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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) |
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You are here: BAILII >> Databases >> Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) >> MZ v Commission (Judgment) French Text [2022] EUECJ T-631/20 (06 July 2022) URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2022/T63120.html Cite as: EU:T:2022:426, [2022] EUECJ T-631/20, ECLI:EU:T:2022:426 |
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ARRÊT DU TRIBUNAL (huitième chambre élargie)
6 juillet 2022 (*)
« Fonction publique – Fonctionnaires – Concours EPSO/AD/363/18 pour le recrutement d’administrateurs dans le domaine de la fiscalité – Limitation du choix de la seconde langue dans laquelle se déroulent les épreuves – Non-inscription sur la liste de réserve – Exception d’illégalité – Recevabilité – Discrimination fondée sur la langue – Nature particulière des postes à pourvoir – Justification – Intérêt du service – Proportionnalité »
Dans l’affaire T‑631/20,
MZ, représentée par Me M. Velardo, avocate,
partie requérante,
contre
Commission européenne, représentée par M. T. Lilamand, Mmes D. Milanowska et A.-C. Simon, en qualité d’agents, assistés de Me A. Dal Ferro, avocat,
partie défenderesse,
LE TRIBUNAL (huitième chambre élargie),
composé de MM. J. Svenningsen (rapporteur), président, R. Barents, C. Mac Eochaidh, Mme T. Pynnä et M. J. Laitenberger, juges,
greffier : Mme P. Núñez Ruiz, administratrice,
vu la phase écrite de la procédure,
à la suite de l’audience du 1er mars 2022,
rend le présent
Arrêt
1 Par son recours fondé sur l’article 270 TFUE, la requérante, MZ, demande l’annulation de la décision du 10 décembre 2019 par laquelle le jury du concours EPSO/AD/363/18 a refusé, après réexamen, d’inscrire son nom sur la liste de réserve pour le recrutement d’administrateurs de grade AD 7 dans le domaine de la fiscalité.
I. Antécédents du litige
2 Le 11 octobre 2018, l’Office européen de sélection du personnel (EPSO) a publié au Journal officiel de l’Union européenne l’avis de concours général sur titres et épreuves EPSO/AD/363/18 ayant pour objet le recrutement d’administrateurs (AD 7) dans les domaines des douanes et de la fiscalité (JO 2018, C 368 A, p. 1, ci-après l’« avis de concours »), en vue de la constitution de deux listes de réserve, à partir desquelles la Commission européenne, et principalement la direction générale (DG) de la fiscalité et de l’union douanière, recrutera de nouveaux membres de la fonction publique en tant qu’administrateurs.
3 L’avis de concours exigeait notamment, en tant que condition d’admission au concours, la maîtrise d’au moins deux langues officielles de l’Union européenne. Cette condition d’admission était rédigée comme suit :
« Vous devez maîtriser au moins 2 langues officielles de l’Union européenne ; l’une au niveau C1 au minimum (connaissance approfondie) et l’autre au niveau B2 au minimum (connaissance satisfaisante).
Veuillez noter que les niveaux minimaux requis ci-dessus s’appliquent à chaque aptitude linguistique (parler, écrire, lire, écouter) mentionnée dans l’acte de candidature. Ces aptitudes reflètent celles du cadre européen commun de référence pour les langues […]
Dans le présent avis de concours, nous nous référons aux langues de la manière suivante :
– langue 1 : langue utilisée pour les tests de type “questionnaire à choix multiple” sur ordinateur,
– langue 2 : langue utilisée pour la sélection sur titres (“Talent Screener”/“Évaluateur de talent”), pour les épreuves du centre d’évaluation et pour la communication entre EPSO et les candidats ayant présenté une candidature valable ; elle doit obligatoirement être différente de la langue 1.
La langue 2 doit être l’anglais ou le français. »
4 L’avis de concours précisait la raison de la limitation du choix de la seconde langue à l’anglais ou au français dans les termes suivants :
« Les lauréats recrutés pour ces domaines particuliers doivent avoir une connaissance satisfaisante (niveau B2 minimum) de l’anglais ou du français. Si la connaissance d’autres langues peut être un atout, la plupart des services de la Commission dans le domaine des douanes et de la fiscalité utilisent l’anglais ou le français pour leurs travaux d’analyse, leur communication tant en interne qu’avec les parties prenantes externes, les publications et les rapports, la législation ou les documents économiques, comme mentionné dans la section “Quelles tâches puis-je m’attendre à devoir effectuer ?” et à l’annexe I. Une connaissance satisfaisante de l’anglais ou du français est donc essentielle. Par conséquent, un lauréat n’ayant pas une connaissance satisfaisante de l’anglais ou du français ne serait pas immédiatement opérationnel. »
5 Sous le titre « Comment serai-je sélectionné ? », point 5, il est indiqué que les épreuves du centre d’évaluation consistaient en quatre tests, à savoir un entretien axé sur les compétences générales, un entretien relatif au domaine, un exercice de groupe et une étude de cas. Les huit compétences générales (« analyse et résolution de problèmes », « communication », « qualité et résultats », « apprentissage et développement », « hiérarchisation des priorités et organisation », « résilience », « travail d’équipe », « capacités d’encadrement ») étaient chacune évaluées sur dix points et les compétences relatives au domaine sur cent points. Les notes minimales requises étaient, s’agissant des compétences générales, de 3/10 par compétence et de 40/80 au total, et, s’agissant des compétences relatives au domaine, de 50/100.
6 Le 10 novembre 2018, la requérante s’est portée candidate à ce concours dans le domaine de la fiscalité.
7 Les tâches que les lauréats du concours dans le domaine de la fiscalité seront susceptibles d’exercer sont décrites dans l’avis de concours de la manière suivante :
« En tant que gestionnaire des politiques de la direction de la fiscalité indirecte ou directe de la [DG de la fiscalité et de l’union douanière] ou chargé de dossiers dans l’une des unités chargées des aides d’État à caractère fiscal de la [DG de la concurrence], vous serez censé être immédiatement opérationnel et, avec l’aide de votre hiérarchie, vous serez amené à rédiger des documents sur le sujet relevant de votre compétence et à assister à des réunions avec les États membres et les autres parties prenantes afin d’expliquer/présenter la position de la Commission européenne. Vous pourrez être chargé de représenter votre unité lors de réunions avec d’autres services de la Commission et de répondre aux questions des citoyens et des députés européens. Vous serez également amené à contribuer à des notes d’information destinées à votre commissaire, directeur général ou directeur, le cas échéant. En fonction de l’unité au sein de laquelle vous travaillerez, vous pourriez devoir rédiger des actes législatifs, décisions, documents de travail ou documents économiques. »
8 Par ailleurs, l’annexe I de l’avis de concours, intitulée « Nature des fonctions », précise ces fonctions dans les termes suivants :
« D’une manière générale, le rôle des administrateurs (AD 7) dans le domaine fiscal est d’appuyer les décideurs dans l’exécution de la mission de leur institution, de fournir l’analyse juridique, économique ou statistique nécessaire à la mise en chantier, au développement, à la gestion et à l’évaluation des politiques de l’Union européenne en matière de fiscalité directe et indirecte, y compris les prix de transfert ou les aides d’État à caractère fiscal.
Les lauréats du concours seront amenés à analyser les questions liées à la fiscalité directe ou indirecte, à porter une appréciation juridique en fonction des règles et procédures applicables en matière fiscale ou d’aides d’État, à étudier leur impact et à présenter des projets législatifs ou à préparer une analyse économique de ces questions. Ils peuvent également être chargés de mettre au point des activités de communication en rapport avec leur domaine de travail, de prendre part à des conférences et autres manifestations, et d’exécuter des tâches de coordination et de négociation au niveau international, en rapport avec la politique fiscale de l’Union européenne dans les domaines [de l’analyse économique et évaluation de la fiscalité, de la fiscalité directe ou indirecte, de la taxe sur la valeur ajoutée et des autres impôts indirects (environnement, transports, énergie et droits d’accise)] […] »
9 La requérante, de nationalité italienne, a choisi l’italien comme langue 1 et le français comme langue 2 (ci-après la « seconde langue »), langue qu’elle a utilisé pour rédiger sa candidature. Elle a, à cette occasion, déclaré maîtriser le français au même niveau que l’italien, à savoir le niveau « C2 » selon le cadre européen commun de référence pour les langues, sauf s’agissant de l’expression écrite, pour laquelle elle a déclaré maîtriser le français au niveau « C1 ».
10 Les 4 avril et 4 juin 2019, la requérante a participé aux épreuves du centre d’évaluation consistant en une étude de cas, un exercice de groupe et deux entretiens individuels avec le jury. Ces épreuves se sont tenues dans la seconde langue.
11 Par lettre du 17 juillet 2019, le président du jury a informé la requérante de la décision du jury de ne pas inscrire son nom sur la liste de réserve au motif qu’elle n’avait toutefois pas obtenu la note minimale requise à chacune des épreuves (ci-après la « décision du 17 juillet 2019 »). Cette lettre était accompagnée d’un passeport de compétences duquel il ressort notamment que la requérante a obtenu, d’une part, une note éliminatoire de 37/80 au titre de l’évaluation des huit compétences générales et, d’autre part, une note de 80/100 au titre de l’évaluation des compétences relatives au domaine qu’elle avait choisi.
12 Par lettre du 27 juillet 2019, la requérante a saisi le jury d’une demande de réexamen, rédigée en français, laquelle demande a été rejetée par décision du jury du 10 décembre suivant (ci-après la « décision du 10 décembre 2019 »).
13 Par courriel du 9 mars 2020, la requérante a, au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci‑après le « statut »), saisi l’autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l’« AIPN ») d’une réclamation rédigée en italien.
14 Par courriel du 1er avril 2020, l’EPSO a informé la requérante que, en application du point 4.3.1 de l’annexe III de l’avis de concours, sa réclamation aurait dû être introduite dans la seconde langue, à savoir le français, et que sa réclamation, rédigée en italien, ne serait par conséquent pas prise en compte si une traduction en français n’était pas transmise à l’AIPN avant le 1er mai suivant.
15 Par courriel du 9 avril 2020, la requérante a transmis à l’AIPN une traduction française de sa réclamation, laquelle a été rejetée par décision de l’AIPN du 8 juillet 2020 (ci-après la « décision de rejet de la réclamation »).
II. Conclusions des parties
16 La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– annuler les décisions des 17 juillet et 10 décembre 2019, ainsi que la décision de rejet de la réclamation ;
– condamner la Commission aux dépens.
17 La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– rejeter le recours ;
– condamner la requérante aux dépens.
III. En droit
A. Sur l’objet du litige
18 Il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, lorsqu’un candidat à un concours sollicite le réexamen d’une décision prise par un jury, c’est la décision prise par ce dernier après réexamen de la situation du candidat qui constitue l’acte lui faisant grief au sens de l’article 90, paragraphe 2, ou, le cas échéant, de l’article 91, paragraphe 1, du statut. La décision prise après réexamen se substitue, ce faisant, à la décision initiale du jury (voir arrêt du 5 septembre 2018, Villeneuve/Commission, T‑671/16, EU:T:2018:519, point 24 et jurisprudence citée).
19 En l’espèce, l’acte faisant grief à la requérante est la décision du 10 décembre 2019, prise au terme d’un réexamen, de ne pas inscrire son nom sur la liste de réserve du concours (ci-après la « décision attaquée »).
20 Quant aux conclusions formellement dirigées contre la décision de rejet de la réclamation, il y a lieu de rappeler que le recours, même formellement dirigé contre le rejet de la réclamation, a pour effet de saisir le Tribunal de l’acte faisant grief contre lequel la réclamation a été présentée (arrêt du 17 janvier 1989, Vainker/Parlement, 293/87, EU:C:1989:8, point 8), sauf dans l’hypothèse où le rejet de la réclamation a une portée différente de celle de l’acte contre lequel la réclamation a été formée (voir arrêt du 21 mai 2014, Mocová/Commission, T‑347/12 P, EU:T:2014:268, point 34 et jurisprudence citée).
21 En l’espèce, dès lors qu’elle rejette la réclamation et confirme la décision du jury de ne pas inscrire le nom de la requérante sur la liste de réserve, la décision de rejet de la réclamation n’a pas un contenu autonome de la décision attaquée. En pareille hypothèse, la légalité de la décision attaquée doit donc être examinée en prenant en considération la motivation figurant dans la décision de rejet de la réclamation, cette motivation étant censée coïncider avec ledit acte (voir, en ce sens, arrêt du 24 mars 2021, BK/EASO, T‑277/19, non publié, EU:T:2021:161, point 43 et jurisprudence citée).
B. Sur le fond
22 La requérante invoque cinq moyens à l’appui de son recours. Le premier moyen est tiré d’une exception d’illégalité du régime linguistique prévu par l’avis de concours, le deuxième, d’une violation du principe de stabilité du jury, le troisième, d’une violation de l’avis de concours, le quatrième, d’une violation de l’article 5, cinquième alinéa, de l’annexe III du statut et le cinquième, d’une violation de l’obligation de motivation.
23 Dans le cadre du premier moyen, la requérante se prévaut de l’illégalité des dispositions de l’avis de concours qui, d’une part, limitent au français et à l’anglais le choix de la seconde langue dans laquelle se déroulent les épreuves du centre d’évaluation (ci-après la « limitation litigieuse ») et, d’autre part, obligent les candidats à utiliser cette langue dans leurs échanges avec l’EPSO (ci-après l’« obligation litigieuse »).
24 La Commission conclut au rejet de cette exception d’illégalité comme étant irrecevable et en toute hypothèse non fondée.
1. Sur la recevabilité du premier moyen, tiré d’une exception d’illégalité de l’avis de concours
25 Eu égard à leur portée respective, il convient de traiter séparément l’exception d’illégalité de l’avis de concours en ce qu’il énonce, d’une part, la limitation litigieuse et, d’autre part, l’obligation litigieuse.
a) Sur la recevabilité de l’exception d’illégalité de l’avis de concours en ce qu’il énonce la limitation litigieuse
26 La Commission fait valoir, en se prévalant de la jurisprudence issue de l’arrêt du 14 décembre 2017, PB/Commission (T‑609/16, EU:T:2017:910), que l’exception d’illégalité de la limitation litigieuse devrait être écartée comme étant irrecevable.
27 À cet égard, elle soutient que, en l’absence de lien étroit entre la motivation de la décision attaquée et le premier moyen tiré de l’illégalité de l’avis de concours, ledit moyen devrait être écarté pour cause de tardiveté. Selon la Commission, pour être recevable à contester les dispositions fixant le régime linguistique des épreuves du concours, un candidat devrait introduire une réclamation contre l’avis de concours dans les trois mois suivant sa publication.
28 La Commission considère que la décision attaquée ne se fonderait pas sur des éléments étroitement liés au régime linguistique des épreuves, mais uniquement sur la note insuffisante qui a été attribuée à la requérante pour l’évaluation de ses compétences générales, de sorte qu’il n’y aurait pas de lien étroit entre les motifs de la décision attaquée et le moyen tiré de l’illégalité de l’avis de concours.
29 Elle ajoute que les faiblesses importantes constatées lors des épreuves dans la maîtrise de certaines compétences générales auraient également été observées si la requérante avait présenté les épreuves dans une autre langue. De toute manière, la requérante n’aurait pas démontré, par le biais d’indices concrets, qu’elle aurait été pénalisée par l’utilisation de la langue française lors des épreuves ou qu’elle aurait pu obtenir de meilleurs résultats si elle avait présenté ces épreuves dans une autre langue.
30 La requérante conteste cette argumentation.
31 À titre liminaire, il importe de rappeler que l’article 277 TFUE est l’expression d’un principe général assurant à toute partie le droit de contester, en vue d’obtenir l’annulation d’une décision qui la concerne directement et individuellement, la validité des actes institutionnels antérieurs constituant la base juridique de la décision attaquée, si cette partie ne disposait pas, sans aucun doute, du droit d’introduire un recours direct contre ces actes, dont elle subit ainsi les conséquences sans avoir été en mesure d’en demander l’annulation (voir, en ce sens, arrêts du 10 juillet 2003, Commission/BCE, C‑11/00, EU:C:2003:395, point 75 ; du 17 décembre 2020, BP/FRA, C‑601/19 P, non publié, EU:C:2020:1048, point 26, et du 22 avril 2004, Schintgen/Commission, T‑343/02, EU:T:2004:111, point 26).
32 En l’espèce, dans la mesure où la fin de non-recevoir soulevée par la Commission repose sur la prémisse selon laquelle la requérante n’a pas contesté l’avis de concours en temps utile, c’est-à-dire dans les trois mois suivant sa publication, il convient d’abord d’examiner si la requérante disposait, sans aucun doute, d’une telle possibilité.
33 En l’occurrence, il ne saurait être considéré que la recevabilité d’un recours en annulation présenté par la requérante à l’encontre de l’avis de concours en ce qu’il énonce la limitation litigieuse aurait relevé de l’évidence. En effet, il convient de rappeler que c’est à titre exceptionnel qu’un avis de concours peut faire l’objet d’un recours en annulation lorsque, en imposant des conditions excluant la candidature d’une partie, il constitue une décision lui faisant grief au sens des articles 90 et 91 du statut (voir, en ce sens, arrêt du 19 juin 1975, Küster/Parlement, 79/74, EU:C:1975:85, points 5 à 8, et ordonnance du 24 juin 2013, Mateo Pérez/Commission, F‑144/11, EU:F:2013:86, point 46 et jurisprudence citée).
34 Or, la limitation litigieuse n’a pas pour effet d’exclure la candidature d’un candidat qui, comme la requérante, estime maîtriser au moins deux langues officielles de l’Union aux niveaux requis par l’avis de concours. Ainsi, faute d’imposer des conditions excluant la candidature de la requérante, l’avis de concours ne constitue pas une décision lui faisant grief et ne pouvait, de ce fait, faire l’objet d’un recours en annulation de la part de la requérante.
35 Compte tenu du principe de protection juridictionnelle effective, consacré à l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, qui implique qu’un acte ne pouvant faire l’objet d’un recours en annulation au titre de l’article 270 TFUE doit pouvoir faire l’objet d’une exception d’illégalité au titre de l’article 277 TFUE, la recevabilité de l’exception d’illégalité d’un acte de portée générale est, dans un tel cas, seulement subordonnée à la double condition que l’acte individuel attaqué ait été pris en application directe de l’acte de portée générale et que la partie requérante ait un intérêt à attaquer la décision individuelle qui fait l’objet de l’action principale (voir, en ce sens, arrêt du 11 juillet 2007, Wils/Parlement, F‑105/05, EU:F:2007:128, point 36 et jurisprudence citée).
36 S’agissant de la première condition visant à établir si la décision attaquée a été prise en application directe de l’avis de concours, il importe de préciser que la Cour a admis que peuvent valablement faire l’objet d’une exception d’illégalité les dispositions d’un acte de portée générale qui constituent la base de la décision individuelle ou qui entretiennent un lien juridique direct avec une telle décision (voir arrêt du 8 septembre 2020, Commission et Conseil/Carreras Sequeros e.a., C‑119/19 P et C‑126/19 P, EU:C:2020:676, point 69 et jurisprudence citée).
37 À cet égard, il suffit de rappeler que, les termes de l’avis de concours constituant aussi bien le cadre de légalité que le cadre d’appréciation pour le jury de concours (voir arrêt du 14 décembre 2018, UR/Commission, T‑761/17, non publié, EU:T:2018:968, point 65 et jurisprudence citée), ledit avis est, si ce n’est la base juridique proprement dite de la décision attaquée, à tout le moins l’un des actes constitutifs du cadre juridique dans lequel celle-ci devait être adoptée.
38 Par ailleurs, la décision attaquée ayant été adoptée selon la procédure prévue par l’avis de concours, il en résulte que la limitation litigieuse entretient également un lien juridique direct avec la décision attaquée (voir, en ce sens, arrêt du 14 juillet 2021, Carbajo Ferrero/Parlement, T‑670/19, non publié, sous pourvoi, EU:T:2021:435, point 56).
39 Quant à la seconde condition relative à l’intérêt à agir et à supposer que l’argumentation de la Commission puisse être comprise comme étant une remise en cause de l’intérêt que la requérante aurait à demander l’annulation de la décision attaquée au motif que la limitation litigieuse serait illégale, il importe de rappeler qu’une partie requérante n’est certes pas habilitée à agir dans l’intérêt de la loi ou des institutions et ne peut faire valoir, à l’appui d’un recours en annulation, que les griefs qui lui sont personnels (arrêt du 30 juin 1983, Schloh/Conseil, 85/82, EU:C:1983:179, point 14).
40 Toutefois, cette exigence implique seulement que les griefs de la partie requérante soient susceptibles de fonder une annulation dont elle puisse tirer profit, c’est-à-dire, en l’espèce, que l’exception d’illégalité soit susceptible, par son résultat, de procurer un bénéfice à la partie qui l’a soulevée (arrêt du 29 novembre 2006, Campoli/Commission, T‑135/05, EU:T:2006:366, point 132). Selon la jurisprudence invoquée par la Commission, ce n’est, en tout état de cause, qu’à défaut d’un lien étroit entre les motifs de la décision attaquée et le moyen tiré de l’exception d’illégalité de l’avis de concours que ce dernier doit être déclaré irrecevable (voir, en ce sens, arrêt du 14 décembre 2017, PB/Commission, T‑609/16, EU:T:2017:910, point 29 et jurisprudence citée).
41 Or, sur ce point, au risque de lui imposer la charge d’une preuve impossible à rapporter, il ne saurait être exigé que la requérante démontre que, en exécution d’un arrêt d’annulation conformément à l’article 266 TFUE, elle obtiendrait nécessairement une meilleure note aux épreuves du centre d’évaluation, mais seulement qu’une telle possibilité n’est pas exclue, étant par ailleurs rappelé qu’il n’appartient pas au Tribunal de substituer son appréciation à celle du jury.
42 À cet égard, il importe de préciser que l’avis de concours n’imposait pas aux candidats de choisir la langue la mieux maîtrisée comme langue 1. Partant, la préférence donnée à l’anglais ou au français, à l’exclusion de toutes les autres langues officielles de l’Union, est, ainsi que le fait valoir la requérante, susceptible d’avoir conféré un avantage lors des épreuves aux candidats dont l’une de ces deux langues est la langue la mieux maîtrisée, au détriment des autres candidats pour lesquels cela n’est pas le cas.
43 En effet, il a déjà été jugé que le niveau de connaissance de la seconde langue des candidats se reflète inévitablement et nécessairement dans les épreuves visant à tester les compétences générales et spécifiques prévues par le concours en cause qui se passent dans cette langue (arrêt du 9 juin 2021, Calhau Correia de Paiva/Commission, T‑202/17, sous pourvoi, EU:T:2021:323, point 55).
44 Dans ce cadre, il peut notamment être relevé qu’il ressort des fiches utilisées pour l’évaluation des compétences générales, transmises par la Commission en réponse à une mesure d’organisation de la procédure, que la maîtrise d’une langue est susceptible d’avoir une influence sur la notation des compétences générales des candidats.
45 En particulier, lors de l’entretien axé sur les compétences générales, le jury devait tenir compte, pour l’évaluation de la compétence « communication », de la difficulté du candidat à s’exprimer oralement d’une manière compréhensible ou suffisamment précise. Il en va de même de l’évaluation de cette compétence lors de l’étude de cas dès lors qu’il est prévu que le jury attribue une note moins élevée aux candidats s’il considère que « la langue, le vocabulaire, le style et le registre utilisés sont inappropriés ».
46 Par ailleurs, ainsi que cela a été rappelé au point 9 ci-dessus, la requérante a elle‑même déclaré dans son acte de candidature que sa maîtrise de l’expression écrite en français est moins bonne qu’en italien, sa langue la mieux maîtrisée, et il ne peut, dès lors, être exclu que la maîtrise imparfaite de cette seconde langue ait été susceptible d’affecter sa notation lors de l’épreuve écrite.
47 Dans ces conditions, il ne saurait être exclu d’emblée que la requérante, qui a obtenu une note globale par rapport aux compétences générales, à savoir 37/80, nettement plus basse que celle obtenue par rapport aux compétences relatives au domaine, à savoir 80/100, et qui a notamment obtenu la note de 4,5/10 au titre de l’évaluation de la compétence « communication », également plus basse que la note au titre de l’évaluation des compétences relatives au domaine, aurait eu une chance d’obtenir une meilleure note si elle avait pu présenter les épreuves dans sa langue maternelle, à savoir l’italien. En effet, comme il ressort des points 44 et 45 ci-dessus, la maîtrise d’une langue, au-delà d’une terminologie technique concernant un domaine spécifique, est particulièrement susceptible de se répercuter sur la notation des compétences générales des candidats. Aussi, l’écart considérable entre la note de la requérante en ce qui concerne les compétences générales et sa note en ce qui concerne les compétences relatives au domaine représente une indication concrète du fait que tel a pu être le cas en l’espèce.
48 Eu égard à ce qui précède, il y a lieu de conclure que l’exception d’illégalité de l’avis de concours en ce qu’il énonce la limitation litigieuse est recevable.
b) Sur la recevabilité de l’exception d’illégalité de l’avis de concours en ce qu’il énonce l’obligation litigieuse
49 La Commission soutient que l’exception d’illégalité de l’avis de concours en ce qu’il énonce l’obligation litigieuse est irrecevable, car la requérante n’aurait aucun intérêt à invoquer cette prétendue illégalité. Elle fait valoir que la décision attaquée ne dépend pas du fait que la requérante a été obligée de communiquer avec l’EPSO dans la seconde langue ni qu’elle a dû introduire sa réclamation en français.
50 La requérante conteste cette argumentation.
51 Il importe de rappeler que la portée d’une exception d’illégalité doit être limitée à ce qui est indispensable à la solution du litige (arrêt du 10 juin 2020, Oosterbosch/Parlement, T‑131/19, non publié, EU:T:2020:250, point 54). L’article 277 TFUE n’ayant pas pour but de permettre à une partie de contester l’applicabilité de quelque acte de portée générale que ce soit à la faveur d’un recours quelconque, l’acte dont l’illégalité est soulevée doit être applicable, directement ou indirectement, à l’espèce qui fait l’objet du recours (voir arrêt du 8 septembre 2020, Commission et Conseil/Carreras Sequeros e.a., C‑119/19 P et C‑126/19 P, EU:C:2020:676, point 68 et jurisprudence citée).
52 À cet égard, indépendamment du fait que l’article 20, paragraphe 2, sous d), du TFUE et l’article 41, paragraphe 4, de la charte des droits fondamentaux consacrent le droit de s’adresser aux institutions de l’Union dans l’une des langues des traités et de recevoir une réponse dans la même langue, il suffit de constater que l’obligation litigieuse n’a exercé aucune influence, directe ou indirecte, sur le contenu de la décision attaquée. En effet, la décision du jury de ne pas inscrire le nom de la requérante sur la liste de réserve à l’issue des épreuves est sans rapport, direct ou indirect, avec l’obligation de communiquer avec l’EPSO dans la seconde langue du concours.
53 En l’absence de tout lien, a fortiori d’un lien juridique direct, entre la décision attaquée et l’obligation litigieuse, il ne saurait donc être considéré que cette décision constitue une mesure d’application de l’avis de concours en ce qu’il énonce ladite obligation.
54 L’exception d’illégalité de l’avis de concours en ce qu’il énonce l’obligation litigieuse doit donc être écartée comme étant irrecevable.
55 Au regard de tout ce qui précède, le premier moyen, tiré d’une exception d’illégalité de l’avis de concours, doit être déclaré recevable uniquement en ce qu’il concerne la limitation litigieuse.
2. Sur le bien-fondé de l’exception d’illégalité de l’avis de concours en ce qu’il énonce la limitation litigieuse
56 À l’appui de l’exception d’illégalité, la requérante fait valoir que la limitation litigieuse est constitutive d’une discrimination fondée sur la langue interdite par l’article 1er quinquies du statut. Dans ce cadre, il y a lieu de vérifier, tout d’abord, si la limitation litigieuse opère une différence de traitement fondée sur la langue et, le cas échéant, ensuite, si cette différence de traitement est justifiée par un objectif légitime puis, enfin, si elle est proportionnée à la réalisation de l’objectif légitime éventuellement poursuivi.
a) Sur l’existence d’une discrimination fondée sur la langue
57 La requérante fait valoir, en substance, que la limitation litigieuse l’aurait désavantagée lors des épreuves par rapport aux candidats dont l’anglais ou le français est la langue maternelle ou principale, c’est-à-dire la langue la mieux maîtrisée.
58 La Commission conteste cette argumentation en arguant, en substance, que la connaissance d’une langue à un niveau supérieur au niveau minimal requis par l’avis de concours ne ferait pas partie des connaissances et compétences évaluées par les épreuves du centre d’évaluation.
59 À titre liminaire, il importe de rappeler que l’article 1er quinquies, paragraphe 1, premier alinéa, du statut, énonce que, dans l’application de ce dernier, est interdite toute discrimination, telle, notamment, qu’une discrimination fondée sur la langue.
60 En l’espèce, le fait d’avoir imposé aux candidats de choisir la seconde langue du concours parmi les seules langues anglaise ou française constitue une différence de traitement fondée sur la langue, en principe interdite en vertu de cette disposition.
61 Il importe en effet de rappeler que l’avis de concours n’interdisait pas aux candidats dont l’anglais ou le français est la langue la mieux maîtrisée de choisir cette langue en tant que seconde langue. Il s’ensuit que, ainsi que cela a été constaté au point 42 ci-dessus, la préférence donnée à l’anglais ou au français, en tant que seconde langue, est susceptible d’avoir avantagé, à l’occasion des épreuves du centre d’évaluation, les candidats dont l’une de ces deux langues est la langue la mieux maîtrisée, au détriment des autres candidats qui, tout en possédant une connaissance suffisante d’au moins deux langues officielles de l’Union, n’ont néanmoins pas disposé de la faculté de présenter les épreuves dans leur langue la mieux maîtrisée.
62 Il ressort néanmoins de l’article 1er quinquies, paragraphe 6, première phrase, du statut que des limitations au principe de non-discrimination sont possibles, à condition qu’elles soient « objectivement et raisonnablement justifiée[s] » et qu’elles répondent à des objectifs légitimes d’intérêt général dans le cadre de la politique du personnel.
63 Ainsi, le large pouvoir d’appréciation dont disposent les institutions de l’Union dans l’organisation de leurs services et, en particulier, dans la détermination des critères de capacité exigés par les emplois à pourvoir et, en fonction de ces critères et dans l’intérêt du service, les conditions et les modalités d’organisation du concours, se trouve impérativement encadré par l’article 1er quinquies du statut, de telle sorte que les différences de traitement fondées sur la langue résultant d’une limitation du régime linguistique du concours à un nombre restreint de langues officielles ne peuvent être admises que si une telle limitation est objectivement justifiée et proportionnée aux besoins réels du service (voir arrêt du 26 mars 2019, Commission/Italie, C‑621/16 P, EU:C:2019:251, point 90 et jurisprudence citée).
64 Il convient donc d’examiner si la discrimination fondée sur la langue découlant de la limitation litigieuse est justifiée par un objectif légitime et, le cas échéant, proportionnée aux besoins réels du service tels qu’ils sont décrits dans l’avis de concours.
b) Sur la justification de la discrimination fondée sur la langue
65 La requérante soutient qu’il appartiendrait à l’AIPN de prouver que la limitation litigieuse serait justifiée et proportionnée aux besoins réels du service en s’appuyant sur des éléments liés aux exigences des emplois à pourvoir qui soient, d’une part, vérifiables par le juge et, d’autre part, compréhensibles par les candidats.
66 Elle fait valoir à cet égard que la justification avancée par l’AIPN dans l’avis de concours, visant à permettre le recrutement de fonctionnaires immédiatement opérationnels, ne préciserait pas le lien existant entre la limitation litigieuse et la nature des fonctions à exercer, telle que décrite à l’annexe I de l’avis de concours. Il ne serait pas exclu que certaines tâches puissent être réalisées notamment en italien. Par ailleurs, eu égard à sa formulation générale, la limitation litigieuse ne pourrait pas non plus être justifiée par la nature des épreuves du centre d’évaluation.
67 Quant aux données produites par la Commission au cours de la procédure, la requérante considère que celles-ci ne seraient pas pertinentes et, en toute hypothèse, qu’il ne serait pas établi que l’anglais et le français seraient les langues les plus utilisées dans l’exercice des fonctions des emplois à pourvoir, à l’exclusion de toutes les autres langues de l’Union.
68 La Commission conteste cette argumentation en arguant, en substance, que la limitation litigieuse serait justifiée par deux objectifs légitimes, lesquels seraient étayés par les éléments de preuve, constitués d’un tableau détaillant les langues parlées par les membres du personnel de la DG de la fiscalité et de l’union douanière et de la DG de la concurrence, de tableaux détaillants les langues utilisées dans l’exercice des fonctions par les membres du personnel de ces directions générales et des avis de vacance publiés par celles-ci entre le 1er janvier 2016 et le 9 janvier 2020.
69 À titre liminaire, il importe de rappeler que, si l’article 28, sous f), du statut énonce que nul ne peut être nommé fonctionnaire s’il ne justifie posséder une connaissance approfondie d’une des langues de l’Union et une connaissance satisfaisante d’une autre langue de l’Union « dans la mesure nécessaire aux fonctions qu’il est appelé à exercer », cet article n’indique pas les critères qui peuvent être pris en considération pour limiter le choix de cette langue parmi les langues officielles mentionnées à l’article 1er du règlement no 1 du Conseil, du 15 avril 1958, portant fixation du régime linguistique de la Communauté économique européenne (JO 1958, 17, p. 385), tel que modifié [voir arrêt du 15 septembre 2016, Italie/Commission, T‑353/14 et T‑17/15, EU:T:2016:495, point 85 (non publié) et jurisprudence citée, et ordonnance du 5 septembre 2019, Italie/Commission, T‑313/15 et T‑317/15, non publiée, EU:T:2019:582, point 55 et jurisprudence citée].
70 De tels critères ne résultent pas non plus de l’article 27 du statut, dont le premier alinéa dispose, sans faire référence à des connaissances linguistiques, que « [l]e recrutement doit viser à assurer à l’institution le concours de fonctionnaires possédant les plus hautes qualités de compétence, de rendement et d’intégrité, recrutés sur une base géographique la plus large possible parmi les ressortissants des États membres de l’Union », et qu’« aucun emploi ne peut être réservé aux ressortissants d’un État membre déterminé ». Il en va de même du deuxième alinéa de cet article, qui se borne à énoncer que « [l]e principe de l’égalité des citoyens de l’Union permet à chaque institution d’adopter des mesures appropriées si elle constate un déséquilibre entre nationalités parmi les fonctionnaires, qui ne se justifie pas par des critères objectifs », en précisant, notamment, que « [c]es mesures appropriées doivent être justifiées et ne peuvent jamais se traduire par des critères de recrutement autres que ceux fondés sur le mérite ».
71 S’il résulte de l’article 1er, paragraphe 1, sous f), de l’annexe III du statut que l’avis de concours peut spécifier éventuellement les connaissances linguistiques requises par « la nature particulière des postes à pourvoir », cette disposition ne constitue aucunement une autorisation générale permettant de limiter le choix de la seconde langue d’un concours à un nombre restreint de langues officielles parmi celles mentionnées à l’article 1er du règlement no 1 [voir, en ce sens, arrêt du 15 septembre 2016, Italie/Commission, T‑353/14 et T‑17/15, EU:T:2016:495, point 86 (non publié) et jurisprudence citée ; voir, également, ordonnance du 5 septembre 2019, Italie/Commission, T‑313/15 et T‑317/15, non publiée, EU:T:2019:582, point 56 et jurisprudence citée].
72 En l’espèce, la Commission a indiqué que la limitation litigieuse serait justifiée, d’une part, ainsi que cela résulte de l’orientation générale du collège des chefs d’administration sur l’utilisation des langues dans le cadre des concours EPSO, figurant à l’annexe II des dispositions générales applicables aux concours généraux (JO 2015, C 70A, p. 1, ci‑après l’« annexe II »), par la nature des épreuves du centre d’évaluation et, d’autre part, ainsi que cela résulte du contenu de l’avis de concours reproduit au point 4 ci-dessus, par l’objectif visant à disposer de fonctionnaires immédiatement opérationnels.
1) Sur la justification tirée de la nature des épreuves du centre d’évaluation
73 Aux termes de l’orientation générale du collège des chefs d’administration sur l’utilisation des langues dans le cadre des concours EPSO figurant à l’annexe II, à laquelle la Commission se réfère, la limitation litigieuse serait justifiée par la nature des épreuves du centre d’évaluation, car elle exigerait, « afin de permettre une évaluation homogène des candidats et la communication directe entre ceux-ci, les évaluateurs et les autres candidats également soumis à cet exercice, que l’épreuve organisée au centre d’évaluation se déroule dans une langue véhiculaire ou, dans certains cas, dans la seule langue principale du concours ».
74 Ce motif ne saurait cependant être retenu, car, du fait de sa formulation générale, cette justification est susceptible de s’appliquer à n’importe quelle procédure de concours, indépendamment de la nature particulière des postes à pourvoir au terme de la procédure de sélection en cause.
75 Au demeurant, il ressort de ladite annexe II que la procédure de sélection mise en place depuis 2010 et, en particulier, les épreuves du centre d’évaluation ont pour objet de mieux prévoir si les candidats seront en mesure d’exercer leurs fonctions. Il en résulte que cet argument tiré de la nature de la procédure de sélection se rattache étroitement au motif tiré de la nécessité que les nouvelles personnes recrutées soient immédiatement opérationnelles. Dès lors, si ce dernier motif venait à manquer, l’argument tiré de la nature de la procédure de sélection ne saurait, à lui seul, justifier la limitation du nombre de langues susceptibles d’être choisies comme seconde langue du concours [voir, en ce sens, arrêt du 9 juin 2021, Calhau Correia de Paiva/Commission, T‑202/17, sous pourvoi, EU:T:2021:323, point 98 (non publié)].
76 Dans ces conditions, il convient d’examiner si, eu égard à la nature particulière des postes à pourvoir, reproduite aux points 7 et 8 ci-dessus, la nécessité de disposer de fonctionnaires immédiatement opérationnels constitue une justification légitime de la limitation litigieuse.
2) Sur la justification tirée de la nécessité de disposer de fonctionnaires immédiatement opérationnels
77 Selon la jurisprudence, il est certes admis qu’il existe un intérêt du service à ce que les personnes recrutées par les institutions de l’Union au terme d’une procédure de sélection, telle que la procédure de sélection en cause, puissent être immédiatement opérationnelles et, ainsi, capables d’assumer rapidement les fonctions que lesdites institutions ont l’intention de leur confier (voir arrêt du 8 septembre 2021, Espagne/Commission, T‑554/19, non publié, EU:T:2021:554, point 65 et jurisprudence citée).
78 À cet égard, même à supposer qu’il faille toujours nécessairement prévoir un temps d’adaptation à de nouvelles tâches et à de nouvelles habitudes de travail ainsi que le temps nécessaire pour l’intégration dans un nouveau service, il est légitime pour une institution de chercher à recruter des personnes qui soient, dès leur prise de fonctions, capables, à tout le moins, d’une part, de communiquer avec leur hiérarchie et leurs collègues et d’avoir, ainsi, la capacité de saisir aussi rapidement et parfaitement que possible la portée des fonctions qui leur sont confiées et le contenu des tâches qu’elles vont devoir accomplir et, d’autre part, d’échanger avec les collaborateurs et les correspondants externes des services en cause. En effet, ainsi qu’il a été jugé, les connaissances linguistiques des fonctionnaires sont un élément essentiel de leur carrière. Partant, il doit être considéré comme légitime pour une institution de chercher à recruter des personnes qui puissent utiliser efficacement et comprendre aussi bien que possible la ou les langues utilisées dans le cadre professionnel dans lequel ces personnes vont être intégrées (voir arrêt du 8 septembre 2021, Espagne/Commission, T‑554/19, non publié, EU:T:2021:554, point 66 et jurisprudence citée).
79 Toutefois, il appartient au juge de l’Union d’effectuer un examen in concreto des règles établissant le régime linguistique des concours tel que celui en cause dans l’avis de concours litigieux, dès lors que seul un tel examen est susceptible de permettre d’établir les connaissances linguistiques qui peuvent objectivement être exigées, dans l’intérêt du service, par les institutions, dans le cas de fonctions particulières, et, partant, si une limitation éventuelle du choix des langues pouvant être utilisées pour participer à ces concours est objectivement justifiée et proportionnée aux besoins réels du service (arrêt du 26 mars 2019, Commission/Italie, C‑621/16 P, EU:C:2019:251, point 94).
80 Plus particulièrement, le juge de l’Union doit non seulement vérifier l’exactitude matérielle des éléments de preuve invoqués, leur fiabilité et leur cohérence, mais également contrôler si ces éléments constituent l’ensemble des données pertinentes devant être prises en considération pour apprécier une situation complexe et s’ils sont de nature à étayer les conclusions qui en sont tirées (voir arrêt du 26 mars 2019, Commission/Italie, C‑621/16 P, EU:C:2019:251, point 104 et jurisprudence citée).
81 En l’espèce, il y a lieu de constater d’emblée que la seule description de la nature des fonctions qui figure dans l’avis de concours et à l’annexe I de cet avis ne suffit pas à établir que seules les deux langues auxquelles est limité le choix de la seconde langue du concours en cause permettraient aux lauréats de ce concours d’être immédiatement opérationnels. En effet, aucun élément de l’avis de concours ne permet de démontrer une utilisation effective de ces deux langues dans l’accomplissement des tâches énumérées dans ledit avis de concours et l’annexe I de celui-ci.
82 Au contraire, il suffit de constater que l’annexe I de l’avis de concours, qui détaille les tâches types à réaliser, vise une pluralité de tâches, lesquelles comportent, notamment, le « [s]uivi des politiques fiscales dans les États membres […] ainsi que des législations fiscales et de la mise en œuvre des règles de l’Union dans les États membres », l'« [é]valuation des impôts directs nationaux sous l’angle des aides d’État », le « [s]uivi des législations des États membres en matière de TVA » et l'« [é]valuation des impôts indirects nationaux sous l’angle des aides d’État ». Cette pluralité de tâches tend plutôt à indiquer que, sans exclure l’éventualité que la maîtrise d’une langue particulière s’avère indispensable, le recrutement de fonctionnaires aux profils linguistiques variés présenterait un avantage pour le fonctionnement du service, dès lors qu’ils seraient capables d’examiner les politiques et les législations fiscales des États membres dans la langue ou dans les langues officielles de ces derniers.
83 Nonobstant ce constat, il importe de vérifier si les trois documents fournis par la Commission au cours de la procédure, en tant qu’annexes au mémoire en défense, sont susceptibles d’établir les connaissances linguistiques qui pouvaient objectivement être exigées, eu égard à la nature particulière des postes à pourvoir, par la Commission, aux fins du recrutement de « gestionnaire des politiques » à la direction de la fiscalité directe ou indirecte de la DG de la fiscalité et de l’union douanière et de « chargé de dossiers » dans l’une des unités chargées des aides d’État à caractère fiscal de la DG de la concurrence, qui soient immédiatement opérationnels.
84 À cet égard, pris dans leur globalité, il peut être considéré que les documents produits par la Commission révèlent que l’anglais et le français sont vraisemblablement les deux langues dont la connaissance est la plus répandue au sein des directions générales dans lesquelles les lauréats du concours sont susceptibles d’être recrutés.
85 Cette constatation ne suffit toutefois pas, en elle-même, à établir les connaissances linguistiques qui pouvaient objectivement être exigées par rapport aux fonctions particulières que les personnes recrutées seront appelées à exercer. Il importe, en effet, de vérifier si, eu égard à la nature particulière des postes à pourvoir, la connaissance de seulement l’une de ces deux langues, en tant que seconde langue, permet effectivement à un fonctionnaire nouvellement recruté d’être « immédiatement opérationnel » et, le cas échéant, de contrôler que l’obligation de présenter l’ensemble des épreuves du centre d’évaluation dans la seconde langue était apte à répondre à un tel besoin.
86 S’agissant de la nature particulière des postes à pourvoir, une analyse détaillée des documents produits par la Commission fait apparaître que, dans l’exercice quotidien des fonctions que les lauréats du concours seront appelés à exercer, la connaissance satisfaisante de l’une de ces deux langues seulement, à savoir l’anglais, peut être regardée comme étant indispensable pour qu’un lauréat soit « immédiatement opérationnel ».
87 En effet, la description de poste des 34 avis de vacance publiés dans les directions générales concernées entre le 1er janvier 2016 et le 9 janvier 2020, figurant à l’annexe B.3 du mémoire en défense, fait apparaître que, si la connaissance de l’anglais est indispensable, une telle exigence n’est pas requise en des termes similaires pour le français, contrairement à ce que soutient la Commission.
88 Il peut, en effet, être relevé que la description de poste de plusieurs avis de vacance prévoit que « les langues de travail de l’unité sont (principalement) l’anglais et (dans une moindre mesure) le français ». Dans le même sens, un avis de vacance prévoit que la « maîtrise de l’anglais est nécessaire » et qu’une « connaissance basique du français » est seulement « souhaitable ». Par ailleurs, il ressort de plusieurs autres avis de vacance que, si la langue de travail de l’équipe est l’anglais, la connaissance satisfaisante d’autres langues, comme l’allemand, espagnol, l’italien, le polonais ou d’autres langues officielles constituerait un atout.
89 Ainsi, si la connaissance répandue du français au sein des directions générales concernées ne permet pas d’exclure qu’un lauréat disposant seulement d’une connaissance satisfaisante du français serait, à terme, susceptible d’être opérationnel, il ne saurait néanmoins être considéré, eu égard à la nature particulière des postes à pourvoir, qu’un tel lauréat serait « immédiatement opérationnel » tel qu’exigé par l’avis de concours.
90 Interrogée sur ce point lors de l’audience, la Commission n’a pas été en mesure d’identifier à quel emploi un lauréat possédant seulement une connaissance suffisante du français, en tant que seconde langue, aurait pu être nommé et être considéré comme étant « immédiatement opérationnel ».
91 En tout état de cause, il importe de souligner que, selon les termes de l’avis de concours, la limitation litigieuse serait essentielle, car « la plupart des services de la Commission dans le domaine des douanes et de la fiscalité utilisent l’anglais ou le français pour leurs travaux d’analyse, leur communication tant en interne qu’avec les parties prenantes externes, les publications et les rapports, la législation ou les documents économiques, comme mentionné dans la section “Quelles tâches puis-je m’attendre à devoir effectuer ?” et à l’annexe I ». C’est sur la base de ces termes que l’avis de concours conclut qu’un lauréat n’ayant pas une connaissance satisfaisante de l’anglais ou du français ne serait pas immédiatement opérationnel.
92 Il en découle que l’objectif visant à recruter des fonctionnaires « immédiatement opérationnels » se conçoit essentiellement par rapport aux compétences relatives au domaine plutôt que par rapport aux compétences générales.
93 Or, il importe de constater que les quatre épreuves du centre d’évaluation devaient se dérouler dans la seconde langue, bien qu’il n’apparaisse pas strictement nécessaire, pour atteindre l’objectif visant à recruter des fonctionnaires « immédiatement opérationnels », que les trois épreuves, visant seulement à tester les compétences générales, se déroulent également dans ladite seconde langue.
94 Au regard de ce qui précède, le premier moyen, tiré d’une exception d’illégalité de l’avis de concours en ce qu’il énonce la limitation litigieuse, est fondé. Par conséquent, la décision attaquée doit être annulée, sans qu’il soit nécessaire d’examiner les autres moyens.
Sur les dépens
95 Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant succombé, il convient de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la requérante.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (huitième chambre élargie)
déclare et arrête :
1) La décision du 10 décembre 2019 par laquelle le jury du concours EPSO/AD/363/18 a refusé, après réexamen, d’inscrire le nom de MZ sur la liste de réserve pour le recrutement d’administrateurs de grade AD 7, dans le domaine de la fiscalité, est annulée.
2) La Commission européenne est condamnée aux dépens.
Svenningsen | Barents | Mac Eochaidh |
Pynnä | Laitenberger |
Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 6 juillet 2022.
Signatures
* Langue de procédure : l’italien.
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