33 et jurisprudence citée).
Sur le fond
24 À l’appui de ses conclusions en annulation de la décision attaquée, le requérant soulève quatre moyens, tirés de diverses violations de l’article 4 du règlement no 1049/2001, à savoir des violations, premièrement, de l’article 4, paragraphe 1, sous b), deuxièmement, de l’article 4, paragraphe 2, deuxième tiret, troisièmement, de l’article 4, paragraphe 3, premier alinéa, et, quatrièmement, de l’article 4, paragraphe 2, premier tiret, en ce que la Commission aurait fait une application irrégulière des quatre exceptions invoquées dans cette décision (voir point 12 ci-dessus).
25 Afin de traiter ces moyens, d’une part, le Tribunal a demandé à la Commission de produire les documents auxquels elle avait accordé un accès intégral ou partiel par la décision attaquée. D’autre part, le Tribunal, par ordonnance du 26 avril 2022, a ordonné à la Commission, au titre de l’article 91, sous c), et de l’article 92 du règlement de procédure du Tribunal, de produire intégralement les documents auxquels elle avait partiellement refusé l’accès, tout en précisant que, conformément à l’article 104 de ce règlement, ceux-ci ne seraient pas communiqués au requérant. La Commission a déféré à ces demandes dans les délais impartis.
26 Ces productions de documents ont permis au Tribunal d’examiner en connaissance de cause les quatre moyens soulevés, étant toutefois précisé que, par ces moyens, le requérant n’a pas formellement allégué que les quatre exceptions invoquées par la Commission n’étaient pas applicables aux informations occultées dans les documents concernés, mais il s’est limité à contester le bien-fondé des motifs figurant dans la décision attaquée visant à établir que la divulgation de ces informations aurait porté atteinte aux intérêts protégés par lesdites quatre exceptions (voir, en ce sens, arrêt du 28 novembre 2013, Jurašinović/Conseil, C‑576/12 P, EU:C:2013:777, points 27 et 28).
Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 4, paragraphe 1, sous b), du règlement no 1049/2001 en raison d’une application irrégulière de l’exception relative à la protection de la vie privée et de l’intégrité de l’individu
27 Selon le requérant, l’exception prévue par l’article 4, paragraphe 1, sous b), du règlement no 1049/2001, qui devrait être interprétée de manière restrictive, ne s’opposerait pas à la divulgation des données à caractère personnel occultées dans les documents auxquels il a eu accès. En effet, compte tenu des enjeux sur le plan de la sécurité nationale et de la sûreté publique, cette divulgation constituerait, en vertu de l’article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 (ci-après la « CEDH »), une ingérence appropriée dans la vie privée des personnes concernées.
28 En outre, le requérant aurait établi la nécessité de la transmission desdites données dans un but spécifique d’intérêt public et il n’existerait aucune raison de penser que cela porterait atteinte aux intérêts légitimes des personnes concernées, conformément aux exigences ressortant de la jurisprudence relative au règlement (CE) no 45/2001 du Parlement européen et du Conseil, du 18 décembre 2000, relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel par les institutions et organes communautaires et à la libre circulation de ces données (JO 2001, L 8, p. 1) et au règlement (UE) 2018/1725 du Parlement européen et du Conseil, du 23 octobre 2018, relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel par les institutions, organes et organismes de l’Union et à la libre circulation de ces données, et abrogeant le règlement no 45/2001 et la décision no 1247/2002/CE (JO 2018, L 295, p. 39).
29 La Commission conteste cette argumentation.
30 Aux termes de l’article 4, paragraphe 1, sous b), du règlement no 1049/2001, les institutions de l’Union refusent l’accès à un document dans le cas où la divulgation porterait atteinte à la protection de la vie privée et de l’intégrité de l’individu, notamment en conformité avec la législation de l’Union relative à la protection des données à caractère personnel.
31 Selon la jurisprudence, il en résulte que lorsqu’une demande vise à obtenir l’accès à des données à caractère personnel, au sens de l’article 3, paragraphe 1, du règlement 2018/1725, les dispositions de ce règlement deviennent intégralement applicables (voir, en ce sens, arrêt du 16 juillet 2015, ClientEarth et PAN Europe/EFSA, C‑615/13 P, EU:C:2015:489, point 44 et jurisprudence citée).
32 Ainsi, des données à caractère personnel ne peuvent faire l’objet d’une transmission à un tiers sur le fondement du règlement no 1049/2001 que lorsque cette transmission, d’une part, remplit les conditions prévues à l’article 9, paragraphe 1, sous a) ou b), du règlement 2018/1725 et, d’autre part, constitue un traitement licite, conformément aux exigences de l’article 5 de ce même règlement (voir, en ce sens, arrêt du 2 octobre 2014, Strack/Commission, C‑127/13 P, EU:C:2014:2250, point 104).
33 À cet égard, selon l’article 9, paragraphe 1, sous b), du règlement 2018/1725, des données à caractère personnel ne sont transmises à des destinataires établis dans l’Union autres que les institutions et organes de l’Union que si le destinataire établit qu’il est nécessaire que ces données soient transmises dans un but spécifique d’intérêt public et le responsable du traitement établit, s’il existe des raisons de penser que cette transmission pourrait porter atteinte aux intérêts légitimes de la personne concernée, qu’il est proportionné de transmettre les données à caractère personnel à cette fin précise, après avoir mis en balance, d’une manière vérifiable, les divers intérêts concurrents.
34 Partant, il ressort des termes mêmes de cette disposition que celle-ci subordonne la transmission de données à caractère personnel à la réunion de plusieurs conditions cumulatives.
35 Il incombe au demandeur d’accès de démontrer la nécessité de la transmission de données à caractère personnel dans un but spécifique d’intérêt public. Pour remplir cette condition, il y a lieu de démontrer que la transmission des données à caractère personnel est la mesure la plus appropriée parmi les autres mesures envisageables pour atteindre l’objectif poursuivi par le demandeur et qu’elle est proportionnée à cet objectif, ce qui oblige le demandeur à présenter des justifications expresses et légitimes [voir arrêt du 19 septembre 2018, Chambre de commerce et d’industrie métropolitaine Bretagne-Ouest (port de Brest)/Commission, T‑39/17, non publié, EU:T:2018:560, point 42 et jurisprudence citée]. Il en résulte que la mise en œuvre de la condition de démontrer la nécessité de la transmission des données à caractère personnel dans un but spécifique d’intérêt public conduit à reconnaître l’existence d’une exception à la règle fixée par l’article 6, paragraphe 1, du règlement no 1049/2001 selon laquelle le demandeur n’est pas obligé de justifier sa demande d’accès (arrêt du 15 juillet 2015, Dennekamp/Parlement, T‑115/13, EU:T:2015:497, point 55).
36 En outre, si le demandeur d’accès a démontré la nécessité de la transmission de données à caractère personnel dans un but spécifique d’intérêt public, il appartient alors à l’institution concernée de vérifier s’il n’existe aucune raison de penser que la transmission en cause pourrait porter atteinte aux intérêts légitimes de la personne concernée et, en pareil cas, de mettre en balance, d’une manière vérifiable, les divers intérêts concurrents en vue d’évaluer la proportionnalité de la transmission de données à caractère personnel sollicitée (voir, en ce sens, arrêt du 16 juillet 2015, ClientEarth et PAN Europe/EFSA, C‑615/13 P, EU:C:2015:489, point 47 et jurisprudence citée).
37 En l’espèce, il ressort de la décision attaquée que la Commission a occulté, dans les documents rendus publics, des données à caractère personnel telles que les noms, les coordonnées et les signatures manuscrites des représentants de laboratoires pharmaceutiques, de membres de son personnel n’occupant pas de fonction d’encadrement et de tiers qui ne sont pas des personnalités publiques.
38 À cet égard, le requérant ne conteste pas que les informations dont il sollicite la divulgation sont des données à caractère personnel, mais se prévaut, en substance, de deux arguments pour soutenir que ces données devraient néanmoins être transmises.
39 Par son premier argument, le requérant soutient que la divulgation des données à caractère personnel litigieuses serait compatible avec l’article 8, paragraphe 2, de la CEDH. Il précise sur ce point qu’un taux de vaccination élevé parmi la population permettrait de ralentir la circulation du virus, ce qui contribuerait à la sécurité nationale et à la sûreté publique et justifierait une ingérence dans la vie privée et l’intégrité des personnes concernées.
40 Or, il convient de constater, à l’instar de la Commission, que ce premier argument est formulé en des termes généraux et abstraits. En effet, le requérant n’établit aucun lien spécifique et concret entre les noms, les coordonnées ou les signatures des personnes concernées et les justifications liées à la sauvegarde de la « sécurité nationale » et de la « sûreté publique » qu’il invoque. Tout au plus, il se borne à alléguer qu’un taux de vaccination élevé permettrait de réduire la circulation du virus au sein de la population, sans toutefois expliquer en quoi cette information démontrerait la nécessité de la transmission des données à caractère personnel occultées dans les documents auxquels il a accès.
41 En outre, même à les supposer avérées, les considérations selon lesquelles, à l’aune des justifications relatives à la « sécurité nationale » et à la « sûreté publique » déjà évoquées, l’article 8 de la CEDH admettrait une ingérence dans la vie privée des personnes concernées, sont dénuées de pertinence. En effet, c’est, en premier chef, à l’aune des exigences résultant du règlement 2018/1725 et du règlement no 1049/2001 qu’il revenait à la Commission d’apprécier si les données à caractère personnel en cause pouvaient être divulguées et le requérant n’allègue pas que l’article 8 de la CEDH impose une telle divulgation, ni que l’absence de divulgation serait contraire à cet article ou un autre article de la CEDH.
42 Il convient donc d’écarter le premier argument invoqué par le requérant.
43 Par le second argument, le requérant, qui souligne les objectifs fondamentalement différents du règlement 2018/1725 et du règlement no 1049/2001, en ce que ce dernier vise à faciliter au maximum l’exercice du droit d’accès aux documents, soutient avoir exposé de manière détaillée le but d’intérêt public justifiant la transmission des données à caractère personnel litigieuses, en particulier dans sa lettre du 29 janvier 2021 exposant la motivation à l’appui de la demande confirmative formulée par la lettre du 27 janvier 2021. En effet, ainsi qu’il ressortirait de la couverture médiatique relative aux vaccins contre la COVID-19, les informations demandées auraient un intérêt public considérable et le requérant y demanderait l’accès en tant que journaliste afin de permettre au public « de se forger une opinion ». De plus, cela serait nécessaire pour lutter « contre la désinformation » concernant ces vaccins.
44 À cet égard, il ressort du considérant 2 du règlement no 1049/2001 que la transparence permet de conférer aux institutions de l’Union une plus grande légitimité, efficacité et responsabilité à l’égard des citoyens de l’Union dans un système démocratique (voir arrêt du 22 janvier 2020, PTC Therapeutics International/EMA, C‑175/18 P, EU:C:2020:23, point 53 et jurisprudence citée). Par ailleurs, selon le considérant 28 du règlement 2018/1725, un but spécifique d’intérêt public au sens de l’article 9, paragraphe 1, sous b), dudit règlement, pourrait avoir trait à la transparence des institutions et organes de l’Union.
45 Dans ce contexte, le Tribunal considère que la transparence du processus suivi par la Commission lors des négociations avec les producteurs de vaccins contre la COVID‑19 et de la conclusion des contrats d’achat anticipé au nom des États membres pourrait, en effet, constituer un but spécifique d’intérêt public au sens de l’article 9, paragraphe 1, sous b), du règlement 2018/1725, en ce qu’elle est susceptible de contribuer à augmenter la confiance des citoyens de l’Union à l’égard de la stratégie vaccinale promue par cette institution et, par suite, à notamment lutter contre la diffusion de fausses informations en ce qui concerne les conditions entourant la négociation et la conclusion des contrats d’achat anticipé conclus par la Commission au nom des États membres.
46 Toutefois, ces considérations, relatives au but poursuivi par le requérant, ne suffisent pas à démontrer que la transmission des données à caractère personnel en cause est nécessaire, au sens de la jurisprudence citée au point 35 ci-dessus, en ce qu’elles ne permettent pas, à elles seules, d’établir que ladite transmission constituerait la mesure la plus appropriée parmi les autres mesures envisageables pour que le but spécifique d’intérêt public invoqué soit satisfait.
47 En effet, si le requérant a certes spécifié le but qu’il poursuivait, d’une part, il n’a néanmoins pas exposé de manière spécifique en quoi, compte tenu des informations révélées dans les documents auxquels la Commission a déjà accordé un accès total ou partiel, la divulgation des données à caractère personnel occultées serait nécessaire pour lutter contre la diffusion de fausses informations au sujet des vaccins contre la COVID‑19.
48 D’autre part, le requérant n’a pas non plus démontré l’intérêt du public à connaître, spécifiquement, les données à caractère personnel occultées, en particulier les noms et les coordonnées de représentants de laboratoires pharmaceutiques, de membres du personnel de la Commission n’occupant pas de fonction d’encadrement et de tiers qui ne sont pas des personnalités publiques. À cet égard, à la différence des circonstances de l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 16 juillet 2015, ClientEarth et PAN Europe/EFSA (C‑615/13 P, EU:C:2015:489), l’argumentation du requérant ne repose sur aucun élément concret de nature à établir la nécessité de la divulgation des données à caractère personnel en cause.
49 Il en résulte que le second argument, tiré de la nécessité de permettre au public de se forger une opinion et de lutter contre la diffusion de fausses informations au sujet des vaccins, n’est pas de nature à établir la nécessité de la transmission des données à caractère personnel en cause.
50 Les conditions fixées par l’article 9, paragraphe 1, sous b), du règlement 2018/1725 étant cumulatives et la première condition relative à la nécessité de la transmission des données à caractère personnel dans un but spécifique d’intérêt public n’étant pas remplie, il y a lieu de considérer que l’article 4, paragraphe 1, sous b), du règlement no 1049/2001 s’oppose à la divulgation des noms et coordonnées qui ont été occultées dans les documents auxquels le requérant a eu accès, sans qu’il soit nécessaire d’examiner les autres conditions fixées par l’article 9, paragraphe 1, sous b), du règlement 2018/1725.
51 Partant, il y a lieu d’écarter le premier moyen comme étant non fondé.
Sur le deuxième moyen, tiré de la violation de l’article 4, paragraphe 2, deuxième tiret, du règlement no 1049/2001 en raison d’une application irrégulière de l’exception relative à la protection des procédures juridictionnelles et des avis juridiques
52 Le requérant conteste l’application en l’espèce de l’exception, relative à la protection des procédures juridictionnelles et des avis juridiques, prévue par l’article 4, paragraphe 2, deuxième tiret, du règlement no 1049/2001, étant donné que cette exception serait limitée dans le temps et n’empêcherait la divulgation de documents qu’aussi longtemps que persisterait le risque d’atteinte à une telle procédure. Or, les procédures éventuellement concernées en l’espèce seraient clôturées, de sorte qu’un tel risque d’atteinte n’existerait plus.
53 À titre subsidiaire, les trois conditions cumulatives relatives à la protection des avis juridiques ne seraient pas remplies en l’espèce, à savoir les conditions selon lesquelles, premièrement, le document donné doit effectivement concerner un avis juridique, deuxièmement, la divulgation du document doit porter préjudice à l’intérêt d’une institution à demander de tels avis et à recevoir des avis francs, objectifs et complets et, troisièmement, il n’existe pas d’intérêt public supérieur justifiant une atteinte à cette protection. La Commission n’aurait d’ailleurs avancé aucune allégation sur ces conditions.
54 La Commission conteste cette argumentation.
55 À cet égard, en ce que le requérant soutient que les informations en cause auraient été occultées à tort dans un souci de protection des procédures juridictionnelles, ce grief est inopérant étant donné que, dans la décision attaquée, l’exception prévue par l’article 4, paragraphe 2, deuxième tiret, du règlement no 1049/2001 est invoquée aux fins de protéger des avis juridiques et non de telles procédures.
56 S’agissant de la protection des avis juridiques, il convient de rappeler que l’examen à effectuer par une institution lorsque la divulgation d’un document lui est demandée doit nécessairement se dérouler en trois temps, correspondant aux trois critères figurant à cette disposition. Ainsi, l’institution, dans un premier temps, doit s’assurer que le document dont la divulgation est demandée concerne bien un avis juridique. Dans un deuxième temps, elle doit examiner si la divulgation des parties du document en question identifiées comme concernant des avis juridiques porterait atteinte à la protection dont doivent bénéficier ces derniers, dans le sens qu’elle porterait préjudice à l’intérêt d’une institution à demander des avis juridiques et à recevoir des avis francs, objectifs et complets. Le risque d’atteinte à cet intérêt doit, pour pouvoir être invoqué, être raisonnablement prévisible, et non purement hypothétique. Dans un troisième et dernier temps, si l’institution considère que la divulgation d’un document porterait atteinte à la protection due aux avis juridiques telle qu’elle vient d’être définie, il lui incombe de vérifier qu’il n’existe pas un intérêt public supérieur justifiant cette divulgation, nonobstant l’atteinte qui en résulterait à son aptitude à demander des avis juridiques et à recevoir des avis francs, objectifs et complets (voir arrêt du 3 juillet 2014, Conseil/in ’t Veld, C‑350/12 P, EU:C:2014:2039, points 95 et 96 et jurisprudence citée).
57 En l’espèce, il convient de constater que, contrairement à ce que laisse entendre le requérant, la Commission a bel et bien présenté, en particulier sous le titre 2.2 de la décision attaquée, les raisons justifiant d’occulter certaines informations au titre de la protection des avis juridiques. Plus particulièrement, les informations occultées constitueraient des avis fournis par le service juridique de la Commission et relatifs à l’interprétation, aux risques juridiques et à la rédaction d’alternatives à certaines stipulations pouvant être incluses dans les contrats en cours de négociations avec certains producteurs de vaccins contre la COVID-19, telles que des stipulations relatives à l’indemnisation ou aux éventuelles fautes commises par l’une des parties auxdits contrats. Le requérant n’a pas contesté que lesdites informations constituaient des avis juridiques au sens de l’article 4, paragraphe 2, deuxième tiret, du règlement no 1049/2001.
58 En outre, la décision attaquée précise que la divulgation des avis juridiques occultés rendrait publics des avis internes qui n’étaient pas destinés à être communiqués au public, ce qui pourrait affaiblir la position de l’Union dans le cadre de négociations relatives à la conclusion de contrats d’achat anticipé avec d’autres producteurs de vaccins contre la COVID-19 et incorporant des stipulations similaires à celles en cause en l’espèce.
59 À cet égard, le Tribunal considère que la divulgation de tels avis juridiques, ainsi que le fait valoir en substance la Commission, échangés dans le cadre de consultations interservices et avec des experts nationaux, élaborés aux fins de négociations entre la Commission, au nom des États membres, et des producteurs de vaccins contre la COVID-19, aurait effectivement porté atteinte, de manière prévisible, à l’intérêt de la Commission de solliciter et de recevoir des avis juridiques francs, objectifs et complets de son service juridique afin de négocier en connaissance de cause et de préparer sa position finale dans le cadre de ces négociations, de surcroît dans un contexte politique sensible et d’urgence pour remédier à une situation sanitaire délicate.
60 En effet, la franchise, l’objectivité et la complétude des consultations juridiques en cause auraient été affectées de manière prévisible, en l’espèce, si les auteurs des avis juridiques occultés, rédigés en vue notamment de déterminer l’attribution des éventuels risques financiers ou juridiques liés au développement et à la fourniture, dans les délais, de tels vaccins, avaient dû anticiper que ces avis puissent être mis à la disposition du public, notamment compte tenu du fait que la Commission et les États membres pourraient se voir opposés lesdits avis dans le cadre de critiques émises au sujet du contenu final de contrats d’achat anticipé.
61 En outre, il y a lieu de relever, ainsi qu’il ressort de la décision attaquée, que, à la date d’adoption de cette décision, la Commission était encore impliquée dans des négociations avec certains producteurs de vaccins contre la COVID-19, dont Novavax, en vue de la conclusion de contrats d’achat anticipé, dans le cadre des actions menées par cette institution en vue de garantir un accès à un plus grand portefeuille de vaccins candidats. Or, à l’époque des consultations interservices et des demandes d’avis au service juridique de la Commission, les personnes impliquées, dont en particulier les auteurs des avis juridiques occultés, avaient connaissance du fait que cette institution était impliquée dans diverses négociations, en cours parallèlement avec plusieurs producteurs de tels vaccins, ou qu’elle pourrait être impliquée, à court terme, dans de nouvelles négociations avec d’autres producteurs de ce type. Dans ce contexte, lesdits avis ne concernaient pas uniquement les stipulations ou les risques juridiques relatifs à un contrat donné, mais également, indirectement, d’autres contrats pour lesquels les négociations étaient en cours ou pourraient commencer.
62 Par ailleurs, il y a lieu de relever que les informations occultées ne constituent pas des avis juridiques émis dans le cadre de procédures législatives, ce qui pourrait justifier, le cas échéant, une transparence accrue. En effet, si, ainsi qu’il ressort du considérant 2 du règlement no 1049/2001, une transparence accrue permet d’assurer une meilleure participation des citoyens au processus décisionnel ainsi qu’une plus grande légitimité, efficacité et responsabilité de l’administration à l’égard des citoyens dans un système démocratique, il découle du considérant 6 de ce règlement que l’intérêt du public à obtenir la communication d’un document au titre du principe de transparence n’a pas le même poids selon qu’il s’agit d’un document relevant d’une procédure administrative ou d’un document relatif à une procédure dans le cadre de laquelle l’institution de l’Union intervient en qualité de législateur (voir, en ce sens, arrêt du 28 mars 2017, Deutsche Telekom/Commission, T‑210/15, EU:T:2017:224, point 67 et jurisprudence citée). La Cour a déjà précisé que l’activité administrative de la Commission n’exigeait pas un accès aux documents aussi étendu que celui concernant l’activité législative d’une institution de l’Union (voir arrêt du 21 juillet 2011, Suède/MyTravel et Commission, C‑506/08 P, EU:C:2011:496, point 87 et jurisprudence citée ; voir également, en ce sens, arrêt du 16 février 2022, Hongrie/Parlement et Conseil, C‑156/21, EU:C:2022:97, point 56).
63 Dans ces conditions, c’est sans commettre d’erreur que, à la date d’adoption de la décision attaquée, la Commission s’est prévalue de l’exception afférente aux avis juridiques, étant entendu toutefois que, ainsi qu’il ressort de l’article 4, paragraphe 7, du règlement no 1049/2001, cette exception n’a pas vocation à s’appliquer pendant une période illimitée, mais seulement aussi longtemps que cette protection se justifie eu égard au contenu du document en cause (voir, en ce sens, arrêt du 26 janvier 2010, Internationaler Hilfsfonds/Commission, C‑362/08 P, EU:C:2010:40, points 56 et 57).
64 Pour le reste, le requérant n’a ni fait valoir un intérêt public supérieur justifiant spécifiquement la divulgation des avis juridiques occultés, ni contesté l’absence d’un tel intérêt constatée par la Commission dans la décision attaquée.
65 Partant, il y a lieu d’écarter le deuxième moyen comme étant en partie inopérant et en partie non fondé.
Sur le troisième moyen, tiré de la violation de l’article 4, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement no 1049/2001 en raison d’une application irrégulière de l’exception relative à la protection du processus décisionnel
66 Tout d’abord, le requérant considère que l’exception relative à la protection du processus décisionnel, prévue par l’article 4, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement no 1049/2001, a été appliquée à tort en l’espèce, puisque cette exception, de manière similaire à l’exception relative à la protection des procédures juridictionnelles, serait limitée dans le temps et n’empêcherait la divulgation de documents qu’aussi longtemps que persisterait le risque d’atteinte à une telle procédure. Or, les processus décisionnels concernés seraient clôturés en l’espèce, ce que la Commission aurait expressément confirmé en affirmant que les négociations avec BioNTech étaient terminées, de sorte qu’un tel risque d’atteinte n’existait plus.
67 Ensuite, la Commission aurait considéré, à tort, qu’il convenait d’examiner le processus décisionnel de manière globale, en tenant compte de l’ensemble des procédures négociées avec des producteurs de vaccins contre la COVID-19, dont certaines seraient encore en cours. Selon le requérant, chaque procédure négociée devrait être examinée en tant que processus décisionnel individuel, d’autant plus que l’approche préconisée par la Commission retarderait indéfiniment l’accès aux documents demandés, puisqu’il y aurait toujours de nouveaux vaccins en voie de développement.
68 Enfin et en tout état de cause, il existerait un intérêt public supérieur à la divulgation des informations occultées. En effet, la question des vaccins contre la COVID-19 ferait l’objet d’une couverture médiatique extensive et intéresserait le public. Ainsi, la nécessité d’obtenir des éclaircissements sur les agissements de la Commission quant à l’achat de tels vaccins l’emporterait sur la protection des processus décisionnels. À l’inverse, le manque de transparence risquerait de faire naître des doutes dans l’esprit des citoyens quant à la légalité d’un acte et quant à la légitimité de ces processus, voire d’affecter l’exercice effectif de leurs droits démocratiques.
69 La Commission conteste cette argumentation.
70 Le Tribunal rappelle que l’article 4, paragraphe 3, du règlement no 1049/2001 opère une distinction claire en fonction de la circonstance qu’une procédure est clôturée ou non. Ainsi, d’une part, selon le premier alinéa de cette disposition, relève du champ d’application de l’exception visant la protection du processus décisionnel tout document établi par une institution pour son usage interne ou reçu par une institution et qui concerne une question sur laquelle celle-ci n’a pas encore pris de décision. D’autre part, le second alinéa de la même disposition prévoit que, après que la décision a été prise, l’exception en cause couvre uniquement les documents contenant des avis destinés à l’utilisation interne dans le cadre de délibérations et de consultations préliminaires au sein de l’institution concernée (arrêt du 21 juillet 2011, Suède/MyTravel et Commission, C‑506/08 P, EU:C:2011:496, point 78).
71 En outre, il y a lieu de relever que, lorsque l’institution concernée décide de refuser l’accès à un document dont la communication lui a été demandée, au titre de l’exception afférente à la protection du processus décisionnel, il lui incombe, en principe, de fournir des explications quant aux questions de savoir de quelle manière l’accès à ce document pourrait porter concrètement et effectivement atteinte à la protection de ce processus et de démontrer que ce risque d’atteinte est raisonnablement prévisible et non purement hypothétique (voir arrêt du 3 juillet 2014, Conseil/in ’t Veld, C‑350/12 P, EU:C:2014:2039, point 52 et jurisprudence citée).
72 En l’espèce, la Commission a, dans la décision attaquée, entendu se prévaloir de l’exception afférente à la protection du processus décisionnel dans la mesure où cette exception couvrait les processus décisionnels non encore clôturés, tels que visés par le premier alinéa de l’article 4, paragraphe 3, du règlement no 1049/2001.
73 À cet égard, en premier lieu, il est constant que certaines des négociations conduites avec des producteurs de vaccins en vue de la conclusion de contrats d’achat anticipé de vaccins contre la COVID-19, avaient été clôturées à la date d’adoption de la décision attaquée, y compris les négociations avec Pfizer et BioNTech.
74 Cela étant, il ressort de la décision attaquée que les occultations opérées au titre de l’exception afférente à la protection du processus décisionnel visaient à protéger les négociations encore en cours, à la date d’adoption de cette décision, avec certains producteurs de vaccins, en vue de la conclusion de contrats d’achat anticipé avec ces producteurs, en sus des contrats déjà conclus avec d’autres producteurs, dont Pfizer et BioNTech. Ainsi, la divulgation des informations occultées aurait rendu public le libellé de certaines stipulations déjà négociées avec ces autres producteurs, au risque d’affecter négativement la capacité de négociation de la Commission dans le cadre de ces négociations encore en cours postérieurement à l’adoption de ladite décision.
75 Plus particulièrement, la Commission a précisé, dans la décision attaquée, que ces informations occultées concerneraient, ce que le requérant ne conteste pas, des passages relatifs aux négociations avec un ou plusieurs producteurs de vaccins contre la COVID-19 et qu’elles étaient liées aux achats de tels vaccins, notamment quant aux volumes envisagés, à des passages relatifs à certaines stipulations d’un contrat d’achat anticipé de tels vaccins en cours de négociation ou encore à des passages relatifs à certaines questions spécifiques relatives à un tel contrat. Ainsi, ces informations occultées concernent, comme la Commission l’a fait valoir lors de l’audience, des éléments susceptibles d’être pertinents non seulement dans le cadre de la négociation concernée, mais également dans le cadre d’autres négociations liées à la fourniture de vaccins contre la COVID-19, et susceptibles d’intéresser la Commission, mais également l’autre partie impliquée dans ces négociations, à savoir un producteur de tels vaccins.
76 En outre, il convient de relever, à l’instar de la Commission dans la décision attaquée ainsi que dans ses écritures et lors de l’audience, que l’ensemble des procédures de négociations avec des producteurs de vaccins contre la COVID-19, évoquées aux points 73 et 74 ci-dessus, s’inscrit dans le cadre d’un objectif commun, défini dans la communication de la Commission relative à la « Stratégie de l’Union européenne concernant les vaccins contre la COVID-19 » et dans le règlement 2020/521, à savoir celui d’arriver à un portefeuille de tels vaccins et de contrats d’achat anticipé, notamment pour couvrir différentes technologies de développement desdits vaccins. Or, il n’est pas contesté que, à la date d’adoption de la décision attaquée, certaines de ces procédures étaient clôturées et d’autres étaient encore en cours.
77 Dans ces conditions, nonobstant le principe selon lequel les exceptions au droit d’accès du public aux documents des institutions énumérées à l’article 4 du règlement no 1049/2001 doivent être interprétées et appliquées strictement, les diverses négociations avec différents producteurs de vaccins contre la COVID‑19 peuvent, ainsi que l’a expliqué la Commission dans la décision attaquée et dans le cadre du présent recours, être considérées comme constituant un ensemble unitaire et un processus décisionnel unique au sens du paragraphe 3, premier alinéa, de cet article 4. C’est donc sans commettre d’erreur que la Commission a pu considérer, en substance, que, à la date d’adoption de la décision attaquée, le risque d’atteinte grave au processus décisionnel relatif à la conclusion de contrats d’achat anticipé de vaccins contre la COVID-19 était raisonnablement prévisible et non purement hypothétique.
78 Cette conclusion n’est pas remise en cause par l’argument du requérant selon lequel la divulgation des informations occultées serait nécessaire pour assurer la réalisation du principal objectif d’une vaccination, lequel serait d’atteindre une « immunité collective », étant donné que cette divulgation permettrait à d’autres entreprises d’adapter leur offre plus rapidement et de manière ciblée et, donc, accélérerait la livraison de vaccins dans l’Union. En effet, à supposer même que tel soit le principal objectif d’une vaccination et que ladite divulgation permettrait à ces autres entreprises d’adapter leur offre, le requérant ne conteste pas la nature de ces informations occultées et n’explique pas en quoi, contrairement à ce qu’affirme la Commission dans la décision attaquée, une divulgation desdites informations n’affecterait pas négativement des négociations encore en cours.
79 En deuxième lieu, s’agissant de l’existence d’un intérêt public supérieur, les affirmations de nature générale avancées par le requérant, relatives au fait que la question des vaccins contre la COVID-19 est largement débattue dans les médias, ne sauraient justifier de divulguer les informations occultées au titre de l’article 4, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement no 1049/2001. Si le requérant peut légitimement souhaiter obtenir des éclaircissements sur les agissements de la Commission liés à l’achat de tels vaccins, l’intérêt du public à obtenir des « clarifications exhaustives » et le souhait du requérant d’identifier « d’autres pistes de recherche » ne constituent pas, compte tenu des considérations qui précèdent, un tel intérêt public supérieur justifiant la divulgation, au-delà des documents et des éléments déjà rendus publics, de ces informations occultées.
80 En troisième lieu, il convient de relever que la jurisprudence invoquée par le requérant et relative aux exigences de transparence liées au processus législatif n’est pas pertinente en l’espèce dès lors que les négociations relatives à l’achat de vaccins contre la COVID-19 ne s’inscrivent pas dans un tel processus (voir le point 62 ci-dessus).
81 Pour le surplus, les considérations qui précèdent ne sauraient exclure que les informations occultées puissent, à une date ultérieure à la date d’adoption de la décision attaquée, devoir être divulguées en cas de nouvelle demande d’accès portant sur les documents concernés, étant donné, en particulier, que l’exception prévue au premier alinéa de l’article 4, paragraphe 3, du règlement no 1049/2001 concerne uniquement les processus en cours et que la Commission ne saurait, en principe, se prévaloir, de manière indéfinie, du fait qu’elle serait impliquée dans la constitution d’un portefeuille de vaccins contre la COVID-19. De la même manière, ainsi qu’il ressort de l’article 4, paragraphe 7, de ce règlement, l’exception afférente à la protection du processus décisionnel n’a pas vocation à s’appliquer pour une période illimitée, mais seulement aussi longtemps que cette protection se justifie eu égard au contenu du document en cause (voir le point 63 ci-dessus).
82 À cet égard, interrogée durant l’audience sur la question de l’horizon temporel de l’ensemble des procédures de négociations visées au point 76 ci-dessus, la Commission, d’une part, a précisé que la dernière des procédures engagées en vertu du règlement 2020/521 a pris fin le 10 novembre 2021, par la conclusion d’un contrat d’achat anticipé avec Valneva, et, d’autre part, a rappelé que, en vertu de l’article 1er de ce règlement, l’aide d’urgence activée pour permettre la conclusion de contrats d’achat anticipé couvrait des dépenses pour une période qui s’est terminée le 31 janvier 2022.
83 Partant, il y a lieu d’écarter le troisième moyen comme étant non fondé.
Sur le quatrième moyen, tiré de la violation de l’article 4, paragraphe 2, premier tiret, du règlement no 1049/2001 en raison d’une application irrégulière de l’exception relative à la protection des intérêts commerciaux d’un tiers
84 Le requérant fait valoir que l’exception relative à la protection des intérêts commerciaux d’une personne physique ou morale déterminée, prévue par l’article 4, paragraphe 2, premier tiret, du règlement no 1049/2001, ne s’oppose pas à la divulgation des informations occultées au titre de cette exception en l’espèce. En effet, ces informations ne constitueraient pas des secrets d’affaires au sens de l’article 2 de la directive (UE) 2016/943 du Parlement européen et du Conseil, du 8 juin 2016, sur la protection des savoir-faire et des informations commerciales non divulgués (secrets d’affaires) contre l’obtention, l’utilisation et la divulgation illicites (JO 2016, L 157, p. 1).
85 Plus généralement, lesdites informations occultées n’auraient plus de valeur commerciale étant donné que les contrats en cause auraient désormais été conclus. D’ailleurs, les contrats conclus entre la Commission, d’une part, et CureVac et AstraZeneca, d’autre part, auraient déjà été publiés.
86 La Commission conteste cette argumentation.
87 À cet égard, il y a lieu de relever que le règlement no 1049/2001 ne définit pas la notion d’intérêts commerciaux, sauf en ce qu’il précise que ces intérêts peuvent couvrir la propriété intellectuelle d’une personne physique ou morale déterminée. De plus, il ressort de l’article 4, paragraphe 7, de ce règlement que l’exception afférente auxdits intérêts commerciaux est particulière en ce qu’elle peut s’appliquer pour une période supérieure à trente ans.
88 Dans ce cadre, il y a lieu de noter que toute information relative à une société et à ses relations d’affaires ne saurait être considérée comme relevant de la protection qui doit être garantie aux intérêts commerciaux conformément à l’article 4, paragraphe 2, premier tiret, du règlement no 1049/2001, sauf à tenir en échec l’application du principe général consistant à conférer au public le plus large accès possible aux documents détenus par les institutions (voir arrêt du 9 septembre 2014, MasterCard e.a./Commission, T‑516/11, non publié, EU:T:2014:759, point 81 et jurisprudence citée). Toutefois, cette protection peut couvrir des informations commerciales sensibles, telles que des informations relatives aux stratégies commerciales d’entreprises, aux montants de leurs ventes, à leurs parts de marché ou à leurs relations commerciales (voir, en ce sens, arrêts du 28 juin 2012, Commission/Agrofert Holding, C‑477/10 P, EU:C:2012:394, points 54 à 56, et du 9 septembre 2014, MasterCard e.a./Commission, T‑516/11, non publié, EU:T:2014:759, point 83).
89 En l’espèce, la Commission a indiqué, dans la décision attaquée, que les informations occultées au titre de l’exception afférente aux intérêts commerciaux constituaient des informations relatives, notamment, aux prix, aux raisons pour lesquelles une offre en cause aurait été attractive ou à des modalités de financement, dont la divulgation au public risquerait d’endommager la position concurrentielle du producteur concerné de vaccins contre la COVID-19. Lesdites informations occultées seraient d’autant plus sensibles compte tenu du contexte très concurrentiel dans lequel interviennent les laboratoires pharmaceutiques, en particulier dans le contexte lié à la pandémie de COVID-19, en ce que ces laboratoires se concurrencent au niveau mondial en vue de fournir des vaccins contre ce virus également à des acquéreurs situés hors de l’Union.
90 À cet égard, le Tribunal estime que ces éléments, au demeurant non contestés par le requérant, justifient de considérer les informations occultées en cause comme constituant des informations commerciales sensibles et suffisent pour permettre de conclure à l’existence d’un risque raisonnablement prévisible et non purement hypothétique que la divulgation de ces informations porte atteinte à la protection des intérêts commerciaux des producteurs concernés de vaccins contre la COVID-19 concernés (voir, en ce sens, arrêt du 3 juillet 2014, Conseil/in ’t Veld, C‑350/12 P, EU:C:2014:2039, point 52 et jurisprudence citée).
91 Par ailleurs, le requérant n’a pas fait valoir un intérêt public supérieur justifiant spécifiquement la divulgation des informations commerciales sensibles occultées.
92 Pour le surplus, il découle de ce qui précède que c’est à tort que le requérant a réduit la notion d’intérêts commerciaux à celle de secrets d’affaires au sens de la directive 2016/943. En tout état de cause, contrairement à ce que fait valoir le requérant en invoquant les conditions cumulatives énoncées à l’article 2, paragraphe 1, de cette directive, il suffit de constater que, à l’aune des éléments exposés dans la décision attaquée et rappelés au point 89 ci-dessus, les informations occultées au titre de l’exception afférente à la protection des intérêts commerciaux constituent bien des informations qui ne sont pas généralement connues des personnes appartenant aux milieux qui s’occupent du genre d’informations en question, au sens de cette disposition. De plus, il ne ressort pas du dossier que ces informations n’ont pas fait l’objet de dispositions raisonnables destinées à les garder secrètes, de sorte que rien n’indique que lesdites informations seraient accessibles à des personnes autres que celles qui en ont le contrôle de façon licite.
93 Ces considérations ne sont pas remises en cause par les circonstances, avancées par le requérant, selon lesquelles les contrats conclus avec CureVac et AstraZeneca auraient été rendus publics, dès lors que, ainsi que le relève la Commission, la version de ces contrats qui a été rendue publique est une version expurgée de certaines informations commerciales sensibles. De la même manière, le fait que les questions des quantités et des délais de livraison des vaccins soient ou aient été traitées quotidiennement dans les médias européens n’implique pas que cette couverture médiatique ait permis la divulgation d’informations commerciales sensibles.
94 Partant, il y a lieu d’écarter le quatrième moyen comme étant non fondé.
95 Pour le reste, dans la mesure où le requérant a invoqué, indépendamment des quatre moyens qu’il soulève, une violation de l’article 2, paragraphe 1, du règlement no 1049/2001, il convient d’écarter ce grief dès lors que, ainsi qu’il découle des considérations qui précèdent, le Tribunal écarte les quatre moyens relatifs aux violations alléguées des exceptions prévues par l’article 4 de ce règlement.
96 Il découle de l’ensemble des considérations qui précèdent que le présent recours doit être rejeté dans son intégralité.
Sur les dépens
97 Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Le requérant ayant succombé, il y a lieu de le condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (huitième chambre)
déclare et arrête :
1) Le recours est rejeté.
2) M. Hans-Wilhelm Saure est condamné aux dépens.
Svenningsen | Barents | Mac Eochaidh |
Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 7 septembre 2022.
Signatures
* Langue de procédure : l’allemand.
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