Zardini v Commission (Judgment) French Text [2022] EUECJ T-511/20 (09 March 2022)


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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions)


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URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2022/T51120.html
Cite as: EU:T:2022:122, ECLI:EU:T:2022:122, [2022] EUECJ T-511/20

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DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre)

9 mars 2022 (*)

  « Fonction publique – Fonctionnaires – Recrutement – Avis de concours général EPSO/AD/371/19 – Décision du jury de ne pas admettre le requérant à l’étape suivante du concours – Critère pour l’évaluation de l’expérience professionnelle – Conformité avec l’avis de concours du critère utilisé par le jury »

Dans l’affaire T‑511/20,

Alessandro Zardini, demeurant à Marano di Valpollicella (Italie), représenté par Me M. Velardo, avocate,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par M. T. Lilamand et Mme I. Melo Sampaio, en qualité d’agents, assistés de Me A. Dal Ferro, avocat,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 270 TFUE et tendant à l’annulation, d’une part, de la décision du jury du 31 octobre 2019 rejetant la demande de réexamen du refus d’admission du requérant à l’étape suivante du concours général EPSO/AD/371/19 et, d’autre part, de la décision de l’autorité investie du pouvoir de nomination du 7 mai 2020 rejetant la réclamation du requérant à l’encontre de ladite décision,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre),

composé de MM. S. Gervasoni, président, P. Nihoul et Mme R. Frendo (rapporteure), juges,

greffier : Mme P. Núñez Ruiz, administratrice,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 7 octobre 2021,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 25 mars 2019, le requérant, M. Alessandro  Zardini, s’est porté candidat au concours général sur titres et épreuves EPSO/AD/371/19 pour le recrutement d’administrateurs (AD 7) spécialisés dans la recherche scientifique (ci-après le « concours ») dans le domaine no 5 « Communication et gestion des connaissances scientifiques ». Ce concours avait pour objet l’établissement de listes de réserve à partir desquelles les institutions européennes, principalement le Centre commun de recherche (JRC) de la Commission européenne, pourraient recruter des fonctionnaires. L’avis de concours avait été publié par l’Office européen de sélection du personnel (EPSO) au Journal officiel de l’Union européenne le 21 février 2019 (JO 2019, C 68 A, p. 1, ci-après l’« avis de concours »).

2        L’avis de concours prévoyait une procédure en trois étapes. Lors d’une première étape, les dossiers de tous les candidats étaient examinés afin de vérifier le respect des conditions d’admission sur le fondement des informations communiquées dans l’acte de candidature en ligne. L’avis de concours énonçait les conditions d’admission, notamment concernant les titres et l’expérience professionnelle des candidats, à savoir un niveau d’enseignement correspondant à un cycle complet d’études universitaires d’au moins trois ou quatre ans respectivement, sanctionné par un diplôme dans un domaine scientifique pertinent, suivi d’une expérience professionnelle ayant un rapport direct avec les fonctions concernées d’au moins sept ou six ans respectivement.

3        L’annexe I de l’avis de concours, intitulée « Tâches et compétences spécifiques », décrivait la nature des fonctions, qui était spécifique pour chacun des domaines d’activités envisagés.

4        Une fois les conditions générales et spécifiques d’admission vérifiées, l’avis de concours prévoyait une deuxième étape de sélection, la sélection sur titres (« évaluateur de talent »), sur la base des qualifications indiquées dans l’acte de candidature.

5        L’annexe II de l’avis de concours, intitulée « Critères de sélection », énumérait les critères à prendre en considération dans le cadre de la sélection sur titres (évaluateur de talent).

6        L’avis de concours prévoyait, enfin, une troisième étape, durant laquelle les candidats ayant obtenu les meilleurs résultats lors de la deuxième étape étaient invités à passer les épreuves du centre d’évaluation et des tests de type « Questionnaires à choix multiples ». Ceux ayant obtenu les meilleures notes globales à l’issue de cette phase de la procédure étaient inscrits sur les listes de réserve du concours.

7        Le 20 juin 2019, l’EPSO a informé le requérant, à l’issue de la deuxième étape, qu’il n’était pas admis à la troisième étape du concours (ci-après la « décision d’exclusion »). Plus particulièrement, selon les explications fournies par l’EPSO, seuls les candidats ayant obtenu le seuil minimal de 24 points ont été invités à la troisième étape du concours, alors que le requérant n’avait obtenu que 19 points.

8        Le 21 juin 2019, le requérant a introduit une demande de réexamen de la décision d’exclusion.

9        Le 31 octobre 2019, l’EPSO a répondu à la demande de réexamen en constatant que le jury avait confirmé sa décision d’exclusion (ci-après la « décision sur la demande de réexamen »).

10      Le 17 décembre 2019, le requérant a introduit une réclamation, au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut »), à l’encontre de la décision d’exclusion et de la décision sur la demande de réexamen.

11      Par décision du 7 mai 2020, l’autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l’« AIPN ») a rejeté la réclamation du requérant (ci-après la « décision sur la réclamation »). En substance, l’AIPN a précisé les motifs de la décision d’exclusion en indiquant, pour chaque entrée de l’onglet de l’évaluateur de talent de l’acte de candidature, le nombre de mois d’expérience professionnelle retenu, la pondération et le nombre de points accordés ainsi que les raisons pour lesquelles ils avaient été attribués.

 Procédure et conclusions des parties

12      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 12 août 2020, le requérant a introduit le présent recours. Le mémoire en défense, la réplique et la duplique ont été déposés, respectivement, le 27 octobre 2020, le 14 décembre 2020 et le 25 janvier 2021.

13      Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision d’exclusion ;

–        annuler la décision sur la demande de réexamen ;

–        annuler la décision sur la réclamation ;

–        condamner la Commission aux dépens.

14      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner le requérant aux dépens.

 En droit

 Sur l’objet du recours

15      À titre liminaire, il y a lieu de relever, ainsi que le fait valoir la Commission, que, par ses deux premiers chefs de conclusions, le requérant conteste les deux décisions du jury, à savoir la décision d’exclusion et celle sur la demande de réexamen.

16      Or, il est de jurisprudence constante que la décision prise après réexamen se substitue à la décision initiale du jury (voir arrêt du 16 mai 2019, Nerantzaki/Commission, T‑813/17, non publié, EU:T:2019:335, point 25 et jurisprudence citée). Il s’ensuit que, dans la présente procédure, la décision d’exclusion a été remplacée par la décision sur la demande de réexamen et qu’il y a lieu de considérer que les premier et deuxième chefs de conclusions tendent à la seule annulation de la décision sur la demande de réexamen, qui constitue, en l’espèce, l’acte attaqué.

17      Par son troisième chef de conclusions, le requérant demande aussi l’annulation de la décision sur la réclamation. Or, il est de jurisprudence constante que des conclusions dirigées contre le rejet d’une réclamation ont pour effet de saisir le juge de l’acte contre lequel la réclamation a été présentée dans la mesure où elles sont, comme telles, dépourvues de contenu autonome (voir arrêt du 20 novembre 2007, Ianniello/Commission, T‑205/04, EU:T:2007:346, point 27 et jurisprudence citée ; voir également, en ce sens, arrêt du 14 novembre 2013, Europol/Kalmár, T‑455/11 P, EU:T:2013:595, point 41).

18      Toutefois, il y a lieu de constater que, si, en l’espèce, la décision sur la réclamation est dépourvue de contenu autonome et qu’il n’y a donc pas lieu de statuer spécifiquement sur celle-ci, elle contient des arguments visant à compléter la portée de ceux qui figuraient notamment dans la décision sur la demande de réexamen. Dès lors, dans l’examen de la légalité de la décision de réexamen, il conviendra de prendre en considération la motivation figurant dans la décision sur la réclamation, cette motivation étant censée coïncider avec celle de la décision de réexamen (voir, en ce sens, arrêt du 9 décembre 2009, Commission/Birkhoff, T‑377/08 P, EU:T:2009:485, points 58 et 59 et jurisprudence citée).

19      Par conséquent, il y a lieu de considérer que l’objet du présent recours porte sur la décision sur la demande de réexamen, qui constitue, en l’espèce, l’acte faisant grief au requérant, telle que complétée par la décision sur la réclamation.

 Sur le fond

20      À l’appui de ses conclusions en annulation, le requérant invoque trois moyens. Le premier moyen est tiré de l’erreur manifeste d’appréciation de son expérience professionnelle, de la violation de l’article 5, paragraphe 1, de l’annexe III du statut ainsi que de l’avis de concours et de la violation du principe d’égalité. Le deuxième moyen est tiré de la violation de l’obligation de motivation et du « principe connexe » d’égalité des parties à la procédure, garanti par l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne et, le troisième d’une exception d’illégalité de l’avis de concours.

21      Le premier moyen se divise en trois branches, la première tirée d’une erreur manifeste d’appréciation de l’expérience professionnelle du requérant, la deuxième tirée d’une violation de l’article 5, paragraphe 1, de l’annexe III du statut ainsi que de l’avis de concours et, la troisième tirée d’une violation du principe d’égalité.

22      Dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu de commencer par l’examen de la deuxième branche du premier moyen.

23      Dans le cadre de la deuxième branche, en premier lieu, le requérant soulève un argument tiré de la violation du statut en soutenant que, au stade de l’évaluateur de talent, des sous-critères auraient été introduits par le jury en méconnaissance de l’article 5, paragraphe 1, de l’annexe III du statut.

24      Cet argument est voué au rejet, car, ainsi que le fait valoir la Commission, l’article 5, paragraphe 3, de l’annexe III du statut prévoit que le jury fixe des critères d’appréciation avant de procéder à l’examen des titres. En effet, le jury d’un concours sur titres et épreuves a la responsabilité d’apprécier, au cas par cas, si les diplômes produits ou l’expérience professionnelle de chaque candidat correspondent au niveau requis par le statut et par l’avis de concours (arrêts du 28 novembre 1991, Van Hecken/CES, T‑158/89, EU:T:1991:63, point 22 ; du 21 novembre 2000, Carrasco Benítez/Commission, T‑214/99, EU:T:2000:272, point 69) et, en adoptant des critères d’appréciation, il tend à assurer une certaine homogénéité de ses appréciations, dans l’intérêt des candidats, notamment lorsque leur nombre est élevé (voir, en ce sens, arrêt du 4 juillet 1996, Parlement/Innamorati, C‑254/95 P, EU:C:1996:276, point 29).

25      En second lieu, au soutien de son argumentation fondée sur la violation de l’avis de concours, le requérant soulève trois griefs relatifs, respectivement, à quatre des six critères de sélection mentionnés dans l’annexe II de l’avis du concours, intitulée « Critères de sélection », à savoir le « diplôme de niveau universitaire, en sus du diplôme requis pour être admis à participer au concours, dans un ou plusieurs des domaines scientifiques » (ci-après le « diplôme supplémentaire »), « l’expérience de recherche universitaire et/ou professionnelle en rapport avec le domaine choisi » postérieure au 1er janvier 2017 » et les « publications dans des revues à comité de lecture et rapports de recherche professionnels » antérieurs et postérieurs au 1er janvier 2017.

26      Par son premier grief, le requérant reproche, dans la requête, au jury de s’être fondé, ainsi qu’il ressort de la décision sur la réclamation, pour n’accorder aucun point à son diplôme supplémentaire, sur le motif que ce diplôme relevait du même domaine que celui lui permettant d’avoir accès au concours. Il fait valoir qu’un tel critère, selon lequel le diplôme supplémentaire devait relever d’un domaine différent de celui sur lequel portait le diplôme donnant accès au concours, ne figurait pas à l’annexe II de l’avis de concours et que, dès lors, ce critère, ajouté par le jury, aurait illégalement élargi les critères de sélection fixés dans ledit avis.

27      La Commission justifie l’attribution de zéro point au requérant au titre du critère du diplôme supplémentaire en soutenant que les critères de sélection fixés dans l’avis de concours permettaient au jury de prendre en compte les diplômes obtenus par les candidats dans différents domaines, conformément aux compétences requises par l’avis de concours, qui, notamment pour le domaine no 5, devaient aller au-delà des compétences purement scientifiques pour inclure également des compétences en matière de communication et de gestion des connaissances scientifiques.

28      La Commission souligne, à cet égard, que l’objectif du concours n’était pas de sélectionner des scientifiques, mais des personnes capables de communiquer efficacement des données scientifiques et que le jury avait, dès lors, toute la légitimité, dans l’exercice de son large pouvoir d’appréciation, pour prendre en compte spécifiquement des compétences approfondies en dehors des « sciences dures » et attribuer des points aux candidats ayant des compétences d’une autre nature, comme celles en matière de communication.

29      Dans la réplique, le requérant fait observer que, contrairement à ce que soutient la Commission dans le mémoire en défense, l’AIPN n’a, dans l’avis de concours, fait référence ni à l’exigence du caractère non scientifique du diplôme supplémentaire, ni à celle selon laquelle ce diplôme devait relever d’un autre domaine que celui des « sciences dures » (ci-après, s’agissant de ces deux exigences, le « critère du diplôme non scientifique »). Le requérant conteste la possibilité de compléter cette motivation en cours d’instance, en faisant valoir que la motivation de la décision sur réexamen était complètement inexistante et n’était dès lors, pas susceptible d’ampliation. Au cours de l’audience, le requérant a ajouté, à titre subsidiaire, que la motivation avancée par la Commission en cours d’instance était en contradiction avec le début de motivation qui pourrait être décelé dans la décision sur la réclamation, et ainsi, tout autant irrecevable.

30      À cet égard, il convient de relever qu’il est certes vrai que le contrôle de légalité d’un acte attaqué doit se faire par référence aux éléments figurant dans ledit acte. Toutefois, ainsi que le fait valoir la Commission, selon la jurisprudence, l’AIPN a la possibilité de compléter un début de motivation en cours d’instance, dans la mesure où, d’une part, la motivation préexistante n’est ni obscure ni contradictoire et, d’autre part, les informations complémentaires fournies en cours d’instance n’interviennent pas trop tardivement dans la procédure, de manière à donner à la partie requérante la possibilité d’exprimer utilement son point de vue (voir, en ce sens, arrêt du 11 juin 2020, Commission/Di Bernardo, C‑114/19 P, EU:C:2020:457, point 55).

31      En l’espèce, la décision sur la réclamation indique que le diplôme supplémentaire du requérant appartenait au même domaine que celui lui donnant accès au concours, et que, par conséquent, le jury ne lui a attribué aucun point à cet égard. L’argumentation exposée par la Commission, telle qu’elle est résumée aux points 27 et 28 ci-dessus, peut être considérée comme l’ampliation de cette motivation, en précisant que le diplôme supplémentaire du requérant a été écarté, car le critère d’évaluation adopté par le jury reposait sur l’exigence de l’appartenance du diplôme supplémentaire à un domaine non scientifique.

32      Étant donné que le requérant a eu la possibilité d’exprimer utilement son point de vue sur le critère du diplôme non scientifique dans la réplique et au cours de l’audience, la motivation complémentaire apportée par la Commission dans ses écritures est recevable au sens de la jurisprudence citée au point 30 ci-dessus.

33      Il y a donc lieu d’examiner si le critère du diplôme non scientifique, tel qu’il est évoqué dans la décision sur la réclamation et précisé dans les écritures de la Commission, a méconnu l’avis de concours, et notamment le critère du diplôme supplémentaire indiqué dans l’annexe II dudit avis.

34      À cet égard, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence bien établie, le jury dispose, dans le cadre des dispositions du statut relatives aux procédures de concours, d’un large pouvoir d’appréciation des expériences professionnelles antérieures des candidats tant en ce qui concerne leur nature et leur durée qu’en ce qui concerne le rapport plus ou moins étroit qu’elles peuvent présenter avec les exigences du poste à pourvoir (voir arrêt du 21 novembre 2000, Carrasco Benítez/Commission, T‑214/99, EU:T:2000:272, point 70 et jurisprudence citée).

35      Toutefois, il est également de jurisprudence constante que le jury est lié par le texte de l’avis de concours tel qu’il a été publié. En effet, le rôle essentiel de l’avis de concours consiste à informer les intéressés, d’une façon aussi exacte que possible, de la nature des conditions requises pour occuper le poste dont il s’agit, afin de les mettre en mesure d’apprécier, notamment, s’il y a lieu pour eux de faire acte de candidature (voir, en ce sens, ordonnance du 3 avril 2001, Zaur-Gora et Dubigh/Commission, T‑95/00 et T‑96/00, EU:T:2001:114, point 47, et arrêt du 13 septembre 2010, Espagne/Commission, T‑156/07 et T‑232/07, non publié, EU:T:2010:392, point 87). Par conséquent, en adoptant les critères d’évaluation, le jury de concours est toujours soumis au libellé de l’avis du concours et doit l’interpréter dans l’esprit du texte et selon les attentes légitimes des candidats.

36      En effet, les termes de l’avis de concours constituent aussi bien le cadre de légalité que le cadre d’appréciation pour le jury de concours (arrêts du 16 avril 1997, Fernandes Leite Mateus/Conseil, T‑80/96, EU:T:1997:57, point 27, et du 21 octobre 2004, Schumann/Commission, T‑49/03, EU:T:2004:314, point 63).

37      En l’espèce, lors de l’étape de l’évaluateur de talent, les candidats étaient invités à fournir le plus d’informations possibles concernant leurs qualifications et leur expérience professionnelle, mais le nombre de caractères disponibles pour répondre à chaque question était limité.

38      Si, au cours de l’audience, la Commission a valablement justifié le choix d’imposer aux candidats un nombre limité de caractères pour rédiger leur acte de candidature dans un souci de bonne administration et de gestion efficace du déroulement du concours, il incombait au jury dans ces circonstances de respecter d’autant plus fidèlement le libellé de l’avis du concours, pour ainsi permettre aux candidats d’être le plus exactement informés possible, au sens de la jurisprudence citée au point 35 ci-dessus.

39      En l’espèce, l’annexe II de l’avis de concours indiquait que la sélection au stade de l’évaluateur de talent reposait sur six critères, dont, notamment, le diplôme supplémentaire dans « un ou plusieurs des domaines scientifiques concernés » par l’avis. Il est certes vrai que, pour ce qui concerne les critères de l’expérience de recherche universitaire ou professionnelle, ainsi que de l’expérience technique, ladite annexe II indiquait que l’expérience pertinente était celle étant « en rapport avec le domaine choisi ». Toutefois, s’agissant du diplôme supplémentaire, l’AIPN a explicitement choisi de qualifier de pertinents les titres dans un ou plusieurs des domaines scientifiques indiqués par l’avis de concours même.

40      La formulation différente des critères de sélection utilisée par l’AIPN au sein de la même annexe de l’avis de concours reflète un choix explicite et imposait au jury de donner un juste poids à ce choix.

41      Au surplus, il convient de relever que, s’inscrivant dans le plein respect du libellé de l’avis de concours, l’entrée 3a) de l’évaluateur de talent posait aux candidats la question relative au diplôme supplémentaire dans les termes suivants : « Avez-vous obtenu un diplôme de niveau universitaire, en plus de celui requis pour accéder au concours, dans un ou plusieurs domaines scientifiques ? (voir point 3 « Conditions spécifiques – Titres et expérience professionnelle » de l’avis de concours) », renvoyant donc explicitement aux domaines scientifiques visés par ledit avis.

42      Dès lors, le jury ne pouvait pas valablement, au regard du libellé de l’avis de concours, reflété également dans le formulaire de candidature, écarter tout diplôme supplémentaire de nature scientifique, relevant précisément d’un des domaines indiqués par l’avis même, ainsi que cela était requis par l’annexe II dudit avis.

43      Dans ces circonstances, force est de constater que la motivation fournie par la Commission dans ses écritures, exposée aux points 27 et 28 ci-dessus, aboutit à une confusion entre la qualification faite par l’avis du concours de l’expérience professionnelle ou technique pertinente, qui, ainsi qu’il ressort du point 39 ci-dessus, devait présenter un rapport avec le domaine du concours choisi et celle se rattachant aux domaines dans lesquels devait être obtenu le diplôme supplémentaire, à savoir les domaines scientifiques prévus au point 3 de l’avis de concours.

44      Il s’ensuit que la motivation fournie par la Commission en cours d’instance ne justifie pas l’adoption, par le jury, du critère du diplôme non scientifique.

45      Au vu de ce qui précède, il y a encore lieu d’examiner si le critère utilisé par le jury dans la formulation plus large qui figure dans la décision sur la réclamation, à savoir que le diplôme supplémentaire de la requérante a été écarté, parce qu’il a été obtenu dans le même domaine que le diplôme qui lui a donné accès au concours (ci-après le « critère du diplôme dans un autre domaine ») est légal au regard de l’avis de concours.

46      Dans cette perspective, force est de constater que, ainsi que le soutient à juste titre la requérante, l’avis de concours n’exigeait pas expressément que le diplôme supplémentaire soit acquis dans un domaine différent de celui donnant accès au concours, mais uniquement qu’il soit acquis « dans un ou plusieurs domaines scientifiques ».

47      Lors de l’audience, la Commission a fait valoir que la possession d’un diplôme supplémentaire dans un autre domaine que celui du diplôme ayant donné accès au concours démontrerait une compétence accrue du candidat liée aux compétences à exercer, à savoir, en particulier, la communication des connaissances scientifiques, et que, dès lors, le jury n’avait pas méconnu l’avis de concours.

48      Toutefois, d’une part, force est de constater que la Commission est restée en défaut d’expliquer de quelle manière la détention d’un diplôme dans un tout autre domaine témoignerait d’une capacité de communication.

49      D’autre part, une telle explication n’aurait pu valablement justifier la contradiction entre le critère du diplôme dans un autre domaine et le libellé de l’avis de concours. En effet, l’illégalité dudit critère au regard du libellé de l’avis de concours ne consiste pas dans le fait que le jury a considéré comme pertinents des diplômes dans des domaines autres que scientifiques, mais dans le fait d’avoir considéré comme étant dépourvu de pertinence tout diplôme qui relève du même domaine que le diplôme ayant donné accès au concours.

50      Or, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence citée aux points 34 à 36 ci-dessus, si le jury dispose d’un large pouvoir d’appréciation dans le cadre des dispositions du statut relatives aux procédures de concours, il reste toujours lié par le texte de l’avis de concours tel qu’il a été publié.

51      En l’espèce, le critère du diplôme dans un autre domaine méconnaît le libellé de l’avis de concours et ne saurait être justifié par une interprétation dudit avis s’appuyant sur l’esprit du texte et sur une lecture respectueuse des attentes légitimes des candidats.

52      Il résulte de tout ce qui précède que, en adoptant le critère du diplôme dans un autre domaine, le jury a violé l’avis de concours en ajoutant, au critère de sélection explicitement prévu par l’avis, la condition que les diplômes obtenus par les candidats appartiennent à des domaines différents. En effet, non seulement l’avis de concours n’exigeait pas que le diplôme supplémentaire appartienne à des domaines autres que les « sciences dures » comme le prétend la Commission dans ses écritures, mais il n’exigeait pas davantage qu’il appartienne à un domaine différent du diplôme ayant donné accès au concours, comme cela a été explicitement retenu dans la décision sur la réclamation.

53      Or, il ne revient pas au jury du concours de restreindre ou d’élargir les critères de sélection déterminés par l’avis de concours, sous peine de ne pas respecter le texte dudit avis (arrêt du 14 décembre 2018, UR/Commission, T‑761/17, non publié, EU:T:2018:968, point 67).

54      Dans ce contexte, il convient de rappeler qu’il ressort de la décision sur la réclamation que, par application du critère du diplôme dans un autre domaine, en ce qui concerne le critère du diplôme supplémentaire, le requérant s’est vu octroyer zéro point sur le nombre maximal de points fixé pour ce critère, à savoir quatre.

55      Il ressort également de la décision d’exclusion que le requérant a obtenu une note globale de 19 points à l’issue de la deuxième étape du concours. Partant, il ne lui manquait que 5 points pour atteindre le seuil minimal de 24 points et ainsi être admis à l’étape suivante du concours (voir point 7 ci-dessus).

56      Lors de l’audience, la Commission a explicitement reconnu, notamment, que, dans la mesure où une pondération de trois s’appliquait à chaque point octroyé pour ce critère, l’accueil du seul grief se rattachant au diplôme supplémentaire suffirait pour que le requérant soit admis à prendre part à la troisième étape du concours. Dès lors, l’application du critère du diplôme dans un autre domaine a suffi, à elle seule, à exclure illégalement le requérant du concours.

57      Dans ces circonstances, il y a lieu d’accueillir le premier grief de la deuxième branche du premier moyen et ainsi le recours, sans qu’il soit besoin d’en poursuivre l’examen.

58      Il s’ensuit également, par voie de conséquence qu’il n’y a pas lieu de faire droit à la demande du requérant d’interroger la Commission par des mesures d’organisation de la procédure et des mesures d’instruction afin d’obtenir les critères élaborés par le jury, ladite demande étant, en l’état, dépourvue d’intérêt pour la solution du litige [voir, en ce sens, arrêt du 25 juin 2002, British American Tobacco (Investments)/Commission, T‑311/00, EU:T:2002:167, point 50].

 Sur les dépens

59      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant succombé, il convient de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions du requérant.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision du jury du 31 octobre 2019 portant rejet de la demande de réexamen de l’exclusion de M. Alessandro Zardini du concours EPSO/AD/371/19 est annulée.

2)      La Commission européenne est condamnée aux dépens.

Gervasoni

Nihoul

Frendo

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 9 mars 2022.

Signatures


*      Langue de procédure : l’italien.

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