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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) |
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You are here: BAILII >> Databases >> Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) >> Esedra v Parliament (Public service contracts - Tendering procedure - Complete management of the Parliament's childcare facility in Brussel - Judgment) French Text [2022] EUECJ T-46/22 (14 December 2022) URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2022/T4622.html Cite as: ECLI:EU:T:2022:803, [2022] EUECJ T-46/22, EU:T:2022:803 |
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ARRÊT DU TRIBUNAL (deuxième chambre)
14 décembre 2022 (*)
« Marchés publics de services – Procédure d’appel d’offres – Gestion complète de la structure d’accueil petite enfance du Parlement à Bruxelles – Rejet de l’offre d’un soumissionnaire – Offre anormalement basse – Conformité d’une offre avec les conditions prévues par le cahier des charges – Obligation de motivation – Erreurs manifestes d’appréciation »
Dans l’affaire T‑46/22,
Esedra, établie à Bruxelles (Belgique), représentée par Me M. Vastmans, avocate,
partie requérante,
contre
Parlement européen, représenté par Mme M. Pencheva et M. M. Kazek, en qualité d’agents,
partie défenderesse,
LE TRIBUNAL (deuxième chambre),
composé de Mme A. Marcoulli (rapporteure), présidente, M. S. Frimodt Nielsen et Mme V. Tomljenović, juges,
greffier : M. E. Coulon,
vu l’ordonnance du 3 mars 2022, Esedra/Parlement (T‑46/22 R, non publiée, EU:T:2022:115),
vu la phase écrite de la procédure,
vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure et ayant décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,
rend le présent
Arrêt
1 Par son recours, la requérante, Esedra, demande, d’une part, sur le fondement de l’article 263 TFUE, l’annulation de la décision du Parlement européen du 26 novembre 2021, intitulée « Procédure de passation de marché PE PERS 2021 027 – Gestion complète de la structure d’accueil petite enfance du Parlement européen à Bruxelles, sise rue Wayenberg », rejetant l’offre soumise par elle dans le cadre de l’appel d’offres et attribuant le marché à un autre soumissionnaire (ci-après la « décision attaquée »), et, d’autre part, sur le fondement de l’article 268 TFUE, réparation du préjudice qu’elle aurait subi du fait de cette décision.
Antécédents du litige
2 La requérante est une société de droit belge spécialisée dans le service à la petite enfance.
3 Le 23 juillet 2021, le Parlement a lancé l’appel d’offres PE PERS 2021 027, relatif à un contrat de prestations de services dont l’objet était la gestion complète (administrative, pédagogique, alimentaire et relative à l’hygiène) d’une structure d’accueil petite enfance située dans les bâtiments du Parlement européen à Bruxelles (Belgique), rue Wayenberg (ci-après la « crèche du Wayenberg »). La procédure choisie pour l’attribution du marché en cause était la procédure ouverte.
4 Le 6 septembre 2021, la requérante a déposé une offre dans le cadre de cette procédure d’appel d’offres.
5 Par la décision attaquée, le Parlement a informé la requérante que son offre n’avait pas été retenue, au motif que celle-ci n’avait pas obtenu le plus grand nombre de points à l’évaluation des critères qualitatifs et financiers et qu’elle n’avait donc pu être déclarée comme étant économiquement la plus avantageuse au sens du point 15 du cahier des charges.
6 Par lettre du 29 novembre 2021, la requérante a demandé au Parlement de lui communiquer les raisons pour lesquelles son offre n’avait pas été retenue et, en particulier, les points obtenus dans le cadre de l’évaluation des critères qualitatifs et financiers.
7 Par lettre du 3 décembre 2021, le Parlement a transmis à la requérante les informations complémentaires qu’elle lui avait demandées par son courrier du 29 novembre 2021.
8 Par lettre du 6 décembre 2021, la requérante a contesté l’attribution du marché en cause à la société attributaire du marché.
9 Par lettre du 13 décembre 2021, le Parlement a répondu aux griefs soulevés par la requérante dans son courrier du 6 décembre 2021.
10 Le 14 décembre 2021, le Parlement a signé le contrat de prestations de services avec la société attributaire du marché.
Conclusions des parties
11 La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– annuler la décision attaquée ;
– condamner le Parlement à l’indemniser du préjudice subi ;
– condamner le Parlement aux dépens.
12 Le Parlement conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– rejeter le recours comme étant en partie irrecevable et, en tout état de cause, comme étant non fondé ;
– condamner la requérante aux dépens.
En droit
Sur les conclusions en annulation
13 Au soutien de ses conclusions en annulation, la requérante invoque deux moyens. Le premier moyen est notamment tiré de la violation du cahier des charges, de la violation de dispositions réglementaires ainsi que d’erreurs manifestes d’appréciation commises par le Parlement dans le cadre de la procédure d’attribution du marché en cause. Le second moyen est tiré en particulier du fait que l’attributaire n’aurait pu obtenir le marché en cause dans la mesure où il ne remplissait pas l’une des conditions d’exécution du marché et où il n’était pas en mesure de remplir cette condition avant le début de l’exécution du contrat en cause.
14 À titre liminaire, il importe de rappeler que le Parlement dispose d’un large pouvoir d’appréciation quant aux éléments à prendre en considération en vue de la prise d’une décision de passer un marché sur appel d’offres. Le contrôle juridictionnel appliqué à l’exercice de ce pouvoir d’appréciation se limite, dès lors, à la vérification du respect des règles de procédure et de motivation ainsi que de l’exactitude matérielle des faits, de l’absence d’erreur manifeste d’appréciation et de détournement de pouvoir (arrêts du 6 juillet 2005, TQ3 Travel Solutions Belgium/Commission, T‑148/04, EU:T:2005:274, point 47, et du 17 octobre 2012, Evropaïki Dynamiki/Cour de justice, T‑447/10, non publié, EU:T:2012:553, point 69 ; voir également, en ce sens, arrêt du 23 novembre 1978, Agence européenne d’intérims/Commission, 56/77, EU:C:1978:208, point 20).
Sur le premier moyen, tiré notamment de la violation du cahier des charges, de la violation de dispositions réglementaires ainsi que d’erreurs manifestes d’appréciation
15 Le premier moyen est divisé en trois branches tirées, en substance, premièrement, de l’octroi indu de points supplémentaires à l’offre de l’attributaire pour la mise à disposition de personnel additionnel, deuxièmement, de l’absence d’examen du caractère anormalement bas de l’offre de l’attributaire et, troisièmement, de la modification des conditions d’exécution du marché en cause en raison de l’exigence d’un Covid safe ticket (pass sanitaire) pour l’accès aux bâtiments du Parlement.
16 D’emblée, il y a lieu de relever que la requérante invoque également, à l’appui de son premier moyen, une violation de l’article 170 TFUE, sans toutefois aborder cette prétendue violation au sein de son argumentation. Or, en vertu de l’article 21, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, applicable à la procédure devant le Tribunal conformément à l’article 53, premier alinéa, du même statut, et de l’article 76, sous d), du règlement de procédure du Tribunal, la requête doit, notamment, contenir l’objet du litige et un exposé sommaire des moyens invoqués. Ces éléments doivent être suffisamment clairs et précis pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal de statuer sur le recours, le cas échéant sans autres informations. Afin de garantir la sécurité juridique et une bonne administration de la justice, il est nécessaire, pour qu’un recours soit recevable, que les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels celui-ci se fonde ressortent, à tout le moins sommairement, mais d’une façon cohérente et compréhensible, du texte de la requête elle-même (ordonnances du 28 avril 1993, De Hoe/Commission, T‑85/92, EU:T:1993:39, point 20, et du 21 mai 1999, Asia Motor France e.a./Commission, T‑154/98, EU:T:1999:109, point 49). Il s’ensuit que la simple allégation de la requérante selon laquelle l’article 170 TFUE a été violé est irrecevable.
– Sur la première branche, tirée de l’octroi indu de points supplémentaires à l’offre de l’attributaire pour la mise à disposition de personnel additionnel
17 La requérante reproche au Parlement d’avoir octroyé plus de points à l’offre de l’attributaire en raison du personnel supplémentaire affecté par celui-ci à l’exécution du marché. En substance, il ne ressortirait pas de la motivation fournie par le Parlement quelle serait la plus-value du personnel supplémentaire proposé par l’attributaire et il n’en ressortirait pas non plus que le Parlement aurait examiné si une telle plus-value existait, de sorte qu’il aurait violé son obligation de motivation ainsi que son propre cahier des charges, qui lui imposait d’examiner minutieusement les offres reçues. En outre, le Parlement aurait commis une erreur manifeste d’appréciation en ne tenant pas compte du personnel supplémentaire proposé par la requérante dans son offre.
18 Le Parlement conteste les arguments de la requérante.
19 En premier lieu, en ce qui concerne la motivation de la décision attaquée, la requérante fait valoir que le Parlement n’a pas suffisamment démontré quels seraient, pour le marché en cause, les avantages résultant des ressources humaines supplémentaires proposées par l’attributaire.
20 À cet égard, selon l’article 170, paragraphe 2, du règlement (UE, Euratom) 2018/1046 du Parlement européen et du Conseil, du 18 juillet 2018, relatif aux règles financières applicables au budget général de l’Union, modifiant les règlements (UE) no 1296/2013, (UE) no 1301/2013, (UE) no 1303/2013, (UE) no 1304/2013, (UE) no 1309/2013, (UE) no 1316/2013, (UE) no 223/2014, (UE) no 283/2014 et la décision no 541/2014/UE, et abrogeant le règlement (UE, Euratom) no 966/2012 (JO 2018, L 193, p. 1, ci-après le « règlement financier »), le pouvoir adjudicateur communique à tout soumissionnaire les motifs du rejet de son offre.
21 L’article 170, paragraphe 3, sous a), du règlement financier dispose que, sauf exception, le pouvoir adjudicateur communique à tout soumissionnaire dont l’offre est conforme aux documents de marché et qui en fait la demande par écrit le nom du soumissionnaire à qui le marché est attribué et les caractéristiques et les avantages relatifs de l’offre retenue, le prix payé ou la valeur du marché.
22 Le point 31.1, premier et deuxième alinéas, de l’annexe I du règlement financier dispose :
« Le pouvoir adjudicateur informe, par voie électronique, tous les candidats ou soumissionnaires, simultanément et individuellement, des décisions prises concernant l’issue de la procédure dès que possible […]
Le pouvoir adjudicateur indique dans chaque cas les motifs du rejet de l’offre ou de la demande de participation ainsi que les voies de recours disponibles. »
23 Il y a lieu de relever que, lorsqu’une institution dispose d’un large pouvoir d’appréciation (voir point 14 ci-dessus), le respect des garanties conférées par l’ordre juridique de l’Union européenne dans les procédures administratives revêt une importance d’autant plus fondamentale. Parmi ces garanties figure, notamment, l’obligation pour l’institution compétente de motiver de façon suffisante ses décisions. C’est seulement ainsi que le juge de l’Union est en mesure de vérifier si les éléments de fait et de droit dont dépend l’exercice du pouvoir d’appréciation ont été réunis (arrêts du 21 novembre 1991, Technische Universität München, C‑269/90, EU:C:1991:438, point 14, et du 17 octobre 2012, Evropaïki Dynamiki/Cour de justice, T‑447/10, non publié, EU:T:2012:553, point 70).
24 Il résulte des dispositions mentionnées aux points 20 à 22 ci-dessus ainsi que de la jurisprudence du Tribunal que le pouvoir adjudicateur satisfait à son obligation de motivation s’il se contente, tout d’abord, d’informer les soumissionnaires écartés des motifs du rejet de leurs demandes de participation ou de leurs offres et, ensuite, de fournir aux soumissionnaires qui en font la demande expresse les caractéristiques et les avantages relatifs de l’offre retenue ainsi que le nom du soumissionnaire auquel le marché a été attribué (arrêt du 17 octobre 2012, Evropaïki Dynamiki/Cour de justice, T‑447/10, non publié, EU:T:2012:553, point 71).
25 Cette façon de procéder est conforme à la finalité de l’obligation de motivation inscrite à l’article 296 TFUE, selon laquelle il convient de faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’auteur de l’acte, de façon, d’une part, à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise afin de faire valoir leurs droits et, d’autre part, à permettre au juge d’exercer son contrôle (arrêt du 17 octobre 2012, Evropaïki Dynamiki/Cour de justice, T‑447/10, non publié, EU:T:2012:553, point 72).
26 En outre, il importe de rappeler que l’exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires ou d’autres personnes concernées directement et individuellement par l’acte peuvent avoir à recevoir des explications (arrêt du 17 octobre 2012, Evropaïki Dynamiki/Cour de justice, T‑447/10, non publié, EU:T:2012:553, point 73).
27 Pour déterminer si, en l’espèce, il est satisfait aux exigences de l’obligation de motivation prévue par le règlement financier, il convient d’examiner la décision attaquée, la lettre du Parlement du 3 décembre 2021, envoyée à la requérante en réponse à sa demande d’obtention d’informations complémentaires sur le rejet de son offre, et la lettre du Parlement du 13 décembre 2021, envoyée à la requérante en réponse à sa demande de ne pas conclure le contrat avec l’attributaire et de renoncer à attribuer le marché en cause pour adapter les conditions d’exécution de celui-ci. En effet, il ressort de la jurisprudence que, lorsque l’institution concernée envoie une lettre, à la suite d’une demande d’explications supplémentaires au sujet d’une décision, avant l’introduction d’un recours, cette lettre peut aussi être prise en considération pour examiner si la motivation en l’espèce était suffisante. L’obligation de motivation doit effectivement être appréciée en fonction des éléments d’information dont la requérante disposait au moment de l’introduction du recours, étant entendu, toutefois, que l’institution n’est pas autorisée à substituer une motivation entièrement nouvelle à la motivation initiale (voir, en ce sens, arrêt du 14 janvier 2015, Veloss International et Attimedia/Parlement, T‑667/11, non publié, EU:T:2015:5, point 56).
28 En l’espèce, en premier lieu, par la décision attaquée, le Parlement a communiqué à la requérante les motifs du rejet de son offre – à savoir le fait que son offre n’avait pas obtenu le plus grand nombre de points à l’évaluation des critères qualitatifs et financiers, de sorte qu’elle n’était pas l’offre économiquement la plus avantageuse – ainsi que les voies de recours disponibles. Dès lors, les informations requises par l’article 170, paragraphe 2, du règlement financier et par le point 31.1, premier et deuxième alinéas, de l’annexe I de ce règlement ont été communiquées à la requérante.
29 En second lieu, le 29 novembre 2021, la requérante a formulé une demande visant à obtenir des informations supplémentaires sur la décision d’attribution. Par lettre du 3 décembre 2021, le Parlement lui a communiqué l’identité du soumissionnaire retenu ainsi que les éléments suivants :
– un tableau dans lequel figuraient les points obtenus par la requérante et par l’attributaire pour chaque critère de qualité ainsi que le total de points obtenu par chacun d’eux ;
– un tableau dans lequel figuraient les points obtenus par la requérante et par l’attributaire pour chaque sous-critère de qualité ainsi que le total de points obtenu par chacun d’eux ;
– s’agissant des critères de qualité pour lesquels l’attributaire avait obtenu plus de points que la requérante, un résumé des principaux avantages de l’offre de l’attributaire en comparaison avec celle de la requérante ; en particulier, en ce qui concerne le « critère qualitatif no 1 », intitulé « Structure organisationnelle proposée » (ci-après le « critère qualitatif no 1 »), le Parlement a relevé que l’offre de l’attributaire proposait davantage de ressources humaines pour l’encadrement des enfants que les prérequis du cahier des charges (à savoir 10 % de plus) et que l’offre de la requérante ;
– le prix proposé par l’attributaire ainsi que les points obtenus par celui-ci et par la requérante pour le critère financier.
30 En outre, le 6 décembre 2021, la requérante a émis des critiques à l’encontre de la décision d’attribution, en particulier s’agissant de l’absence d’indication du Parlement quant à la valeur ajoutée des ressources humaines supplémentaires proposées par l’attributaire pour le critère qualitatif no 1. Par lettre du 13 décembre 2021, le Parlement a d’abord précisé que l’évaluation du critère qualitatif no 1 était fondée sur les ressources humaines supplémentaires proposées pour lesquelles une valeur ajoutée était démontrée, mais également sur la description du processus organisationnel mis en place pour respecter les exigences minimales du cahier des charges ainsi que les horaires de base de chaque intervenant. S’agissant plus particulièrement des ressources humaines supplémentaires proposées par l’attributaire, le Parlement a indiqué que le comité avait évalué favorablement la mise à disposition de personnel d’encadrement supplémentaire par rapport aux exigences de base fixées dans le cahier des charges dans la mesure où, premièrement, l’encadrement des enfants était un élément majeur et déterminant pour le bon fonctionnement de la crèche, deuxièmement, cela garantissait une plus grande disponibilité pour les enfants et, troisièmement, cela représentait un atout en termes de stabilité et de continuité de service. Dès lors, la requérante ne saurait soutenir que les avantages résultant des ressources humaines supplémentaires proposées par l’attributaire ne ressortent pas des informations fournies par le Parlement ou que le Parlement ne donnerait pas d’éléments concrets afin d’établir un lien entre l’encadrement des enfants et le personnel d’encadrement supplémentaire. Par conséquent, le Parlement a présenté de manière suffisamment précise ces avantages dans sa motivation pour que la requérante comprenne en quoi ceux-ci consistaient.
31 La requérante ne saurait non plus reprocher au Parlement de lui avoir uniquement indiqué, sans autre précision, que l’attributaire avait proposé du personnel d’encadrement supplémentaire. Dans sa lettre du 3 décembre 2021, le Parlement a indiqué que l’attributaire avait proposé 10 % de ressources humaines de plus que le prérequis du cahier des charges. La requérante, qui connaissait les prérequis du cahier des charges, était donc en mesure de calculer le nombre exact de personnes supplémentaires proposé par l’attributaire. S’agissant de la fonction exercée par ces personnes, ainsi que cela ressort expressément de la lettre du 3 décembre 2021, il s’agit de celle d’encadrement des enfants. Quant aux informations relatives à la disponibilité de ce personnel, à sa plage horaire, à la section dans laquelle il travaillera et selon quelle organisation, il ne ressort pas des dispositions pertinentes et de la jurisprudence rappelées aux points 20 à 25 ci-dessus que le Parlement était tenu de communiquer à la requérante des informations aussi précises afin de satisfaire à son obligation de motivation, pour autant que les informations qui lui ont été fournies lui permettaient de comprendre les raisons pour lesquelles son offre n’avait pas été retenue, ce qui est le cas en l’espèce. En outre, il ne saurait être exigé du Parlement qu’il transmette un résumé minutieux de l’appréciation de l’offre du soumissionnaire évincé, une analyse comparative minutieuse de l’offre retenue avec celle du soumissionnaire évincé ou encore une copie complète du rapport d’évaluation (voir arrêt du 4 octobre 2012, Evropaïki Dynamiki/Commission, C‑629/11 P, non publié, EU:C:2012:617, points 21 et 22 et jurisprudence citée).
32 Il s’ensuit que le Parlement a satisfait à son obligation de motivation en communiquant le nom de l’attributaire ainsi que les caractéristiques et les avantages relatifs de l’offre retenue, lesquels ont fait apparaître les justifications de la décision attaquée. Partant, conformément aux dispositions pertinentes et à la jurisprudence constante citées aux points 20 à 25 ci-dessus, les éléments fournis par le Parlement ont permis à la requérante de comprendre les raisons pour lesquelles son offre n’avait pas été retenue.
33 En outre, en ce qui concerne les autres arguments soulevés par la requérante, celle-ci prétend, premièrement, que le Parlement n’aurait pas examiné minutieusement les offres reçues et aurait, par conséquent, violé son propre cahier des charges, qui lui imposait d’apprécier concrètement et effectivement la plus-value du personnel supplémentaire proposé.
34 Dans la description détaillée des critères qualitatifs, s’agissant du critère qualitatif no 1, le cahier des charges stipule, au point 16.1, que :
« […] Toute ressource additionnelle aux exigences minimales du cahier des charges, que le soumissionnaire s’engage à mettre à disposition de manière permanente, sera prise en compte au moment de l’évaluation.
Le soumissionnaire démontrera la valeur ajoutée de ces ressources supplémentaires dans le projet global de la crèche […] »
35 En l’espèce, il ressort de la décision attaquée ainsi que des lettres des 3 et 13 décembre 2021 (voir points 28 à 30 ci-dessus) que le Parlement a analysé la valeur ajoutée résultant des ressources humaines supplémentaires proposées par l’attributaire conformément aux exigences posées par son propre cahier des charges. Contrairement à ce qu’avance la requérante, le Parlement a démontré avoir apprécié concrètement et effectivement la valeur ajoutée de celles-ci, puisqu’il a identifié trois avantages, rappelés au point 30 ci-dessus, qui en résulteraient pour l’encadrement des enfants. Le Parlement a donc respecté le processus d’analyse fixé par son propre cahier des charges et ne s’est pas contenté de faire une appréciation strictement arithmétique du critère qualitatif no 1. Dès lors, dans la mesure où la requérante se limite à faire valoir, au soutien de son argument, que le Parlement n’a pas analysé minutieusement les offres reçues ni démontré avoir réalisé une telle analyse sans pour autant remettre en cause les trois avantages identifiés par cette institution s’agissant des ressources humaines supplémentaires proposées par l’attributaire, son argument ne peut pas prospérer.
36 Deuxièmement, la requérante prétend que le Parlement a commis une erreur manifeste en ne tenant pas compte, dans son appréciation du critère qualitatif no 1, du fait qu’elle proposait elle-même, dans son offre, 7,1 % de ressources humaines de plus pour l’encadrement des enfants que les prérequis du cahier des charges. Il n’en ferait d’ailleurs pas mention dans la décision attaquée.
37 Outre que la requérante se contente d’avancer cette prétendue erreur manifeste d’appréciation du Parlement sans présenter d’élément concret au soutien de cet argument, il suffit de relever que, dans son courrier du 3 décembre 2021, le Parlement a indiqué que l’attributaire proposait « davantage de ressources humaines pour l’encadrement des enfants que les prérequis du cahier des charges (10 %) et que [l’offre de la requérante] ». Il ressort donc de ce courrier que le Parlement avait relevé que l’offre de la requérante, bien que proposant moins de personnel pour cette tâche que l’attributaire, allait également au-delà des exigences minimales posées par le cahier des charges en termes de ressources humaines pour l’encadrement des enfants. Il en découle que les ressources humaines supplémentaires proposées par la requérante ont été prises en compte par le Parlement dans son analyse de l’offre présentée par celle-ci.
38 Eu égard à ce qui précède, la première branche du premier moyen doit être rejetée comme étant non fondée.
– Sur la deuxième branche, tirée de l’absence d’examen du caractère anormalement bas de l’offre de l’attributaire
39 La requérante reproche au Parlement d’avoir méconnu le point 23 de l’annexe I du règlement financier en ne procédant pas à un examen des prix des offres reçues. Si le Parlement avait procédé à un tel examen, il aurait nécessairement constaté le prix anormalement bas de l’offre de l’attributaire, celui-ci proposant plus de personnel que la requérante à un prix pourtant inférieur. En outre, la motivation présentée par le Parlement ne permettrait pas de vérifier si un contrôle des prix a été fait et, si tel a été le cas, de comprendre le contrôle effectué.
40 Le Parlement conteste les arguments de la requérante.
41 La notion d’« offre anormalement basse » n’est pas définie par les dispositions du règlement financier. Il a cependant été jugé que le caractère anormalement bas d’une offre être apprécié par rapport à sa composition et par rapport à la prestation en cause (voir arrêt du 4 juillet 2017, European Dynamics Luxembourg e.a./Agence de l’Union européenne pour les chemins de fer, T‑392/15, EU:T:2017:462, point 83 et jurisprudence citée).
42 En vertu du point 23.1 de l’annexe I du règlement financier, dans le cas d’offres anormalement basses, le pouvoir adjudicateur demande les précisions qu’il juge opportunes sur la composition de l’offre.
43 L’obligation, pour un pouvoir adjudicateur, de vérifier le sérieux d’une offre résulte de l’existence préalable de doutes quant à sa fiabilité, le point 23.1 de l’annexe I du règlement financier ayant pour objet principal de permettre à un soumissionnaire de ne pas être écarté d’une procédure d’appel d’offres sans avoir eu la possibilité de justifier la teneur de son offre qui apparaîtrait anormalement basse. Ce n’est donc que lorsque de tels doutes existent que le comité d’évaluation est tenu de demander des précisions opportunes sur la composition de l’offre, avant, le cas échéant, de la rejeter conformément au point 23.2 de ladite annexe. En revanche, dans l’hypothèse où une offre n’apparaîtrait pas comme anormalement basse aux termes dudit point 23.1, celui-ci ne s’applique pas (voir, en ce sens, arrêt du 4 juillet 2017, European Dynamics Luxembourg e.a./Agence de l’Union européenne pour les chemins de fer, T‑392/15, EU:T:2017:462, point 85 et jurisprudence citée).
44 Il résulte de ce qui précède que l’appréciation, par le pouvoir adjudicateur, de l’existence d’offres anormalement basses est effectuée, le cas échéant, en deux temps.
45 Dans un premier temps, le pouvoir adjudicateur apprécie si le prix ou les coûts proposés dans l’offre « apparaissent » anormalement bas. L’usage du verbe « apparaître » au point 23.1 de l’annexe I du règlement financier implique que le pouvoir adjudicateur procède à une appréciation prima facie du caractère anormalement bas d’une offre, et non qu’il procède d’office à une analyse détaillée de la composition de chaque offre afin d’établir qu’elle ne constitue pas une offre anormalement basse. Ainsi, lors de cette première phase, le pouvoir adjudicateur doit uniquement déterminer si les offres soumises contiennent un indice de nature à éveiller le soupçon qu’elles pourraient être anormalement basses. Tel est notamment le cas lorsque le prix proposé dans une offre est considérablement inférieur à celui des autres offres ou au prix habituel du marché. Si les offres soumises ne contiennent pas un tel indice et n’apparaissent donc pas anormalement basses, le pouvoir adjudicateur peut poursuivre leur évaluation et la procédure d’attribution du marché (voir, en ce sens, arrêt du 4 juillet 2017, European Dynamics Luxembourg e.a./Agence de l’Union européenne pour les chemins de fer, T‑392/15, EU:T:2017:462, point 88).
46 Dans un second temps, s’il existe des indices de nature à éveiller le soupçon qu’une offre pourrait être anormalement basse, le pouvoir adjudicateur doit en revanche procéder à la vérification de la composition de cette offre afin de s’assurer que celle-ci n’est pas anormalement basse. Lorsqu’il procède à une telle vérification, il a l’obligation de donner au soumissionnaire en cause la possibilité d’exposer les raisons pour lesquelles il estime que son offre n’est pas anormalement basse. Il doit ensuite apprécier les explications fournies et déterminer si l’offre en question présente un caractère anormalement bas, auquel cas il est dans l’obligation de la rejeter (arrêt du 4 juillet 2017, European Dynamics Luxembourg e.a./Agence de l’Union européenne pour les chemins de fer, T‑392/15, EU:T:2017:462, point 89).
47 Quant à la portée de l’obligation de motivation qui incombe au pouvoir adjudicateur lorsqu’il considère que l’offre retenue n’apparaît pas anormalement basse, il ressort des règles régissant les offres anormalement basses reprises aux points 41 à 46 ci-dessus et, en particulier, de ce que le pouvoir adjudicateur doit, dans un premier temps, procéder uniquement à une appréciation prima facie du caractère anormalement bas d’une offre, que son obligation de motivation a une portée restreinte (voir, en ce sens, arrêt du 26 avril 2018, European Dynamics Luxembourg et Evropaïki Dynamiki/Commission, T‑752/15, non publié, EU:T:2018:233, point 86). En effet, contraindre le pouvoir adjudicateur à exposer de manière détaillée les raisons pour lesquelles une offre ne lui semble pas anormalement basse reviendrait à ne pas tenir compte de la distinction entre les deux phases de l’analyse prévue au point 23 de l’annexe I du règlement financier (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 4 juillet 2017, European Dynamics Luxembourg e.a./Agence de l’Union européenne pour les chemins de fer, T‑392/15, EU:T:2017:462, point 92).
48 En particulier, lorsqu’un pouvoir adjudicateur retient une offre, il n’est pas tenu d’indiquer explicitement, en réponse à toute demande de motivation qui lui est présentée en application de l’article 170, paragraphe 3, du règlement financier, les raisons pour lesquelles l’offre qu’il a retenue ne lui est pas apparue anormalement basse. En effet, si ladite offre est retenue par le pouvoir adjudicateur, il s’ensuit, implicitement mais nécessairement, qu’il a considéré qu’il n’existait pas d’indices révélant qu’elle était anormalement basse. De tels motifs, en revanche, doivent être portés à la connaissance du soumissionnaire évincé qui en fait la demande expresse (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 4 juillet 2017, European Dynamics Luxembourg e.a./Agence de l’Union européenne pour les chemins de fer, T‑392/15, EU:T:2017:462, point 93).
49 En l’espèce, le prix de l’offre de l’attributaire était de 398 359 euros tandis que le prix de l’offre de la requérante était de 428 043,30 euros, soit une différence de prix de 29 684,30 euros. Le Parlement n’a pas estimé qu’il existait un indice de nature à éveiller le soupçon que l’offre de l’attributaire était anormalement basse.
50 En premier lieu, la requérante soutient que le Parlement n’a pas respecté son obligation de motivation en ce que la motivation présentée dans la lettre du 13 décembre 2021 ne permettait pas de vérifier si le Parlement avait contrôlé le prix de l’offre de l’attributaire et, à supposer que cela ait été le cas, de comprendre le contrôle qu’il avait effectué.
51 En l’occurrence, dans sa lettre du 13 décembre 2021, en réponse à l’allégation de la requérante, dans sa lettre du 6 décembre 2021, selon laquelle le prix proposé par l’attributaire était anormalement bas, le Parlement a constaté que, contrairement à ce que la requérante considérait, l’attributaire ne proposait pas 10 % de ressources humaines de plus qu’elle pour un prix moindre. D’une part, il a précisé que le chiffre de 10 % s’appliquait uniquement aux ressources humaines prévues pour l’encadrement des enfants, et non à l’intégralité des ressources humaines comprises dans l’offre. D’autre part, il a indiqué que le chiffre de 10 % reflétait l’écart entre l’offre de l’attributaire et les exigences minimales fixées dans le cahier des charges s’agissant des ressources humaines destinées à l’encadrement des enfants, et non l’écart entre l’offre de l’attributaire et celle de la requérante pour ce critère. Le Parlement a donc implicitement considéré que la différence entre l’offre retenue et l’offre de la requérante en ce qui concernait le nombre de personnes supplémentaires proposé pour l’encadrement des enfants ne suffisait pas pour considérer que le prix proposé par l’attributaire pour l’exécution du marché, bien qu’inférieur à celui proposé par la requérante pour un personnel numériquement plus important, paraissait anormalement bas. En outre, le Parlement a précisé qu’il s’était assuré que l’offre de l’attributaire ne présentait pas un prix anormalement bas et qu’il avait contrôlé les offres en se basant sur des marchés ou sur des prestations de services similaires antérieurs au sein des institutions et sur le territoire belge.
52 Partant, le Parlement ne s’est pas borné à formuler la simple constatation selon laquelle l’offre retenue dans le cadre de la procédure d’attribution n’était pas anormalement basse ou à relever qu’il avait été estimé que ladite offre n’était pas anormalement basse, mais a communiqué à la requérante, qui en faisait la demande, les raisons pour lesquelles l’offre qu’il avait retenue ne lui était pas apparue anormalement basse, et ce conformément à l’article 170, paragraphe 3, du règlement financier. Dès lors, la requérante ne saurait valablement soutenir qu’il ne ressortait pas de la décision attaquée ainsi que des lettres du Parlement des 3 et 13 décembre 2021 que le Parlement avait effectivement vérifié le prix de cette offre.
53 La requérante ne saurait non plus soutenir que le Parlement a omis de mentionner la proportion des ressources humaines destinées à la gestion de la crèche du Wayenberg qui sera affectée à l’encadrement des enfants, de sorte qu’il lui serait « absolument impossible » de comprendre les motifs de la décision d’attribution et de s’assurer que le Parlement a réellement effectué un « contrôle de prix anormaux ». Le point 3.10 du cahier des charges spécifiait les exigences minimales en termes de ressources humaines pour l’encadrement des enfants et la description détaillée du critère qualitatif no 1 précisait la base de fréquentation quotidienne sur laquelle le processus organisationnel théorique allait être calculé. La requérante disposait donc de toutes les données nécessaires pour calculer la proportion de ressources humaines affectées à l’encadrement des enfants ainsi que pour déterminer le nombre de personnes supplémentaires proposé par l’attributaire pour cette tâche. D’ailleurs, la requérante indique elle-même dans sa requête que le cahier des charges requérait, au minimum, 56 personnes pour l’encadrement des enfants.
54 Il s’ensuit que le Parlement a satisfait à l’obligation de motivation qui incombe au pouvoir adjudicateur lorsqu’il considère que l’offre retenue n’apparaît pas anormalement basse.
55 En second lieu, la requérante prétend que le Parlement n’aurait pas effectué un contrôle du prix de l’offre de l’attributaire. S’il avait effectivement opéré un tel contrôle, il aurait nécessairement dû conclure que le prix proposé par l’attributaire était anormalement bas.
56 Le seul élément avancé par la requérante à l’appui de son argumentation est tiré du fait que l’attributaire offrirait des ressources humaines supplémentaires moyennant un prix inférieur à celui de son offre.
57 Certes, l’attributaire proposait davantage de ressources humaines que la requérante, à un prix inférieur. Toutefois, d’une part, le Parlement a précisé dans ses lettres des 3 et 13 décembre 2021 que ces ressources concernaient uniquement l’encadrement des enfants, et non, comme semble le soutenir la requérante, l’intégralité des ressources humaines prévues par le cahier des charges pour la gestion de la crèche du Wayenberg. D’autre part, la requérante et l’attributaire ayant respectivement proposé 7,1 % – chiffre qui est constant entre les parties – et 10 % de ressources humaines supplémentaires pour l’encadrement des enfants par rapport au prérequis du cahier des charges, l’écart existant entre leurs offres s’agissant de ces ressources n’est pas de 10 %, comme le soutient la requérante, qui fait une lecture erronée de la lettre du 3 décembre 2021 du Parlement, mais de 2,9 %.
58 Or, la différence de 2,9 % entre le nombre de personnes proposées par l’attributaire et par la requérante pour l’encadrement des enfants est, dans les faits, négligeable. Plus précisément, la requérante prétend que le Parlement exigeait, au minimum, 56 personnes pour l’encadrement des enfants, ce que le Parlement ne conteste pas. Par conséquent, la requérante, en présentant 7,1 % de personnes de plus que les exigences minimales du cahier des charges, a proposé 4 personnes supplémentaires, tandis que l’attributaire, en présentant 10 % de personnes de plus que ces exigences, a proposé 5,6 personnes supplémentaires. Une différence de 1,6 « personne » pour l’encadrement des enfants ne paraît pas constituer un élément à prendre en considération afin de déterminer si le Parlement aurait dû constater que l’offre de l’attributaire paraissait anormalement basse, et ce quand bien même le poste relatif au personnel destiné à l’encadrement des enfants constituait un poste non négligeable des offres soumises.
59 En ce qui concerne la différence de prix de 6,93 % entre l’offre de la requérante et celle de l’attributaire, il convient de rappeler que, même si le prix proposé par l’attributaire est plus bas que celui proposé par la requérante, cela n’est pas en soi la preuve que l’offre de l’attributaire devait être considérée comme étant anormalement basse (voir, en ce sens, arrêt du 26 janvier 2017, TV1/Commission, T‑700/14, non publié, EU:T:2017:35, point 58 et jurisprudence citée). Or, la requérante n’avance pas d’argument permettant de considérer que, eu égard aux particularités du secteur en cause, la différence de prix entre son offre et l’offre retenue était susceptible, par elle-même, de prouver que cette dernière présentait un caractère anormalement bas.
60 Quoi qu’il en soit, l’offre de l’attributaire n’est pas considérablement inférieure, au sens de la jurisprudence citée au point 45 ci-dessus, à celle de la requérante. L’écart de 6,93 % entre l’offre de la requérante et celle de l’attributaire pourrait notamment résulter d’un effort sur les prix, et donc sur la marge bénéficiaire réalisée par l’attributaire (arrêts du 8 octobre 2015, Secolux/Commission, T‑90/14, non publié, EU:T:2015:772, point 64, et du 10 septembre 2019, Trasys International et Axianseu – Digital Solutions/AESA, T‑741/17, EU:T:2019:572, point 83), sans que cet écart permette de conclure, contrairement à ce que prétend la requérante, que l’attributaire travaillerait gratuitement, voire à perte. Dès lors, cet écart ne peut être considéré comme un indice qui aurait dû éveiller un soupçon de la part du Parlement quant au caractère anormalement bas de l’offre retenue.
61 Même en prenant en considération conjointement, d’une part, le fait que l’attributaire proposait un prix inférieur de 6,93 % à celui proposé par la requérante et, d’autre part, le fait que l’attributaire proposait 1,6 « personne » de plus que la requérante, cela n’était pas de nature à éveiller les soupçons du Parlement quant au caractère anormalement bas de l’offre retenue.
62 Enfin, afin de démontrer que l’attributaire ne pouvait proposer davantage de personnel qu’elle à un prix inférieur au sien de 6,93 %, la requérante prétend encore que l’attributaire n’avait aucune connaissance de la situation salariale des employés de la crèche du Wayenberg, puisqu’il n’était pas actif sur le marché belge. Cet argument n’étant pas étayé, il ne saurait prospérer.
63 Partant, le Parlement n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation en considérant que l’offre de l’attributaire n’apparaissait pas anormalement basse, mais uniquement économiquement plus avantageuse.
64 Eu égard à ce qui précède, la deuxième branche du premier moyen doit être rejetée comme étant non fondée.
– Sur la troisième branche, tirée de la modification des conditions d’exécution du marché en raison de l’exigence d’un pass sanitaire pour l’accès aux bâtiments du Parlement
65 La requérante soutient que la décision du Parlement du 1er novembre 2021, imposant la présentation d’un pass sanitaire pour l’accès à ses bâtiments, y compris la crèche du Wayenberg, a modifié substantiellement les conditions d’exécution du marché. Cette décision étant intervenue après le dépôt des offres, les soumissionnaires n’auraient pas pu en tenir compte pour l’établissement de leur offre. Dans ces circonstances, le Parlement aurait dû renoncer au marché en cause afin d’adapter les conditions d’exécution de celui-ci. En outre, eu égard à la crise sanitaire, un pouvoir adjudicateur prudent et diligent aurait prévu une clause de réexamen dans le cahier des charges afin de garantir l’exécution du marché en cause si des mesures sanitaires exceptionnelles devaient être prises, ce que le Parlement n’aurait pas fait.
66 Le Parlement considère que la requérante n’aurait pas d’intérêt à faire valoir les arguments résumés au point 65 ci-dessus.
67 À titre liminaire, il y a lieu d’écarter la référence faite par la requérante, dans le cadre de la présente branche, au point 23 de l’annexe I du règlement financier. Comme cela est indiqué au point 42 ci-dessus, cette disposition, intitulée « Offres anormalement basses », décrit la procédure qu’un pouvoir adjudicateur doit suivre lorsque le prix ou les coûts proposés dans une offre apparaissent anormalement bas. Elle ne peut donc servir, sans autre explication de la part de la requérante, de fondement aux prétentions présentées dans le cadre de la troisième branche du premier moyen.
68 Il y a également lieu d’écarter l’argument du Parlement selon lequel la requérante n’aurait pas d’intérêt à l’annulation de la décision attaquée dans le cas où cette annulation serait fondée sur le fait que l’appel d’offres ne prévoyait pas, comme condition d’exécution, la présentation d’un pass sanitaire pour l’accès aux bâtiments du Parlement. Cet argument repose sur une interprétation erronée des arguments de la requérante. Contrairement à ce que prétend le Parlement, ceux-ci ne laissent pas penser que la requérante ne serait pas intéressée par le marché en cause si l’accès à la crèche du Wayenberg était conditionné par la présentation d’un pass sanitaire.
69 En premier lieu, l’argumentation de la requérante selon laquelle, en substance, le Parlement n’aurait pas pu attribuer le marché en cause, mais aurait dû renoncer à celui-ci et adapter ses conditions d’exécution, est fondée sur la décision du Parlement du 1er novembre 2021, imposant la présentation d’un pass sanitaire pour l’accès à ses bâtiments, qui couvrait la période allant du 1er novembre 2021 au 31 janvier 2022. Or, l’exécution du marché en cause débutait le 1er février 2022. Cette décision ne pouvait donc produire des effets sur l’exécution du marché en cause. Cependant, si la requérante ne conteste pas ce fait, elle considère, en substance, que le Parlement aurait dû prévoir qu’une telle mesure pouvait être prolongée et qu’il aurait donc dû renoncer au marché en cause afin d’adapter les conditions d’exécution de celui-ci au regard des nouvelles exigences liées à la crise sanitaire.
70 À supposer même que le devoir de prudence imposerait au Parlement de renoncer à des appels d’offres en cours afin de modifier les conditions de ceux-ci en raison d’éventuels évènements futurs, la requérante n’indique pas les raisons pour lesquelles la vérification d’un pass sanitaire à l’entrée de la crèche du Wayenberg modifierait les obligations de l’attributaire. Elle n’apporte pas d’élément au soutien de son affirmation selon laquelle la vérification d’un pass sanitaire à l’entrée de la crèche du Wayenberg aurait une incidence sur le personnel affecté à l’encadrement des enfants et donc sur les offres des soumissionnaires qui auraient dû prévoir, selon elle, du personnel supplémentaire. En outre, alors que tous les soumissionnaires paraissent avoir présenté leurs offres sur la base des mêmes conditions, la requérante n’expose pas les raisons pour lesquelles la modification des conditions d’accès à la crèche du Wayenberg se heurterait au principe d’égalité de traitement des soumissionnaires.
71 Partant, en se limitant à présenter une affirmation générale non étayée, la requérante n’a pas contesté par un argument exposé d’une manière suffisamment claire et précise, conformément à la jurisprudence citée au point 16 ci-dessus, la légalité de la décision attaquée, de sorte que cet argument est irrecevable.
72 En second lieu, en ce que la requérante reproche au Parlement de ne pas avoir agi prudemment en ne prévoyant pas, dans le cahier des charges, de clause de réexamen afin de garantir l’exécution du marché en cause si des mesures exceptionnelles visant à freiner la propagation de la COVID-19 devaient être prises, il doit être constaté que cet argument manque de clarté. Il est difficile de comprendre ce que la requérante entend viser par « clause de réexamen ». Il est également difficile de comprendre si la requérante soutient, d’une part, que le Parlement aurait dû prévoir une clause de réexamen dans le cahier des charges afin d’assurer l’exécution du marché en cause ou si elle soutient, d’autre part, dans le prolongement de son premier argument, que, en l’absence d’une clause de réexamen prévue dans le cahier des charges, le Parlement ne pouvait pas modifier les conditions d’exécution du marché au cours de la procédure d’appel d’offres.
73 Par conséquent, ce second argument ne respecte pas non plus les exigences rappelées au point 16 ci-dessus et doit donc également être déclaré irrecevable.
74 Eu égard à ce qui précède, la troisième branche du premier moyen doit être rejetée comme étant irrecevable.
Sur le second moyen, tiré du fait que l’attributaire ne remplirait pas les conditions d’exécution du marché
75 La requérante relève, en substance, que le point 3.13 du cahier des charges prévoyait que le contractant devait être détenteur d’un agrément des services à l’enfance de l’État belge, à savoir, de l’Office de la naissance et de l’enfance (ONE) ou de Kind & Gezin (Enfance et Famille) (ci-après la « condition de l’agrément »). Or, le Parlement aurait dû constater que l’attributaire ne disposait pas de cet agrément et qu’il n’était pas en mesure de l’obtenir avant le début de l’exécution du marché. En outre, alors que le point 3.13 du cahier des charges requérait que le contractant dispose d’un « agrément » de l’ONE, la requérante soutient que celui-ci n’octroierait plus des « agréments » mais des « autorisations ». La requérante précise enfin que, conformément à ce que prévoirait la législation belge, l’attributaire devrait disposer de cet agrément préalablement à toute exploitation du milieu d’accueil.
76 Le Parlement conteste les arguments de la requérante, qui seraient, en partie, non fondés et, en partie, irrecevables.
77 À titre liminaire, il convient de relever que, à l’appui de son second moyen, la requérante invoque notamment la violation du « principe de minutie » et la violation du principe patere legem quam ipse fecisti, sans toutefois aborder ces prétendues violations au sein de son argumentation. Il s’ensuit que, conformément à la jurisprudence citée au point 16 ci-dessus, ces allégations de la requérante sont irrecevables.
78 En revanche, contrairement à ce que prétend le Parlement, tant l’argument tiré de la violation de la législation belge que celui tiré d’une erreur manifeste d’appréciation consistant, pour le Parlement, en l’attribution du marché en cause à un attributaire qui, prétendument, ne pouvait obtenir avant le début de l’exécution du contrat, auprès de l’ONE ou de Enfance et Famille, l’agrément requis par le cahier des charges et la législation belge, sont suffisamment cohérents et compréhensibles pour qu’il puisse y être répondu. Ces arguments sont donc recevables.
79 Ces précisions liminaires étant faites, il convient de relever que le point 3.13 du cahier des charges, intitulé « Autres obligations du Contractant », dispose notamment :
« Le Contractant doit :
a) être détenteur d’un agrément de l’ONE ou de [Enfance et Famille] ;
b) se soumettre au contrôle des services compétents de l’état belge [(ONE et/ou Enfance et Famille)] et communiquer les résultats au Parlement européen. Si le Contractant ne peut obtenir, par sa faute, l’un des permis ou l’une des autorisations nécessaires pour l’exécution du marché, le Parlement européen pourra résilier le contrat sans préavis […] »
80 En premier lieu, à supposer que la requérante entende soutenir que le Parlement ne pouvait attribuer le contrat à l’attributaire dès lors que celui-ci ne remplissait pas, lors de l’attribution du marché en cause, la condition de l’agrément prévue au point 3.13, sous a), du cahier des charges, il suffit de relever que le point 3.13, sous b), dudit cahier des charges permet à l’attributaire de démontrer, postérieurement à l’attribution dudit marché, qu’il dispose de l’agrément requis.
81 En second lieu, ainsi que le Parlement le soutient, il découle de l’intitulé et du libellé du point 3.13 du cahier des charges, qui visent expressément le « [c]ontractant », que la condition de l’agrément n’est ni un critère de sélection des soumissionnaires ni un critère d’attribution du marché en cause. Cette condition n’est d’ailleurs pas reprise dans le cahier des charges en tant que critère de sélection ou en tant que critère d’attribution, mais se trouve dans la partie dudit cahier intitulée « Obligations générales du contractant ». Dès lors, la condition de l’agrément n’est ni un critère de sélection des soumissionnaires ni un critère d’attribution, mais uniquement une obligation contractuelle imposant au cocontractant, une fois le contrat signé, de se conformer à la législation belge. Par conséquent, comme le soutient le Parlement, cette condition contractuelle n’a pas d’incidence sur la procédure d’attribution du marché en cause ou sur la validité des offres soumises.
82 Partant, les arguments de la requérante fondés sur le point 3.13 du cahier des charges ne peuvent conduire à constater l’illégalité de la décision attaquée et doivent être écartés comme étant inopérants, y compris ceux tirés d’une erreur manifeste d’appréciation ainsi que d’une violation de la législation belge et celui selon lequel le point 3.13 du cahier des charges comporterait une erreur de terminologie.
83 Enfin, la requérante prétend, sans autre explication, que, au jour de la requête, l’attributaire n’avait pas encore pris contact avec elle afin d’entamer les démarches pour la reprise du personnel. Cette allégation générale et sans rapport avec le second moyen doit être écartée.
84 Il résulte de ce qui précède qu’il convient de rejeter le second moyen comme étant, en partie, irrecevable et, en partie, inopérant et, partant, de rejeter les conclusions en annulation.
Sur les conclusions indemnitaires
85 La requérante sollicite la condamnation du Parlement au paiement de dommages et intérêts en réparation du préjudice prétendument causé par la décision attaquée.
86 Le Parlement estime que cette demande doit être rejetée comme étant irrecevable et, en tout état de cause, non fondée.
87 Selon une jurisprudence constante, les conclusions tendant à la réparation d’un préjudice matériel ou moral doivent être rejetées lorsqu’elles présentent un lien étroit avec des conclusions en annulation qui ont été rejetées comme étant irrecevables ou non fondées (arrêt du 24 avril 2017, HF/Parlement, T‑584/16, EU:T:2017:283, point 165 ; voir également, en ce sens, arrêt du 6 mars 2001, Connolly/Commission, C‑274/99 P, EU:C:2001:127, point 129).
88 En l’espèce, il ressort de la requête que les conclusions indemnitaires sont étroitement liées aux conclusions en annulation, le dommage dont la requérante demande réparation ayant pour origine les illégalités qui entacheraient la décision attaquée.
89 Dès lors, les conclusions en annulation ayant été rejetées comme étant non fondées, les conclusions indemnitaires doivent également être rejetées, sans qu’il soit besoin de statuer sur leur recevabilité au regard de la jurisprudence citée au point 16 ci-dessus.
90 Partant, il y a lieu de rejeter le recours dans son ensemble.
Sur les dépens
91 Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.
92 La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par le Parlement, y compris ceux afférents à la procédure de référé, conformément aux conclusions du Parlement.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (deuxième chambre)
déclare et arrête :
1) Le recours est rejeté.
2) Esedra supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par le Parlement européen, y compris ceux afférents à la procédure de référé.
Marcoulli | Frimodt Nielsen | Tomljenović |
Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 14 décembre 2022.
Le greffier | Le président |
E. Coulon | M. van der Woude |
* Langue de procédure : le français.
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