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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) |
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You are here: BAILII >> Databases >> Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) >> Commission v Romania (Desaffectation de decharges) (Environment - Landfilling of waste - Judgment) French Text [2023] EUECJ C-109/22 (14 December 2023) URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2023/C10922.html Cite as: [2023] EUECJ C-109/22, EU:C:2023:991, ECLI:EU:C:2023:991 |
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ARRÊT DE LA COUR (sixième chambre)
14 décembre 2023 (*)
« Environnement – Directive 1999/31/CE – Mise en décharge des déchets – Obligation de désaffecter les décharges n’ayant pas obtenu l’autorisation requise – Procédure de désaffectation – Arrêt de la Cour constatant un manquement – Inexécution – Article 260, paragraphe 2, TFUE – Sanctions pécuniaires – Astreinte – Somme forfaitaire »
Dans l’affaire C‑109/22,
ayant pour objet un recours en manquement au titre de l’article 260, paragraphe 2, TFUE, introduit le 15 février 2022,
Commission européenne, représentée par Mmes L. Nicolae et E. Sanfrutos Cano, en qualité d’agents,
partie requérante,
contre
Roumanie, représentée par Mmes L.-E. Baţagoi, E. Gane, O.-C. Ichim et L. Liţu, en qualité d’agents,
partie défenderesse,
LA COUR (sixième chambre),
composée de M. T. von Danwitz (rapporteur), président de chambre, M. P. G. Xuereb et Mme I. Ziemele, juges,
avocat général : Mme J. Kokott,
greffier : M. A. Calot Escobar,
vu la procédure écrite,
vu la décision prise, l’avocate générale entendue, de juger l’affaire sans conclusions,
rend le présent
Arrêt
1 Par sa requête, la Commission européenne demande à la Cour :
– de constater que, en n’ayant pas pris toutes les mesures nécessaires pour se conformer à l’arrêt du 18 octobre 2018, Commission/Roumanie (C‑301/17, ci-après l’« arrêt Commission/Roumanie », EU:C:2018:846), la Roumanie a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 260, paragraphe 1, TFUE ;
– d’infliger à la Roumanie, conformément à l’article 260, paragraphe 2, TFUE, pour manquement à l’obligation de prendre les mesures nécessaires à l’exécution de l’arrêt Commission/Roumanie, une astreinte de 29 781,30 euros par jour de retard à compter de la date du prononcé de l’arrêt dans la présente affaire et jusqu’à l’adoption de toutes les mesures nécessaires à l’exécution de l’arrêt Commission/Roumanie ;
– d’infliger à la Roumanie, conformément à l’article 260, paragraphe 2, TFUE, le paiement d’une somme forfaitaire sur la base d’un montant journalier de 3 311,50 euros multiplié par le nombre de jours qui se sont écoulés entre le jour suivant le prononcé de l’arrêt Commission/Roumanie et la date à laquelle la Roumanie aura pris toutes les mesures nécessaires à l’exécution de cet arrêt ou, à défaut, la date du prononcé de l’arrêt de la Cour dans la présente affaire, pour autant que la somme forfaitaire minimale de 1 643 000 euros soit dépassée, et
– de condamner la Roumanie aux dépens.
Le cadre juridique
La directive 1999/31/CE
2 Selon l’article 1er, paragraphe 1, de la directive 1999/31/CE du Conseil, du 26 avril 1999, concernant la mise en décharge des déchets (JO 1999, L 182, p. 1), cette directive a pour objet de prévoir des mesures, procédures et orientations visant à prévenir ou à réduire autant que possible les effets négatifs de la mise en décharge des déchets sur l’environnement, et notamment la pollution des eaux de surface, des eaux souterraines, du sol et de l’air, et sur l’environnement de la planète, y compris l’effet de serre, ainsi que les risques qui en résultent pour la santé humaine, pendant toute la durée de vie de la décharge.
3 L’article 2, sous g), de cette directive est libellé comme suit :
« Aux fins de la présente directive, on entend par :
[...]
g) décharge, un site d’élimination des déchets par dépôt des déchets sur ou dans la terre (c’est-à-dire en sous-sol), y compris :
– les décharges internes (c’est-à-dire les décharges où un producteur de déchets procède lui-même à l’élimination des déchets sur le lieu de production),
et
– un site permanent (c’est-à-dire pour une durée supérieure à un an) utilisé pour stocker temporairement les déchets
à l’exclusion
– des installations où les déchets sont déchargés afin de permettre leur préparation à un transport ultérieur en vue d’une valorisation, d’un traitement ou d’une élimination en un endroit différent,
et
– du stockage des déchets avant valorisation ou traitement pour une durée inférieure à trois ans en règle générale
ou
– du stockage des déchets avant élimination pour une durée inférieure à un an ».
4 L’article 8 de ladite directive prévoit les conditions d’autorisation d’une décharge. L’article 13 de celle-ci régit la procédure de désaffectation et de gestion après désaffectation.
5 L’article 14 de la même directive, intitulé « Décharges existantes », dispose :
« Les États membres prennent des mesures pour que les décharges autorisées ou déjà en exploitation au moment de la transposition de la présente directive ne puissent continuer à fonctionner que si les mesures indiquées ci-après sont mises en œuvre dès que possible, et au plus tard dans les huit ans à compter de la date fixée à l’article 18, paragraphe 1.
[...]
b) À la suite de la présentation du plan d’aménagement, l’autorité compétente prend une décision définitive quant à la poursuite de l’exploitation sur la base dudit plan d’aménagement et de la présente directive. Les États membres prennent les mesures nécessaires pour qu’il soit procédé, dans les meilleurs délais, conformément à l’article 7, point g), et à l’article 13, à la désaffectation des sites qui n’ont pas obtenu, conformément à l’article 8, l’autorisation de poursuivre leurs opérations.
c) Sur la base du plan d’aménagement du site approuvé, l’autorité compétente autorise les travaux nécessaires et fixe une période transitoire pour l’exécution du plan. Toute décharge existante doit être conforme aux exigences de la présente directive à l’exception de celles énoncées à l’annexe I, point 1, dans un délai de huit ans à compter de la date fixée à l’article 18, paragraphe 1.
[...] »
6 L’article 18 de la directive 1999/31, intitulé « Transposition », énonce, à son paragraphe 1 :
« Les États membres mettent en vigueur les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à la présente directive au plus tard deux ans à compter de son entrée en vigueur. Ils en informent immédiatement la Commission.
[...] »
7 L’article 19 de cette directive, intitulé « Entrée en vigueur », prévoit :
« La présente directive entre en vigueur le jour de sa publication au Journal officiel des Communautés européennes. »
L’acte d’adhésion de 2005
8 Aux termes de l’article 52 de l’acte relatif aux conditions d’adhésion à l’Union européenne de la République de Bulgarie et de la Roumanie et aux adaptations des traités sur lesquels est fondée l’Union européenne (JO 2005, L 157, p. 203), « [d]ès l’adhésion, [...] la Roumanie [est considérée] comme étant [destinataire] des directives et des décisions au sens de l’article 249 du traité CE et de l’article 161 du traité CEEA, pour autant que ces directives et décisions aient été adressées à tous les États membres actuels ».
9 En vertu de l’article 53, paragraphe 1, de cet acte, la Roumanie met en vigueur les mesures qui lui sont nécessaires pour se conformer, à partir de la date de son adhésion à l’Union, aux dispositions des directives et des décisions, au sens de l’article 249 du traité CE et de l’article 161 du traité CEEA, à moins qu’un autre délai ne soit prévu dans ledit acte.
10 Conformément à l’annexe VII, section 9, B, point 3, sous a), du même acte, une dérogation à l’article 14, sous c), de la directive 1999/31 et à l’annexe I, points 2 à 3, 4 et 6, de cette directive a été prévue pour 101 décharges municipales existantes en Roumanie jusqu’au 16 juillet 2017.
L’arrêt Commission/Roumanie
11 Par l’arrêt Commission/Roumanie, la Cour a jugé que, en ne se conformant pas, en ce qui concerne les 68 décharges visées par le recours de la Commission, à l’obligation de prendre toutes les mesures nécessaires pour qu’il soit procédé, dans les meilleurs délais, conformément à l’article 7, sous g), et à l’article 13 de la directive 1999/31, à la désaffectation des sites qui n’ont pas obtenu, conformément à l’article 8 de cette directive, l’autorisation de poursuivre leurs opérations, la Roumanie a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 14, sous b), de la directive 1999/31, lu en combinaison avec l’article 13 de celle-ci.
La procédure précontentieuse et la procédure devant la Cour
12 À la suite du prononcé de l’arrêt Commission/Roumanie, la Commission a demandé à la Roumanie, par une lettre du 25 octobre 2018, des informations sur les mesures prises par cet État membre en vue de l’exécution de cet arrêt.
13 Dans sa réponse du 14 janvier 2019, la Roumanie a indiqué que seules 19 des 68 décharges concernées avaient été désaffectées.
14 Par une lettre du 1er avril 2019, la Commission a demandé à la Roumanie de lui fournir un calendrier concernant la désaffectation des 49 décharges restantes ainsi que les preuves y afférentes.
15 Par une lettre du 28 mai 2019, la Roumanie a informé la Commission de la désaffectation d’une décharge supplémentaire. Par une lettre du 9 janvier 2020, cet État membre a indiqué à la Commission que le nombre de décharges non désaffectées à cette dernière date était de 48.
16 Le 14 mai 2020, la Commission a adressé à la Roumanie une lettre de mise en demeure au titre de l’article 260 TFUE, en y indiquant que cet État membre n’avait pas pris toutes les mesures nécessaires pour exécuter l’arrêt Commission/Roumanie, dans la mesure où 48 des 68 décharges concernées par cet arrêt n’avaient pas encore été désaffectées, au sens de la directive 1999/31, et a invité ledit État membre à présenter ses observations dans un délai de quatre mois à compter de la réception de cette lettre, lequel a été ultérieurement prorogé jusqu’au 30 septembre 2020.
17 Le 29 septembre 2020, la Roumanie a répondu à ladite lettre en faisant état de la désaffectation d’une décharge supplémentaire. En outre, elle a transmis à la Commission un calendrier de mise en conformité avec cette directive, lequel prévoyait que les travaux de désaffectation de la plupart des décharges de déchets industriels dangereux et non dangereux seraient achevés au mois de décembre 2023.
18 À la suite d’une réunion bilatérale tenue le 8 février 2021 et portant sur ce calendrier, la Commission a été informée de la désaffectation de trois décharges supplémentaires.
19 Par une lettre du 20 août 2021, la Roumanie a informé la Commission que les 44 décharges restantes n’avaient toujours pas été désaffectées. Cet État membre a également informé la Commission que la réalisation des analyses diagnostiques relatives à la désaffectation avait pris du retard, de sorte que ledit calendrier ne serait pas respecté.
20 Considérant que la Roumanie n’avait pas pris les mesures nécessaires aux fins de l’exécution de l’arrêt Commission/Roumanie en ce qui concerne ces 44 décharges et qu’elle ne respecterait pas les délais fixés dans son propre calendrier de mise en conformité, la Commission a introduit le présent recours.
21 Par une lettre du 14 septembre 2023, la Commission a informé la Cour que, entre la date d’introduction de ce recours et le 14 septembre 2023, la Roumanie s’était conformée à l’arrêt Commission/Roumanie, s’agissant de treize décharges supplémentaires.
Sur la recevabilité du recours
Argumentation des parties
22 La Roumanie fait valoir que le recours est irrecevable, au motif, en premier lieu, que la Commission aurait omis de lui accorder un délai raisonnable pour se conformer aux obligations lui incombant au titre de l’article 14 de la directive 1999/31 et que la procédure précontentieuse afférente à la présente affaire aurait coïncidé avec la pandémie de COVID-19, qui, sans avoir empêché la Roumanie de se conformer à ces obligations, aurait toutefois retardé le processus de mise en conformité avec cette directive.
23 En second lieu, la Roumanie fait grief à la Commission d’avoir méconnu le principe d’égalité de traitement, en lui appliquant un délai de mise en conformité avec ladite directive qui, d’après cet État membre, serait plus court que celui accordé à d’autres États membres dans des situations analogues.
24 La Commission conteste l’argumentation de la Roumanie et considère que le présent recours est recevable.
Appréciation de la Cour
25 S’agissant de l’argument de la Roumanie selon lequel la Commission ne lui aurait pas accordé un délai raisonnable pour se mettre en conformité avec les obligations lui incombant au titre de l’article 14 de la directive 1999/31, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la procédure précontentieuse a pour but de donner à l’État membre concerné l’occasion, d’une part, de se conformer à ses obligations découlant du droit de l’Union et, d’autre part, de faire utilement valoir ses moyens de défense à l’encontre des griefs formulés par la Commission. Ce double objectif impose à la Commission de laisser un délai raisonnable aux États membres pour répondre à la lettre de mise en demeure et pour se conformer à un avis motivé ou, le cas échéant, pour préparer leur défense. Pour l’appréciation du caractère raisonnable du délai fixé, il y a lieu de tenir compte de l’ensemble des circonstances qui caractérisent la situation d’espèce (arrêt Commission/Roumanie, point 32 et jurisprudence citée).
26 À cet égard, il convient de rappeler également que, en vertu de l’article 14 de la directive 1999/31, les États membres étaient tenus de prendre les mesures indiquées à cet article dès que possible et au plus tard dans les huit ans à compter de la date fixée à l’article 18, paragraphe 1, de cette directive. Selon cette dernière disposition, ladite directive devait être transposée par les États membres dans leurs ordres juridiques respectifs au plus tard deux ans à compter de son entrée en vigueur. La directive 1999/31 étant entrée en vigueur le 16 juillet 1999, conformément à son article 19, le délai prévu à l’article 14 de celle-ci a, par conséquent, expiré le 16 juillet 2009 (voir, en ce sens, arrêt Commission/Roumanie, points 23 et 29).
27 Par conséquent, en l’espèce, à la date à laquelle la Commission lui a adressé sa lettre de mise en demeure, à savoir le 14 mai 2020, la Roumanie était déjà tenue de se conformer aux obligations lui incombant au titre de l’article 14 de la directive 1999/31 depuis plus de dix années, et avait fait l’objet d’une procédure d’infraction ayant abouti à l’arrêt Commission/Roumanie, prononcé le 18 octobre 2018. Par ailleurs, en prorogeant le délai de réponse à cette lettre jusqu’au 30 septembre 2020, la Commission a accordé à cet État membre un délai de plus de quatre mois, à compter de la réception de ladite lettre, afin de se conformer à ces obligations et de faire utilement valoir ses moyens de défense. En outre, la Commission n’a introduit le présent recours que le 15 février 2022, soit un an et neuf mois après l’envoi de la même lettre.
28 Dans ces conditions, la Roumanie demeure en défaut d’établir qu’elle n’a pas bénéficié d’un délai raisonnable au sens de la jurisprudence rappelée au point 25 du présent arrêt. Dans ce contexte, l’argument de cet État membre relatif à l’effet de la pandémie de COVID-19 sur l’exécution desdites obligations ne saurait davantage prospérer. En effet, l’insuffisance de mesures qui auraient dû être adoptées et mises en œuvre depuis le 16 juillet 2009 ne peut être justifiée par une pandémie survenue au cours de l’année 2020 [voir, par analogie, arrêt du 29 juin 2023, Commission/Portugal (Valeurs limites – NO2), C‑220/22, EU:C:2023:521, point 101].
29 S’agissant de l’argument de la Roumanie selon lequel la Commission aurait méconnu le principe d’égalité de traitement en lui appliquant un délai de mise en conformité avec la directive 1999/31 plus court que celui prétendument accordé à d’autres États membres dans des situations analogues, il convient de rappeler la jurisprudence constante selon laquelle la Commission dispose d’un pouvoir d’appréciation pour décider de l’opportunité d’agir contre un État membre, pour déterminer les dispositions qu’il aurait violées et pour choisir le moment où elle initiera la procédure en manquement contre celui-ci, les considérations qui déterminent ce choix ne pouvant affecter la recevabilité de l’action. La Cour a ainsi jugé que, compte tenu de cette marge d’appréciation, l’absence de recours en manquement contre un État membre n’est pas pertinente pour apprécier la recevabilité d’un recours en manquement introduit contre un autre État membre [arrêt du 2 avril 2020, Commission/Pologne, Hongrie et République tchèque (Mécanisme temporaire de relocalisation de demandeurs de protection internationale), C‑715/17, C‑718/17 et C‑719/17, EU:C:2020:257, points 75 et 76 ainsi que jurisprudence citée].
30 En l’espèce, la Roumanie reste en défaut d’établir que la Commission aurait méconnu les limites de la marge d’appréciation visée au point précédent du présent arrêt. À cet égard, il y a lieu de relever que cette institution a pris la décision d’introduire le présent recours lorsqu’il est apparu que cet État membre ne respecterait pas l’échéance prévue par le calendrier de mise en conformité visé au point 17 de cet arrêt, à savoir le mois de décembre 2023, soit plus de cinq ans après le prononcé de l’arrêt Commission/Roumanie.
31 L’action de la Commission était donc fondée sur un critère objectif et neutre, relatif à la persistance du manquement reproché à la Roumanie [voir, par analogie, arrêt du 2 avril 2020, Commission/Pologne, Hongrie et République tchèque (Mécanisme temporaire de relocalisation de demandeurs de protection internationale), C‑715/17, C‑718/17 et C‑719/17, EU:C:2020:257, point 81].
32 Dès lors, la circonstance que, dans des situations prétendument analogues, des États membres autres que la Roumanie auraient joui d’une période plus longue entre la date de la lettre de mise en demeure et celle de la saisine de la Cour ne saurait aucunement affecter la recevabilité du présent recours.
33 Par conséquent, le recours introduit par la Commission est recevable.
Sur le manquement
Argumentation des parties
34 Au regard du dispositif de l’arrêt Commission/Roumanie, la Commission soutient que, en vertu de l’article 260, paragraphe 1, TFUE, la Roumanie était tenue de prendre les mesures nécessaires pour qu’il soit procédé, dans les meilleurs délais, à la désaffectation des 68 décharges en cause dans cet arrêt.
35 La Roumanie reconnaît que, à la date d’expiration du délai fixé dans la lettre de mise en demeure, tel que prorogé, à savoir le 30 septembre 2020, elle n’avait pas pris toutes les mesures nécessaires aux fins de se conformer à cet arrêt, s’agissant de la désaffectation de 47 de ces décharges.
Appréciation de la Cour
36 En vertu de l’article 260, paragraphe 2, TFUE, si la Commission estime que l’État membre concerné n’a pas pris les mesures que comporte l’exécution de l’arrêt de la Cour, elle peut saisir cette dernière, après avoir mis cet État membre en mesure de présenter ses observations, en indiquant le montant de la somme forfaitaire ou de l’astreinte à payer par ledit État membre qu’elle estime adapté aux circonstances.
37 À cet égard, la date de référence pour apprécier l’existence d’un manquement au titre de l’article 260, paragraphe 2, TFUE est celle de l’expiration du délai fixé dans la lettre de mise en demeure émise en vertu de cette disposition [voir, en ce sens, arrêts du 12 novembre 2020, Commission/Belgique (Revenus immobiliers étrangers), C‑842/19, EU:C:2020:915, point 12, et du 20 janvier 2022, Commission/Grèce (Récupération d’aides d’État – Ferronickel), C‑51/20, EU:C:2022:36, point 61 ainsi que jurisprudence citée].
38 En l’espèce, ainsi que la Roumanie l’a reconnu dans son mémoire en défense et dans sa duplique, il est constant que, à la date d’expiration du délai fixé dans la lettre de mise en demeure, tel que prorogé, à savoir le 30 septembre 2020, cet État membre n’avait pas adopté les mesures nécessaires pour se conformer à l’arrêt Commission/Roumanie, s’agissant de la désaffectation de 47 des 68 décharges visées dans cet arrêt.
39 Dans ces conditions, il convient de constater que, en n’ayant pas pris les mesures que comporte l’exécution de l’arrêt Commission/Roumanie, la Roumanie a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 260, paragraphe 1, TFUE.
Sur les sanctions pécuniaires
Sur l’astreinte
Argumentation des parties
40 La Commission fait valoir que le manquement reproché à la Roumanie perdurerait à la date de l’examen des faits par la Cour, et propose de sanctionner le défaut d’exécution de l’arrêt Commission/Roumanie par la condamnation de cet État membre à une astreinte, en se fondant notamment sur sa communication SEC(2005) 1658, du 12 décembre 2005, intitulée « Mise en œuvre de l’article [260 TFUE] » (ci-après la « communication de 2005 »), ainsi que sur sa communication intitulée « Ajustement du calcul des sommes forfaitaires et des astreintes journalières proposées par la Commission dans le cadre des procédures d’infraction devant la Cour de justice de l’Union européenne à la suite du retrait du Royaume-Uni » (JO 2021, C 129, p. 1). La Commission observe que, selon la formule visée dans la communication de 2005, le montant de l’astreinte journalière est égal au forfait de base uniforme multiplié par un coefficient de gravité, un coefficient de durée et un facteur « n », tenant compte, notamment, de la capacité de paiement de l’État membre en cause.
41 S’agissant du coefficient de gravité, la Commission relève que, si toute infraction résultant de la non-exécution d’un arrêt de la Cour présente en soi une gravité certaine, le non-respect de l’obligation d’éliminer les déchets sans mettre en danger la santé humaine et sans porter préjudice à l’environnement doit être qualifié de particulièrement grave. Quant au point de savoir s’il existe des circonstances atténuantes ou aggravantes, la Commission observe, d’une part, que la coopération de la Roumanie dans le cadre de la procédure au titre de l’article 260 TFUE ainsi que les progrès réalisés par cet État membre dans la réduction du nombre de décharges à désaffecter et dans l’adoption de réglementations internes visant à faciliter l’expropriation de ces décharges peuvent constituer des circonstances atténuantes. D’autre part, le fait que la Roumanie resterait en défaut de se conformer aux exigences de la directive 1999/31 depuis le 16 juillet 2009 constituerait une circonstance aggravante. Ainsi, la Commission propose de faire application d’un coefficient de gravité de 5 sur l’échelle de 1 à 20 visée dans la communication de 2005.
42 Concernant le coefficient de durée, dès lors que plus de 36 mois se sont écoulés entre la date du prononcé de l’arrêt Commission/Roumanie et celle à laquelle la Commission a pris la décision de saisir la Cour, cette institution propose de fixer ce coefficient au niveau maximal prévu par la communication de 2005, à savoir 3 sur une échelle de 1 à 3.
43 Enfin, s’agissant du facteur « n », si la Commission prend acte des enseignements de l’arrêt du 20 janvier 2022, Commission/Grèce (Récupération d’aides d’État – Ferronickel) (C‑51/20, EU:C:2022:36), dont il ressort que le produit intérieur brut (PIB) de l’État membre concerné constitue le facteur prédominant, alors que la prise en compte du poids institutionnel de celui-ci n’est, quant à elle, pas indispensable, cette institution fonde toutefois sa demande sur les paramètres exposés dans les communications visées au point 40 du présent arrêt, lesquels n’ont pas encore été adaptés à la suite de cet arrêt du 20 janvier 2022, Commission/Grèce (Récupération d’aides d’État – Ferronickel) (C‑51/20, EU:C:2022:36). Dans ce contexte, la Commission propose de fixer le facteur « n » pour la Roumanie à 0,74.
44 Selon la Commission, le forfait de base uniforme étant établi à 2 683 euros, le montant de l’astreinte devrait s’élever à 29 781,30 euros par jour. Afin de garantir une réduction progressive de ce montant en fonction des progrès effectués par la Roumanie dans le respect de ses obligations, cette institution propose d’appliquer des astreintes dégressives en divisant ledit montant par le nombre de décharges visé dans la requête, à savoir 44, de sorte que le montant ainsi obtenu, qui serait égal à 676,85 euros par jour, serait déduit de celui de l’astreinte journalière pour chaque décharge pour laquelle la Roumanie aura pris les mesures nécessaires pour se conformer à l’arrêt Commission/Roumanie.
45 La Roumanie demande à la Cour de rejeter la demande d’astreinte de la Commission ou, à titre subsidiaire, de réduire le montant de celle-ci, en prenant en considération les progrès réalisés par cet État membre dans son processus de mise en conformité avec la directive 1999/31.
46 S’agissant du coefficient de gravité, la Roumanie fait valoir que toute violation de la directive 1999/31 ne saurait être considérée comme étant particulièrement grave et que, à cet égard, les progrès réalisés dans la désaffectation des décharges concernées doivent être pris en considération.
47 Outre les circonstances atténuantes identifiées par la Commission, la Roumanie soutient que le fait que cet État membre n’a, auparavant, jamais été condamné pour inexécution d’un arrêt de la Cour constitue également une circonstance atténuante. Par ailleurs, selon ledit État membre, la durée de l’infraction ne saurait être prise en compte en tant que circonstance aggravante.
48 Concernant le coefficient de durée, la Roumanie fait notamment valoir que, en se fondant sur la date à laquelle elle a décidé de saisir la Cour, la Commission s’appuierait sur un élément qui dépend non pas de la volonté de l’État membre concerné, mais de la méthode et de la charge de travail des propres services de cette institution.
49 Enfin, s’agissant du facteur « n », la Roumanie considère que la référence au poids institutionnel de l’État membre concerné n’est pas conforme à la jurisprudence mentionnée au point 43 du présent arrêt. La Roumanie invite également la Cour à tenir compte de l’évolution de son PIB au cours de la période comprise entre l’année 2020 et l’année 2022.
Appréciation de la Cour
50 À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que la procédure prévue à l’article 260, paragraphe 2, TFUE a pour objectif d’inciter un État membre défaillant à exécuter un arrêt en manquement et, partant, d’assurer l’application effective du droit de l’Union, et que les mesures prévues à cette disposition, à savoir l’astreinte et la somme forfaitaire, visent toutes deux ce même objectif [arrêt du 20 janvier 2022, Commission/Grèce (Récupération d’aides d’État – Ferronickel), C‑51/20, EU:C:2022:36, point 85 et jurisprudence citée].
51 Il convient de rappeler, également, qu’il appartient à la Cour, dans chaque affaire et en fonction des circonstances de l’espèce dont elle se trouve saisie ainsi que du niveau de persuasion et de dissuasion qui lui paraît requis, d’arrêter les sanctions pécuniaires appropriées, notamment pour prévenir la répétition d’infractions analogues au droit de l’Union [arrêt du 20 janvier 2022, Commission/Grèce (Récupération d’aides d’État – Ferronickel), C‑51/20, EU:C:2022:36, point 86 et jurisprudence citée].
52 Selon une jurisprudence constante de la Cour, l’infliction d’une astreinte ne se justifie, en principe, que pour autant que perdure le manquement tiré de l’inexécution d’un précédent arrêt jusqu’à l’examen des faits par la Cour [arrêt du 20 janvier 2022, Commission/Grèce (Récupération d’aides d’État – Ferronickel), C‑51/20, EU:C:2022:36, point 87 et jurisprudence citée].
53 Afin de déterminer si le manquement qui est reproché à la partie défenderesse a perduré jusqu’à l’examen des faits de l’espèce par la Cour, il y a lieu d’apprécier les mesures qui, selon cette partie, ont été adoptées postérieurement au délai fixé dans la lettre de mise en demeure [arrêt du 20 janvier 2022, Commission/Grèce (Récupération d’aides d’État – Ferronickel), C‑51/20, EU:C:2022:36, point 88 et jurisprudence citée].
54 En l’espèce, il est établi que, eu égard aux circonstances mentionnées au point 21 du présent arrêt, la Roumanie demeure en défaut d’exécuter l’arrêt Commission/Roumanie en ce qui concerne 31 décharges, de telle sorte que le manquement reproché à la Roumanie a perduré jusqu’à l’examen des faits de l’espèce par la Cour.
55 Dans ces conditions, la condamnation de la Roumanie au paiement d’une astreinte constitue un moyen financier approprié afin d’inciter cet État membre à prendre les mesures nécessaires pour mettre fin au manquement constaté et pour assurer l’exécution complète de l’arrêt Commission/Roumanie [voir, par analogie, arrêt du 20 janvier 2022, Commission/Grèce (Récupération d’aides d’État – Ferronickel), C‑51/20, EU:C:2022:36, point 92].
56 À cet égard, il est de jurisprudence constante que l’astreinte doit être arrêtée en fonction du degré de persuasion nécessaire pour que l’État membre concerné modifie son comportement et mette fin au comportement incriminé [voir, en ce sens, arrêt du 20 janvier 2022, Commission/Grèce (Récupération d’aides d’État – Ferronickel), C‑51/20, EU:C:2022:36, point 93 et jurisprudence citée].
57 Dans l’exercice de son pouvoir d’appréciation en la matière, il incombe à la Cour de fixer l’astreinte de telle sorte que celle-ci soit, d’une part, adaptée aux circonstances et, d’autre part, proportionnée au manquement constaté ainsi qu’à la capacité de paiement de l’État membre concerné [arrêt du 20 janvier 2022, Commission/Grèce (Récupération d’aides d’État – Ferronickel), C‑51/20, EU:C:2022:36, point 94 et jurisprudence citée].
58 Les propositions de la Commission concernant le montant de l’astreinte ne sauraient lier la Cour et ne constituent qu’une base de référence utile. La Cour doit demeurer libre de fixer l’astreinte infligée au montant et sous la forme qu’elle considère adéquats pour inciter l’État membre concerné à mettre fin à l’inexécution des obligations qui lui incombent en vertu du droit de l’Union [arrêt du 12 novembre 2020, Commission/Belgique (Revenus immobiliers étrangers), C‑842/19, EU:C:2020:915, point 64 et jurisprudence citée].
59 Aux fins de la fixation du montant de l’astreinte, les critères de base qui doivent être pris en considération pour assurer la nature coercitive de cette dernière, en vue d’une application uniforme et effective du droit de l’Union, sont, en principe, la gravité de l’infraction, sa durée et la capacité de paiement de l’État membre en cause. Pour l’application de ces critères, il y a lieu de tenir compte, en particulier, des conséquences du défaut d’exécution sur les intérêts privés et publics ainsi que de l’urgence à ce que l’État membre concerné se conforme à ses obligations [arrêts du 12 novembre 2020, Commission/Belgique (Revenus immobiliers étrangers), C‑842/19, EU:C:2020:915, point 65, et du 20 janvier 2022, Commission/Grèce (Récupération d’aides d’État – Ferronickel), C‑51/20, EU:C:2022:36, point 96 ainsi que jurisprudence citée].
60 S’agissant de la gravité de l’infraction, il convient de relever que, en vertu de l’article 1er, paragraphe 1, de la directive 1999/31, cette dernière vise notamment à prévenir ou à réduire autant que possible les effets négatifs de la mise en décharge des déchets sur l’environnement, ainsi que les risques qui en résultent pour la santé humaine.
61 Or, selon une jurisprudence constante de la Cour, lorsqu’une infraction et, en particulier, un défaut d’exécution d’un arrêt de la Cour sont de nature à porter préjudice à l’environnement et à mettre en danger la santé humaine, une telle infraction doit être considérée comme étant particulièrement grave (voir, en ce sens, arrêts du 9 décembre 2008, Commission/France, C‑121/07, EU:C:2008:695, point 77, et du 22 février 2018, Commission/Grèce, C‑328/16, EU:C:2018:98, point 93 ainsi que jurisprudence citée).
62 En l’espèce, ainsi qu’il ressort du dossier soumis à la Cour, la mise en œuvre incomplète de l’arrêt Commission/Roumanie entraîne un risque important de pollution et de conséquences graves pour la santé humaine, notamment par la libération de substances chimiques nocives dans les sols, l’air et l’eau. Tel est, en particulier, le cas des décharges de déchets industriels dangereux qui n’ont pas encore été désaffectées.
63 À cet égard, il y a, certes, lieu de prendre en considération, en tant que circonstances atténuantes, la coopération de la Roumanie dans le cadre de la procédure au titre de l’article 260 TFUE ainsi que les progrès réalisés dans la réduction du nombre de décharges à désaffecter et dans l’adoption de réglementations internes visant à faciliter l’expropriation de décharges à désaffecter. De même, il convient de prendre en compte, en tant que circonstance atténuante, le fait que cet État membre n’a, auparavant, jamais omis d’exécuter un arrêt rendu par la Cour au titre de l’article 258 TFUE (voir, par analogie, arrêt du 30 mai 2013, Commission/Suède, C‑270/11, EU:C:2013:339, point 55).
64 Toutefois, il y a également lieu de prendre en considération, en tant que circonstance aggravante, le fait que ledit État membre n’a pas prévu de se conformer pleinement aux exigences de la directive 1999/31 avant le mois de décembre 2023, à savoir plus de quatorze années après l’expiration du délai visé au point 26 du présent arrêt, de telle sorte que le non-respect de ces exigences présente un caractère particulièrement long (voir, par analogie, arrêt du 22 juin 2016, Commission/Portugal, C‑557/14, EU:C:2016:471, point 74).
65 S’agissant de la durée de l’infraction, il convient de prendre en compte la période comprise entre le prononcé de l’arrêt constatant le premier manquement et le moment auquel la Cour apprécie les faits [voir, en ce sens, arrêts du 12 novembre 2020, Commission/Belgique (Revenus immobiliers étrangers), C‑842/19, EU:C:2020:915, point 56, et du 20 janvier 2022, Commission/Grèce (Récupération d’aides d’État – Ferronickel), C‑51/20, EU:C:2022:36, point 105 ainsi que jurisprudence citée].
66 En l’espèce, il est établi que le manquement perdure plus de quatre ans après la date du prononcé de l’arrêt Commission/Roumanie, ce qui constitue une durée considérable [voir, par analogie, arrêt du 20 janvier 2022, Commission/Grèce (Récupération d’aides d’État – Ferronickel), C‑51/20, EU:C:2022:36, point 106].
67 En effet, bien que l’article 260, paragraphe 1, TFUE ne précise pas le délai dans lequel l’exécution d’un arrêt doit intervenir, l’intérêt qui s’attache à une application immédiate et uniforme du droit de l’Union exige, selon une jurisprudence constante, que cette exécution soit entamée immédiatement et aboutisse dans des délais aussi brefs que possible [arrêt du 12 novembre 2019, Commission/Irlande (Parc éolien de Derrybrien), C‑261/18, EU:C:2019:955, point 123 et jurisprudence citée].
68 À cet égard, s’agissant de l’argument de la Roumanie, selon lequel la durée de l’infraction invoquée par la Commission dépendrait de la méthode ou de la charge de travail des propres services de cette institution, il suffit de relever que cette durée est uniquement imputable au comportement de l’État membre concerné, qui a omis de mettre en œuvre l’arrêt concerné dans son intégralité, de sorte que cet argument ne saurait prospérer.
69 Concernant la capacité de paiement de l’État membre concerné, il convient de se fonder sur le PIB de ce dernier en tant que facteur prédominant, sans tenir compte de son poids institutionnel. À cet égard, il convient également de prendre en compte l’évolution récente du PIB de cet État membre, telle qu’elle se présente à la date de l’examen des faits par la Cour [voir, en ce sens, arrêt du 20 janvier 2022, Commission/Grèce (Récupération d’aides d’État – Ferronickel), C‑51/20, EU:C:2022:36, points 107 et 116].
70 Enfin, s’agissant de la périodicité de l’astreinte, ainsi que le propose la Commission, la Cour considère approprié de fixer un montant par décharge et par jour de retard, afin de permettre la prise en compte des progrès réalisés par la Roumanie dans la désaffectation des décharges concernées.
71 Au vu de ce qui précède et au regard du pouvoir d’appréciation reconnu à la Cour au titre de l’article 260, paragraphe 2, TFUE, il y a lieu de condamner la Roumanie à payer à la Commission une astreinte d’un montant de 600 euros par décharge et par jour de retard dans la mise en œuvre des mesures nécessaires pour se conformer à l’arrêt Commission/Roumanie, à compter de la date du prononcé du présent arrêt et jusqu’à celle de l’exécution complète de l’arrêt Commission/Roumanie.
Sur la somme forfaitaire
Argumentation des parties
72 La Commission affirme que chaque inexécution prolongée d’un arrêt de la Cour représente en soi une atteinte grave au principe de légalité et à la sécurité juridique dans une Union de droit.
73 En l’espèce, selon la Commission, la condamnation de la Roumanie au paiement d’une somme forfaitaire serait justifiée par le danger que représenteraient les décharges concernées pour l’environnement et la santé humaine ainsi que par la nécessité de prévenir efficacement la répétition d’infractions analogues au droit de l’Union.
74 S’agissant du montant de la somme forfaitaire, la Commission propose d’appliquer au forfait de base uniforme de 895 euros, prévu par les communications visées au point 40 du présent arrêt, le même coefficient de gravité et le même facteur « n » que ceux retenus pour le calcul de l’astreinte, la durée de l’infraction étant, quant à elle, prise en compte par la fixation d’un montant journalier multiplié par le nombre de jours de persistance du manquement.
75 Ainsi, la Commission demande à la Cour de condamner la Roumanie à payer une somme forfaitaire journalière de 3 311,50 euros, multipliée par le nombre de jours qui se seront écoulés entre le jour suivant le prononcé de l’arrêt Commission/Roumanie et la date à laquelle la Roumanie aura pris les mesures nécessaires à l’exécution de cet arrêt ou, à défaut, la date du prononcé de l’arrêt de la Cour dans la présente affaire, pour autant qu’une somme forfaitaire minimale de 1 643 000 euros soit dépassée. La fixation d’une somme forfaitaire minimale serait justifiée par la nécessité d’infliger une sanction réelle et dissuasive dans chaque cas d’inexécution persistante d’un arrêt de la Cour.
76 La Roumanie considère, en substance pour les mêmes raisons que celles qu’elle a invoquées à l’égard de la demande d’astreinte, qu’il convient de réduire le montant de la somme forfaitaire demandée par la Commission. Elle soutient également que la demande de fixation d’une somme forfaitaire minimale devrait être rejetée, dès lors que cette somme ne tient pas compte des spécificités de l’infraction sanctionnée.
Appréciation de la Cour
77 Il convient de rappeler, à titre liminaire, que la Cour est habilitée, dans l’exercice du pouvoir d’appréciation qui lui est conféré dans le domaine considéré, à imposer, de façon cumulative, une astreinte et une somme forfaitaire [arrêt du 20 janvier 2022, Commission/Grèce (Récupération d’aides d’État – Ferronickel), C‑51/20, EU:C:2022:36, point 128 et jurisprudence citée].
78 La condamnation au paiement d’une somme forfaitaire et la fixation du montant éventuel de cette somme doivent, dans chaque cas d’espèce, demeurer fonction de l’ensemble des éléments pertinents ayant trait tant aux caractéristiques du manquement constaté qu’à l’attitude propre à l’État membre concerné par la procédure engagée sur le fondement de l’article 260 TFUE. À cet égard, celui-ci investit la Cour d’un large pouvoir d’appréciation afin de décider de l’infliction ou non d’une telle sanction et de déterminer, le cas échéant, son montant [arrêt du 20 janvier 2022, Commission/Grèce (Récupération d’aides d’État – Ferronickel), C‑51/20, EU:C:2022:36, point 129 et jurisprudence citée].
79 En l’espèce, ainsi que la Commission l’a relevé, les éléments à l’origine du manquement constaté par le présent arrêt justifient, compte tenu de ce que ces éléments présentent un danger pour l’environnement et la santé humaine, et eu égard à la nécessité de prévenir de manière effective la répétition future d’infractions analogues au droit de l’Union, l’adoption d’une mesure dissuasive, telle que la condamnation au paiement d’une somme forfaitaire (voir, par analogie, arrêt du 4 juillet 2018, Commission/Slovaquie, C‑626/16, EU:C:2018:525, point 99).
80 Dans ces circonstances, il appartient à la Cour, dans l’exercice de son pouvoir d’appréciation, de fixer le montant de cette somme forfaitaire de telle sorte qu’elle soit, d’une part, adaptée aux circonstances et, d’autre part, proportionnée à l’infraction commise [arrêt du 20 janvier 2022, Commission/Grèce (Récupération d’aides d’État – Ferronickel), C‑51/20, EU:C:2022:36, point 131 et jurisprudence citée].
81 Les circonstances devant être prises en compte ressortent notamment des motifs figurant aux points 59 à 69 du présent arrêt, relatifs à la gravité et à la durée de l’infraction ainsi qu’à la capacité de paiement de l’État membre en cause [voir, par analogie, arrêt du 20 janvier 2022, Commission/Grèce (Récupération d’aides d’État – Ferronickel), C‑51/20, EU:C:2022:36, point 133 et jurisprudence citée].
82 Eu égard aux considérations qui précèdent, la Cour considère comme appropriée l’infliction d’une somme forfaitaire d’un montant de 1 500 000 euros.
83 Il convient, par conséquent, de condamner la Roumanie à payer à la Commission une somme forfaitaire d’un montant de 1 500 000 euros.
Sur les dépens
84 Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant conclu à la condamnation de la Roumanie et le manquement ayant été constaté, il y a lieu de condamner cet État membre aux dépens.
Par ces motifs, la Cour (sixième chambre) déclare et arrête :
1) En n’ayant pas pris les mesures que comporte l’exécution de l’arrêt du 18 octobre 2018, Commission/Roumanie (C-301/17, EU:C:2018:846), la Roumanie a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 260, paragraphe 1, TFUE.
2) La Roumanie est condamnée à payer à la Commission européenne une astreinte d’un montant de 600 euros par décharge et par jour de retard dans la mise en œuvre des mesures nécessaires pour se conformer à l’arrêt du 18 octobre 2018, Commission/Roumanie (C-301/17, EU:C:2018:846), à compter de la date du prononcé du présent arrêt et jusqu’à celle de l’exécution complète de l’arrêt du 18 octobre 2018, Commission/Roumanie (C-301/17, EU:C:2018:846).
3) La Roumanie est condamnée à payer à la Commission européenne une somme forfaitaire d’un montant de 1 500 000 euros.
4) La Roumanie est condamnée aux dépens.
Signatures
* Langue de procédure : le roumain.
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