Elevete Invest Group and Others v Commission and CRU (Judgment) French Text [2022] EUECJ T-523/17 (01 June 2022)


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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions)


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URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2022/T52317.html
Cite as: [2022] EUECJ T-523/17, EU:T:2022:313, ECLI:EU:T:2022:313

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ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre élargie)

1er juin 2022 (*) 

« Union économique et monétaire – Union bancaire – Mécanisme de résolution unique des établissements de crédit et de certaines entreprises d’investissement (MRU) – Procédure de résolution applicable en cas de défaillance avérée ou prévisible d’une entité – Adoption par le CRU d’un dispositif de résolution à l’égard de Banco Popular Español – Droit d’être entendu – Obligation de motivation – Articles 18 et 20 du règlement (UE) no 806/2014 – Responsabilité non contractuelle »

Dans l’affaire T‑523/17,

Eleveté Invest Group, SL, établie à Madrid (Espagne), et les autres parties requérantes dont les noms figurent en annexe (1), représentées par Mes B. Cremades Roman, J. López Useros, S. Cajal Martín et P. Marrodán Lázaro, avocats,

parties requérantes,

contre

Commission européenne, représentée par M. L. Flynn et Mme A. Steiblytė, en qualité d’agents, assistés de Me J. Rivas Andrés, avocat,

et

Conseil de résolution unique (CRU), représenté par Mmes J. King et M. Fernández Rupérez, en qualité d’agents, assistées de Mes B. Meyring, S. Schelo, F. Fernández de Trocóniz Robles, T. Klupsch et S. Ianc, avocats,

parties défenderesses,

soutenus par

Royaume d’Espagne, représenté par MM. J. Rodríguez de la Rúa Puig et L. Aguilera Ruiz, en qualité d’agents,

et par

Banco Santander, SA, établie à Santander (Espagne), représentée par Mes J. Rodríguez Cárcamo, A. Rodríguez Conde, D. Sarmiento Ramírez-Escudero et J. Remón Peñalver, avocats,

parties intervenantes,

ayant pour objet, premièrement, une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation de la décision SRB/EES/2017/08 de la session exécutive du CRU, du 7 juin 2017, concernant l’adoption d’un dispositif de résolution à l’égard de Banco Popular Español, SA, et de la décision (UE) 2017/1246 de la Commission, du 7 juin 2017, approuvant le dispositif de résolution à l’égard de Banco Popular Español (JO 2017, L 178, p.15), deuxièmement, une demande fondée sur l’article 268 TFUE tendant à obtenir réparation du préjudice que les requérants auraient subi à la suite de ces décisions et, troisièmement, une demande visant à faire constater la nullité de la valorisation provisoire et à obtenir une compensation,

LE TRIBUNAL (troisième chambre élargie),

composé de MM. M. van der Woude, président, M. Jaeger, V. Kreuschitz, G. De Baere (rapporteur) et Mme G. Steinfatt, juges,

greffier : M. J. Palacio González, administrateur principal,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 16 juin 2021,

rend le présent

Arrêt

I.      Cadre juridique

1        À la suite de la crise financière de 2008, il a été décidé de créer une union bancaire au sein de l’Union européenne, fondée sur un corpus réglementaire unique, complet et détaillé pour les services financiers, valable pour l’ensemble du marché intérieur et comprenant un mécanisme de surveillance unique et de nouveaux cadres pour la garantie des dépôts et la résolution des défaillances bancaires.

2        La première étape vers la création de l’union bancaire a consisté en l’établissement d’un mécanisme de surveillance unique (MSU) par le règlement (UE) no 1024/2013 du Conseil, du 15 octobre 2013, confiant à la Banque centrale européenne des missions spécifiques ayant trait aux politiques en matière de surveillance prudentielle des établissements de crédit (JO 2013, L 287, p. 63). Selon le considérant 12 de ce règlement, un MSU devrait garantir que la politique de l’Union en matière de surveillance prudentielle des établissements de crédit est mise en œuvre de manière cohérente et efficace, que le corpus réglementaire unique pour les services financiers s’applique de la même manière aux établissements de crédit de tous les États membres concernés et que ces établissements de crédit sont soumis à une surveillance de la plus haute qualité, sans qu’interviennent des considérations autres que prudentielles. À cette fin, le règlement no 1024/2013 confie à la Banque centrale européenne (BCE) des missions spécifiques ayant trait aux politiques en matière de surveillance prudentielle des établissements de crédit afin de contribuer à la sécurité et à la solidité des établissements de crédit et à la stabilité du système financier au sein de l’Union et dans chaque État membre.

3        Par la suite, la directive 2014/59/UE du Parlement européen et du Conseil, du 15 mai 2014, établissant un cadre pour le redressement et la résolution des établissements de crédit et des entreprises d’investissement et modifiant la directive 82/891/CEE du Conseil ainsi que les directives du Parlement européen et du Conseil 2001/24/CE, 2002/47/CE, 2004/25/CE, 2005/56/CE, 2007/36/CE, 2011/35/UE, 2012/30/UE et 2013/36/UE et les règlements du Parlement européen et du Conseil (UE) no 1093/2010 et (UE) no 648/2012 (JO 2014, L 173, p. 190), a été adoptée. Elle indique, dans son considérant 1, ce qui suit :

« La crise financière a révélé un manque criant, au niveau de l’Union, d’instruments permettant de faire face efficacement aux établissements de crédit et entreprises d’investissement […] peu solides ou défaillants. De tels instruments sont, en particulier, nécessaires pour éviter l’insolvabilité ou, en cas d’insolvabilité avérée, pour en minimiser les répercussions négatives en préservant les fonctions importantes, sur le plan systémique, de l’établissement concerné. Pendant la crise, ces défis ont pris une importance majeure, contraignant les États membres à utiliser l’argent des contribuables pour sauver des établissements. L’objectif d’un cadre crédible pour le redressement et la résolution est de rendre cette intervention aussi inutile que possible. »

4        L’objectif de la directive 2014/59 est de mettre en place des règles communes d’harmonisation minimale des dispositions nationales régissant la résolution des banques dans l’Union et prévoit une coopération entre autorités de résolution pour les défaillances de banques transfrontalières. À cet égard, la directive 2014/59 prévoit, notamment, dans son article 3, paragraphe 1, que chaque État membre désigne une ou, exceptionnellement, plusieurs autorités de résolution habilitées à appliquer les instruments de résolution et à exercer les pouvoirs de résolution.

5        Toutefois, considérant, d’une part, que la directive 2014/59 n’aboutissait pas à la centralisation du processus décisionnel en matière de résolution, qu’elle mettait essentiellement des instruments de résolution et des pouvoirs de résolution communs à la disposition des autorités nationales de chaque État membre et qu’elle laissait à celles-ci une marge d’appréciation pour le recours à ces instruments et l’utilisation des dispositifs nationaux de financement pour la résolution, et considérant, d’autre part, que cette directive n’empêchait pas complètement la prise de décisions distinctes et potentiellement divergentes sur la résolution des groupes transfrontaliers par les États membres, il a été décidé de mettre en place un mécanisme de résolution unique (MRU).

6        Ainsi, la seconde étape vers la création de l’union bancaire a consisté dans l’adoption du règlement (UE) no 806/2014 du Parlement européen et du Conseil, du 15 juillet 2014, établissant des règles et une procédure uniformes pour la résolution des établissements de crédit et de certaines entreprises d’investissement dans le cadre d’un MRU et d’un Fonds de résolution bancaire unique, et modifiant le règlement (UE) no 1093/2010 (JO 2014, L 225, p. 1).

7        Le considérant 12 du règlement no 806/2014 indique :

« Il est essentiel, pour l’achèvement du marché intérieur des services financiers, que la résolution des banques défaillantes dans l’Union fasse l’objet de décisions effectives, notamment pour ce qui est de l’emploi des fonds perçus au niveau de l’Union. Au sein du marché intérieur, la défaillance des banques dans un seul État membre peut compromettre la stabilité des marchés financiers de l’Union dans son ensemble. La mise en place de règles efficaces et uniformes et de conditions de financement identiques en matière de résolution d’un État membre à l’autre est dans l’intérêt non seulement des États membres dans lesquels les banques opèrent mais aussi de tous les États membres en général, puisqu’elle permet d’assurer des conditions de concurrence équitables et d’améliorer le fonctionnement du marché intérieur. Les systèmes bancaires étant étroitement interconnectés au sein du marché intérieur, les groupes de banques ont une dimension internationale, et les banques comptent un pourcentage élevé d’avoirs étrangers. En l’absence du MRU, une crise affectant des banques dans un État membre participant au MSU aurait des répercussions systémiques plus graves, y compris dans les États membres non participants. La création du MRU garantira une approche neutre pour le traitement des banques défaillantes et renforcera par conséquent la stabilité des banques des États membres participants et préviendra la propagation des crises aux États membres non participants, facilitant ainsi le fonctionnement du marché intérieur dans son ensemble. Les mécanismes de coopération concernant les établissements établis à la fois dans des États membres participants et non-participants devraient être clairs et aucun État membre ou groupe d’États membres ne devrait faire l’objet, directement ou indirectement, d’une discrimination en tant que lieu de fourniture de services financiers. »

8        Le règlement no 806/2014, selon son article 1er, premier alinéa, a pour objet d’établir des règles uniformes et une procédure uniforme pour la résolution des entités définies à l’article 2 qui sont établies dans les États membres participants, à savoir les banques dont l’autorité de surveillance du pays d’origine est la BCE ou l’autorité compétente nationale dans les États membres dont la monnaie est l’euro ou dans les États membres dont la monnaie n’est pas l’euro qui ont instauré une coopération rapprochée conformément à l’article 7 du règlement no 1024/2013 (voir considérant 15 du règlement no 806/2014).

9        L’article 1er, deuxième alinéa, du règlement no 806/2014 prévoit que ces règles uniformes et cette procédure uniforme sont appliquées par le Conseil de résolution unique (CRU), établi par l’article 42 de ce même règlement, en collaboration avec le Conseil de l’Union européenne et la Commission européenne ainsi que les autorités de résolution nationales, dans le cadre du MRU créé par ce même règlement. Il est également prévu que le MRU s’appuie sur un Fonds de résolution unique (FRU).

10      En application de l’article 16, paragraphe 1, du règlement no 806/2014, le CRU décide d’une mesure de résolution à l’égard d’un établissement financier établi dans un État membre participant lorsque les trois conditions prévues par l’article 18, paragraphe 1, du même règlement sont remplies.

11      La première condition exige que la défaillance de l’entité soit avérée ou prévisible. L’évaluation de cette condition est réalisée par la BCE, après consultation du CRU, ou par le CRU, et elle est considérée comme remplie si l’entité se trouve dans l’une ou plusieurs des situations énumérées à l’article 18, paragraphe 4, du règlement no 806/2014.

12      La deuxième condition suppose qu’il n’existe aucune perspective raisonnable que d’autres mesures de nature privée ou prudentielles empêchent la défaillance de l’entité dans un délai raisonnable.

13      La troisième condition implique qu’une mesure de résolution est nécessaire dans l’intérêt public, à savoir qu’elle est nécessaire pour atteindre un ou plusieurs des objectifs de la résolution, alors qu’une liquidation de l’entité selon une procédure normale d’insolvabilité ne le permettrait pas dans la même mesure.

14      L’article 14 du règlement no 806/2014 définit les objectifs de la résolution comme étant les suivants : assurer la continuité des fonctions critiques ; éviter les effets négatifs significatifs sur la stabilité financière, notamment en prévenant la contagion ; protéger les ressources de l’État par une réduction maximale du recours à un soutien financier public exceptionnel ; protéger les déposants ainsi que les investisseurs, et protéger les fonds et les actifs des clients.

15      L’article 20, paragraphe 1, du règlement no 806/2014 prévoit que, avant de décider d’une mesure de résolution ou de l’exercice du pouvoir de dépréciation ou de conversion des instruments de fonds propres pertinents, le CRU veille à ce qu’une valorisation juste, prudente et réaliste de l’actif et du passif de l’entité concernée soit effectuée par une personne indépendante de toute autorité publique, y compris le CRU et l’autorité de résolution nationale, ainsi que de l’entité concernée.

16      Selon l’article 20, paragraphe 15, du règlement no 806/2014, la valorisation est partie intégrante de la décision d’appliquer un instrument de résolution ou d’exercer un pouvoir de résolution ou de la décision d’exercer le pouvoir de dépréciation ou de conversion des instruments de fonds propres.

17      Lorsque les conditions prévues par l’article 18, paragraphe 1, du règlement no 806/2014 sont remplies, le CRU adopte un dispositif de résolution.

18      Lorsqu’ils agissent dans le cadre de la procédure de résolution, le CRU, le Conseil et la Commission doivent veiller à ce que la mesure de résolution soit prise conformément à certains principes énumérés à l’article 15 du règlement no 806/2014, parmi lesquels figurent le principe selon lequel les actionnaires de l’établissement soumis à une procédure de résolution sont les premiers à supporter les pertes ainsi que le principe selon lequel aucun créancier n’encourt des pertes plus importantes que celles qu’il aurait subies si l’entité visée par la mesure de résolution avait été liquidée selon une procédure normale d’insolvabilité.

19      Dans le dispositif de résolution, le CRU détermine l’application des instruments de résolution. L’article 22, paragraphe 2, du règlement no 806/2014 énumère les différents instruments de résolution disponibles, à savoir la cession des activités, le recours à un établissement-relais, la séparation des actifs et le renflouement interne.

20      Dans le dispositif de résolution, le CRU peut également exercer le pouvoir de dépréciation ou de conversion des instruments de fonds propres de l’entité concernée dans les conditions prévues à l’article 21 du règlement no 806/2014. Selon l’article 19 du règlement no 806/2014, une mesure de résolution peut également impliquer l’octroi d’une aide d’État ou de recourir au FRU.

21      Selon l’article 18, paragraphe 7, du règlement no 806/2014, immédiatement après son adoption, le CRU transmet le dispositif de résolution à la Commission. Dans les vingt-quatre heures à compter de la transmission du dispositif de résolution par le CRU, la Commission soit approuve le dispositif de résolution, soit émet des objections sur les aspects discrétionnaires de celui-ci, autres que ceux prévus au troisième alinéa, à savoir le respect du critère de l’intérêt public ou une modification importante du montant du FRU. S’agissant de ces derniers aspects discrétionnaires, dans les douze heures à compter de la transmission du dispositif de résolution par le CRU, la Commission peut proposer au Conseil d’émettre des objections au dispositif de résolution adopté par le CRU au motif que celui-ci ne satisfait pas au critère de l’intérêt public ou d’approuver ou de refuser une modification importante du montant du FRU prévue dans le dispositif de résolution adopté par le CRU. Le dispositif de résolution ne peut entrer en vigueur que si le Conseil ou la Commission n’a pas formulé d’objections dans le délai de vingt-quatre heures suivant sa transmission par le CRU.

22      L’article 18, paragraphe 9, du règlement no 806/2014 indique que le CRU veille à ce que les mesures de résolution nécessaires pour appliquer le dispositif de résolution soient prises par les autorités de résolution nationales concernées. Ces dernières sont destinataires du dispositif de résolution, qui leur donne instruction de prendre toutes les mesures nécessaires pour le mettre en œuvre, conformément à l’article 29 du même règlement, en exerçant tout pouvoir de résolution.

23      Postérieurement à l’adoption d’une mesure de résolution, en application de l’article 20, paragraphe 16, du règlement no 806/2014, le CRU veille à ce qu’une valorisation soit réalisée par une personne indépendante, afin de déterminer si les actionnaires et les créanciers auraient bénéficié d’un meilleur traitement si l’établissement soumis à une procédure de résolution avait fait l’objet d’une procédure normale d’insolvabilité. Cette valorisation peut conduire, en application de l’article 76, paragraphe 1, sous e), du règlement no 806/2014, à dédommager les actionnaires ou créanciers s’ils ont subi des pertes plus importantes dans le cadre de la résolution que celles qu’ils auraient subies lors d’une liquidation selon une procédure normale d’insolvabilité.

II.    Antécédents du litige et faits postérieurs à l’introduction du recours

24      Les requérants, Eleveté Invest Group, SL et les 19 personnes physiques ou morales dont les noms figurent en annexe, étaient actionnaires ou détenaient des instruments de fonds propres additionnels de catégorie 1 ou des instruments de fonds propres de catégorie 2 de Banco Popular Español, SA (ci-après « Banco Popular ») avant l’adoption d’un dispositif de résolution à l’égard de cette dernière.

A.      Sur la situation de Banco Popular avant l’adoption du dispositif de résolution

25      Le groupe Banco Popular, dont Banco Popular était la société mère, était, à la date de la résolution, le sixième groupe bancaire espagnol.

26      En 2016, Banco Popular a procédé à une augmentation de capital de 2,5 milliards d’euros.

27      Le 5 décembre 2016, la session exécutive du CRU a adopté un plan de résolution du groupe Banco Popular (ci-après le « plan de résolution de 2016 »). L’instrument de résolution privilégié dans le plan de résolution de 2016 était l’instrument de renflouement interne prévu à l’article 27 du règlement no 806/2014.

28      Le 3 février 2017, Banco Popular a publié son rapport annuel de 2016 dans lequel elle a annoncé un besoin de provisions exceptionnelles pour un montant de 5,7 milliards d’euros, conduisant à une perte consolidée de 3,485 milliards d’euros, ainsi que la nomination d’un nouveau président.

29      Le 10 février 2017, DBRS Ratings Limited (DBRS) (devenu DBRS Morningstar) a dégradé la note de Banco Popular, avec une perspective négative, au regard de la situation affaiblie du capital de Banco Popular à la suite d’une perte nette plus forte que celle prévue dans son rapport annuel, mentionnée au point 28 ci-dessus, ainsi que des efforts de Banco Popular pour réduire son stock encore élevé d’actifs non performants.

30      Le 3 avril 2017, Banco Popular a annoncé le résultat d’audits internes indiquant que des corrections au rapport annuel de 2016 pourraient être nécessaires. Ces ajustements ont été effectués dans le rapport financier de Banco Popular pour le premier trimestre 2017.

31      Le 10 avril 2017, lors de l’assemblée générale des actionnaires de Banco Popular, le président du conseil d’administration a annoncé que la banque envisageait soit une augmentation de capital, soit une transaction d’entreprise en raison de la situation du groupe en termes de fonds propres et de son niveau d’actifs non performants. Le président-directeur général de Banco Popular a été remplacé moins d’un an après sa prise de fonction.

32      À la suite de l’annonce du 3 avril 2017 sur le besoin d’ajustement des résultats financiers de 2016, DBRS a, le 6 avril, dégradé la note de Banco Popular en maintenant sa perspective négative. Standard & Poor’s, le 7 avril, et Moody’s Investors service (ci-après « Moody’s »), le 21 avril 2017, ont également dégradé la note de Banco Popular avec une perspective négative.

33      En avril 2017, Banco Popular a engagé une procédure de vente privée dans le but de réaliser sa vente à un concurrent fort, ce qui restaurerait sa situation financière. La date limite pour que les éventuels acquéreurs intéressés par l’acquisition de Banco Popular soumettent leur offre avait été fixée au 10 juin 2017, puis a été repoussée jusqu’à la fin du mois de juin 2017.

34      Le 5 mai 2017, Banco Popular a présenté son rapport financier pour le premier trimestre 2017, annonçant des pertes d’un montant de 137 millions d’euros.

35      Le 12 mai 2017, l’exigence de couverture des besoins de liquidité (Liquidity Coverage Requirement) de Banco Popular est passée au-dessous du seuil minimal de 80 % fixé par l’article 460, paragraphe 2, sous c), du règlement (UE) no 575/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, concernant les exigences prudentielles applicables aux établissements de crédit et aux entreprises d’investissement et modifiant le règlement (UE) no 648/2012 (JO 2013, L 176, p. 1).

36      Par lettre du 16 mai 2017, Banco Santander, SA a informé Banco Popular qu’elle n’était pas en mesure de présenter une offre ferme dans le cadre de la procédure de vente privée.

37      Le 16 mai 2017, Banco Popular, dans une communication d’un fait pertinent à la Comisión nacional del mercado de valores (CNMV, Commission nationale du marché des valeurs, Espagne), a indiqué que des acquéreurs potentiels avaient manifesté leur intérêt dans la procédure de vente privée, mais qu’aucune offre ferme n’avait été reçue.

38      Le 19 mai 2017, l’agence FITCH a dégradé la note à long terme de Banco Popular.

39      Le 23 mai 2017, la présidente du CRU, Mme Elke König, a accordé un entretien à la chaîne de télévision Bloomberg, lors duquel elle a été interrogée, notamment, sur la situation de Banco Popular.

40      Dans le courant du mois de mai 2017, de nombreux articles de presse ont rapporté les difficultés de Banco Popular. À titre d’exemple, il convient de mentionner un article du 11 mai 2017, publié sur le site Internet elconfidencial.com, intitulé « Saracho commande la vente urgente de Popular à JP Morgan et Lazard en raison d’un risque de faillite » (Saracho encarga la venta urgente del Popular a JP Morgan y Lazard por riesgo de quiebra). Dans cet article, il est indiqué que le président de la banque avait mandaté JP Morgan et Lazard pour organiser la vente urgente de la banque en raison d’un risque de faillite, dû à la fuite massive des dépôts des clients particuliers et institutionnels et qu’il considérait que la seule manière d’assurer la viabilité de la banque était la vente complète et imminente de l’ensemble du groupe. L’article relate que, « compte tenu de la persistance des sorties de dépôts et de la fermeture de sources de financement externes, la banque courrait un risque sérieux de faillite et que [son président] avait donc été contraint d’activer la mesure la plus drastique et de s’abstenir progressivement de vendre ses actifs afin d’améliorer les ratios de fonds propres et de satisfaire aux exigences de la BCE ».

41      Le 15 mai 2017, un article publié sur le site Internet elconfidencial.com, intitulé « La BCE inspecte Banco Popular pendant deux mois en plein processus de vente » (El BCE inspecciona a Banco Popular durante dos meses en pleno proceso de venta), rapporte que le plan de vente de Banco Popular, mis en œuvre par son président, a eu lieu après l’inspection de la BCE qui avait confirmé le déficit de provisions. Selon cet article, les inspecteurs de la BCE avaient conclu que les difficultés de Banco Popular seraient liées à son déficit de provisions pour couvrir son exposition immobilière et qu’il serait nécessaire d’éviter les sorties occasionnelles de dépôts. Ces inspecteurs auraient également exprimé leur mécontentement concernant la présentation des comptes de 2016.

42      Le 31 mai 2017, l’agence Reuters a publié un article intitulé « L’UE, mise en garde contre le risque d’une résolution de Banco Popular » (La UE, advertida de riesgo de una resolución ordenada en Banco Popular). Cet article mentionne notamment que, selon un haut fonctionnaire de l’Union resté anonyme, un des principaux surveillants des banques en Europe avait alerté les fonctionnaires de l’Union que Banco Popular pourrait nécessiter une résolution si elle ne réussissait pas à trouver un acquéreur. Selon cet article, ce fonctionnaire a également indiqué que la présidente du CRU avait récemment émis une « alerte précoce » et avait déclaré que le CRU suivait la procédure (de Banco Popular) avec une attention particulière en vue d’une possible intervention.

43      Le même jour, le CRU a publié un communiqué de presse visant à contester le contenu de cet article.

44      Les premiers jours de juin 2017, Banco Popular a dû faire face à des retraits de liquidités massifs.

45      Le 5 juin 2017, Banco Popular a présenté, le matin, une première demande d’apport urgent de liquidités à Banco de España (Banque d’Espagne), puis une seconde demande, dans l’après-midi, contenant une extension du montant sollicité, en raison d’importants mouvements de liquidités. Sur le fondement d’une demande de la Banque d’Espagne et à la suite de l’évaluation du même jour de la BCE relative à la demande d’apport urgent de liquidités de Banco Popular, le conseil des gouverneurs de la BCE n’a pas émis d’objections à un apport urgent de liquidités à Banco Popular pour la période allant jusqu’au 8 juin 2017. Banco Popular a reçu une partie de cet apport urgent de liquidités, puis la Banque d’Espagne a indiqué qu’elle n’était pas en mesure de fournir un apport urgent de liquidités supplémentaire à Banco Popular.

46      Le 6 juin 2017, DBRS et Moody’s ont dégradé la note de Banco Popular.

B.      Sur d’autres faits antérieurs à l’adoption du dispositif de résolution

47      Le 23 mai 2017, le CRU a chargé Deloitte, en qualité d’expert indépendant, de procéder à la valorisation de Banco Popular au titre de l’article 20 du règlement no 806/2014.

48      Le 24 mai 2017, le CRU a demandé à Banco Popular, sur le fondement de l’article 34 du règlement no 806/2014, les informations nécessaires en vue de la réalisation de sa valorisation. Le 2 juin 2017, il a également demandé à Banco Popular de fournir des informations sur la procédure de vente privée ainsi que de prévoir un accès à la salle de données virtuelle sécurisée que cette dernière avait établie dans le cadre de cette procédure.

49      Le 3 juin 2017, la session exécutive du CRU a adopté la décision SRB/EES/2017/06, adressée au Fondo de Reestructuración Ordenada Bancaria (FROB, Fonds de restructuration ordonnée des établissements bancaires, Espagne), concernant la commercialisation de Banco Popular. Le CRU a approuvé l’engagement immédiat de la procédure de vente de Banco Popular par le FROB et a indiqué à ce dernier les exigences concernant la vente conformément à l’article 39 de la directive 2014/59. Le CRU indiquait notamment que le FROB devait contacter les cinq acquéreurs potentiels qui avaient été invités à présenter une offre dans le cadre de la procédure de vente privée.

50      Parmi les cinq acquéreurs potentiels, deux ont décidé de ne pas participer à la procédure de vente et un a été exclu par la BCE pour des raisons prudentielles.

51      Le 4 juin 2017, les deux acquéreurs potentiels qui avaient décidé de participer à la procédure de vente, Banco Santander et Banco Bilbao Vizcaya Argentaria, SA (BBVA), ont signé un accord de non-divulgation et, le 5 juin 2017, ils ont eu accès à la salle de données virtuelle.

52      Le 5 juin 2017, le CRU a adopté une première valorisation (ci-après la « valorisation 1 »), en application de l’article 20, paragraphe 5, sous a), du règlement no 806/2014, qui avait pour objectif de fournir les éléments permettant de déterminer si les conditions de déclenchement d’une procédure de résolution, telles que définies à l’article 18, paragraphe 1, du règlement no 806/2014, étaient remplies.

53      Le 6 juin 2017, la BCE a réalisé une évaluation sur la situation de défaillance avérée ou prévisible de Banco Popular, après consultation du CRU, conformément à l’article 18, paragraphe 1, deuxième alinéa, du règlement no 806/2014.

54      Dans cette évaluation, la BCE a indiqué que, au cours des mois précédents, Banco Popular avait subi une détérioration importante de sa situation de trésorerie, due principalement à un épuisement significatif de sa base de dépôts. Banco Popular a été confrontée à des sorties de trésorerie importantes sur tous les segments de clientèle. La BCE a énuméré les événements qui avaient conduit aux problèmes de liquidité auxquels devait faire face Banco Popular.

55      À cet égard, elle a relevé que, en février 2017, lors de la présentation de ses comptes annuels, Banco Popular avait divulgué un besoin de provisions exceptionnelles pour un montant de 5,7 milliards d’euros, conduisant à des pertes de 3,485 milliards d’euros en 2016, ainsi que le remplacement de son président de longue date, qui avait entrepris une révision de la stratégie de la banque. L’annonce de provisions additionnelles et de pertes de fin d’exercice avait entraîné une baisse de la note de Banco Popular par DBRS le 10 février 2017 et avait suscité de vives préoccupations de la part de la clientèle de Banco Popular, qui s’étaient traduites par des retraits importants et inattendus de dépôts et par une fréquence élevée de visites de clients dans les succursales de la banque.

56      La BCE a également indiqué que la publication par Banco Popular, le 3 avril 2017, d’une déclaration publique ad hoc informant du résultat de plusieurs audits internes pouvant avoir une incidence significative sur les états financiers de l’établissement ainsi que la confirmation que le président-directeur général de l’établissement serait remplacé moins d’un an après son entrée en fonction avaient déclenché une autre vague de retraits de dépôts. La BCE a relevé que cette vague de retraits de dépôts avait été également alimentée par :

–        une dégradation de la note de Banco Popular par Standard & Poor’s le 7 avril 2017 ;

–        l’annonce par Banco Popular, le 10 avril 2017, qu’elle ne verserait pas de dividendes et qu’une augmentation de capital ou une transaction d’entreprise pourrait être nécessaire en raison de la situation tendue des fonds propres et de l’alignement nécessaire sur ses pairs de la couverture des actifs non performants ;

–        une dégradation de la note de Banco Popular par Moody’s le 21 avril 2017 ;

–        la divulgation des résultats du premier trimestre 2017 qui étaient pires que prévu ;

–        la couverture médiatique négative et continue, comme les articles des 11 et 15 mai 2017, mentionnés aux points 40 et 41 ci-dessus, suggérant que le président de Banco Popular avait ordonné une vente urgente de la banque en raison d’un risque imminent de faillite ou de manque de liquidité et que la banque devait faire face à un besoin supplémentaire important de provisions résultant d’une inspection sur place par le superviseur.

57      La BCE a également constaté que les dépôts perdus depuis le 31 mai 2017 étaient particulièrement pertinents, après la divulgation dans les médias du fait que la banque pourrait être mise en liquidation si le processus de vente en cours n’était pas fructueux dans un très court délai.

58      En outre, la BCE a relevé que, bien que Banco Popular ait développé diverses mesures génératrices de liquidités supplémentaires au cours des semaines précédentes et ait commencé à les mettre en œuvre, l’ampleur des flux entrants réalisés et encore attendus était insuffisante pour remédier à l’épuisement de la position de liquidité de Banco Popular à la date de l’évaluation. Elle a également indiqué que, même avec le recours à l’apport urgent de liquidités pour lequel le conseil des gouverneurs de la BCE n’avait pas émis d’objections le 5 juin 2017, la situation de trésorerie à cette date ne suffisait pas pour garantir la capacité de Banco Popular à faire face à ses engagements au plus tard le 7 juin 2017.

59      La BCE a estimé que les mesures déjà adoptées par Banco Popular n’avaient pas été suffisamment efficaces pour inverser la détérioration de sa situation de trésorerie. Elle a relevé que, comme mesure alternative pour garantir sa capacité à faire face à ses engagements arrivant à échéance, Banco Popular tentait de mettre en œuvre une transaction d’entreprise, à savoir sa vente à un concurrent plus fort. Cependant, la BCE a considéré que, compte tenu de la détérioration de la situation de trésorerie de Banco Popular, de l’absence de preuve de la capacité de celle-ci de renverser sa situation de liquidité dans un proche avenir et du fait que les négociations n’avaient jusqu’alors pas abouti à un résultat positif, la confirmation d’une telle transaction privée n’était pas prévisible dans un délai qui permettait à Banco Popular de pouvoir s’acquitter de ses dettes ou autres engagements à l’échéance.

60      La BCE a constaté que, dans le même temps, il n’existait pas de mesures de surveillance ou d’intervention précoce disponibles permettant de rétablir la situation de trésorerie de Banco Popular de manière immédiate et lui assurant suffisamment de temps pour mettre en œuvre une transaction d’entreprise ou une autre solution. Les mesures à la disposition de la BCE en tant qu’autorité compétente, en vertu de la transposition nationale de l’article 104 de la directive 2013/36/UE du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, concernant l’accès à l’activité des établissements de crédit et la surveillance prudentielle des établissements de crédit et des entreprises d’investissement, modifiant la directive 2002/87/CE et abrogeant les directives 2006/48/CE et 2006/49/CE (JO 2013, L 176, p. 338), et des articles 27 à 29 de la directive 2014/59 ou de l’article 16 du règlement no 1024/2013, ne pouvaient assurer que Banco Popular serait en mesure de s’acquitter de ses dettes ou autres engagements à l’échéance, étant donné l’ampleur et le rythme de la détérioration de la liquidité observée.

61      En conclusion, la BCE, prenant en compte, en particulier, les sorties excessives de dépôts, la rapidité à laquelle la trésorerie avait été perdue par la banque et l’incapacité de celle-ci à générer d’autres liquidités, a considéré qu’il existait des éléments objectifs indiquant que Banco Popular ne serait probablement pas en mesure, dans un proche avenir, de s’acquitter de ses dettes ou autres engagements à l’échéance. La BCE a conclu que la défaillance de Banco Popular était réputée avérée ou, en tout état de cause, prévisible dans un proche avenir, conformément à l’article 18, paragraphe 1, sous a), et paragraphe 4, sous c), du règlement no 806/2014.

62      Le 6 juin 2017, le conseil d’administration de Banco Popular a informé la BCE qu’il était arrivé à la conclusion que la banque était en situation de défaillance prévisible.

63      Le même jour, le FROB a adopté une lettre contenant les informations sur la procédure de vente (ci-après la « lettre de procédure ») et fixant le délai de soumission des offres au 6 juin 2017 à minuit.

64      Toujours le même jour, BBVA, un des deux acquéreurs potentiels de Banco Popular, a informé le FROB qu’elle ne présenterait pas d’offre.

65      Également le 6 juin 2017, Deloitte a remis au CRU une deuxième valorisation (ci-après la « valorisation 2 »), rédigée en application de l’article 20, paragraphe 10, du règlement no 806/2014. La valorisation 2 avait pour but d’estimer la valeur de l’actif et du passif de Banco Popular, de fournir une estimation sur le traitement dont les actionnaires et les créanciers auraient bénéficié si Banco Popular avait fait l’objet d’une procédure normale d’insolvabilité ainsi que de fournir les éléments permettant de prendre la décision concernant les actions et les titres de propriété à transférer et permettant au CRU de déterminer des conditions commerciales aux fins de l’instrument de cession des activités. Cette valorisation a notamment estimé la valeur économique de Banco Popular à 1,3 milliard d’euros dans le meilleur scénario, à moins 8,2 milliards d’euros dans le scénario le plus défavorable et à moins 2 milliards d’euros pour la meilleure estimation.

66      Le 7 juin 2017, Banco Santander a soumis une offre ferme.

67      Par lettre du 7 juin 2017, le FROB a informé le CRU que Banco Santander avait soumis une offre le 7 juin à 3 h 12 et que le prix offert par Banco Santander pour la vente des actions de Banco Popular était d’un euro. Le FROB a indiqué que son comité directeur avait retenu Banco Santander comme adjudicataire dans la procédure de vente concurrentielle de Banco Popular et avait décidé de proposer au CRU de désigner Banco Santander comme acquéreur dans la décision du CRU relative à l’adoption d’un dispositif de résolution à l’égard de Banco Popular.

C.      Sur le dispositif de résolution de Banco Popular du 7 juin 2017

68      Le 7 juin 2017, la session exécutive du CRU a adopté la décision SRB/EES/2017/08 concernant un dispositif de résolution à l’égard de Banco Popular (ci-après le « dispositif de résolution »), sur le fondement du règlement no 806/2014.

69      Selon l’article 1er du dispositif de résolution, le CRU, considérant que les conditions prévues par l’article 18, paragraphe 1, du règlement no 806/2014 étaient remplies, a décidé de soumettre Banco Popular à une procédure de résolution à compter de la date de la résolution.

70      Ainsi, le CRU a considéré, premièrement, que Banco Popular était en situation de défaillance avérée ou prévisible, deuxièmement, qu’il n’existait pas d’autres mesures qui pourraient empêcher la défaillance de Banco Popular dans un délai raisonnable et, troisièmement, qu’une mesure de résolution sous la forme d’un instrument de cession des activités de Banco Popular était nécessaire dans l’intérêt public. À cet égard, le CRU a indiqué que la résolution était nécessaire et proportionnée à la réalisation de deux objectifs visés à l’article 14, paragraphe 2, du règlement no 806/2014, à savoir assurer la continuité des fonctions critiques de la banque et éviter les effets négatifs significatifs sur la stabilité financière.

71      À l’article 5.1 du dispositif de résolution, le CRU a décidé ce qui suit :

« L’instrument de résolution appliqué à Banco Popular consistera en une cession des activités en vertu de l’article 24 du règlement no 806/2014 par le transfert des actions à un acquéreur. La dépréciation et la conversion des instruments de fonds propres seront effectuées immédiatement avant l’application de l’instrument de cession des activités. »

72      L’article 6 du dispositif de résolution concerne la dépréciation des instruments de fonds propres et l’instrument de cession des activités. À l’article 6.1, le CRU a indiqué les mesures qu’il avait adoptées en application de son pouvoir de dépréciation prévu à l’article 21 du règlement no 806/2014.

73      Ainsi, à l’article 6.1 du dispositif de résolution, le CRU a décidé :

–        d’abord, de déprécier le montant nominal du capital social de Banco Popular d’un montant de 2 098 429 046 euros, ce qui conduisait à l’annulation de 100 % des actions de Banco Popular ;

–        ensuite, de convertir la totalité du montant principal des instruments de fonds propres additionnels de catégorie 1 émis par Banco Popular et en circulation à la date de la décision relative au dispositif de résolution en des actions nouvellement émises de Banco Popular, les « nouvelles actions I » ;

–        ensuite, de déprécier à zéro la valeur nominale des « nouvelles actions I » ce qui conduisait à l’annulation de 100 % de ces « nouvelles actions I » ;

–        enfin, de convertir la totalité du montant principal des instruments de fonds propres de catégorie 2 émis par Banco Popular et en circulation à la date de la décision de résolution en des actions nouvellement émises de Banco Popular, les « nouvelles actions II ».

74      L’article 6.3 du dispositif de résolution prévoit que ces mesures de dépréciation et de conversion sont fondées sur la valorisation 2, corroborée par les résultats d’un processus de vente transparent et ouvert réalisé par l’autorité de résolution espagnole, le FROB.

75      À l’article 6.5 du dispositif de résolution, le CRU a indiqué qu’il exerçait les pouvoirs qui lui étaient conférés par l’article 24, paragraphe 1, sous a), du règlement no 806/2014, relatif à l’instrument de cession des activités et qu’il ordonnait que les « nouvelles actions II » soient transférées à Banco Santander, libres et quittes de tout droit ou privilège d’un tiers, en contrepartie du paiement d’un prix d’achat d’un euro. Il était précisé que l’acquéreur avait déjà consenti au transfert.

76      Le CRU a également indiqué que le transfert des « nouvelles actions II » devrait être effectué sur la base de l’offre contraignante de l’acquéreur du 7 juin 2017 et devrait être mis en œuvre par le FROB en application de la Ley 11/2015 de recuperación y resolución de entidades de crédito y empresas de servicios de inversión (loi 11/2015 de redressement et de résolution des établissements de crédit et des entreprises de services d’investissement), du 18 juin 2015 (BOE no 146, du 19 juin 2015, p. 50797, ci-après la « loi 11/2015 »).

77      Le dispositif de résolution a été soumis à la Commission pour approbation le 7 juin 2017 à 5 h 13.

78      Le 7 juin 2017 à 6 h 30, la Commission a adopté la décision (UE) 2017/1246, approuvant le dispositif de résolution à l’égard de Banco Popular (JO 2017, L 178, p. 15), et l’a notifiée au CRU. Par conséquent, le dispositif de résolution est entré en vigueur le même jour.

79      Il ressort du considérant 4 de la décision 2017/1246 ce qui suit :

« La Commission est d’accord avec le dispositif de résolution. Elle est notamment d’accord avec les raisons que le CRU avance pour justifier la nécessité d’une mesure de résolution dans l’intérêt public conformément à l’article 5 du règlement (UE) no 806/2014. »

80      Le même jour, le FROB a adopté les mesures nécessaires pour mettre en œuvre le dispositif de résolution, conformément à l’article 29 du règlement no 806/2014. Dans ce cadre, le FROB a donné son accord au transfert des nouvelles actions de Banco Popular issues de la conversion des instruments de fonds propres de catégorie 2 (les « nouvelles actions II ») à Banco Santander.

D.      Sur les faits postérieurs à l’adoption de la décision de résolution

81      Le 14 juin 2018, Deloitte a transmis au CRU la valorisation de la différence de traitement, prévue à l’article 20, paragraphes 16 à 18, du règlement no 806/2014, réalisée afin de déterminer si les actionnaires et les créanciers auraient bénéficié d’un meilleur traitement si Banco Popular avait fait l’objet d’une procédure normale d’insolvabilité (ci-après la « valorisation 3 »). Le 31 juillet 2018, Deloitte a envoyé au CRU un addendum à cette valorisation corrigeant certaines erreurs formelles.

82      Le 28 septembre 2018, à la suite d’une fusion par absorption, Banco Santander a succédé à titre universel à Banco Popular.

83      Le 17 mars 2020, le CRU a adopté la décision SRB/EES/2020/52 visant à déterminer si un dédommagement devait être accordé aux actionnaires et aux créanciers concernés par les mesures de résolution effectuées à l’égard de Banco Popular. Un communiqué concernant cette décision a été publié le 20 mars 2020 au Journal officiel de l’Union européenne (JO 2020, C 91, p. 2). Dans cette décision, le CRU a considéré que les actionnaires et créanciers qui avaient été affectés par la résolution de Banco Popular n’avaient pas droit à un dédommagement du FRU en application de l’article 76, paragraphe 1, sous e), du règlement no 806/2014.

III. Procédure et conclusions des parties

84      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 7 août 2017, les requérants ont introduit le présent recours.

85      Par acte déposé au greffe le 31 octobre 2017, le CRU a demandé au Tribunal, en application de l’article 92, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, d’ordonner des mesures d’instruction concernant la production de certains documents mentionnés en annexe. Par décision du 28 novembre 2017, le Tribunal a décidé de ne pas faire droit à cette demande de mesures d’instruction à ce stade de la procédure.

86      Par actes déposés au greffe du Tribunal, respectivement, le 6 novembre et le 5 décembre 2017, Banco Santander et le Royaume d’Espagne ont demandé à intervenir dans la présente procédure au soutien des conclusions de la Commission et du CRU.

87      Le 16 février 2018, le Tribunal, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 89 du règlement de procédure, a invité le CRU à déposer la dernière version non confidentielle du dispositif de résolution ainsi qu’une version non confidentielle de la valorisation 2, publiées sur son site Internet. Le CRU a déposé les documents dans le délai imparti.

88      Le 6 juillet 2018, le Tribunal, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 89 du règlement de procédure, a posé aux parties principales des questions écrites. Les parties principales ont répondu à cette demande dans le délai imparti.

89      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 1er août 2018, les requérants ont présenté une demande de traitement confidentiel à l’égard de Banco Santander et du Royaume d’Espagne de certaines annexes de la requête.

90      Par ordonnances du 12 avril 2019, le président de la huitième chambre du Tribunal a admis les interventions du Royaume d’Espagne et de Banco Santander et a fait droit aux demandes de traitement confidentiel présentées par les requérants à leur égard.

91      Par lettre déposée au greffe du Tribunal le 16 avril 2019, les requérants ont présenté une demande de modification des demandes de mesures d’instruction contenues dans la requête et la réplique. La Commission et le CRU ainsi que le Royaume d’Espagne et Banco Santander ont déposé leurs observations sur cette demande dans le délai imparti.

92      Par lettre déposée au greffe du Tribunal le 6 mai 2019, les requérants ont produit une nouvelle offre de preuve en application de l’article 85, paragraphe 3, du règlement de procédure. La Commission et le CRU ont déposé des observations sur cette nouvelle preuve dans le délai imparti.

93      Le Royaume d’Espagne et Banco Santander ont déposé chacun leur mémoire en intervention le 4 juillet 2019 et les requérants et le CRU ont déposé leurs observations sur ces mémoires dans le délai imparti.

94      La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée, en application de l’article 27, paragraphe 5, du règlement de procédure, le juge rapporteur a été affecté à la troisième chambre, à laquelle la présente affaire a, par conséquent, été attribuée.

95      Sur proposition de la troisième chambre, le Tribunal a décidé, en application de l’article 28 du règlement de procédure, de renvoyer l’affaire devant une formation de jugement élargie.

96      Par lettre déposée au greffe du Tribunal le 9 octobre 2020, les requérants ont produit une nouvelle offre de preuve en application de l’article 85, paragraphe 3, du règlement de procédure. La Commission et le CRU ainsi que le Royaume d’Espagne et Banco Santander ont déposé des observations sur cette nouvelle preuve dans les délais impartis.

97      Le 16 mars 2021, le Tribunal, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 89 du règlement de procédure, a invité le CRU à produire plusieurs documents. Par lettre du 30 mars 2021, le CRU a répondu que les documents demandés étaient en partie confidentiels et qu’ils pourraient être produits si le Tribunal adoptait une mesure d’instruction.

98      Par ordonnance du 12 mai 2021, le Tribunal a ordonné au CRU, sur le fondement, d’une part, de l’article 24, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne et, d’autre part, de l’article 91, sous b), de l’article 92, paragraphe 3, ainsi que de l’article 103 du règlement de procédure, de produire les versions intégrales du dispositif de résolution, de la valorisation 2, de l’évaluation de la BCE du 6 juin 2017 sur la situation de défaillance avérée ou prévisible de Banco Popular et de la lettre de la BCE à Banco Popular du 18 mai 2017. Le Tribunal a également ordonné au CRU de produire la version non confidentielle de la lettre de la BCE à Banco Popular du 18 mai 2017.

99      Par ordonnance du 9 juin 2021, le Tribunal a retiré du dossier les versions confidentielles des documents produits par le CRU en exécution de l’ordonnance du 12 mai 2021.

100    Deux membres de la troisième chambre élargie ayant été empêchés de siéger, le président du Tribunal a désigné deux autres juges pour compléter la chambre.

101    Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales posées par le Tribunal lors de l’audience du 16 juin 2021.

102    Les requérants concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler le dispositif de résolution et la décision 2017/1246 (ci-après, pris ensemble, les « décisions attaquées ») et, en conséquence, condamner la Commission et le CRU à leur restituer leurs investissements dans Banco Popular ou, alternativement, les condamner à leur verser une indemnisation au titre de leur responsabilité non contractuelle ;

–        condamner la Commission et le CRU à leur verser une indemnité au titre de leur responsabilité non contractuelle ;

–        constater la nullité de la valorisation 2 et condamner la Commission et le CRU à leur verser une compensation ;

–        condamner la Commission et le CRU aux dépens ;

–        ordonner que les sommes accordées soient majorées d’un intérêt compensatoire à compter du 23 mai 2017 ou, à titre subsidiaire, à compter du 7 juin 2017, jusqu’à la date du prononcé de l’arrêt, ainsi que d’intérêts moratoires à dater de l’arrêt, à l’exception des dépens de la présente procédure, lesquels ne produiront des intérêts moratoires qu’à compter de la date de l’arrêt ;

–        leur accorder le bénéfice de toute autre réparation additionnelle jugée appropriée ;

103    La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours en annulation comme non fondé ;

–        rejeter l’action en responsabilité non contractuelle comme irrecevable ou, à titre subsidiaire, comme non fondée ;

–        rejeter le recours contre la valorisation 2 comme irrecevable ;

–        condamner les requérants aux dépens.

104    Le CRU conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner les requérants aux dépens.

105    Banco Santander et le Royaume d’Espagne concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner les requérants aux dépens.

IV.    En droit

106    Le recours se divise en substance en trois demandes. Le premier chef de conclusions des requérants vise à l’annulation des décisions attaquées, le deuxième chef de conclusions contient des demandes indemnitaires et le troisième chef de conclusions vise à l’annulation de la valorisation 2 et à l’obtention d’une compensation.

A.      Sur la demande d’annulation des décisions attaquées

107    À l’appui de leur demande d’annulation des décisions attaquées, les requérants soulèvent quatre moyens. Le premier moyen est tiré de la violation de l’article 18 du règlement no 806/2014. Le deuxième moyen est tiré de la violation de l’article 20 du règlement no 806/2014. Le troisième moyen est tiré de la violation du droit d’être entendu et du droit d’accès au dossier, consacrés par l’article 41, paragraphe 2, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »). Le quatrième moyen est tiré de la violation de l’obligation de motivation. Dans leurs observations sur les mémoires en intervention, les requérants soulèvent un nouveau moyen tiré de la violation de l’article 24 du règlement no 806/2014.

108    À titre liminaire, il y a lieu de relever que, s’agissant de l’étendue du contrôle exercé par le Tribunal, le CRU fait valoir que, conformément à une jurisprudence constante de la Cour, en cas de questions techniques complexes, le juge de l’Union doit examiner les constatations de fait et de droit faites par l’autorité, vérifier que la mesure prise n’est pas entachée d’une erreur manifeste ou d’un détournement de pouvoir et vérifier que l’autorité n’a pas manifestement dépassé les limites de son pouvoir d’appréciation.

109    Les requérants considèrent que les limites du contrôle juridictionnel invoquées par le CRU ne sont pas d’application en l’espèce.

110    À cet égard, la jurisprudence a circonscrit l’étendue du contrôle exercé par le Tribunal aussi bien dans des situations dans lesquelles l’acte attaqué est fondé sur une appréciation des éléments factuels d’ordre scientifique et technique hautement complexes que lorsqu’il s’agit d’appréciations économiques complexes.

111    D’une part, s’agissant des situations dans lesquelles les autorités de l’Union disposent d’un large pouvoir d’appréciation, notamment quant à l’appréciation des éléments factuels d’ordre scientifique et technique hautement complexes pour déterminer la nature et l’étendue des mesures qu’elles adoptent, le contrôle du juge de l’Union doit se limiter à examiner si l’exercice d’un tel pouvoir n’est pas entaché d’une erreur manifeste ou d’un détournement de pouvoir ou encore si ces autorités n’ont pas manifestement dépassé les limites de leur pouvoir d’appréciation. Dans un tel contexte, le juge de l’Union ne peut, en effet, substituer son appréciation des éléments factuels d’ordre scientifique et technique à celle des autorités de l’Union à qui, seules, le traité FUE a conféré cette tâche (arrêts du 21 juillet 2011, Etimine, C‑15/10, EU:C:2011:504, point 60, et du 7 mars 2013, Bilbaína de Alquitranes e.a./ECHA, T‑93/10, EU:T:2013:106, point 76 ; voir, également, arrêt du 11 mai 2017, Deza/ECHA, T‑115/15, EU:T:2017:329, point 163 et jurisprudence citée).

112    D’autre part, s’agissant du contrôle que les juridictions de l’Union exercent sur les appréciations économiques complexes faites par les autorités de l’Union, celui-ci est un contrôle restreint qui se limite nécessairement à la vérification du respect des règles de procédure et de motivation, de l’exactitude matérielle des faits ainsi que de l’absence d’erreur manifeste d’appréciation et de détournement de pouvoir. Dans le cadre de ce contrôle, il n’appartient donc pas non plus au juge de l’Union de substituer son appréciation économique à celle de l’autorité de l’Union compétente (voir, en ce sens, arrêts du 11 juillet 1985, Remia e.a./Commission, 42/84, EU:C:1985:327, point 34 ; du 10 décembre 2020, Comune di Milano/Commission, C‑160/19 P, EU:C:2020:1012, point 100 et jurisprudence citée, et du 16 janvier 2020, Iberpotash/Commission, T‑257/18, EU:T:2020:1, point 96 et jurisprudence citée).

113    Les décisions que le CRU est amené à adopter dans le cadre d’une procédure de résolution étant fondées sur des appréciations économiques et techniques hautement complexes, il y a lieu de considérer que les principes ressortant de la jurisprudence mentionnée aux points 111 et 112 ci-dessus s’appliquent au contrôle que le juge est appelé à exercer.

114    Toutefois, s’il est reconnu au CRU une marge d’appréciation en matière économique et technique, cela n’implique pas que le juge de l’Union doit s’abstenir de contrôler l’interprétation, faite par le CRU, des données de nature économique qui fondent sa décision. En effet, ainsi que la Cour l’a jugé, même dans le cas d’appréciations complexes, le juge de l’Union doit vérifier non seulement l’exactitude matérielle des éléments de preuve invoqués, leur fiabilité et leur cohérence, mais également contrôler si ces éléments constituent l’ensemble des données pertinentes devant être prises en considération pour apprécier une situation complexe et s’ils sont de nature à étayer les conclusions qui en sont tirées (voir arrêts du 22 novembre 2007, Espagne/Lenzing, C‑525/04 P, EU:C:2007:698, point 57 et jurisprudence citée ; du 26 mars 2019, Commission/Italie, C‑621/16 P, EU:C:2019:251, point 104 et jurisprudence citée, et du 10 décembre 2020, Comune di Milano/Commission, C‑160/19 P, EU:C:2020:1012, point 115 et jurisprudence citée).

115    À cet égard, afin d’établir que le CRU a commis une erreur manifeste dans l’appréciation des faits de nature à justifier l’annulation du dispositif de résolution, les éléments de preuve apportés par la partie requérante doivent être suffisants pour priver de plausibilité les appréciations des faits retenus dans ce dispositif (voir, par analogie, arrêts du 14 juin 2018, Lubrizol France/Conseil, C‑223/17 P, non publié, EU:C:2018:442, point 39 ; du 12 décembre 1996, AIUFFASS et AKT/Commission, T‑380/94, EU:T:1996:195, point 59, et du 13 décembre 2018, Comune di Milano/Commission, T‑167/13, EU:T:2018:940, point 108 et jurisprudence citée).

1.      Sur le premier moyen, tiré de la violation de larticle 18 du règlement no 806/2014

116    Les requérants font valoir que le CRU a violé l’article 18 du règlement no 806/2014 dans la mesure où les trois conditions prévues par cet article pour adopter le dispositif de résolution n’étaient pas remplies. Ce moyen se divise en trois branches, tirées de la violation de l’article 18, paragraphe 1, sous a) à c), du règlement no 806/2014.

117    L’article 18, paragraphe 1, du règlement no 806/2014 prévoit que le CRU n’adopte un dispositif de résolution que s’il estime que les conditions suivantes sont remplies :

« a)       la défaillance de l’entité est avérée ou prévisible ;

b)       compte tenu des délais requis et d’autres circonstances pertinentes, il n’existe aucune perspective raisonnable que d’autres mesures de nature privée, y compris des mesures prévues par un système de protection institutionnel, ou des mesures prudentielles, y compris des mesures d’intervention précoce ou la dépréciation ou la conversion d’instruments de fonds propres pertinents conformément à l’article 21, prises à l’égard de l’entité, empêchent sa défaillance dans un délai raisonnable ;

c)       une mesure de résolution est nécessaire dans l’intérêt public en vertu du paragraphe 5. »

a)      Sur la première branche, tirée de la violation de larticle 18, paragraphe 1, sous a), du règlement no 806/2014

118    Les requérants relèvent que le CRU a conclu que la condition prévue par l’article 18, paragraphe 1, sous a), du règlement no 806/2014 était remplie en raison d’un problème de liquidité de Banco Popular et non de solvabilité. En substance, les requérants soulèvent trois griefs. Ils font valoir que le CRU et la Commission ne pouvaient conclure que Banco Popular était en situation de défaillance avérée ou prévisible dans la mesure où, premièrement, devant faire face à un problème de liquidité, la banque devait prioritairement bénéficier d’un apport de liquidités, deuxièmement, cette situation découlait de la violation des obligations de confidentialité du CRU et, troisièmement, cette situation résultait d’une violation par le CRU et la Commission du principe de bonne administration.

119    À titre liminaire, il convient d’examiner l’application, en l’espèce, de la condition prévue par l’article 18, paragraphe 1, sous a), du règlement no 806/2014, selon laquelle l’entité est en situation de défaillance avérée ou prévisible.

120    À cet égard, premièrement, le 6 juin 2017, la BCE a réalisé une évaluation sur la situation de défaillance avérée ou prévisible de Banco Popular, après consultation du CRU, conformément à l’article 18, paragraphe 1, deuxième alinéa, du règlement no 806/2014. Dans cette évaluation, la BCE, prenant en compte, en particulier, les sorties excessives de dépôts, la rapidité avec laquelle la trésorerie avait été perdue par la banque et l’incapacité de celle-ci à générer d’autres liquidités, a considéré qu’il existait des éléments objectifs indiquant que Banco Popular ne serait probablement pas en mesure dans un proche avenir de s’acquitter de ses dettes ou autres engagements à l’échéance. La BCE a conclu que la défaillance de Banco Popular était réputée avérée ou, en tout état de cause, prévisible dans un proche avenir, conformément à l’article 18, paragraphe 1, sous a), et paragraphe 4, sous c), du règlement no 806/2014.

121    Deuxièmement, par lettre du 6 juin 2017, le conseil d’administration de Banco Popular a informé la BCE qu’il était arrivé à la conclusion que la banque était en situation de défaillance prévisible.

122    Dans sa lettre à la BCE du 6 juin 2017, Banco Popular se réfère à la notification faite à la BCE en application de l’article 414 du règlement no 575/2013 concernant la violation des exigences minimales en matière de couverture des besoins de liquidité et renvoie à l’évaluation effectuée par son conseil d’administration, figurant en annexe, selon laquelle Banco Popular était en situation de défaillance et aux informations et aux analyses sur lesquelles ce dernier s’est fondé pour arriver à cette conclusion.

123    Dans cette lettre, il est indiqué :

« Conformément à l’article 21.4 de la loi 11/2015 et aux articles 45 et 46 du règlement délégué (UE) 2016/1075 [de la Commission, du 23 mars 2016, complétant la directive 2014/59 par des normes techniques de réglementation précisant le contenu des plans de redressement, des plans de résolution et des plans de résolution de groupe, les critères minimaux que l’autorité compétente doit prendre en compte pour évaluer les plans de redressement et les plans de redressement de groupe, les conditions préalables à un soutien financier de groupe, les exigences relatives à l’indépendance des évaluateurs, les conditions de la reconnaissance contractuelle des pouvoirs de dépréciation et de conversion, les exigences de procédure et de contenu concernant les notifications et l’avis de suspension ainsi que le fonctionnement des collèges d’autorités de résolution (JO 2016, L 184, p. 1)], Banco Popular notifie par la présente que son conseil d’administration a évalué que la banque était en situation de défaillance prévisible. »

124    À cet égard, les requérants font valoir que, dans son procès-verbal partiel du 6 juin 2017, annexé à cette lettre, le conseil d’administration de Banco Popular aurait indiqué être en situation de défaillance, mais également qu’il continuerait de faire tout ce qui était en son pouvoir pour remédier à cette situation en attendant un apport urgent de liquidités.

125    Il y a lieu de constater que, dans ce procès-verbal partiel du 6 juin 2017, le conseil d’administration de Banco Popular a souligné les difficultés rencontrées par Banco Popular, à savoir des ratios de fonds propres du groupe inférieurs à ceux de ses principaux concurrents, une exposition élevée aux actifs non performants et une couverture moins importante de ceux-ci par rapport aux principaux établissements espagnols et, tout particulièrement, la publication d’articles de presse au cours des mois précédents sur la santé financière du groupe et leurs effets sur sa situation de liquidité. Il a également relevé l’abaissement des notes de crédit des agences de notation, la chute du cours de l’action de Banco Popular au cours de l’année 2017 ainsi que la détérioration de la situation de liquidité et de financement de la banque. Le conseil d’administration a considéré que la situation de liquidité de Banco Popular s’était aggravée au point d’être insoutenable et que le non-respect de l’exigence de couverture des besoins de liquidité n’était plus provisoire et était significatif aux fins d’apprécier sa défaillance. Il a donc conclu que Banco Popular était, à cette date, considérée comme défaillante.

126    Cette conclusion ne saurait être remise en cause par le fait que le conseil d’administration a ajouté que, tant que les autorités compétentes n’auraient pas pris de décision à la suite de la communication de sa conclusion à la BCE, il continuerait à rechercher une solution privée à la situation actuelle par une opération d’entreprise et de continuer à travailler sur d’autres plans d’action susceptibles de permettre à l’établissement de lever des capitaux.

127    Troisièmement, à l’article 2 du dispositif de résolution, le CRU a rappelé la conclusion de l’évaluation de la BCE et a conclu, à l’article 2.2 que, suivant l’évaluation de la BCE, la condition prévue par l’article 18, paragraphe 1, sous a), du règlement no 806/2014 était remplie.

128    Ainsi, en l’espèce, la situation de défaillance avérée ou prévisible de Banco Popular a été constatée sur le fondement de l’article 18, paragraphe 4, sous c), du règlement no 806/2014 selon lequel, aux fins du paragraphe 1, sous a), du même article, la défaillance d’une entité est réputée avérée ou prévisible si celle-ci se trouve dans la situation suivante :

« l’entité n’est pas en mesure de s’acquitter de ses dettes ou autres engagements à l’échéance, ou il existe des éléments objectifs permettant de conclure que cela se produira dans un proche avenir. »

129    En premier lieu, il convient de relever que ni la BCE ni le CRU ne se sont fondés sur la situation prévue à l’article 18, paragraphe 4, sous b), du règlement no 806/2014, selon laquelle la défaillance d’une entité est réputée avérée ou prévisible lorsque « l’actif de l’entité est inférieur à son passif, ou [lorsqu’]il existe des éléments objectifs permettant de conclure que cela se produira dans un proche avenir ».

130    Ainsi, l’insolvabilité de l’entité n’est pas une condition à la constatation de la défaillance avérée ou prévisible sur le fondement de l’article 18, paragraphe 4, sous c), du règlement no 806/2014 et, partant, n’est pas une condition à l’adoption d’une mesure de résolution.

131    À cet égard, comme le relève le CRU, il ressort du considérant 57 du règlement no 806/2014 que :

« La décision de soumettre une entité à une procédure de résolution devrait intervenir avant que l’entité financière ne devienne insolvable au regard de son bilan et ne voie se tarir tous ses fonds propres. La procédure devrait être engagée une fois qu’il a été établi qu’une entité est en situation de défaillance avérée ou prévisible et qu’aucune autre mesure de nature privée ne pourrait empêcher cette défaillance dans un délai raisonnable. »

132    Il en ressort que l’insolvabilité de Banco Popular ne constituait pas la seule hypothèse dans laquelle celle-ci pouvait être considérée dans une situation de défaillance avérée ou prévisible au sens de l’article 18, paragraphe 1, sous a), du règlement no 806/2014.

133    La situation prévue à l’article 18, paragraphe 4, sous c), du règlement no 806/2014 n’exigeant pas que l’entité concernée soit insolvable, les arguments des requérants soulignant que Banco Popular était solvable à la date du dispositif de résolution sont inopérants. En effet, le fait qu’une entité soit solvable au regard de son bilan n’implique pas qu’elle dispose d’une trésorerie suffisante, à savoir des fonds disponibles pour s’acquitter de ses dettes ou ses autres engagements arrivant à échéance.

134    En second lieu, les requérants admettent que Banco Popular avait des problèmes de liquidité à la date du dispositif de résolution. En outre, ils ne soulèvent aucun argument visant à contester le fait que Banco Popular était, à la date du dispositif de résolution, dans la situation visée à l’article 18, paragraphe 4, sous c), du règlement no 806/2014, à savoir que Banco Popular ne serait probablement pas en mesure dans un proche avenir de s’acquitter de ses dettes ou autres engagements à l’échéance.

135    À cet égard, il convient de relever que, dans le considérant 23 du dispositif de résolution, le CRU, en se référant à l’évaluation effectuée par la BCE, a constaté que la situation de trésorerie de Banco Popular s’était détériorée de manière significative depuis octobre 2016, en raison de retraits de dépôts sur tous les segments de clientèle. Il en a déduit que la banque ne disposait pas de suffisamment d’options pour rétablir sa position de liquidité afin de s’assurer qu’elle serait en position stable pour s’acquitter de ses obligations à échéance.

136    Dans le dispositif de résolution, le CRU a énuméré les différents événements ayant conduit, depuis février 2017, à une détérioration rapide de la position de liquidité de Banco Popular. Le CRU fait notamment référence à la publication, en février 2017, du rapport annuel de 2016 de Banco Popular annonçant une perte consolidée de 3,485 milliards d’euros, un besoin de provisions exceptionnelles pour un montant de 5,7 milliards d’euros et la nomination d’un nouveau président ainsi qu’à la publication, en mai 2017, du rapport financier pour le premier trimestre 2017 annonçant des résultats moins bons que ceux attendus par le marché. Le CRU a mentionné les dégradations des notes de Banco Popular par différentes agences de notation en février, en avril et en juin 2017. Il a relevé également que la couverture médiatique négative continue sur les résultats financiers et sur le risque prétendument imminent de faillite ou d’illiquidité de Banco Popular avait entraîné une augmentation des retraits de dépôts.

137    De plus, le CRU a indiqué que, le 12 mai 2017, l’exigence de couverture des besoins de liquidité de Banco Popular était passée au-dessous du seuil minimal de 80 % fixé par l’article 460, paragraphe 2, sous c), du règlement no 575/2013 et que Banco Popular n’avait pas réussi à rétablir sa conformité avec cette limite à la date du dispositif de résolution.

138    Dans son rapport du 5 juin 2017, relatif à la demande d’apport urgent de liquidités de Banco Popular, la BCE a également indiqué que, en conséquence des retraits massifs de dépôts et d’une baisse importante des actifs liquides de haute qualité (high quality liquid assets), Banco Popular, le 12 mai 2017, avait enfreint le seuil de 80 % de couverture des besoins de liquidité et n’avait pas été en mesure de rétablir depuis la conformité avec les limites réglementaires.

139    L’article 412, paragraphe 1, du règlement no 575/2013 définit l’exigence de couverture des besoins de liquidité ainsi :

« Les établissements détiennent des actifs liquides dont la valeur totale couvre les sorties de trésorerie moins les entrées de trésorerie en situation de tensions afin de garantir qu’ils conservent des coussins de liquidité suffisants pour faire face à tout déséquilibre éventuel entre entrées et sorties de trésorerie en situation de tensions sévères pendant une période de trente jours. En période de tensions, les établissements peuvent utiliser leurs actifs liquides pour couvrir leurs sorties nettes de trésorerie. »

140    Ces différents éléments figurent dans les orientations de l’Autorité bancaire européenne (ABE), du 6 août 2015, relatives à l’interprétation des différentes situations dans lesquelles la défaillance d’un établissement est considérée comme avérée ou prévisible en vertu de l’article 32, paragraphe 6, de la directive 2014/59 (EBA/GL/2015/07) (ci-après les « orientations de l’ABE »).

141    Ces orientations, applicables dès le 1er janvier 2016, ont pour objet de fournir un ensemble d’éléments objectifs permettant de déterminer si une entité est en situation de défaillance avérée ou prévisible, conformément aux circonstances prévues à l’article 32, paragraphe 4, sous a) à c), de la directive 2014/59. La rédaction de l’article 32, paragraphe 4, sous c), de la directive 2014/59 est identique à celle de l’article 18, paragraphe 4, sous c), du règlement no 806/2014.

142    L’article 5, paragraphe 2, second alinéa, du règlement no 806/2014 prévoit que le CRU, le Conseil et la Commission mettent tout en œuvre pour se conformer aux orientations et aux recommandations de l’ABE ayant trait aux tâches susceptibles d’être exécutées par ces organes.

143    Selon les orientations de l’ABE, un établissement doit être considéré en situation de défaillance avérée ou prévisible, au sens de l’article 32, paragraphe 4, sous c), de la directive 2014/59, s’il enfreint les exigences réglementaires en matière de liquidité, s’il n’est pas en mesure de s’acquitter de ses dettes ou autres engagements à l’échéance, ou s’il existe des éléments objectifs permettant de conclure que cela se produira dans un proche avenir.

144    Parmi les éléments à prendre en compte, les orientations de l’ABE mentionnent, notamment : premièrement, tout évènement défavorable important affectant l’évolution de la position de liquidité de l’établissement et la viabilité de son profil de financement, ainsi que sa capacité à respecter les exigences minimales de liquidité prévues par le règlement no 575/2013 et les exigences supplémentaires imposées en vertu de l’article 105 de ce règlement ou de toute exigence minimale nationale de liquidité ; deuxièmement, toute évolution défavorable importante des obligations actuelles et futures de l’établissement, dont l’évaluation doit tenir compte, le cas échéant, des sorties de liquidités attendues et exceptionnelles, y compris tout signe de potentiels retraits massifs auprès des banques ; troisièmement, tout évènement susceptible de fortement nuire à la réputation de l’établissement, en particulier tout déclassement significatif de sa note de crédit par une ou plusieurs agences de notation engendrant des sorties de capitaux importantes ou l’incapacité de renouveler le financement ou l’activation de facteurs de déclenchement contractuels en fonction des notes externes.

145    Il en ressort que, contrairement à ce que soutiennent les requérants, une pénurie de liquidités constituait une circonstance suffisante pour justifier la résolution de Banco Popular, et cela d’autant plus que cette situation n’était plus provisoire.

146    Les différents éléments pris en considération par la BCE et le CRU, conformément aux orientations de l’ABE, par ailleurs non contestés par les requérants, ont permis de conclure que Banco Popular était en situation de défaillance avérée ou prévisible, au sens de l’article 18, paragraphe 4, sous c), du règlement no 806/2014, à la date de l’adoption du dispositif de résolution.

147    Partant, le CRU et la Commission n’ont pas commis d’erreur manifeste d’appréciation en considérant que la condition prévue par l’article 18, paragraphe 1, sous a), du règlement no 806/2014 était remplie. Cette conclusion n’est pas remise en cause par les griefs soulevés par les requérants.

1)      Sur le premier grief, relatif à la nécessité d’un apport de liquidités

148    Les requérants soutiennent que, en application du considérant 57 du règlement no°806/2014, lorsqu’un apport de liquidités peut être accordé, cette solution devrait prévaloir sur le constat de la défaillance de la banque. La nécessité d’octroyer des liquidités serait impérieuse lorsque, comme en l’espèce, ce sont les institutions européennes et les administrations espagnoles qui ont provoqué la pénurie de liquidités de Banco Popular. Ils invoquent la déclaration de la présidente du CRU du 23 mai 2017 lors de son entretien accordé à la chaîne de télévision Bloomberg, l’article de Reuters du 31 mai 2017 et le fait que les administrations espagnoles ont retiré des milliards d’euros de dépôt auprès de Banco Popular, lesquels auraient créé une chute de l’action de Banco Popular et des retraits massifs de dépôts. Ainsi, les requérants font valoir, en substance, que le CRU ne pouvait conclure que Banco Popular était en situation de défaillance avérée ou prévisible dans la mesure où la banque étant confrontée à un problème de liquidité, elle devait prioritairement bénéficier d’un apport de liquidités.

149    Ce grief repose sur une lecture erronée de la partie du considérant 57 du règlement no 806/2014 selon laquelle « [l]a nécessité d’un apport urgent de liquidités par une banque centrale ne devrait pas, en soi, être une circonstance suffisante pour conclure que l’entité est ou est susceptible dans un proche avenir d’être dans l’incapacité de payer ses dettes à l’échéance ».

150    Ce considérant doit être interprété en ce sens que le fait qu’une entité demande et se voit accorder par une banque centrale nationale un apport urgent de liquidités ne conduit pas automatiquement à conclure qu’elle est en situation de défaillance avérée ou prévisible au sens de l’article 18, paragraphe 1, sous a), du règlement no 806/2014.

151    Or, comme le relève la Commission, la défaillance de Banco Popular n’aurait pas été déterminée par le simple fait que l’entité aurait reçu un apport urgent de liquidités ou aurait eu besoin d’un apport urgent de liquidités supplémentaire.

152    Contrairement à ce que soutiennent les requérants, il ne saurait être déduit du considérant 57 du règlement no 806/2014 que, lorsqu’une banque rencontre des problèmes de liquidité, un apport urgent de liquidités doit lui être accordé prioritairement au constat de sa défaillance.

153    Par ailleurs, au considérant 26, sous c), du dispositif de résolution, le CRU a constaté que Banco Popular avait reçu un premier apport urgent de liquidités le 5 juin 2017, à la suite de l’absence d’objection de la BCE, mais que la Banque d’Espagne n’avait pas été en mesure de lui accorder un apport urgent de liquidités supplémentaire.

154    À cet égard, il convient de noter que, dans une lettre du 5 juin 2017, la Banque d’Espagne a demandé à la BCE son accord pour octroyer un apport urgent de liquidités à Banco Popular pour faire face à la sévère crise de liquidité dont souffrait cette dernière. Or, dès le même jour, la Banque d’Espagne a adressé une nouvelle lettre à la BCE contenant une demande d’extension de l’apport urgent de liquidités en faveur de Banco Popular, cette dernière l’ayant informée de mouvements de liquidités extrêmement importants. Ces deux courriers transmis le même jour à la BCE révèlent la rapidité avec laquelle la situation de liquidité de Banco Popular s’était détériorée.

155    Comme l’indiquent les requérants eux-mêmes, le retrait massif et continu de dépôts a eu pour conséquence que l’apport urgent de liquidités, qui avait été octroyé par la Banque d’Espagne, a été épuisé en un seul jour.

156    Il y a également lieu de rappeler que, le 6 juin 2017, en raison de l’ampleur et de la rapidité des retraits de liquidités, la BCE et le conseil d’administration de Banco Popular ont conclu que la banque ne serait plus en mesure de s’acquitter de ses dettes ou autres engagements à l’échéance du 7 juin. Ainsi, la défaillance de Banco Popular ayant été constatée, un apport urgent de liquidités supplémentaire n’était plus envisageable.

157    Le CRU a également constaté, à l’article 3.2, sous d), du dispositif de résolution, qu’un apport urgent de liquidités aurait été insuffisant au regard de la rapidité de la détérioration de la position de liquidité de Banco Popular.

158    À cet égard, il y a lieu de relever que le CRU ne joue aucun rôle dans la fourniture d’un apport urgent de liquidités, qui relève de la compétence des banques centrales nationales, comme le reconnaissent les requérants.

159    Dès lors, dans le dispositif de résolution, le CRU n’a pu que constater, d’une part, que la BCE, dans son évaluation sur la situation de défaillance avérée ou prévisible de Banco Popular, avait estimé que l’apport urgent de liquidités qu’elle avait approuvé n’aurait pas permis de résoudre la crise de liquidité de Banco Popular et, d’autre part, que la Banque d’Espagne n’avait pas accordé d’apport urgent de liquidités supplémentaire à Banco Popular.

160    Partant, il convient de rejeter le premier grief.

2)      Sur le deuxième grief, relatif à la violation des obligations de confidentialité

161    Les requérants font valoir que la défaillance de Banco Popular résulte d’une violation par le CRU des obligations de confidentialité prévues par l’article 339 TFUE et les articles 88 et 89 du règlement no 806/2014. La situation d’illiquidité de Banco Popular aurait été causée par les déclarations et les fuites d’informations du CRU des 23 et 31 mai 2017, qui auraient provoqué des retraits massifs de dépôts et la chute du cours de l’action de Banco Popular. Les requérants soutiennent que le CRU ne pouvait conclure que Banco Popular était en situation de défaillance avérée ou prévisible dans la mesure où cette situation découlait de la violation des obligations de confidentialité du CRU.

162    La Commission et le CRU soutiennent que la validité d’un dispositif de résolution et de son approbation par la Commission requiert uniquement que l’entité soit en situation de défaillance et que les autres conditions de résolution soient remplies au moment de l’adoption de la résolution. Les raisons qui ont conduit à cette situation seraient dénuées de pertinence.

163    Il y a lieu de relever que, à supposer même que les requérants aient établi que le CRU avait divulgué des informations confidentielles à la presse, selon une jurisprudence constante, une irrégularité de ce genre peut entraîner l’annulation de la décision en cause s’il est établi que, en l’absence de cette irrégularité, ladite décision aurait eu un contenu différent (voir arrêts du 6 juillet 2000, Volkswagen/Commission, T‑62/98, EU:T:2000:180, point 283 et jurisprudence citée ; du 5 avril 2006, Degussa/Commission, T‑279/02, EU:T:2006:103, point 416 et jurisprudence citée, et du 3 mars 2011, Siemens/Commission, T‑110/07, EU:T:2011:68, point 402 et jurisprudence citée).

164    À cet égard, comme le soutiennent la Commission et le CRU, un dispositif de résolution est valablement adopté lorsque les conditions prévues à l’article 18 du règlement no 806/2014 sont remplies, quels que soient les motifs ayant conduit l’entité en cause à une situation de défaillance avérée ou prévisible.

165    Ainsi, le CRU, ayant estimé que les conditions prévues à l’article 18, paragraphe 1, du règlement no 806/2014 étaient remplies, a adopté le dispositif de résolution et la Commission, ayant considéré que le dispositif de résolution était conforme aux dispositions du règlement no 806/2014, a approuvé celui-ci. Les circonstances ayant conduit à ce que Banco Popular remplisse les conditions justifiant l’adoption du dispositif de résolution, notamment la condition selon laquelle elle était en situation de défaillance avérée ou prévisible, ne sont pas pertinentes.

166    Il s’ensuit que les allégations des requérants selon lesquelles la déclaration de la présidente du CRU du 23 mai 2017 et l’article de Reuters du 31 mai 2017, mentionné au point 42 ci-dessus, seraient à l’origine de la crise de liquidité de Banco Popular ne sont pas pertinentes aux fins de déterminer si la condition prévue par l’article 18, paragraphe 1, sous a), du règlement no 806/2014 était remplie et, partant, aux fins de l’appréciation de la validité du dispositif de résolution.

167    À cet égard, un prétendu lien de causalité entre ces divulgations et la crise de liquidité de Banco Popular, invoqué par les requérants, est indifférent et ne saurait conduire à l’annulation du dispositif de résolution. En revanche, dans la mesure où les requérants font valoir que la déclaration de la présidente du CRU du 23 mai 2017 et l’article de Reuters du 31 mai 2017 constituent une violation par le CRU de son obligation de confidentialité qui serait à l’origine de leur dommage, leur contenu sera examiné dans le cadre de la seconde demande indemnitaire.

168    Les requérants contestent l’argument selon lequel les raisons qui ont conduit la banque à être en situation de défaillance ne sont pas pertinentes. Ils font valoir que, dans un tel cas, le CRU, la Commission et le FROB disposeraient d’une marge discrétionnaire non prévue par le règlement no 806/2014 et que cela serait contraire au principe nemo auditur propriam turpitudinem allegans.

169    S’agissant de l’invocation par les requérants de ce principe selon lequel nul ne saurait invoquer son propre comportement fautif à l’égard d’autrui pour obtenir un avantage, il suffit de constater à l’instar du CRU que ce principe n’est pas applicable en l’espèce. Comme le relève le CRU, ce principe s’applique lorsqu’une partie cherche à tirer indûment profit de sa propre conduite illicite. Or, les requérants n’indiquent pas quel avantage le CRU ou la Commission auraient retiré de l’adoption du dispositif de résolution.

170    Partant, il convient de rejeter le deuxième grief.

3)      Sur le troisième grief, relatif à la violation du principe de bonne administration

171    Les requérants soutiennent que, dès lors que le CRU était à l’origine de la crise de liquidité de Banco Popular, celui-ci et la Commission avaient l’obligation de minimiser le préjudice occasionné en vertu du principe de bonne administration, consacré par l’article 41 de la Charte. Ils considèrent que le CRU et la Commission ont violé le principe de bonne administration en n’examinant pas avec soin et impartialité la prétendue défaillance de Banco Popular, en ignorant qu’elle aurait été causée par les déclarations du CRU et le retrait massif des dépôts des administrations espagnoles et en ne tenant pas compte du fait que la situation aurait pu être réglée par un apport urgent de liquidités. Ils soutiennent également que le CRU et la Commission ont violé le principe de diligence dans la mesure où, ayant eu connaissance du fait que les déclarations du CRU auraient entraîné la crise de liquidité de Banco Popular, ils n’auraient rien fait pour y remédier et éviter la résolution, notamment par l’octroi d’un apport urgent de liquidités.

172    Dans la réplique, les requérants expliquent que, par ce grief, ils soutiennent que, en vertu du principe de bonne administration, le CRU et la Commission auraient dû agir différemment concernant la résolution de Banco Popular, en atténuant le préjudice causé par la situation dont ils étaient à l’origine.

173    Il y a lieu de constater que le lien effectué par les requérants entre la prétendue violation du principe de bonne administration et la violation de la condition prévue par l’article 18, paragraphe 1, sous a), du règlement no 806/2014 n’est pas clair. De même, la référence à un préjudice que le CRU et la Commission auraient dû atténuer est difficilement compréhensible dans le contexte de l’analyse du respect de cette condition.

174    En outre, il convient de rappeler qu’il ressort de l’analyse du deuxième grief que les causes ayant conduit Banco Popular à être en situation de défaillance avérée ou prévisible ne sont pas pertinentes pour déterminer si la condition prévue par l’article 18, paragraphe 1, sous a), du règlement no 806/2014 était remplie et, partant, aux fins de l’appréciation de la légalité des décisions attaquées. À cet égard, d’une part, les requérants n’expliquent pas dans quelle mesure, si le CRU et la Commission avaient tenu compte de ces circonstances, il n’aurait pas été possible de constater la situation de défaillance avérée ou prévisible de Banco Popular fondée sur son manque de liquidités, ni, ainsi, de constater que la condition prévue par l’article 18, paragraphe 1, sous a), du règlement no 806/2014 était remplie. D’autre part, les arguments des requérants ne tiennent également pas compte du fait que le constat de la situation de défaillance avérée ou prévisible de Banco Popular résulte de l’évaluation effectuée par la BCE.

175    S’agissant de l’argument selon lequel le CRU et la Commission n’auraient pas tenu compte du fait qu’il pouvait être remédié à la situation de Banco Popular par un apport urgent de liquidités par la Banque d’Espagne, il suffit de renvoyer à l’analyse du premier grief et de rappeler qu’une telle mesure relève de la compétence des banques centrales nationales.

176    S’agissant de l’argument selon lequel le CRU et la Commission auraient dû remédier à la situation de Banco Popular, afin d’éviter la résolution, par des mesures d’intervention précoce conformément à l’article 13 du règlement no 806/2014, il suffit de constater que les requérants n’expliquent pas à quel type de mesures relevant de la compétence du CRU ou de la Commission ils font référence. L’adoption de mesures d’intervention précoce visées à l’article 13 du règlement no 806/2014 relève de la compétence de la BCE et des autorités nationales compétentes.

177    Dès lors, il y a lieu de rejeter le troisième grief et, partant, la première branche.

b)      Sur la deuxième branche, tirée de la violation de larticle 18, paragraphe 1, sous b), du règlement no 806/2014

178    Les requérants font valoir une violation de l’article 18, paragraphe 1, sous b), du règlement no 806/2014, le CRU n’ayant pas évalué correctement les solutions alternatives à la résolution. Ils font valoir qu’il existait plusieurs mesures alternatives viables à la résolution.

179    En premier lieu, les requérants considèrent que l’octroi de l’intégralité de l’apport urgent de liquidités autorisé initialement par la BCE et les efforts de Banco Popular pour lever des fonds jusqu’au 16 juin 2017, auraient permis la poursuite de ses activités jusqu’au 21 juin 2017 et la mise en œuvre d’une procédure de vente privée ou d’une augmentation de capital.

180    Il convient de rappeler qu’il ressort de l’analyse du premier grief de la première branche que le CRU a constaté dans le dispositif de résolution que la Banque d’Espagne, après avoir octroyé un premier apport urgent de liquidités à Banco Popular le 5 juin 2017, n’était pas en mesure de lui accorder l’octroi d’un apport urgent de liquidités supplémentaire. L’octroi d’un apport urgent de liquidités relevant de la compétence des banques centrales nationales, le CRU ne pouvait que prendre acte de l’indisponibilité d’un apport urgent de liquidités supplémentaire.

181    À cet égard, les requérants soutiennent qu’une extension de l’apport urgent de liquidités en faveur de Banco Popular était possible, malgré le refus de la Banque d’Espagne d’octroyer un nouvel apport urgent de liquidités à Banco Popular. Ils soutiennent qu’une évaluation plus réaliste des garanties aurait permis l’octroi de l’apport urgent de liquidités supplémentaire demandé par Banco Popular et que, même en cas de garanties insuffisantes de la part de Banco Popular, l’État espagnol aurait pu fournir cette garantie. Ils estiment que le FROB aurait également pu fournir des liquidités à Banco Popular.

182    Il suffit de constater que ces arguments reposent sur de pures conjectures concernant une aide qu’auraient pu apporter des tiers et, notamment, les autorités espagnoles à Banco Popular.

183    Il convient également de relever que, en application de l’article 6, paragraphe 6, du règlement no 806/2014, « [l]es décisions ou les mesures du CRU, du Conseil ou de la Commission n’imposent pas aux États membres de fournir un soutien financier public exceptionnel ni empiètent sur la souveraineté budgétaire et les compétences budgétaires des États membres ». Ni le CRU ni la Commission ne disposaient donc de la possibilité d’imposer aux autorités espagnoles d’apporter un soutien financier, sous forme de liquidités ou de garanties, à Banco Popular.

184    En outre, il y a lieu de relever que, dans son évaluation sur la situation de défaillance avérée ou prévisible de Banco Popular, la BCE a indiqué que, même avec le recours à l’apport urgent de liquidités pour lequel le conseil des gouverneurs de la BCE n’avait pas émis d’objections le 5 juin 2017, la situation de trésorerie à la date de l’évaluation ne suffisait pas pour garantir la capacité de Banco Popular à faire face à ses engagements au plus tard le 7 juin 2017.

185    Ainsi, la prémisse sur laquelle reposent les arguments des requérants, selon laquelle Banco Popular aurait pu bénéficier de l’intégralité de l’apport urgent de liquidités qui avait été autorisé initialement par la BCE, doit être écartée. Dès lors, les solutions alternatives mentionnées par les requérants, en ce qu’elles sont subordonnées à l’octroi de cet apport urgent de liquidités supplémentaire, n’étaient pas envisageables. En outre, l’affirmation des requérants, selon laquelle l’octroi de l’intégralité de l’apport urgent de liquidités aurait permis à Banco Popular de poursuivre ses activités jusqu’au 21 juin 2017, est une simple supposition qui ne tient pas compte des conséquences de la poursuite des sorties de dépôts, ni de leur ampleur.

186    En deuxième lieu, les requérants soutiennent, en substance, que le CRU n’a pas suffisamment motivé, à l’article 3 du dispositif de résolution, les raisons pour lesquelles d’autres mesures n’étaient pas envisageables.

187    À cet égard, il y a lieu de relever que, à l’article 3 du dispositif de résolution, le CRU, prenant en compte l’évaluation de la BCE, a conclu qu’il n’existait pas de mesure alternative susceptible d’empêcher la défaillance de Banco Popular dans un délai raisonnable et que la condition prévue par l’article 18, paragraphe 1, sous b), du règlement no 806/2014 était remplie.

188    Plus particulièrement, à l’article 3.2 du dispositif de résolution, le CRU a indiqué qu’il n’y avait aucune perspective raisonnable que d’autres mesures de nature privée puissent empêcher la défaillance de Banco Popular. L’absence de telles mesures pouvait être déduite, notamment, des circonstances suivantes :

–        la banque elle-même aurait reconnu dans une lettre adressée à la BCE le 6 juin 2017 être en situation de défaillance prévisible ;

–        la procédure de vente privée n’avait pas abouti à un résultat positif dans un délai qui aurait permis à la banque de s’acquitter de ses dettes ou autres engagements à l’échéance ;

–        il était peu probable que la banque soit en mesure de mobiliser dans les délais nécessaires suffisamment de liquidités supplémentaires par le biais de transactions sur le marché, d’opérations de la banque centrale ou par des mesures prévues dans son fonds de réserve et dans ses plans de relance ;

–        un apport urgent de liquidités aurait été insuffisant au regard de la rapidité de la détérioration de la position de liquidité.

189    À l’article 3.3 du dispositif de résolution, le CRU a estimé qu’il n’y avait aucune perspective raisonnable que des mesures prudentielles, y compris des mesures d’intervention précoce, puissent empêcher la défaillance de Banco Popular. Le CRU a relevé que, dans son évaluation sur la situation de défaillance avérée ou prévisible de Banco Popular, la BCE avait confirmé qu’il n’y avait pas de mesures prudentielles ou d’intervention précoce disponibles qui pourraient rétablir la position de liquidité de la banque de manière immédiate et qui pourraient lui permettre de disposer de suffisamment de temps pour mettre en œuvre une transaction d’entreprise ou une autre solution. Les mesures à la disposition de la BCE en tant qu’autorité compétente, en vertu de la transposition nationale de l’article 104 de la directive 2013/36 et des articles 27 à 29 de la directive 2014/59 ou en vertu de l’article 16 du règlement no 1024/2013, ne pouvaient garantir que la banque serait en mesure de s’acquitter de ses engagements et autres dettes à l’échéance, compte tenu de l’ampleur et du rythme de la détérioration de la position de liquidité observée.

190    À l’article 3.4 du dispositif de résolution, le CRU a considéré qu’il n’y avait également aucune perspective raisonnable que l’exercice du pouvoir de dépréciation et de conversion des instruments de fonds propres, conformément à l’article 21 du règlement no 806/2014, empêcherait la défaillance de Banco Popular dans un délai raisonnable. En particulier, le CRU a considéré que, étant donné que Banco Popular était dans une situation de défaillance avérée ou prévisible en raison de sa position de liquidité, la dépréciation et la conversion du capital ne seraient pas suffisantes pour rétablir la situation de liquidité de la banque.

191    Ces dispositions figurent dans leur intégralité dans la version du dispositif de résolution publiée sur le site Internet du CRU le 2 février 2018 et annexée à la réplique. Il en ressort que les requérants ne sauraient soutenir que le CRU n’a pas justifié, dans le dispositif de résolution, les raisons pour lesquelles des mesures alternatives prudentielles, y compris des mesures d’intervention précoce, ou de nature privée n’étaient pas envisageables.

192    En outre, comme le relèvent la Commission et le CRU, eu égard aux termes de l’article 18, paragraphe 1, sous b), du règlement no 806/2014, le CRU pouvait se limiter à évaluer les mesures alternatives qui étaient susceptibles d’empêcher la défaillance de Banco Popular dans un délai raisonnable, compte tenu du temps disponible et des circonstances.

193    En troisième lieu, les requérants soutiennent qu’une augmentation de capital de Banco Popular était possible. En supposant que le manque de liquidités de Banco Popular était dû à une décapitalisation, ils font valoir que Banco Popular avait besoin de 2 à 5 milliards d’euros. Ils relèvent que, selon la presse, des banques d’investissement travaillaient à une augmentation de capital de 4 ou 5 milliards d’euros. Selon les analystes spécialisés, cette augmentation de capital aurait été viable pour deux raisons. D’une part, environ 31,5 % du capital social de Banco Popular aurait été détenu par de grands investisseurs, lesquels auraient été disposés à souscrire à une augmentation de capital en 2017. D’autre part, en mai 2017, avant les déclarations de la présidente du CRU, les analystes auraient estimé que l’action de Banco Popular était sous-cotée et il aurait donc existé une confiance dans la revalorisation de cette action. Ils invoquent une lettre de la Barclays Bank du 3 juin 2017 et une lettre de la Deutsche Bank du 5 juin 2017, adressées à Banco Popular, indiquant qu’elles étaient disposées à participer à une augmentation de capital.

194    Il y a lieu de relever que, comme l’indiquent les requérants eux-mêmes, cette solution s’appuie sur l’hypothèse que le manque de liquidité de Banco Popular aurait été dû à une décapitalisation. Or, il suffit de rappeler que le manque de liquidité de Banco Popular résultait d’une fuite massive des dépôts causée par une perte de confiance des déposants et que seule une mesure susceptible de générer rapidement suffisamment de liquidités pour permettre à Banco Popular de faire face à ses échéances le 7 juin 2017 devait être considérée comme une solution alternative viable. Les requérants n’ont pas démontré que tel aurait été le cas de l’augmentation de capital qu’ils invoquent, laquelle, par ailleurs, est purement hypothétique et aurait été, en tout état de cause, postérieure à cette date.

195    S’agissant de la lettre de la Barclays Bank du 3 juin 2017 et de la lettre de la Deutsche Bank du 5 juin 2017, les requérants ont produit des extraits de ces lettres en annexe de la réplique. Par lettre déposée au greffe du Tribunal le 6 mai 2019, les requérants ont produit une nouvelle offre de preuve en application de l’article 85, paragraphe 3, du règlement de procédure, visant à produire la version intégrale de ces deux lettres à la suite de leur publication sur le site Internet de Diario 16, le 9 avril 2019. Dans le cadre d’un article intitulé « La résolution et la vente de Banco Popular n’étaient pas conformes aux exigences de la loi », le site Internet de Diario 16 a divulgué un certain nombre de documents, parmi lesquels l’intégralité de la lettre de la Barclays Bank du 3 juin 2017 et de la lettre de la Deutsche Bank du 5 juin 2017.

196    À cet égard, l’article 85, paragraphe 3, du règlement de procédure prévoit que, à titre exceptionnel, les parties principales peuvent encore produire des preuves ou faire des offres de preuve avant la clôture de la phase orale de la procédure ou avant la décision du Tribunal de statuer sans phase orale de la procédure, à condition que le retard dans la présentation de celles-ci soit justifié.

197    En indiquant qu’ils n’ont pas eu accès à la version intégrale de ces lettres avant leur diffusion sur Internet, le 9 avril 2019, les requérants ont justifié les raisons pour lesquelles ils n’ont pas pu les produire en annexe de leurs précédentes écritures. Il y a donc lieu de considérer ces nouvelles preuves comme recevables.

198    S’agissant de la teneur de ces deux lettres, il convient de constater qu’elles ne contiennent aucun engagement ferme de la Barclays Bank ou de la Deutsche Bank de participer à une augmentation de capital de Banco Popular, mais qu’elles reflètent de simples discussions sur une potentielle augmentation de capital future. Ces lettres révèlent que, à la date de leur envoi, le projet d’augmentation de capital de Banco Popular n’en était encore qu’à un stade d’élaboration très précoce.

199    Ainsi, dans sa lettre du 3 juin 2017 à Banco Popular, la Barclays Bank fait uniquement référence à des discussions récentes concernant une augmentation de capital, dont le but serait, pour Banco Popular, de couvrir ses besoins de provisionnement supplémentaires et d’atteindre des niveaux de capital significativement plus élevés, afin d’atténuer les défis découlant d’une exposition particulière en matière immobilière et d’autres actifs non performants auxquels elle devait faire face.

200    Dans cette lettre, la Barclays Bank a réaffirmé son soutien à Banco Popular et a indiqué être en position de l’assister dans cette importante transaction. La Barclays Bank a manifesté son intérêt à souscrire en tant que coordinateur global ou teneur de livre pour 50 % de la transaction aux conditions du marché. Elle a formulé des réserves juridiques en indiquant que « tout engagement ou toute offre en lien avec une souscription de ce type se traduirait par un ou des accords séparés à conclure entre Banco Popular et [elle], pour autant que les conditions du marché soient satisfaisantes, qu’un contrôle préalable ait donné de bons résultats, que les parties se soient entendues sur les conditions et les prix à cette date […] et que toutes les autorisations internes requises aient été obtenues ». Enfin, la Barclays Bank a souligné que cette lettre ne constituait pas une offre de souscrire à la transaction ou à un quelconque financement et ne visait pas à créer de rapport juridique entre elle et Banco Popular.

201    Ainsi, dans cette lettre, d’une part, rien n’indique que la Barclays Bank était disposée à participer financièrement à cette augmentation de capital et, d’autre part, cette dernière ne mentionne pas la crise de liquidité à laquelle Banco Popular était confrontée et ne propose aucune solution visant à y remédier.

202    Dans sa lettre du 5 juin 2017 à Banco Popular, la Deutsche Bank fait uniquement mention de son intérêt à assurer 50 % d’une possible augmentation de capital de 4 milliards d’euros. La Deutsche Bank indique seulement qu’« il y a évidemment certaines conditions, mais [que] la lettre est fondée sur notre conviction que, dans des circonstances que nous pensons pouvoir être satisfaites de manière réaliste, une augmentation [de capital] pourrait être réalisée qui stabiliserait la banque ». La Deutsche Bank a indiqué avoir contacté différents investisseurs et qu’elle pensait que, « évidemment sans certitudes absolues », une augmentation de capital serait possible.

203    Dès lors, cette lettre ne saurait être interprétée comme contenant un engagement ferme de la Deutsche Bank de participer à une augmentation de capital de Banco Popular et elle ne concerne pas une solution visant à résoudre la crise de liquidité de Banco Popular.

204    Par ailleurs, les requérants indiquent que Banco Popular, dans son plan de fonds propres d’avril 2017, aurait prévu que l’augmentation de capital pouvait être réalisée en un mois. Il suffit de relever que, dans ce document, Banco Popular mentionne un délai d’un à trois mois pour réaliser une augmentation de capital et que le délai prévisionnel d’un mois est calculé à compter de la signature du contrat de souscription. Or, aucune offre ferme n’ayant été formulée en vue d’une augmentation de capital, cet argument ne saurait prospérer.

205    En outre, la perspective qu’une augmentation de capital permette de dégager suffisamment de liquidité pour éviter la résolution de Banco Popular, est contredite par le fait que le conseil d’administration de Banco Popular a conclu le 6 juin 2017 que la banque était en situation de défaillance prévisible.

206    Partant, les requérants n’expliquent pas de quelle manière cette augmentation de capital aurait pu se concrétiser dans un délai suffisamment bref pour permettre un apport de liquidités susceptible d’éviter la défaillance de Banco Popular, ni de quelle manière elle aurait été en mesure d’endiguer les fuites de dépôts et de restaurer la position de liquidité de Banco Popular à long terme. Les requérants n’ont donc pas démontré qu’une augmentation de capital constituait une solution alternative viable à la résolution de Banco Popular.

207    En quatrième lieu, les requérants font valoir qu’une séparation des actifs de Banco Popular était possible. Ils relèvent que Banco Popular travaillait à une vente de ses actifs immobiliers pour 6 milliards d’euros et qu’elle avait indiqué, le 5 mai 2017, que des progrès avaient été faits dans ce sens. Selon eux, des faits ultérieurs auraient confirmé que la séparation de tout ou partie des actifs non productifs de Banco Popular était possible. Banco Santander aurait mis en vente 51 % des actifs saisis et des créances douteuses de Banco Popular après son acquisition et des fonds internationaux auraient manifesté leur intérêt à l’acquisition de ces actifs. De plus, Banco Popular aurait déclaré, en mai 2017, qu’elle envisageait de vendre ses actifs non stratégiques et elle aurait reçu des offres fermes pour plusieurs de ces actifs. Les requérants font valoir que, à supposer même qu’il n’y ait pas eu d’acheteur immédiat pour les actifs non performants et les actifs non stratégiques de Banco Popular, ils auraient pu être transférés à un établissement-relais. La vente séparée d’actifs aurait permis à Banco Popular d’obtenir des liquidités à court terme afin de poursuivre ses activités pendant quelques semaines et de mener ainsi à bien la vente privée ou une augmentation de capital.

208    Il convient de relever que les arguments des requérants s’appuient sur de simples suppositions que des ventes d’actifs étaient possibles. Ils indiquent que Banco Popular aurait pu vendre des actifs non performants ou des actifs non stratégiques, sans expliquer quels seraient précisément ces actifs, pour quel montant ils auraient pu être vendus, ni si des acquéreurs étaient intéressés dans ces acquisitions ou même si des opérations étaient en cours. À cet égard, il y a lieu de relever que les requérants invoquent eux-mêmes l’hypothèse où il n’y aurait pas eu d’acquéreur immédiat pour ces actifs. Il en ressort que les requérants ne démontrent pas que des ventes d’actifs étaient effectivement réalisables dans un délai suffisant pour permettre à Banco Popular de dégager suffisamment de liquidités pour faire face aux retraits massifs de dépôts et éviter d’être en situation de défaillance avérée ou prévisible le 6 juin 2017.

209    S’agissant de la possibilité invoquée par les requérants, dans l’hypothèse où il n’y aurait pas eu d’acquéreur immédiat, de transférer les actifs non performants ou les actifs non stratégiques à un établissement-relais pour les vendre ensuite en application des articles 25 et 26 du règlement no 806/2014, il suffit de constater qu’il ne s’agit pas de solutions alternatives à la résolution au sens de l’article 18, paragraphe 1, sous b), du règlement no 806/2014, mais d’autres instruments de résolution dont l’utilisation présuppose par définition que l’entité soit en situation de défaillance avérée ou prévisible.

210    S’agissant du fait allégué par les requérants selon lequel Banco Popular aurait informé le 5 mai 2017 que des progrès avaient été faits dans la réalisation de vente d’actifs immobiliers, il suffit de constater que les requérants n’établissent pas que ce projet aurait pu aboutir avant la constatation de la défaillance de Banco Popular.

211    S’agissant de l’allégation des requérants selon laquelle Banco Popular aurait reçu des offres fermes pour plusieurs de ses actifs, il y a lieu de relever qu’elle ne s’appuie sur aucun élément de preuve. En invoquant uniquement des articles de presse, les requérants mentionnent la vente de Targo Bank au Crédit mutuel le 2 juin 2017 et des discussions en vue de la vente de TotalBank pour 500 millions d’euros. Or, il suffit de relever, d’une part, que la vente de Targo Bank n’a pas empêché la défaillance de Banco Popular et, d’autre part, que les requérants n’ont pas démontré que la vente de TotalBank aurait pu intervenir dans un délai raisonnable permettant à Banco Popular de trouver les liquidités suffisantes pour faire face à ses engagements le 7 juin 2017.

212    S’agissant du fait allégué par les requérants selon lequel, postérieurement à la vente de Banco Popular, Banco Santander a réalisé des ventes d’actifs, il suffit de constater qu’il n’est pas pertinent aux fins de l’appréciation de la légalité du dispositif de résolution.

213    Enfin, il convient de relever, à l’instar du CRU, qu’il est purement spéculatif de soutenir que ces opérations de vente d’actifs auraient pu être réalisées avec succès, même dans le cas où Banco Popular aurait bénéficié de plus de temps. En toute hypothèse, les requérants n’expliquent pas, à supposer même que ces ventes d’actifs aient pu avoir lieu dans un délai suffisamment bref pour permettre un nouvel apport de liquidités, de quelle manière de telles mesures auraient permis d’endiguer les retraits de dépôts et de rétablir la confiance du marché et, partant, d’interrompre les fuites de liquidités et de rétablir la viabilité de Banco Popular à long terme.

214    Les requérants soutiennent également que, le 5 juin 2017, la BCE aurait constaté que Banco Popular prévoyait une augmentation de capital avec cession d’actifs non stratégiques et un plan de cession d’actifs et qu’elle n’aurait pas affirmé que ces solutions étaient impossibles à mettre en œuvre.

215    Par cet argument, les requérants font référence à l’évaluation de la BCE, du 5 juin 2017, sur la demande d’apport urgent de liquidités de Banco Popular, dans laquelle la BCE a décrit les éléments objectifs relatifs à l’évolution de la situation de liquidité de Banco Popular, tels que l’évolution de l’exigence de couverture des besoins de liquidité, de sa capacité de rééquilibrage (counterbalancing capacity) et des sorties de dépôts, ainsi que la mise en œuvre de mesures génératrices de liquidités adoptées par la banque encore en cours. À cet égard, la BCE a indiqué que, selon les informations données par Banco Popular, une mobilisation de liquidités supplémentaires était attendue pour la mi-juin au moyen du désendettement, de la vente d’obligations et de la vente d’actifs non productifs.

216    Il y a lieu de constater que la BCE a procédé uniquement à une description factuelle de l’évolution de la position de liquidité de Banco Popular et, comme elle le précise, sur la base de données fournies par la banque elle-même. Il ne s’agissait pas, pour la BCE, de se prononcer sur la faisabilité des mesures envisagées par la banque. En outre, il est précisé que ces mesures devaient fournir de nouvelles liquidités à Banco Popular au milieu du mois de juin, soit postérieurement à la résolution.

217    En revanche, il y a lieu de relever que, le 6 juin 2017, dans son évaluation sur la situation de défaillance avérée ou prévisible de Banco Popular, la BCE a considéré que, alors que Banco Popular avait développé diverses mesures génératrices de liquidités supplémentaires au cours des semaines précédentes et commencé à les mettre en œuvre, l’ampleur des flux entrants réalisés et encore attendus était insuffisante pour remédier à la détérioration de la position de liquidité de la banque à la date de l’évaluation. Elle a également indiqué que Banco Popular n’avait que des options très limitées pour obtenir des fonds par des transactions régulières sur le marché ou par des opérations de la banque centrale nationale et qu’elle n’était pas capable de mobiliser suffisamment de liquidités additionnelles par le biais des mesures prévues dans ses plans de financement d’urgence et de relance. La BCE a relevé que Banco Popular avait déjà mis en place différentes mesures pour corriger sa position de liquidité, mais que, néanmoins, ces mesures n’avaient finalement pas été suffisantes pour renverser la détérioration de sa position de trésorerie.

218    En cinquième lieu, les requérants font valoir que la vente privée de Banco Popular à un tiers aurait pu être réalisée. Cette solution aurait été écartée par le CRU en raison d’un problème de délai, compte tenu du manque de liquidités, et non de viabilité. Alors que plusieurs établissements auraient présenté des offres, manifestant ainsi leur intérêt dans l’acquisition de Banco Popular, les autorités européennes auraient seulement invité deux acquéreurs potentiels à participer à la procédure de vente début juin 2017. Ils ajoutent qu’il est erroné d’affirmer que la procédure de vente privée avait échoué en mai 2017 dans la mesure où les entités intéressées par l’acquisition de Banco Popular avaient jusqu’à fin juin 2017 pour présenter une offre.

219    Il convient de relever que cet argument repose sur une compréhension erronée des faits.

220    Comme cela est indiqué au point 59 ci-dessus, la BCE avait constaté dans son évaluation sur la situation de défaillance avérée ou prévisible de Banco Popular que les négociations dans le cadre de la procédure de vente privée n’avaient jusqu’alors pas abouti à un résultat positif et que la réalisation de cette vente n’était pas prévisible dans un délai qui permettait à Banco Popular de pouvoir s’acquitter de ses dettes ou autres engagements à l’échéance.

221    Il y a lieu également de considérer que, le conseil d’administration de Banco Popular ayant reconnu que la banque était en situation de défaillance avérée ou prévisible le 6 juin 2017, il a, de ce fait, admis que la réalisation de la vente privée n’était plus une solution envisageable à cette date.

222    Ainsi, au considérant 26 du dispositif de résolution, le CRU a décrit les mesures qui avaient été prises par Banco Popular pour tenter de remédier à ses problèmes de liquidité, parmi lesquelles une procédure de vente privée engagée en avril 2017. Le CRU a relevé que la date limite de présentation des offres par des acquéreurs potentiels avait été initialement fixée au 10 juin 2017 et que, début juin, elle avait été repoussée à fin juin 2017. Il a constaté que, cependant, à la date du dispositif de résolution, cette procédure n’avait pas abouti.

223    À l’article 3.2 du dispositif de résolution, le CRU a indiqué qu’il n’y avait aucune perspective raisonnable que d’autres mesures de nature privée puissent empêcher la défaillance de Banco Popular et que l’absence de telles mesures pouvait être déduite, notamment, du fait que la procédure de vente privée n’avait pas abouti à un résultat positif dans un délai qui aurait permis à la banque de s’acquitter de ses dettes ou autres engagements à l’échéance. À l’article 6.6 du dispositif de résolution, le CRU a également relevé que, dans la période précédant immédiatement la résolution, Banco Popular avait mené une procédure de vente privée et que, dans la semaine du 29 mai 2017, il était apparu que cette procédure échouerait.

224    Le CRU a ainsi constaté que, à la date du dispositif de résolution, la procédure de vente privée initiée par Banco Popular avait échoué. Contrairement à ce que prétendent les requérants, aucun acquéreur potentiel ayant participé à cette procédure n’avait présenté d’offre ferme pour l’acquisition de Banco Popular.

225    La procédure de vente privée engagée par la banque, depuis avril 2017, n’ayant conduit à aucune offre ferme et ayant nécessité un prolongement du délai de présentation des offres, il n’était pas envisageable qu’elle puisse aboutir avant que Banco Popular soit déclarée en situation de défaillance avérée ou prévisible. Le fait que les acquéreurs potentiels aient jusqu’à la fin du mois de juin pour présenter une offre n’est pas susceptible de remettre en cause ce constat. Les requérants n’ont donc pas établi que la procédure de vente privée constituait une solution alternative envisageable à la résolution.

226    En sixième lieu, les requérants soutiennent que, si aucune des mesures alternatives susmentionnées n’était viable, l’octroi d’une aide d’État ou d’un financement du FRU aurait permis d’éviter l’effondrement de Banco Popular. Ils estiment que rien n’empêchait l’État espagnol d’investir temporairement dans le capital de Banco Popular.

227    À cet égard, il suffit de constater, d’une part, que, en vertu de l’article 76, paragraphe 1, sous b), du règlement no 806/2014, dans le cadre du dispositif de résolution, lors de l’utilisation des instruments de résolution, le CRU peut recourir au FRU uniquement dans la mesure nécessaire à l’application effective des instruments de résolution aux fins, notamment, d’accorder des prêts à l’établissement soumis à une procédure de résolution. Il en ressort clairement que cette possibilité ne peut être envisagée que dans le cadre d’une mesure de résolution et ne constitue en aucun cas une mesure alternative à celle-ci.

228    D’autre part, il ressort du point 183 ci-dessus, que seules les autorités nationales compétentes peuvent décider d’octroyer ou non une aide et que ni le CRU ni la Commission ne sont en mesure d’imposer à un État membre d’accorder une aide à une entité.

229    En outre, comme le relève la Commission, une telle solution serait contraire aux objectifs de la résolution qui vise à limiter les coûts supportés par les contribuables. Il convient de rappeler que, selon l’article 14, paragraphe 2, sous c), du règlement no 806/2014, un des objectifs de la résolution est de protéger les ressources de l’État par une réduction maximale du recours à un soutien financier public exceptionnel.

230    Il ressort de ce qui précède que les requérants n’ont pas établi l’existence de solutions alternatives viables dont le CRU aurait dû tenir compte.

231    Partant, le CRU et la Commission n’ont pas commis d’erreur manifeste d’appréciation en considérant que la condition prévue par l’article 18, paragraphe 1, sous b), du règlement no 806/2014 était remplie, de sorte que la deuxième branche doit être rejetée.

c)      Sur la troisième branche, tirée de la violation de larticle 18, paragraphe 1, sous c), du règlement no 806/2014

232    Les requérants font valoir que le CRU a violé l’article 18, paragraphe 1, sous c), du règlement no 806/2014 dans la mesure où l’intérêt public ne peut enfreindre les principes fondamentaux du droit de l’Union et où le CRU aurait dû mettre en balance différents intérêts. Le CRU aurait alors dû constater que l’intérêt public ne justifiait pas une atteinte au principe de proportionnalité ni une intervention discriminatoire et arbitraire.

233    L’article 18, paragraphe 5, du règlement no 806/2014 prévoit que, aux fins du paragraphe 1, sous c), de cet article, une mesure de résolution est considérée comme étant dans l’intérêt public si elle est nécessaire pour atteindre, par des moyens proportionnés, un ou plusieurs des objectifs de la résolution visés à l’article 14 de ce règlement, alors qu’une liquidation de l’entité selon une procédure normale d’insolvabilité ne le permettrait pas dans la même mesure.

234    Les objectifs de la résolution, énumérés à l’article 14, paragraphe 2, premier alinéa, du règlement no 806/2014, sont les suivants : assurer la continuité des fonctions critiques ; éviter les effets négatifs significatifs sur la stabilité financière, notamment en prévenant la contagion ; protéger les ressources de l’État par une réduction maximale du recours à un soutien financier public exceptionnel ; protéger les déposants ainsi que les investisseurs ; protéger les fonds et les actifs des clients.

235    Le respect de la condition prévue par l’article 18, paragraphe 1, sous c), du règlement no 806/2014 suppose de vérifier que les objectifs visés à l’article 14 de ce règlement, notamment assurer la continuité des fonctions critiques et préserver la stabilité financière, seront mieux atteints par une mesure de résolution que par la liquidation de l’entité.

236    En l’espèce, à l’article 4 du dispositif de résolution, le CRU, mettant en balance les objectifs de la résolution précisés à l’article 14, paragraphe 2, du règlement no 806/2014 avec la nature et les circonstances du cas présent, a conclu que la résolution sous la forme de l’instrument de cession des activités était nécessaire dans l’intérêt public au sens de l’article 18, paragraphe 1, sous c), et paragraphe 5 du règlement no 806/2014.

237    À l’article 4.2 du dispositif de résolution, le CRU a relevé que la résolution était nécessaire et proportionnée aux objectifs prévus à l’article 14, paragraphe 2, premier alinéa, du règlement no 806/2014, à savoir assurer la continuité des fonctions critiques et éviter les effets négatifs significatifs sur la stabilité financière notamment en prévenant la contagion, y compris aux infrastructures de marché, et en maintenant la discipline de marché. Il a indiqué que la liquidation de Banco Popular selon une procédure normale d’insolvabilité n’aurait pas permis d’atteindre ces objectifs dans la même mesure. Le CRU a ensuite procédé, à l’article 4.4 du dispositif de résolution, à une analyse à la lumière des objectifs de la résolution compte tenu des circonstances existant à cette date.

238    Par ailleurs, il y a lieu de rappeler que, au considérant 4 de la décision 2017/1246, approuvant le dispositif de résolution, la Commission a expressément indiqué être d’accord avec le dispositif de résolution et notamment avec les raisons que le CRU avançait pour justifier la nécessité d’une mesure de résolution dans l’intérêt public conformément à l’article 5 du règlement no 806/2014.

239    Les arguments des requérants ne sont pas susceptibles de remettre en cause les constatations du CRU et de la Commission selon lesquelles la condition prévue par l’article 18, paragraphe 1, sous c), du règlement no 806/2014 était remplie.

240    D’une part, les requérants ne prétendent pas que le dispositif de résolution ne répond pas aux objectifs d’intérêt public de l’article 14, paragraphe 2, premier alinéa, du règlement no 806/2014, visant à protéger les fonctions critiques de Banco Popular et à préserver la stabilité financière. D’autre part, les requérants n’avancent aucun argument susceptible d’établir que ces objectifs auraient été atteints si Banco Popular avait fait l’objet d’une liquidation selon une procédure normale d’insolvabilité.

241    En premier lieu, les requérants soutiennent que le dispositif de résolution est contraire au principe de proportionnalité. Les limitations du droit de propriété prévues à l’article 17 de la Charte, comme dans le cas d’une résolution, devraient être nécessaires et proportionnées au but recherché. Les exigences de proportionnalité seraient prévues à l’article 18, paragraphe 5, du règlement no 806/2014. Ils invoquent l’article 14, paragraphe 2, second alinéa, du règlement no 806/2014, selon lequel la mesure de résolution doit éviter la destruction de valeur.

242    Les requérants soutiennent, en substance, que la mesure de résolution ne respecte pas le critère de l’intérêt public de l’article 18, paragraphe 1, sous c), du règlement no 806/2014, dans la mesure où elle conduit à une atteinte disproportionnée à leur droit de propriété et à une destruction de valeur inutile.

243    Or, il y a lieu de relever que, contrairement à ce que soutiennent les requérants, le respect de la condition prévue par l’article 18, paragraphe 1, sous c), du règlement no 806/2014 ne conduit pas le CRU à mettre en balance les différents intérêts qu’ils invoquent, à savoir, d’un côté, l’intérêt public à procéder à une résolution de la banque et, de l’autre côté, les intérêts privés des actionnaires.

244    Force est de constater que les requérants s’appuient sur une lecture erronée de l’article 14, paragraphe 2, second alinéa, du règlement no 806/2014 qui prévoit que, « [d]ans la poursuite des objectifs visés au premier alinéa, le CRU, le Conseil, la Commission et, le cas échéant, les autorités de résolution nationales s’efforcent de limiter au minimum le coût de la résolution et d’éviter la destruction de valeur, à moins que la réalisation desdits objectifs ne l’exige ».

245    En effet, il ressort de cette disposition que les objectifs de la résolution visés à l’article 14, paragraphe 2, premier alinéa, du règlement no 806/2014 doivent être atteints, dans la mesure du possible, avec un instrument de résolution qui entraîne la moindre destruction de valeur. Toutefois, comme le précise cette disposition, lorsque la destruction de valeur entraînée par l’instrument de résolution choisi est nécessaire pour la réalisation de ces objectifs et donc pour l’intérêt public, la résolution ne saurait être considérée comme disproportionnée.

246    En outre, comme le souligne la Commission, la destruction de valeur au sens de l’article 14, paragraphe 2, second alinéa, du règlement no 806/2014 ne vise pas uniquement les intérêts patrimoniaux des actionnaires et des détenteurs d’instruments de fonds propres de l’entité, mais également ceux de ses déposants, de ses salariés et de ses autres créanciers.

247    En outre, il y a lieu de relever que, à l’article 4.5 du dispositif de résolution, le CRU a conclu que la résolution contribuait également à la minimisation de la destruction de valeur, prenant en compte le fait qu’une liquidation de Banco Popular aurait entraîné des pertes plus importantes pour les créanciers que la résolution. Le CRU a également considéré, à l’article 4.6 du dispositif de résolution, que les inconvénients et les coûts liés à l’adoption de la mesure de résolution, principalement les pertes subies par les actionnaires et les créanciers subordonnés, seraient contrebalancés par les avantages qui en résultaient, à savoir le maintien des fonctions critiques, la limitation des effets négatifs sur l’économie et la stabilité financière ainsi que le fait d’éviter des pertes que pourraient subir d’autres créanciers.

248    Par ailleurs, les requérants soutiennent également que, en application de l’article 6, paragraphe 3, et de l’article 15, paragraphe 2, du règlement no 806/2014, les instruments de résolution s’appliquent de manière à réduire au minimum l’incidence sur le groupe dans son ensemble.

249    À cet égard, il suffit de constater que, à l’article 4.7 du dispositif de résolution, le CRU, conformément à l’article 6, paragraphes 3 et 5, du règlement no 806/2014, prenant en compte que Banco Popular avait une filiale au Portugal, a considéré que l’application de l’instrument de cession des activités n’aurait pas d’impact sur la filiale portugaise, alors qu’une liquidation de Banco Popular aurait eu des effets négatifs sur celle-ci.

250    Les requérants soutiennent également que, à supposer que la résolution de Banco Popular ait été nécessaire, une ou plusieurs des mesures alternatives mentionnées dans la deuxième branche du présent moyen auraient pu être utilisées, en remplacement de la dépréciation des instruments de fonds propres et de la vente de Banco Popular, ce qui aurait évité la destruction de valeur des investisseurs et l’atteinte à leur droit de propriété.

251    Il suffit de constater qu’il ressort de l’analyse de la deuxième branche que les mesures alternatives invoquées par les requérants n’étaient pas envisageables. En tout état de cause, ces arguments par lesquels les requérants contestent, en réalité, la proportionnalité de la mesure de résolution par rapport aux mesures alternatives qu’ils invoquent au regard de l’atteinte portée à leur droit de propriété ne sont pas de nature à remettre en cause l’appréciation du CRU et de la Commission concernant le respect de la condition prévue par l’article 18, paragraphe 1, sous c), du règlement no 806/2014.

252    En second lieu, les requérants font valoir que le dispositif de résolution est discriminatoire et arbitraire. L’interdiction des discriminations serait prévue par le considérant 46 et l’article 6, paragraphe 1, du règlement no 806/2014 et consacrée par l’article 21, paragraphe 1, de la Charte et l’article 18 TFUE. Ils soutiennent que les interventions du CRU et des autorités espagnoles ont été discriminatoires et arbitraires à l’égard de Banco Popular, dans la mesure où ils ont abandonné la banque parce que son capital social était détenu par des intérêts privés, dont un pourcentage élevé d’investisseurs étrangers.

253    Il y a lieu de relever que ces allégations des requérants ne sauraient être interprétées comme visant à établir une violation de la condition prévue par l’article 18, paragraphe 1, sous c), du règlement no 806/2014. Il s’agit d’affirmations purement spéculatives qui n’ont aucun rapport avec le respect du critère de l’intérêt public.

254    En tout état de cause, s’agissant des arguments visant à reprocher aux autorités espagnoles de ne pas avoir accordé une aide à Banco Popular, alors qu’elles l’avaient fait dans d’autres situations, il suffit de constater qu’ils sont inopérants, en ce qu’ils ne visent ni le CRU ni la Commission. Quant à l’argument selon lequel la Commission aurait approuvé l’octroi d’aides d’État à des banques italiennes et que le CRU, dans ces cas, n’aurait pas appliqué le règlement no 806/2014, il convient de constater, d’une part, que les situations dans lesquelles un État membre a utilisé des fonds publics pour assainir un établissement en difficulté sont étroitement liées à des circonstances particulières et ne sont pas comparables avec la situation en l’espèce et, d’autre part, que, comme le relèvent les requérants eux-mêmes, le CRU a considéré qu’une résolution de ces banques italiennes n’était pas justifiée dans l’intérêt public dans la mesure où elles n’exerçaient pas de fonctions critiques et où leur liquidation n’aurait pas d’effets négatifs significatifs sur la stabilité financière. En outre, comme l’a souligné la Commission, la présente affaire constituant le premier cas de résolution d’une entité, il ne saurait donc y avoir de discrimination par rapport à d’autres cas s’agissant de l’application du règlement no 806/2014.

255    Il ressort de ce qui précède que le CRU et la Commission n’ont pas commis d’erreur manifeste d’appréciation en considérant que la condition prévue par l’article 18, paragraphe 1, sous c), du règlement no 806/2014 était remplie et, partant, que la troisième branche doit être rejetée.

256    Il ressort de l’ensemble de ce qui précède que le premier moyen doit être rejeté comme non fondé.

257    Par ailleurs, d’une part, dans le cadre de la troisième branche du premier moyen, les requérants soulèvent, pour la première fois aux points 47 et 48 de la réplique, des arguments visant à contester la procédure de vente de Banco Popular, au motif qu’elle ne serait pas conforme aux dispositions de l’article 24, paragraphe 2, du règlement no 806/2014 et des articles 38 et 39 de la directive 2014/59. D’autre part, dans leurs observations sur les mémoires en intervention, les requérants soulèvent un moyen nouveau tiré de la violation de l’article 24 du règlement no 806/2014, dans lequel ils indiquent expressément reprendre les arguments soulevés aux points 47 et 48 de la réplique.

258    Dans ces observations sur les mémoires en intervention, les requérants indiquent que, dans leurs mémoires précédents, ils ont invoqué l’illégalité de la procédure de vente en tant que cause subsidiaire de la violation du principe de proportionnalité. Or, force est de constater que, dans la partie de la requête visant à soutenir que la mesure de résolution est contraire au principe de proportionnalité et, plus généralement, dans la branche relative à la violation de l’article 18, paragraphe 1 sous c), du règlement no 806/2014, les requérants n’ont soulevé aucun argument visant à contester la procédure de vente. À cet égard, si les requérants renvoient expressément à des points de la réplique, ils ne mentionnent pas de point de la requête dans lequel cet argument aurait déjà été soulevé.

259    En outre, il convient de relever que le lien opéré par les requérants entre ces arguments visant à contester la procédure de vente et une violation du principe de proportionnalité dans le cadre de l’application de l’article 18, paragraphe 1, sous c), du règlement no 806/2014 n’est pas compréhensible. Ces arguments doivent donc être analysés comme constituant un moyen nouveau tiré de la violation de l’article 24 du règlement no 806/2014.

260    À cet égard, il y a lieu de rappeler que, en vertu de l’article 84 du règlement de procédure, la production de moyens nouveaux en cours d’instance est interdite à moins que ces moyens ne se fondent sur des éléments de droit et de fait qui se sont révélés pendant la procédure.

261    Or, ce moyen a été soulevé pour la première fois dans la réplique et repris dans les observations sur les mémoires en intervention, sans que les requérants justifient pour quel motif ils n’avaient pas contesté la régularité de la procédure de vente au stade de la requête. Ce nouveau moyen ne s’appuie pas sur des éléments de fait et de droit dont les requérants n’avaient pas connaissance au moment de l’introduction du recours et la volonté des requérants de répondre à des arguments présentés dans un mémoire en intervention ne saurait être considérée comme une justification à la présentation tardive de ce moyen.

262    Partant, il y a lieu de rejeter comme irrecevables les arguments des requérants relatifs à la régularité de la procédure de vente figurant dans la réplique et le moyen nouveau, tiré de la violation de l’article 24 du règlement no 806/2014, soulevé pour la première fois dans les observations sur les mémoires en intervention.

2.      Sur le deuxième moyen, tiré de la violation de larticle 20 du règlement no 806/2014

263    Les requérants font valoir que le CRU a violé l’article 20 du règlement no 806/2014. Ce moyen se divise en cinq branches, tirées, premièrement, de la violation de l’article 20, paragraphe 11, du règlement no 806/2014, deuxièmement, de la violation de l’article 20, paragraphe 5, sous a) à c) et f), de ce règlement, troisièmement, du manque d’indépendance de Deloitte, quatrièmement, de la violation de l’article 20, paragraphe 1, du règlement no 806/2014 au motif que la valorisation 2 n’était pas « juste, prudente et réaliste » et, cinquièmement, de la violation de l’article 20, paragraphes 7 et 9, de ce règlement.

264    L’article 20, paragraphe 1, du règlement no 806/2014 prévoit :

« Avant de décider d’une mesure de résolution ou de l’exercice du pouvoir de dépréciation ou de conversion des instruments de fonds propres pertinents, le CRU veille à ce qu’une valorisation juste, prudente et réaliste de l’actif et du passif d’une entité visée à l’article 2 soit effectuée par une personne indépendante de toute autorité publique, y compris le CRU et l’autorité de résolution nationale, ainsi que de l’entité concernée. »

265    En l’espèce, il convient de rappeler que la valorisation de Banco Popular, réalisée avant l’adoption du dispositif de résolution, comprend deux rapports qui sont annexés au dispositif de résolution.

266    La valorisation 1, datée du 5 juin 2017, a été rédigée par le CRU en application de l’article 20, paragraphe 5, sous a), du règlement no 806/2014 et avait pour objectif de fournir les éléments permettant de déterminer si les conditions de déclenchement d’une procédure de résolution, telles que définies à l’article 18, paragraphe 1, du règlement no 806/2014, étaient remplies.

267    La valorisation 2, datée du 6 juin 2017, a été rédigée par Deloitte, en qualité d’expert indépendant, en application de l’article 20, paragraphe 10, du règlement no 806/2014.

268    Le dispositif de résolution indique que, compte tenu de l’urgence, la valorisation 2, réalisée conformément à l’article 20, paragraphe 10, du règlement no 806/2014, avait pour but d’estimer la valeur de l’actif et du passif de Banco Popular, de fournir une estimation sur le traitement dont les actionnaires et les créanciers auraient bénéficié si Banco Popular avait fait l’objet d’une procédure normale d’insolvabilité ainsi que de fournir les éléments permettant de prendre la décision concernant les actions et les titres de propriété à transférer et permettant au CRU de déterminer des conditions commerciales aux fins de l’instrument de cession des activités.

269    Dans la valorisation 2, Deloitte a indiqué s’être fondé sur les exigences de l’article 36 de la directive 2014/59 (correspondant à l’article 20 du règlement no 806/2014) et sur le chapitre 3 du projet définitif de normes techniques de réglementation de l’ABE n°s 2017/05 et 2017/06, du 23 mai 2017, sur la valorisation aux fins de la résolution et sur la valorisation en vue de déterminer la différence de traitement à la suite de la résolution prévue par la directive 2014/59 (ci-après les « normes techniques de l’ABE »).

270    L’article 36, paragraphe 15, de la directive 2014/59 autorise l’ABE à élaborer des projets de normes techniques de réglementation visant à préciser les critères sur la base desquels les valorisations réalisées lors d’une procédure de résolution doivent être effectuées.

271    Le chapitre 3 des normes techniques de l’ABE est relatif au projet de normes techniques de réglementation no 2017/05 sur la valorisation aux fins de la résolution (ci-après les « normes techniques de réglementation ») et contient, notamment, conformément à l’article 36, paragraphe 15, de la directive 2014/59, un projet de règlement délégué de la Commission complétant la directive 2014/59 par des normes techniques de réglementation précisant les critères de la méthode à utiliser pour évaluer la valeur de l’actif et du passif des établissements ou des entités.

272    Il y a lieu, en outre, de relever que, à la date de l’adoption du dispositif de résolution, ces normes techniques de réglementation n’étaient pas contraignantes, dans la mesure où l’article 5, paragraphe 2, second alinéa, du règlement no 806/2014 prévoit que le CRU, le Conseil et la Commission sont soumis aux normes techniques de réglementation et d’exécution contraignantes élaborées par l’ABE lorsqu’elles ont été adoptées par la Commission. Ces normes techniques de réglementation ont été intégrées dans le règlement délégué (UE) 2018/345 de la Commission, du 14 novembre 2017, complétant la directive 2014/59 par des normes techniques de réglementation précisant les critères de la méthode à utiliser pour évaluer la valeur de l’actif et du passif des établissements ou entités (JO 2018, L 67, p. 8).

273    À l’article 6.3 du dispositif de résolution, le CRU a indiqué que, pour décider de la dépréciation et de la conversion des instruments de fonds propres de Banco Popular, il s’était appuyé sur la valorisation 2, telle que complétée et corroborée par les résultats de la procédure de vente menée par le FROB.

274    Dans la mesure où la valorisation 2 contient des appréciations techniques et économiques complexes, il convient de reconnaître au CRU un large pouvoir d’appréciation lorsqu’il a considéré que la valorisation 2 constituait une base valable pour décider des mesures de résolution.

275    Partant, en application de la jurisprudence citée aux points 110 à 115 ci-dessus, le contrôle effectué par le Tribunal est un contrôle restreint qui se limite à vérifier l’absence d’erreur manifeste d’appréciation du CRU lorsqu’il a considéré que la valorisation 2 était conforme aux exigences de l’article 20 du règlement no 806/2014. Il appartient aux requérants d’apporter des éléments de preuve suffisants pour priver de plausibilité la valorisation 2.

a)      Sur la première branche, tirée de la violation de larticle 20, paragraphe 11, du règlement no 806/2014

276    Les requérants font valoir une violation de l’article 20, paragraphe 11, du règlement no 806/2014, en ce que le CRU a refusé de fournir les versions définitives des valorisations 1 et 2. Le CRU aurait affirmé, dans sa réponse du 30 juillet 2018 à la mesure d’organisation de la procédure du Tribunal du 6 juillet 2018, qu’il ne publierait pas de versions définitives de ces valorisations. Deloitte aurait reconnu que les versions définitives des valorisations seraient nécessaires et qu’il aurait été chargé de les élaborer. Les requérants renvoient à leurs observations du 21 septembre 2018 sur la réponse du CRU à cette mesure d’organisation de procédure et font valoir que, en application du considérant 64 et de l’article 20, paragraphe 11, du règlement no 806/2014, le CRU est dans l’obligation de présenter des versions définitives des valorisations 1 et 2.

277    S’agissant de la valorisation 1, eu égard à son objectif défini au point 266 ci-dessus et au fait qu’elle avait pour objet de contribuer à déterminer si Banco Popular était en situation de défaillance avérée ou prévisible au sens de l’article 18, paragraphe 1, sous a), du règlement no 806/2014, les requérants n’expliquent pas quelle serait l’utilité de procéder à une telle valorisation postérieurement à l’adoption du dispositif de résolution. En outre, il y a lieu de relever que la valorisation 1 visant à déterminer si Banco Popular se trouvait en situation de défaillance avérée ou prévisible est devenue obsolète à la suite de l’évaluation effectuée par la BCE le 6 juin 2017, relative à la situation de défaillance avérée ou prévisible de Banco Popular.

278    S’agissant de la valorisation 2, le 30 juillet 2018, en réponse aux questions posées par le Tribunal dans le cadre d’une mesure d’organisation de la procédure, le CRU a indiqué que celle-ci ne serait pas suivie d’une valorisation définitive ex post. Il a estimé que, en raison des particularités du cas présent, il était arrivé à la conclusion qu’une valorisation définitive ex post ne servirait aucune finalité pratique dans le cadre de l’article 20, paragraphe 11, du règlement no 806/2014 ni mènerait à une décision de compensation prévue à l’article 20, paragraphe 12, du même règlement.

279    Il y a lieu de relever que la valorisation définitive ex post prévue par l’article 20, paragraphe 11, du règlement no 806/2014 est, par définition, postérieure à l’adoption du dispositif de résolution et de la décision de la Commission.

280    En outre, en application de l’article 20, paragraphe 13, du règlement no 806/2014, une valorisation provisoire telle que la valorisation 2 constitue une base valable pour adopter le dispositif de résolution. À cet égard, les requérants ne contestent pas que, compte tenu de l’urgence, le recours à une valorisation provisoire au sens de l’article 20, paragraphe 10, du règlement no 806/2014 était justifié.

281    Il suffit de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la légalité d’un acte de l’Union s’apprécie en fonction des éléments de fait et de droit existant à la date à laquelle l’acte a été pris (voir arrêt du 3 septembre 2015, Inuit Tapiriit Kanatami e.a./Commission, C‑398/13 P, EU:C:2015:535, point 22 et jurisprudence citée). Il s’ensuit qu’est exclue la prise en compte, lors de l’appréciation de la légalité de cet acte, d’éléments postérieurs à la date à laquelle l’acte de l’Union a été adopté (voir arrêt du 17 décembre 2014, Si.mobil/Commission, T‑201/11, EU:T:2014:1096, point 64 et jurisprudence citée).

282    Il en ressort que le fait de procéder ou non à une valorisation définitive ex post, postérieurement à l’adoption du dispositif de résolution, ne saurait affecter la validité des décisions attaquées et que les arguments des requérants sont inopérants.

283    Par ailleurs, s’agissant de l’allégation des requérants selon laquelle le refus du CRU de fournir les versions définitives des valorisations 1 et 2 démontrerait l’inexactitude des versions provisoires et que la résolution de Banco Popular n’aurait pas dû être effectuée, il suffit de constater qu’il s’agit d’une pure spéculation n’ayant aucun fondement.

284    Enfin, contrairement à ce que soutiennent les requérants, l’article 20, paragraphe 15, du règlement no 806/2014 selon lequel « [l]a valorisation est partie intégrante de la décision d’appliquer un instrument de résolution ou d’exercer un pouvoir de résolution ou de la décision d’exercer le pouvoir de dépréciation ou de conversion des instruments de fonds propres » ne saurait être interprété comme signifiant que la valorisation définitive ex post fait partie intégrante de la décision de résolution. La valorisation visée par cette disposition est celle sur laquelle le CRU s’est fondé pour adopter le dispositif de résolution, à savoir, en l’espèce, la valorisation 2.

285    Partant, il convient de rejeter la première branche.

b)      Sur la deuxième branche, tirée de la violation de larticle 20, paragraphe 5, sous a) à c) et f), du règlement no 806/2014

286    Les requérants font valoir une violation de l’article 20, paragraphe 5, du règlement no 806/2014, en ce que l’expert indépendant, dans la valorisation 2, n’a pas procédé à une analyse des objectifs prévus sous a) à c) et f), de cette disposition. Adopter le dispositif de résolution en ignorant les orientations de l’article 20, paragraphe 5, du règlement no 806/2014 serait contraire au principe de sécurité juridique. Ils soutiennent qu’il appartient à l’expert indépendant et non au CRU d’apprécier si les conditions prévues par l’article 18, paragraphe 1, du règlement no 806/2014 sont remplies et de fournir les éléments permettant de décider de la mesure de résolution la plus appropriée et de son ampleur. Cela serait prévu par le plan de résolution de 2016, ainsi que le fait que ce serait l’expert indépendant qui devrait réaliser les valorisations 1 et 2.

287    Selon les requérants, aux considérants 42 et 43 du dispositif de résolution, le CRU ne mentionne pas que Deloitte a réalisé, dans la valorisation 2, les objectifs fixés à l’article 20, paragraphe 5, sous a) à c) et f), du règlement no 806/2014. Deloitte aurait confirmé ne pas avoir procédé à l’analyse prévue par ces dispositions. De même, l’analyse prévue par ces dispositions serait également absente de la valorisation 1. Le CRU aurait fixé le prix minimal de vente de Banco Popular sans s’appuyer sur une valorisation. La valorisation 1 se serait limitée à conclure que Banco Popular était solvable sans analyser sa liquidité. Le CRU se serait référé à l’analyse de la BCE sur la situation de défaillance avérée ou prévisible de Banco Popular. Or, l’analyse de l’article 20, paragraphe 5, du règlement no 806/2014 ne pourrait être déléguée à un tiers tel que la BCE.

288    Tout d’abord, il y a lieu de relever que, contrairement à ce que soutiennent les requérants, il ressort expressément de l’article 18, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement no 806/2014 qu’il appartient au CRU, et non à l’évaluateur indépendant, d’estimer, en session exécutive, si les conditions prévues par cette disposition sont remplies.

289    De plus, le fait que le plan de résolution de 2016 ait indiqué que l’évaluateur indépendant devait réaliser les valorisations 1 et 2 n’est pas pertinent, dans la mesure où ce plan n’a pas été appliqué en l’espèce.

290    Les requérants font valoir que l’expert indépendant n’a pas procédé, dans la valorisation 2, à une analyse des objectifs prévus à l’article 20, paragraphe 5, sous a) à c) et f), du règlement no 806/2014.

291    Premièrement, l’article 20, paragraphe 5, sous a), du règlement no 806/2014 prévoit que la valorisation a pour objectif de « fournir les éléments permettant de déterminer si les conditions de déclenchement d’une procédure de résolution ou les conditions applicables à la dépréciation ou à la conversion d’instruments de fonds propres sont réunies ».

292    Il y a lieu de rappeler que, le 5 juin 2017, le CRU a adopté la valorisation 1 qui avait pour objectif de déterminer si Banco Popular remplissait les conditions pour une résolution ou pour la dépréciation ou la conversion de ses instruments de fonds propres, en application de l’article 20, paragraphe 5, sous a), du règlement no 806/2014. En particulier, le CRU a indiqué que la valorisation 1 avait pour objet de contribuer à déterminer si Banco Popular était en situation de défaillance avérée ou prévisible, au sens de l’article 18, paragraphe 1, sous a), du règlement no 806/2014.

293    Il en résulte que, dans la valorisation 1, le CRU a procédé à une analyse de l’objectif prévu à l’article 20, paragraphe 5, sous a), du règlement no 806/2014. C’est à tort que les requérants font valoir que cette analyse devait être effectuée par l’expert indépendant, étant donné que l’article 20, paragraphe 3, du règlement no 806/2014 habilite le CRU à réaliser la valorisation 1. En outre, dans la mesure où le CRU avait procédé à cette analyse, Deloitte a pu indiquer dans son rapport qu’il ne l’inclurait pas dans la valorisation 2.

294    En tout état de cause, il convient de préciser que la valorisation 1, visant à déterminer si Banco Popular se trouvait en situation de défaillance avérée ou prévisible, est devenue obsolète à la suite de l’évaluation effectuée par la BCE le 6 juin 2017. En effet, dans la valorisation 1, le CRU a indiqué que, à la date de référence de son évaluation, à savoir le 31 mars 2017, Banco Popular était solvable. En revanche, la BCE s’est fondée sur les importants retraits de dépôts de Banco Popular à compter des mois d’avril et de mai 2017 et sur l’incapacité de cette dernière à générer de nouvelles liquidités, pour conclure que, le 6 juin 2017, Banco Popular se trouvait dans une situation de défaillance avérée ou prévisible. Les arguments visant à contester la valorisation 1 sont donc inopérants.

295    En outre, l’article 18, paragraphe 1, deuxième alinéa, du règlement no 806/2014 indique que l’évaluation de la condition visée au premier alinéa, sous a), à savoir celle de déterminer si l’entité est en situation de défaillance avérée ou prévisible, est réalisée par la BCE, après consultation du CRU.

296    À cet égard, la Cour a jugé que l’article 18, paragraphe 1, deuxième alinéa, du règlement no 806/2014 confère un rôle prioritaire, même s’il n’est pas exclusif, à la BCE, puisque c’est à celle-ci qu’il revient, en règle générale, de procéder à l’évaluation de la défaillance avérée ou prévisible d’une entité. Si le CRU peut également procéder à une telle évaluation, ce n’est qu’après avoir informé la BCE de son intention de le faire et seulement si celle-ci ne procède pas à une évaluation dans les trois jours calendaires à compter de la réception de cette information. À la BCE est donc reconnue une compétence prioritaire pour procéder à une telle évaluation, fondée sur l’expertise dont elle dispose en tant qu’autorité de surveillance, puisque, ayant accès, en cette qualité, à l’ensemble des informations prudentielles au sujet de l’entité concernée, elle est la mieux placée pour déterminer, au regard de la définition de la défaillance avérée ou prévisible figurant à l’article 18, paragraphe 4, de ce règlement, qui se réfère, notamment, à des éléments liés à la situation prudentielle tels que les conditions d’agrément, le montant de l’actif comparé à celui du passif ou l’endettement actuel ou futur, si cette condition est remplie (arrêt du 6 mai 2021, ABLV Bank e.a./BCE, C‑551/19 P et C‑552/19 P, EU:C:2021:369, point 62).

297    C’est donc à tort que les requérants soutiennent que l’analyse de l’objectif prévu à l’article 20, paragraphe 5, sous a), du règlement no 806/2014 devait figurer dans la valorisation 2 et ne pouvait pas être réalisée par la BCE.

298    Par ailleurs, il y a lieu de relever que, dans la requête et la réplique, les requérants mentionnent l’objectif visé à l’article 20, paragraphe 5, sous a), du règlement no 806/2014 comme correspondant aux objectifs prévus à l’article 20, paragraphe 5, sous a) et c), sans soulever d’argument spécifique concernant l’objectif visé sous c).

299    Deuxièmement, l’article 20, paragraphe 5, sous f), du règlement no 806/2014 prévoit que la valorisation a pour objectif, « si l’instrument de cession des activités est appliqué, [de] fournir les éléments permettant de prendre la décision concernant les actifs, les droits, les engagements ou les titres de propriété à transférer, et fournir les éléments permettant au CRU de déterminer ce qui constitue des conditions commerciales aux fins de l’article 24, paragraphe 2, [sous] b) ».

300    Contrairement à ce que soutiennent les requérants, le considérant 42, sous c), du dispositif de résolution indique expressément que la valorisation provisoire a été effectuée dans le but de rassembler les éléments permettant de prendre la décision sur les actions ou les instruments de propriété devant être transférés et permettant au CRU de déterminer ce qui constitue les conditions commerciales aux fins de l’instrument de cession des activités.

301    En outre, Deloitte précise que son rapport a été préparé dans le but de fournir une valorisation indépendante conformément aux objectifs prévus à l’article 36, paragraphe 4, sous b), f) et g), de la directive 2014/59. Or ces dispositions de la directive 2014/59 correspondent aux dispositions de l’article 20, paragraphe 5, sous b), f) et g), du règlement no 806/2014.

302    En toute hypothèse, il y a lieu de relever que, en application de l’article 20, paragraphe 10, du règlement no 806/2014, dans le cas où, en raison de l’urgence de la situation, il n’est pas possible de respecter les exigences fixées aux paragraphes 7 et 9, une valorisation provisoire est effectuée. Cette disposition indique expressément que cette valorisation provisoire respecte les exigences fixées au paragraphe 4 et, dans la mesure où cela est raisonnablement possible compte tenu des circonstances, les exigences fixées aux paragraphes 1, 7 et 9. En outre, l’article 20, paragraphe 11, du règlement no 806/2014 indique qu’une valorisation qui ne respecte pas toutes les exigences fixées aux paragraphes 1 et 4 à 9 est considérée comme provisoire.

303    Il en ressort que, dans des situations, comme en l’espèce, où la valorisation doit être effectuée en urgence, elle constitue une valorisation provisoire qui n’a pas à remplir tous les objectifs prévus à l’article 20, paragraphe 5, du règlement no 806/2014.

304    Partant, il convient de rejeter la deuxième branche.

c)      Sur la troisième branche, tirée du manque dindépendance de Deloitte

305    Les requérants font valoir que le CRU a violé l’article 20, paragraphe 1, et l’article 44 du règlement no 806/2014, lu conjointement avec les articles 38 à 41 du règlement délégué 2016/1075, en raison du manque d’indépendance de Deloitte.

306    Selon l’article 20, paragraphe 1, du règlement no 806/2014, la valorisation doit être effectuée par une personne indépendante de toute autorité publique, y compris le CRU, l’autorité de résolution nationale ainsi que de l’entité concernée.

307    Les exigences concernant l’indépendance des évaluateurs sont précisées aux articles 37 à 41 du règlement délégué 2016/1075. L’article 38 du règlement délégué 2016/1075 prévoit trois conditions cumulatives pour que l’évaluateur soit réputé être indépendant de toute autorité publique pertinente et de l’entité pertinente. Premièrement, l’évaluateur possède les qualifications, l’expérience, les compétences, les connaissances et les ressources nécessaires et peut effectuer la valorisation efficacement sans dépendre de manière excessive d’une autorité publique pertinente ou de l’entité pertinente. Deuxièmement, l’évaluateur est juridiquement séparé des autorités publiques pertinentes et de l’entité pertinente. Troisièmement, l’évaluateur n’a pas d’intérêt commun ou contradictoire significatif au sens de l’article 41 du même règlement délégué.

308    Or, il convient de relever que les requérants ne prétendent pas que Deloitte ne possédait pas les qualifications, l’expérience, les compétences, les connaissances et les ressources nécessaires pour effectuer la valorisation efficacement, au sens de la première condition prévue à l’article 38 du règlement délégué 2016/1075. Ils ne soutiennent pas non plus que Deloitte n’était pas juridiquement séparé des autorités publiques pertinentes, à savoir le CRU et le FROB, et de Banco Popular, au sens de la deuxième condition prévue à l’article 38 du règlement délégué 2016/1075.

309    En premier lieu, les requérants font valoir que le CRU a exercé une influence injustifiée sur Deloitte, en violation de l’article 39, paragraphe 3, sous a), du règlement délégué 2016/1075, en le chargeant de ne pas rendre d’avis sur l’article 20, paragraphe 5, sous a) à c) et f) du règlement no 806/2014 et ainsi de s’écarter des obligations auxquelles il était tenu en tant qu’expert indépendant. Deloitte, sur instruction du CRU, serait parti du principe que l’instrument de cession des activités serait appliqué, plutôt que de fournir les éléments permettant de décider de l’instrument de résolution. Le CRU aurait donné instruction à Deloitte de ne pas élaborer de valorisation définitive. Si l’autorité de résolution peut consulter l’expert, elle ne pourrait pas lui donner d’instruction.

310    L’article 39, paragraphe 3, sous a), du règlement délégué 2016/1075 prévoit que, en ce qui concerne la réalisation de la valorisation, l’évaluateur indépendant ne sollicite ni n’accepte d’instructions ni d’orientations de la part d’une autorité publique pertinente ou de l’entité pertinente.

311    Il convient également de relever que l’article 39, paragraphe 4, sous a), du règlement délégué 2016/1075 prévoit que « [l]e paragraphe 3 n’interdit pas que des instructions, des orientations, des locaux, de l’équipement technique ou d’autres formes de soutien soient fournis si l’autorité investie du pouvoir de nomination ou toute autre autorité chargée de cette tâche dans l’État membre concerné estime que cela est nécessaire pour atteindre les objectifs de la valorisation ».

312    À cet égard, des précisions figurent dans le considérant 35 du règlement délégué 2016/1075 selon lequel :

« En outre, il convient de veiller à ce que l’évaluateur indépendant soit aussi capable de réaliser efficacement la valorisation, sans dépendance excessive à l’égard d’une autorité publique concernée, y compris l’autorité de résolution, ni de l’établissement ou de l’entité visés à l’article 1er, paragraphe 1, [sous] b), c) ou d), de la directive 2014/59/UE. Toutefois, l’utilisation d’instructions ou d’orientations nécessaires pour soutenir la réalisation de la valorisation, par exemple en ce qui concerne la méthode prévue par la législation de l’Union en matière de valorisation à des fins de résolution, ne devrait pas être considérée comme constituant une dépendance excessive lorsque ces instructions ou orientations sont considérées comme nécessaires pour soutenir la réalisation de la valorisation […] »

313    Il en ressort que, contrairement à ce que soutiennent les requérants, l’article 39 du règlement délégué 2016/1075 ne saurait être interprété comme interdisant à l’autorité de résolution de donner toute forme d’instructions à l’évaluateur indépendant.

314    En outre, il y a lieu de relever que l’article 20, paragraphe 5, du règlement no 806/2014 définit les objectifs de la valorisation en fonction de l’instrument de résolution appliqué. En particulier, l’article 20, paragraphe 5, sous f), du règlement no 806/2014 définit les objectifs de la valorisation dans l’hypothèse où l’instrument de cession des activités est appliqué, lesquels sont différents des objectifs visés à l’article 20, paragraphe 5, sous d) et e), du même règlement, relatifs aux cas où soit l’instrument de renflouement interne soit l’instrument de l’établissement-relais ou de séparation des actifs est appliqué.

315    L’article 20, paragraphe 5, sous b), du règlement no 806/2014, prévoyant que, si les conditions de déclenchement d’une procédure de résolution sont remplies, la valorisation vise à fournir les éléments permettant de décider des mesures de résolution appropriées qu’il convient de prendre à l’égard d’une entité, doit être interprété en ce sens que la valorisation doit fournir au CRU les éléments techniques et économiques permettant de mettre en œuvre l’instrument de résolution choisi par ce dernier.

316    Il ne ressort pas de cette disposition qu’il appartiendrait à l’évaluateur de définir lui-même quel serait l’instrument de résolution le plus adéquat. La décision relative au choix de l’instrument de résolution à appliquer est prise par l’autorité de résolution et non par l’évaluateur indépendant.

317    Le fait de demander à l’évaluateur indépendant de réaliser une valorisation aux fins de l’application d’un instrument spécifique, lorsque cela est nécessaire pour atteindre les objectifs de la valorisation, ne saurait constituer une dépendance excessive de ce dernier à l’égard de l’autorité de résolution. Partant, le fait que le CRU ait estimé que l’instrument de cession des activités était le mieux à même de remplir les objectifs de la résolution et qu’il ait missionné Deloitte pour effectuer une valorisation répondant aux objectifs de cet instrument doit être considéré comme une forme d’instruction conforme à l’article 39, paragraphe 4, sous a), du règlement délégué 2016/1075 et ne portant pas atteinte à l’indépendance de l’évaluateur.

318    S’agissant de l’argument selon lequel le CRU aurait chargé Deloitte de ne pas rendre d’avis sur l’article 20, paragraphe 5, sous a) à c) et f) du règlement no 806/2014, il est renvoyé à l’analyse de la deuxième branche du présent moyen.

319    S’agissant de l’argument selon lequel le CRU aurait donné instruction à Deloitte de ne pas élaborer de valorisation définitive, il suffit de rappeler que ce fait, postérieur à l’adoption du dispositif de résolution, ne saurait, en toute hypothèse, remettre en cause sa légalité.

320    Il ressort de ce qui précède que les requérants n’ont pas établi que le CRU aurait donné des instructions à Deloitte en violation de l’article 39, paragraphe 3, sous a), du règlement délégué 2016/1075.

321    En second lieu, les requérants soutiennent que, du fait de cette influence du CRU sur Deloitte, l’évaluateur aurait eu un intérêt commun ou contradictoire significatif avec une autorité publique au sens de l’article 41, paragraphe 1, du règlement délégué 2016/1075, en violation de l’article 38 de ce même règlement délégué. Les requérants soutiennent également que Deloitte aurait violé l’article 39, paragraphe 3, sous b), du règlement délégué 2016/1075, dans la mesure où, depuis la résolution, il piloterait l’intégration de Banco Popular à Banco Santander.

322    Tout d’abord, ainsi que cela ressort des points 310 à 320 ci-dessus, il convient de rejeter cet argument en ce qu’il déduit l’existence d’un intérêt commun ou contradictoire significatif du fait que le CRU aurait exercé une influence injustifiée sur Deloitte, en violation de l’article 39, paragraphe 3, sous a), du règlement délégué 2016/1075.

323    Par ailleurs, s’agissant de la violation de la troisième condition prévue à l’article 38 du règlement délégué 2016/1075, l’article 41, paragraphe 1, de ce règlement délégué prévoit que l’évaluateur indépendant n’a pas d’intérêt significatif réel ou potentiel en commun ou en conflit avec une autorité publique pertinente ou avec l’entité pertinente.

324    Selon l’article 41, paragraphe 2, du règlement délégué 2016/1075, aux fins du paragraphe 1, un intérêt réel ou potentiel est réputé significatif lorsque l’autorité investie du pouvoir de nomination ou toute autre autorité chargée de cette tâche dans l’État membre concerné estime que cet intérêt peut influencer ou être raisonnablement perçu comme influençant le jugement de l’évaluateur indépendant dans le cadre de la valorisation. Le paragraphe 3 de cet article précise que sont pertinents les intérêts en commun ou en conflit avec les membres de l’entité ou ses créanciers.

325    Il suffit de constater que les requérants n’indiquent pas quel serait, en l’espèce, cet intérêt significatif réel ou potentiel en commun ou en conflit existant entre Deloitte et le CRU ou entre Deloitte et Banco Popular.

326    Enfin, l’article 39, paragraphe 3, sous b), du règlement délégué 2016/1075 prévoit que, en ce qui concerne la réalisation de la valorisation, l’évaluateur indépendant ne sollicite ni n’accepte d’avantages financiers ou autres de la part d’une autorité publique pertinente ou de l’entité pertinente.

327    Il y a lieu de constater, à l’instar de la Commission et du CRU, que les éventuels engagements commerciaux conclus entre Deloitte et Banco Santander après la résolution ne sont pas pertinents et ne sauraient établir un conflit d’intérêts de Deloitte au moment de la réalisation de la valorisation 2.

328    Il en ressort qu’aucun des arguments des requérants n’est susceptible d’établir le manque d’indépendance de Deloitte.

329    Partant, il convient de rejeter la troisième branche.

d)      Sur la quatrième branche, tirée de la violation de larticle 20, paragraphe 1, du règlement no 806/2014 au motif que la valorisation 2 nétait pas « juste, prudente et réaliste »

330    Les requérants font valoir que le CRU a violé l’article 20, paragraphe 1, du règlement no 806/2014 selon lequel il doit veiller à ce qu’une valorisation juste, prudente et réaliste de l’actif et du passif de l’entité soit effectuée. Cette disposition n’accorderait pas de marge d’appréciation importante au CRU et il lui appartiendrait de démontrer que les valorisations sont conformes aux dispositions applicables. Cette branche se divise, en substance, en trois griefs.

1)      Sur le premier grief, selon lequel la valorisation 2 était fondée sur des critères erronés

331    Les requérants soutiennent que la valorisation 2 ne fait référence qu’à la directive 2014/59 et à la loi 11/2015 et qu’elle n’est donc pas conforme au règlement no 806/2014. Deloitte reconnaîtrait que la valorisation 2 ne se fondait pas sur l’hypothèse de la continuité d’exploitation, mais qu’il a procédé à une valorisation dans le cadre d’une liquidation. Deloitte n’aurait donc pas tenu compte de la valeur des actifs qu’un acquéreur aurait prise en considération s’il avait l’intention de poursuivre les activités de Banco Popular, comme cela se serait effectivement produit. Il serait erroné d’assimiler leur perte à ce qu’ils auraient reçu dans le cadre d’une procédure normale d’insolvabilité. Deloitte aurait dû calculer une valeur en continuité d’exploitation. En utilisant la valeur de liquidation, Deloitte aurait sous-évalué la valeur des actifs de Banco Popular.

332    Il convient de préciser que la directive 2014/59 citée dans la valorisation 2 contient des dispositions équivalentes à celles du règlement no 806/2014.

333    En outre, il y a lieu de relever que ces arguments reposent sur une compréhension erronée de la méthodologie utilisée dans la valorisation 2. En effet, la valorisation 2 comporte deux parties, une première contenant la valorisation provisoire de Banco Popular et une seconde consistant en une simulation de scénario de liquidation. La première partie vise à déterminer la valeur économique de Banco Popular dans le cadre de l’application de l’instrument de cession des activités. La seconde partie a pour objet de déterminer si les actionnaires et les créanciers auraient bénéficié d’un meilleur traitement si Banco Popular avait fait l’objet d’une procédure normale d’insolvabilité en application de la législation espagnole.

334    Le CRU a adopté le dispositif de résolution en prenant en compte la première partie de la valorisation 2 contenant la valorisation des actifs et du passif de Banco Popular proprement dite. En revanche, Deloitte ayant précisé qu’il ne disposait pas de toutes les informations nécessaires, ni du temps suffisant, pour procéder à une estimation plus que simplement indicative à ce stade, la seconde partie de la valorisation 2 correspond à une première simulation, conformément à l’article 20, paragraphe 9, du règlement no 806/2014. La valorisation 3, qui est la valorisation définitive visant à déterminer si les actionnaires et les créanciers auraient bénéficié d’un meilleur traitement si Banco Popular avait fait l’objet d’une procédure normale d’insolvabilité, au titre de l’article 20, paragraphe 16, du règlement no 806/2014, a été réalisée postérieurement à la résolution.

335    Or, la valeur de liquidation, dont les requérants contestent l’utilisation par Deloitte, correspond à la seconde partie de la valorisation 2.

336    Si, par leur argument, les requérants contestent la seconde partie de la valorisation 2, il suffit de constater qu’il est inopérant. En effet, la détermination de la différence entre le traitement dont ont bénéficié les actionnaires de Banco Popular dans le cadre de la résolution et celui dont ils auraient bénéficié dans le cadre d’une procédure normale d’insolvabilité relève de la valorisation 3 et l’appréciation définitive de la perte subie par les actionnaires relève de la décision du CRU du 17 mars 2020 adoptée sur le fondement de la valorisation 3.

337    Si, par leur argument, les requérants contestent l’utilisation par Deloitte de la valeur de liquidation dans la première partie de la valorisation 2 pour évaluer les actifs de Banco Popular, il suffit de relever que, dans le cadre de cette première partie, Deloitte a pris en compte la valeur de cession de Banco Popular et non une valeur de liquidation.

338    S’agissant de la méthodologie utilisée, Deloitte a indiqué, dans la valorisation 2, que le scénario utilisé pour déterminer la valeur économique était la vente de la banque selon l’instrument de cession des activités. Conformément à l’article 20, paragraphe 5, sous f), du règlement no 806/2014, la valorisation visait à fournir les éléments permettant de prendre la décision concernant les actifs, les droits, les engagements ou les titres de propriété à transférer, et à fournir les éléments permettant au CRU de déterminer ce qui constituait des conditions commerciales aux fins de l’article 24, paragraphe 2, sous b), du même règlement.

339    Deloitte a expliqué que « [sa] valorisation économique vis[ait] à fournir une estimation de la valeur pouvant être proposée par un acquéreur potentiel pour la banque dans son ensemble, à la suite d’une procédure d’enchères ouverte, juste et compétitive (une “valeur de cession” conformément à l’article 11 des normes techniques de réglementation […]) ».

340    Il ressort du considérant 6 des normes techniques de réglementation que le choix de la base d’évaluation la plus appropriée (valeur de détention ou valeur de cession) devrait être effectué en fonction des mesures de résolution spécifiques envisagées par l’autorité de résolution.

341    Concernant le choix de la base d’évaluation, l’article 11, paragraphe 4, des normes techniques de réglementation, repris à l’article 11, paragraphe 4, du règlement délégué 2018/345, indique :

« Lorsque les mesures de résolution visées à l’article 10, paragraphe 1, imposent que les actifs et passifs soient conservés par une entité qui reste un établissement en continuité d’exploitation, l’évaluateur utilise la valeur de détention comme base d’évaluation appropriée. La valeur de détention peut, si cela est considéré comme juste, prudent et réaliste, anticiper une normalisation des conditions de marché.

La valeur de détention n’est pas utilisée comme base d’évaluation lorsque les actifs sont transférés à une structure de gestion des actifs en vertu de l’article 42 de la directive 2014/59/UE ou à un établissement-relais en vertu de l’article 40 de ladite directive, ou lorsqu’un instrument de cession des activités en vertu de l’article 38 de la directive 2014/59/UE est utilisé. »

342    Selon l’article 12, paragraphe 4, des normes techniques de réglementation, repris à l’article 12, paragraphe 4 du règlement délégué 2018/345, « lorsque la situation d’une entité l’empêche de détenir un actif ou de poursuivre une activité, ou lorsque la cession est considérée comme nécessaire pour toute autre raison par l’autorité de résolution pour atteindre les objectifs de résolution, les flux de trésorerie attendus sont indiqués par rapport aux valeurs de cession attendues au cours d’un délai de cession donné ».

343    Les facteurs à prendre en compte pour déterminer la valeur de cession, aux fins de l’instrument de cession des activités, sont définis à l’article 12, paragraphes 5 à 7, des normes techniques de réglementation, repris à l’article 12, paragraphes 5 à 7, du règlement délégué 2018/345.

344    Il en ressort que les requérants ne sauraient soutenir que la valeur de cession n’était pas la méthodologie correcte pour apprécier la valeur de Banco Popular dans le cadre de la valorisation 2.

345    Partant, le premier grief doit être rejeté.

2)      Sur le deuxième grief, selon lequel les valorisations 1 et 2 sont hautement spéculatives

346    En premier lieu, les requérants font valoir que le CRU aurait indiqué que la valorisation 1 ne donnait aucune garantie quant à l’exactitude des résultats exprimés dans le rapport et que Deloitte, dans la valorisation 2, exprimerait de nombreuses réserves sur sa fiabilité et le caractère suffisant des informations vérifiées.

347    Il y a lieu de rappeler que, pour le même motif que celui exposé au point 294 ci-dessus, les arguments visant à contester la valorisation 1 sont inopérants.

348    S’agissant de la valorisation 2, dans la lettre accompagnant la communication de cette valorisation au CRU, Deloitte a indiqué que, étant donné la position de liquidité difficile de Banco Popular, il avait été invité à réaliser sa valorisation dans un délai extrêmement court. Le travail principal a été limité à douze jours à compter du jour où il a eu accès à la documentation, alors qu’un tel projet devrait normalement prendre six semaines. Deloitte a relevé qu’il existait un certain nombre de lacunes et d’incohérences parmi les informations disponibles. Deloitte a mentionné que la valorisation devait être regardée comme hautement incertaine et provisoire en vertu de l’article 36 de la directive 2014/59 et qu’un coussin pour pertes supplémentaires avait été inclus dans la valorisation conformément à l’article 36, paragraphe 9, de la directive 2014/59, lequel correspond à l’article 20, paragraphe 10, du règlement no 806/2014.

349    Comme le relèvent les requérants, Deloitte mentionne également les contraintes liées au temps et aux informations disponibles dans la partie de l’annexe de la valorisation 2 intitulée « Portée, bases de travail et limites » (scope, basis of work and limitations), qui rappelle les conditions dans lesquelles il a dû effectuer la valorisation 2.

350    L’article 20, paragraphe 10, du règlement no 806/2014 prévoit expressément l’hypothèse où, compte tenu de l’urgence de la situation, il n’est pas possible de respecter les exigences fixées aux paragraphes 7 et 9 de cet article, à savoir, notamment, le cas où il n’est pas possible de compléter la valorisation par certaines informations figurant dans les livres et registres comptables. En outre, cette disposition reconnaît l’existence d’incertitudes inhérentes à toute valorisation provisoire en prévoyant dans son deuxième alinéa que celle-ci intègre un coussin pour pertes supplémentaires.

351    Ainsi, conformément à cette disposition, Deloitte s’est contenté d’indiquer que, étant donné le peu de temps disponible pour effectuer la valorisation, il devait s’appuyer sur des informations incomplètes et il a précisé que la valorisation qu’il avait effectuée devait être considérée comme une valorisation provisoire au sens de l’article 36, paragraphe 9, de la directive 2014/59.

352    En outre, il ressort de l’article 20, paragraphe 13, du règlement no 806/2014 que, compte tenu de l’urgence de la situation, le CRU pouvait se fonder sur la valorisation 2 effectuée au titre de l’article 20, paragraphe 10, du règlement no 806/2014 pour adopter le dispositif de résolution.

353    Par ailleurs, les incertitudes inhérentes à la valorisation 2 sont soulignées dans les normes techniques de réglementation dont il ressort que, lorsqu’il procède à l’estimation et à l’actualisation des flux de trésorerie que l’entité peut attendre des actifs et des passifs existants, l’évaluateur doit s’appuyer sur des hypothèses justes, prudentes et réalistes et tenir compte de différents facteurs et circonstances.

354    En particulier, s’agissant des estimations concernant la valeur de cession, l’article 12, paragraphe 5, des normes techniques de réglementation, repris à l’article 12, paragraphe 5, du règlement délégué 2018/345, prévoit :

« La valeur de cession est déterminée par l’évaluateur sur la base des flux de trésorerie, nets des coûts de cession et nets de la valeur attendue des éventuelles garanties données, que l’entité peut raisonnablement attendre dans les conditions de marché à la suite d’une cession ou d’un transfert ordonnés des actifs ou passifs. S’il y a lieu, au regard des mesures à prendre dans le cadre du dispositif de résolution, l’évaluateur peut déterminer la valeur de cession en appliquant une réduction correspondant à une actualisation pour cession anticipée potentielle au prix du marché pour cette cession ou ce transfert. Pour déterminer la valeur de cession des actifs qui n’ont pas de marché liquide, l’évaluateur examine les prix observables sur des marchés où des actifs similaires sont négociés ou recourt à des calculs à l’aide de modèles utilisant les paramètres observables du marché, tenant dûment compte des actualisations pour illiquidité. »

355    L’article 12, paragraphe 6, des normes techniques de réglementation, repris à l’article 12, paragraphe 6, du règlement délégué 2018/345, indique différents facteurs, dont l’évaluateur tient compte, qui peuvent influer sur les valeurs de cession et les délais de cession.

356    Il en ressort que la valorisation 2 repose sur des hypothèses et dépend de multiples facteurs. Ainsi, conformément aux normes techniques de réglementation, pour déterminer la valeur de cession de Banco Popular à la date de la résolution, Deloitte, dans la valorisation 2, s’est appuyé sur des estimations et des évaluations prospectives et a présenté son résultat sous la forme d’une fourchette de valeurs.

357    Partant, il y a lieu de considérer que, étant donné les contraintes de temps et les informations disponibles, certaines incertitudes et approximations sont inhérentes à toute valorisation provisoire effectuée en application de l’article 20, paragraphe 10, du règlement no 806/2014 et que les réserves formulées par Deloitte ne sauraient signifier que la valorisation 2 n’était pas « juste, prudente et réaliste » au sens de l’article 20, paragraphe 1, du règlement no 806/2014.

358    En deuxième lieu, les requérants font valoir que l’article 20, paragraphes 1, 4 et 12, du règlement no 806/2014 exige que la valorisation couvre l’ensemble de l’actif et du passif de l’entité concernée. Or, Deloitte aurait indiqué qu’il se serait concentré sur certaines catégories d’actifs dont la valorisation était hautement incertaine.

359    Les requérants font référence à l’affirmation de Deloitte, figurant dans la lettre d’accompagnement du rapport sur la valorisation 2, selon laquelle, compte tenu de la courte période de temps disponible pour rédiger la valorisation 2, il avait dû accorder une stricte priorité à l’examen des informations disponibles, en se concentrant uniquement sur l’actif et le passif clés dont la valorisation était hautement incertaine.

360    Il suffit de relever que cette approche est conforme aux dispositions de l’article 8 des normes techniques de réglementation selon lesquelles :

« L’évaluateur porte une attention particulière aux éléments pour lesquels existe une incertitude importante en ce qui concerne la valorisation et qui ont une incidence importante sur la valorisation globale. Pour ces éléments, l’évaluateur fournit les résultats de la valorisation sous la forme de meilleures estimations ponctuelles et, lorsque cela est approprié, de fourchettes de valeur […] »

361    En troisième lieu, les requérants soutiennent que l’évaluation des catégories d’actifs dans la valorisation 2 ne satisfait pas aux exigences minimales de l’article 20, paragraphes 4 et 6, du règlement no 806/2014. Ils contestent l’évaluation effectuée par Deloitte dans la valorisation 2 pour différentes catégories d’actifs.

362    Les requérants font valoir, pour plusieurs catégories d’actifs, que Deloitte ne disposait pas d’informations suffisantes et que le résultat de son évaluation diffère de celui de la valorisation 1.

363    À cet égard, d’une part, il ressort de ce que précède que, par définition, les incertitudes sont inhérentes à toute valorisation provisoire et que, compte tenu de délai très court dont disposait Deloitte, il ne pouvait disposer de certaines informations. Ces incertitudes se traduisent notamment par le fait que Deloitte a indiqué, dans la valorisation 2, conformément aux normes techniques de réglementation, que les résultats de la valorisation étaient fournis sous la forme de fourchettes de valeurs comprenant le meilleur et le pire scénario et la meilleure valorisation possible.

364    D’autre part, le fait que l’évaluation de ces actifs dans la valorisation 2 diffère de celle figurant dans la valorisation 1 n’est pas pertinent, étant donné que ces deux valorisations avaient des objectifs différents et se fondaient sur des méthodes de calcul distinctes. La valorisation 2 visait à établir la valeur de cession des actifs pour un acquéreur potentiel, qui supposait des ajustements par rapport à leur valeur comptable. À cet égard, il convient de préciser que, dans la valorisation 2, Deloitte a procédé à des ajustements sur la valeur de chaque catégorie d’actifs sur la base du bilan consolidé de Banco Popular au 31 mars 2017.

365    Ainsi, les comparaisons effectuées par les requérants entre la valeur des ajustements calculés dans la valorisation 2 concernant les prêts et créances, les actifs immobiliers et les actifs d’impôts et la valeur de ces catégories d’actifs dans la valorisation 1 ne sont pas pertinentes.

366    Il convient d’examiner les autres arguments des requérants propres à chaque catégorie d’actifs.

367    S’agissant de la valorisation des prêts et des créances, les requérants font valoir que Deloitte n’ayant pas été en mesure de procéder à une analyse des flux de trésorerie actualisée (Discounting Cash Flows), il a procédé à des valorisations hautement spéculatives, ce qui aurait abouti à une sous-évaluation de ces éléments d’actifs avec un ajustement de 3,5 milliards d’euros dans le scénario de base, contre un ajustement compris entre 501 et 774 millions d’euros dans la valorisation 1.

368    Dans la valorisation 2, Deloitte a indiqué que sa méthode pour calculer la valeur économique des prêts et des créances consistait à estimer la perte de crédit attendue. Il a ainsi abouti à une fourchette d’ajustements allant de 2,7 milliards d’euros dans le meilleur scénario à 6,9 milliards d’euros dans le pire scénario et à une meilleure estimation de 3,5 milliards d’euros.

369    Il y a lieu de relever que cette méthode est conforme aux normes techniques de réglementation.

370    À cet égard, il y a lieu de relever que les prêts et créances font partie des éléments pour lesquels il existe une incertitude importante et auxquels l’évaluateur porte une attention particulière selon l’article 8, sous a), des normes techniques de réglementation, lequel prévoit :

« [L]es prêts ou portefeuilles de prêts dont les flux de trésorerie attendus dépendent de la capacité de la contrepartie à exécuter ses obligations, de sa volonté à le faire ou de mesures l’y incitant, lorsque ces prévisions reposent sur des hypothèses relatives aux taux de défaillance, aux probabilités de défaut, aux pertes en cas de défaut ou aux caractéristiques des instruments, en particulier lorsque l’historique des pertes d’un portefeuille de prêts en atteste ».

371    De plus, aux pages 4 à 11 de l’annexe de la valorisation 2, Deloitte a expliqué les ajustements qu’il avait effectués concernant la valorisation des prêts et des créances, en particulier au regard des risques de défaut de paiement. Les requérants ne soulèvent aucun argument visant à contester ces ajustements. En dehors de leur référence à la valorisation 1, les requérants n’expliquent pas pour quel motif la valorisation des ajustements effectuée par Deloitte dans sa meilleure estimation constituerait une sous-évaluation.

372    S’agissant de la valorisation des actifs immobiliers, les requérants soutiennent que Deloitte s’est limité à examiner un échantillon de 112 rapports d’évaluation, qu’il n’a pas tenu compte de la liquidité du portefeuille et qu’il n’a pas tenu compte d’autres actifs immobiliers d’une valeur de 1,043 milliard d’euros, ce qui conduirait à une importante sous-évaluation.

373    Il y a lieu de relever que ces arguments procèdent d’une lecture erronée de la valorisation 2.

374    À cet égard, à la page 5 du rapport sur la valorisation 2, Deloitte a indiqué que sa valorisation s’appuyait sur des informations couvrant 93 % du portefeuille immobilier de Banco Popular, extrapolé pour couvrir l’ensemble des actifs. Il mentionne le fait qu’il a utilisé sa propre méthodologie de valorisation et que, pour vérifier les résultats obtenus, il a utilisé une seconde méthodologie en procédant à une vérification croisée pour les actifs immobiliers les plus importants, fondée sur un échantillon de 112 rapports d’évaluation réalisés par des tiers pour ajuster ses hypothèses et délivrer une valorisation descendante plus précise. Les requérants ne sauraient donc soutenir que la valorisation des actifs immobiliers dans la valorisation 2 se fondait uniquement sur ces 112 rapports.

375    En outre, le fait que Deloitte ait indiqué que la liquidité du portefeuille d’actifs immobiliers analysée était limitée, ne saurait signifier, comme le soutiennent les requérants, qu’il n’a pas examiné cette liquidité. À titre d’exemple, aux pages 15 et 16 de l’annexe de la valorisation 2, Deloitte, dans son appréciation du portefeuille immobilier de Banco Popular par type d’actif, mentionne à plusieurs reprises leur liquidité limitée.

376    Par ailleurs, il ressort du tableau figurant à la page 26 de l’annexe de la valorisation 2, intitulé « Résultat de la valorisation (structure du bilan) », que Deloitte a tenu compte des actifs immobiliers qualifiés d’« autres » dans le bilan de Banco Popular pour une valeur de 1,043 milliard d’euros. En indiquant, à la page 12 de l’annexe de la valorisation 2, que ces actifs immobiliers qualifiés d’« autres » n’ont pas été évalués, Deloitte a simplement indiqué qu’il ne leur avait appliqué aucun ajustement. Dès lors, contrairement à ce que soutiennent les requérants, il ne pouvait en résulter une sous-évaluation.

377    S’agissant de la valorisation des actifs d’impôts, les requérants s’appuient sur le calcul effectué par Banco Santander à l’issue de la résolution pour faire valoir que Deloitte a procédé à une sous-évaluation.

378    À cet égard, il suffit de rappeler que l’analyse effectuée par Deloitte visait à déterminer la valeur des différentes catégories d’actifs pour tout acquéreur potentiel. La valeur donnée à ces actifs par Banco Santander après l’acquisition de Banco Popular, dépendant des synergies entre ces deux entités, n’est donc pas pertinente pour apprécier la validité de la valorisation 2.

379    En outre, Deloitte, dans le rapport sur la valorisation 2, a indiqué que l’évaluation des actifs d’impôts différés non protégés dépendrait des bénéfices imposables anticipés de l’acquéreur (plan d’affaire) et des niveaux de crédits d’impôt existants. Il a notamment indiqué, à la page 32 de l’annexe de la valorisation 2, que la valorisation des actifs d’impôts différés non protégés dépendait de l’acquéreur, notamment du fait qu’il s’agisse d’une entité espagnole ou étrangère et que, dans l’hypothèse où l’acquéreur serait une banque espagnole, leur caractère recouvrable et leur comptabilisation au bilan dépendraient du plan d’affaire de Banco Popular et de celui de l’acquéreur. Le rapport sur la valorisation mentionne que l’évaluation faite par Deloitte tient compte de ces différentes hypothèses.

380    S’agissant de la valorisation des provisions pour risques juridiques, les requérants soutiennent que Deloitte n’a pas examiné un avis juridique sur le bien-fondé des prétentions ayant donné lieu à ces provisions.

381    Dans la valorisation 2, Deloitte a indiqué s’être appuyé sur les calculs effectués par la direction de Banco Popular en procédant à des ajustements fondés sur sa propre expérience et les tendances du secteur. Il y a lieu de considérer que cette méthode permet d’aboutir à une valorisation « juste, prudente et réaliste » au sens de l’article 20, paragraphe 1, du règlement no 806/2014.

382    S’agissant de la valorisation des entreprises communes, des filiales et des entreprises associées, les requérants soutiennent que Deloitte a appliqué une méthode fondée sur la valeur de marché et n’aurait pas confirmé son résultat par une évaluation fondée sur d’autres méthodes. De plus, le résultat de la valorisation 2 serait contredit par la valorisation 3, par des évaluations effectuées par d’autres analystes de marché ainsi que par la cession ultérieure de certains de ces éléments d’actifs.

383    D’une part, il convient de rappeler que c’est à juste titre que Deloitte a utilisé une méthode fondée sur la valeur de cession de Banco Popular, laquelle, conformément aux normes techniques de réglementation, correspond au prix qui pourrait être obtenu sur le marché pour un actif ou groupe d’actifs donné en tenant compte d’une actualisation appropriée. Le fait que Deloitte ait indiqué ne pas avoir été en mesure de procéder à un recoupement par d’autres méthodes n’est pas de nature à remettre en cause le résultat de la valorisation 2 fondée sur la méthode d’analyse appropriée.

384    D’autre part, les évaluations effectuées postérieurement à la résolution ne sont pas pertinentes. Par ailleurs, les requérants comparent à tort la valeur de 1,9 milliard d’euros prise en compte dans la valorisation 2 et le montant de 7,496 milliards d’euros figurant dans la valorisation 3. Dans la valorisation 2, Deloitte a précisé que son analyse était fondée sur une base consolidée et que cette partie de son évaluation était limitée aux entreprises communes et aux entreprises associées, alors que la valorisation 3 incluait les filiales.

385    S’agissant de la valorisation des actifs incorporels, les requérants soutiennent que Deloitte a assigné une valeur nulle au fonds de commerce de Banco Popular et une valeur limitée à la marque Banco Pastor, ce qui ne correspondrait pas à la réalité. Deloitte aurait affirmé ne pas disposer des tests de dépréciation, de sorte qu’il n’aurait pu confirmer la valeur réelle des actifs incorporels.

386    Il y a lieu de relever que, dans le rapport sur la valorisation 2, Deloitte a expliqué, s’agissant du fonds de commerce, qu’un acquéreur potentiel n’attribuerait aucune valeur à un fonds de commerce préexistant dans la mesure où il ne s’agissait pas d’un actif identifiable dans le contexte d’un regroupement d’entreprises. Il a indiqué que, étant donné la présence forte de la marque Banco Pastor en Galice, cette marque aurait une valeur pour un tiers et qu’il avait estimé la fourchette de valeur en appliquant la méthode des redevances, qui est la méthode la plus utilisée pour évaluer les marques. Les requérants ne soulèvent aucun argument spécifique de nature à remettre en cause ces explications.

387    Dans le rapport sur la valorisation 2, Deloitte a indiqué que les tests de dépréciation ne lui avaient pas été fournis, de sorte qu’il n’avait pas été en mesure d’analyser le support utilisé par Banco Popular pour ces actifs, mais que la faible performance de Banco Popular ces dernières années était une indication des dépréciations potentielles des actifs incorporels. Il en ressort que, si Banco Popular avait fourni ces informations, il en aurait nécessairement résulté une valeur à la baisse par rapport à celle du bilan consolidé de mars 2017 prise en compte par Deloitte.

388    S’agissant des actifs et des titres de créances, les requérants soutiennent que Deloitte a procédé à ses propres estimations, faute d’informations suffisantes concernant les caractéristiques des actifs de troisième rang.

389    Par cet argument, les requérants se contentent une nouvelle fois de relever les phrases du rapport sur la valorisation 2 dans lesquelles Deloitte a indiqué quelles étaient les sources d’incertitudes de son évaluation, lesquelles sont inhérentes à une valorisation provisoire. Cependant, ils ne soulèvent aucun argument visant à remettre en cause ces estimations.

390    Enfin, s’agissant des synergies et des autres facteurs clés, les requérants soutiennent que le calcul effectué par Deloitte étant expurgé, il ne serait pas possible de vérifier si son estimation correspond à la rentabilité déclarée par Banco Santander à la suite de l’acquisition de Banco Popular.

391    À cet égard, dans le rapport sur la valorisation 2, Deloitte a relevé avoir procédé à son estimation en tenant compte des informations publiques disponibles relatives aux fusions et aux acquisitions dans le secteur bancaire en Espagne, que « les synergies [pouvaient] varier en fonction de l’acquéreur et, en particulier, dépend[aient] du chevauchement des filiales » et que, « plus le chevauchement des filiales [était] important, plus les synergies obtenues [pouvaient] être importantes ». Il a indiqué que les synergies étaient fortement dépendantes de l’acquéreur. Or, Deloitte a dû effectuer son évaluation en tenant compte de tout acquéreur potentiel. Le résultat de cette valorisation ne saurait être comparé avec les synergies réalisées par Banco Santander à la suite de l’acquisition de Banco Popular.

392    Il ressort de ce qui précède que les requérants n’ont soulevé aucun argument de nature à remettre en cause la valorisation des actifs de Banco Popular effectuée par Deloitte dans la valorisation 2.

393    Partant, le deuxième grief doit être rejeté.

3)      Sur le troisième grief, selon lequel la valorisation 2 n’est pas « juste, prudente et réaliste »

394    Premièrement, les requérants font valoir que la fourchette estimée par Deloitte concernant la valeur de Banco Popular ne saurait être acceptée en raison de l’écart considérable qui séparait les différents scénarios.

395    Dans la valorisation 2, Deloitte a relevé que le résultat de son évaluation se situait dans une fourchette comprise entre 1,3 milliard et moins 8,2 milliards d’euros, avec la meilleure estimation se situant à l’intérieur de cette fourchette à moins 2 milliards d’euros.

396    D’une part, il y a lieu de relever que les requérants se contentent de contester la crédibilité de cette fourchette sans soulever aucun argument spécifique. D’autre part, il convient de relever que l’ampleur de la fourchette se justifie par la méthode utilisée dans la valorisation 2.

397    À cet égard, s’agissant de la méthodologie utilisée dans la valorisation 2, Deloitte a indiqué qu’il avait adopté une approche catégorie par catégorie, en ajustant les valeurs comptables de chaque classe d’actifs et de passifs pour estimer les pertes et profits et d’autres ajustements que tout acquéreur appliquerait à la valeur. Il a produit une fourchette d’évaluation pour chaque classe d’actifs et de passifs.

398    Cette méthode est conforme à l’article 2, paragraphe 3, des normes techniques de réglementation, repris à l’article 2, paragraphe 3, du règlement délégué 2018/345, selon lequel :

« L’évaluateur fournit la meilleure estimation ponctuelle de la valeur d’un actif donné, d’un passif donné ou d’une combinaison de ces deux éléments. Les résultats de la valorisation sont aussi fournis sous la forme de fourchettes de valeurs lorsque cela est approprié. »

399    Ainsi, l’addition des valeurs les plus basses pour chaque classe d’actifs et de passifs a fourni l’estimation basse de la fourchette et l’addition des valeurs les plus hautes a fourni l’estimation haute de la fourchette. Cette méthode explique donc l’ampleur de la fourchette retenue dans la valorisation 2.

400    De plus, comme le souligne le CRU, compte tenu de l’ampleur du bilan de Banco Popular, avec un chiffre excédant 130 milliards d’euros, la différence entre les deux valeurs de la fourchette ne représente qu’environ 7 % du bilan. Cette différence reflète ainsi le degré d’incertitude inhérent au processus de valorisation.

401    Deuxièmement, les requérants soutiennent que la valorisation négative de Banco Popular dans la valorisation 2 est incompatible avec les estimations de la BCE, du CRU et des autorités espagnoles ayant considéré que la banque était solvable. La valorisation 2 serait incompatible avec la valorisation 1, dans laquelle le CRU aurait estimé que, même avec des ajustements, Banco Popular restait solvable. Les motivations des valorisations 1 et 2 seraient contradictoires s’agissant de la situation de défaillance avérée ou prévisible de Banco Popular.

402    Dans leur résumé introductif, les normes techniques de l’ABE spécifient la nécessité de distinguer entre deux types de valorisations antérieures à la résolution, à savoir, d’une part, la valorisation 1, effectuée au titre de l’article 36, paragraphe 4, sous a), de la directive 2014/59, qui est l’équivalent de l’article 20, paragraphe 5, sous a), du règlement no 806/2014, et, d’autre part, la valorisation 2, effectuée au titre de l’article 36, paragraphe 4, sous b) à g), de la directive 2014/59, qui correspond à l’article 20, paragraphe 5, sous b) à g), du règlement no 806/2014.

403    Le considérant 1 des normes techniques de réglementation, repris dans le considérant 1 du règlement délégué 2018/345, rappelle cette distinction entre, d’une part, une valorisation initiale qui permet de déterminer si les conditions de déclenchement d’une procédure de résolution ou les conditions applicables à la dépréciation ou à la conversion d’instruments de capital sont remplies et, d’autre part, une valorisation ultérieure qui constitue la base de la décision d’appliquer un ou plusieurs instruments de résolution. Les normes techniques de réglementation établissent des critères différents pour la réalisation de la valorisation 1 et de la valorisation 2.

404    S’agissant de la valorisation 1, les normes techniques de réglementation indiquent que le critère pertinent consiste à déterminer si l’entité est en situation de défaillance avérée ou prévisible.

405    Contrairement à ce que soutiennent les requérants, la valorisation 2 ne visait pas à établir si Banco Popular était en situation de défaillance avérée ou prévisible et ils ne sauraient donc invoquer une contradiction avec la valorisation 1 à cet égard.

406    Par ailleurs, il convient de relever que des différences de conclusions entre la valorisation 1 et la valorisation 2 s’expliquent par le fait que, ayant des objectifs différents, elles s’appuient sur des critères d’évaluation différents définis dans les normes techniques de l’ABE. Ainsi, conformément aux normes techniques de l’ABE, la valorisation 1 visait principalement à déterminer si la valeur totale des actifs de l’entité dépassait celle de ses passifs, en d’autre termes, si l’entité était solvable au regard du bilan, tandis que la valorisation 2 devait s’appuyer sur la valeur économique et non sur la valeur comptable de l’entité.

407    En tout état de cause, s’agissant de l’argument des requérants selon lequel les conclusions des valorisations 1 et 2 étaient contradictoires, il suffit de constater qu’il est inopérant, les conclusions de la valorisation 1 n’étant plus pertinentes à la suite de l’évaluation de la BCE le 6 juin 2017 pour le motif figurant au point 294 ci-dessus.

408    En outre, il convient de rappeler que la BCE, dans son évaluation, ne s’est pas fondée sur l’insolvabilité de Banco Popular pour conclure que cette dernière était en situation de défaillance avérée ou prévisible. La conclusion de la BCE selon laquelle Banco Popular, du fait de sa situation de trésorerie et de son incapacité à générer de nouvelles liquidités, ne serait pas en mesure dans un proche avenir de s’acquitter de ses dettes ou de ses autres engagements à l’échéance n’est pas en contradiction avec le fait que Banco Popular était solvable d’un point de vue comptable.

409    Dans la mesure où la valorisation 2 doit tenir compte de la valeur économique et non de la valeur comptable de Banco Popular, les requérants ne sauraient faire valoir l’existence d’une contradiction entre le constat selon lequel Banco Popular était solvable, effectué dans la valorisation 1, dans l’évaluation de la BCE ou par la Banque d’Espagne, et la conclusion de la valorisation 2.

410    Dès lors, leurs arguments relatifs au calcul de la valeur de l’actif net de Banco Popular tenant compte des ajustements des actifs non productifs, envisagés par la BCE et par Banco Popular, ne sont également pas pertinents pour apprécier la validité de la valorisation 2, dans la mesure où ils ne concernent que la valeur comptable de Banco Popular.

411    Il ressort de ce qui précède qu’il convient de rejeter le troisième grief et, partant, la quatrième branche.

e)      Sur la cinquième branche, tirée de la violation de larticle 20, paragraphes 7 et 9, du règlement no 806/2014

412    Les requérants font valoir une violation de l’article 20, paragraphe 7, du règlement no 806/2014, qui dispose que la valorisation est complétée par, notamment, un bilan actualisé et un rapport sur la situation financière de l’entité. Deloitte aurait reconnu qu’il n’avait pas procédé à une analyse de la structure de l’entreprise et des bilans des entités individuelles. En l’absence de bilan pour chaque entité du groupe Banco Popular, Deloitte aurait procédé à son évaluation sur une base consolidée. Or, Deloitte aurait affirmé qu’une analyse entité par entité était d’une importance cruciale.

413    Les requérants font également valoir une violation de l’article 20, paragraphe 9, du règlement no 806/2014, dans la mesure où Deloitte a reconnu ne pas avoir été en mesure de refléter la répartition des créanciers en catégories selon l’ordre de priorité des créances. Cependant, Deloitte aurait inclus une hiérarchie des créanciers dans la valorisation 3, en utilisant des informations disponibles le 6 juin 2017.

414    Il convient de rappeler que, en l’espèce, la valorisation 2 étant une valorisation provisoire effectuée sur le fondement de l’article 20, paragraphe 10, du règlement no 806/2014, il ressort expressément de cette disposition, mentionnée au point 302 ci-dessus, qu’elle ne devait respecter les exigences de l’article 20, paragraphes 7 et 9, de ce règlement que dans la mesure où cela était raisonnablement possible compte tenu des circonstances.

415    En outre, contrairement à ce que prétendent les requérants, l’article 20, paragraphe 7, du règlement no 806/2014 n’impose pas que la valorisation soit complétée par un bilan actualisé et un rapport sur la situation financière de chaque entité composant le groupe faisant l’objet de la résolution. La notion d’« entité » mentionnée par cet article vise celle définie à l’article 2 du règlement no 806/2014. La valorisation 2 s’appuyait sur le bilan consolidé du groupe Banco Popular.

416    Par ailleurs, les requérants s’appuient sur des extraits de la valorisation 2 qui ne sont pas pertinents.

417    Dans un extrait de l’annexe de la valorisation 2, cité par les requérants, Deloitte a indiqué que, étant donné que la structure sociale de l’entité et les bilans des entités individuelles ne lui avaient pas été fournis, son scénario de liquidation avait été préparé sur une base consolidée dans un but illustratif et que cela était contraire au droit espagnol. Dans un autre extrait de cette annexe également mentionné par les requérants, Deloitte a affirmé que l’analyse par entité était cruciale pour la simulation du scénario de liquidation. Les requérants font également référence aux extraits dans lesquels Deloitte indique qu’il n’a pas disposé de suffisamment de données ou de temps pour pouvoir classer les créanciers en fonction de leur rang et que le fait que ses calculs aient été effectués au niveau du groupe Banco Popular pourrait avoir des implications importantes en termes de valeur pour les créanciers de certaines entités recevant un recouvrement à 100 % au détriment des créanciers d’autres entités.

418    Or, ces extraits, qui figurent dans la seconde partie de l’annexe de la valorisation 2 relative à la simulation du scénario de liquidation et non dans la première partie de cette annexe relative à la valorisation provisoire de Banco Popular, ne sont pas pertinents. En effet, il y a lieu de rappeler que le dispositif de résolution a été adopté en tenant compte de la première partie de l’annexe de la valorisation 2 contenant la valorisation provisoire de Banco Popular, préparée en vue de l’application de l’instrument de cession des activités.

419    Comme il est indiqué au point 3 du rapport sur la valorisation 2, l’objectif de la simulation du scenario de liquidation était de déterminer si les actionnaires et les créanciers de Banco Popular auraient bénéficier d’un meilleur traitement si Banco Popular avait été liquidée selon une procédure normale d’insolvabilité en application de la législation espagnole.

420    Or, d’une part, dans la seconde partie de l’annexe de la valorisation 2 contenant cette simulation, Deloitte a expliqué que, avec plus de données concernant le bilan de chaque entité et de temps, il lui aurait été possible d’affiner ses hypothèses de liquidation et de préparer une stratégie du scénario de liquidation. Il a ainsi précisé que la simulation de scénario de liquidation figurant en annexe de la valorisation 2 était donnée à titre indicatif.

421    Ainsi, conformément à l’article 20, paragraphe 10, du règlement no 806/2014, Deloitte a procédé à l’estimation prévue par l’article 20, paragraphe 9, de ce règlement que dans la mesure où cela était raisonnablement possible compte tenu des circonstances.

422    D’autre part, la question du traitement des actionnaires et des créanciers dans le cadre du scénario de liquidation relève de la valorisation 3 qui, selon l’article 20, paragraphe 16, du règlement no 806/2014, vise à déterminer si les actionnaires et les créanciers auraient bénéficié d’un meilleur traitement si l’établissement soumis à une procédure de résolution avait fait l’objet d’une procédure normale d’insolvabilité. À cet égard, il y a lieu de rappeler que Deloitte a transmis au CRU la valorisation 3, le 14 juin 2018, postérieurement à l’adoption du dispositif de résolution.

423    En outre, l’affirmation des requérants selon laquelle Deloitte aurait inclus une hiérarchie des créanciers dans la valorisation 3 sur le seul fondement d’informations disponibles le 6 juin 2017 n’est pas pertinente s’agissant de l’appréciation de la légalité du dispositif de résolution. En toute hypothèse, cette affirmation est erronée dans la mesure où, si la valorisation 3 indique qu’elle est fondée sur les informations financières disponibles le 6 juin 2017, elle précise également qu’elle est fondée sur de nombreuses informations obtenues après l’adoption du dispositif de résolution et qui n’étaient donc pas disponibles au moment de la rédaction de la valorisation 2.

424    Partant, il convient de rejeter la cinquième branche.

425    Il ressort de l’ensemble de ce qui précède que le CRU n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation en considérant que la valorisation 2 était conforme à l’article 20 du règlement no 806/2014. Partant, le deuxième moyen doit être rejeté dans son entièreté.

3.      Sur le troisième moyen, tiré de la violation du droit dêtre entendu et du droit daccès au dossier, consacrés par larticle 41, paragraphe 2, de la Charte

426    Les requérants font valoir que le CRU a violé le droit d’être entendu, consacré par l’article 41, paragraphe 2, sous a), de la Charte, dans la mesure où ils n’ont pas été entendus et où ils n’ont pas eu accès au dossier avant l’adoption du dispositif de résolution. En substance, ce moyen se divise en deux branches.

a)      Sur la première branche, tirée de la violation du droit dêtre entendu

427    Les requérants font valoir que le droit d’être entendu, consacré par l’article 41, paragraphe 2, sous a), de la Charte, s’applique à toute mesure susceptible d’affecter une personne et, notamment, dans le cas d’une résolution d’un établissement dans lequel cette personne possède des actions. Les décisions attaquées porteraient sur la résolution d’une seule banque et les personnes concernées seraient les actionnaires et créanciers de celle-ci. Il conviendrait d’entendre les détenteurs d’instruments de capital d’une banque avant de les priver de leur propriété.

428    La Commission fait valoir que la décision de résolution, en ce qui concerne les requérants, ne constitue pas une mesure individuelle mais une mesure de portée générale et que l’article 41 de la Charte n’est pas applicable. Elle estime que, à supposer même que les requérants disposaient d’un droit d’être entendu avant l’adoption du dispositif de résolution, ce droit pourrait comporter des restrictions.

429    Le CRU soutient que la limitation du droit d’être entendu, dans la mesure où il serait applicable, serait justifiée par la nécessité d’assurer l’efficacité des décisions de résolution et la stabilité des marchés financiers.

430    Il y a lieu de rappeler que l’article 41, paragraphe 2, sous a), de la Charte prévoit que le droit à une bonne administration comporte le droit de toute personne d’être entendue avant qu’une mesure individuelle qui l’affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre.

431    Le droit d’être entendu garantit à toute personne la possibilité de faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue au cours de la procédure administrative et avant l’adoption de toute décision susceptible d’affecter de manière défavorable ses intérêts. En outre, il convient de préciser que le droit d’être entendu poursuit un double objectif. D’une part, il sert à l’instruction du dossier et à l’établissement des faits le plus précisément et correctement possible et, d’autre part, il permet d’assurer une protection effective de l’intéressé. Le droit d’être entendu vise en particulier à garantir que toute décision faisant grief soit adoptée en pleine connaissance de cause et a notamment pour objectif de permettre à l’autorité compétente de corriger une erreur ou à la personne concernée de faire valoir les éléments relatifs à sa situation personnelle qui militent pour que la décision soit prise, ne soit pas prise ou qu’elle ait tel ou tel contenu (voir arrêt du 4 juin 2020, SEAE/De Loecker, C‑187/19 P, EU:C:2020:444, points 68 et 69 et jurisprudence citée).

432    Il convient de relever que la Cour a affirmé l’importance du droit d’être entendu et sa portée très large dans l’ordre juridique de l’Union, en considérant que ce droit doit s’appliquer à toute procédure susceptible d’aboutir à un acte faisant grief. Conformément à la jurisprudence de la Cour, le respect du droit d’être entendu s’impose même lorsque la réglementation applicable ne prévoit pas expressément une telle formalité (voir arrêts du 22 novembre 2012, M., C‑277/11, EU:C:2012:744, points 85 et 86 et jurisprudence citée ; du 18 juin 2020, Commission/RQ, C‑831/18 P, EU:C:2020:481, point 67 et jurisprudence citée, et du 7 novembre 2019, ADDE/Parlement, T‑48/17, EU:T:2019:780, point 89 et jurisprudence citée).

433    Dès lors, eu égard à son caractère de principe fondamental et général de droit de l’Union, l’application du principe des droits de la défense, qui incluent le droit d’être entendu, ne peut être ni exclue ni restreinte par une disposition réglementaire et son respect doit dès lors être assuré tant en l’absence totale d’une réglementation spécifique qu’en présence d’une réglementation qui ne tiendrait pas elle-même compte dudit principe (voir arrêt du 18 juin 2014, Espagne/Commission, T‑260/11, EU:T:2014:555, point 62 et jurisprudence citée).

434    Tout d’abord, il convient de relever que le dispositif de résolution adopté par le CRU a pour objet la résolution de Banco Popular, qui doit dès lors être considérée comme la personne à l’égard de laquelle une mesure individuelle est adoptée et à laquelle le droit d’être entendu est garanti par l’article 41, paragraphe 2, sous a), de la Charte.

435    Ainsi, il convient de tenir compte du fait que les requérants ne sont pas destinataires du dispositif de résolution, qui n’est pas une décision individuelle prise à leur encontre, ni de la décision 2017/1246 approuvant ce dispositif de résolution.

436    Toutefois, il y a lieu de relever que, conformément à l’article 21, paragraphe 1, du règlement no 806/2014, le CRU a exercé le pouvoir de dépréciation ou de conversion des instruments de fonds propres de Banco Popular.

437    Dès lors, la procédure suivie par le CRU pour adopter le dispositif de résolution, même si elle ne constitue pas une procédure individuelle ouverte à l’encontre des requérants, peut conduire à l’adoption d’une mesure susceptible d’affecter de manière défavorable leurs intérêts en leur qualité d’actionnaires ou de détenteurs d’instruments de fonds propres de Banco Popular.

438    Or, la jurisprudence de la Cour, citée au point 432 ci-dessus, a retenu une interprétation large du droit d’être entendu comme étant garanti à toute personne au cours de la procédure susceptible d’aboutir à un acte lui faisant grief.

439    En outre, d’une part, selon son considérant 121, le règlement no 806/2014 respecte les droits fondamentaux et les droits, libertés et principes reconnus, en particulier, par la Charte, parmi lesquels les droits de la défense, et devrait être mis en œuvre conformément à ces droits et à ces principes. D’autre part, si l’article 18 du règlement no 806/2014 ne prévoit pas une audition par le CRU des actionnaires ou des détenteurs d’instruments de fonds propres de l’entité concernée pendant la procédure de résolution, aucune disposition du règlement no 806/2014 ne s’oppose explicitement à une telle audition.

440    À cet égard, il y a lieu de relever que les requérants ne soulèvent pas d’exception d’illégalité à l’encontre du règlement no 806/2014 en ce qu’il ne prévoit pas d’audition préalable des actionnaires ou des détenteurs d’instruments de fonds propres avant l’adoption d’un dispositif de résolution. Ils soutiennent que le droit d’être entendu devait leur être reconnu dans le cadre de la procédure de résolution de Banco Popular en vertu de l’article 41, paragraphe 2, sous a), de la Charte, même si la réglementation applicable ne le prévoit pas.

441    Cependant, dans l’hypothèse où les actionnaires et créanciers de l’entité visée par la mesure de résolution pourraient se prévaloir du droit d’être entendu, dans le cadre de la procédure de résolution, ce droit peut être soumis à des limitations, conformément à l’article 52, paragraphe 1, de la Charte.

442    L’article 52, paragraphe 1, de la Charte prévoit :

« Toute limitation de l’exercice des droits et libertés reconnus par la présente Charte doit être prévue par la loi et respecter le contenu essentiel desdits droits et libertés. Dans le respect du principe de proportionnalité, des limitations ne peuvent être apportées que si elles sont nécessaires et répondent effectivement à des objectifs d’intérêt général reconnus par l’Union ou au besoin de protection des droits et libertés d’autrui. »

443    La Cour a considéré que les droits fondamentaux, tels que le respect des droits de la défense, n’apparaissent pas comme des prérogatives absolues, mais peuvent comporter des restrictions, à condition que celles‑ci répondent effectivement à des objectifs d’intérêt général poursuivis par la mesure en cause et ne constituent pas, au regard du but poursuivi, une intervention démesurée et intolérable qui porterait atteinte à la substance même des droits ainsi garantis (voir arrêts du 10 septembre 2013, G. et R., C‑383/13 PPU, EU:C:2013:533, point 33 et jurisprudence citée, et du 20 décembre 2017, Prequ’Italia, C‑276/16, EU:C:2017:1010, point 50 et jurisprudence citée).

444    Il en ressort que l’absence d’audition des requérants, en leur qualité d’actionnaires ou de détenteurs d’instruments de fonds propres de Banco Popular, dans le cadre de la procédure de résolution, que ce soit par le CRU ou par la Commission, pouvait être justifiée.

445    Il convient de rappeler que, à l’article 4.2 du dispositif de résolution, le CRU a estimé que la résolution de Banco Popular était conforme à l’intérêt public dans la mesure où elle était nécessaire et proportionnée à la réalisation de deux objectifs visés à l’article 14, paragraphe 2, du règlement no 806/2014, à savoir éviter les effets négatifs significatifs sur la stabilité financière et assurer la continuité des fonctions critiques de Banco Popular. Dans la décision 2017/1246, la Commission a expressément approuvé les raisons que le CRU a avancées pour justifier la nécessité d’une mesure de résolution dans l’intérêt public.

446    En l’espèce, la limitation du droit d’être entendu des requérants peut être justifiée, d’une part, par la poursuite des objectifs visés à l’article 14 du règlement no 806/2014 et, d’autre part, par la nécessité d’assurer l’efficacité de la résolution de Banco Popular, laquelle devait être effectuée avec célérité.

447    En premier lieu, il convient de relever que plusieurs considérants du règlement no 806/2014, notamment ses considérants 12, 58 et 61, indiquent que la stabilité des marchés financiers est un des objectifs poursuivis par les mécanismes de résolution mis en place par ce règlement.

448    De plus, selon l’article 18, paragraphe 5, du règlement no 806/2014, une mesure de résolution est considérée comme étant dans l’intérêt public si elle est nécessaire pour atteindre, par des moyens proportionnés, un ou plusieurs des objectifs de la résolution visés à l’article 14 de ce même règlement, alors qu’une liquidation de l’entité selon une procédure normale d’insolvabilité ne le permettrait pas dans la même mesure. Parmi les objectifs de la résolution visés à l’article 14 du règlement no 806/2014 figurent, notamment, celui d’« éviter les effets négatifs significatifs sur la stabilité financière, notamment en prévenant la contagion, y compris aux infrastructures de marché, et en maintenant la discipline de marché », ainsi que celui de « protéger les ressources de l’État par une réduction maximale du recours à un soutien financier public exceptionnel ».

449    À cet égard, la Cour a relevé que les services financiers jouent un rôle central dans l’économie de l’Union. Les banques et les établissements de crédit sont une source essentielle de financement pour des entreprises actives sur les différents marchés. De plus, les banques sont souvent interconnectées et nombre d’entre elles exercent leurs activités au niveau international. C’est la raison pour laquelle la défaillance d’une ou de plusieurs banques risque de se propager rapidement aux autres banques soit dans l’État membre concerné, soit dans d’autres États membres. Cela risque à son tour de produire des effets d’entraînement négatifs dans d’autres secteurs de l’économie (arrêts du 19 juillet 2016, Kotnik e.a., C‑526/14, EU:C:2016:570, point 50 ; du 20 septembre 2016, Ledra Advertising e.a./Commission et BCE, C‑8/15 P à C‑10/15 P, EU:C:2016:701, point 72, et du 25 mars 2021, Balgarska Narodna Banka, C‑501/18, EU:C:2021:249, point 108).

450    La Cour a jugé que l’objectif consistant à garantir la stabilité du système financier tout en évitant des dépenses publiques excessives et en minimisant les distorsions de la concurrence constitue un intérêt public supérieur (arrêt du 19 juillet 2016, Kotnik e.a., C‑526/14, EU:C:2016:570, point 69).

451    En outre, la Cour européenne des droits de l’homme (ci-après la « Cour EDH ») a considéré, dans sa décision du 1er avril 2004, Camberrow MM5 AD c. Bulgarie (CE:ECHR:2004:0401DEC005035799, point 6), que, dans les domaines économiquement sensibles tels que la stabilité du système bancaire, les États disposaient d’une vaste marge d’appréciation et que, partant, l’impossibilité pour un actionnaire de participer à la procédure conduisant à la vente de la banque n’était pas disproportionnée au regard des objectifs légitimes de protéger les droits des créanciers et de préserver la bonne administration de l’état d’insolvabilité de la banque.

452    Il convient également de mentionner l’arrêt du 8 novembre 2016, Dowling e.a. (C‑41/15, EU:C:2016:836), rendu à l’occasion d’une demande de décision préjudicielle portant sur l’interprétation des articles 8, 25 et 29 de la deuxième directive 77/91/CEE du Conseil, du 13 décembre 1976, tendant à coordonner pour les rendre équivalentes les garanties qui sont exigées dans les États membres des sociétés au sens de l’article [54, deuxième alinéa, TFUE], en vue de la protection des intérêts tant des associés que des tiers, en ce qui concerne la constitution de la société anonyme ainsi que le maintien et les modifications de son capital (JO 1977, L 26, p. 1). Cette affaire concernait une mesure exceptionnelle des autorités nationales visant à éviter, au moyen d’une augmentation de capital, la défaillance d’une société qui, selon la juridiction de renvoi, menaçait la stabilité financière de l’Union. La Cour a estimé que la protection que la deuxième directive 77/91 conférait aux actionnaires et aux créanciers d’une société anonyme, en ce qui concerne le capital social de celle-ci, ne s’étendait pas à une telle mesure nationale adoptée dans une situation de perturbation grave de l’économie et du système financier d’un État membre qui visait à remédier à une menace systémique pour la stabilité financière de l’Union, résultant de l’insuffisance des fonds propres de la société concernée (arrêt du 8 novembre 2016, Dowling e.a., C‑41/15, EU:C:2016:836, point 50). La Cour a ajouté que les dispositions de la deuxième directive 77/91 ne s’opposaient donc pas à une mesure exceptionnelle relative au capital social d’une société anonyme, que les autorités nationales avaient prise, dans une situation de perturbation grave de l’économie et du système financier d’un État membre, sans l’approbation de l’assemblée générale de cette société et dans le but d’éviter un risque systémique et d’assurer la stabilité financière de l’Union (voir arrêt du 8 novembre 2016, Dowling e.a., C‑41/15, EU:C:2016:836, point 51 et jurisprudence citée).

453    Ces considérations s’appliquent, par analogie, à la situation d’anciens actionnaires ou détenteurs d’instruments de fonds propres d’une banque ayant été soumise à une procédure de résolution en application du règlement no 806/2014, tels que les requérants.

454    Il ressort de ce qui précède que la procédure de résolution, mise en place par le règlement no 806/2014 et décrite dans son article 18, poursuit un objectif d’intérêt général au sens de l’article 52, paragraphe 1, de la Charte, à savoir l’objectif visant à garantir la stabilité des marchés financiers, susceptible de justifier une limitation au droit d’être entendu.

455    En l’espèce, il y a lieu de relever que les requérants ne contestent pas que la procédure de résolution de Banco Popular était conforme à l’objectif visant à garantir la stabilité financière visé à l’article 14 du règlement no 806/2014.

456    À cet égard, à l’article 4.4.2 du dispositif de résolution, le CRU a expliqué qu’il avait conclu que la situation de Banco Popular entraînait un risque croissant d’effets négatifs significatifs sur la stabilité financière en Espagne, en se fondant sur différents éléments. Parmi ces éléments figurent, premièrement, la taille et l’importance de Banco Popular, qui constitue la société mère du sixième groupe bancaire d’Espagne, avec un montant total des actifs de 147 milliards d’euros, et qui a été désignée en 2017 par la Banque d’Espagne comme un établissement d’importance systémique. Le CRU a relevé notamment que Banco Popular était l’un des principaux acteurs du marché en Espagne, avec une part de marché significative dans le segment des petites et moyennes entreprises (PME) et qu’elle détenait une part de marché relativement élevée des dépôts (près de 6 %) et un grand nombre de clients de détail (environ 1,4 million) à travers toute l’Espagne. Deuxièmement, le CRU a pris en compte la nature de l’activité de Banco Popular qui s’articulait autour des activités de banque commerciale et se concentrait principalement sur l’offre de financement, la gestion de l’épargne et les services aux particuliers, aux familles et aux entreprises (notamment les PME). Selon le CRU, la similitude du modèle d’entreprise de Banco Popular avec celui d’autres banques commerciales espagnoles pouvait contribuer au potentiel de contagion indirecte à ces banques, lesquelles pourraient être perçues comme devant faire face aux mêmes difficultés.

457    En outre, il convient de relever que le second objectif poursuivi par le dispositif de résolution, à savoir celui d’assurer la continuité des fonctions critiques de Banco Popular participe également de l’objectif d’intérêt général de protection de la stabilité des marchés financiers.

458    Selon l’article 2, paragraphe 1, point 35, de la directive 2014/59, les fonctions critiques d’un établissement sont définies comme « les activités, services ou opérations dont l’interruption est susceptible, dans un ou plusieurs États membres, d’entraîner des perturbations des services indispensables à l’économie réelle ou de perturber la stabilité financière en raison de la taille ou de la part de marché de l’établissement ou du groupe, de son interdépendance interne et externe, de sa complexité ou des activités transfrontières qu’il exerce, une attention particulière étant accordée à la substituabilité de ces activités, services ou opérations ».

459    À cet égard, l’article 6, paragraphe 1, du règlement délégué (UE) 2016/778 de la Commission, du 2 février 2016, complétant la directive 2014/59 en ce qui concerne les circonstances et les conditions dans lesquelles le paiement de contributions ex post extraordinaires peut être partiellement ou totalement reporté, et en ce qui concerne les critères de détermination des activités, services et opérations constitutifs de fonctions critiques et les critères de détermination des activités et services associés constitutifs d’activités fondamentales (JO 2016, L 131, p. 41), prévoit les critères de détermination des fonctions critiques. Il s’agit d’une fonction qui est exercée par un établissement pour des tiers qui ne sont pas affiliés à l’établissement ou au groupe et dont il est probable que sa perturbation soudaine aurait une incidence négative importante sur ces tiers, qu’elle serait contagieuse ou qu’elle porterait atteinte à la confiance générale des acteurs du marché, en raison de l’importance systémique de la fonction pour les tiers et de l’importance systémique de l’établissement ou du groupe dans l’exercice de cette fonction.

460    Ainsi, l’objectif consistant à assurer la continuité des fonctions critiques de l’entité concernée par une mesure de résolution, prévu à l’article 14 paragraphe 2, sous a), du règlement no 806/2014, vise à éviter une interruption de ces fonctions qui serait susceptible d’entraîner des perturbations, non seulement sur le marché concerné, mais également pour l’ensemble de la stabilité financière de l’Union.

461    Dès lors, une mesure de résolution, étant donné qu’elle vise à préserver ou à rétablir la situation financière d’un établissement de crédit, notamment en ce qu’elle constitue une alternative à sa liquidation, doit être regardée comme répondant effectivement à un objectif d’intérêt général reconnu par l’Union (voir, par analogie, arrêt du 25 mars 2021, Balgarska Narodna Banka, C‑501/18, EU:C:2021:249, point 108).

462    À cet égard, à l’article 4.2 du dispositif de résolution, le CRU a indiqué que la résolution de Banco Popular était nécessaire et proportionnée à la réalisation notamment de l’objectif figurant à l’article 14, paragraphe 2, du règlement no 806/2014, visant à assurer la continuité des fonctions critiques de Banco Popular.

463    À l’article 4.4 du dispositif de résolution, le CRU a identifié trois fonctions critiques de Banco Popular au sens de l’article 6 du règlement délégué 2016/778, à savoir la collecte de dépôts auprès des ménages et des sociétés non financières, les prêts aux PME et les services de paiement en espèces.

464    Les requérants ne soulèvent aucun argument visant à contester ces appréciations.

465    Il ressort de ce qui précède que la procédure de résolution de Banco Popular poursuivait un objectif d’intérêt général, au sens de l’article 52, paragraphe 1, de la Charte, à savoir l’objectif visant à garantir la stabilité des marchés financiers, susceptible de justifier une limitation au droit d’être entendu.

466    En second lieu, l’intérêt général de l’Union, notamment la poursuite des objectifs visant à préserver la stabilité des marchés financiers et à assurer la continuité des fonctions critiques de Banco Popular, exige qu’une fois les conditions prévues par l’article 18, paragraphe 1, du règlement no 806/2014 remplies, une mesure de résolution soit adoptée dans les meilleurs délais.

467    Il convient de relever que plusieurs considérants du règlement no 806/2014 impliquent que, lorsqu’une mesure de résolution devient nécessaire, elle doit être adoptée rapidement. Il s’agit notamment des considérants 26, 31 et 53 et, en particulier, du considérant 56 de ce règlement qui prévoit que, afin de limiter les perturbations subies par les marchés financiers et l’économie, la procédure de résolution devrait être conduite en un court laps de temps.

468    À cet égard, la Cour a considéré que le règlement no 806/2014 a pour objectif d’instaurer, conformément à son considérant 8, des mécanismes de résolution plus efficaces, lesquels doivent constituer un instrument essentiel pour éviter les conséquences dommageables des défaillances des banques survenues par le passé et qu’un tel objectif suppose une prise de décision rapide, comme l’illustrent les brefs délais prévus à l’article 18 dudit règlement, afin que la stabilité financière ne soit pas mise en péril (arrêt du 6 mai 2021, ABLV Bank e.a./BCE, C‑551/19 P et C‑552/19 P, EU:C:2021:369, point 55).

469    Ainsi, l’article 18, paragraphe 1, du règlement no 806/2014 indique notamment que, lorsque la BCE estime qu’une entité est dans une situation de défaillance avérée ou prévisible, elle communique sans retard son évaluation à la Commission et au CRU. Selon le paragraphe 2 de ce même article, lorsque le CRU réalise lui-même une évaluation, elle est communiquée sans retard à la BCE. Si les conditions fixées dans son paragraphe 1 sont remplies, le CRU adopte un dispositif de résolution, lequel, en vertu de l’article 18, paragraphe 7, du règlement no 806/2014, est transmis à la Commission immédiatement après son adoption. La Commission dispose alors d’un délai de vingt-quatre heures pour approuver un dispositif de résolution ou émettre des objections.

470    Il en ressort que, une fois que l’entité remplit les conditions pour l’adoption d’une mesure de résolution, à savoir, premièrement, qu’elle est dans une situation de défaillance avérée ou prévisible, deuxièmement, qu’il n’existe pas d’autre perspective raisonnable que d’autres mesures de nature privée ou des mesures prudentielles empêchent sa défaillance dans un délai raisonnable et, troisièmement, que sa résolution est nécessaire pour atteindre un ou plusieurs des objectifs visés à l’article 14 du règlement no 806/2014, l’article 18 du même règlement prévoit qu’une décision doit être adoptée dans un délai très bref.

471    Ainsi, en l’espèce, à compter du moment où la BCE a constaté que Banco Popular était en situation de défaillance avérée ou prévisible et où le CRU a estimé que les conditions prévues par l’article 18 du règlement no 806/2014 étaient remplies, le dispositif de résolution devait être adopté le plus rapidement possible.

472    Cette prise de décision rapide était justifiée par la nécessité d’assurer la continuité des fonctions critiques de Banco Popular et celle d’éviter les effets négatifs significatifs de la situation de cette dernière sur les marchés financiers, en prévenant notamment les risques de contagion. En l’espèce, la défaillance de Banco Popular étant intervenue un jour de semaine, il était nécessaire d’achever la procédure et d’adopter la décision avant l’ouverture des marchés le 7 juin 2017 au matin.

473    Comme l’a mis en exergue l’avocat général Campos Sánchez-Bordona, au point 80 de ses conclusions dans les affaires jointes ABLV Bank e.a./BCE (C‑551/19 P et C‑552/19 P, EU:C:2021:16), la célérité avec laquelle ces institutions et ces agences de l’Union doivent prendre leurs décisions est nécessaire afin d’éviter l’impact négatif de la résolution de l’établissement bancaire sur les marchés financiers et cette célérité les oblige de facto à avoir « préparé » la décision avant de lancer la procédure pour profiter de la fermeture des marchés de valeurs mobilières.

474    La rapidité de la prise de décision constituait donc une condition de son efficacité.

475    Ainsi, la Cour a déjà jugé que l’urgence commandant une action immédiate de l’autorité compétente justifiait une limitation du droit d’être entendu des personnes concernées par des mesures adoptées dans le domaine de la responsabilité environnementale (voir, en ce sens, arrêt du 9 mars 2010, ERG e.a., C‑379/08 et C‑380/08, EU:C:2010:127, point 67) et dans le domaine de l’agriculture (voir, en ce sens, arrêt du 15 juin 2006, Dokter e.a., C‑28/05, EU:C:2006:408, point 76).

476    De plus, dans le domaine des mesures de gel de fonds, la Cour a jugé que la communication des motifs sur lesquels est fondée l’inclusion initiale du nom d’une personne ou d’une entité dans la liste des personnes faisant l’objet de mesures restrictives, préalablement à cette inclusion, serait de nature à compromettre l’efficacité des mesures de gel de fonds et de ressources économiques qu’impose le droit de l’Union. Afin d’atteindre l’objectif poursuivi par le règlement applicable, de telles mesures doivent, par leur nature même, bénéficier d’un effet de surprise et s’appliquer avec effet immédiat (voir, en ce sens, arrêts du 3 septembre 2008, Kadi et Al Barakaat International Foundation/Conseil et Commission, C‑402/05 P et C‑415/05 P, EU:C:2008:461, points 338 à 340 ; du 21 décembre 2011, France/People’s Mojahedin Organization of Iran, C‑27/09 P, EU:C:2011:853, point 61, et du 12 février 2020, Amisi Kumba/Conseil, T‑163/18, EU:T:2020:57, point 51).

477    Pour des raisons tenant également à l’objectif poursuivi par le droit de l’Union et à l’efficacité des mesures prévues par celui-ci, les autorités de l’Union ne sont pas non plus tenues de procéder à une audition des parties requérantes préalablement à l’inclusion initiale de leurs noms dans la liste des personnes faisant l’objet de mesures restrictives (voir, en ce sens, arrêts du 3 septembre 2008, Kadi et Al Barakaat International Foundation/Conseil et Commission, C‑402/05 P et C‑415/05 P, EU:C:2008:461, point 341, et du 25 avril 2013, Gbagbo/Conseil, T‑119/11, non publié, EU:T:2013:216, point 103).

478    Il en va d’autant plus ainsi dans les cas, comme en l’espèce, où la limitation au droit d’être entendu concerne, non pas l’entité visée par la procédure de résolution, à savoir Banco Popular, mais les requérants en leur qualité d’actionnaires ou de détenteurs d’instruments de fonds propres de celle-ci.

479    Il convient également de relever que, dans sa décision du 1er avril 2004, Camberrow MM5 AD c. Bulgarie (CE:ECHR:2004:0401DEC005035799), la Cour EDH a constaté que la vente de la banque en faillite en tant qu’entreprise en activité avait été réalisée afin d’obtenir la satisfaction rapide et plus certaine de ses créanciers, qui attendaient depuis des années de recevoir leur dû, et l’achèvement rapide de la procédure de faillite. Par conséquent, la nécessité de simplicité et de rapidité dans la procédure menant à la vente de la banque était d’une importance capitale. Si la loi avait prévu que le tribunal des faillites était tenu de consulter tous les actionnaires et créanciers de la banque, cela aurait entraîné un ralentissement important de la procédure et, par conséquent, un retard supplémentaire dans le paiement des sommes dues aux créanciers et dans l’achèvement de la procédure de faillite.

480    Dans l’arrêt du 24 novembre 2005, Capital Bank AD c. Bulgarie (CE:ECHR:2005:1124JUD004942999, point 136), la Cour EDH a jugé que, dans un domaine économiquement sensible tel que la stabilité du système bancaire et dans certaines situations, il pouvait exister une nécessité impérieuse d’agir avec la plus grande diligence et sans préavis, dans le but d’éviter des dommages irréparables pour la banque, ses déposants et ses autres créanciers, ou pour le système bancaire et financier dans son ensemble.

481    En outre, le fait que le dispositif de résolution soit susceptible de conduire à une ingérence dans le droit de propriété des requérants ne saurait justifier une obligation de leur accorder un droit d’être entendu avant l’adoption de celui-ci.

482    À cet égard, le Tribunal a déjà souligné, au point 282 de l’arrêt du 13 juillet 2018, K. Chrysostomides & Co. e.a./Conseil e.a. (T‑680/13, EU:T:2018:486), que les procédures applicables doivent offrir à la personne concernée une occasion adéquate d’exposer sa cause aux autorités compétentes. Pour s’assurer du respect de cette exigence, qui constitue une exigence inhérente à l’article 1er du protocole no 1 de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950, il y a lieu de considérer les procédures applicables d’un point de vue général (voir, en ce sens, arrêts du 3 septembre 2008, Kadi et Al Barakaat International Foundation/Conseil et Commission, C‑402/05 P et C‑415/05 P, EU:C:2008:461, point 368 et jurisprudence citée ; du 25 avril 2013, Gbagbo/Conseil, T‑119/11, non publié, EU:T:2013:216, point 119, et Cour EDH, 20 juillet 2004, Bäck c. Finlande, CE:ECHR:2004:0720JUD003759897, point 56). Ainsi, ladite exigence ne saurait être interprétée en ce sens que la personne intéressée doit, en toutes circonstances, pouvoir faire valoir son point de vue auprès des autorités compétentes préalablement à l’adoption des mesures portant atteinte à son droit de propriété (voir, en ce sens, Cour EDH, 19 septembre 2006, Maupas et autres c. France, CE:ECHR:2006:0919JUD001384402, points 20 et 21).

483    Le Tribunal a considéré que tel était, notamment, le cas lorsque, comme en l’espèce, les mesures en cause ne constituaient pas une sanction et s’inscrivaient dans un contexte d’urgence particulière. À ce dernier égard, le Tribunal a relevé qu’il s’agissait de prévenir un risque imminent d’effondrement des banques visées pour préserver la stabilité du système financier d’un État membre et, ainsi, d’éviter une contagion à d’autres États membres de la zone euro. Or, la mise en œuvre d’une procédure de consultation préalable, dans le cadre de laquelle les milliers de déposants et d’actionnaires des banques visées auraient pu utilement faire valoir leur point de vue avant l’adoption des dispositions dommageables, aurait inévitablement retardé l’application des mesures visant à prévenir un tel effondrement. La réalisation de l’objectif consistant à préserver la stabilité du système financier de cet État membre et, ainsi, à éviter une contagion à d’autres États membres de la zone euro en aurait été exposée à d’importants risques (voir arrêt du 13 juillet 2018, K. Chrysostomides & Co. e.a./Conseil e.a., T‑680/13, EU:T:2018:486, point 282 et jurisprudence citée).

484    Cette appréciation a été confirmée par la Cour qui a estimé que le Tribunal avait, à juste titre, appuyé son raisonnement sur l’arrêt de la Cour EDH du 21 juillet 2016, Mamatas et autres c. Grèce (CE:ECHR:2016:0721JUD006306614), dont il ressort que l’exigence selon laquelle toute restriction du droit de propriété doit être prévue par la loi ne saurait être interprétée en ce sens que les personnes concernées auraient dû être consultées préalablement à l’adoption de cette loi, notamment lorsqu’une telle consultation préalable aurait inévitablement retardé l’application des mesures visant à prévenir l’effondrement des banques concernées (arrêt du 16 décembre 2020, Conseil e.a./K. Chrysostomides & Co. e.a., C‑597/18 P, C‑598/18 P, C‑603/18 P et C‑604/18 P, EU:C:2020:1028, point 159).

485    Par ailleurs, il y a lieu de considérer que la nécessité d’agir rapidement sans informer les actionnaires et les créanciers d’une entité de l’imminence d’une procédure de résolution la concernant, vise à éviter l’aggravation de la situation de cette entité qui nuirait à l’efficacité de la mesure de résolution. En effet, informer les actionnaires ou les détenteurs d’obligations de la banque que celle-ci pourrait être soumise à une procédure de résolution, et donc qu’elle a été considérée comme étant en situation de défaillance avérée ou prévisible, pourrait les inciter à vendre leurs titres sur les marchés et également conduire à un retrait massif des dépôts, ce qui aurait pour conséquence d’aggraver la situation financière de la banque et de rendre plus difficile, voire impossible, l’adoption d’une solution susceptible d’empêcher sa liquidation.

486    À cet égard, comme cela ressort du considérant 116 du règlement no 806/2014, la communication de toute information à propos d’une décision avant que celle-ci ne soit adoptée, qu’elle porte sur le fait que les conditions de la résolution sont remplies, sur le recours à un instrument spécifique ou sur une mesure adoptée au cours de la procédure, est susceptible d’avoir des conséquences pour les intérêts publics et privés concernés par l’action.

487    Il y a donc lieu de considérer que l’audition des requérants, en leur qualité d’actionnaires et de détenteurs d’obligations de Banco Popular, avant l’adoption du dispositif de résolution ou avant l’adoption de la décision 2017/1246, aurait entraîné un ralentissement substantiel de la procédure et, partant, aurait compromis tant la réalisation des objectifs de la mesure que son efficacité.

488    Il ressort de ce qui précède, d’une part, qu’une audition préalable des requérants, les informant de l’existence d’une potentielle mesure de résolution, aurait conduit à un risque qu’ils adoptent des comportements sur le marché aggravant la situation financière de Banco Popular. Une telle audition aurait ainsi pu nuire à l’efficacité de la mesure de résolution envisagée.

489    D’autre part, compte tenu de l’urgence de l’adoption du dispositif de résolution, il n’aurait pas été possible de consulter au préalable les requérants, au même titre que les autres actionnaires ou détenteurs d’instruments de fonds propres de Banco Popular, non seulement en raison des difficultés liées à leur identification, mais également en raison de l’impossibilité d’analyser efficacement leurs observations avant l’adoption du dispositif de résolution.

490    Les requérants soutiennent que, s’ils avaient été entendus avant l’adoption du dispositif de résolution, Banco Popular n’aurait pas été soumise à une résolution, dans la mesure où ils auraient expliqué que les conditions n’étaient pas remplies, ou celle-ci aurait eu lieu à des conditions différentes, dans la mesure où ils auraient pu invoquer la nécessité d’attendre l’apport urgent de liquidités, proposer l’application d’une mesure alternative ou suggérer l’application d’un autre instrument de résolution.

491    À cet égard, il suffit de rappeler qu’il ressort de l’analyse du premier moyen, d’une part, que les requérants n’ont pas démontré que les conditions prévues par l’article 18 du règlement n° 806/2014 n’étaient pas remplies. D’autre part, il a été constaté que, la Banque d’Espagne ayant refusé l’octroi d’un apport urgent de liquidités supplémentaire, le CRU n’avait donc aucun motif d’attendre son octroi et que les solutions alternatives invoquées par les requérants n’étaient pas envisageables à court terme. Les requérants n’ont donc pas démontré que leur audition dans le cadre de la procédure de résolution aurait modifié le contenu du dispositif de résolution.

492    Il ressort de l’ensemble de ce qui précède qu’une audition des requérants préalablement à l’adoption du dispositif de résolution aurait compromis les objectifs de protection de la stabilité des marchés financiers et de continuité des fonctions critiques de l’entité ainsi que les exigences de rapidité et d’efficacité de la procédure de résolution.

493    Dès lors, l’absence d’audition des requérants dans le cadre de la procédure de résolution de Banco Popular constitue une limitation au droit d’être entendu qui était justifiée et nécessaire pour répondre à un objectif d’intérêt général et respectait le principe de proportionnalité, conformément à l’article 52, paragraphe 1, de la Charte.

494    Partant, il convient de rejeter la première branche.

b)      Sur la seconde branche, tirée de la violation du droit daccès au dossier

495    Les requérants font valoir que, en tant que personnes soumises à la décision du CRU, ils ont un droit d’accès au dossier en application de l’article 90, paragraphe 4, du règlement no 806/2014 et de l’article 41, paragraphe 2, de la Charte.

496    En premier lieu, ils soutiennent que, avant l’adoption d’un acte faisant grief, l’institution ne saurait prendre en considération des informations ou des documents, sans avoir donné au préalable au destinataire de l’acte la possibilité d’exprimer son point de vue, ce qui implique un accès au dossier administratif. Le dispositif de résolution devrait être annulé dans la mesure où il est fondé sur une valorisation provisoire qui n’a pas été mise à disposition des requérants.

497    Le droit d’accès au dossier est prévu par l’article 90, paragraphe 4, du règlement no 806/2014 selon lequel :

« Les personnes qui font l’objet de décisions du CRU ont le droit d’avoir accès au dossier de celui-ci, sous réserve de l’intérêt légitime d’autres personnes à ce que leurs secrets d’affaires ne soient pas divulgués. Le droit d’accès au dossier ne s’étend pas aux informations confidentielles ni aux documents internes préparatoires du CRU. »

498    À cet égard, premièrement, il y a lieu de rappeler que l’accès au dossier, dans les affaires de concurrence, a notamment pour objet de permettre aux destinataires de la communication des griefs de prendre connaissance des éléments de preuve figurant dans le dossier de la Commission, afin qu’ils puissent se prononcer utilement sur les conclusions auxquelles cette dernière est parvenue dans sa communication des griefs sur la base de ces éléments. Ce droit d’accès au dossier implique que la Commission donne à l’entreprise concernée la possibilité de procéder à un examen de la totalité des documents figurant au dossier d’instruction qui sont susceptibles d’être pertinents pour la défense de cette entreprise. Ceux-ci comprennent tant les pièces à charge que celles à décharge, sous réserve des secrets d’affaires des autres entreprises, des documents internes de la Commission et d’autres informations confidentielles (voir arrêt du 14 mai 2020, NKT Verwaltung et NKT/Commission, C‑607/18 P, non publié, EU:C:2020:385, points 261 et 262 et jurisprudence citée).

499    Deuxièmement, selon une jurisprudence constante de la Cour, le respect des droits de la défense dans une procédure suivie devant la Commission ayant pour objet d’infliger une amende à une entreprise pour violation des règles de concurrence exige que l’entreprise visée ait été mise en mesure de faire connaître utilement son point de vue sur la réalité et la pertinence des faits et des circonstances alléguées ainsi que sur les documents retenus par la Commission à l’appui de son allégation de l’existence de l’infraction. Ces droits sont visés à l’article 41, paragraphe 2, sous a) et b), de la Charte (voir arrêt du 28 novembre 2019, Brugg Kabel et Kabelwerke Brugg/Commission, C‑591/18 P, non publié, EU:C:2019:1026, point 26 et jurisprudence citée).

500    Troisièmement, s’agissant de manière plus générale du respect des droits de la défense, tel que consacré à l’article 41, paragraphe 2, de la Charte, celui-ci comporte le droit d’être entendu et le droit d’accès au dossier dans le respect des intérêts légitimes de la confidentialité (voir arrêt du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 99 et jurisprudence citée ; arrêt du 2 décembre 2020, Kalai/Conseil, T‑178/19, non publié, EU:T:2020:580, point 73).

501    Quatrièmement, il convient de rappeler que la violation du droit d’accès au dossier au cours de la procédure préalable à l’adoption d’une décision est susceptible, en principe, d’entraîner l’annulation de cette décision lorsqu’il a été porté atteinte aux droits de la défense [voir arrêts du 25 octobre 2011, Solvay/Commission, C‑109/10 P, EU:C:2011:686, point 55 et jurisprudence citée, et du 15 juillet 2015, Akzo Nobel e.a./Commission, T‑47/10, EU:T:2015:506, point 349 (non publié) et jurisprudence citée].

502    Il ressort de la jurisprudence citée aux points 498 à 501 que tant le droit d’accès au dossier consacré à l’article 41, paragraphe 2, sous b), de la Charte que, plus spécifiquement, l’accès au dossier dans les affaires de concurrence ont trait à des personnes ou à des entreprises faisant l’objet de procédures ouvertes ou de décisions prises à leur encontre.

503    En l’espèce, il ressort de l’article 90, paragraphe 4, du règlement no 806/2014 que le droit d’accès au dossier concerne l’entité faisant l’objet du dispositif de résolution, à savoir Banco Popular, et non ses actionnaires ou ses créanciers.

504    Partant, les requérants ne sauraient invoquer un droit d’accès au dossier.

505    Par ailleurs, tant l’article 41, paragraphe 2, sous b), de la Charte que l’article 90, paragraphe 4, du règlement no 806/2014 prévoient que certaines données peuvent être protégées si elles sont confidentielles.

506    Il en ressort que les requérants ne sauraient faire valoir que l’absence de communication par le CRU de la valorisation 2 pendant la procédure administrative ayant conduit à l’adoption du dispositif de résolution constitue une violation du droit d’accès au dossier.

507    En second lieu, les requérants font valoir, dans la réplique, qu’il n’y a pas d’obligation de confidentialité à l’égard des actionnaires et des créanciers à la suite d’une résolution, étant donné qu’une mesure de résolution affecte leur patrimoine et qu’ils doivent pouvoir connaître les motifs de la résolution. En outre, l’article 88 du règlement no°806/2014 prévoirait une exception au secret professionnel dans le cas où la divulgation serait nécessaire dans le cadre de procédures judiciaires. Selon le considérant 116 du règlement no 806/2014, la communication d’informations avant l’adoption du dispositif de résolution pourrait avoir des conséquences sur la procédure de résolution, alors que, après l’adoption de la décision de résolution, l’objectif de la résolution ne serait plus compromis par cette communication.

508    Il y a lieu de considérer que ces arguments ne concernent pas le droit d’accès au dossier pendant la procédure administrative, au sens de l’article 90, paragraphe 4, du règlement no 806/2014, mais le droit d’accès aux documents sur lesquels le CRU s’est appuyé pour adopter le dispositif de résolution, postérieurement à l’adoption de celui-ci.

509    En outre, il convient de relever que le CRU a l’obligation de protéger les données confidentielles de toutes les entités, y compris les secrets d’affaires, en vertu de l’article 339 TFUE, de l’article 41, paragraphe 2, sous b), de la Charte et de l’article 88, paragraphe 5, du règlement no 806/2014.

510    À cet égard, il ressort de l’article 34, paragraphe 1, du règlement no 806/2014 que, aux fins de l’accomplissement de ses tâches au titre de ce règlement, le CRU peut, soit par l’intermédiaire des autorités de résolution nationales, soit directement, après les en avoir informées, en faisant plein usage de toutes les informations dont disposent la BCE ou les autorités compétentes nationales, exiger notamment des entités visées par une mesure de résolution, qu’elles fournissent toutes les informations nécessaires à l’accomplissement des missions que lui confère le présent règlement. Le paragraphe 2 de cet article précise que les exigences de secret professionnel ne dispensent pas ces entités de l’obligation de fournir ces informations. L’article 34, paragraphe 4, du règlement no 806/2014 prévoit que le CRU est en mesure d’obtenir, y compris en permanence, toutes les informations nécessaires pour l’exercice de ses fonctions au titre du présent règlement, notamment sur les fonds propres, la liquidité, les actifs et les passifs de tout établissement soumis à ses pouvoirs de résolution.

511    L’article 88, paragraphe 5, du règlement no 806/2014 prévoit :

« Avant que des informations ne soient divulguées, le CRU s’assure qu’elles ne contiennent pas d’informations confidentielles, notamment en évaluant les effets que leur divulgation pourrait avoir sur l’intérêt public en ce qui concerne la politique financière, monétaire ou économique, sur les intérêts commerciaux des personnes physiques ou morales, sur les objectifs des inspections, sur les enquêtes et les audits. La procédure visant à examiner les effets liés à la publication d’informations comprend les effets liés à la publication du contenu et du détail des plans de résolution visés aux articles 8 et 9, des résultats de toute évaluation effectuée en vertu de l’article 10 ou du dispositif de résolution visé à l’article 18. »

512    Cette disposition prévoit expressément l’obligation pour le CRU de s’assurer, avant la publication ou la communication à un tiers du dispositif de résolution, que celui-ci ne contient pas d’informations confidentielles, qu’il a pu obtenir notamment en application de l’article 34 du règlement no 806/2014. Cette obligation s’applique également à la valorisation 2, qui constitue une annexe du dispositif de résolution et qui en fait partie intégrante en application de l’article 12.2 dudit dispositif.

513    Les requérants soutiennent que, selon le considérant 116 du règlement no 806/2014, le secret professionnel ne s’applique que durant la procédure de résolution, tant que la décision de résolution n’a pas été rendue publique.

514    Le considérant 116 du règlement no 806/2014 prévoit :

« Les mesures de résolution devraient être notifiées en bonne et due forme et rendues publiques, sous réserve des exceptions limitées prévues par le présent règlement. Toutefois, dans la mesure où les informations obtenues par le CRU, les autorités de résolution nationales et leurs conseillers professionnels durant la procédure de résolution peuvent être sensibles tant que la décision de résolution n’a pas été rendue publique, elles devraient faire l’objet des exigences de secret professionnel. Il convient de tenir compte du fait que les informations relatives au contenu et aux détails des plans de résolution et les résultats de l’examen de ces plans peuvent avoir de lourdes conséquences, en particulier pour les entreprises concernées. Il faut partir du principe que la communication de toute information à propos d’une décision avant que celle-ci ne soit adoptée, qu’elle porte sur le fait que les conditions de la résolution sont réunies, sur le recours à un instrument spécifique ou sur une mesure adoptée au cours de la procédure, est susceptible d’avoir des conséquences pour les intérêts publics et privés concernés par l’action. Or, le simple fait d’indiquer que le CRU et les autorités de résolution nationales examinent une entité particulière pourrait avoir une incidence négative sur cette entité. Il est donc indispensable de veiller à l’existence de mécanismes appropriés permettant de préserver la confidentialité de ces informations, comme le contenu et les détails des plans de résolution ou les résultats de tout examen réalisé dans ce cadre. »

515    D’une part, il ressort de ce considérant, que certaines informations détenues par le CRU, contenues dans le dispositif de résolution, dans la valorisation 2 ainsi que dans les documents sur lesquels il s’est fondé, relèvent du secret professionnel et sont confidentielles.

516    À cet égard, la Cour a jugé, s’agissant de la directive 2004/39/CE du Parlement européen et du Conseil, du 21 avril 2004, concernant les marchés d’instruments financiers, modifiant les directives 85/611/CEE et 93/6/CEE du Conseil et la directive 2000/12/CE du Parlement européen et du Conseil et abrogeant la directive 93/22/CEE du Conseil (JO 2004, L 145, p. 1), que le fonctionnement efficace du système de contrôle de l’activité des entreprises d’investissement, fondé sur une surveillance exercée à l’intérieur d’un État membre et sur l’échange d’informations entre les autorités compétentes de plusieurs États membres, requiert ainsi que tant les entreprises surveillées que les autorités compétentes puissent être sûres que les informations confidentielles fournies conserveront en principe leur caractère confidentiel (voir arrêt du 19 juin 2018, Baumeister, C‑15/16, EU:C:2018:464, point 31 et jurisprudence citée).

517    La Cour a considéré que l’absence d’une telle confiance serait de nature à compromettre la transmission sans heurt des informations confidentielles nécessaires à l’exercice de l’activité de surveillance. C’est donc afin de protéger non seulement les intérêts spécifiques des entreprises directement concernées, mais aussi l’intérêt général lié au fonctionnement normal des marchés d’instruments financiers de l’Union, que l’article 54, paragraphe 1, de la directive 2004/39 impose, en tant que règle générale, l’obligation de garder le secret professionnel (voir arrêt du 19 juin 2018, Baumeister, C‑15/16, EU:C:2018:464, points 32 et 33 et jurisprudence citée).

518    Or, il y a lieu de relever que l’article 88, paragraphe 1, du règlement no 806/2014, relatif aux exigences de secret professionnel des membres du CRU, contient une disposition équivalente à l’article 54, paragraphe 1, de la directive 2004/39.

519    D’autre part, certes, le considérant 116 du règlement no 806/2014 mentionne les obligations de secret professionnel du CRU avant qu’une décision de résolution ne soit adoptée. Il indique que, dans la mesure où certaines informations détenues par le CRU sont sensibles et relèvent du secret des affaires, elles ne doivent pas être communiquées au public avant l’adoption d’une mesure de résolution. En effet, la communication d’informations sur le fait qu’une entité est en situation de défaillance avérée ou prévisible et qu’elle est susceptible de faire l’objet d’une mesure de résolution pourrait, notamment, inciter les actionnaires à vendre leurs titres sur les marchés et également conduire à un retrait massif des dépôts, ce qui aurait pour conséquence d’aggraver la situation financière de la banque et, partant, de nuire à l’efficacité d’une action du CRU ainsi qu’au fonctionnement du marché.

520    Toutefois, ce considérant indique également expressément que les mesures de résolution « devraient être notifiées en bonne et due forme et rendues publiques, sous réserve des exceptions limitées prévues par le présent règlement ». Or, il y a lieu de rappeler que l’article 88, paragraphe 5, du règlement no 806/2014, cité au point 511 ci-dessus, prévoit expressément l’obligation pour le CRU de s’assurer, avant la divulgation du dispositif de résolution, que celui-ci ne contient pas d’informations confidentielles.

521    Partant, le considérant 116 du règlement no 806/2014 ne saurait être interprété, ainsi que le font les requérants, comme signifiant que les règles de confidentialité et de secret professionnel ne s’appliquent que tant que la décision de résolution n’a pas été adoptée.

522    Les requérants font également référence à l’article 88, paragraphe 1, deuxième alinéa, du règlement no 806/2014 selon lequel « [l]es informations couvertes par les exigences de secret professionnel ne sont pas divulguées à une autre entité publique ou privée, sauf lorsque cette divulgation est nécessaire dans le cadre de procédures judiciaires ».

523    Or, cette disposition ne saurait signifier que le CRU a l’obligation de divulguer l’intégralité d’une décision de résolution à partir du moment où une procédure judiciaire est engagée. Cette disposition renvoie à la possibilité pour une juridiction d’ordonner la production de documents, y compris contenant des informations confidentielles.

524    À cet égard, le Tribunal a la faculté d’ordonner au CRU la production de tout document qu’il estime pertinent pour statuer sur le litige, par le biais d’une mesure d’instruction, en application de l’article 91, sous b), et de l’article 92, paragraphe 3, du règlement de procédure. Cependant, conformément à l’article 103, paragraphe 1, du même règlement, le Tribunal peut considérer que certaines informations contenues dans ces documents ont un caractère confidentiel et ainsi décider qu’elles ne seront pas communiquées aux autres parties, et notamment aux parties requérantes.

525    Il en ressort qu’une décision du Tribunal d’ordonner la production de documents ne garantit pas aux parties requérantes l’accès à l’intégralité de ces documents si le Tribunal estime qu’ils contiennent des données confidentielles.

526    En outre, dans le cadre de la présente procédure, le Tribunal, le 12 mai 2021, par le biais d’une ordonnance de mesure d’instruction, a demandé au CRU de produire certains documents, dont les versions confidentielles du dispositif de résolution, de la valorisation 2 et de l’évaluation de la BCE sur la situation de défaillance avérée ou prévisible de Banco Popular. Conformément à l’article 103 du règlement de procédure, après avoir examiné le contenu de ces documents, le Tribunal a estimé que les éléments demeurant occultés dans les versions de ces documents publiées sur les sites Internet du CRU et de la BCE n’étaient pas pertinents pour la solution du présent litige. Dès lors, par ordonnance du 9 juin 2021, le Tribunal a retiré les versions confidentielles de ces documents du dossier.

527    Il ressort de ce qui précède que les requérants ne sauraient soutenir que, après l’adoption du dispositif de résolution, il n’existe pas d’obligation de confidentialité à leur égard, ni qu’ils disposent d’un droit à la communication de l’ensemble du dossier sur lequel le CRU s’est fondé.

528    Par conséquent, il convient de rejeter la seconde branche et, partant, le troisième moyen dans son ensemble.

4.      Sur le quatrième moyen, tiré de la violation de lobligation de motivation

529    Les requérants font valoir que les décisions attaquées sont insuffisamment motivées.

530    Selon une jurisprudence constante de la Cour, la motivation exigée par l’article 296 TFUE doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, auteur de l’acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences de l’article 296 TFUE doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (voir arrêts du 8 mai 2019, Landeskreditbank Baden-Württemberg/BCE, C‑450/17 P, EU:C:2019:372, points 85 et 87 et jurisprudence citée, et du 21 octobre 2020, BCE/Estate of Espírito Santo Financial Group, C‑396/19 P, non publié, EU:C:2020:845, point 41 et jurisprudence citée).

531    En outre, le degré de précision de la motivation d’un acte doit être proportionné aux possibilités matérielles et aux conditions techniques ou de délai dans lesquelles celui-ci doit intervenir (voir arrêts du 6 novembre 2012, Éditions Odile Jacob/Commission, C‑551/10 P, EU:C:2012:681, point 48 et jurisprudence citée, et du 23 mai 2019, KPN/Commission, T‑370/17, EU:T:2019:354, point 139 et jurisprudence citée ; arrêt du 27 janvier 2021, KPN/Commission, T‑691/18, non publié, EU:T:2021:43, point 162).

532    En premier lieu, les requérants font valoir plusieurs insuffisances de motivation dans le dispositif de résolution.

533    À titre liminaire, il convient de rappeler que, en l’espèce, le 7 juin 2017, le CRU a publié sur son site Internet une communication informant de l’adoption du dispositif de résolution accompagnée d’un document résumant les effets de la résolution conformément à l’article 29, paragraphe 5, du règlement no 806/2014. Le 11 juillet 2017, le CRU a publié une version non confidentielle du dispositif de résolution. Le CRU a également publié sur son site Internet, le 2 février 2018 puis le 31 octobre 2018, soit antérieurement au dépôt de la réplique, des versions non confidentielles moins expurgées du dispositif de résolution et de la valorisation 2.

534    Premièrement, certains arguments des requérants concernent la procédure de vente de Banco Popular. Les requérants font valoir que les motifs pour lesquels seuls deux acquéreurs potentiels auraient été invités à signer des accords de non-divulgation et seul l’un d’eux aurait présenté une offre ne sont pas expliqués dans le dispositif de résolution. Cette circonstance serait importante pour savoir si Banco Popular a été vendue conformément aux dispositions du règlement no 806/2014.

535    Il convient de rappeler que la procédure de vente de Banco Popular a été menée par le FROB. Le FROB, dans la lettre de procédure adoptée le 6 juin 2017, dans le contexte d’une possible résolution de Banco Popular, a invité les acquéreurs potentiels à participer à la procédure de vente et à lui soumettre une offre pour l’acquisition de 100 % du capital de Banco Popular selon les termes et conditions décrits dans cette lettre.

536    À l’article 6.6 du dispositif de résolution, le CRU a considéré que l’effort de commercialisation mené, à l’égard de Banco Popular, par le FROB avant l’adoption de ce dispositif avait satisfait aux exigences énoncées à l’article 24 du règlement no 806/2014, lu conjointement avec l’article 39 de la directive 2014/59. Le CRU a relevé que, dans la période précédant immédiatement la résolution, Banco Popular avait mené une procédure de vente privée et que, dans la semaine du 29 mai 2017, il était apparu que cette procédure échouerait. Il a indiqué que la décision de limiter son effort commercial aux banques ayant déjà exprimé un intérêt général dans l’acquisition de Banco Popular dans le cadre de la procédure de vente privée était conforme aux exigences de l’article 39 de la directive 2014/59. Le CRU a indiqué que, à la suite de la mise en œuvre de la procédure de vente par le FROB, finalement, deux banques ont été invitées à participer à la vente. Il a mentionné que tous les acquéreurs potentiels avaient été approchés à la même date, qu’ils avaient eu accès à la même salle de données virtuelle et que leurs offres ont été soumises aux mêmes conditions et à la même date limite. Le CRU a également relevé que, sur les deux acquéreurs potentiels, une offre valide avait été reçue et que, étant donné que l’acquéreur était le seul ayant soumis une offre, il était prudent d’accepter ses conditions et ainsi de prévenir une insolvabilité incontrôlée de Banco Popular qui aurait, notamment, pu porter atteinte à ses fonctions critiques.

537    Ces différents éléments, figurant dans la version du dispositif de résolution annexée à la réplique, sont suffisants pour comprendre le déroulement de la procédure de vente de Banco Popular. La procédure de vente ayant été menée par le FROB, le CRU pouvait se contenter de constater que seule une offre avait été présentée et prendre en compte le résultat de cette vente. En outre, les motifs pour lesquels les autres acquéreurs potentiels n’ont pas présenté d’offre ne sont pas pertinents.

538    Les requérants soutiennent également qu’aucune explication n’a été fournie concernant la fixation du prix de vente de Banco Popular à un euro, ni sur la question de savoir si ce prix reflétait la valeur marchande de Banco Popular et qu’ils ignorent pour quel motif BBVA ne s’est pas vu accorder un délai supplémentaire pour présenter une offre.

539    Dans la mesure où ces arguments concernent la procédure de vente conduite par le FROB, les requérants n’expliquent pas pour quel motif ces éléments devraient figurer dans le dispositif de résolution, ni en quoi ces éléments seraient essentiels à la compréhension de celui-ci.

540    En outre, ces arguments procèdent d’une compréhension erronée des faits. D’une part, il convient de rappeler que le prix de vente d’un euro n’a pas été fixé par le CRU. En effet, dans la lettre de procédure, le FROB a indiqué que le prix proposé dans les offres devait être égal ou supérieur à un euro. Le prix de vente d’un euro, mentionné dans le dispositif de résolution, est le résultat de la procédure de vente concurrentielle menée par le FROB et du prix offert par Banco Santander. Dès lors, ce prix reflète, par définition, la valeur marchande de Banco Popular. D’autre part, dans la mesure où BBVA a informé le FROB, le 6 juin 2017, qu’elle avait décidé de ne pas présenter d’offre, il n’y avait pas lieu de préciser dans le dispositif de résolution un motif particulier pour lequel le FROB ne lui avait pas accordé un nouveau délai.

541    Deuxièmement, certains arguments des requérants concernent la motivation du respect des conditions de la résolution. Les requérants font valoir que les motifs pour lesquels il a été constaté, à l’article 2.1 du dispositif de résolution, que Banco Popular n’était pas en mesure, dans un futur proche, de s’acquitter de ses dettes ou autres engagements à l’échéance ne seraient pas exposés. Notamment, il ne serait pas précisé si la cause en serait les déclarations et les fuites ou les retraits de dépôts par des administrations espagnoles ou encore l’absence d’apport urgent de liquidités. Le CRU aurait conclu, à l’article 3.1 du dispositif de résolution, à l’absence de mesures alternatives susceptibles d’éviter la défaillance de Banco Popular dans un délai raisonnable, sans avoir examiné les solutions alternatives mentionnées dans la deuxième branche du premier moyen. Les motifs pour lesquels l’instrument de cession des activités a été choisi parmi ces autres mesures ne seraient pas expliqués.

542    D’une part, il y a lieu de relever que, à l’article 2 du dispositif de résolution, le CRU a indiqué que la BCE avait estimé que Banco Popular était en situation de défaillance avérée ou prévisible, conformément aux dispositions de l’article 18, paragraphe 1, sous a), et paragraphe 4, sous c), du règlement no 806/2014. Il a relevé que différents éléments indiquaient que Banco Popular n’aurait pas été en mesure, dans un proche avenir, de s’acquitter de ses dettes ou autres engagements à l’échéance.

543    Dans le considérant 23 du dispositif de résolution, le CRU a indiqué que, comme cela avait été décrit par la BCE dans son évaluation, la situation de liquidité de Banco Popular s’était détériorée de manière significative et a énuméré, au considérant 24, les circonstances ayant conduit à cette situation. En outre, il convient de rappeler que les motifs pour lesquels la BCE a estimé que Banco Popular était en situation de défaillance avérée ou prévisible sont clairement exposés dans son évaluation, laquelle fait partie du contexte dans lequel le dispositif de résolution a été adopté. Une version non confidentielle de l’évaluation de la BCE a été publiée sur son site Internet le 14 août 2017.

544    Dès lors, les requérants ne sauraient soutenir que le CRU n’a pas suffisamment motivé les raisons pour lesquelles Banco Popular était en situation de défaillance avérée ou prévisible.

545    D’autre part, il ressort de l’analyse de la deuxième branche du premier moyen (voir points 188 à 192 ci-dessus) que le CRU a suffisamment motivé, à l’article 3 du dispositif de résolution, l’absence de solutions alternatives de nature privée ou prudentielles susceptibles d’empêcher la défaillance de Banco Popular. En outre, à l’article 5 du dispositif de résolution, notamment à l’article 5.3 de celui-ci, le CRU a justifié le choix de l’instrument de cession des activités comme instrument de résolution et il a expliqué pourquoi les autres instruments énumérés à l’article 22, paragraphe 2, du règlement no 806/2014 ne permettaient pas d’atteindre les objectifs de la résolution dans la même mesure.

546    Les requérants ne soutiennent pas que ces dispositions du dispositif de résolution seraient insuffisantes pour en comprendre la portée, mais se contentent de reprocher au CRU de ne pas avoir examiné les solutions alternatives qu’ils invoquent dans le premier moyen.

547    À cet égard, il suffit de rappeler que le CRU n’était pas tenu d’examiner les solutions invoquées par les requérants qui n’étaient pas viables, comme cela ressort des points 193 à 230 ci-dessus.

548    Troisièmement, les requérants soulèvent, dans la réplique, des arguments relatifs à la motivation de la valorisation 2. Ils font valoir qu’ils ignorent pour quel motif la valorisation 2 a été utilisée alors qu’elle indiquerait qu’elle est purement illustrative et ne doit pas être utilisée pour une prise de décision, pour quel motif les rapports de valorisation ne procèdent pas à l’analyse exigée à l’article 20, paragraphe 5, sous a) à c) et f), du règlement no 806/2014, pour quel motif les valorisations 1 et 2 sont incohérentes s’agissant de la solvabilité de Banco Popular et pour quel motif la valorisation des actifs non productifs de Banco Popular par la BCE n’a pas été utilisée alors que le CRU aurait déclaré qu’il s’agissait de la meilleure estimation.

549    Il y a lieu de constater que ces arguments ne sont que la répétition d’arguments soulevés par les requérants dans le cadre du deuxième moyen, tiré de la violation de l’article 20 du règlement no 806/2014. Or, les requérants n’expliquent pas pour quel motif des explications sur des interrogations qui ne correspondent qu’à leurs propres moyens devraient figurer dans le dispositif de résolution, ni dans quelle mesure elles seraient nécessaires à la compréhension de celui-ci.

550    Quatrièmement, les requérants reprochent au CRU de ne pas avoir expliqué, dans le dispositif de résolution, si Deloitte remplissait les conditions d’indépendance établies aux articles 37 à 41 du règlement délégué 2016/1075.

551    À cet égard, le CRU a indiqué, au considérant 41 du dispositif de résolution, avoir engagé un évaluateur indépendant pour procéder à la valorisation 2. Il suffit de constater qu’il ne relève pas de l’objet du dispositif de résolution d’expliquer pour quel motif cet évaluateur remplissait les exigences du règlement délégué 2016/1075 et que les requérants n’expliquent pas dans quelle mesure ces explications seraient nécessaires à la compréhension de la mesure de résolution adoptée par le CRU.

552    Cinquièmement, les requérants soutiennent que le CRU n’a pas identifié la stratégie de résolution, ni l’instrument de résolution figurant dans le plan de résolution de 2016 et qu’il n’indiquerait pas les motifs pour lesquels ce plan n’a pas été suivi.

553    Il suffit de constater que, aux considérants 44 à 46 du dispositif de résolution, qui figurent dans leur intégralité dans la version du dispositif de résolution publiée sur le site Internet du CRU le 2 février 2018 et annexée à la réplique, le CRU a expliqué pour quels motifs l’instrument de résolution envisagé dans le plan de résolution de 2016 n’était pas approprié aux circonstances existant à la date de la résolution. Ainsi, il a relevé que le plan de résolution de 2016 était basé sur l’hypothèse que la défaillance de Banco Popular serait liée à une détérioration de sa situation de capital. Or, dans la mesure où la défaillance de Banco Popular découlait de la détérioration de sa situation de liquidité, le CRU a indiqué qu’il n’était pas garanti que l’instrument de renflouement interne, envisagé dans ce plan, aurait permis de remédier immédiatement et efficacement à la crise de liquidité de Banco Popular.

554    Ces explications sont suffisantes pour justifier les raisons pour lesquelles le plan de résolution de 2016 n’a pas été appliqué dans le dispositif de résolution.

555    Sixièmement, les requérants font valoir qu’ils ignorent pour quel motif, avant de soumettre Banco Popular à une résolution, le CRU n’a pas attendu l’octroi de l’intégralité de l’apport urgent de liquidités déjà approuvé par la BCE.

556    Il suffit de rappeler qu’il ressort de l’analyse du premier grief de la première branche du premier moyen que le CRU a constaté dans le dispositif de résolution que la Banque d’Espagne, après avoir octroyé un premier apport urgent de liquidités à Banco Popular le 5 juin 2017, n’était pas en mesure de lui accorder l’octroi d’un apport urgent de liquidités supplémentaire. L’octroi d’un apport urgent de liquidités relevant de la compétence des banques centrales nationales, le CRU ne pouvait que constater l’indisponibilité d’un apport urgent de liquidités supplémentaire.

557    Ainsi, dans la mesure où il n’existait aucun motif pour le CRU d’attendre l’octroi de cet apport urgent de liquidités, il n’avait pas à le justifier dans le dispositif de résolution.

558    Quant à l’argument selon lequel de nombreux passages du dispositif de résolution et des valorisations sont expurgés, ce qui empêcherait les requérants de les comprendre, il suffit de constater qu’il s’agit d’une simple considération générale qui, faute de précision sur les parties du dispositif de résolution ou de la valorisation 2 que les requérants ne seraient pas en mesure de comprendre, ne permet pas d’établir l’existence d’une violation de l’obligation de motivation.

559    Il ressort de ce qui précède qu’aucun des arguments des requérants n’est susceptible d’établir une violation par le CRU de son obligation de motivation.

560    En deuxième lieu, les requérants soutiennent qu’ils n’ont reçu qu’une copie partielle « non confidentielle » du dispositif de résolution et qu’ils n’auraient pas eu accès à ses annexes, ni au dossier administratif. Ils font valoir qu’ils n’ont donc pas eu connaissance de la motivation des décisions attaquées. Ils ajoutent, dans la réplique, que l’obligation de motivation protège toute personne concernée par l’acte et non uniquement son destinataire et qu’ils ont donc le droit de recevoir une motivation complète des décisions attaquées. Par ailleurs, dans la réplique, les requérants indiquent qu’ils ne demandent pas la publication générale des documents, dès lors que l’article 88, paragraphe 5, du règlement no 806/2014 semble y faire obstacle, mais la communication d’une décision motivée et une autorisation d’avoir accès à titre confidentiel au dossier au cours de la présente procédure.

561    Il y a lieu de considérer que, par cet argument, les requérants reprochent, en substance, au CRU de ne pas leur avoir communiqué l’intégralité du dispositif de résolution et de la valorisation 2.

562    À cet égard, il ressort de l’analyse de la seconde branche du troisième moyen que, après l’adoption du dispositif de résolution, les requérants ne disposent pas d’un droit à la communication de l’ensemble du dossier sur lequel le CRU s’est fondé dans la mesure où ce dernier a l’obligation de protéger les informations confidentielles qu’il contient. Ce raisonnement s’applique également au dispositif de résolution et à la valorisation 2 qui contiennent des données confidentielles.

563    En outre, il convient de rappeler que les requérants ne sont pas destinataires du dispositif de résolution qui est adressé au FROB. Les requérants doivent être considérés comme des tiers et ne disposent donc pas d’un droit à la communication de l’intégralité du dispositif de résolution.

564    Il y a lieu de relever que la Cour a déjà jugé qu’une décision de la Commission concluant à l’inexistence d’une aide d’État dénoncée par un plaignant peut, au regard de l’obligation de respecter le secret des affaires, être suffisamment motivée sans comporter l’ensemble des éléments chiffrés sur lesquels s’appuie le raisonnement de cette institution (voir, en ce sens, arrêt du 1er juillet 2008, Chronopost et La Poste/UFEX e.a., C‑341/06 P et C‑342/06 P, EU:C:2008:375, points 108 à 111). Dès lors, une version non confidentielle d’une telle décision, lorsqu’elle fait apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de ladite institution ainsi que la méthodologie employée par celle-ci, de manière à permettre aux intéressés de connaître ces justifications et au Tribunal d’exercer son contrôle à leur égard, suffit à satisfaire à l’obligation de motivation pesant sur la même institution (voir, en ce sens, arrêt du 21 décembre 2016, Club Hotel Loutraki e.a./Commission, C‑131/15 P, EU:C:2016:989, point 55).

565    De plus, s’agissant des éléments économiques utilisés par Deloitte dans la valorisation 2 et pris en compte par le CRU dans le dispositif de résolution, il ne saurait être contesté qu’ils relèvent d’appréciations techniques complexes. Dès lors que le dispositif de résolution faisait ressortir clairement le raisonnement suivi par le CRU pour permettre d’en contester ultérieurement le bien-fondé devant la juridiction compétente, il serait excessif d’exiger une motivation spécifique pour chacun des choix techniques ou chacun des éléments chiffrés sur lesquels s’appuie ce raisonnement (voir, par analogie, arrêt du 1er juillet 2008, Chronopost et La Poste/UFEX e.a., C‑341/06 P et C‑342/06 P, EU:C:2008:375, point 108 et jurisprudence citée).

566    Or, d’une part, les requérants admettent que l’article 88, paragraphe 5, du règlement no 806/2014 fait obstacle à la publication de l’intégralité du dispositif de résolution. Cette disposition, citée au point 511 ci-dessus, en prévoyant que le CRU doit s’assurer que des informations ne contiennent pas d’éléments confidentiels avant de les divulguer, ne concerne pas uniquement l’hypothèse de leur publication, mais également celle de leur communication à des tiers.

567    D’autre part, les requérants n’ont pas précisé dans quelle mesure les données demeurant occultées dans les versions non confidentielles du dispositif de résolution et de la valorisation 2 étaient nécessaires à la compréhension du dispositif de résolution.

568    Les requérants n’ont donc pas établi que le CRU a méconnu l’obligation de motivation lui incombant en ayant occulté les données économiques dans les versions non confidentielles du dispositif de résolution et de la valorisation 2.

569    Dès lors, il y a lieu de considérer que les requérants ne sauraient faire valoir un droit à recevoir une communication de l’intégralité du dispositif de résolution et de la valorisation 2.

570    En troisième lieu, les requérants font valoir que, en application de l’arrêt du 13 juin 1958, Meroni/Haute Autorité (9/56, EU:C:1958:7), seule la Commission pourrait contrôler les aspects discrétionnaires du dispositif de résolution. Or la décision 2017/1246 serait purement tacite et dépourvue de toute motivation.

571    Il convient de rappeler qu’il ressort du considérant 4 de la décision 2017/1246 que :

« La Commission est d’accord avec le dispositif de résolution. Elle est notamment d’accord avec les raisons que le CRU avance pour justifier la nécessité d’une mesure de résolution dans l’intérêt public conformément à l’article 5 du règlement no 806/2014. »

572    De plus, d’une part, au considérant 2 de la décision 2017/1246, la Commission a fait référence au fait que le CRU avait indiqué, dans le dispositif de résolution, que toutes les conditions de déclenchement d’une procédure de résolution énoncées à l’article 18, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement no 806/2014 étaient remplies en ce qui concernait Banco Popular et qu’il avait évalué les raisons pour lesquelles une mesure de résolution était nécessaire dans l’intérêt public. D’autre part, au considérant 3 de la décision 2017/1246, approuvant le dispositif de résolution, la Commission a relevé que le dispositif de résolution, conformément à l’article 18, paragraphe 6, du règlement no 806/2014, soumettait Banco Popular à une procédure de résolution et déterminait l’application de l’instrument de cession des activités et qu’il énonçait également les raisons pour lesquelles tous ces éléments étaient suffisants.

573    Il en ressort que la Commission, dans la décision 2017/1246, a explicitement fait référence aux motifs pour lesquels le CRU avait estimé que les conditions pour l’adoption du dispositif de résolution étaient remplies et qu’il convenait d’appliquer l’instrument de cession des activités. Ainsi, l’approbation du dispositif de résolution figurant dans le considérant 4 de la décision 2017/1246 doit être lue à la lumière des autres considérants et concerne l’ensemble de ces motifs. Dans ce considérant, la Commission a indiqué explicitement qu’elle était d’accord avec les motifs figurant dans le dispositif de résolution justifiant l’adoption d’une mesure de résolution à l’égard de Banco Popular, en particulier s’agissant du critère de l’intérêt public.

574    Ainsi, il y a lieu de considérer que le dispositif de résolution et sa motivation font partie du contexte dans lequel la décision 2017/1246 a été adoptée, au sens de la jurisprudence citée au point 530 ci-dessus.

575    En outre, il convient de rappeler que, en application de l’article 18, paragraphe 7, du règlement no 806/2014, la Commission soit approuve le dispositif de résolution, soit émet des objections sur les aspects discrétionnaires de celui-ci.

576    Il en ressort que, lorsque la Commission, comme en l’espèce, approuve le dispositif de résolution, la motivation de sa décision peut se limiter à indiquer qu’elle est d’accord avec les motifs contenus dans celui-ci. Toute autre justification supplémentaire de son approbation ne pourrait consister qu’en une reprise des éléments déjà contenus dans le dispositif de résolution. Or, selon l’article 18, paragraphe 7, du règlement no 806/2014, la Commission ne doit pas refaire l’analyse du CRU dans sa décision, mais uniquement l’approuver.

577    En outre, conformément à la jurisprudence citée au point 531 ci-dessus, il convient de tenir compte du délai très court dont disposait la Commission en application de l’article 18, paragraphe 7, du règlement no 806/2014, pour adopter sa décision à compter de la transmission du dispositif de résolution par le CRU.

578    Il s’ensuit qu’il y a lieu de considérer comme suffisante, pour justifier une approbation, une motivation par laquelle la Commission indique qu’elle est d’accord avec le contenu du dispositif de résolution et avec les motifs avancés par le CRU dans le dispositif de résolution pour justifier son adoption.

579    Dans la réplique, les requérants soutiennent qu’aucun des documents dont la Commission allègue qu’ils font partie de son dossier administratif ne corrobore une participation de celle-ci à la procédure, au-delà de l’adoption de sa décision. Les requérants indiquent que cet argument vise à établir que la Commission a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 291 TFUE et de l’arrêt du 13 juin 1958, Meroni/Haute Autorité (9/56, EU:C:1958:7).

580    Par cet argument, les requérants ne font pas valoir que la Commission a violé son obligation de motivation, mais ils invoquent une violation des principes relatifs à la délégation de pouvoirs posés par l’arrêt du 13 juin 1958, Meroni/Haute Autorité (9/56, EU:C:1958:7). Les requérants indiquent, dans la réplique, que cet argument renvoie au point 153 de la requête. Toutefois, dans ce point de la requête, les requérants se contentaient de mentionner que la Commission n’avait pas motivé le contrôle qu’elle avait exercé sur les aspects discrétionnaires du dispositif de résolution et se contentait de l’approuver.

581    Il y a donc lieu de considérer que cet argument est soulevé pour la première fois dans la réplique et doit être interprété comme constituant un moyen nouveau.

582    Aux termes de l’article 84 du règlement de procédure, la production de moyens nouveaux en cours d’instance est interdite à moins que ces moyens ne se fondent sur des éléments de droit ou de fait qui se sont révélés pendant la procédure.

583    Or, les requérants ne prétendent pas que ce nouvel argument s’appuierait sur des circonstances factuelles qui leur étaient inconnues au moment de l’introduction du recours et cet argument doit donc être rejeté comme irrecevable.

584    Il ressort de l’ensemble de ce qui précède qu’il convient de rejeter le quatrième moyen.

585    L’ensemble des moyens ayant été rejetés, il y a lieu de rejeter la demande d’annulation des décisions attaquées.

586    Par conséquent, il convient également de rejeter la demande des requérants figurant dans le premier chef de conclusions et visant à ce que le Tribunal, en conséquence de l’annulation des décisions attaquées, « condamne le CRU et la Commission à leur restituer leurs investissements dans Banco Popular » sans qu’il soit nécessaire de se prononcer sur la recevabilité de cette demande. S’agissant de la demande alternative figurant dans le premier chef de conclusions visant à ce que le Tribunal condamne le CRU et la Commission « à leur verser une indemnisation au titre de leur responsabilité non contractuelle », il y a lieu de considérer qu’elle se confond avec la première demande indemnitaire examinée ci-après.

B.      Sur les demandes indemnitaires

587    Par leur deuxième chef de conclusions, les requérants demandent à ce que le CRU et la Commission soient condamnés à leur verser une indemnité au titre de leur responsabilité extracontractuelle. Les requérants soulèvent deux demandes indemnitaires distinctes, la première, fondée sur l’annulation des décisions attaquées et la seconde, indépendante de cette annulation.

1.      Sur la première demande indemnitaire

588    S’agissant de la première demande indemnitaire, les requérants font valoir que, dans l’hypothèse où le Tribunal annulerait les décisions attaquées, ils demandent une indemnisation au titre de la responsabilité extracontractuelle ainsi que la confirmation des effets de ces décisions en vertu de l’article 264 TFUE.

589    Ils soutiennent que, aux termes de l’article 264 TFUE, le Tribunal peut indiquer que des effets de la décision contestée, déclarée nulle, doivent être considérés comme définitifs et, dans ce cas, ils demandent au Tribunal, à titre subsidiaire de leur demande d’annulation, d’ordonner au CRU et à la Commission de leur verser une indemnité du fait que leur responsabilité extracontractuelle est engagée. Quant à la réparation des dommages subis en cas d’annulation des décisions attaquées, l’article 266, deuxième alinéa, TFUE prévoirait que l’obligation de prendre toutes les mesures nécessaires afin de replacer les requérants dans la situation antérieure ne préjuge pas de celle qui peut résulter de l’application de l’article 340, deuxième alinéa, TFUE.

590    Selon une jurisprudence constante, les conclusions tendant à la réparation d’un préjudice matériel ou moral doivent être rejetées lorsqu’elles présentent un lien étroit avec les conclusions en annulation qui ont, elles-mêmes, été rejetées comme étant irrecevables ou non fondées (voir arrêt du 29 avril 2020, Tilly-Sabco/Conseil et Commission, T‑707/18, non publié, EU:T:2020:160, point 115 et jurisprudence citée).

591    À cet égard, il suffit de relever que la première demande indemnitaire des requérants est subordonnée au constat de l’illégalité des décisions attaquées. Or, la demande d’annulation des décisions attaquées ayant été rejetée, il convient de rejeter la première demande indemnitaire des requérants.

2.      Sur la seconde demande indemnitaire

592    Les requérants demandent une indemnisation au titre de la responsabilité extracontractuelle du CRU et de la Commission, en vertu de l’article 87 du règlement no 806/2014, qui prévoit la responsabilité du CRU dans l’exercice de ses fonctions de résolution, ainsi qu’en vertu des articles 266, 268 et 340 TFUE, lesquels s’appliquent aussi bien au CRU qu’à la Commission.

593    Les requérants font valoir que, indépendamment de l’annulation ou non des décisions attaquées, le CRU et la Commission doivent être condamnés à leur verser une indemnité au titre de leur responsabilité extracontractuelle, du fait de leurs comportements illicites décrits dans les moyens d’annulation, à savoir les déclarations et les divulgations du CRU qui ont débouché sur la résolution de Banco Popular, la passivité des institutions européennes face à l’effondrement de Banco Popular ainsi que l’absence de bonne administration et d’intervention précoce, et l’illicéité de la procédure de résolution. Ils soutiennent que si aucune de ces actions illicites du CRU n’était intervenue, Banco Popular n’aurait pas dû être soumise à une résolution ou, à tout le moins, pas dans les mêmes conditions.

594    Il convient de rappeler que, au sens de l’article 340, deuxième alinéa, TFUE, en matière de responsabilité non contractuelle, l’Union doit réparer, conformément aux principes généraux communs aux droits des États membres, les dommages causés par ses institutions ou par ses agents dans l’exercice de leurs fonctions.

595    Conformément à une jurisprudence constante, l’engagement de la responsabilité non contractuelle de l’Union, au sens de l’article 340, deuxième alinéa, TFUE, est subordonné à la réunion d’un ensemble de conditions, à savoir l’illégalité du comportement reproché à l’institution de l’Union, la réalité du dommage et l’existence d’un lien de causalité entre le comportement de cette institution et le préjudice invoqué (voir arrêts du 20 septembre 2016, Ledra Advertising e.a./Commission et BCE, C‑8/15 P à C‑10/15 P, EU:C:2016:701, point 64 et jurisprudence citée ; du 16 décembre 2020, Conseil e.a./K. Chrysostomides & Co. e.a., C‑597/18 P, C‑598/18 P, C‑603/18 P et C‑604/18 P, EU:C:2020:1028, point 79 et jurisprudence citée, et du 25 février 2021, Dalli/Commission, C‑615/19 P, EU:C:2021:133, point 41 et jurisprudence citée).

596    Dès lors que l’une de ces conditions n’est pas remplie, le recours doit être rejeté dans son ensemble sans qu’il soit nécessaire d’examiner les autres conditions de la responsabilité non contractuelle de l’Union. En outre, le juge de l’Union n’est pas tenu d’examiner ces conditions dans un ordre déterminé (voir arrêts du 5 septembre 2019, Union européenne/Guardian Europe et Guardian Europe/Union européenne, C‑447/17 P et C‑479/17 P, EU:C:2019:672, point 148 et jurisprudence citée, et du 10 mars 2021, AM/BEI, T‑134/19, EU:T:2021:119, point 84 et jurisprudence citée).

597    Selon une jurisprudence constante, s’agissant de la première condition relative à l’illégalité du comportement reproché aux institutions, il faut que soit établie une violation suffisamment caractérisée d’une règle de droit ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers (voir arrêts du 20 septembre 2016, Ledra Advertising e.a./Commission et BCE, C‑8/15 P à C‑10/15 P, EU:C:2016:701, point 65 et jurisprudence citée ; du 25 février 2021, Dalli/Commission, C‑615/19 P, EU:C:2021:133, point 55 et jurisprudence citée, et ordonnance du 24 octobre 2019, Liaño Reig/CRU, T‑557/17, non publiée, EU:T:2019:771, point 62 et jurisprudence citée).

598    L’exigence d’une violation suffisamment caractérisée d’une règle de droit ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers vise, quelle que soit la nature de l’acte illicite en cause, à éviter que le risque d’avoir à supporter les dommages allégués par les personnes concernées n’entrave la capacité de l’institution concernée à exercer pleinement ses compétences dans l’intérêt général, tant dans le cadre de son activité à portée normative ou impliquant des choix de politique économique que dans la sphère de sa compétence administrative, sans pour autant laisser peser sur des particuliers la charge des conséquences de manquements flagrants et inexcusables (voir arrêts du 3 mars 2010, Artegodan/Commission, T‑429/05, EU:T:2010:60, point 55 et jurisprudence citée ; du 23 novembre 2011, Sison/Conseil, T‑341/07, EU:T:2011:687, point 34 et jurisprudence citée, et du 14 décembre 2018, East West Consulting/Commission, T‑298/16, EU:T:2018:967, point 124 et jurisprudence citée).

599    Une telle violation est établie lorsqu’elle implique une méconnaissance manifeste et grave par l’institution concernée des limites qui s’imposent à son pouvoir d’appréciation, les éléments à prendre en considération à cet égard étant, notamment, la complexité des situations à régler, le degré de clarté et de précision de la règle violée ainsi que l’étendue de la marge d’appréciation que la règle enfreinte laisse à l’institution de l’Union (voir arrêts du 10 septembre 2019, HTTS/Conseil, C‑123/18 P, EU:C:2019:694, point 33 et jurisprudence citée, et du 18 novembre 2020, H/Conseil, T‑271/10 RENV II, EU:T:2020:548, point 101 et jurisprudence citée). C’est seulement lorsque celle-ci ne dispose que d’une marge d’appréciation considérablement réduite, voire inexistante, que la simple infraction au droit de l’Union peut suffire pour établir l’existence d’une violation suffisamment caractérisée (voir arrêts du 20 janvier 2021, Commission/Printeos, C‑301/19 P, EU:C:2021:39, point 103 et jurisprudence citée, et du 20 septembre 2019, Dehousse/Cour de justice de l’Union européenne, T‑433/17, EU:T:2019:632, point 165 et jurisprudence citée).

a)      Sur lillégalité invoquée

600    S’agissant du comportement de la Commission et du CRU, les requérants font valoir que les déclarations et les divulgations du CRU des 23 et 31 mai 2017, et des jours qui ont suivi, ont provoqué une panique généralisée qui a conduit à une chute des actions de Banco Popular et à des retraits massifs de dépôts de ses clients. Le CRU aurait violé ses obligations de confidentialité. Au début des fuites d’informations, au lieu de prendre des mesures pour atténuer le préjudice, le CRU et la Commission auraient adopté une attitude passive à l’encontre du droit à une bonne administration et du droit à une intervention précoce. Selon les requérants, lorsque le CRU a considéré Banco Popular comme étant en situation de défaillance avérée ou prévisible, il a adopté le dispositif de résolution sans tenir compte de mesures moins contraignantes pour eux, en violation du règlement no 806/2014 et des principes fondamentaux, tels que les principes de proportionnalité, d’interdiction des discriminations et de l’arbitrative, le droit d’être entendu et le droit à la motivation des décisions.

601    Les requérants estiment que la violation du droit de l’Union par le CRU et la Commission est clairement établie, ce qui suffit à établir l’existence d’une violation suffisamment caractérisée. Il s’agirait d’une erreur inexcusable du CRU engageant sa responsabilité extracontractuelle. Il n’aurait pas dû faire de déclarations, ni divulguer d’informations et, dès lors qu’un préjudice aurait été causé à Banco Popular, le CRU et la Commission auraient dû tenter de l’atténuer et, si la situation de défaillance était irréversible, ils auraient dû décider d’un dispositif de résolution conforme à la loi et aux principes fondamentaux.

602    Les arguments des requérants relatifs au comportement de la Commission et du CRU se divisent en deux griefs, relatifs, d’une part, à la violation des obligations de confidentialité et, d’autre part, à l’attitude passive du CRU et de la Commission.

1)      Sur le premier grief, relatif à la violation des obligations de confidentialité

603    Les requérants font valoir qu’il ressort du considérant 116 et des articles 88 et 90 du règlement no 806/2014 ainsi que de l’article 339 TFUE que le critère de diligence et de prudence est extrêmement élevé. Ils considèrent qu’il est erroné de soutenir que l’entretien accordé à la chaîne de télévision Bloomberg par la présidente du CRU, le 23 mai 2017, ne permettait pas au public de déduire que Banco Popular était examinée au sens du considérant 116 du règlement no 806/2014.

604    Les requérants soutiennent que les déclarations et les fuites d’informations des 23 et 31 mai 2017 sont imputables au CRU ou, à tout le moins, à des fonctionnaires de l’Union qui ont participé à la procédure de résolution. Le CRU n’aurait pas nié que des fuites seraient à l’origine de l’article de presse publié par Reuters le 31 mai 2017. La Commission et le CRU n’auraient pas nié l’existence de retraits de dépôts par les administrations espagnoles, en particulier par le FROB. Le CRU et la Commission n’auraient pas fourni d’enquête interne permettant de conclure qu’ils n’étaient pas à l’origine des fuites. Le CRU n’aurait pas mis en œuvre la procédure de contrôle des conséquences de toute divulgation d’informations visée à l’article 88, paragraphe 5, du règlement no 806/2014, ce qui constituerait une violation suffisamment caractérisée.

605    L’article 339 TFUE prévoit :

« Les membres des institutions de l’Union, les membres des comités ainsi que les fonctionnaires et agents de l’Union sont tenus, même après la cessation de leurs fonctions, de ne pas divulguer les informations qui, par leur nature, sont couvertes par le secret professionnel, et notamment les renseignements relatifs aux entreprises et concernant leurs relations commerciales ou les éléments de leur prix de revient. »

606    Selon la jurisprudence, si cette disposition vise surtout les renseignements recueillis auprès d’entreprises, l’adverbe « notamment » montre qu’il s’agit d’un principe général qui s’applique aussi bien à d’autres informations confidentielles (voir, par analogie, arrêt du 3 mars 2011, Siemens/Commission, T‑110/07, EU:T:2011:68, point 400 et jurisprudence citée).

607    L’article 88, paragraphe 1, du règlement no 806/2014 prévoit :

« Les membres du CRU, le vice-président, les membres du CRU visés à l’article 43, paragraphe 1, point b), le personnel du CRU et le personnel des États membres participants qui fait l’objet d’un échange ou d’un détachement et exerce des fonctions de résolution sont soumis, même après la cessation de leurs fonctions, aux exigences de secret professionnel prévues par l’article 339 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne et par les actes pertinents de la législation de l’Union. Il leur est notamment interdit de divulguer à toute personne ou autorité des informations confidentielles obtenues dans l’exercice de leurs activités professionnelles ou des informations reçues d’une autorité compétente ou d’une autorité de résolution en rapport avec leurs fonctions au titre du présent règlement, à moins que ce ne soit dans l’exercice desdites fonctions, ou sous une forme résumée ou agrégée de telle sorte que les entités visées à l’article 2 ne puissent être identifiées ou qu’elles le soient avec le consentement exprès et préalable de l’autorité ou de l’entité qui a fourni les informations. »

608    Il convient également de mentionner le considérant 116 du règlement, cité au point 514 ci-dessus, relatif à la confidentialité des informations détenues par le CRU avant l’adoption d’une décision de résolution.

609    En l’espèce, il y a lieu de relever que, dans la requête, les requérants mentionnent les « déclarations et divulgations du CRU des 23 et 31 mai 2017, et des jours qui ont suivi ». Dans la réplique, les requérants font référence uniquement à l’interview de la présidente du CRU le 23 mai 2017 et à l’article publié par Reuters le 31 mai 2017.

610    Dans la mesure où les requérants n’identifient pas quelles seraient les autres déclarations prétendues du CRU, le Tribunal se limitera à examiner le contenu des propos tenus par la présidente du CRU le 23 mai 2017 et de l’article de Reuters du 31 mai 2017 sur lesquels s’appuient les requérants pour faire valoir une violation de l’obligation de confidentialité.

611    En premier lieu, s’agissant de l’interview accordée par la présidente du CRU à la chaîne de télévision Bloomberg le 23 mai 2017, le journaliste a demandé :

« Puis-je vous emmener en Espagne ? Je voudrais montrer à notre public quelque chose qui est très présent sur notre écran radar ici à Bloomberg, il s’agit de Banco Popular et des obligations contingentes convertibles qui subissent un peu de pression en ce moment. Cette institution a un CET 1 légèrement supérieur à 7 %. Est-elle également sur votre écran radar ? » [Can I take you to Spain ? I want to show our audience something that is very much on our radar screen here at Bloomberg and that is Banco Popular and the CoCos (Contingent Convertibles) which are under a little bit of pressure right now. This is an institution with a CET 1 just north of 7 per cent. Is it on your radar screen as well ?]

612    La présidente du CRU a répondu :

« Je ne parle jamais des banques individuellement. Il y a plus d’une banque sur notre écran radar et bien sûr Banco Popular est également un cas que nous surveillons, mais ce n’est pas le seul. » (Well, I am never talking about individual banks. There are more banks than just one on our radar screen and of course, Banco Popular is also a case we are watching but it is not the only one we are watching).

613    D’une part, il y a lieu de constater, comme le relève le CRU, que ces propos sont de portée générale, la surveillance des établissements faisant partie de sa mission en coopération avec la BCE. L’information selon laquelle Banco Popular, en tant qu’établissement de crédit couvert par le mécanisme de surveillance unique, est « surveillée » n’est pas confidentielle.

614    En outre, il ressort de l’article du 15 mai 2017 publié par elconfidencial.com, mentionné au point 41 ci-dessus, que l’information selon laquelle Banco Popular avait fait l’objet d’une inspection de la BCE était déjà publique.

615    D’autre part, durant cette interview, la présidente du CRU ne mentionne pas l’hypothèse d’une résolution de Banco Popular. Il ne saurait être tiré aucune conclusion de ces propos s’agissant de la mise en œuvre prochaine d’une résolution de Banco Popular et encore moins s’agissant de l’instrument de résolution qui pourrait être mis en œuvre par le CRU.

616    En outre, dans la mesure où ces propos ne sauraient être interprétés comme signifiant que Banco Popular fera l’objet d’une procédure de résolution, ils ne relèvent pas des hypothèses envisagées par le considérant 116 du règlement no 806/2014 relatif à la communication de toute information à propos d’une décision de résolution avant que celle-ci ne soit adoptée.

617    Par ailleurs, s’agissant d’un autre extrait de cette interview, cité au point 16 de la requête, il suffit de relever que les propos de la présidente du CRU constituent des généralités qui ne concernent pas la situation particulière de Banco Popular. En effet, dans cet extrait, à une question concernant l’avenir des établissements, comme Banco Popular, qui ont récemment levé des fonds sur le marché et auraient des difficultés à le faire à nouveau, la présidente du CRU a répondu :

« Eh bien, encore une fois, je ne parlerai pas de Banco Popular. Comme vous le comprenez, je pense que traiter le sujet, c’est exactement revenir à la question de savoir quelle est la cause profonde et c’est une question individuelle et idiosyncratique au cas par cas de savoir si vous pouvez décharger le portefeuille de NPL dans une mauvaise banque ? Pouvez-vous essayer de le vendre ? Comment pouvez-vous le restructurer ? La fusion est toujours une option. Je pense que mon message clair est que nous avons travaillé dur ces deux dernières années pour essayer de mettre en place des plans de résolution qui, espérons-le, offrent aussi des solutions plus privées. Ainsi, avant que vous n’arriviez au point d’être non viable et d’entrer en résolution, la banque est-elle structurée de manière à ce que vous puissiez trouver des solutions alternatives, privées. Il y a toujours, je dirais, même de notre point de vue, une solution préférable. Et il n’y a pas de solution unique. »

618    Partant, il y a lieu de considérer que les propos tenus par la présidente du CRU lors de l’interview du 23 mai 2017 ne contiennent pas d’informations confidentielles et ne constituent pas une violation du principe de confidentialité ni de l’obligation de secret professionnel prévue à l’article 88 du règlement no 806/2014 et à l’article 339 TFUE.

619    En second lieu, s’agissant de l’article publié par Reuters le 31 mai 2017, intitulé « L’UE, mise en garde contre le risque d’une résolution de Banco Popular » (La UE, advertida de riesgo de una resolución ordenada en Banco Popular), cet article indique que, selon un haut fonctionnaire de l’Union resté anonyme, un des principaux surveillants des banques en Europe avait alerté les fonctionnaires de l’Union que Banco Popular pourrait nécessiter une résolution si elle échouait à trouver un acquéreur et que la présidente du CRU avait récemment émis une « alerte précoce ». Selon cet article, ce haut fonctionnaire a également indiqué que la présidente du CRU avait déclaré que le CRU suivait la procédure (Banco Popular) avec une attention particulière en vue d’une possible intervention et il a ajouté que l’offre de fusion de la banque pourrait être infructueuse.

620    Cet article de Reuters indique également que, selon une autre source, également anonyme, des préparatifs généraux étaient en cours bien qu’aucune mesure concrète n’ait encore été adoptée. Selon cet article, un porte-parole de Banco Popular avait déclaré que la banque travaillait sur plusieurs plans incluant une fusion, une augmentation de capital et des ventes d’actifs.

621    Il convient également de relever que cet article mentionne le communiqué de presse du CRU du même jour, dans lequel le CRU a indiqué qu’il ne commentait pas les difficultés spécifiques à une banque, qu’il ne pouvait pas confirmer les interprétations relatives aux prétendues citations faites par sa présidente et qu’il n’émettait jamais d’alerte à propos des banques.

622    Les requérants mentionnent l’extrait de cet article selon lequel des « préparatifs généraux étaient en cours ». Il suffit de constater que, selon l’article, ces propos auraient été émis par « une deuxième source », également anonyme, dont il n’est pas précisé qu’il s’agirait d’un fonctionnaire de l’Union. Ces propos ne sauraient donc être attribués à un fonctionnaire de la Commission ou à un membre du personnel du CRU. De plus, la référence à des « préparatifs généraux » a une portée très vague et ne donne aucune indication permettant de déterminer s’ils visaient une procédure de résolution qui aurait été engagée à l’encontre de Banco Popular ou s’ils faisaient référence aux plans envisagés par la banque elle-même et mentionnés également dans cet article.

623    En outre, il convient de constater que les requérants ne précisent pas quelles informations contenues dans cet article seraient confidentielles, ni dans quelle mesure leur divulgation serait constitutive d’une violation des exigences de secret professionnel du CRU ou de la Commission. En tout état de cause, les propos de ce fonctionnaire de l’Union, rapportés dans cet article, ne portaient pas sur des informations confidentielles qui ne pouvaient être connues que de membres du CRU ou de la Commission et ne sont pas de nature à attester de l’existence des prétendues fuites invoquées par les requérants.

624    Ainsi, premièrement, le fonctionnaire aurait mentionné une « alerte précoce » qui aurait été émise par la présidente du CRU. Or, il y a lieu de relever que cette affirmation ne correspond pas à une compétence du CRU, ce que ce dernier a d’ailleurs rappelé dans son communiqué de presse du 31 mai 2017.

625    Deuxièmement, s’agissant de l’affirmation de ce fonctionnaire selon laquelle « la présidente du CRU avait déclaré que le CRU suivait la procédure (Banco Popular) avec une attention particulière en vue d’une possible intervention », il suffit de constater que ces propos reprennent la substance de ce que la présidente du CRU avait affirmé publiquement lors de son interview accordée à la chaîne de télévision Bloomberg le 23 mai 2017, à savoir que Banco Popular était « surveillée ». De plus, l’interprétation extensive donnée à ces propos a été démentie par le CRU dans son communiqué de presse.

626    En outre, le fait que cet article rapporte de prétendues paroles de la présidente du CRU ne saurait suffire à établir leur authenticité, d’autant plus que la personne censée rapporter ces paroles n’est elle-même pas identifiée.

627    Troisièmement, s’agissant de l’affirmation de ce fonctionnaire selon laquelle l’offre de fusion de la banque pourrait être infructueuse, il ressort de ce même article que Banco Popular elle-même avait indiqué que la date limite initialement fixée au 10 juin 2017 pour présenter des offres dans le cadre de la procédure de vente privée était flexible.

628    À cet égard, les requérants ont produit en annexe à la requête, un article de El País, du 31 mai 2017, intitulé « Banco Popular prolonge le délai pour présenter des offres jusqu’à la fin juin » (El Popular amplía el plazo para presentar ofertas hasta fin de junio) qui confirme que la banque a repoussé la date limite de soumission des offres du 10 juin à la dernière semaine de ce mois.

629    Ainsi, l’éventualité que la procédure de vente privée lancée en avril 2017 pouvait être infructueuse ne saurait être regardée comme une information confidentielle, mais comme une simple déduction découlant des circonstances à savoir que, le 31 mai 2017, Banco Popular n’avait toujours pas trouvé d’acquéreur dans le cadre de cette procédure et que la date de clôture de cette procédure avait été retardée.

630    Quatrièmement, s’agissant de l’affirmation selon laquelle, selon un haut fonctionnaire de l’Union resté anonyme, un des principaux surveillants des banques en Europe avait alerté les fonctionnaires de l’Union que Banco Popular pourrait nécessiter une résolution si elle ne réussissait pas à trouver un acquéreur, il y a lieu de relever que plusieurs articles de presse mentionnaient déjà, dans le courant du mois de mai, que Banco Popular était en difficulté et qu’elle avait engagé une procédure de vente privée.

631    Ainsi, il ressort d’un article du 11 mai 2017, publié sur le site Internet elconfidencial.com, cité au point 40 ci-dessus, que le président de Banco Popular avait ordonné la vente urgente de la banque en raison d’un risque de faillite. La référence, dans l’article de Reuters du 31 mai 2017, au fait que les fonctionnaires de l’Union auraient été informés par « un des principaux surveillants des banques en Europe », semble correspondre à l’information donnée dans cet article du 11 mai 2017, selon laquelle, en raison d’un risque sérieux de faillite dû, notamment, à la fuite continue des dépôts, le président de Banco Popular avait été contraint de mettre en œuvre la procédure de vente afin de répondre aux exigences de la BCE. En outre, un article du 15 mai 2017, publié sur le site Internet elconfidencial.com, mentionné au point 41 ci-dessus, indiquait que le plan de vente de Banco Popular avait été mis en œuvre par son président après l’inspection de la BCE.

632    Ainsi, le fait que Banco Popular devait faire face à un risque de faillite si elle ne trouvait pas d’acquéreur à l’issue de la procédure de vente qu’elle avait entamée était une information publique depuis le milieu du mois de mai 2017.

633    Il en ressort que, contrairement à ce que prétendent les requérants, les propos du fonctionnaire de l’Union resté anonyme rapportés dans cet article ne contiennent pas d’informations confidentielles relatives à la mise en œuvre d’une procédure de résolution visant Banco Popular, telles que celles visées au considérant 116 du règlement no 806/2014, qui ne pourraient être connues que de fonctionnaires de la Commission ou de membres du CRU.

634    Par ailleurs, cet article de Reuters s’appuie sur les propos d’un prétendu fonctionnaire de l’Union resté anonyme dont il n’est pas précisé à quelle institution ou organe de l’Union il appartiendrait.

635    Comme le soutient le CRU, de nombreuses autres personnes que des membres du CRU ou des fonctionnaires de la Commission étaient susceptibles de tenir de tels propos, eu égard notamment aux possibilités d’échanges d’informations prévues notamment à l’article 88, paragraphe 6, du règlement no 806/2014.

636    Or, selon la jurisprudence, c’est à la partie requérante qu’il appartient, dans le cadre d’un recours en indemnité, d’établir que les conditions d’engagement de la responsabilité non contractuelle de l’Union au sens de l’article 340 TFUE sont réunies. Ainsi, dans la mesure où les requérants n’auraient pas établi, en l’espèce, que la publication d’informations dans la presse résultait d’une divulgation d’informations imputable à la Commission ou au CRU, une telle publication ne saurait, en principe, être reprochée à ceux-ci (voir, en ce sens, arrêt du 8 juillet 2008, Franchet et Byk/Commission, T‑48/05, EU:T:2008:257, point 182 et jurisprudence citée).

637    À cet égard, il y a lieu de relever que les requérants n’apportent aucun élément de nature à démontrer que le fonctionnaire cité dans cet article serait un fonctionnaire de la Commission ou un membre du personnel du CRU.

638    Les requérants se contentent d’affirmer que cet article prouve l’existence de fuites et que le CRU n’aurait pas nié que des fuites se seraient produites. Ils font valoir que le CRU et la Commission n’ont pas fourni de rapport, ni procéder à une enquête interne permettant de conclure qu’ils ne sont pas à l’origine des fuites d’informations contenues dans l’article de Reuters. Ils soutiennent que, cette enquête interne n’ayant pas eu lieu, le CRU et la Commission ne pourraient apporter aucune preuve leur permettant d’inverser la présomption résultant du considérant 116 et des articles 88 et 91 du règlement no 806/2014.

639    Or, à supposer que les propos rapportés dans cet article aient pour origine une fuite de la part d’un fonctionnaire de l’Union, dans la mesure où il n’est pas établi que les services de la Commission ou du CRU sont responsables de la fuite d’informations dont témoignent les articles de presse auxquels les requérants se réfèrent, il ressort de la jurisprudence, qu’une telle origine de la fuite ne saurait être présumée (voir, en ce sens, arrêt du 15 mars 2006, BASF/Commission, T‑15/02, EU:T:2006:74, point 605).

640    En outre, il y a lieu de relever que, même dans le cas où il serait vraisemblable que la Commission ou le CRU puissent être à l’origine de cette fuite, cette seule éventualité ne suffit pas, comme le prétendent les requérants, à faire peser sur eux la charge de prouver le contraire (voir, en ce sens, arrêt du 5 avril 2006, Degussa/Commission, T‑279/02, EU:T:2006:103, point 412).

641    Contrairement à ce que soutiennent les requérants, ni le considérant 116 ni l’article 88 du règlement no 806/2014, interdisant de divulguer à toute personne ou autorité des informations confidentielles, ne sauraient être interprétés comme contenant une présomption que toute fuite concernant la résolution d’une entité aurait pour origine un membre du personnel du CRU, impliquant un reversement de la charge de la preuve.

642    En l’espèce, en l’absence de présomption que la Commission ou le CRU auraient été à l’origine de la prétendue fuite d’informations, il ne leur appartient pas de démontrer qu’ils ne l’étaient pas.

643    De plus, il ne saurait en aucun cas être déduit de l’absence d’enquête interne la preuve de la violation par le CRU ou la Commission de leurs obligations de confidentialité. Ainsi, il y a lieu de considérer que le fait que le CRU et la Commission n’aient pas procédé à une enquête interne pour déterminer l’origine de fuites potentielles d’informations, postérieurement à l’adoption de la décision de résolution, n’est pas pertinent s’agissant de l’appréciation d’un comportement illégal qui serait à l’origine du dommage invoqué par les requérants.

644    À cet égard, par lettre déposée au greffe du Tribunal le 9 octobre 2020, les requérants ont présenté une nouvelle offre de preuve, au titre de l’article 85, paragraphe 3, du règlement de procédure. Cette offre de preuve porte sur deux courriels internes du CRU, des 10 et 18 août 2017, concernant une potentielle fuite d’informations à l’origine de l’article de Reuters du 31 mai 2017. Les requérants mentionnent qu’ils ont eu accès à ces documents à la suite de la décision du comité d’appel du CRU du 15 avril 2020, relative à leur demande d’accès à des documents, introduite sur le fondement de l’article 90 du règlement no 806/2014 et que le CRU leur a communiqué ces deux courriels le 27 août 2020. Ils font valoir que ces courriels démontrent l’absence d’enquête interne du CRU sur la prétendue fuite d’informations à l’origine de l’article du 31 mai 2017.

645    Il suffit de rappeler que les requérants n’ont pas démontré que les propos rapportés dans l’article de Reuters du 31 mai 2017 auraient pour origine une fuite d’informations de la part d’un membre du CRU et que le fait que le CRU n’ait pas procédé à une enquête interne n’est pas pertinent aux fins d’apprécier si ce dernier a violé ses obligations de confidentialité. Il y a donc lieu de considérer que cette nouvelle preuve visant à établir l’absence d’enquête interne du CRU sur la prétendue fuite d’informations à l’origine de l’article du 31 mai 2017 n’est pas pertinente.

646    Il ressort de l’ensemble de ce qui précède que les requérants n’ont pas démontré l’existence d’une violation du principe de confidentialité et de l’obligation de secret professionnel de la part du CRU ou de la Commission.

2)      Sur le second grief, relatif à l’attitude passive du CRU et de la Commission

647    Les requérants font valoir que, au début des fuites d’informations, au lieu de prendre des mesures pour atténuer le préjudice, le CRU et la Commission ont adopté une attitude passive à l’encontre du droit à une bonne administration et du droit à une intervention précoce. Lorsque le CRU aurait considéré Banco Popular comme étant en situation de défaillance avérée ou prévisible, il aurait adopté le dispositif de résolution sans tenir compte de mesures moins contraignantes pour les requérants, en violation du règlement no 806/2014 et des principes fondamentaux, tels que les principes de proportionnalité, d’interdiction des discriminations et de l’arbitraire, ainsi que du droit d’être entendu et du droit à la motivation des décisions. Ils considèrent que le CRU et la Commission ayant créé la situation d’incertitude qui a provoqué la faillite de Banco Popular, ils étaient tenus d’agir afin de minimiser le préjudice occasionné.

648    Il y a lieu de relever que les requérants n’expliquent pas ce qu’ils reprochent exactement à la Commission et au CRU lorsqu’ils mentionnent leur « attitude passive », ni quelles seraient les mesures que ceux-ci auraient dû prendre pour « atténuer le préjudice ».

649    Comme le relève la Commission, selon la jurisprudence, les omissions des institutions de l’Union ne sont susceptibles d’engager la responsabilité de l’Union que dans la mesure où les institutions ont violé une obligation légale d’agir résultant d’une disposition de droit de l’Union (arrêt du 15 septembre 1994, KYDEP/Conseil et Commission, C‑146/91, EU:C:1994:329, point 58 ; voir, également, arrêts du 14 décembre 2005, Beamglow/Parlement e.a., T‑383/00, EU:T:2005:453, point 166 et jurisprudence citée, et du 16 novembre 2017, Acquafarm/Commission, T‑458/16, non publié, EU:T:2017:810, point 47 et jurisprudence citée). Or les requérants n’expliquent pas en vertu de quelles dispositions le CRU et la Commission auraient l’obligation d’agir pour éviter d’adopter une décision de résolution.

650    Pour autant que les requérants feraient référence aux arguments qu’ils ont déjà soulevés dans le cadre de la demande d’annulation, il suffit de relever qu’ils ont été rejetés dans le cadre de l’analyse du premier moyen. Particulièrement, les arguments relatifs à l’attitude passive du CRU et de la Commission en violation du principe de bonne administration ont été rejetés dans le cadre de l’analyse du troisième grief de la première branche du premier moyen, aux points 173 à 176 ci-dessus, et les arguments relatifs à l’absence de prise en compte de mesures moins contraignantes pour les requérants ont été rejetés dans le cadre des deuxième et troisième branches du premier moyen.

651    Il ressort de ce qui précède que les requérants n’ont pas démontré l’existence d’un comportement illégal du CRU ou de la Commission et, partant, qu’ils n’ont pas établi l’existence d’une violation suffisamment caractérisée d’une règle de droit ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers. Conformément à la jurisprudence citée au point 596 ci-dessus, la première condition à l’engagement de la responsabilité non contractuelle du CRU ou de la Commission n’étant pas remplie, la seconde demande indemnitaire doit être rejetée, sans qu’il soit nécessaire d’examiner les autres conditions.

652     Le Tribunal estime cependant opportun, dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice, d’examiner également les arguments des requérants relatifs à l’existence d’un lien de causalité entre le prétendu comportement illégal du CRU et de la Commission et le préjudice qu’ils auraient subi.

b)      Sur le lien de causalité

653    Les requérants font valoir que le lien de causalité relatif à des divulgations d’informations confidentielles est mentionné au considérant 116 du règlement no 806/2014, en ce qu’elles pourraient avoir pour effet qu’un établissement bancaire serait soumis à une procédure de résolution. L’utilisation de l’expression « il faut partir du principe » au considérant 116 signifierait que, en cas de violation des obligations de confidentialité, il appartiendrait aux institutions de l’Union de prouver l’absence de lien de causalité.

654    Les requérants rappellent que la déclaration de la présidente du CRU le 23 mai 2017, selon laquelle le CRU était en train d’examiner Banco Popular, et l’article de Reuters du 31 mai 2017, informant que le CRU allait déclencher une procédure de résolution, ont été à l’origine d’une panique généralisée, qui a conduit à une chute de la cotation en bourse de Banco Popular et à des retraits massifs de dépôts. Après ces fuites d’informations, le CRU et la Commission n’auraient rien fait pour remédier à la situation et, en conséquence, le CRU aurait estimé que Banco Popular était défaillante et déclenché la procédure de résolution. En outre, le CRU aurait commis plusieurs violations lors de l’adoption du dispositif de résolution. Toutes ces violations seraient à l’origine du préjudice des requérants. Les requérants estiment que le CRU et la Commission n’auraient pas dû adopter de mesure de résolution de Banco Popular, auquel cas ils disposeraient encore de leurs investissements, ou qu’ils auraient dû l’adopter dans d’autres conditions, auquel cas ils pourraient ne pas avoir subi de préjudice patrimonial.

655    S’agissant de la condition relative à l’existence d’un lien de causalité entre le comportement allégué et le préjudice invoqué, ledit préjudice doit découler de façon suffisamment directe du comportement reproché, ce dernier devant constituer la cause déterminante du préjudice, alors qu’il n’y a pas d’obligation de réparer toute conséquence préjudiciable, même éloignée, d’une situation illégale. Il appartient à la partie requérante d’apporter la preuve de l’existence d’un lien de causalité entre le comportement reproché et le préjudice invoqué (voir arrêt du 11 juillet 2019, BP/FRA, T‑838/16, non publié, EU:T:2019:494, point 217 et jurisprudence citée).

656    Les requérants soutiennent que la déclaration de la présidente du CRU le 23 mai 2017 et l’article de Reuters du 31 mai 2017 sont à l’origine de la crise de liquidité de Banco Popular.

657    Ces arguments reposent sur une présentation partielle et erronée des faits à l’origine de la crise de liquidité de Banco Popular et des causes ayant conduit à la situation de défaillance avérée ou prévisible de celle-ci.

658    Ainsi, il y a lieu de rappeler que, dans son évaluation sur la situation de défaillance avérée ou prévisible de Banco Popular, la BCE a indiqué que Banco Popular avait attiré l’attention en raison de sa faible rentabilité, de la mauvaise qualité de ses actifs et de son faible taux de couverture par rapport à ses pairs et que, depuis janvier 2017, elle faisait l’objet d’une mauvaise couverture médiatique. La BCE a relevé que, en février 2017, lors de l’annonce de ses résultats annuels de 2016, Banco Popular a révélé un besoin de provisions exceptionnelles et le remplacement de son président. Elle a constaté que ces annonces avaient causé une baisse de la note de Banco Popular par DBRS et causé des inquiétudes significatives à la clientèle de Banco Popular qui se sont traduites par des retraits inattendus de dépôts.

659    La BCE a également relevé qu’une autre vague de retraits de dépôts avait été déclenchée par la publication par Banco Popular, le 3 avril 2017, d’une déclaration publique ad hoc informant du résultat de plusieurs audits internes et alimentée par d’autres événements mentionnés au point 56 ci-dessus.

660    Au considérant 24 du dispositif de résolution, le CRU a cité plusieurs circonstances ayant conduit à la détérioration rapide de la situation de liquidité de Banco Popular, à savoir :

–        en février 2017, Banco Popular a annoncé un besoin de provisions exceptionnelles pour un montant de 5,7 milliards d’euros, conduisant à une perte consolidée de 3,485 milliards d’euros et a nommé un nouveau président ;

–        le 10 février 2017, DBRS a dégradé la note de Banco Popular ;

–        le 3 avril 2017, Banco Popular a publié une déclaration publique ad hoc informant sur le résultat d’audits internes ayant potentiellement un impact significatif sur ses états financiers et confirmé le remplacement de son directeur général moins d’un an après son entrée en fonction ;

–        le 7 avril 2017, Standard & Poor’s et, le 21 avril, Moody’s, ont dégradé la note de Banco Popular ;

–        le 12 mai 2017, Banco Popular a enfreint l’exigence de couverture des besoins de liquidité de 80 % et n’a pas été en mesure de rétablir la conformité avec la limite réglementaire par la suite ;

–        la couverture médiatique négative et continue sur les résultats financiers de Banco Popular et sur le supposé risque imminent de faillite ou d’illiquidité a causé une augmentation des retraits de dépôts ;

–        le 6 juin 2017, DBRS et Moody’s ont dégradé la note de Banco Popular.

661    Le CRU a relevé que l’ensemble de ces circonstances avait entraîné des retraits de dépôts importants.

662    Il convient également de relever que le conseil d’administration de Banco Popular, dans le procès-verbal de la réunion du 6 juin 2017 à l’issue de laquelle il a déclaré que la banque était en situation de défaillance, mentionne les raisons ayant conduit à la situation de Banco Popular, parmi lesquelles des articles de presse publiés au cours des mois précédents sur la situation financière du groupe en général et de Banco Popular en particulier et les effets de ceux-ci sur la situation de liquidité. Le conseil d’administration a mentionné que la période de tensions financières extrêmes que traversait Banco Popular était due à plusieurs facteurs et, notamment, à la moindre solvabilité, à la qualité des actifs et à leur couverture par rapport au groupe de comparaison, ainsi qu’à la couverture médiatique continue et extrêmement négative du groupe dans certains médias. Il en ressort que, si le conseil d’administration reconnaît que les informations relatives aux difficultés financières du groupe diffusées dans la presse depuis plusieurs mois ont contribué à la situation de Banco Popular, il ne les cite que comme un facteur parmi d’autres et ne mentionne pas la déclaration de la présidente du CRU le 23 mai 2017, ni l’article de Reuters du 31 mai 2017.

663    Il ressort de ces faits, non contestés par les requérants, que la situation de Banco Popular s’était dégradée déjà bien avant le 23 mai 2017 et que la crise de liquidité de Banco Popular était causée par de multiples facteurs, qui avaient pour origine les mauvais résultats de la banque annoncés en février et en avril 2017. En particulier, l’exigence de couverture des besoins de liquidité de Banco Popular ne respectait pas les exigences légales depuis le 12 mai 2017.

664    Il convient de relever que les requérants ne sauraient ignorer l’ensemble des circonstances objectives ayant causé les problèmes de liquidité de Banco Popular, particulièrement depuis le mois d’avril 2017. Ils ne sauraient valablement soutenir que la déclaration du 23 mai 2017 et l’article du 31 mai 2017, à supposer même qu’ils aient pour origine une violation du principe de confidentialité de la part du CRU ou de la Commission, étaient à l’origine de la crise de liquidité de Banco Popular et, partant, de leur préjudice.

665    En conséquence, il en ressort que les requérants n’ont pas établi un lien de causalité entre les prétendues illégalités commises par le CRU et la Commission et la crise de liquidité de Banco Popular, et donc entre celles-ci et le préjudice invoqué.

666    Cette conclusion n’est pas remise en cause par les autres arguments des requérants.

667    Les requérants font valoir que la BCE, dans son évaluation sur la situation de défaillance avérée ou prévisible de Banco Popular, a relevé que les pertes de dépôts depuis le 31 mai 2017 étaient particulièrement importantes, après que les médias ont révélé que la banque pourrait faire face à une liquidation si la procédure de vente privée en cours n’aboutissait pas à très court terme.

668    Il ressort de son évaluation que, selon la BCE, l’annonce de l’échec de la procédure de vente privée et du risque de liquidation de l’entreprise a renforcé les pertes de dépôts de Banco Popular. Cependant, il ne s’agit que d’un élément parmi les nombreux autres cités par la BCE, qui sont à l’origine de ces fuites de dépôts. Les requérants ne sauraient affirmer que la BCE aurait reconnu que l’article de Reuters était à l’origine de la crise de liquidité de Banco Popular.

669    La BCE a relevé l’importante couverture médiatique négative dont a fait l’objet Banco Popular pendant cette période et cite même des exemples d’articles publiés les 11 et 15 mai 2017, mentionnés aux points 40 et 41 ci-dessus. Les requérants ne sauraient isoler de l’ensemble de ces articles de presse le seul article mentionnant un fonctionnaire de l’Union, pour prétendre que seul cet article serait à l’origine de la fuite des liquidités de Banco Popular.

670    Les requérants font également valoir que le CRU, dans la valorisation 1, et la BCE, dans son évaluation du 5 juin 2017 relative à la demande d’apport urgent de liquidités de Banco Popular, auraient indiqué que les 23 et 31 mai 2017 étaient des dates importantes dans la crise de liquidité de Banco Popular.

671    À cet égard, dans son évaluation du 5 juin 2017 relative à la demande d’apport urgent de liquidités de Banco Popular, la BCE a indiqué :

« Banco Popular a été confrontée à d’importants retraits de dépôts sur tous les segments de clientèle entre le 31 mars et le 1er juin 2017, ce qui a conduit à une détérioration grave de sa base de dépôts […] et de sa capacité de rééquilibrage (CBC […]). Provoqués par une détérioration de la réputation de la banque résultant d’une couverture médiatique et par l’annonce faite par la banque d’un besoin de procéder soit à une augmentation de capital soit à une fusion-acquisition, en raison de la dégradation de sa situation financière, combiné avec l’impact de baisses importantes de sa note, les retraits de dépôts ont dépassés 500 millions par jour de manière répétée au cours de ces dernières semaines (les 12 mai, 16 mai, 22 mai, 23 mai, 31 mai et 1er juin) dans le contexte d’une baisse constante des fonds avec un coussin de liquidités limité. »

672    Le CRU, dans la valorisation 1, a repris cette même analyse en indiquant s’être appuyé sur les informations fournies par la BCE.

673    Il en ressort que les dates des 23 et 31 mai 2017 ne sont mentionnées par la BCE et le CRU que parmi d’autres dates correspondant aux dates de retraits de dépôts supérieurs à 500 millions d’euros et n’ont aucun lien avec la déclaration de la présidente du CRU et l’article de Reuters. Contrairement à ce que soutiennent les requérants, la BCE et le CRU n’ont pas indiqué que les dates des 23 et 31 mai seraient plus importantes que les autres dates mentionnées. En outre, ils ont souligné que les causes des retraits de dépôts étaient multiples et il ne saurait en être déduit, comme le font les requérants, que la déclaration du 23 mai et l’article du 31 mai étaient à l’origine de la crise de liquidité de Banco Popular.

674    En outre, l’évolution du cours de l’action de Banco Popular montrait une baisse constante entre juin 2016 et juin 2017. Contrairement à ce qu’affirment les requérants, cette évolution ne révèle aucun lien entre, d’une part, la déclaration du 23 mai et l’article du 31 mai 2017 et, d’autre part, le cours de l’action de Banco Popular. La chute du cours des actions de Banco Popular s’explique par la mauvaise situation financière de la banque et doit être mise en relation avec les dégradations successives de la note de Banco Popular par les agences de notation, mentionnées aux points 32, 38 et 46 ci-dessus.

675    Il ressort de l’ensemble de ce qui précède que les demandes indemnitaires des requérants doivent être rejetées.

C.      Sur les demandes d’annulation de la valorisation 2 et de compensation

676    Par leur troisième chef de conclusions, les requérants contestent la valorisation 2 sur le fondement de l’article 20, paragraphe 15, et des articles 86 et 87 du règlement no 806/2014, et font valoir le droit à une compensation.

677    La Commission soutient que la contestation de la valorisation 2 est irrecevable. Le CRU fait valoir que la valorisation 2 ne peut être contestée séparément de la décision de résolution.

678    En premier lieu, les requérants demandent l’annulation de la valorisation 2, indépendamment de l’annulation des décisions attaquées. En effet, ils indiquent explicitement, dans la requête, que le droit de contester la valorisation sur le fondement de l’article 20, paragraphe 15, du règlement no 806/2014 constitue une demande d’annulation partielle de la décision de résolution, plus précisément du rapport d’expertise utilisé par le CRU aux fins de la résolution. Ils soutiennent que leur demande, introduite sur le fondement de l’article 20, paragraphe 15, du règlement no 806/2014, est indépendante du recours en annulation des décisions attaquées et de leurs demandes indemnitaires. Cette demande serait recevable même dans l’hypothèse où les autres demandes seraient rejetées.

679    En outre, dans leur lettre déposée au greffe du Tribunal le 16 avril 2019 concernant une demande de modification des mesures d’instruction, les requérants présentent eux-mêmes la demande d’annulation des décisions attaquées, l’action en responsabilité extracontractuelle et la contestation de la valorisation 2, conjointement à une demande d’indemnisation, comme constituant trois recours indépendants.

680    À cet égard, il convient de relever que l’article 20, paragraphe 15, du règlement no 806/2014 prévoit :

« La valorisation est partie intégrante de la décision d’appliquer un instrument de résolution ou d’exercer un pouvoir de résolution ou de la décision d’exercer le pouvoir de dépréciation ou de conversion des instruments de fonds propres. La valorisation elle-même ne fait pas l’objet d’un droit de recours distinct, mais peut faire l’objet d’un recours visant aussi la décision prise par le CRU. »

681    À cet égard, les requérants se fondent sur une interprétation erronée de cette disposition et du considérant 63 du règlement no 806/2014, selon lequel « cette évaluation ne devrait faire l’objet d’un droit de recours qu’en conjonction avec la décision de procéder à une résolution ». Contrairement à ce que soutiennent les requérants, la possibilité d’introduire un recours « conjoint » contre la valorisation et le dispositif de résolution ne signifie pas qu’il est possible de contester la valorisation dans un recours qui serait distinct de celui visant à l’annulation du dispositif de résolution, même s’il est introduit au même moment et par une seule requête.

682    Il ressort clairement des termes employés à l’article 20, paragraphe 15, du règlement no 806/2014 que la valorisation 2, en tant que partie intégrante du dispositif de résolution, ne peut être contestée que dans le cadre d’un recours visant à l’annulation de ce dernier, mais ne peut faire l’objet d’un recours indépendant.

683    Ainsi, il y a lieu de constater que la demande des requérants visant à l’annulation de la seule valorisation 2, indépendamment de leur demande d’annulation des décisions attaquées, doit s’interpréter comme un recours distinct de celui visant à l’annulation du dispositif de résolution. Or, l’article 20, paragraphe 15, du règlement no 806/2014, sur lequel les requérants fondent leur demande d’annulation de la valorisation 2, exclut expressément la possibilité d’introduire un tel recours.

684    Il y a donc lieu de rejeter la demande d’annulation de la valorisation 2 comme irrecevable.

685    En second lieu, les requérants font valoir un droit à une indemnisation qui découlerait directement de l’article 17 de la Charte, même si le règlement no 806/2014 ne prévoit pas de régime d’indemnisation. S’agissant de l’indemnisation, les requérants font valoir que les actionnaires et les détenteurs d’obligations de Banco Popular auraient dû recevoir une compensation après la résolution, équivalente à la valeur de l’actif net, conformément à l’article 20, paragraphe 12, du règlement no 806/2014, et non à la valeur de liquidation. Ils soutiennent que cette demande est recevable quand bien même ils n’auraient pas précisé l’étendue exacte du préjudice ni le montant exact de la réparation demandée.

686    Les requérants indiquent également que « le recours visé à l’article 20, paragraphe 15, du règlement no 806/2014 est indépendant du recours en annulation et de l’action en responsabilité non contractuelle » et que la valorisation utilisée aux fins de cette disposition est « différente du calcul du préjudice en cas d’annulation avec confirmation d’effets ou du calcul en cas de responsabilité non contractuelle ». Dans la réplique, ils font valoir un droit à une indemnisation équivalant à la valeur de l’actif net de Banco Popular à la date de la résolution conformément à l’article 20, paragraphes 12 et 16, du règlement no 806/2014, lu conjointement avec l’article 20, paragraphe 15, et les articles 86 et 87 du même règlement.

687    Dans la réplique, les requérants soutiennent que, si la valorisation 2 avait reflété la valeur de l’actif net de Banco Popular à la date de la résolution, cette dernière n’aurait pas été soumise à la résolution ou il aurait été nécessaire de fixer une offre de prix minimale plus élevée, ce qui aurait bénéficié aux actionnaires et aux détenteurs d’instruments de fonds propres. Ils considèrent que, compte tenu des estimations de la BCE et de Banco Popular, l’actif net de Banco Popular était positif et d’une valeur de 7 milliards d’euros et que les actionnaires et les détenteurs d’instruments de fonds propres doivent être indemnisés d’un montant calculé sur la base de cette valeur, soit 1,67 euro par action.

688    En outre, il y a lieu de relever que, par leur lettre déposée au greffe du Tribunal le 16 avril 2019, les requérants ont renoncé à leur demande, figurant dans la requête, de désignation d’un expert pour procéder à une valorisation juste, prudente et réaliste pour calculer la valeur de l’actif net de Banco Popular.

689    Or, force est de constater que les arguments des requérants ne permettent pas de comprendre quel serait le fondement juridique de cette demande d’indemnité soulevée dans le cadre de la contestation de la valorisation 2.

690    Premièrement, les références faites par les requérants à l’article 20, paragraphe 15, du règlement no 806/2014 comme fondement de leur demande indemnitaire ne sont pas compréhensibles. Cette disposition, rappelée au point 680 ci-dessus, se contente d’indiquer que la valorisation sur laquelle s’est fondée le CRU fait partie intégrante du dispositif de résolution et ne peut faire l’objet d’un recours distinct.

691    Deuxièmement, s’agissant de l’affirmation selon laquelle le droit à une indemnisation découlerait directement de la violation du droit de propriété consacré par l’article 17, paragraphe 1, de la Charte, il y a lieu de relever que, quand bien même la résolution de Banco Popular aurait conduit à une atteinte au droit de propriété des requérants, celle-ci ne saurait découler de la valorisation 2.

692    En effet, il convient de relever que la valorisation 2, réalisée par un expert indépendant, a pour objectif de fournir au CRU les éléments lui permettant d’adopter le dispositif de résolution et, comme le relève la Commission, ne produit pas en elle-même d’effets juridiques obligatoires de nature à affecter les intérêts des requérants. Seuls le dispositif de résolution et la décision 2017/1246 produisent des effets juridiques obligatoires. Les requérants ne sauraient donc prétendre à l’octroi d’une indemnité sur le fondement d’une contestation de la valorisation 2 indépendante de la contestation des décisions attaquées.

693    Troisièmement, s’agissant de la référence faite par les requérants à l’article 20, paragraphe 12, du règlement no 806/2014, il suffit de constater que cette disposition n’est pas pertinente en l’espèce.

694    L’article 20, paragraphe 12, du règlement no 806/2014 prévoit :

« Au cas où l’estimation de la valeur de l’actif net d’une entité visée à l’article 2 telle qu’elle résulte de la valorisation définitive ex post est supérieure à l’estimation résultant de la valorisation provisoire de l’actif net de ladite entité, le CRU peut exiger que l’autorité de résolution nationale :

a)      exerce son pouvoir de relever la valeur des créances des créanciers ou des propriétaires d’instruments de fonds propres pertinents qui ont été dépréciées en application de l’instrument de renflouement interne ;

b)      donne instruction à un établissement-relais ou à une structure de gestion des actifs de verser une contrepartie supplémentaire à un établissement soumis à une procédure de résolution en ce qui concerne les actifs, droits ou engagements, ou, s’il y a lieu, aux propriétaires des titres de propriété pour ce qui concerne lesdits titres de propriété. »

695    Il suffit de constater que, en l’espèce, le CRU n’a pas procédé à une valorisation définitive ex post sur le fondement de cette disposition. En toute hypothèse, contrairement à ce que font valoir les requérants, cette disposition ne prévoit pas la possibilité pour le CRU ou la Commission de leur octroyer une indemnité.

696    Quatrièmement, la référence faite par les requérants à l’article 20, paragraphe 16, du règlement no 806/2014, comme fondement de leur droit à une indemnité équivalent à la valeur de l’actif net de Banco Popular à la date de la résolution, n’est pas compréhensible dans la mesure où cette disposition prévoit uniquement que le CRU veille à ce qu’une valorisation soit réalisée postérieurement à la résolution, afin de déterminer si les actionnaires et les créanciers auraient bénéficié d’un meilleur traitement si l’établissement soumis à une procédure de résolution avait fait l’objet d’une procédure normale d’insolvabilité.

697    Par ailleurs, pour autant qu’il conviendrait d’interpréter cette demande indemnitaire comme visant à engager la responsabilité extracontractuelle du CRU ou de la Commission sur le fondement de l’article 87, paragraphe 3, du règlement no 806/2014, il suffit de constater que cette demande n’envisage aucune des conditions nécessaires à l’engagement de la responsabilité des institutions au sens de l’article 340 TFUE, visées par la jurisprudence citée au point 595 ci-dessus. En effet, les requérants n’indiquent pas quelle serait la violation commise par le CRU ou la Commission, ni quel comportement leur serait reproché.

698    Au regard de ce qui précède, il convient de rejeter la demande indemnitaire fondée sur la contestation de la valorisation 2.

699    Partant, le troisième chef de conclusions des requérants doit être rejeté.

D.      Sur les demandes de mesures d’organisation de la procédure et de mesures d’instruction

700    Les requérants ont demandé au Tribunal d’ordonner diverses mesures d’organisation de la procédure et d’instruction.

701    Dans la requête, les requérants ont demandé au Tribunal, d’une part, d’ordonner au CRU, à la Commission, à la BCE, au Royaume d’Espagne, à la Banque d’Espagne et au FROB la production de divers documents. D’autre part, ils ont demandé au Tribunal d’ordonner l’audition de plusieurs personnes au titre de témoins et l’établissement de rapports d’expertises, sur le fondement de l’article 91, sous d) et e), du règlement de procédure.

702    Par lettre déposée au greffe du Tribunal le 16 avril 2019, les requérants ont présenté une modification des demandes de mesures d’instruction contenues dans la requête et la réplique. Dans cette lettre, ils ont indiqué qu’ils retiraient leur demande de rapports d’expertise et qu’ils limitaient leur demande d’audition de témoins à l’audition de la présidente du CRU.

703    S’agissant des demandes de mesures d’organisation de la procédure ou d’instruction soumises par une partie à un litige, il y a lieu de rappeler que le Tribunal est seul juge de la nécessité éventuelle de compléter les éléments d’information dont il dispose sur les affaires dont il est saisi (voir arrêt du 26 janvier 2017, Mamoli Robinetteria/Commission, C‑619/13 P, EU:C:2017:50, point 117 et jurisprudence citée ; arrêt du 12 novembre 2020, Fleig/SEAE, C‑446/19 P, non publié, EU:C:2020:918, point 53).

704    Il ressort de la jurisprudence de la Cour que, même si une demande d’audition de témoins, formulée dans la requête, indique avec précision les faits sur lesquels il y a lieu d’entendre le ou les témoins et les motifs de nature à justifier leur audition, il appartient au Tribunal d’apprécier la pertinence de la demande par rapport à l’objet du litige et à la nécessité de procéder à l’audition des témoins cités (voir arrêt du 26 janvier 2017, Mamoli Robinetteria/Commission, C‑619/13 P, EU:C:2017:50, point 118 et jurisprudence citée ; arrêt du 22 octobre 2020, Silver Plastics et Johannes Reifenhäuser/Commission, C‑702/19 P, EU:C:2020:857, point 29).

705    Il y a lieu de rappeler que, par son ordonnance de mesure d’instruction, du 12 mai 2021, au titre de l’article 91, sous b), de l’article 92, paragraphe 3, et de l’article 103 du règlement de procédure, le Tribunal a ordonné au CRU la production de certains documents cités au point 98 ci-dessus. Par ordonnance du 9 juin 2021, le Tribunal a considéré que les documents produits par le CRU dans leur version confidentielle n’étaient pas pertinents pour la solution du litige.

706    En l’espèce, il y a lieu de relever que les éléments contenus dans le dossier ainsi que les explications données lors de l’audience sont suffisants pour permettre au Tribunal de se prononcer, celui-ci ayant pu utilement statuer sur la base des conclusions, des moyens et des arguments développés en cours d’instance et au vu des documents déposés par les parties.

707    Il s’ensuit que les demandes de mesures d’organisation de la procédure et de mesures d’instruction des requérants doivent être rejetées, sans qu’il soit nécessaire de se prononcer sur la recevabilité de certaines de ces demandes.

708    Il ressort de l’ensemble de ce qui précède que le recours doit être rejeté dans son intégralité.

V.      Sur les dépens

709    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Les requérants ayant succombé, il convient de les condamner à supporter leurs propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission, le CRU et Banco Santander, conformément aux conclusions de ces derniers.

710    En vertu de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure, les États membres et les institutions qui sont intervenus au litige supportent leurs propres dépens. Le Royaume d’Espagne supportera donc ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre élargie)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Eleveté Invest Group, SL et les autres parties requérantes dont les noms figurent en annexe sont condamnés à supporter leurs propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission européenne, par le Conseil de résolution unique (CRU) et par Banco Santander, SA.

3)      Le Royaume d’Espagne supportera ses propres dépens.

Van der Woude

Jaeger

Kreuschitz

De Baere

 

      Steinfatt

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 1er juin 2022.

Signatures


Table des matières


I. Cadre juridique

II. Antécédents du litige et faits postérieurs à l’introduction du recours

A. Sur la situation de Banco Popular avant l’adoption du dispositif de résolution

B. Sur d’autres faits antérieurs à l’adoption du dispositif de résolution

C. Sur le dispositif de résolution de Banco Popular du 7 juin 2017

D. Sur les faits postérieurs à l’adoption de la décision de résolution

III. Procédure et conclusions des parties

IV. En droit

A. Sur la demande d’annulation des décisions attaquées

1. Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 18 du règlement no 806/2014

a) Sur la première branche, tirée de la violation de l’article 18, paragraphe 1, sous a), du règlement no 806/2014

1) Sur le premier grief, relatif à la nécessité d’un apport de liquidités

2) Sur le deuxième grief, relatif à la violation des obligations de confidentialité

3) Sur le troisième grief, relatif à la violation du principe de bonne administration

b) Sur la deuxième branche, tirée de la violation de l’article 18, paragraphe 1, sous b), du règlement no 806/2014

c) Sur la troisième branche, tirée de la violation de l’article 18, paragraphe 1, sous c), du règlement no 806/2014

2. Sur le deuxième moyen, tiré de la violation de l’article 20 du règlement no 806/2014

a) Sur la première branche, tirée de la violation de l’article 20, paragraphe 11, du règlement no 806/2014

b) Sur la deuxième branche, tirée de la violation de l’article 20, paragraphe 5, sous a) à c) et f), du règlement no 806/2014

c) Sur la troisième branche, tirée du manque d’indépendance de Deloitte

d) Sur la quatrième branche, tirée de la violation de l’article 20, paragraphe 1, du règlement no 806/2014 au motif que la valorisation 2 n’était pas « juste, prudente et réaliste »

1) Sur le premier grief, selon lequel la valorisation 2 était fondée sur des critères erronés

2) Sur le deuxième grief, selon lequel les valorisations 1 et 2 sont hautement spéculatives

3) Sur le troisième grief, selon lequel la valorisation 2 n’est pas « juste, prudente et réaliste »

e) Sur la cinquième branche, tirée de la violation de l’article 20, paragraphes 7 et 9, du règlement no 806/2014

3. Sur le troisième moyen, tiré de la violation du droit d’être entendu et du droit d’accès au dossier, consacrés par l’article 41, paragraphe 2, de la Charte

a) Sur la première branche, tirée de la violation du droit d’être entendu

b) Sur la seconde branche, tirée de la violation du droit d’accès au dossier

4. Sur le quatrième moyen, tiré de la violation de l’obligation de motivation

B. Sur les demandes indemnitaires

1. Sur la première demande indemnitaire

2. Sur la seconde demande indemnitaire

a) Sur l’illégalité invoquée

1) Sur le premier grief, relatif à la violation des obligations de confidentialité

2) Sur le second grief, relatif à l’attitude passive du CRU et de la Commission

b) Sur le lien de causalité

C. Sur les demandes d’annulation de la valorisation 2 et de compensation

D. Sur les demandes de mesures d’organisation de la procédure et de mesures d’instruction

V. Sur les dépens


*      Langue de procédure : l’espagnol.


1      La liste des autres parties requérantes n’est annexée qu’à la version notifiée aux parties.

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