MW v Parliament (Judgment) French Text [2022] EUECJ T-630/20 (12 January 2022)


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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions)


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URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2022/T63020.html
Cite as: EU:T:2022:3, ECLI:EU:T:2022:3, [2022] EUECJ T-630/20

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ARRÊT DU TRIBUNAL (huitième chambre)

12 janvier 2022 (*)

« Fonction publique – Agents temporaires – Groupe politique – Licenciement – Rupture du lien de confiance – Harcèlement moral – Erreur manifeste d’appréciation – Détournement de pouvoir – Responsabilité »

Dans l’affaire T‑630/20,

MW, représentée par Me M. Casado García-Hirschfeld, avocate,

partie requérante,

contre

Parlement européen, représenté par MM. I. Lázaro Betancor et N. Scafarto, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 270 TFUE et tendant, d’une part, à l’annulation de la décision du Parlement du 11 décembre 2019 de résilier le contrat de travail de la requérante en tant qu’agent temporaire au titre de l’article 2, sous c), du régime applicable aux autres agents de l’Union européenne et, d’autre part, à la réparation du préjudice matériel et moral que la requérante aurait subi,

LE TRIBUNAL (huitième chambre),

composé de MM. J. Svenningsen, président, R. Barents et J. Laitenberger (rapporteur), juges,

greffier : M. L. Ramette,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 1er mars 2007, la requérante, MW, a été engagée par le groupe politique « Parti populaire européen » (PPE) au sein du Parlement européen en qualité d’agent contractuel au sens de l’article 3 bis du régime applicable aux autres agents de l’Union européenne (ci-après le « RAA »), relevant du groupe de fonctions III.

2        Par contrat signé le 2 mars 2010 et prenant effet rétroactivement le 1er mars 2010, la requérante a été recrutée en qualité d’agent temporaire au sein de ce même groupe au titre de l’article 2, sous c), du RAA, pour une durée indéterminée, au grade initial AST 3.

3        Au moyen d’un avenant au contrat mentionné au point 2 ci-dessus, signé par le Parlement et par la requérante le 20 janvier 2016, cette dernière a été engagée au sein du groupe politique « Europe des nations et des libertés » (ci-après le « groupe ENL »). À la suite de sa réussite à un concours interne, elle a été nommée conseillère politique au grade initial AD 5 et chargée notamment de la coordination des conseillers politiques des députés de ce groupe dans la commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures (ci-après la « commission LIBE »), à partir du 1er août 2016. Le 1er janvier 2019, la requérante a été promue au grade AD 6.

4        À la fin de la législature 2014-2019 du Parlement, après les élections au Parlement tenues en mai 2019, le groupe ENL a été dissous le 2 juillet 2019. Par conséquent, le contrat de la requérante, lié en tant que contrat conclu au titre de l’article 2, sous c), du RAA à l’existence de l’entité auprès de laquelle la requérante exerçait ses fonctions, à savoir le groupe politique ENL, a pris fin.

5        Un nouveau groupe, « Identité et démocratie » (ci-après le « groupe ID »), a été constitué pour la législature 2019-2024.

6        Par la suite, le groupe ID a procédé à la sélection des collaborateurs qu’il souhaitait engager pour pourvoir les postes au sein du secrétariat du groupe. Il ressort du dossier que les différentes délégations nationales composant le groupe disposaient de « quotas » leur permettant de désigner des candidats pour les postes au sein du secrétariat. Dans ce contexte, la requérante a entrepris des démarches afin d’être recrutée par le groupe ID nouvellement constitué. À cette fin, elle a notamment transmis un courriel le 3 juillet 2019 à la hiérarchie du groupe ID, à savoir le président, les vice-présidents, le secrétaire général et les secrétaires généraux adjoints A, B et C, dans lequel elle relevait qu’elle estimait être la candidate la plus expérimentée pour un poste au sein du secrétariat du groupe ID concernant la commission LIBE, grâce à son travail relatif à cette commission pendant la législature précédente pour le groupe ENL, et dans lequel elle indiquait que son embauche au sein du groupe ID était encore en question.

7        Le 3 juillet 2019, la requérante a eu un entretien avec le secrétaire général adjoint du groupe ID, C, durant lequel ce dernier lui a annoncé l’arrivée d’un autre agent, D, au sein du secrétariat du groupe ID. Le lendemain, C a transmis un courriel à la requérante dans lequel il lui a indiqué que la délégation allemande ne souhaitait plus qu’elle participe au travail du groupe relatif à la commission LIBE et qu’elle ne devait plus contacter les députés allemands à cet égard. Il a également précisé que D serait désormais chargé, au sein du secrétariat du groupe ID, de la commission LIBE, du moins en ce qui concernait la délégation allemande.

8        Le 9 juillet 2019, la requérante a contacté par courriel le secrétaire général adjoint du groupe ID, E, pour lui indiquer qu’elle aurait eu connaissance du recrutement de D et que celui-ci pourrait être le candidat de la délégation allemande au poste de coordinateur des conseillers politiques des députés de ce groupe dans la commission LIBE (ci-après le « coordinateur LIBE »). Elle a qualifié cela de « dangereux » en raison du fait que D n’avait pas travaillé pour le groupe ENL au cours de la législature précédente. Dans ce même courriel, elle a indiqué qu’elle souhaitait aider la délégation française à ne pas perdre son influence dans le groupe ID et a demandé à E de l’informer si cette délégation, qui avait auparavant déclaré ne pas l’intégrer dans son « quota » de désignation de collaborateurs, changeait d’avis à cet égard.

9        Par courriel du 10 juillet 2019, le secrétaire général adjoint du groupe ID, A, a informé le secrétariat de la commission LIBE du fait que les conseillers politiques des députés du groupe ID dans la commission LIBE seraient dorénavant la requérante, D et F. Dans ce même courriel, A a précisé que D prendrait le rôle de « coordinateur LIBE » pour le groupe ID. À son tour, la requérante a pris acte de ce courriel et a indiqué qu’elle était très contente de cette situation.

10      Le 11 juillet 2019, la requérante et le président du groupe ID, en tant qu’autorité habilitée à conclure les contrats d’engagement (ci-après l’« AHCC »), ont signé un avenant au contrat du 2 mars 2010 prenant effet rétroactivement le 2 juillet 2019 et prévoyant l’engagement de la requérante par le groupe ID. Son poste relevait dorénavant du « quota » de désignation de collaborateurs de la délégation danoise, de sorte que ses tâches consistaient notamment à assister la délégation danoise et, en cas de demande spécifique, les délégations estonienne et finnoise, en ce qui concernait la commission LIBE. Le même jour, la requérante a transmis un courriel aux députés du groupe ID dans la commission LIBE au sujet d’une réunion des coordinateurs pour ladite commission ayant eu lieu au cours de la même journée. D y a répondu en indiquant que cela ne relevait pas des compétences de la requérante et a demandé à cette dernière de cesser de transmettre de tels courriels aux députés.

11      À la suite de cet échange de courriels, le secrétaire général du groupe ID a adressé un courriel à la requérante le 12 juillet 2019. Dans ce courriel, il lui a demandé de « faire profil bas » et de ne pas se comporter comme la dirigeante de l’équipe LIBE du secrétariat du groupe ID. La requérante a répondu le soir même, en indiquant qu’elle ne « pouvait plus gérer » la situation avec D et en soutenant que ce dernier avait déjà donné deux conseils erronés aux députés ID dans la commission LIBE.

12      Dans un courriel du 15 juillet 2019, la requérante a demandé conseil au secrétaire général adjoint du groupe ID, B, sur la question de savoir comment gérer les difficultés qu’elle rencontrait avec D. Dans le même courriel, elle a réitéré son allégation selon laquelle D aurait donné des conseils erronés aux députes ID de la commission LIBE.

13      Le 25 juillet 2019, la requérante a envoyé à la députée du groupe ID et coordinatrice des députés de ce groupe au sein de la commission LIBE, G, un manuel sur le travail au sein de la commission LIBE rédigé par elle et destiné aux députés du groupe ID dans la commission LIBE. Le jour suivant, la requérante a également envoyé ce manuel au secrétaire général du groupe ID, au secrétaire général adjoint de ce même groupe, A, et à des assistants parlementaires des députés du groupe ID. Le manuel n’a pas été diffusé aux députés du groupe ID par le secrétariat du groupe. Le secrétaire général du groupe ID a rappelé à la requérante dans un courriel de « garder un profil bas » et de limiter son travail aux tâches que les députés du groupe ID dans la commission LIBE lui attribuaient expressément.

14      Par un courriel envoyé le 2 septembre 2019 à D, avec en copie deux députés et des membres du bureau du groupe ID, la requérante a mentionné plusieurs points relatifs aux travaux de la commission LIBE qu’elle souhaitait clarifier. Elle a notamment allégué que des délais fixés par le secrétariat LIBE n’avaient pas été respectés, ajoutant que la médiation entre ce secrétariat et le groupe ID relevait des tâches du « coordinateur LIBE » au sein du secrétariat, à savoir D. En outre, elle a demandé à D d’informer immédiatement le secrétariat de la commission LIBE de certains sujets. Dans sa réponse à ce courriel, D a invité la requérante à s’abstenir d’écrire de tels courriels, jugés « non professionnels », qui seraient irrespectueux envers son travail.

15      Par un courriel du 10 septembre 2019, le secrétaire général adjoint du groupe ID, A, a informé la requérante de la décision du secrétariat du groupe ID de la réaffecter à la commission de l’emploi et des affaires sociales (ci-après la « commission EMPL »). Le même jour, le secrétaire général du groupe ID a confirmé cette décision par un courriel transmis à la requérante, en précisant que cette dernière n’était plus un membre de l’équipe LIBE au sein du secrétariat du groupe ID et ne devait plus prendre d’initiatives à cet égard, sauf sur demande expresse de l’un des députés. La requérante a pris acte de ces courriels et y a répondu le soir même, en comparant son parcours professionnel à celui de D.

16      Par la suite, par le biais de deux courriels transmis respectivement le 13 septembre 2019 au secrétaire général du groupe ID et le 17 septembre 2019 à ce dernier, au secrétaire général adjoint, B, et aux députés des délégations danoise, estonienne et finnoise représentant le groupe ID dans la commission LIBE, la requérante a proposé aux membres du secrétariat du groupe ID de réorganiser le soutien aux députés ID dans la commission LIBE. Cette proposition prévoyait la division des députés ID dans la commission LIBE en deux « équipes » et la prise en charge du soutien de l’équipe « nordique » du groupe ID dans la commission LIBE, à savoir les députés danois, estonien et finnois, par la requérante.

17      Le 16 septembre 2019, la requérante a relevé, dans un courriel envoyé au secrétaire général du groupe et au secrétaire général adjoint, B, que le groupe ID n’aurait pas déposé de questions au secrétariat de la commission LIBE pour l’audition des commissaires désignés à la Commission européenne. De plus, elle a allégué dans le courriel du 17 septembre 2019 mentionné au point 16 ci-dessus que D et G auraient préparé une liste de vote ne représentant pas les valeurs du groupe ID et n’auraient pas saisi l’objectif d’un autre vote dans la commission LIBE.

18      Le 18 septembre 2019, la requérante s’est présentée au service médical du Parlement. Tout d’abord, elle a été mise en congé maladie jusqu’au 19 septembre 2019. En outre, ce congé maladie a été prolongé par son médecin généraliste jusqu’au 4 octobre 2019. Dans les mois suivants, la requérante a été placée en congé maladie à plusieurs reprises. D’après son médecin, ledit congé était justifié par un « état nerveux et psychique de plus en plus dégradé », ce changement dans son bien-être résultant d’un « stress excessif au travail ».

19      Le 8 octobre 2019, une réunion a eu lieu, sur invitation du secrétaire général du groupe ID, entre ce dernier, la requérante, le président du groupe ID, le secrétaire général adjoint du groupe ID, B, et le député danois du groupe ID, H, afin de discuter de la situation relative au personnel de la commission LIBE. Au cours de cette réunion, la requérante a présenté trois solutions susceptibles de dénouer la situation, qui étaient selon elle les seules possibles. La première consistait à proposer qu’elle redevienne conseillère politique au soutien des députés du groupe ID dans la commission LIBE, avec tous les droits correspondants, et qu’elle assiste notamment les députés des délégations danoise, estonienne et finnoise. La deuxième solution consistait à proposer qu’elle ne soit plus membre de l’équipe LIBE au sein du secrétariat du groupe ID, mais qu’elle s’occupe en revanche d’une autre commission parlementaire. La dernière solution consistait à examiner les possibilités de son licenciement par le groupe ID.

20      Le 10 octobre 2019, la requérante a transmis un résumé écrit de cette réunion à dix personnes appartenant au groupe ID, y compris des personnes qui n’avaient pas assisté à ladite réunion.

21      Par un courriel du 22 octobre 2019, le président du groupe ID a invité la requérante à une réunion afin de discuter d’une éventuelle résiliation de son contrat, la date de cette réunion ayant été fixée au 14 novembre 2019. En vue de cette réunion, la requérante a contacté le secrétaire général du groupe ID par un courriel du 12 novembre 2019 et lui a demandé de lui transmettre, notamment, son rapport de notation pour l’année 2018, rapport couvrant la période pendant laquelle elle travaillait au sein du secrétariat de l’ancien groupe ENL, désormais dissous, et pendant laquelle le secrétaire général du groupe ID était, en tant que secrétaire général de ce groupe ENL à l’époque, son notateur final. Le 13 novembre 2019, le secrétaire général a transmis ledit rapport à la requérante.

22      Le 14 novembre 2019, la réunion entre la requérante, assistée par un membre du comité du personnel, le président du groupe ID et le secrétaire général du groupe ID a eu lieu afin de discuter de l’éventuelle résiliation du contrat de la requérante. Dans un résumé de la réunion envoyé le 18 novembre 2019 à cette dernière, le président du groupe ID a exposé les raisons pour lesquelles il assumait une rupture du lien de confiance, telles que déjà énoncées lors de la réunion du 14 novembre 2019, à savoir un comportement jugé inapproprié de la requérante à l’égard du « coordinateur LIBE », D, son inaptitude à s’adapter à ses fonctions, ses difficultés de communication et son manque de discrétion.

23      La requérante a soumis des observations écrites sur ce résumé le 3 décembre 2019, dans lesquelles elle a contesté la rupture du lien de confiance et a notamment invoqué l’existence d’un comportement inacceptable de certains responsables du secrétariat du groupe ID à son égard, dont le secrétaire général du groupe ID, le secrétaire général adjoint du groupe ID, C, et le « coordinateur LIBE », D. Elle a soutenu que le comportement de ces derniers porterait atteinte aussi bien à ses relations professionnelles et personnelles qu’à sa dignité et à sa réputation et a sollicité le soutien du président du groupe ID pour la « réintégrer ».

24      Le 11 décembre 2019, la décision du président du groupe ID résiliant le contrat de la requérante a été notifiée à celle-ci par le président du groupe ID (ci-après la « décision de licenciement » ou la « décision attaquée »). Cette décision a été motivée par une rupture du lien de confiance, qui serait causée, premièrement, par un comportement inapproprié de la requérante, remettant en cause l’autorité du « coordinateur LIBE », D, deuxièmement, par l’inaptitude de la requérante à s’adapter à ses fonctions et, troisièmement, par des difficultés de communication et un manque de discrétion de la requérante.

25      Le 13 décembre 2019, la requérante a déposé une plainte devant le comité consultatif sur le harcèlement et sa prévention sur le lieu de travail contre le secrétaire général du groupe ID, contre le secrétaire général adjoint du groupe ID, C, et contre le « coordinateur LIBE », D. En outre, la requérante a introduit plusieurs demandes d’assistance contre les trois personnes susmentionnées, le secrétaire général adjoint du groupe ID, A, le président du groupe ID et le député danois du groupe ID, H, lesquelles ont été rejetées. La requérante a introduit des réclamations au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut ») contre le rejet de ses demandes d’assistance.

26      Le 11 mars 2020, la requérante a également introduit une réclamation au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut contre la décision attaquée, qui a été rejetée par une décision du bureau du groupe ID le 10 juillet 2020, laquelle lui a été signifiée le 13 juillet 2020 (ci-après la « décision de rejet de la réclamation »).

27      Le 5 mai 2020, la requérante a introduit une autre réclamation au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut, visant son rapport de notation pour l’année 2018 et son rapport de notation pour le premier semestre de l’année 2019. Par une décision du 11 septembre 2020, le secrétaire général du Parlement a constaté qu’en raison de la dissolution du groupe ENL le 2 juillet 2019, les pouvoirs dévolus à l’AHCC relatifs à l’évaluation des agents étaient exercés par le secrétaire général du Parlement, de sorte que les rapports en question ne pouvaient pas être rédigés par des agents du secrétariat du groupe ID. Il a donné instruction à la direction générale du personnel du Parlement de procéder à une reconduite administrative desdits rapports, qui ont ensuite été établis sur la base des rapports de notation précédents de la requérante.

28      Le 29 mai 2020, la requérante a saisi le comité des rapports concernant son rapport de notation pour le second semestre de l’année 2019, lequel avait auparavant été rédigé par le secrétaire général adjoint du groupe ID, A, en tant que premier notateur, et par le secrétaire général adjoint du groupe ID, B, en tant que notateur final. Le 9 juillet 2020, le comité des rapports a transmis son avis au secrétaire général du groupe ID, dans lequel il concluait qu’il fallait reprendre la procédure de notation au niveau du premier notateur et « revoir, en conséquence, les appréciations analytiques, en particulier sous la rubrique “Conduite”, afin de déterminer si les évaluations faites [étaient] justifiées, à la lumière de l’absence d’une information claire sur le contenu et les objectifs du nouveau poste ». Par un courriel du 24 juillet 2020, le secrétaire général du groupe ID a informé la requérante du fait que la procédure de notation pour le second semestre de l’année 2019 serait reprise et a désigné le secrétaire général adjoint du groupe ID, B, comme premier notateur et comme notateur final à cet égard. Après avoir mené deux entretiens avec la requérante, B a validé, le 4 novembre 2020, le rapport de notation pour le second semestre de l’année 2019. Le 29 janvier 2021, la requérante a introduit une réclamation au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut contre ledit rapport.

 Procédure et conclusions des parties

29      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 14 octobre 2020, la requérante a introduit le présent recours, qui a été dirigé initialement contre le groupe ID.

30      Le 13 novembre 2020, le Tribunal a, à titre de mesure d’organisation de la procédure, invité la requérante à préciser si le groupe ID pouvait être considéré comme la partie défenderesse dans la présente affaire.

31      La requête n’étant pas en conformité avec le règlement de procédure du Tribunal et les dispositions pratiques d’exécution dudit règlement, le Tribunal a également demandé à la requérante, le 13 novembre 2020, de remédier à certaines irrégularités. La requérante a notamment été priée d’indiquer la date de la notification de la décision de rejet de la réclamation, de soumettre un nouvel original au contenu identique comportant la numérotation de tous les paragraphes et de produire le bordereau d’annexes amendé.

32      Le 19 novembre 2020, la requérante a répondu à la question posée en indiquant que la partie défenderesse était le Parlement et non le groupe ID. Par ailleurs, elle a déposé une version régularisée de la requête.

33      Le 20 novembre 2020, le Tribunal a, en raison d’une erreur technique, signifié la version non régularisée de la requête au Parlement.

34      Saisi d’une demande présentée par la requérante sur le fondement de l’article 66 de son règlement de procédure, le Tribunal y a fait droit par une décision du 27 janvier 2021 et a accepté l’omission du nom de cette partie dans la version publique du présent arrêt.

35      Le Parlement a déposé le mémoire en défense le 22 février 2021.

36      Le 1er mars 2021, le Tribunal a, à titre de mesure d’organisation de la procédure, posé des questions à la requérante pour réponses écrites, auxquelles elle a répondu le 16 mars 2021.

37      En application de l’article 83, paragraphe 1, du règlement de procédure, le Tribunal a décidé le 25 mars 2021 qu’un second échange de mémoires n’était pas nécessaire. La demande de la requérante de dépôt d’une réplique a été rejetée par décision du 12 avril 2021.

38      Saisi d’une demande du Parlement visant à pouvoir soumettre des observations sur les réponses soumises par la requérante mentionnées au point 36 ci-dessus, le Tribunal y a fait droit par une décision du 31 mars 2021. Le Parlement a soumis ses observations écrites sur ces réponses le 16 avril 2021.

39      Le 22 avril 2021, le Tribunal a signifié au Parlement la version régularisée de la requête telle que soumise le 19 novembre 2020 et lui a indiqué qu’il avait été constaté que la version qui lui avait été signifiée le 20 novembre 2020 n’était pas la version régularisée, mais la version initialement déposée par la requérante. Dans ces conditions, les parties ont été invitées, au titre d’une mesure d’organisation de la procédure, à soumettre leurs observations éventuelles sur la version régularisée de la requête. Les parties ont soumis leurs observations respectives le 29 avril 2021. Dans ses observations, la requérante a indiqué que ces dernières se substituaient à ses réponses à la mesure d’organisation de la procédure soumises le 16 mars 2021. Dans ses observations, le Parlement a indiqué qu’il ressortirait d’une comparaison de la version régularisée et de la version initiale de la requête que leur contenu n’était pas identique, notamment dans la mesure où l’ajout de références aux annexes et où des modifications concernant la structure de certains paragraphes affecteraient la compréhension des arguments de la requérante. Dans ces conditions, le Parlement a demandé que la version régularisée de la requête telle que déposée le 19 novembre 2020 soit rejetée.

40      Le 21 mai 2021, le Parlement a demandé au Tribunal de préciser quelle version de la requête était prise en considération dans la présente procédure. Pour le cas où le Tribunal aurait dû décider que la version régularisée de la requête telle que déposée le 19 novembre 2020 était recevable et était celle sur le fondement de laquelle le présent litige serait instruit, le Parlement a demandé la réouverture de la phase écrite de la procédure et la possibilité de bénéficier d’un délai d’un mois pour adapter son mémoire en défense ainsi que ses observations sur les réponses de la requérante aux questions du Tribunal du 1er mars 2021.

41      Le 25 mai 2021, le Tribunal a informé les parties que la version régularisée de la requête était prise en considération et a indiqué que le Parlement disposait encore d’un délai pour le dépôt d’une demande motivée de tenue d’une audience, au cours de laquelle il lui serait loisible de faire valoir ses observations éventuelles sur le contenu de cette version régularisée.

42      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal lors de l’audience du 27 septembre 2021.

43      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée, par laquelle son contrat d’agent temporaire à durée indéterminée auprès du groupe ID au Parlement a été résilié et ses activités suspendues ;

–        ordonner, d’une part, la réparation du préjudice matériel qui s’élève à la somme de 10 000 euros, en plus des montants à calculer pour les frais de scolarité et pour les frais et les honoraires d’avocat et, d’autre part, la réparation du préjudice moral, estimé à la somme de 30 000 euros ;

–        condamner le Parlement aux entiers dépens.

44      Le Parlement conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours en partie comme irrecevable et en partie comme non fondé ;

–        à titre subsidiaire, rejeter le recours en tout état de cause comme non fondé dans son ensemble ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

 Sur la demande de déclarer la version régularisée de la requête irrecevable

45      À titre liminaire, il convient d’examiner la demande du Parlement de déclarer irrecevable la version régularisée de la requête telle que déposée le 19 novembre 2020.

46      À cet égard, il y a lieu de rappeler que la régularisation d’une requête n’affecte, en principe, ni la date de saisine du Tribunal, ni la qualification de son dépôt dans les délais prévus à l’article 263, sixième alinéa, TFUE. En application du point 102 des dispositions pratiques d’exécution du règlement de procédure du Tribunal, une requête entachée d’irrégularités de forme visée par l’annexe II desdites dispositions ne peut entraîner qu’un retard dans la signification de celle-ci. Lorsqu’une requête est régularisée, sa date de dépôt auprès du Tribunal reste donc inchangée. Une requête ne doit être considérée comme étant introduite de manière irrecevable que lorsqu’elle n’expose pas les éléments essentiels visés à l’article 76 du règlement de procédure et que ces éléments ne sont pas produits jusqu’à l’expiration du délai de recours ou lorsqu’elle fait l’objet d’une demande de régularisation en ce qu’elle n’est pas conforme aux conditions précisées à l’annexe I des dispositions pratiques d’exécution et que la partie requérante ne procède pas à la régularisation demandée (voir point 101 des dispositions pratiques d’exécution du règlement de procédure du Tribunal) (voir, en ce sens, arrêt du 23 mai 2019, Steinhoff e.a./BCE, T‑107/17, EU:T:2019:353, point 33 et jurisprudence citée).

47      En l’occurrence, force est de constater que, dans la version régularisée de la requête, il a effectivement été remédié aux irrégularités dont la version initiale était entachée au regard des exigences du règlement de procédure et des dispositions pratiques d’exécution de ce règlement. Dans la version régularisée, la requérante a notamment ajouté, comme cela a été demandé par le Tribunal et comme cela est requis par l’annexe I, sous h), des dispositions pratiques d’exécution du règlement de procédure du Tribunal, la date de la notification de la décision de rejet de la réclamation. Par ailleurs, la requérante a procédé à une renumérotation des paragraphes, de sorte que chacun d’eux soit numéroté conformément à l’annexe II, sous d), des dispositions pratiques d’exécution du règlement de procédure. La requérante a également produit un bordereau d’annexes amendé, conformément à l’annexe II, sous f), desdites dispositions pratiques d’exécution.

48      Toutefois, comme l’a relevé à juste titre le Parlement dans ses observations du 29 avril 2021 et dans sa demande du 21 mai 2021, plusieurs références aux annexes ont été ajoutées et certaines modifications ont été apportées à la structure de certains paragraphes dans la version régularisée. Cependant, le Tribunal estime que ces modifications sont mineures et qu’elles ne sont pas de nature à modifier le contenu de la requête, de sorte que la version régularisée de celle-ci, telle que déposée le 19 novembre 2020, peut être considérée comme répondant à la demande de régularisation du 13 novembre 2020. En tant que telle, ladite version régularisée répond notamment aux exigences de recevabilité établies par l’article 76 du règlement de procédure.

49      De surcroît, force est de constater que le Parlement a été invité, au titre d’une mesure d’organisation de la procédure datant du 22 avril 2021, à soumettre ses observations éventuelles sur la version régularisée. Il a été entendu à cet égard lors de l’audience du 27 septembre 2021. Dans ces conditions, il convient de considérer que le Parlement a été mis en mesure d’exercer ses droits de défense au cours de la présente procédure.

50      Dès lors, la version régularisée de la requête, telle que déposée le 19 novembre 2020, est recevable.

 Sur les conclusions en annulation

51      À l’appui de sa demande en annulation de la décision attaquée, la requérante soulève deux moyens. Le premier moyen est tiré d’une violation de l’article 80, paragraphe 2, du RAA. Le second moyen est tiré d’une violation des articles 12 et 12 bis du statut ainsi que de l’article 31 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.

 Sur le premier moyen, tiré d’une violation de l’article 80, paragraphe 2, du RAA

52      Dans le cadre du premier moyen, la requérante invoque une violation de l’article 80, paragraphe 2, du RAA du fait de la nomination de D au poste de « coordinateur LIBE », ce qui aurait entaché la décision de licenciement d’une erreur manifeste d’appréciation et d’un détournement de pouvoir.

–       Sur la première branche du premier moyen, tirée d’une erreur manifeste d’appréciation en raison de la violation de l’article 80, paragraphe 2, du RAA

53      Par la première branche du premier moyen, la requérante soutient que la décision attaquée est entachée d’une erreur manifeste d’appréciation dans la mesure où le Parlement n’aurait pas pris en compte le fait que la nomination de D en tant que « coordinateur LIBE » ait été contraire à l’article 80, paragraphe 2, du RAA. À cet égard, en premier lieu, la requérante fait valoir qu’un agent contractuel tel que D ne pouvait pas être désigné comme supérieur hiérarchique d’un agent temporaire tel qu’elle-même, mais devait lui-même être supervisé soit par un fonctionnaire, soit par un agent temporaire. En second lieu, elle estime qu’un agent contractuel appartenant au groupe de fonctions III ne pouvait pas être chargé des tâches de conseiller dans la mesure où l’article 80, paragraphe 2, du RAA ne prévoirait pas de telles tâches pour les agents classés dans ce groupe de fonctions. Il en résulte, selon la requérante, que la décision attaquée ne pouvait pas se fonder sur le fait qu’elle n’aurait pas respecté l’autorité de D, car ce dernier, compte tenu de la violation de l’article 80, paragraphe 2, du RAA, n’aurait pu être désigné ni comme son supérieur hiérarchique, ni comme conseiller politique, voire comme « coordinateur LIBE ». En revanche, la requérante aurait été habilitée, par son statut d’agent temporaire, à superviser le travail de D et à lui donner des ordres à cet égard, de sorte que le Parlement ne pouvait pas invoquer son comportement envers D pour justifier une résiliation de son contrat. En outre, la requérante n’aurait pas eu l’obligation d’obéir aux instructions de ses supérieurs concernant sa relation de travail avec D dans la mesure où celles-ci auraient été contraires à l’article 80, paragraphe 2, du RAA. Partant, le Parlement ne pourrait pas non plus se fonder, dans la décision attaquée, sur sa méconnaissance de ces instructions et sur sa prétendue inaptitude à s’adapter à ses fonctions. Selon la requérante, ce défaut de prise en compte de la violation de l’article 80, paragraphe 2, du RAA entache la décision attaquée d’une erreur manifeste d’appréciation. Enfin, la requérante fait valoir que ses rapports de notation jusqu’au second semestre de l’année 2019, relatifs à son travail pour le groupe ENL pendant la précédente législature, et sa promotion en janvier 2019, intervenue dans le même contexte, attesteraient d’un comportement et d’un travail excellents, ce qui contredirait les motifs de la décision attaquée, notamment le premier, relatif à son prétendu comportement inapproprié.

54      Le Parlement conteste cette argumentation.

55      À titre liminaire, il convient de constater que, par la première branche du premier moyen et au soutien de sa demande d’annulation de la décision attaquée, la requérante invoque une violation de l’article 80, paragraphe 2, du RAA du fait de la nomination de D au poste de « coordinateur LIBE » au sein du secrétariat du groupe ID.

56      Or, l’article 80, paragraphe 2, du RAA se limite à définir les tâches que les agents contractuels relevant des différents groupes de fonctions sont amenés à exercer.

57      Il ne peut pas être déduit de cet article que celui-ci viserait à protéger un quelconque intérêt subjectif des agents temporaires à ce que d’autres agents, engagés sur une base contractuelle, exercent des responsabilités et des tâches correspondant à leur groupe de fonctions, voire à ce que certaines responsabilités et tâches spécifiques confiées à un agent contractuel leur soient personnellement réservées. Il s’ensuit que, à supposer même que l’AHCC ait méconnu l’article 80, paragraphe 2, du RAA en attribuant les fonctions de « coordinateur LIBE » à D, une telle violation n’aurait pas, en soi, modifié la situation juridique de la requérante, qui s’est vu attribuer, comme il ressort du courriel du 10 juillet 2019 du secrétaire général adjoint du groupe ID, A, visé au point 9 ci-dessus, les fonctions de conseillère politique et non celles de coordinatrice des conseillers politiques des députés du groupe ID dans la commission LIBE. Dès lors, une violation de l’article 80, paragraphe 2, du RAA en raison de l’attribution de certaines tâches à D n’est pas susceptible d’affecter la légalité de la décision attaquée adoptée à l’encontre de la requérante.

58      À cet égard, il y a lieu de relever que la tâche de coordination au sein du secrétariat d’un groupe politique concernant une commission parlementaire revêt nécessairement un caractère plus politique, et ce dans la mesure où le coordinateur doit analyser les différentes opinions au sein dudit groupe afin de pouvoir proposer des positions communes que les députés du groupe pourraient adopter dans la commission parlementaire. Ainsi, cette tâche implique également la prise en compte d’aspects stratégiques et délicats, tels que l’établissement des propositions pour les listes de vote pour les sessions en commission ou la soumission des sujets à aborder au sein de la commission. Dans ces conditions, la confiance mutuelle devant exister entre un agent qui exerce de telles tâches de coordination, sa hiérarchie et les membres du groupe politique peut être encore plus élevée que celle devant exister entre un conseiller politique non chargé de la coordination et le groupe politique. Or, il ressort du dossier que les décisions organisationnelles dans le contexte du recrutement par le groupe ID du personnel pour son secrétariat au début de la législature 2019-2024 démontrent que la requérante ne bénéficiait pas, à ce moment-là, de la confiance nécessaire pour se voir attribuer des tâches de coordination des conseillers politiques des députés de ce groupe dans la commission LIBE.

59      Dans ces conditions, l’argumentation tirée de la prétendue violation de l’article 80, paragraphe 2, du RAA du fait de l’attribution à D des tâches de « coordinateur LIBE » ne saurait prospérer, car, en tant que telle, cette attribution n’a pas modifié la situation juridique de la requérante, qui s’est vu attribuer les tâches d’une conseillère politique sans responsabilités de coordination.

60      Au vu de ce qui précède, l’argumentation tirée d’une violation de l’article 80, paragraphe 2, du RAA du fait de l’attribution à D des fonctions de « coordinateur LIBE » doit être écartée comme étant inopérante.

61      Le caractère inopérant de cette argumentation s’impose d’autant plus concernant la période suivant la réaffectation de la requérante à la commission EMPL, intervenue le 10 septembre 2019. À partir de cette date, la requérante n’était plus affectée en tant que conseillère politique à la commission LIBE, de sorte que la nomination de D en tant que « coordinateur LIBE », qui est selon elle constitutive d’une violation de l’article 80, paragraphe 2, du RAA, ne pouvait plus, en tout état de cause, affecter sa situation.

62      En tout état de cause, force est de constater que la requérante n’est pas parvenue à démontrer que la nomination de D au rôle de « coordinateur LIBE » est intervenue en violation de l’article 80, paragraphe 2, du RAA.

63      Au soutien de son allégation relative à cette violation, d’une part, la requérante fait valoir qu’un agent contractuel appartenant au groupe de fonctions III ne peut pas être chargé des tâches de conseiller, car l’article 80, paragraphe 2, du RAA ne mentionnerait pas de telles tâches pour les agents classés dans ce groupe de fonctions.

64      En l’occurrence, D a effectivement été recruté, tout comme la requérante, en tant que conseiller politique, mais s’est vu attribuer, contrairement à cette dernière, des tâches additionnelles de coordination. Certes, l’article 80, paragraphe 2, du RAA mentionne des tâches de conseil uniquement liées au groupe de fonctions IV et non au groupe de fonctions III, dont relève D. Néanmoins, au vu du large pouvoir d’appréciation des institutions et des organes dans l’évaluation des tâches susceptibles de relever des différents groupes de fonctions visés à l’article 80, paragraphe 2, du RAA, le contrôle du Tribunal doit se limiter à la question de savoir si l’AHCC s’est tenue dans des limites raisonnables et n’a pas usé de son pouvoir d’appréciation de manière manifestement erronée quant à la répartition de ces tâches entre lesdits groupes. À cet égard, force est relever, à l’instar du Parlement lors de l’audience, que le « coordinateur LIBE » assume essentiellement un rôle de communication. En tant que tel, ce rôle peut être considéré comme correspondant aux tâches énumérées de manière non exhaustive à l’article 80, paragraphe 2, du RAA pour ce qui est du groupe de fonctions III, à savoir des « [t]âches d’exécution, de rédaction, de comptabilité et autres tâches techniques équivalentes ». En tout état de cause, l’AHCC n’a pas usé de son pouvoir d’appréciation de manière manifestement erronée en conférant à D des tâches de coordination des conseillers politiques au soutien des députés du groupe ID au sein de la commission LIBE.

65      D’autre part, la requérante fait valoir que l’article 80, paragraphe 2, du RAA requiert que l’agent contractuel appartenant au groupe de fonctions III exécute des tâches « sous la supervision de fonctionnaires ou d’agents ». Or, il ressort du dossier, et cela a été confirmé par les parties lors de l’audience, que D, tout comme la requérante, a exécuté les tâches qui lui avaient été attribuées sous la supervision du secrétaire général adjoint, A, qui lui aussi avait été engagé en tant qu’agent temporaire lors de la période litigieuse. Dans ces conditions, la requérante ne saurait prétendre ni que D aurait exécuté ses tâches sans être supervisé par un fonctionnaire ou un agent temporaire, ni qu’il était son supérieur hiérarchique. À cet égard, il convient de relever que la répartition de tâches telles que celles de coordination relève de l’organisation du travail plutôt que de l’encadrement du personnel. Concernant l’organisation du travail, force est de constater que tout travail en équipe présuppose le respect mutuel des rôles et des compétences des uns et des autres. Aussi, toute tâche collaborative implique un degré d’orientation et de « supervision » des contributions des collègues. Partant, une fonction de « coordination », qui se présente comme une attribution fonctionnelle et non comme une fonction d’encadrement, ne saurait être confondue avec une subordination hiérarchique du seul fait qu’elle implique, de façon nécessaire, une « supervision » des contributions et des tâches réparties.

66      En outre, et toujours contrairement à ce que prétend la requérante, il ne ressort aucunement de l’article 80, paragraphe 2, du RAA que la requérante, en raison de son statut d’agent temporaire, bénéficiait du droit de superviser le travail d’un agent contractuel comme D. Une telle interprétation n’a pas de fondement dans le libellé de l’article 80, paragraphe 2, du RAA. Selon ce libellé, les tâches attribuées à un agent contractuel sont exécutées sous la supervision d’un fonctionnaire ou d’un agent temporaire. Or, l’article 80, paragraphe 2, du RAA ne prévoit pas que tout agent temporaire soit habilité à superviser le travail de tout agent contractuel, en l’absence de l’attribution d’une mission spécifique en ce sens par la hiérarchie compétente.

67      Dès lors, la requérante ne parvient pas, en tout état de cause, à démontrer une violation de l’article 80, paragraphe 2, du RAA en raison de l’attribution à D du rôle de « coordinateur LIBE » qui serait susceptible d’entacher la décision attaquée d’une erreur manifeste d’appréciation.

68      S’agissant de la prétendue erreur manifeste d’appréciation qui entacherait la décision attaquée, il convient de rappeler que celle-ci est motivée par une rupture du lien de confiance entre le groupe ID et la requérante.

69      Selon une jurisprudence constante, la confiance mutuelle est un élément essentiel des contrats de tous les agents temporaires visés à l’article 2, sous c), du RAA (voir arrêt du 17 octobre 2006, Bonnet/Cour de justice, T‑406/04, EU:T:2006:322, point 47 et jurisprudence citée). Il est également de jurisprudence constante que l’existence d’un rapport de confiance ne se fonde pas sur de seuls éléments objectifs et échappe par nature au contrôle juridictionnel, le Tribunal ne pouvant substituer son appréciation à celle de l’AHCC (voir arrêt du 11 septembre 2013, L/Parlement, T‑317/10 P, EU:T:2013:413, point 68 et jurisprudence citée). Dès lors, si l’AHCC compétente décide de la résiliation d’un contrat d’agent temporaire conclu en vertu de l’article 2, sous c), du RAA, en se référant, en particulier, à une perte de confiance, le contrôle du juge de l’Union, eu égard à la particularité de ce type de contrat, qui repose sur un lien de confiance entre l’employeur et l’employé, porte sur la question de savoir si ce motif est plausible. Ce faisant, le juge se limite à contrôler si le motif à l’origine de la décision explicité par l’institution n’est pas entaché d’une erreur manifeste d’appréciation (voir, en ce sens, arrêt du 7 novembre 2019, WN/Parlement, T‑431/18, non publié, EU:T:2019:781, point 78 et jurisprudence citée).

70      Dans le cas d’espèce, il convient donc d’examiner, à titre complémentaire, si les motifs invoqués à l’appui de la décision de licenciement pour rupture du lien de confiance entre le groupe ID et la requérante s’avèrent être plausibles à la lumière des faits de l’espèce.

71      À cet égard, il convient de rappeler qu’il ressort de l’avenant au contrat du 2 mars 2010 signé le 11 juillet 2019 que la requérante a été engagée par le groupe ID avec effet rétroactif à partir du 2 juillet 2019 en tant qu’agent temporaire au titre de l’article 2, sous c), du RAA. Par ailleurs, il ressort du courriel du 10 juillet 2019 du secrétaire général adjoint, A, que la requérante s’est vu attribuer le rôle de conseillère politique au sein du secrétariat du groupe ID chargé des tâches de soutien aux délégations danoise, estonienne et finnoise du groupe ID dans la commission LIBE, tandis que le rôle de « coordinateur LIBE » a été attribué à D. Par ailleurs, il convient de rappeler qu’à partir du 10 septembre 2019, la requérante a été réaffectée en tant que conseillère politique du groupe ID à la commission EMPL et a été chargée des tâches d’assistance auprès desdites délégations dans cette commission.

72      Cette répartition des tâches par le groupe ID entre D et la requérante reflète le degré de confiance que ce groupe, nouvellement constitué à la suite des élections au Parlement en mai 2019, estimait pouvoir accorder, respectivement, à D et à la requérante. Dans ces conditions, et étant donné que le groupe ENL avait été dissous, la requérante ne pouvait pas présumer que le groupe ID nouvellement constitué lui accorderait nécessairement le même degré de confiance que le groupe ENL, qui lui avait également confié des tâches de coordination. Dès lors, la requérante, dont l’engagement par le groupe ID trouve sa base légale dans l’avenant au contrat signé le 11 juillet 2019 et prenant effet rétroactivement le 2 juillet 2019, à savoir le jour de la dissolution du groupe ENL et de la constitution du groupe ID, ne pouvait pas se prévaloir d’un droit de se voir attribuer par le groupe ID nouvellement constitué les mêmes tâches que celles dont elle avait été chargée lors de son embauche par le groupe ENL.

73      C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’analyser, toujours à titre complémentaire, les motifs invoqués au soutien d’une rupture du lien de confiance entre le groupe ID et la requérante. Plus particulièrement, il convient d’examiner si les allégations de la requérante relatives à la prétendue violation de l’article 80, paragraphe 2, du RAA, à supposer cette dernière établie, quod non, sont susceptibles de priver ces motifs de plausibilité.

74      S’agissant du premier motif invoqué dans la décision de licenciement au titre de la rupture du lien de confiance, à savoir le comportement inapproprié de la requérante envers D, cette dernière ne saurait se prévaloir de la prétendue violation de l’article 80, paragraphe 2, du RAA afin de ne pas se conformer aux décisions organisationnelles prises à son égard, laquelle violation justifierait, selon elle, son comportement envers le « coordinateur LIBE », D. À cet égard, il y a lieu de rappeler que, en tant que conseillère politique, la requérante ne s’est pas vu attribuer les tâches de coordination au sein du secrétariat du groupe ID des conseillers politiques chargés de la commission LIBE, ni la responsabilité de superviser le travail du « coordinateur LIBE », D. Ainsi, elle n’était pas habilitée à interférer dans le travail effectué par D en tant que « coordinateur LIBE », son rôle étant clairement circonscrit à l’assistance de certaines délégations nationales au sein du groupe ID dans la commission LIBE.

75      Or, les courriels des 12 et 15 juillet et des 16 et 17 septembre 2019, adressés notamment au secrétaire général du groupe ID et au secrétaire général adjoint de ce même groupe, B, ainsi que le courriel du 2 septembre 2019, adressé à D, démontrent que la requérante ne se conformait pas aux instructions de ses supérieurs hiérarchiques concernant la définition de ses tâches et qu’elle cherchait à remettre en cause la façon dont D exécutait les tâches qui lui étaient attribuées. Ainsi, même après que sa hiérarchie lui a explicitement demandé de s’abstenir d’interférer dans le travail de D, elle a affirmé à ses supérieurs hiérarchiques que certains conseils que D avait donnés aux députés ID dans la commission LIBE étaient erronés. En outre, elle a critiqué auprès de ses supérieurs une orientation de D lors d’une réunion des coordinateurs au sein des secrétariats des groupes politiques dans la commission LIBE et a remis en cause la liste de vote sur le budget établie par D. Par ailleurs, elle a demandé à ce dernier de changer sa pratique relative à l’attribution des dossiers aux conseillers politiques et a relevé le fait que le groupe ID avait soumis uniquement une proposition d’audience au secrétariat LIBE et n’avait pas respecté certains délais fixés par ce dernier. Enfin, dans le courriel du 17 juillet 2019 transmis au secrétaire général, elle a proposé d’ajouter certains points à l’ordre du jour d’une réunion préparatoire des députés ID dans la commission LIBE, alors que l’ordre du jour avait déjà été établi et distribué par D.

76      Il y a lieu de considérer que la perte de confiance à l’égard d’un agent peut paraître plausible à la lumière d’un comportement répété tel que celui mis en évidence au point 75 ci-dessus, en particulier lorsque l’agent agit à l’encontre des instructions de ses supérieurs hiérarchiques.

77      Force est également de constater à cet égard que la requérante n’avance pas d’éléments qui suggéreraient que D aurait outrepassé, dans sa relation professionnelle avec elle, les compétences qui lui avaient été attribuées ou qu’il lui aurait donné des ordres qui n’entraient pas dans le cadre de ses fonctions en tant que « coordinateur LIBE ». Il s’avère, dès lors, que la requérante a fait preuve du comportement mis en exergue au point 75 ci-dessus, sans que ce comportement puisse être considéré comme ayant été suscité par le « coordinateur LIBE » dans son interaction avec elle. Au contraire, le comportement de la requérante tel que décrit au point 75 ci-dessus indique plutôt qu’elle a interféré de son propre chef dans les travaux du « coordinateur LIBE », ce qui corrobore la plausibilité du motif de licenciement lié à son comportement inapproprié envers ce dernier.

78      S’agissant du deuxième motif invoqué dans la décision attaquée au soutien de la perte du lien de confiance, à savoir l’inaptitude de la requérante à s’adapter à ses fonctions de conseillère politique telles que définies par l’AHCC, il convient de rappeler de nouveau qu’à la suite de la décision organisationnelle prise par le groupe ID pour son secrétariat dans le cadre de sa constitution pour la législature 2019-2024, les tâches attribuées à la requérante ne comprenaient ni celles de « coordinateur LIBE », ni la supervision de D. Or, comme il ressort du point 75 ci-dessus, la requérante a néanmoins, dès le début de son contrat avec le groupe ID, entamé des démarches qui étaient, en vertu de cette attribution des tâches et des responsabilités, réservées à d’autres collaborateurs de ce groupe. Aussi, le fait d’avoir distribué un manuel sur le travail au sein de la commission LIBE aux assistants parlementaires des députés du groupe ID sans avoir préalablement consulté D en tant que « coordinateur LIBE » atteste d’une inaptitude de la requérante à se limiter aux tâches qui lui avaient été attribuées par le secrétariat du groupe ID. Il en va de même pour sa proposition, faite après sa réaffectation à la commission EMPL, de diviser les députés du groupe ID dans la commission LIBE en deux équipes afin de constituer une équipe dont elle serait chargée de façon autonome. S’il peut être compréhensible et légitime qu’un agent cherche à faire preuve de ses capacités professionnelles et à prendre des initiatives, y compris par le biais de propositions portant sur l’organisation du travail au sein de l’entité à laquelle il est rattaché, il n’en reste pas moins que son comportement doit respecter les compétences qui lui ont été attribuées et les instructions qui lui ont été données par ses supérieurs hiérarchiques, sous peine de rompre le lien de confiance avec ces derniers en ne se conformant pas à leurs décisions organisationnelles.

79      Les instructions reçues par la requérante à cet égard, par exemple dans le courriel du secrétaire général du groupe ID du 12 juillet 2019 faisant suite à son courriel du 11 juillet 2019 dans lequel elle s’adressait à tous les députés ID dans la commission LIBE et faisait état d’une réunion des coordinateurs, ou dans le courriel du 25 juillet 2019 du secrétaire général adjoint du groupe ID, A, en réaction à sa rédaction du manuel sur le travail au sein de la commission LIBE pour les députés ID, étaient très claires en ce qu’elles lui rappelaient la nécessité de respecter la répartition des tâches entre les conseillers politiques du secrétariat du groupe ID au soutien des députés dans la commission LIBE et de ne pas outrepasser ses propres compétences.

80      Force est de constater que la requérante n’était pas habilitée à remettre en cause les décisions organisationnelles prises par ses supérieurs hiérarchiques dans le secrétariat du groupe ID et reflétant le degré de confiance que ce groupe était disposé à lui accorder et à accorder à D. Par conséquent, la requérante ne saurait prétendre qu’elle était habilitée à méconnaître les demandes formulées par D à son égard, comme celles énoncées dans ses courriels du 11 juillet et du 2 septembre 2019, dans lesquels il lui demandait de ne plus remettre en cause ses fonctions et de respecter son travail. Dès lors, l’AHCC n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation en considérant que la requérante avait fait preuve d’une inaptitude à s’adapter à ses fonctions de conseillère politique telles que définies par l’AHCC, celle-ci ayant mené à la perte de la confiance que ses supérieurs hiérarchiques avaient placée en elle.

81      Quant au troisième motif invoqué à l’appui de la décision de licenciement pour rupture du lien de confiance, à savoir des difficultés de communication et un manque de discrétion de la part de la requérante, il y a lieu de constater que l’argumentation de cette dernière, qui ne se réfère pas de manière explicite à ce troisième motif, n’indique pas dans quelle mesure celui-ci serait privé de plausibilité. En tout état de cause, il convient de relever que, par courriel du 10 octobre 2019, la requérante a envoyé un résumé de la réunion qui s’est tenue le 8 octobre 2019 au sujet de sa situation professionnelle à des personnes qui n’avaient pas été invitées à cette réunion. Cela corrobore la plausibilité du motif tiré d’un manque de discrétion.

82      D’autres courriels envoyés par la requérante sont également de nature à étayer ce motif. À titre d’exemple, il convient de relever notamment le courriel du 2 septembre 2019, dans lequel elle critiquait le travail de D à plusieurs égards et qu’elle a envoyé non seulement à D, mais aussi au secrétaire général du groupe ID, aux deux secrétaires généraux adjoints du groupe ID, B et A, aux députés H et G ainsi qu’au troisième conseiller politique du groupe ID dans la commission LIBE, F, ou le courriel du 22 octobre 2019 par lequel elle a transféré sa convocation par le président du groupe ID à la réunion du 14 novembre 2019 pour discuter de la résiliation de son contrat à dix personnes liées au groupe ID, dont les députés des délégations danoise, estonienne et finnoise et leurs assistants parlementaires.

83      Au vu de ce qui précède, force est de constater que la requérante a fait preuve, dès le début de son engagement par le groupe ID, d’un comportement caractérisé par un manque de conformité avec les termes de son engagement et avec la décision organisationnelle adoptée par ses supérieurs hiérarchiques quant à l’attribution des tâches et des fonctions respectives au sein du secrétariat du groupe ID dans le cadre de la constitution de ce groupe pour la législature 2019-2024. Par ailleurs, son expérience professionnelle antérieure dans un poste similaire au sein de l’ancien groupe ENL et la progression continue de sa carrière au sein du Parlement ne lui conféraient pas le droit de se voir attribuer des tâches de coordination et de supervision d’un agent contractuel que le groupe ID ne souhaitait pas lui confier. Dans la mesure où elle n’a pas mis fin à ce comportement caractérisé par un manque de conformité avec les termes de son engagement et avec la décision organisationnelle et les instructions de sa hiérarchie, en dépit de demandes répétées, notamment de ses supérieurs hiérarchiques, l’AHCC était en droit de considérer que le lien de confiance avait été rompu en raison de ce comportement.

84      S’agissant de l’argument de la requérante selon lequel la plausibilité des motifs de la décision de licenciement serait remise en cause par ses rapports de notation antérieurs au second semestre de l’année 2019 et à sa promotion en janvier 2019, tous positifs, il suffit de relever que cet argument est dépourvu de pertinence dans la mesure où les motifs de la décision attaquée se réfèrent à des incidents postérieurs au 2 juillet 2019, intervenus lors de son emploi au sein du groupe ID, tandis que les rapports de notation susmentionnés portaient sur son emploi au sein de l’ancien groupe ENL lors de la législature 2014-2019. À cet égard, il y a lieu de rappeler qu’une notation excellente pour une certaine période n’exclut pas que cette notation soit différente pour une autre période. En l’espèce, il convient de relever que les rapports positifs et la promotion s’inscrivaient dans le contexte du travail effectué par la requérante dans le cadre de la législature antérieure pour le groupe ENL. Or, ce contexte a changé avec la dissolution du groupe ENL, la constitution du groupe ID et l’affectation de la requérante à un rôle et à des tâches non identiques à ceux qu’elle assumait auparavant. À cet égard, il y a lieu de relever que la plausibilité des motifs d’un licenciement pour rupture du lien de confiance dans un nouveau contexte n’est pas mise en cause par le fait qu’un contexte antérieur était plus satisfaisant. En l’espèce, le fait que, dans le rapport de notation portant sur le second semestre de l’année 2019 et sur son emploi au sein du groupe ID, le comportement de la requérante ait été évalué comme « insuffisant » et « déficient », contrairement aux rapports précédents, renforce même la plausibilité des motifs à l’origine de la décision attaquée. En effet, le début de la période relevée dans le cadre de ce rapport coïncide avec le moment de la constitution du groupe ID, de la nomination de D en tant que conseiller politique et « coordinateur LIBE » et de la nomination de la requérante comme conseillère politique sans fonction de coordination, moment qui apparaît comme étant à l’origine des difficultés entre la requérante et le groupe ID.

85      Dès lors, l’AHCC compétente a pu, sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation, constater la rupture du lien de confiance et, partant, adopter la décision attaquée.

86      La première branche du premier moyen doit donc être rejetée dans son ensemble.

–       Sur la seconde branche du premier moyen, tirée d’un détournement de pouvoir

87      Dans le cadre de la seconde branche du premier moyen, la requérante fait valoir que l’absence de prise en compte de la violation de l’article 80, paragraphe 2, du RAA entache la décision attaquée non seulement d’une erreur manifeste d’appréciation, mais également d’un détournement de pouvoir.

88      Le Parlement conteste cette allégation.

89      D’emblée, il y a lieu de relever que l’allégation d’un détournement de pouvoir faite dans le cadre du premier moyen n’est pas étayée par une argumentation spécifique. Lors de l’audience, la requérante a expliqué que la décision attaquée serait entachée d’un détournement de pouvoir en ce qu’elle a mis fin à son contrat afin de la mettre « hors service » immédiatement au motif qu’elle aurait exprimé des préoccupations quant à sa situation professionnelle. Or, cette argumentation relève plutôt de l’allégation d’un détournement de pouvoir telle qu’avancée dans le cadre du second moyen. Ainsi, la requérante n’est pas parvenue à expliquer la portée autonome de la présente allégation de détournement de pouvoir par rapport à celle d’un détournement de pouvoir telle que formulée dans le cadre du second moyen. Partant, l’allégation d’un détournement de pouvoir est examinée dans le cadre du second moyen. En tout état de cause, il résulte du rejet de la première branche du présent moyen que la requérante n’a pas démontré une violation de l’article 80, paragraphe 2, du RAA. Dès lors, dans la mesure où le détournement de pouvoir tel qu’allégué dans le cadre du premier moyen est lié à une prétendue violation de l’article 80, paragraphe 2, du RAA, cette branche doit être rejetée comme étant inopérante ou, en tout état de cause, non fondée, sans qu’il soit besoin de statuer sur sa recevabilité au regard de l’article 76 du règlement de procédure.

90      Dans ces conditions, il y a lieu de rejeter la seconde branche du premier moyen et, dès lors, ce moyen dans son ensemble.

 Sur le second moyen, tiré d’une violation des articles 12 et 12 bis du statut et de l’article 31 de la charte des droits fondamentaux

91      Par le second moyen, la requérante demande, en substance, l’annulation de la décision attaquée au motif qu’elle aurait été victime d’un harcèlement moral au sens de l’article 12 bis du statut et d’un comportement contraire à l’article 12 dudit statut. Selon elle, la décision attaquée s’inscrivait dans un contexte de harcèlement moral qui aurait porté atteinte à son droit à des conditions de travail justes et équitables prévu à l’article 31, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux.

92      À cet égard, il convient de rappeler la jurisprudence constante selon laquelle, même si, en raison de sa nature, l’existence d’un harcèlement moral ne peut, par principe, être invoquée qu’au soutien de conclusions aux fins d’annulation dirigées contre le rejet d’une demande d’assistance (voir arrêt du 30 juin 2021, FD/Entreprise commune Fusion for Energy, T‑641/19, non publié, EU:T:2021:388, point 37 et jurisprudence citée), un moyen tiré d’un prétendu harcèlement peut, par exception, être invoqué à l’encontre d’une décision de résiliation de contrat pour rupture du lien de confiance s’il apparaît qu’un lien existe entre le harcèlement en cause et les motifs de cette décision, puisque, dans un tel cas, cela signifierait que l’AHCC, par l’entremise de ses fonctionnaires et de ses agents hiérarchiquement élevés, aurait usé de son pouvoir en vue d’atteindre un but illégal au regard de l’article 12 bis du statut, lequel prévoit que « [t]out fonctionnaire s’abstient de toute forme de harcèlement moral et sexuel » (voir, en ce sens, arrêt du 24 avril 2017, HF/Parlement, T‑584/16, EU:T:2017:282, point 92 et jurisprudence citée).

93      Cependant, dans le cadre d’un recours visant l’annulation d’une décision de résiliation de contrat pour rupture du lien de confiance, il faut que la personne intéressée démontre l’incidence des agissements qui seraient constitutifs d’un harcèlement moral sur la teneur de l’acte attaqué ou, plus généralement, le lien entre le harcèlement en cause et les motifs de cet acte (voir, en ce sens, arrêt du 30 juin 2021, FD/Entreprise commune Fusion for Energy, T‑641/19, non publié, EU:T:2021:388, point 38 et jurisprudence citée). Un tel lien peut notamment résulter du fait que l’agent n’a pas pu démontrer son aptitude à exercer ses fonctions du fait de l’existence d’un harcèlement moral (voir, en ce sens, arrêt du 6 juin 2019, Bonnafous/EACEA, T‑614/17, non publié, EU:T:2019:381, point 223 et jurisprudence citée) ou encore de la circonstance selon laquelle l’acte attaqué a été adopté dans le but de nuire à l’agent, par exemple à titre de représailles, et est, par suite, entaché d’un détournement de pouvoir (voir, en ce sens, arrêt du 13 décembre 2017, CJ/ECDC, T‑692/16, non publié, EU:T:2017:894, point 107 et jurisprudence citée).

94      À la lumière de ce qui précède, il y a lieu de constater que le second moyen, relatif à la violation des articles 12 et 12 bis du statut, s’articule autour de deux branches tirées, la première, d’une erreur manifeste d’appréciation, et, la seconde, d’un détournement de pouvoir.

–       Sur la première branche du second moyen, tirée d’une erreur manifeste d’appréciation en raison d’une violation des articles 12 et 12 bis du statut et de l’article 31 de la charte des droits fondamentaux

95      La requérante soutient que la décision attaquée a méconnu les articles 12 et 12 bis du statut et l’article 31, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux dans la mesure où elle aurait été victime d’un harcèlement moral du fait du comportement de ses supérieurs hiérarchiques, ce qui l’aurait empêchée de démontrer son aptitude à exercer ses fonctions. Ainsi, la décision attaquée serait entachée d’une erreur manifeste d’appréciation en ce qu’elle se fonde sur le motif de son inaptitude à s’adapter à ses fonctions.

96      À cet égard, en premier lieu, la requérante expose qu’elle aurait fait l’objet d’une stratégie concertée d’isolement en ce qu’elle aurait été progressivement exclue du travail et des activités des commissions parlementaires auxquelles elle était attachée en tant que conseillère politique. Ainsi, elle n’aurait pas été invitée à participer à la mission du groupe ID à Tallinn (Estonie) en décembre 2019, alors que cette visite aurait été étroitement liée aux sujets de la commission LIBE. En outre, elle n’aurait pas non plus été missionnée pour la session plénière à Strasbourg (France) en décembre 2019. De plus, son adresse de courriel aurait été retirée de la liste de la commission LIBE en novembre 2019, sans qu’elle en soit préalablement informée, et elle aurait de surcroît été exclue de toute communication au sein du groupe ID dans la mesure où elle n’aurait pas pu participer aux réunions préparatoires, n’aurait pas reçu les listes de vote, n’aurait pas été nommée responsable de certains rapports et de certaines opinions et n’aurait pas été incluse dans certains « groupes WhatsApp ». Depuis son licenciement, elle n’aurait pas reçu de commentaires au sujet de son travail et toutes ses demandes de formation auraient été ignorées. De plus, elle aurait fait l’objet d’« informations controversées » et n’aurait jamais reçu, depuis septembre 2019, d’instructions de la part de ses supérieurs hiérarchiques concernant ses nouvelles responsabilités, de sorte qu’elle aurait été empêchée de s’acquitter de ses fonctions.

97      En second lieu, la requérante expose que ses supérieurs hiérarchiques auraient fait preuve d’agissements inacceptables envers elle. Le secrétaire général adjoint du groupe ID, C, aurait en effet adopté une attitude agressive et intimidante à son égard, ce qui serait étayé par deux courriels. Dans un courriel du 4 juillet 2019, C lui aurait reproché, sans fondement, d’être la source des problèmes au sein de la délégation allemande, lui aurait interdit d’agir en tant que conseillère politique auprès de la commission LIBE et l’aurait menacée de l’exclure de toute activité future relative à cette commission. Dans un courriel du 10 octobre 2019, C aurait exprimé son désir de la licencier. Dans ce contexte, la requérante expose également que, pendant cette même période, des lettres anonymes au contenu diffamatoire à son sujet auraient été placées dans les boîtes aux lettres de certains députés dans l’intention de justifier son licenciement, ce qui témoignerait également de la stratégie d’intimidation à son égard.

98      Le « coordinateur LIBE », D, aurait cherché à l’isoler en empêchant toute communication avec elle et en remettant en cause ses capacités professionnelles devant ses collègues. Il aurait employé un ton agressif envers elle. Cela ressortirait par exemple de ses courriels du 11 juillet et du 2 septembre 2019. De plus, elle aurait été forcée de s’asseoir au dernier rang lors d’une réunion des coordinateurs de la commission LIBE le 6 novembre 2019. Par la suite, D aurait ignoré sa demande de réserver des sièges dans la même rangée pour tous les participants liés au groupe ID.

99      Cette stratégie d’isolement alléguée aurait aussi été soutenue par le secrétaire général du groupe ID. Celui-ci ne lui aurait pas apporté son soutien, mais lui aurait au contraire reproché d’intervenir dans le travail de D et de se comporter de manière humiliante envers celui-ci. De plus, le rapport de notation pour l’année 2018, tel que d’abord rédigé par le secrétaire général du groupe ID, aurait été établi selon une procédure irrégulière et aurait un contenu diffamatoire.

100    S’agissant du président du groupe ID, celui-ci aurait également participé à la stratégie d’intimidation en lui reprochant, dans une lettre du 18 novembre 2019, premièrement, d’avoir mis en ligne sur le réseau social Facebook deux photos où elle apparaissait en train de pratiquer une activité sportive alors qu’elle se trouvait en congé maladie et, deuxièmement, d’avoir envoyé le résumé de la réunion du 8 octobre 2019 au sujet de sa situation à un grand nombre de personnes, violant ainsi ses obligations de confidentialité et de discrétion. En outre, il l’aurait discriminée en raison de sa nationalité hongroise, ce qui ressortirait de ses propos tenus lors de la réunion du 14 novembre 2019 et ce qui violerait notamment l’article 21 de la charte des droits fondamentaux.

101    La requérante précise que, à supposer même que l’ensemble de ces faits ne puissent être qualifiés de harcèlement moral au sens de l’article 12 bis du statut, ils pourraient démontrer une erreur manifeste d’appréciation entachant la décision attaquée. En outre, les comportements à son égard l’auraient placée dans des conditions de travail qui n’auraient pas respecté sa santé, sa sécurité et sa dignité, ce qui violerait l’article 31, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux.

102    Enfin, la requérante expose que l’AHCC n’aurait pas consulté le trésorier du groupe ID en tant que membre de la présidence de ce groupe avant d’adopter la décision attaquée, alors qu’il serait prévu à l’article 10, paragraphe 5, des règles internes du groupe ID que toute décision concernant la composition du secrétariat du groupe politique ID devait être prise par la présidence. Ainsi, l’AHCC aurait enfreint le principe d’égalité de traitement, de sorte qu’il ne pourrait être exclu que la décision aurait été différente si les procédures prévues par les règles internes du groupe ID avaient été respectées.

103    Le Parlement conteste ces arguments.

104    À titre liminaire, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence citée au point 93 ci-dessus, pour invoquer l’existence d’un harcèlement moral au soutien de conclusions aux fins de l’annulation d’une décision de licenciement, un lien entre le harcèlement en cause et la décision contestée, pouvant notamment se traduire par le fait que l’agent n’était pas en mesure de démontrer son aptitude à exercer ses fonctions en raison du harcèlement moral dont il faisait l’objet, doit être établi.

105    Par ailleurs, concernant le contrôle par le juge de l’erreur manifeste d’appréciation entachant une décision de licenciement pour rupture du lien de confiance, il ressort de la jurisprudence citée au point 69 ci-dessus que le juge est tenu de vérifier si les motifs de la décision attaquée sont plausibles. Ce faisant, le juge ne substitue pas son appréciation à celle de l’autorité compétente, selon laquelle la rupture du lien de confiance est avérée, mais se limite à contrôler si le motif à l’origine de la décision explicité par l’institution n’est pas entaché d’erreur manifeste d’appréciation.

106    Il convient donc d’examiner si les faits dénoncés par la requérante permettent d’établir qu’elle n’était pas en mesure de démontrer son aptitude à exercer ses fonctions, de sorte que les motifs à l’origine de la décision attaquée seraient privés de plausibilité.

107    À cet égard, tout d’abord, il convient de constater que la requérante ne fait pas valoir dans sa requête qu’elle n’a pas pu exercer, en raison du prétendu harcèlement moral, les fonctions de conseillère politique au soutien, dans un premier temps, des députés du groupe ID dans la commission LIBE et au soutien, ensuite, des députés de ce groupe dans la commission EMPL, telles qu’elles lui avaient été attribuées par ses supérieurs hiérarchiques. Au contraire, il ressort notamment du rapport de notation couvrant la période litigieuse, à savoir la période allant du 2 juillet au 31 décembre 2019, que son travail à cet égard avait été qualifié de « très bien ». Plus particulièrement, divers critères relatifs à ses capacités professionnelles, comme son aptitude à gérer des dossiers dans le respect des procédures internes, ont été évalués comme étant « très bien ». Ses connaissances ont même été évaluées comme étant « excellentes ».

108    Dans ces conditions, la requérante ne saurait prétendre qu’elle n’a pas été en mesure d’exercer son rôle de conseillère politique et, partant, qu’elle était empêchée d’exercer les fonctions qui lui avaient été attribuées.

109    De surcroît, il convient également de relever que, contrairement à ce que prétend la requérante, la décision attaquée n’est pas fondée sur une inaptitude à exercer les tâches de conseillère politique qui lui avaient été attribuées. En effet, dans la mesure où la décision attaquée invoque l’inaptitude de la requérante à s’adapter à ses fonctions, elle vise plutôt son incapacité à respecter la répartition des tâches entre elle et le « coordinateur LIBE » au sein du secrétariat du groupe ID. Ainsi, la décision attaquée justifie la rupture du lien de confiance par le comportement de la requérante et non par des erreurs dans l’exécution des tâches qui lui avait été attribuées. Dans ces conditions, à supposer même que la requérante parvienne à démontrer qu’elle n’a pas été en mesure d’exercer ses tâches en raison d’un harcèlement moral, cela ne remettrait pas en soi en cause les motifs tels que retenus par la décision attaquée, qui visent tous son comportement.

110    En ce qui concerne le comportement de la requérante, qui avait fait l’objet d’une évaluation négative dans le rapport de notation portant sur le second semestre de l’année 2019 et qui avait, in fine, mené à la rupture du lien de confiance telle que constatée dans la décision attaquée, il y a lieu de relever que celui-ci ne saurait pas non plus nécessairement être considéré comme la conséquence d’un prétendu harcèlement moral, comme l’allègue la requérante en soulevant l’existence d’une stratégie concertée d’exclusion et d’isolement à son détriment, de comportements individuels de divers agents du secrétariat du groupe ID et le défaut de consultation du trésorier du groupe ID avant l’adoption de la décision attaquée.

111    S’agissant, tout d’abord, de l’allégation de la requérante selon laquelle elle aurait fait l’objet d’une stratégie d’isolement progressif dans la mesure où, premièrement, elle n’a pas été missionnée à Tallinn et à Strasbourg en décembre 2019, force est de constater que ces missions ont eu lieu après l’adoption de la décision attaquée. Il s’ensuit que le fait qu’elle n’a pas été missionnée à Tallinn et à Strasbourg en décembre 2019 ne peut affecter la légalité de la décision attaquée. Tel est également le cas des rejets des demandes de formation invoqués par la requérante, ces demandes ayant été introduites en janvier 2020, à savoir postérieurement à la date d’adoption de la décision attaquée.

112    En ce qui concerne les arguments de la requérante selon lesquels elle aurait été exclue de la communication au sein du groupe ID, force est de constater qu’il ressort de son courriel du 14 octobre 2019 qu’elle avait elle-même demandé à être retirée des listes de distribution relatives à la commission LIBE. Pour le reste, il y a lieu de considérer que ses allégations ne sont assorties d’aucune pièce permettant d’en établir l’exactitude, la requérante se bornant à énumérer ces reproches sans pour autant apporter les preuves correspondantes. Quant à une liste de vote que la requérante n’a pas reçue en septembre 2019, il ressort du dossier que c’est par erreur que cette liste ne lui a pas été envoyée, sans qu’elle en ait apporté la preuve contraire. De plus, force est de constater qu’à partir du 10 septembre 2019, la requérante a été réaffectée à la commission EMPL, de sorte qu’il n’est pas étonnant qu’elle n’ait plus été invitée à toutes les réunions ni qu’elle n’ait plus reçu les communications liées à la commission LIBE. Ainsi, il ressort du dossier que, à partir de cette réaffectation, elle a bien été incluse dans les listes de distribution relatives à la commission EMPL et a bien reçu les invitations aux réunions de cette commission. Quant à l’argument de la requérante selon lequel elle aurait reçu des « informations controversées » et des instructions peu claires de la part de ses supérieurs hiérarchiques, il y a lieu de constater que le courriel du 10 juillet 2019, par lequel le secrétaire général adjoint du groupe ID, A, a nommé la requérante conseillère politique pour la commission LIBE et D « coordinateur LIBE », était formulé de façon claire et sans équivoque. Par ailleurs, dans les deux courriels du secrétaire général adjoint du groupe ID, A, et du secrétaire général du groupe ID du 10 septembre 2019, ou encore dans le courriel de ce dernier du 16 octobre 2019, il a été clairement indiqué à la requérante qu’elle ne faisait plus partie de l’équipe LIBE, qu’elle devait uniquement assister le député danois, H, et qu’elle devait uniquement agir, en ce qui concernait la commission LIBE, à la demande de ce député ou des députés estonien et finlandais. Partant, il y a lieu de considérer que les instructions que la requérante a reçues étaient suffisamment claires pour lui permettre de comprendre qu’elle n’était plus conseillère politique de la commission LIBE à partir du 10 septembre 2019, ce qui pouvait lui permettre de s’adapter à ses fonctions.

113    Il convient également de relever que les faits invoqués par la requérante concernant l’existence d’une stratégie d’isolement et d’exclusion se sont produits pendant une période de temps relativement courte couvrant les mois de juillet à décembre 2019. Si le fait que cette période soit relativement courte ne s’oppose pas en tant que tel à la mise en place d’une telle stratégie, il y a néanmoins lieu de relever, à l’instar du Parlement, que l’allégation de l’existence d’une stratégie d’isolement manque de plausibilité au vu du déroulement des événements. En effet, il n’apparaît pas plausible qu’un groupe politique recrute une collaboratrice pour l’isoler dès son recrutement. En l’espèce, il convient également de tenir compte du fait que, à la suite des difficultés rencontrées par la requérante dans le cadre de son travail relatif à la commission LIBE, sa hiérarchie a décidé de la réaffecter à une autre commission parlementaire, à savoir la commission EMPL. Cette réaffectation peut être comprise comme une preuve de la volonté du groupe ID d’offrir à la requérante un nouvel environnement professionnel au sein du secrétariat, et ce dans un souci de remédier aux difficultés que cette dernière avait prétendument rencontrées dans sa collaboration avec le « coordinateur LIBE ». En tant que telle, la réaffectation de la requérante à la commission EMPL remet en cause la plausibilité de l’allégation de l’existence d’une stratégie d’isolement professionnel à son encontre. Au contraire, cette réaffectation corrobore plutôt l’intention du secrétariat de la réintégrer dans le flux de travail au sein du secrétariat du groupe ID malgré les difficultés constatées.

114    S’agissant, ensuite, des allégations relatives à de nombreux comportements de divers agents du secrétariat du groupe ID, il y a lieu de constater que la requérante n’avance aucun élément permettant d’établir que les courriels, d’une part, du secrétaire général adjoint du groupe ID, C, en date 4 juillet et du 10 octobre 2019 et, d’autre part, du secrétaire général du groupe ID, en date du 12 juillet 2019, auraient dépassé le cadre habituel d’un rapport hiérarchique ou qu’ils pourraient être considérés comme étant abusifs ou dénués de tout lien avec des faits objectifs. Tel est également le cas des courriels de D du 11 juillet et du 2 septembre 2019, qui ne permettent pas de constater l’emploi de propos dépassant le cadre habituel d’une relation professionnelle entre collègues. Dans la mesure où la requérante reproche à ce dernier un manque de communication et de coopération, il convient de rappeler que le fait qu’un fonctionnaire ait des relations difficiles, voire conflictuelles, avec ses collègues ou ses supérieurs hiérarchiques ne constitue pas à lui seul la preuve d’un harcèlement moral (voir arrêt du 17 septembre 2014, CQ/Parlement, F‑12/13, EU:F:2014:214, point 87 et jurisprudence citée). Par conséquent, à supposer même que D ait effectivement ignoré certaines propositions de la requérante concernant l’organisation du travail, ce fait ne permettrait pas en soi d’établir un comportement constitutif d’un harcèlement à l’égard de la requérante. En revanche, il doit être tenu compte du fait que la requérante a également contribué à la détérioration de sa relation professionnelle avec D en critiquant ce dernier publiquement à plusieurs reprises et en essayant d’empiéter sur ses compétences en tant que coordinateur de la commission LIBE. Enfin, quant aux lettres anonymes qui auraient également encouragé le licenciement de la requérante, force est de constater que cette dernière ne reproduit ni ces lettres, ni une pièce permettant d’établir leur contenu, voire leur auteur.

115    Dans la mesure où la requérante allègue que son rapport de notation 2018 relatif à son emploi auprès de l’ancien groupe ENL, rédigé par le secrétaire général du groupe ID, a un contenu diffamatoire et a été établi selon une procédure irrégulière, il convient de rappeler que des notes et des appréciations, même négatives, figurant dans un rapport de notation ne sauraient, en tant que telles, être considérées comme des indices de ce que le rapport aurait été établi dans un but de harcèlement moral (arrêt du 11 juillet 2013, Tzirani/Commission, F‑46/11, EU:F:2013:115, point 62). En l’espèce, il y a lieu de relever que ce rapport de notation, tel qu’il a été établi tout d’abord par le secrétaire général du groupe ID en sa qualité d’ancien secrétaire général de l’ancien groupe ENL, contient des remarques uniquement positives, et qu’il a été annulé par le secrétaire général du Parlement au seul motif que le groupe ENL, pour lequel la requérante travaillait en 2018, avait été dissous, de sorte que les pouvoirs relatifs à l’évaluation dévolus à l’AHCC par le RAA devaient être exercés par le secrétaire général du Parlement. Dans la mesure où la requérante fait valoir que le rapport litigieux a été rédigé tardivement, car il aurait dû être finalisé pour le 31 mars 2019 et a été envoyé par le secrétaire général du groupe ID la veille de la réunion du 14 novembre 2019, force est de constater que cela n’indique pas que ce rapport a été établi dans le but de lui nuire et de propager une image dégradante de son travail et de sa personnalité comme elle le prétend. En tout état de cause, la requérante n’établit pas dans quelle mesure la rédaction de ce rapport l’aurait empêchée de démontrer son aptitude à exercer ses fonctions.

116    S’agissant des allégations relatives au comportement du président du groupe ID, la requérante n’a aucunement démontré dans quelle mesure le fait que ce dernier ait évoqué la publication en ligne de deux photos ou ait relevé une violation des obligations de confidentialité et de discrétion de sa part l’aurait empêchée d’exercer ses fonctions et, dès lors, serait susceptible d’entacher la décision attaquée d’une erreur manifeste d’appréciation. En ce qui concerne la prétendue discrimination par le président du groupe en raison de sa nationalité hongroise, les pièces produites par la requérante, à savoir notamment le témoignage du représentant du personnel l’ayant assistée lors de la réunion du 14 novembre 2019, ne suffisent pas pour établir une telle discrimination. S’il ressort de ce témoignage que le président du groupe ID aurait commencé la réunion en relevant que ledit groupe n’avait pas de délégation hongroise et qu’il avait été difficile de la « faire monter à bord », cette remarque peut être comprise comme soulignant la volonté de ce groupe de trouver une solution afin d’embaucher la requérante en dépit de l’absence d’une délégation hongroise en son sein. Dans ces conditions, la requérante n’a pas démontré qu’elle aurait été discriminée en raison de sa nationalité hongroise, de sorte qu’une violation de l’article 21 de la charte des droits fondamentaux n’est pas établie.

117    Enfin, en réponse à l’argument de la requérante selon lequel le fait que l’AHCC n’aurait pas consulté le trésorier du groupe ID avant d’adopter la décision attaquée démontrerait l’existence d’un comportement abusif, il suffit de rappeler que, selon une jurisprudence constante, une irrégularité procédurale ne saurait être sanctionnée par l’annulation de la décision attaquée que s’il est établi que cette irrégularité procédurale a pu influer sur le contenu de la décision (voir arrêt du 22 mars 2018, HJ/EMA, T‑579/16, non publié, EU:T:2018:168, point 55 et jurisprudence citée). Or, la requérante n’avance pas d’éléments démontrant dans quelle mesure la consultation du trésorier du groupe ID aurait pu influer sur le contenu de la décision attaquée et conduire à un résultat différent. En tout état de cause, il convient de relever à cet égard qu’il ressort du dossier que, le 10 octobre 2019, la requérante a également envoyé son résumé de la réunion du 8 octobre 2019, au cours de laquelle elle proposait en tant que l’une des options acceptables pour elle son licenciement, au trésorier du groupe ID. De même, le 22 octobre 2019, la requérante a fait suivre à plusieurs personnes, dont le trésorier du groupe ID, un courriel du président de ce groupe par lequel il l’avait convoquée à une réunion afin de discuter de l’éventualité de la résiliation de son contrat. Ainsi, le trésorier du groupe ID a eu la possibilité de prendre connaissance des discussions entre l’AHCC et la requérante en vue de son éventuel licenciement, sans qu’il ait pour autant jugé nécessaire d’intervenir. De surcroît, force est de constater que le rejet de la réclamation contre la décision attaquée a été adopté par le président du groupe ID au nom du bureau de ce groupe, dont le trésorier fait partie.

118    Au vu de tout qui précède, il y a lieu de constater que, s’agissant de la première branche du second moyen, tirée de l’existence d’une erreur manifeste d’appréciation, la requérante n’a apporté aucune preuve ni soulevé aucun argument permettant d’établir qu’elle n’a pas été en mesure de démontrer son aptitude à exercer ses fonctions en raison de ses conditions de travail et du comportement de ses supérieurs hiérarchiques et de ses collègues à son égard.

119    Dans ces conditions, il y a lieu de constater que la requérante échoue à établir un lien entre le prétendu contexte de harcèlement et la décision attaquée. Au contraire, il ressort du dossier qu’elle éprouvait des difficultés à se conformer au changement de définition de son poste et de son environnement de travail intervenu à la suite de sa transition du groupe ENL dissous vers le nouveau groupe ID. Or, force est de relever que ce changement s’inscrivait dans le contexte de la constitution de nouveaux groupes politiques du Parlement d’une législature à une autre et trouvait son origine dans la marge d’appréciation laissée par l’article 2, sous c), du RAA aux groupes politiques pour l’organisation de leurs secrétariats et le choix de leurs collaborateurs respectifs. La nature du lien de confiance spécifique prévu par cette disposition implique la possibilité de changements au fil du temps et, plus particulièrement, d’une législature à une autre lors de la recomposition et de la réorganisation des groupes politiques. Cela implique la possibilité d’évolutions défavorables à certains collaborateurs, même lorsque leurs prestations avaient été jugées positives par le passé. Un tel changement de contexte et les conséquences qui en découlent ne sauraient être confondus, en tant que tels, avec une situation de harcèlement moral.

120    Dans ces conditions, l’argument de la requérante selon lequel elle se serait trouvée dans des conditions de travail néfastes et contraires à l’article 31, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux doit également être rejeté. Dans la mesure où la requérante met en avant des certificats médicaux pour étayer cet argument, force est de constater qu’il ressort de la jurisprudence que des certificats médicaux, s’ils mettent en évidence l’existence de troubles psychiques, ne permettent toutefois pas d’établir que lesdits troubles résulteraient nécessairement d’un harcèlement moral dès lors que, pour conclure à l’existence d’un tel harcèlement, les auteurs des certificats se sont nécessairement fondés exclusivement sur la description que l’agent leur avait faite de ses conditions de travail au sein du Parlement (voir, en ce sens, arrêt du 17 septembre 2014, CQ/Parlement, F‑12/13, EU:F:2014:214, point 127 et jurisprudence citée). Il doit en être de même s’agissant de l’allégation de l’existence de conditions de travail contraires à l’article 31, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux, telle que formulée par la requérante en espèce.

121    Par conséquent, il y a lieu de conclure que la décision attaquée n’est pas entachée d’une erreur manifeste d’appréciation en raison d’un prétendu contexte de harcèlement.

122    Dès lors, la première branche du second moyen doit être rejetée comme non fondée.

–       Sur la seconde branche du second moyen, tirée d’un détournement du pouvoir

123    Par la seconde branche du second moyen, la requérante soutient que les comportements de ses supérieurs hiérarchiques, tels qu’elle les a dénoncés dans le cadre de la première branche ci-dessus, sont constitutifs d’un harcèlement moral à son égard et que leur but aurait été de nuire à sa personnalité, à sa réputation, à sa dignité ou à son intégrité physique. Il s’ensuit, selon la requérante, que la décision attaquée est entachée d’un détournement du pouvoir. Elle précise également à cet égard que, à supposer même que les faits qu’elle dénonce ne puissent être qualifiés de harcèlement moral au sens de l’article 12 bis du statut, ils pourraient constituer un détournement du pouvoir entachant la décision attaquée.

124    Le Parlement conteste ces arguments.

125    D’emblée, il convient de rappeler que la notion de détournement de pouvoir a une portée bien précise qui se réfère à l’usage par une autorité administrative de ses pouvoirs dans un but autre que celui dans lequel ils lui ont été conférés. Une décision n’est entachée de détournement de pouvoir que si elle apparaît, sur la base d’indices objectifs, pertinents et concordants, avoir été prise pour atteindre des fins autres que celles excipées. À cet égard, il ne suffit pas d’invoquer certains faits à l’appui de ses prétentions, il convient encore de fournir des indices suffisamment précis, objectifs et concordants de nature à soutenir leur véracité ou, à tout le moins, leur vraisemblance, à défaut de quoi l’exactitude matérielle des affirmations de l’institution en cause ne saurait être remise en cause. Ainsi, l’appréciation globale des indices de détournement de pouvoir ne saurait reposer sur de simples allégations, des indices insuffisamment précis ou qui ne sont ni objectifs, ni pertinents (arrêt du 7 juin 2018, OW/AESA, T-597/16, non publié, EU:T:2018:338, point 98).

126    Dans la mesure où les conclusions en annulation dirigées contre une décision de licenciement sont fondées sur l’existence d’un harcèlement moral, comme cela est le cas dans la présente affaire, il ressort de la jurisprudence citée au point 93 ci-dessus que l’agent doit démontrer un lien entre le prétendu harcèlement et la décision attaquée.

127    Ainsi, conformément à la jurisprudence citée au point 93 ci-dessus, un détournement de pouvoir pourra être retenu si la décision de licenciement a été adoptée dans le but de nuire à la personnalité, à la dignité ou à l’intégrité physique ou psychique de l’agent.

128    Interrogée lors de l’audience sur la portée autonome de cette branche, la requérante a expliqué que les « agissements » allégués de ses supérieurs hiérarchiques auraient eu pour but de la discréditer et de porter atteinte à sa dignité en tant que personne et en tant que travailleuse. Ainsi qu’il a été relevé au point 89 ci-dessus, la requérante a en outre affirmé que la décision attaquée aurait été adoptée afin de la mettre « hors service » immédiatement, car elle aurait exprimé des préoccupations quant à sa situation professionnelle.

129    Force est de rappeler qu’il résulte de la jurisprudence citée au point 125 ci-dessus que c’est la décision attaquée, en l’espèce la décision de licenciement, qui doit avoir été prise pour atteindre des fins autres que celles excipées.

130    L’argumentation de la requérante ne permet cependant pas d’établir à quelles fins autres que celle de mettre fin à son contrat pour rupture du lien de confiance la décision attaquée aurait été adoptée.

131    Il y a donc lieu de rejeter la seconde branche du second moyen.

132    Au vu de ce qui précède, le second moyen doit être rejeté, tout comme les conclusions en annulation de la décision attaquée dans leur ensemble.

 Sur les conclusions en indemnité

133    La requérante fait valoir que, du fait de l’illégalité de la décision attaquée, elle aurait subi un préjudice aussi bien matériel que moral dont elle demande l’indemnisation.

134    S’agissant des dommages matériels, la requérante demande une somme de 10 000 euros à laquelle s’ajoute le montant des frais de scolarité à calculer pour ses enfants. De plus, elle réclame les frais et les honoraires d’avocat qui constitueraient également un dommage matériel.

135    Concernant le préjudice moral, qui est évalué par la requérante à 30 000 euros, cette dernière invoque l’iniquité de la décision prise à son égard et soutient que, du fait du comportement illégal du groupe politique ID, elle s’est trouvée dans des conditions de travail qui ont constitué « une attaque » à sa santé, à sa dignité, à sa réputation et à son intégrité ainsi qu’une atteinte à ses relations sociales et à la qualité de sa vie professionnelle. En outre, le comportement du groupe politique ID aurait porté atteinte à sa carrière et la décision attaquée comporterait une appréciation blessante de ses aptitudes et de son comportement. Ainsi, l’annulation seule de la décision attaquée ne suffirait pas à réparer le préjudice moral qu’elle aurait subi.

136    Le Parlement conteste cette argumentation.

137    À cet égard, il y a lieu de rappeler la jurisprudence selon laquelle les conclusions tendant à la réparation d’un préjudice matériel ou moral doivent être rejetées lorsqu’elles présentent un lien étroit avec les conclusions en annulation qui ont, elles-mêmes, été rejetées comme étant irrecevables ou non fondées (voir arrêt du 19 décembre 2019, ZQ/Commission, T‑647/18, non publié, EU:T:2019:884, point 202 et jurisprudence citée), ce qui est le cas en l’espèce. Partant, les conclusions indemnitaires, en ce qu’elles visent la réparation d’un préjudice matériel ou moral du fait de l’illégalité de la décision attaquée et de la décision de rejet de la réclamation, doivent être rejetées.

138    Dans l’hypothèse où les conclusions indemnitaires de la requérante devraient être interprétées comme contenant également une demande d’indemnisation d’un préjudice qui ne découlerait pas directement de la décision attaquée, mais qui serait lié à ce que cette dernière considère comme « un comportement illégal du groupe politique ID au Parlement », il suffit de constater que cette demande serait irrecevable, conformément à la jurisprudence relative au système des voies de recours instauré par les articles 90 et 91 du statut, dès lors qu’elle n’a pas été précédée d’une demande d’indemnisation introduite conformément à l’article 90, paragraphe 1, du statut (arrêt du 19 décembre 2019, ZQ/Commission, T‑647/18, non publié, EU:T:2019:884, point 206), ce qui est le cas en l’espèce.

139    Au vu de ce qui précède, le présent recours doit être rejeté dans son intégralité.

 Sur les dépens

140    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

141    En l’espèce, la requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions du Parlement.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (huitième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      MW est condamnée aux dépens.

Svenningsen

Barents

Laitenberger

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 12 janvier 2022.

Signatures


*      Langue de procédure : le français.

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