Arctic Paper Grycksbo v Commission (Environment - System for greenhouse gas emission allowance trading - Judgment) French Text [2023] EUECJ T-269/21 (26 July 2023)


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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions)


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URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2023/T26921.html
Cite as: [2023] EUECJ T-269/21, EU:T:2023:429, ECLI:EU:T:2023:429

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ARRÊT DU TRIBUNAL (deuxième chambre)

26 juillet 2023 (*)

« Environnement – Directive 2003/87/CE – Système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre – Mesures nationales d’exécution – Allocation transitoire à titre gratuit de quotas d’émission de gaz à effet de serre – Décision d’exclure une installation utilisant exclusivement de la biomasse – Obligation de diligence – Droit d’être entendu – Obligation de motivation – Erreur manifeste d’appréciation – Égalité de traitement – Confiance légitime – Exception d’illégalité – Point 1 de l’annexe I de la directive 2003/87 »

Dans l’affaire T‑269/21,

Arctic Paper Grycksbo AB, établie à Grycksbo (Suède), représentée par Mes A. Bryngelsson, A. Johansson et F. Sjövall, avocats,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par MM. G. Wils, B. De Meester et Mme P. Carlin, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

soutenue par

Parlement européen, représenté par Mme C. Ionescu Dima, MM. W. Kuzmienko et P. Biström, en qualité d’agents,

et par

Conseil de l’Union européenne, représenté par M. A. Norberg et Mme J. Himmanen, en qualité d’agents,

parties intervenantes,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre),

composé de Mme A. Marcoulli, présidente, MM. S. Frimodt Nielsen (rapporteur) et R. Norkus, juges,

greffier : Mme H. Eriksson, administratrice,

vu la phase écrite de la procédure,

à la suite de l’audience du 2 février 2023,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, Arctic Paper Grycksbo AB, demande l’annulation, en ce qui la concerne, de l’article 1er, paragraphe 1, et de l’annexe I de la décision (UE) 2021/355 de la Commission, du 25 février 2021, concernant les mesures nationales d’exécution pour l’allocation transitoire à titre gratuit de quotas d’émission de gaz à effet de serre conformément à l’article 11, paragraphe 3, de la directive 2003/87/CE du Parlement européen et du Conseil (JO 2021, L 68, p. 221, ci-après la « décision attaquée »).

 Antécédents du litige

2        Le présent recours concerne une installation de production de papier graphique fin couché exploitée par la requérante à Grycksbo (Suède). La requérante est titulaire d’une autorisation d’émettre des gaz à effet de serre depuis 2005.

3        La décision attaquée a pour effet d’exclure l’installation en cause du système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre (ci-après le « SEQE ») instauré par la directive 2003/87/CE du Parlement européen et du Conseil, du 13 octobre 2003, établissant un SEQE dans la Communauté et modifiant la directive 96/61/CE du Conseil (JO 2003, L 275, p. 32), telle que modifiée par la directive (UE) 2018/410 du Parlement européen et du Conseil, du 14 mars 2018, modifiant la directive 2003/87 afin de renforcer le rapport coût-efficacité des réductions d’émissions et de favoriser les investissements à faible intensité de carbone, et la décision (UE) 2015/1814 (JO 2018, L 76, p. 3). Cette exclusion a, notamment, pour effet de priver la requérante de l’allocation à titre gratuit de quotas d’émission pour la quatrième période d’échanges (2021-2025).

4        Pour pouvoir prétendre à cette allocation, le 7 mai 2019, la requérante a présenté à la Naturvårdsverket (Agence pour la protection de l’environnement, Suède) une demande en ce sens. Dans cette demande, elle a arrondi à zéro le nombre de tonnes de dioxyde de carbone d’origine fossile émis pendant la période de référence (allant de 2014 à 2018). Selon elle, ses émissions réelles étaient supérieures à 0 et inférieures à 0,5 t pour les années 2018 à 2020.

5        Le 27 septembre 2019, le Royaume de Suède a présenté à la Commission européenne la mesure nationale d’exécution (ci-après la « MNE ») prévue à l’article 11 de la directive 2003/87, c’est-à-dire la liste des installations devant relever du SEQE pour la quatrième période d’échanges. L’installation en cause figurait sur cette liste, sous la référence SE468. Les quantités de dioxyde de carbone d’origine fossile déclarées pour cette installation étaient de 0 t, pour chaque année de la période de référence (2014-2018).

6        Par lettre d’observations du 19 mai 2020, la Commission a contesté l’inclusion de 49 installations sur la MNE, dont l’installation en cause, dans les termes suivants :

« Pendant au moins un an de la période de référence, [l’installation en cause] a généré près de 100 % des émissions de biomasse. De telles installations ne devraient pas être incluses dans le SEQE. Veuillez s’il vous plaît fournir des explications. »

7        Le 16 juin 2020, l’Agence pour la protection de l’environnement a répondu aux observations de la Commission en indiquant que l’installation en cause relevait d’une mesure nationale d’option, approuvée par la Commission, prévoyant l’inclusion des installations raccordées à un réseau de chauffage urbain.

8        Par courriel adressé à l’Agence pour la protection de l’environnement le 30 septembre 2020, la Commission a réitéré sa position selon laquelle les installations ayant utilisé exclusivement de la biomasse au cours de la période de référence mentionnée ci-dessus (2014-2018) devaient être exclues du SEQE.

9        Le 1er octobre 2020, l’Agence pour la protection de l’environnement a adressé à la Commission un courriel dans lequel elle reconnaissait que l’installation en cause n’était pas raccordée à un réseau de chauffage urbain et que son inclusion dans le SEQE était discutable. Néanmoins, elle n’estimait pas pouvoir retirer cette installation de la MNE à ce stade de la procédure, au motif que le droit administratif national ne prévoyait pas la possibilité d’un retrait unilatéral et sans base légale de l’autorisation dont disposait la requérante. Elle indiquait en outre qu’il ne pouvait être exclu que l’installation en cause utilise à l’avenir du carburant d’origine fossile.

10      Par courriel du 17 décembre 2020, l’Agence pour la protection de l’environnement a informé la Commission que l’identification des installations dont elle envisageait l’exclusion était une tâche ardue, en raison du critère d’utilisation exclusive de la biomasse et de la période de référence qui avait été retenue (2014-2018).

11      Le 14 janvier 2021, la Commission a communiqué aux représentants des États membres siégeant au comité des changements climatiques un projet de règlement portant sur la révision des valeurs des référentiels de produits pour la période d’échanges allant de l’année 2021 à l’année 2025. Ce projet a fait l’objet d’une version modifiée le 26 janvier 2021, en vue de son approbation le lendemain par ledit comité.

12      Par courriel du 26 janvier 2021, l’Agence pour la protection de l’environnement a signalé à la Commission avoir constaté des différences dans les déclarations des entreprises ayant émis moins de 0,5 t de dioxyde de carbone d’origine fossile au cours de la période de référence. Elle indiquait que certaines entreprises, qu’elle n’identifiait pas, avaient arrondi ces émissions à 0 t, alors que d’autres avaient indiqué leurs émissions réelles sans procéder à un tel arrondi. Elle faisait observer que la Commission contestait l’inclusion des seules installations ayant déclaré des émissions de dioxyde de carbone d’origine fossile égales à 0 t, alors que celle des installations ayant déclaré leurs émissions sans les arrondir n’avaient fait l’objet d’aucune contestation. Elle demandait à la Commission de préciser les méthodes qu’elle entendait appliquer à l’ensemble des installations utilisant de la biomasse.

13      Le 28 janvier 2021, la Commission a informé l’Agence pour la protection de l’environnement que la phase d’examen des MNE était achevée et qu’elle ne pouvait plus désormais tenir compte de modifications ayant une incidence sur la liste des installations et sur le calcul des référentiels de produits.

14      Le même jour, le texte final du projet de règlement mentionné au point 11 ci-dessus a été communiqué aux États membres pour adoption par procédure écrite. La date limite pour présenter des observations a été fixée au 11 février 2021.

15      Le 1er février 2021, l’Agence pour la protection de l’environnement a indiqué que la liste des installations figurant dans la MNE ne pouvait être considérée comme définitive tant que la Commission n’aurait pas pris position sur les questions mentionnées dans le courriel du 26 janvier 2021 (voir point 12 ci-dessus).

16      Par courriel du même jour, la Commission a répondu dans les termes suivants :

« Nous avions achevé toutes les étapes de l’évaluation des MNE avant de soumettre le règlement sur les référentiels au comité des changements climatiques pour avis favorable et la décision de la Commission relative aux MNE pour adoption.

Comme indiqué dans un courrier électronique précédent, si un État membre détecte une erreur dans la liste des MNE qui n’affecte ni les valeurs des référentiels de produits ni les décisions relatives aux MNE, mais uniquement l’allocation de quotas à titre gratuit (ou qui met uniquement à jour les données afin que la référence exacte soit mentionnée à l’avenir, et afin d’éviter une correction future des MNE), nous pouvons accepter une liste mise à jour des [MNE] à ce stade, avant de soumettre la quantité annuelle provisoire de quotas gratuits.

En ce qui concerne la méthode que nous avons utilisée pour les installations utilisant exclusivement de la biomasse, elle était fondée sur les émissions et aucun arrondi n’a été appliqué ni aux émissions directes ni aux émissions provenant de la biomasse. »

17      Par courriel du 4 février 2021, l’Agence pour la protection de l’environnement a signalé à la Commission des incohérences apparentes dans la manière dont celle-ci entendait traiter, au regard de l’exclusion des installations utilisant exclusivement de la biomasse, des installations dont les émissions de dioxyde de carbone d’origine fossile lui semblaient comparables. Dans le même courriel, elle faisait également observer à la Commission que la requérante avait déclaré une quantité d’émissions de 0,3727 t de dioxyde de carbone d’origine fossile au titre de l’année 2018. Elle demandait, enfin, s’il lui était possible d’actualiser la MNE en mentionnant sans les arrondir, pour chaque installation considérée par la Commission comme utilisant exclusivement de la biomasse, les quantités de dioxyde de carbone d’origine fossile effectivement émises durant la période de référence.

18      Par courriel du 16 février 2021, la Commission a répondu à l’Agence pour la protection de l’environnement qu’il n’était plus possible de procéder à des modifications affectant l’identité des installations figurant dans les MNE ou le calcul des référentiels de produits, étant donné que les actes qui y sont relatifs étaient en voie d’adoption.

19      Le 25 février 2021, la Commission a adopté la décision attaquée.

20      Dans la décision attaquée, la Commission a indiqué les cas dans lesquels elle entendait soulever des objections aux MNE qui lui avaient été proposées. S’agissant de la requérante, la Commission a indiqué ce qui suit au considérant 11 de ladite décision :

« La [République de Finlande] et [le Royaume de Suède] ont proposé d’inclure 51 installations utilisant exclusivement de la biomasse. Certaines de ces installations avaient fait l’objet d’une inclusion unilatérale en 2004-2007, approuvée par la Commission conformément à l’article 24 de la directive 2003/87. Néanmoins, les installations utilisant exclusivement de la biomasse ont par la suite été exclues du SEQE [...], conformément à une nouvelle disposition de l’annexe I, [point 1], de la directive 2003/87. Cette disposition, introduite [...] par la directive 2009/29 [...] et entrée en application le 1er janvier 2013, a redéfini le champ d’application du SEQE, y compris en ce qui concerne les inclusions antérieures. Par conséquent, l’inclusion des installations qui utilisaient exclusivement de la biomasse doit être rejetée pour toutes les années de la période de référence, y compris lorsque les installations figuraient sur la liste visée à l’article 11, paragraphe 1, de la directive 2003/87. »

21      Le 12 mars 2021, la Commission a adopté le règlement d’exécution (UE) 2021/447 déterminant les valeurs révisées des référentiels pour l’allocation de quotas d’émission à titre gratuit pour la période 2021-2025, conformément à l’article 10 bis, paragraphe 2, de la directive 2003/87 (JO 2021, L 87, p. 29).

22      Le 2 juin 2021, le Royaume de Suède a communiqué à la Commission une nouvelle MNE, sur laquelle la requérante ne figurait plus.

 Conclusions des parties

23      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée en ce qu’elle la concerne ;

–        condamner la Commission aux dépens.

24      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

25      Le Parlement européen conclut, en substance, à ce qu’il plaise au Tribunal de rejeter le recours.

26      Le Conseil de l’Union européenne conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

27      À l’appui du recours, la requérante invoque six moyens. Le premier est tiré d’une erreur manifeste d’appréciation. Le deuxième est pris de la violation du principe d’égalité de traitement. Le troisième est relatif à la violation des formes substantielles. Le quatrième moyen est tiré de la violation du principe de protection de la confiance légitime. Le cinquième moyen est tiré de la violation de la directive 2003/87, notamment de son article 10 bis et du point 1 de son annexe I. Enfin, le sixième moyen est pris de l’illégalité dudit point.

28      De plus, sans les rattacher formellement aux six moyens du recours, les parties principales ont échangé des arguments relatifs au cadre juridique applicable à la procédure d’adoption de la décision attaquée et aux obligations qui incombaient à la Commission. Ces arguments ont une incidence sur l’appréciation des deuxième et troisième moyens du recours, notamment.

29      Il convient donc, d’abord, de rappeler le cadre juridique dans lequel s’inscrit le SEQE ainsi que les objectifs de la directive 2003/87, puis d’examiner les arguments des parties relatifs à la régularité de la procédure d’adoption de la décision attaquée et, enfin, ceux mettant en cause le bien-fondé de cette dernière.

 Observations liminaires relatives au SEQE et aux objectifs poursuivis par la directive 2003/87

30      Le SEQE, régi par la directive 2003/87, concerne les installations répondant aux critères définis dans l’annexe I de celle-ci et émettant l’un ou plusieurs des gaz à effet de serre mentionnés dans son annexe II (article 2 de cette directive). Conformément à l’article 1er de ladite directive, le SEQE a pour finalité d’inciter les entreprises à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre dans des conditions économiquement efficaces et performantes. Le SEQE, ainsi qu’il ressort du considérant 8 de la même directive, implique donc l’inclusion des activités qui présentent un certain potentiel de réduction des émissions de gaz à effet de serre (voir arrêt du 20 juin 2019, ExxonMobil Production Deutschland, C‑682/17, EU:C:2019:518, points 55 et 56 et jurisprudence citée).

31      À cet égard, il y a lieu de rappeler que la directive 2003/87 a pour objet d’instituer un SEQE tendant à la réduction des émissions de gaz à effet de serre dans l’atmosphère à un niveau empêchant toute perturbation anthropique dangereuse du climat, et dont l’objectif final est la protection de l’environnement. (voir, en ce sens, arrêts du 8 mars 2017, ArcelorMittal Rodange et Schifflange, C‑321/15, EU:C:2017:179, point 24 et jurisprudence citée, et du 20 juin 2019, ExxonMobil Production Deutschland, C‑682/17, EU:C:2019:518, point 62 et jurisprudence citée). Ladite directive vise ainsi à réduire les émissions globales de gaz à effet de serre de l’Union européenne par rapport à leurs niveaux de l’année 1990, dans des conditions économiquement efficaces (voir, en ce sens, arrêt du 20 juin 2019, ExxonMobil Production Deutschland, C‑682/17, EU:C:2019:518, point 64 et jurisprudence citée).

32      Le SEQE vise ainsi à remplir les engagements internationaux de l’Union et de ses États membres en matière d’environnement, tout en poursuivant des objectifs multiples, tels que « nui[re] le moins possible au développement économique et à l’emploi » (considérant 5 de la directive 2003/87), « préserver le marché intérieur » (considérant 7 de ladite directive), « éviter les distorsions de concurrence » (considérant 7 de cette directive) (voir arrêt du 20 juin 2019, ExxonMobil Production Deutschland, C‑682/17, EU:C:2019:518, point 101 et jurisprudence citée) et prévenir les « fuites de carbone », c’est-à-dire la délocalisation, en dehors du marché intérieur, des producteurs émetteurs de gaz à effet de serre, dans les conditions prévues à l’article 10 ter de la même directive, notamment.

33      À cette fin, les entreprises incluses dans le SEQE sont tenues, d’une part, d’obtenir une autorisation d’émettre des gaz à effet de serre, qui leur est délivrée par les États membres sous réserve de la démonstration de leur capacité à surveiller et à déclarer leurs émissions et, d’autre part, de restituer chaque année des quotas, transférables à l’intérieur et à l’extérieur de l’Union. L’équivalence entre les quotas restitués par chaque installation et ses émissions effectives de gaz à effet de serre évaluées en tonnes d’équivalent-dioxyde de carbone fait l’objet d’une vérification et d’une comptabilisation par les États membres [article 3, sous a), et articles 4 à 6, 12, 15, 19 et 25 de la directive 2003/87].

34      Le SEQE met ainsi en place un ensemble d’incitations économiques à la réduction des gaz à effet de serre par les installations elles-mêmes. En effet, si l’objectif final du SEQE est la protection de l’environnement, ce système ne réduit pas de lui-même les émissions de gaz à effet de serre. En revanche, il encourage et favorise la recherche des coûts les plus bas pour atteindre une réduction desdites émissions à un niveau compatible avec les engagements internationaux de l’Union et de ses États membres, laquelle dépend de la rigueur avec laquelle est établie la quantité totale de quotas octroyés (arrêts du 16 décembre 2008, Arcelor Atlantique et Lorraine e.a., C‑127/07, EU:C:2008:728, point 31, et du 17 octobre 2013, Billerud Karlsborg et Billerud Skärblacka, C‑203/12, EU:C:2013:664, point 26).

35      Le SEQE repose donc sur une logique économique, consistant à inciter tout participant à émettre une quantité de gaz à effet de serre inférieure aux quotas qui lui ont été initialement octroyés, afin d’en céder le surplus à un autre participant ayant produit une quantité d’émissions supérieure aux quotas alloués ou acquis. Les quotas d’émission ont, de ce fait, une valeur commerciale (voir arrêt du 8 mars 2017, ArcelorMittal Rodange et Schifflange, C‑321/15, EU:C:2017:179, point 22 et jurisprudence citée ; arrêt du 20 juin 2019, ExxonMobil Production Deutschland, C‑682/17, EU:C:2019:518, point 63 ; voir, également, conclusions de l’avocat général Campos Sánchez-Bordona dans l’affaire ArcelorMittal Rodange et Schifflange, C‑321/15, EU:C:2016:516, points 48 à 55).

36      Le SEQE prévoit en outre, par une exception transitoire à la règle selon laquelle les quotas d’émission font l’objet d’une mise aux enchères, la distribution de certains quotas à titre gratuit (articles 9, 9 bis, 10, 10 bis et 10 quater de la directive 2003/87), dont le nombre décroît de façon linéaire depuis 2013. Le nombre de quotas alloués à titre gratuit est désormais déterminé en fonction d’un référentiel calculé pour chaque produit, en principe et dans la mesure du possible, lequel correspond à la performance moyenne des 10 % des producteurs écologiquement les plus efficaces, dans les conditions prévues à l’article 10 bis de ladite directive. En vertu du paragraphe 2, sous a) et b), de ce dernier article, pour la période 2021-2025, les valeurs des référentiels sont soumises à un taux de réduction annuel maximal de 1,6 %.

37      Pour être éligible à l’allocation de quotas à titre gratuit, une installation doit être incluse dans la mesure d’exécution dont l’adoption, par l’État membre sur le territoire duquel elle est située, est prévue à l’article 11, paragraphe 1, de la directive 2003/87. Conformément au paragraphe 3 dudit article, les États membres ne peuvent accorder de quotas à titre gratuit aux installations dont la Commission a refusé l’inscription. C’est par ailleurs en tenant compte des émissions des installations incluses qu’est calculée la performance moyenne pour chaque référentiel de produit, dont dépend l’allocation des quotas à titre gratuit.

38      Les quotas qui ne sont pas distribués à titre gratuit sont mis aux enchères dans les conditions prévues à l’article 10 de la directive 2003/87. L’allocation de quotas d’émission est ainsi progressivement appelée à reposer exclusivement sur le principe de la mise aux enchères, lequel est, selon le législateur de l’Union, généralement considéré comme le système le plus efficace du point de vue économique (voir, en ce sens, arrêt du 20 juin 2019, ExxonMobil Production Deutschland, C‑682/17, EU:C:2019:518, point 66).

39      Parmi les catégories d’activités mentionnées à l’annexe I de la directive 2003/87 figure la production de papier ou de carton, avec une capacité de production supérieure à 20 t par jour. Les installations concernées sont, aux termes de cette même annexe, soumises au SEQE en ce qui concerne leurs émissions de dioxyde de carbone.

40      Cependant, les points 1 et 3 de l’annexe I de la directive 2003/87 disposent :

« 1.      […] les installations utilisant exclusivement de la biomasse ne sont pas visées par la présente directive […]

3.      […] les unités qui utilisent exclusivement de la biomasse ne sont pas prises en compte pour le calcul [de la puissance calorifique totale d’une installation]. Les “unités qui utilisent exclusivement de la biomasse” comprennent les unités qui utilisent des combustibles fossiles dans les phases de démarrage ou d’extinction de l’unité. »

41      L’annexe IV, partie A, de la directive 2003/87 comporte un point intitulé « Calcul des émissions », dont le quatrième alinéa, dernière phrase, dispose que « [l]e facteur d’émission pour la biomasse est égal à zéro ».

42      La directive (UE) 2018/2001 du Parlement européen et du Conseil, du 11 décembre 2018, relative à la promotion de l’utilisation de l’énergie produite à partir de sources renouvelables (JO 2018, L 328, p. 82), inclut la biomasse parmi les sources d’énergie renouvelable. L’article 2, point 24, de ladite directive définit la biomasse comme « la fraction biodégradable des produits, des déchets et des résidus d’origine biologique provenant de l’agriculture, y compris les substances végétales et animales, de la sylviculture et des industries connexes, y compris la pêche et l’aquaculture, ainsi que la fraction biodégradable des déchets, notamment les déchets industriels et municipaux d’origine biologique ».

43      Les parties s’opposent en ce qui concerne la portée et la légalité de l’exception relative aux émissions de gaz à effet de serre à partir de la biomasse, laquelle, ainsi qu’il a été rappelé aux points 2 à 22 ci-dessus, a conduit la Commission, dans la décision attaquée, à refuser l’inclusion dans le SEQE de l’installation en cause, ce qui a notamment pour effet de la priver de toute allocation de quotas de gaz à effet de serre à titre gratuit pour la quatrième période d’échanges (2021-2025).

 Sur la régularité de la procédure d’adoption de la décision attaquée

44      Outre les arguments spécifiquement liés à la régularité de la procédure d’adoption de la décision attaquée, les parties s’opposent sur deux questions, lesquelles doivent être examinées à titre liminaire.

45      D’une part, la requérante fait grief à la Commission d’avoir refusé de tenir compte des éléments qui lui ont été présentés les 26 janvier et 4 février 2021 (voir points 12 et 17 ci-dessus), au motif que, à ce stade de l’adoption des MNE prévues à l’article 11 de la directive 2003/87 et du règlement délégué relatif à la valeur des référentiels prévu à l’article 10 bis de ladite directive, il n’était plus possible, pour cette institution, de prendre en compte des modifications ayant une incidence sur l’identification des installations incluses dans le SEQE et éligibles à une allocation de quotas à titre gratuit. Ces arguments, présentés de manière autonome, se recoupent largement avec ceux avancés par la requérante à l’appui de la première branche du troisième moyen et seront examinés dans ce cadre.

46      D’autre part, les parties s’opposent sur la portée des règles d’arrondi résultant de l’article 72, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement d’exécution (UE) 2018/2066 de la Commission, du 19 décembre 2018, relatif à la surveillance et à la déclaration des émissions de gaz à effet de serre au titre de la directive 2003/87 et modifiant le règlement (UE) no 601/2012 de la Commission (JO 2018, L 334, p. 1). Il convient d’examiner d’abord la question de savoir si la requérante, ainsi qu’elle le prétend, pouvait tirer argument de ce que les données arrondies qu’elle a présentées à l’Agence pour la protection de l’environnement et qui ont été transmises par celle-ci à la Commission correspondaient cependant à des émissions réelles de dioxyde de carbone d’origine fossile non nulles, mais comprises entre 0 et 0,5 t.

 Sur la prise en compte des données arrondies déclarées durant la procédure d’adoption de la décision attaquée

47      En 2018, ainsi que le courriel que l’Agence pour la protection de l’environnement a adressé à la Commission le 4 février 2021 (voir point 17 ci-dessus) le mentionne, la requérante soutient avoir émis 0,37 t de dioxyde de carbone d’origine fossile. La requérante produit également des déclarations certifiées relatives aux années 2019 et 2020, selon lesquelles elle a émis au titre de ces deux années des quantités respectives de 0,29 et de 0,46 t de dioxyde de carbone d’origine fossile.

48      La requérante fait valoir que, parce qu’elle s’est conformée aux règles d’arrondi édictées par la Commission en déclarant des émissions nulles au titre de l’année 2018, elle se retrouve, de ce seul fait, dans une situation plus défavorable que celle dans laquelle ont été placées les entreprises qui avaient, en violation de ces règles, déclaré leurs émissions réelles lorsque celles-ci étaient inférieures à 0,5 t. En effet, ces dernières installations n’auraient pas été exclues du SEQE.

49      Enfin, la requérante soutient que la position de la Commission selon laquelle toutes les installations ayant émis moins de 0,5 t de dioxyde de carbone d’origine fossile, qu’elles aient procédé ou non à un arrondi dans leurs déclarations, devaient être exclues du SEQE constitue une rationalisation a posteriori dont l’Agence pour la protection de l’environnement n’était manifestement pas informée avant l’adoption de la décision attaquée.

50      La Commission conteste l’argumentation de la requérante.

51      Aux termes de l’article 72, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement d’exécution 2018/2066, « les émissions annuelles totales de chacun des gaz à effet de serre [dioxyde de carbone, protoxyde d’azote et perfluorocarbure] sont déclarées en tonnes de [dioxyde de carbone ou d’équivalent-dioxyde de carbone] arrondies ».

52      Il est constant et il ressort en particulier des documents produits par la Commission en réponse à la mesure d’organisation de la procédure qui lui a été adressée par le Tribunal ainsi que des documents spontanément déposés par la requérante que, durant toute la procédure ayant conduit à l’adoption de la décision attaquée, les données d’émissions concernant la requérante au titre de la période de référence 2014-2018 qui ont été communiquées par l’Agence pour la protection de l’environnement à la Commission étaient nulles.

53      La requérante ne conteste pas ne pas avoir émis de dioxyde de carbone d’origine fossile durant les années 2014 à 2017. En revanche, elle fait valoir que la donnée de 0 t relative à l’année 2018 résultait d’un arrondissement à l’unité inférieure de ses émissions effectives, lesquelles auraient été de 0,37 t. Elle soutient que son respect des règles d’arrondissement lui aurait porté un préjudice relatif, par rapport aux installations qui n’ont pas déclaré des données nulles alors que leurs émissions réelles étaient inférieures à 0,5 t et n’ont pas été exclues du SEQE, ce qui leur a permis de continuer de bénéficier d’une allocation de quotas à titre gratuit.

54      Sans contester la réalité des allégations de la requérante, la Commission fait valoir que les règles d’arrondissement présentent un caractère impératif et que la requérante n’est pas fondée à se plaindre des conséquences de leur application.

55      Il ne fait cependant guère de doute que si la requérante a respecté les règles d’arrondi prévues par la disposition susmentionnée, tel n’est pas le cas de toutes les installations figurant dans la MNE. La Commission reconnaît d’ailleurs avoir omis par erreur d’exclure deux installations dont les émissions déclarées étaient inférieures à 0,5 t, mais n’avaient pas été arrondies.

56      Il est certes regrettable que la Commission n’ait pas tenu sur cette question une position constante durant la procédure d’adoption de la décision attaquée, ce qu’illustrent, notamment, les questions qu’elle a posées à l’Agence pour la protection de l’environnement et l’identification des installations qu’elle envisageait d’exclure du SEQE. Pour autant, l’application de la règle d’arrondi est requise par l’article 72, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement d’exécution 2018/2066. Cette obligation reprend celle qui était antérieurement prévue à l’article 72, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement (UE) no 601/2012 de la Commission, du 21 juin 2012, relatif à la surveillance et à la déclaration des émissions de gaz à effet de serre au titre de la directive 2003/87 (JO 2012 L 181, p. 30), à laquelle elle se substitue. Dès lors, elle était applicable tant aux rapports annuels d’émissions établis par les installations relevant du SEQE au titre de chacune des années de la période 2014-2018 qu’au rapport d’émissions relatif à la période de référence que les États membres étaient tenus de présenter à l’appui de leurs projets de MNE.

57      L’argument de la requérante selon lequel cette règle ne peut pas être appliquée pour déterminer si, au sens du point 1 de l’annexe I de la directive 2003/87, une installation doit être considérée comme utilisant exclusivement de la biomasse ne saurait être retenu.

58      En effet, ainsi qu’il résulte des articles 1er et 2 du règlement d’exécution 2018/2066, cette règle impérative s’applique à toutes les déclarations d’émission liées aux activités visées à l’annexe I de la directive 2003/87. Il s’agit dès lors d’une méthode objective, applicable à toutes les installations relevant du champ d’application de la directive pour chacune des années de la période de référence, ainsi qu’il a été rappelé au point 56 ci-dessus, permettant de déterminer si une installation utilisant de la biomasse relève ou non de l’exclusion relative à l’utilisation exclusive de celle-ci au sens du point 1 de ladite annexe.

59      En revanche, l’interprétation proposée par la requérante selon laquelle une installation utilisant de la biomasse et déclarant 0 t d’émissions de dioxyde de carbone fossile devrait être considérée comme n’utilisant pas exclusivement de la biomasse, dès lors que ses émissions réelles ne sont pas nulles, contreviendrait à l’impératif de cohérence du SEQE, laquelle dépend, notamment, de l’harmonisation des règles de déclaration et de surveillance que le règlement d’exécution 2018/2066 vise à garantir. De plus, il convient d’observer que, en assimilant aux installations utilisant exclusivement de la biomasse celles qui émettent du dioxyde de carbone d’origine fossile pour les seuls besoins du démarrage et de l’arrêt du processus de production, le point 3 de l’annexe I de la directive 2003/87 prévoit expressément la non-inclusion dans le SEQE d’installations dont les émissions de dioxyde de carbone d’origine fossile sont marginales, mais non nécessairement nulles.

60      Par suite, la requérante était tenue, ainsi qu’elle l’a fait, de déclarer des émissions de dioxyde de carbone d’origine fossile nulles au titre de chacune des années de la période de référence et, notamment, d’arrondir à zéro sa déclaration d’émissions relative à l’année 2018. Elle n’est dès lors pas fondée à se plaindre, sans préjudice des conséquences d’une violation éventuelle du principe d’égalité de traitement, de ce que la Commission ait pris en compte les déclarations relatives à l’installation en cause qui lui ont été transmises par l’Agence pour la protection de l’environnement, lesquelles faisaient apparaître l’absence d’émissions de dioxyde de carbone d’origine fossile et, par conséquent, l’utilisation exclusive de biomasse.

 Sur le troisième moyen, tiré de la violation des formes substantielles

61      Le troisième moyen, pris de la violation des formes substantielles, se divise en trois branches : la requérante invoque, par la première, la violation du devoir de diligence, par la deuxième, celle du droit d’être entendu et, par la troisième, celle de l’obligation de motivation.

–       Sur la première branche du troisième moyen, prise de la violation du devoir de diligence

62      La requérante fait valoir que si la Commission avait correctement apprécié les informations transmises par l’Agence pour la protection de l’environnement, celle-ci serait arrivée à une conclusion différente en ce qui concerne l’inclusion de l’installation en cause dans le SEQE. La Commission aurait donc manqué à son devoir de diligence.

63      Selon la requérante, pour l’application de l’exclusion des installations utilisant exclusivement de la biomasse prévue au point 1 de l’annexe I de la directive 2003/87, la question de savoir si l’installation en cause génère ou non des émissions de dioxyde de carbone d’origine fossile est un élément pertinent. Or, la Commission aurait manqué à son devoir de vérifier dûment si ladite installation utilisait exclusivement de la biomasse. Bien plus, la Commission aurait adressé une question à l’Agence pour la protection de l’environnement aux termes de laquelle il lui semblait que cette installation utilisait « presque exclusivement » de la biomasse, ce qui signifierait qu’elle était au courant de l’utilisation de carburants d’origine fossile par une telle installation. Elle aurait ainsi délibérément choisi d’écarter sans raison des données certifiées fournies par l’Agence pour la protection de l’environnement, dont l’impartialité ne pouvait être remise en cause.

64      Par ailleurs, la Commission aurait tardé à indiquer à l’Agence pour la protection de l’environnement qu’elle était d’avis que les installations, telle l’installation en cause, qui avaient déclaré des quantités d’émission de dioxyde de carbone d’origine fossile égales à zéro devaient être exclues du SEQE. L’imposition à l’Agence pour la protection de l’environnement d’un prétendu délai au-delà duquel des données nouvelles, même pertinentes, ne pourraient plus être prises en compte serait fallacieuse.

65      Dans la réplique, la requérante reproche en outre à la Commission de ne pas avoir clairement imposé de délai à l’Agence pour la protection de l’environnement. Dès lors, la Commission ne serait pas fondée à tirer argument de la tardiveté de certaines des informations qui lui ont été présentées. Or, selon la requérante, la Commission n’aurait pu exclure l’installation en cause du SEQE si cette institution avait tenu compte de ce qu’elle avait arrondi ses émissions conformément aux règles en vigueur, alors que, en réalité, celles-ci n’étaient pas nulles.

66      Selon la requérante, la Commission ne saurait se prévaloir du dépassement d’un délai que celle-ci n’a pas imparti. Contrairement aux allégations de la Commission, les données communiquées par l’Agence pour la protection de l’environnement dans le courriel du 26 janvier 2021 ne l’auraient pas été trop tard pour que cette institution en tienne compte. En effet, la Commission aurait elle-même procédé à des modifications des actes qui étaient alors en cours d’adoption, portant, notamment, sur la valeur des émissions des 10 % des installations les plus performantes relevant d’autres référentiels de produits. Par ailleurs, il ressortirait de l’annexe A 10 de la requête que deux installations auraient été autorisées à fournir des données actualisées postérieurement à l’adoption de la décision attaquée, et donc, a fortiori, après le 26 janvier 2021.

67      De plus, la décision attaquée aurait été adoptée plus d’un mois après la communication par l’Agence pour la protection de l’environnement de l’existence d’une disparité de traitement entre les installations ayant ou non procédé à l’arrondi de leurs déclarations et le règlement relatif aux référentiels de produits l’aurait été près d’un mois et demi plus tard. Or, la prise en compte de l’installation en cause pour le calcul du référentiel de produit n’aurait constitué qu’une adaptation mineure. Si la Commission fait valoir que le processus d’adoption de la décision attaquée a duré quinze mois, il conviendrait cependant d’observer que le problème lié à la prise en compte des installations ayant arrondi leurs déclarations à zéro n’a pu être soulevé par l’Agence pour la protection de l’environnement qu’au bout de douze mois et que la tardiveté de ces informations, alléguée par la Commission, est en réalité largement imputable à celle-ci.

68      La Commission conteste l’argumentation de la requérante.

69      Selon la jurisprudence, s’agissant d’une procédure administrative qui porte sur des évaluations techniques complexes, les institutions et les organes de l’Union doivent disposer d’un pouvoir d’appréciation afin d’être en mesure de remplir leurs fonctions. Mais, dans le cas où ils disposent d’un tel pouvoir d’appréciation, le respect des garanties conférées par l’ordre juridique de l’Union dans les procédures administratives revêt une importance d’autant plus fondamentale. Parmi ces garanties figure, notamment, l’obligation d’examiner, avec soin et impartialité, tous les éléments pertinents du cas d’espèce (voir, en ce sens, arrêt du 21 novembre 1991, Technische Universität München, C‑269/90, EU:C:1991:438, points 13 et 14).

70      Ainsi qu’il ressort des considérants 2 à 8 de la décision attaquée, la Commission a effectué des contrôles portant sur l’exhaustivité et la cohérence des informations qui lui ont été communiquées par les services compétents des États membres.

71      Contrairement à ce que soutient la Commission, la requérante ne lui reproche nullement de ne pas avoir procédé à des contrôles sur place ni de ne pas avoir vérifié l’exactitude des déclarations soumises par les installations aux autorités des États membres compétents. En revanche, la requérante fait valoir que cette institution ne pouvait écarter comme tardifs les renseignements qui lui ont été transmis par l’Agence pour la protection de l’environnement, selon lesquels, d’une part, elle avait arrondi ses déclarations d’émission et, d’autre part, ses émissions de dioxyde de carbone d’origine fossile réelles n’étaient pas nulles en 2018.

72      Aux termes de l’article 11, paragraphe 1, second alinéa, de la directive 2003/87, les MNE relatives à la quatrième période d’échanges (2021-2025) devaient être communiquées à la Commission avant le 30 septembre 2019. Il est constant que ce délai a été respecté en l’espèce par l’Agence pour la protection de l’environnement.

73      Il ressort du dossier, en revanche, qu’aucun autre délai que celui mentionné au point 72 ci-dessus n’a été imposé à l’Agence pour la protection de l’environnement. À cet égard, l’affirmation de la Commission selon laquelle un délai aurait été fixé au 7 décembre 2021 ne saurait convaincre. En effet, ce délai, mentionné dans un courriel, a fait l’objet d’une contestation immédiate par l’Agence pour la protection de l’environnement, à laquelle les services de la Commission ne se sont pas opposés.

74      Par ailleurs, il est constant que les modifications des MNE relatives aux valeurs déclarées par les installations sont à première vue susceptibles d’avoir une incidence sur la définition du référentiel du produit, dans la mesure où elles relèvent du SEQE. Il en va d’autant plus ainsi des installations utilisant de la biomasse, dès lors que de telles émissions ne sont pas comptabilisées pour le calcul du nombre de quotas devant être restitués. Les parties, toutefois, s’opposent sur les conséquences que la Commission aurait dû tirer en l’espèce des informations qui lui ont été transmises par l’Agence pour la protection de l’environnement entre le 26 janvier et le 4 février 2021. La requérante fait valoir que la Commission était tenue d’apprécier toutes les données pertinentes, quelle que soit la date de leur transmission, alors que la Commission est d’avis que, à partir du moment où la procédure d’adoption du règlement instituant les référentiels de produits était en cours, il était trop tard pour lui soumettre des modifications susceptibles de remettre en cause les projets de référentiels. La Commission soutient que si de telles modifications avaient alors dû être prises en compte, l’adoption des actes indispensables à l’allocation des quotas à titre gratuit en aurait subi un retard considérable.

75      Or, il n’est pas contesté que, à la date à laquelle l’Agence pour la protection de l’environnement a averti la Commission de problèmes liés à des différences portant sur l’arrondi des valeurs déclarées et, a fortiori, lorsque l’Agence pour la protection de l’environnement a informé la Commission que la valeur des émissions de l’installation en cause n’était pas nulle en 2018, mais qu’elle était de 0,3727 t de dioxyde de carbone d’origine fossile (voir point 17 ci-dessus), soit le 4 février 2021, le projet de règlement instituant les référentiels de produits avait déjà été soumis au comité du changement climatique. Par courriel du 1er février 2021 (voir point 16 ci-dessus), la Commission avait informé l’Agence pour la protection de l’environnement que seules des modifications sans incidence sur les référentiels de produits pouvaient encore être prises en compte.

76      La Commission est, certes, fondée à soutenir que l’article 10 bis de la directive 2003/87 prévoit que les allocations de quotas à titre gratuit supposent au préalable la définition des référentiels par secteur d’activité et que, au terme de l’article 11, paragraphe 2, de ladite directive, les allocations de quotas à titre gratuit doivent intervenir avant le 28 février de l’année en cours. En effet, l’article 10 bis, paragraphe 2, de cette directive, en prévoyant que le point de départ des référentiels ex ante est la performance moyenne des 10 % des installations les plus efficaces du secteur, présuppose l’établissement de la liste des installations incluses dans le SEQE. Dès lors, il est, en principe, loisible à la Commission de prendre les mesures d’organisation de la procédure administrative nécessaires pour garantir le respect des échéances prévues à l’article 11, paragraphe 2, de la même directive, notamment en impartant des délais aux autorités nationales pour présenter l’ensemble des données nécessaires pour établir la liste des installations incluses ainsi que leurs performances énergétiques. Toutefois, ainsi qu’il a été constaté au point 73 ci-dessus, il ne ressort pas du dossier que, en l’espèce, la Commission ait clairement imparti à l’Agence pour la protection de l’environnement un délai impératif.

77      Dans ces conditions, la Commission avait l’obligation de prendre en considération les informations qui lui avaient été transmises.

78      Or, ainsi qu’il ressort du courriel de la Commission du 1er février 2021, adressé à l’Agence pour la protection de l’environnement (voir point 16 ci-dessus), la Commission a, en l’espèce, opposé un refus de principe à la prise en compte de toute information nouvelle susceptible d’avoir une incidence sur la liste des installations incluses et sur le calcul des valeurs des référentiels. Ce refus a été confirmé par le courriel de la Commission du 16 février 2021 (voir point 18 ci-dessus), dans lequel la Commission a indiqué à l’Agence pour la protection de l’environnement ne pouvoir tenir compte des informations que cette dernière lui avait communiquées le 4 février 2021, portant sur, d’une part, l’inclusion de deux installations ayant déclaré des valeurs non nulles, mais inférieures à 0,5 t d’émissions de dioxyde de carbone d’origine fossile et, d’autre part, l’exclusion de l’installation de la requérante, alors que celle-ci avait arrondi à 0 t ses déclarations d’émission au titre de l’année 2018, alors que ses émissions réelles non arrondies étaient supérieures à 0 t et inférieures à 0,5 t. Ce faisant, la Commission a méconnu l’obligation, qui lui incombe en vertu de la jurisprudence citée au point 77 ci-dessus, d’examiner, avec soin et impartialité, tous les éléments pertinents du cas d’espèce.

79      En outre, ainsi que le fait valoir la requérante, il convient d’observer que le critère d’exclusion mentionné dans la lettre d’observations de la Commission du 19 mai 2020, adressée à l’Agence pour la protection de l’environnement (voir point 7 ci-dessus), était relatif à l’utilisation, même pendant une seule année de la période de référence, de près de 100 % de biomasse. Ce critère présentant un caractère plus strict que celui que la Commission a finalement retenu, cette information erronée a eu pour effet de priver l’Agence pour la protection de l’environnement de la possibilité de connaître précisément, durant la procédure d’adoption de la décision attaquée, l’interprétation par la Commission du point 1 de l’annexe I de la directive 2003/87.

80      Néanmoins, il découle des points 51 à 60 ci-dessus que la prise en considération des données avancées le 4 février 2021 par l’Agence pour la protection de l’environnement n’aurait pas été susceptible d’avoir la moindre incidence sur l’exclusion de l’installation de la requérante, puisque, comme il ressort des points 51 à 60 ci-dessus, les installations ayant émis moins de 0,5 t de dioxyde de carbone d’origine fossile devaient être considérées comme utilisant exclusivement de la biomasse au sens du point 1 de l’annexe I de la directive 2003/87. De plus, il résulte des déclarations des parties lors de l’audience que la réduction maximale de la valeur du référentiel prévue à l’article 10 bis, paragraphe 2, sous b), de ladite directive (voir point 36 ci-dessus) avait été atteinte, si bien qu’il est vraisemblable que l’inclusion d’une installation plus performante que la moyenne, ou l’exclusion de deux installations incluses à tort, serait en l’espèce, compte tenu du grand nombre d’installations relevant de ce référentiel, nulle ou, tout au moins, très marginale.

81      Dans ces conditions, il doit être considéré que la violation par la Commission de son obligation d’examiner avec soin et impartialité tous les éléments pertinents du cas d’espèce constatée au point 78 ci-dessus demeure sans incidence sur la légalité de l’exclusion de l’installation en cause du SEQE. Il convient également d’observer que, dans le cadre du présent litige, le Tribunal n’est pas saisi de la question de l’inclusion dans la MNE notifiée par le Royaume de Suède des deux autres installations mentionnées dans le courriel du 4 février 2021, ayant déclaré, sans les arrondir, des émissions de dioxyde de carbone d’origine fossile inférieures à 0,5 t.

82      Il s’ensuit que, en dépit de l’erreur commise par la Commission en refusant par principe de tenir compte des informations qui lui ont été transmises par l’Agence pour la protection de l’environnement le 4 février 2021, la première branche du troisième moyen doit être écartée.

–       Sur la deuxième branche du troisième moyen, tirée de la violation du droit d’être entendu

83      La requérante fait valoir que, parce que la Commission ne lui a pas donné la possibilité de présenter des observations avant d’adopter la décision attaquée, celle-ci a violé son droit d’être entendue. Elle estime que cette violation est contraire à l’article 41 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne et que, en l’absence de cette violation, elle aurait pu établir que l’installation en cause n’utilisait pas exclusivement de la biomasse, mais que ses émissions de dioxyde de carbone étaient en partie d’origine fossile. Elle soutient qu’elle aurait ainsi pu mieux assurer sa défense si son droit d’être entendue avait été respecté. Elle avance qu’elle aurait pu indiquer à la Commission qu’elle avait arrondi à zéro ses émissions de dioxyde de carbone d’origine fossile, alors que celles-ci n’étaient pas nulles et qu’elle entendait continuer à émettre du dioxyde de carbone d’origine fossile durant la période 2021-2025.

84      La requérante fait également valoir que la décision attaquée l’affecte très défavorablement. Selon elle, d’une part, elle se trouve privée d’un profit annuel de plus de 3 millions d’euros estimé sur la base de l’allocation de quotas d’émission à titre gratuit dont elle a bénéficié au titre de l’année 2020. D’autre part, l’exclusion de l’installation en cause du SEQE la prive de l’autorisation d’émettre du dioxyde de carbone d’origine fossile et l’expose à des sanctions pénales.

85      Enfin, la requérante indique que, dès lors que le point 1 de l’annexe I de la directive 2003/87 est rédigé au présent, la circonstance éventuelle qu’elle n’ait utilisé que de la biomasse durant la période de référence (2014-2018) ne devrait pas être déterminante en ce qui concerne la question de savoir si elle entendait émettre du dioxyde de carbone d’origine fossile au cours des années suivantes. Elle estime que si elle avait pu faire valoir cet argument, elle aurait pu démontrer le droit de l’installation en cause à demeurer dans le SEQE.

86      La Commission conteste l’argumentation de la requérante.

87      Aux termes de l’article 41, paragraphe 2, sous a), de la charte des droits fondamentaux, toute personne a le droit d’être entendue avant qu’une mesure individuelle qui l’affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre.

88      Il ressort de la jurisprudence que le respect des droits de la défense dans toute procédure ouverte à l’encontre d’une personne et susceptible d’aboutir à un acte faisant grief constitue un principe fondamental du droit de l’Union qui doit être assuré même en l’absence de toute réglementation concernant la procédure. Le droit d’être entendu garantit à toute personne la possibilité de faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue au cours de la procédure administrative et avant l’adoption de toute décision susceptible d’affecter de manière défavorable ses intérêts (voir arrêts du 9 juin 2005, Espagne/Commission, C‑287/02, EU:C:2005:368, point 37 et jurisprudence citée, et du 22 novembre 2012, M., C‑277/11, EU:C:2012:744, point 87 et jurisprudence citée).

89      En l’espèce, le droit d’être entendu n’a pas été violé. En effet, ainsi que l’affirme la Commission, la procédure prévue à l’article 11, paragraphe 3, de la directive 2003/87 est seulement ouverte à l’encontre de l’État membre concerné. Cette procédure vise à ce que la Commission s’assure que les MNE relatives à l’allocation de quotas d’émission à titre gratuit, présentées par l’État membre concerné, soient conformes aux règles visées à l’article 10 bis, paragraphe 1, de ladite directive.

90      En ce qui concerne cette procédure, selon l’article 14 du règlement délégué (UE) 2019/331 de la Commission, du 19 décembre 2018, définissant des règles transitoires pour l’ensemble de l’Union concernant l’allocation harmonisée de quotas d’émission à titre gratuit conformément à l’article 10 bis de la directive 2003/87 (JO 2019, L 59, p. 8), les exploitants d’installations concernés ne disposent d’aucun droit procédural spécifique. Selon les règles prévues par ledit règlement délégué, c’est dans le cadre de la procédure nationale relative à la présentation à la Commission de la liste des installations couvertes par la directive 2003/87 ainsi que des quotas gratuits alloués à chaque installation que les exploitants d’installations concernés doivent être entendus. À cet égard, l’article 3 de ce règlement délégué prévoit que les États membres doivent prendre les dispositions administratives appropriées pour assurer l’application des règles prévues par ce règlement. Par ailleurs, la requérante n’a pas affirmé que, devant l’Agence pour la protection de l’environnement, elle n’a pas été en mesure de faire connaître son point de vue de manière utile et effective (voir, en ce sens, arrêt du 26 septembre 2014, Arctic Paper Mochenwangen/Commission, T‑634/13, non publié, EU:T:2014:828, point 105 et jurisprudence citée).

91      Il s’ensuit que la deuxième branche du troisième moyen doit être écartée.

–       Sur la troisième branche du troisième moyen, tirée de la violation de l’obligation de motivation

92      La requérante soutient que, pour satisfaire à l’obligation de motivation prévue à l’article 296 TFUE, la décision attaquée aurait dû, d’une part, indiquer les motifs justifiant l’interprétation par la Commission des critères d’application de l’exemption relative à la biomasse et, d’autre part, faire apparaître explicitement les raisons pour lesquelles, premièrement, le fait qu’elle émettait du dioxyde de carbone d’origine fossile n’était pas pertinent, deuxièmement, des installations dont les niveaux d’émission étaient comparables ont été traitées différemment, troisièmement, la Commission n’a pas tenu compte des informations relatives à l’existence de ses émissions de dioxyde de carbone d’origine fossile qui lui avaient été communiquées par l’Agence pour la protection de l’environnement, quatrièmement, elle n’a pas été entendue en dépit des informations dont la Commission disposait et, cinquièmement, pour déterminer si l’exception relative à la biomasse lui était applicable, la Commission n’a tenu compte que des émissions de dioxyde de carbone d’origine fossile passées de l’installation concernée et non de ses émissions actuelles ou futures.

93      La Commission conteste l’argumentation de la requérante.

94      La motivation exigée par l’article 296 TFUE doit faire apparaître, d’une façon claire et non équivoque, le raisonnement de l’auteur de l’acte attaqué, de façon à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise afin de défendre leurs droits et au juge de l’Union d’exercer son contrôle (voir arrêt du 23 septembre 2009, Pologne/Commission, T‑183/07, EU:T:2009:350, point 136 et jurisprudence citée).

95      L’exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires ou d’autres personnes concernées directement et individuellement par l’acte peuvent avoir à recevoir des explications. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences de l’article 296 TFUE doit être appréciée non seulement au regard de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (voir arrêt du 23 septembre 2009, Pologne/Commission, T‑183/07, EU:T:2009:350, point 137 et jurisprudence citée).

96      Il y a également lieu de considérer que le respect de l’obligation de motivation au titre de l’article 296 TFUE, en ce qui concerne une décision concernant les MNE pour l’allocation transitoire à titre gratuit de quotas d’émission de gaz à effet de serre, conformément à l’article 11, paragraphe 3, de la directive 2003/87, revêt une importance d’autant plus fondamentale que, en l’espèce, l’exercice du pouvoir de contrôle de la Commission au titre de cette dernière disposition implique des évaluations économiques et écologiques complexes et que le contrôle de la légalité et du bien-fondé de ces évaluations par le juge de l’Union est restreint (voir, par analogie, arrêt du 23 septembre 2009, Pologne/Commission, T‑183/07, EU:T:2009:350, point 138 et jurisprudence citée).

97      En l’espèce, la motivation figurant au considérant 11 de la décision attaquée (voir point 20 ci-dessus) fait ressortir sans équivoque le raisonnement suivi dans la décision attaquée. Il résulte en effet dudit considérant que la Commission a estimé que l’installation en cause, parce qu’elle avait utilisé exclusivement de la biomasse, devait être exclue du SEQE en application du point 1 de l’annexe I de la directive 2003/87.

98      Ces indications étant suffisantes pour permettre à la requérante d’introduire utilement son recours et au Tribunal d’apprécier la légalité de la décision attaquée, la Commission n’était dès lors, et contrairement à ce que fait valoir la requérante, pas tenue de fournir une motivation spécifique sur les questions mentionnées au point 92 ci-dessus.

99      Il y a donc lieu d’écarter la troisième branche du troisième moyen et, par suite, ledit moyen dans son ensemble.

 Sur le bien-fondé de la décision attaquée

100    Il convient d’examiner d’abord le cinquième moyen invoqué par la requérante, relatif à la légalité de l’interprétation des critères d’exclusion retenus par la Commission dans la décision attaquée. À l’appui de ce moyen, en effet, la requérante soutient que la Commission, en estimant que toutes les installations ayant déclaré des émissions de dioxyde de carbone fossile nulles, y compris celles ayant arrondi à zéro leurs émissions réelles doivent être exclues du SEQE, méconnaît les dispositions essentielles de la directive 2003/87.

 Sur le cinquième moyen, tiré de la violation de la directive 2003/87

101    Le présent moyen se divise en deux branches. À l’appui de la première, la requérante soutient que c’est à tort que la Commission a pris en compte la période de référence définie à l’article 2, point 14, du règlement délégué 2019/331 pour déterminer si l’installation en cause pouvait relever du SEQE. À l’appui de la seconde, elle fait valoir que l’interprétation par la Commission de la directive 2003/87, et notamment du point 1 de son annexe I, est entachée de plusieurs erreurs de droit.

–       Sur la première branche du cinquième moyen, tirée de la prise en compte erronée de valeurs anciennes

102    La requérante fait valoir qu’il résulte de l’article 11 de la directive 2003/87 que la période de référence définie à l’article 2, point 14, du règlement délégué 2019/331, à savoir celle allant de l’année 2014 à l’année 2018, n’est pertinente que pour déterminer le nombre de quotas susceptibles d’être alloués à titre gratuit. En revanche, aucun lien ne serait établi entre cette période de référence et l’exception relative à l’exclusion des installations utilisant exclusivement de la biomasse prévue au point 1 de l’annexe I de ladite directive. La requérante estime donc que la Commission a commis une erreur de droit en déduisant l’exclusion de l’installation en cause du SEQE de ce qu’elle n’avait déclaré aucune émission de dioxyde de carbone d’origine fossile au cours de la période de référence.

103    Selon la requérante, la question de savoir si une installation relève du SEQE devrait au contraire dépendre non de ses émissions historiques, antérieures de plus de deux ans, mais de celles effectivement dégagées au moment de l’adoption des MNE et de l’intention de l’entreprise d’en dégager à l’avenir. À défaut, une entreprise envisageant d’émettre du dioxyde de carbone d’origine fossile se verrait privée de la possibilité d’obtenir l’autorisation nécessaire.

104    La Commission conteste l’argumentation de la requérante.

105    Aux termes de l’article 11, paragraphe 1, second alinéa, de la directive 2003/87, la liste des installations couvertes par ladite directive pour la période de cinq ans débutant le 1er janvier 2021 est présentée le 30 septembre 2019 au plus tard, et les listes pour chaque période ultérieure de cinq ans sont présentées tous les cinq ans par la suite. Chaque liste contient des informations relatives à l’activité de production, aux transferts de chaleur et de gaz, à la production d’électricité et aux émissions au niveau des sous-installations au cours des cinq années civiles précédant sa présentation. Des quotas ne sont alloués à titre gratuit qu’aux installations pour lesquelles ces informations sont fournies.

106    L’article 2, point 14, du règlement délégué 2019/331 définit, quant à lui, la « période de référence » comme « les cinq années civiles précédant la date limite de transmission des données à la Commission en vertu de l’article 11, paragraphe 1, de la directive 2003/87 ».

107    L’article 11, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive 2003/87 est rédigé comme suit :

« Chaque État membre publie et présente à la Commission […] la liste des installations couvertes par la […] directive [2003/87] qui se trouvent sur son territoire ainsi que les quotas gratuits alloués à chaque installation […] »

108    Tout d’abord, il convient de relever que l’article 11, paragraphe 1, de la directive 2003/87 vise la « liste des installations couvertes par la[dite] directive ». En revanche, l’interprétation de la requérante selon laquelle il y a lieu de distinguer entre la période de référence, au titre de laquelle les données historiques de chaque installation doivent être prises en compte pour le calcul du nombre de quotas susceptible de lui être alloué à titre gratuit, et la période qui doit être prise en compte pour l’application de l’exclusion des installations utilisant exclusivement de la biomasse ne trouve aucun fondement dans les dispositions de ladite directive.

109    En effet, la notion d’« installations couvertes » par la directive 2003/87 ne saurait être interprétée indépendamment de l’article 2, paragraphe 1, de ladite directive, lequel renvoie aux activités indiquées à l’annexe I de cette directive, dont le point 1 prévoit l’exclusion des installations utilisant exclusivement de la biomasse. Il découle ainsi de l’économie de ces dispositions, prises ensemble, que, pour être éligibles à la distribution de quotas à titre gratuit, les installations doivent figurer sur la liste des MNE, ce qui suppose qu’elles satisfassent à l’un des critères d’inclusion dans le SEQE prévu à ladite annexe.

110    La distinction avancée par la requérante selon laquelle il conviendrait de tenir compte des intentions futures de l’exploitant pour figurer sur la liste des MNE et bénéficier ainsi de l’allocation de quotas à titre gratuit est dès lors contraire aux dispositions claires de la directive 2003/87.

111    Il convient donc d’écarter la première branche du cinquième moyen.

–       Sur la seconde branche du cinquième moyen, tirée d’erreurs de droit

112    En premier lieu, la requérante fait valoir que la modification du point 1 de l’annexe I de la directive 2003/87 par la directive 2009/29/CE du Parlement européen et du Conseil, du 23 avril 2009, modifiant la directive 2003/87 afin d’améliorer et d’étendre le SEQE (JO 2009, L 140, p. 63), vise à alléger les contraintes des exploitants d’installations utilisant de la biomasse en les dispensant des déclarations nécessaires pour obtenir les quotas requis pour couvrir les émissions liées à leur processus de production. Cette exemption, selon elle, présente un caractère mineur par rapport aux autres modifications introduites par cette dernière directive.

113    En deuxième lieu, la requérante soutient que, en revanche, l’élément central des modifications apportées au SEQE par la directive 2009/29 consistait en la définition de référentiels de produits pour le calcul des allocations de quotas d’émission à titre gratuit. Elle fait observer que l’article 10 bis de la directive 2003/87, qui a été introduit par la directive 2009/29, définit les quotas à allouer en fonction des émissions réalisées par les 10 % des installations les plus performantes écologiquement et des quantités produites par chaque installation, indépendamment de ses émissions effectives. Cette nouvelle disposition viserait ainsi à inciter chaque exploitant à réduire le rapport entre ses émissions et sa production et l’une des méthodes explicitement mentionnées à cette fin consisterait à encourager le recours à la biomasse, renouvelable, plutôt qu’aux carburants d’origine fossile. En tout état de cause, selon la requérante, les modifications introduites visaient expressément à ne pas encourager les exploitants à accroître leurs émissions (article 10 bis de la directive 2003/87 et considérant 23 de la directive 2009/29).

114    La requérante soutient que la prise en compte de l’efficacité écologique de la biomasse résulte de l’attribution d’un facteur égal à zéro aux émissions dégagées par la biomasse et de ce que le calcul des émissions rejetées par les 10 % des installations les plus performantes ne tient compte que des émissions de carburants d’origine fossile. Cependant, il serait absurde, dans cette logique, de ne pas pouvoir tenir compte de la réduction à zéro des émissions qui interviendrait au cas où des exploitants parviendraient à substituer complètement la biomasse aux carburants d’origine fossile. Dans une telle situation, les exploitants seraient incités à ne pas utiliser exclusivement la biomasse pour pouvoir continuer à bénéficier d’allocations de quotas à titre gratuit. Selon la requérante, l’interprétation de l’exception relative à la biomasse faite par la Commission dans la décision attaquée, parce qu’elle aboutit au résultat paradoxal d’exclure du référentiel de produit l’installation en cause, l’une des plus performantes écologiquement, est directement contraire à la lettre et à l’économie de l’article 10 bis de la directive 2003/87.

115    En troisième lieu, en conséquence de ce qui précède, la requérante est d’avis que l’interprétation donnée dans la décision attaquée au point 1 de l’annexe I de la directive 2003/87 entre en conflit avec l’article 10 bis de la même directive, qui devrait pourtant prévaloir sur ledit point.

116    La Commission conteste l’argumentation de la requérante.

117    En premier lieu, ainsi que le fait valoir la Commission à juste titre, la modification apportée au point 1 de l’annexe I de la directive 2003/87 visant à exclure les installations utilisant exclusivement la biomasse ne revêt pas un caractère accessoire, dès lors qu’elle définit le champ d’application du SEQE. L’article 2 de ladite directive, en effet, définit les installations relevant du SEQE en renvoyant à ladite annexe, donc, notamment, à la disposition concernée. La requérante n’apporte par ailleurs aucun élément de nature à corroborer son argument selon lequel cette disposition vise uniquement à alléger les contraintes administratives que fait peser le SEQE sur les installations qui en relèvent. La délimitation du champ d’application de cette directive excluant les installations qui utilisent exclusivement de la biomasse ne présente pas, dès lors, un caractère secondaire par rapport à l’article 10 bis de la même directive. En effet, les référentiels ex ante qui y sont définis n’ont vocation à s’appliquer qu’aux installations relevant du SEQE.

118    En deuxième lieu, ainsi que le fait valoir la requérante, l’exclusion des installations utilisant exclusivement la biomasse fait obstacle à ce qu’il soit tenu compte des performances écologiques de ces installations pour le calcul des référentiels. Elle a néanmoins pour contrepartie, pour les installations concernées, l’absence d’obligation de restituer des quotas en nombre égal aux émissions de dioxyde de carbone produites par ces installations, laquelle était déjà prévue à l’annexe IV de la directive 2003/87 dans sa rédaction initiale. Cette circonstance, si elle ne permet pas de tenir compte des performances écologiques des installations utilisant exclusivement la biomasse, permet en revanche d’éviter les effets d’aubaine qu’entraînerait la possibilité pour une installation réputée ne pas émettre de dioxyde de carbone de disposer d’une allocation de quotas d’émission à titre gratuit. L’absence d’incidence sur les valeurs des installations utilisant exclusivement la biomasse ne saurait cependant avoir pour conséquence que le point 1 de l’annexe I de ladite directive puisse être interprété indépendamment de l’article 11 de la même directive. Or, ainsi qu’il résulte de l’examen de la première branche du présent moyen, l’appartenance au SEQE d’une installation utilisant la biomasse est liée au fait qu’elle a émis du dioxyde de carbone d’origine fossile au cours de la période de référence.

119    En troisième lieu, l’interprétation du point 1 de l’annexe I de la directive 2003/87 selon laquelle doivent être exclues les installations dont les émissions ont été nulles au cours de la période de référence n’est pas non plus contraire à l’article 10 bis de ladite directive. En effet, cette disposition n’impose pas de tenir compte des performances écologiques réalisées par des installations ne relevant pas du SEQE, mais elle prévoit au contraire que doivent être prises en compte les émissions des installations relevant d’un référentiel ex ante. Or, en raison de l’exclusion de ces installations lorsqu’elles utilisent exclusivement de la biomasse, celles-ci ne peuvent être considérées comme relevant d’un tel référentiel.

120    En quatrième lieu, il est constant que les installations ne relevant pas du SEQE ne sont pas éligibles aux allocations de quotas à titre gratuit. Il s’ensuit que la requérante, dès lors que l’installation en cause a été exclue du SEQE, ne se trouve pas dans une situation comparable à celles d’autres entreprises détenant des installations qui en relèvent aux fins de telles allocations et se trouvent dans l’obligation de restituer un nombre de quotas égal à leurs émissions. De ce fait, la requérante échappe également au risque de subir les sanctions prévues à l’article 16 de la directive 2003/87 en cas de violation de leurs obligations par les installations incluses dans le SEQE. Dès lors, la circonstance que l’interprétation du point 1 de l’annexe I de ladite directive retenue dans la décision attaquée aboutit à ce que la requérante ne peut plus profiter d’allocations de quotas à titre gratuit ne saurait méconnaître le principe d’égalité de traitement.

121    En cinquième lieu, aucune disposition de la directive 2003/87 n’implique que l’inclusion d’une installation dans le SEQE soit strictement neutre au regard de la situation concurrentielle de ces installations par rapport à celles qui n’en relèvent pas ou en sont exclues. Il s’ensuit que les distorsions de concurrence alléguées par la requérante ne sont pas de nature à établir l’illégalité de l’interprétation du point 1 de l’annexe I de ladite directive par la Commission dans la décision attaquée.

122    En sixième lieu, contrairement à ce que fait valoir la requérante, la circonstance que l’interprétation donnée au point 1 de l’annexe I de la directive 2003/87 dans la décision attaquée est susceptible d’aboutir à ce que des installations ainsi exclues cessent d’utiliser exclusivement de la biomasse ne saurait établir l’illégalité de cette interprétation. En effet, l’objectif global de réduction des émissions poursuivi par le SEQE ne saurait aboutir à invalider l’exclusion des installations utilisant exclusivement de la biomasse au motif que certains exploitants pourraient être amenés à faire librement des choix écologiquement moins efficaces. De telles éventualités sont en effet inhérentes à tout effet de seuil, lesquels ne peuvent être évités dans les cas dans lesquels le champ d’application d’une mesure telle que le SEQE est délimité. Par conséquent, la requérante n’est pas fondée à soutenir que l’exclusion des installations utilisant exclusivement la biomasse des mécanismes d’allocation de quotas à titre gratuit est contraire aux objectifs de ladite directive et méconnaît le principe de proportionnalité.

123    La requérante reste ainsi en défaut d’établir l’illégalité de l’interprétation du point 1 de l’annexe I de la directive 2003/87 retenue par la Commission dans la décision attaquée. Dès lors, la seconde branche du cinquième moyen et, partant, ledit moyen dans son ensemble doivent être écartés.

 Sur le premier moyen, tiré d’une erreur manifeste d’appréciation

124    La requérante fait valoir que, en estimant que l’installation concernée utilisait exclusivement de la biomasse, la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation. À cet égard, elle soutient que l’installation en cause a émis du dioxyde de carbone d’origine fossile durant la période de référence, en 2018 ainsi qu’en 2019 et en 2020, et que les valeurs déclarées de 0 t résultaient d’un arrondi. En refusant de tenir compte de ces informations, qui lui avaient été communiquées par l’Agence pour la protection de l’environnement avant l’adoption de la décision attaquée, la Commission aurait non seulement traité de manière différente des installations comparables, dès lors qu’elle ne s’est pas opposée à l’inclusion dans la MNE suédoise d’installations ayant émis des quantités de dioxyde de carbone d’origine fossile effectives équivalentes, mais a également refusé à tort de tenir compte d’informations pertinentes. Elle aurait dès lors commis une erreur manifeste d’appréciation en estimant que l’installation en cause utilisait exclusivement de la biomasse au sens du point 1 de l’annexe I de la directive 2003/87.

125    De plus, la Commission n’aurait pas suivi une pratique cohérente. En effet, la Commission semblerait fonder désormais son interprétation de l’exception d’utilisation exclusive de la biomasse sur le fait qu’une installation n’a déclaré aucune émission de dioxyde de carbone d’origine fossile sur l’ensemble de la période de référence quinquennale, une déclaration positive au titre d’une seule année de ladite période suffisant à la faire échapper à l’exclusion du SEQE. Or, dans sa lettre d’observations du 19 mai 2020, la Commission aurait soutenu une position différente, selon laquelle le seul fait qu’une installation ayant déclaré des émissions presque nulles durant une seule année de la période de référence suffirait à justifier son exclusion. En vertu de tels critères, qu’elle conteste, la requérante estime qu’elle aurait dû également être exclue au titre de la troisième période d’échanges, allant de 2013 à 2020.

126    Ainsi, la requérante affirme se trouver, en raison de la décision attaquée, dans une situation paradoxale puisque, pour pouvoir bénéficier à l’avenir d’allocations de quotas à titre gratuit, elle aurait déjà dû augmenter ses émissions de dioxyde de carbone d’origine fossile à plus d’une tonne par an. Elle serait d’ailleurs prête à les augmenter au-dessus de cinq tonnes par an si une modification législative étendant l’exclusion pour utilisation exclusive de la biomasse aux installations émettant moins de cinq tonnes de dioxyde de carbone d’origine fossile par an devait être adoptée.

127    En outre, dès lors qu’ils ne seraient pas rédigés dans des termes exactement identiques, les points 1 et 3 de l’annexe I de la directive 2003/87 (voir point 40 ci-dessus) ne sauraient concerner les mêmes installations. Il serait donc illogique d’assimiler dans tous les cas les installations ayant de faibles émissions de dioxyde de carbone d’origine fossile aux installations utilisant des carburants d’origine fossile pour les seules phases de démarrage et d’extinction de l’unité. Par conséquent, contrairement à ce que prétend la Commission, de faibles émissions de dioxyde de carbone d’origine fossile ne signifieraient pas qu’elles peuvent être considérées comme dépourvues de portée pour l’application de l’exclusion prévue au point 1 de ladite annexe.

128    Enfin, la requérante renvoie à son argumentation visant à établir que les informations qui étaient susceptibles de justifier le maintien de l’installation en cause dans le SEQE ont été transmises à la Commission par l’Agence pour la protection de l’environnement à une date qui n’empêchait pas qu’elles soient prises en compte (voir points 66 et 67 ci-dessus).

129    La Commission conteste l’argumentation de la requérante.

130    Selon la jurisprudence, dans un cadre technique complexe à caractère évolutif tel que celui de la présente affaire, les autorités compétentes de l’Union disposent d’un large pouvoir d’appréciation, notamment quant à l’appréciation des éléments factuels d’ordre scientifique et technique hautement complexes, pour déterminer la nature et l’étendue des mesures qu’elles adoptent, tandis que le contrôle du juge de l’Union doit se limiter à examiner si l’exercice d’un tel pouvoir n’est pas entaché d’une erreur manifeste ou d’un détournement de pouvoir ou encore si ces autorités n’ont pas manifestement dépassé les limites de leur pouvoir d’appréciation. Dans un tel contexte, le juge de l’Union ne peut en effet substituer son appréciation des éléments factuels d’ordre scientifique et technique à celle des autorités de l’Union, à qui, seules, le traité FUE a conféré cette tâche (voir, en ce sens, arrêts du 21 juillet 2011, Etimine, C‑15/10, EU:C:2011:504, point 60, et du 21 juin 2018, Pologne/Parlement et Conseil, C‑5/16, EU:C:2018:483, point 150 et jurisprudence citée).

131    En outre, il convient de préciser que le large pouvoir d’appréciation des autorités de l’Union, impliquant un contrôle juridictionnel limité de leur exercice, ne s’applique pas exclusivement à la nature et à la portée des dispositions à prendre, mais s’applique aussi, dans une certaine mesure, à la constatation des données de base. Toutefois, un tel contrôle juridictionnel, même s’il a une portée limitée, requiert que les autorités de l’Union, auteurs de l’acte en cause, soient en mesure d’établir devant le juge de l’Union que l’acte a été adopté moyennant un exercice effectif de leur pouvoir d’appréciation, lequel suppose la prise en considération de tous les éléments et circonstances pertinents de la situation que cet acte a entendu régir (arrêt du 8 juillet 2010, Afton Chemical, C‑343/09, EU:C:2010:419, points 33 et 34 ; voir, également, arrêt du 30 avril 2015, Polynt et Sitre/ECHA, T‑134/13, non publié, EU:T:2015:254, point 53 et jurisprudence citée).

132    Il incombe donc au juge de l’Union, au regard des éléments invoqués par la partie requérante, de vérifier l’exactitude matérielle des éléments de preuve invoqués, leur fiabilité et leur cohérence ainsi que de contrôler si ces éléments constituent l’ensemble des données pertinentes devant être prises en considération pour apprécier une situation complexe et s’ils sont de nature à étayer les conclusions qui en sont tirées (arrêt du 6 novembre 2008, Pays-Bas/Commission, C‑405/07 P, EU:C:2008:613, point 55 ; voir, également, arrêt du 9 septembre 2011, France/Commission, T‑257/07, EU:T:2011:444, point 87 et jurisprudence citée).

133    Selon la Commission, dans la liste des installations couvertes par la MNE, l’Agence pour la protection de l’environnement a déclaré des émissions de dioxyde de carbone d’origine fossile nulles, s’agissant de la requérante, pour toutes les années de la période de référence. La requérante soutient elle-même avoir arrondi à zéro ses déclarations d’émissions durant chacune des années de la période de référence, pour respecter les règles d’arrondi. Les pièces du dossier soumis au Tribunal ne permettent pas d’établir avec certitude si les données figurant dans le courriel adressé par l’Agence pour la protection de l’environnement à la Commission le 4 février 2021 (voir point 17 ci-dessus), selon lesquelles la requérante avait déclaré une quantité d’émissions de 0,3727 t de dioxyde de carbone d’origine fossile au titre de l’année 2018, avaient été communiquées à la Commission antérieurement à ce courriel. À cet égard, il ne ressort pas des documents relatifs à la requérante qui ont été déposés par les parties à la suite de la mesure d’organisation de la procédure adoptée par le Tribunal que la Commission ait disposé de ces informations avant cette date.

134    Toutefois, même si tel avait été le cas, la prise en compte d’émissions inférieures à 0,5 t de dioxyde de carbone d’origine fossile aurait, en tout état de cause, méconnu les règles d’arrondi, lesquelles, ainsi qu’il a été relevé aux points 60 et 61 ci-dessus, présentaient un caractère général et impératif. Or, l’application uniforme des règles de fonctionnement du SEQE vise à éviter une distorsion sur le marché des quotas, ce qui est indispensable pour atteindre, indirectement, l’objectif de protection de l’environnement que poursuit ce marché (conclusions de l’avocat général Campos Sánchez-Bordona dans l’affaire ArcelorMittal Rodange et Schifflange, C‑321/15, EU:C:2016:516, point 78).

135    Il s’ensuit que, en estimant que l’installation en cause utilisait exclusivement de la biomasse et que, partant, l’exclusion prévue au point 1 de l’annexe I de la directive 2003/87 devait être appliquée à ladite installation, la Commission n’a commis aucune erreur manifeste d’appréciation.

136    En outre, il convient de relever que, premièrement, la violation alléguée du principe d’égalité de traitement, résultant, selon la requérante, du traitement différent d’installations dans des situations comparables, est sans pertinence en ce qui concerne l’application à l’installation en cause des règles de fonctionnement du SEQE. Cette question, au demeurant, sera appréciée ci-après, dans le cadre de l’examen du deuxième moyen du recours.

137    Deuxièmement, la circonstance, même à la supposer établie, que, selon l’application du critère d’exclusion retenu par la Commission dans la décision attaquée, l’installation en cause aurait dû être déjà exclue au titre de la période précédente est dépourvue de toute incidence sur la légalité de la décision attaquée, laquelle ne porte que sur la période d’attribution de quotas allant de 2021 à 2025.

138    Troisièmement, il résulte tant de l’article 11, paragraphe 1, second alinéa, de la directive 2003/87, dans sa rédaction issue de la directive 2018/410, que de l’article 2, point 14, du règlement délégué 2019/331 que la période quinquennale de référence qui devait être prise en compte dans la décision attaquée pour l’évaluation des émissions allait de 2014 à 2018. L’intention de la requérante de procéder à des émissions de dioxyde de carbone d’origine fossile durant la période 2021-2025 est donc dépourvue d’incidence sur la légalité de la décision attaquée.

139    Quatrièmement, ainsi que les parties en sont d’ailleurs convenues lors de l’audience en réponse à une question du Tribunal, la finalité du SEQE n’est pas d’allouer des quotas à titre gratuit, mais d’inciter les installations à diminuer leurs émissions de gaz à effet de serre et en particulier d’encourager le recours à la biomasse plutôt qu’aux carburants d’origine fossile. Dès lors, lorsqu’une installation a été exclue du SEQE en raison de son utilisation exclusive de biomasse, il ne saurait être valablement soutenu que cette exclusion est entachée d’une erreur manifeste d’appréciation.

140    Cinquièmement, enfin, dans la mesure où la requérante reprend, à l’appui du premier moyen qu’elle invoque, les allégations relatives à l’arrondi dont a fait l’objet la déclaration de ses émissions de dioxyde de carbone d’origine fossile relative à l’année 2018 ainsi que l’absence de prise en compte par la Commission des données qui lui ont été transmises par l’Agence pour la protection de l’environnement les 26 janvier et 4 février 2021, lesquelles ont déjà été appréciées dans le présent arrêt, il suffit de renvoyer aux points 51 à 60 et 69 à 82 ci-dessus.

141    Il résulte de ce qui précède que le premier moyen doit être écarté.

 Sur le deuxième moyen, tiré de la violation du principe d’égalité de traitement

142    Selon la requérante, dans la décision attaquée, la Commission a violé le principe d’égalité de traitement à deux égards.

143    D’une part, ainsi que l’Agence pour la protection de l’environnement l’aurait signalé à la Commission dans son courriel du 4 février 2021, des installations ayant des niveaux comparables d’émission de dioxyde de carbone d’origine fossile se trouveraient traitées de manière différente au regard de leur inclusion dans le SEQE, pour la seule raison que certaines d’entre elles auraient arrondi leurs déclarations, alors que d’autres non. La requérante fait également observer qu’au moins l’une des installations dont l’inclusion dans le SEQE n’a pas été contestée par la Commission a émis moins de dioxyde de carbone d’origine fossile que l’installation en cause. Le respect du principe d’égalité de traitement aurait impliqué que la Commission, qui avait été informée de la situation avant l’adoption de la décision attaquée, évite de traiter de façon différente des situations comparables. Contrairement à ce que prétend la Commission, une simple différence dans les déclarations résultant de ce que, pour certaines installations, il a été procédé à un arrondi, alors que pour d’autres non ne serait pas pertinente et ne justifierait pas un traitement différent entre ces deux catégories d’exploitations.

144    D’autre part, la violation du principe d’égalité de traitement commise en l’espèce par la Commission serait à l’origine de distorsions de concurrence et récompenserait indûment les producteurs utilisant des carburants d’origine fossile, lesquels, contrairement à la requérante, auraient accès au SEQE et pourraient ainsi réaliser des profits en revendant leurs quotas gratuits non utilisés. La requérante estime que son exclusion entraîne donc, entre des producteurs appartenant au même référentiel de produit, une différence de traitement injustifiée au regard des objectifs environnementaux poursuivis par le SEQE.

145    La Commission conteste l’argumentation de la requérante.

146    Le principe général d’égalité, qui appartient aux principes fondamentaux du droit de l’Union, impose que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente et que des situations différentes ne soient pas traitées de manière égale, à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié (voir, en ce sens, arrêts du 19 octobre 1977, Ruckdeschel e.a., 117/76 et 16/77, EU:C:1977:160, point 7, et du 17 décembre 2020, Centraal Israëlitisch Consistorie van België e.a., C‑336/19, EU:C:2020:1031, point 85 et jurisprudence citée).

147    Il ressort du dossier, notamment de la duplique et des réponses de la Commission et de la requérante à la suite de la mesure d’organisation de la procédure adoptée par le Tribunal que, sauf dans deux cas dans lesquels elle a reconnu avoir commis une erreur en n’excluant pas les installations en cause, la Commission a exclu du SEQE les installations ayant déclaré des émissions de dioxyde de carbone d’origine fossile nulles ou inférieures à 0,5 t au cours de la période de référence. La requérante, se trouvant dans cette situation, n’est pas fondée à soutenir, sur le fondement du principe d’égalité de traitement, qu’elle aurait dû bénéficier d’un traitement différent.

148    Il est vrai que la Commission précise qu’elle aurait dû exclure deux installations dont les émissions de dioxyde de carbone d’origine fossile étaient inférieures à 0,5 t. Toutefois, il résulte d’une jurisprudence constante que le principe d’égalité de traitement doit se concilier avec le respect de la légalité, selon lequel nul ne peut invoquer à son profit une illégalité commise en faveur d’autrui. Une telle approche équivaudrait à consacrer le principe de « l’égalité de traitement dans l’illégalité » (voir arrêt du 16 novembre 2006, Peróxidos Orgánicos/Commission, T‑120/04, EU:T:2006:350, point 77 et jurisprudence citée). Il convient à cet égard d’observer que, lors de l’audience, la Commission n’a pas exclu de remédier à l’illégalité de l’inclusion de ces deux installations à la suite de l’intervention du présent arrêt.

149    Il convient également d’écarter comme non fondées les allégations de la requérante selon lesquelles elle se trouve dans une situation plus défavorable que les entreprises relevant du même référentiel de produit. En effet, l’exclusion des installations utilisant exclusivement de la biomasse fait obstacle à ce qu’elles soient considérées comme relevant d’un référentiel de produit. La requérante ne se trouve donc pas dans la même situation que les entreprises relevant d’un référentiel ex ante et incluses dans le SEQE. À cet égard, en outre, il convient de rappeler que, ainsi qu’il résulte de l’appréciation du cinquième moyen (voir point 120 ci-dessus), l’interprétation du critère d’exclusion prévu au point 1 de l’annexe I de la directive 2003/87 selon laquelle les installations n’ayant pas émis de dioxyde de carbone d’origine fossile ou ayant émis des quantités devant être arrondies à zéro ne peuvent bénéficier d’une allocation à titre gratuit de quotas d’émission de gaz à effet de serre ne méconnaît pas le principe d’égalité de traitement.

150    La requérante n’est, par suite, pas fondée à soutenir que la décision attaquée méconnaît directement le principe d’égalité de traitement, et ce sans préjudice de la question, faisant l’objet du sixième moyen du recours, de savoir si l’exclusion des installations utilisant exclusivement de la biomasse constitue par elle-même une violation de ce principe.

151    Il s’ensuit que le deuxième moyen doit être écarté.

 Sur le quatrième moyen, tiré de la violation du principe de protection de la confiance légitime

152    La requérante fait valoir qu’elle a volontairement procédé à une transition visant à faire fonctionner son installation essentiellement à partir de la biomasse et qu’elle s’est ainsi spontanément conformée aux objectifs poursuivis par la directive 2003/87. En outre, elle soutient n’avoir pas pu prévoir que ce comportement entraînerait son exclusion du SEQE, si bien qu’elle se voit privée de l’autorisation d’utiliser du carburant d’origine fossile ainsi que du produit financier de la revente des quotas d’émission qui lui étaient alloués à titre gratuit. Au contraire, elle estime qu’elle pouvait déduire de la position prise par la Commission lors des allocations de quotas pour la troisième période d’échanges (2013-2020), alors que sa conversion à la biomasse avait déjà eu lieu, qu’elle pourrait compter sur une décision positive à son égard pour la période 2021-2025. En effet, au titre de la période antérieure, elle avait déjà déclaré des émissions nulles, ce qui n’avait pas entraîné son exclusion du SEQE. Elle bénéficierait ainsi d’une assurance précise de la part de la Commission et se trouverait dans une situation comparable à celle du requérant dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 28 avril 1988, Mulder (120/86, EU:C:1988:213). Il n’existerait pas en l’espèce d’intérêt public supérieur susceptible de justifier que le principe de protection de la confiance légitime soit écarté.

153    Sans rattacher expressément cet argument au quatrième moyen, la requérante fait également valoir qu’elle a disposé d’informations confidentielles selon lesquelles l’Agence pour la protection de l’environnement, d’une part, et les agents de la Commission spécialisés dans l’application du SEQE, d’autre part, partageaient le point de vue selon lequel l’installation en cause ne devait pas être exclue du SEQE.

154    La Commission conteste l’argumentation de la requérante.

155    Corollaire du principe de sécurité juridique, le droit de réclamer la protection de la confiance légitime s’étend à tout particulier se trouvant dans une situation de laquelle il ressort que l’administration de l’Union a fait naître dans son chef des espérances fondées. Constituent des assurances susceptibles de faire naître de telles espérances, quelle que soit la forme sous laquelle ils sont communiqués, des renseignements précis, inconditionnels, concordants et émanant de sources autorisées et fiables. En revanche, nul ne peut invoquer une violation de ce principe en l’absence d’assurances précises que lui aurait fournies l’administration. De même, lorsqu’un opérateur économique prudent et avisé est en mesure de prévoir l’adoption d’une mesure de l’Union de nature à affecter ses intérêts, il ne saurait invoquer le bénéfice d’un tel principe lorsque cette mesure est adoptée (voir, en sens, arrêt du 21 juin 2018, Pologne/Parlement et Conseil, C‑5/16, EU:C:2018:483, points 110, 111 et 113 et jurisprudence citée).

156    À cet égard, d’une part, force est de constater que la requérante n’établit pas que la Commission lui a fourni des assurances au sens de la jurisprudence citée au point 155 ci-dessus selon lesquelles elle bénéficierait, au titre de la période 2021-2025, d’allocations de quotas d’émission de gaz à effet de serre à titre gratuit.

157    En effet, il convient d’observer que la circonstance que la Commission n’a pas décidé d’exclure l’installation en cause de la MNE notifiée par le Royaume de Suède au titre de la troisième période d’échanges (2013-2020) ne saurait être considérée comme une prise de position inconditionnelle par la Commission quant au droit de la requérante à continuer de relever du SEQE et de bénéficier en conséquence d’allocations de quotas à titre gratuit au titre de la période suivante.

158    De surcroît, il est constant que la requérante a « achevé sa transition vers la biomasse en 2010 ». Or, il ressort de l’article 10 bis, paragraphe 5, de la directive 2003/87, dans sa rédaction alors en vigueur, que la période de référence qui devait être prise en considération pour le calcul du nombre de quotas devant être alloués gratuitement aux installations telles que celle de la requérante comprenait les années 2005 à 2007. Or, la requérante n’établit et ne soutient d’ailleurs pas que ses émissions de dioxyde de carbone d’origine fossile aient été nulles ou aient dû être arrondies à zéro au titre de ces trois années.

159    D’autre part, l’application de l’exclusion prévue au point 1 de l’annexe I de la directive 2003/87 était largement prévisible à la date d’adoption de la décision attaquée, puisqu’elle résulte de la directive 2009/29, dont le délai de transposition expirait le 31 décembre 2012. Cette disposition n’ayant pas été modifiée par la suite, un opérateur économique avisé au sens de la jurisprudence citée au point 155 ci-dessus ne pouvait dès lors ignorer que l’exclusion des installations utilisant exclusivement de la biomasse, applicable depuis le 1er janvier 2013, était toujours en vigueur pour la quatrième période d’échanges (2021-2025) couverte par la décision attaquée.

160    Il s’ensuit que le quatrième moyen doit être écarté.

 Sur le sixième moyen, tiré de l’illégalité du point 1 de l’annexe I de la directive 2003/87

161    En application de l’article 277 TFUE, au cas où le Tribunal n’accueillerait pas l’un des cinq premiers moyens du recours, la requérante excipe de l’illégalité du point 1 de l’annexe I de la directive 2003/87. Selon elle, si cette disposition ne peut faire l’objet d’une interprétation conforme à l’article 10 bis de ladite directive et aux principes fondamentaux relevant du droit primaire de l’Union, force serait alors de constater son illégalité. À cet égard, elle renvoie aux arguments invoqués à l’appui du cinquième moyen.

162    Selon la requérante, l’exclusion relative à l’utilisation exclusive de la biomasse entraîne l’impossibilité de prendre en compte, pour le calcul des référentiels de produits, les installations écologiquement les plus performantes. Pareille exclusion serait donc, de ce fait, incompatible avec les objectifs poursuivis par la directive 2003/87 et avec le principe de proportionnalité.

163    Cela serait également contraire au principe d’égalité de traitement. En effet, premièrement, les installations ayant procédé à un arrondi de leurs déclarations se verraient traiter moins favorablement que celles qui n’ont pas arrondi les leurs. Deuxièmement, les installations ayant émis du dioxyde de carbone d’origine fossile durant la période 2014-2018 seraient traitées moins favorablement que celles ayant émis du dioxyde de carbone d’origine fossile durant les années 2019 et 2020. Troisièmement, les installations dont les émissions de dioxyde de carbone d’origine fossile seraient inférieures à 0,5 t seraient traitées moins favorablement que celles dont les émissions dépassent ce seuil. Quatrièmement, du point de vue de la concurrence, la situation des installations dont 100 % des émissions ont pour origine la biomasse ne serait pas différente de celles dont une partie ou la totalité des émissions sont d’origine fossile.

164    La Commission, soutenue par le Parlement et le Conseil, conteste l’argumentation de la requérante.

165    Il résulte de l’examen du cinquième moyen que l’interprétation du point 1 de l’annexe I de la directive 2003/87 retenue par la Commission dans la décision attaquée ne méconnaît ni les dispositions et les objectifs de ladite directive ni les principes d’égalité de traitement et de proportionnalité. La requérante soutient toutefois, dans le cadre du sixième moyen, que si tel est le cas, l’exclusion du SEQE des installations utilisant exclusivement la biomasse est alors en elle-même contraire à ces principes et à ces dispositions.

166    Il convient, à cet égard, d’observer d’emblée que la recevabilité de l’exception d’illégalité soulevée par la requérante n’est pas contestée et qu’elle ne fait guère de doute. En effet, il n’est pas certain que la requérante eût été recevable à demander l’annulation de la modification en cause, introduite par la directive 2009/29, et il est constant que c’est en faisant application du point 1 de l’annexe I de la directive 2003/87 dans la décision attaquée que la Commission a considéré que la requérante devait être retirée de la MNE.

167    Toutefois, en tant que la requérante fait valoir les mêmes arguments que ceux invoqués à l’appui de la seconde branche du cinquième moyen, il suffit de rappeler que ces arguments ont été écartés aux points 120 à 122 ci-dessus.

168    Pour le reste, dans un domaine où le législateur de l’Union dispose d’une large marge d’appréciation, seule une violation manifeste de ces principes pourrait établir l’illégalité de l’exclusion prévue par la disposition contestée.

169    Il n’est cependant pas contestable que le système actuel, tel qu’il est défini, conduit à pénaliser la requérante pour avoir réduit quasiment à zéro ses émissions de dioxyde de carbone d’origine fossile. D’une part, la requérante indique, sans être sérieusement contredite, que sa transition vers la biomasse a nécessité des investissements extrêmement onéreux pour lesquels elle ne dispose plus d’aucune contrepartie. D’autre part, il ressort des déclarations faites par les parties lors de l’audience que la position adoptée par la Commission selon laquelle la requérante ne saurait, même au cas où elle déciderait de recourir de nouveau à des carburants d’origine fossile, être considérée comme un « nouvel entrant » la prive de toute possibilité de bénéficier de nouveau d’une allocation de quotas à titre gratuit.

170    Cependant, ainsi qu’il a été relevé au point 122ci-dessus, de tels effets sont inhérents à tout système prévoyant des seuils d’inclusion et d’exclusion. L’exclusion prévue au point 1 de l’annexe I de la directive 2003/87 en cause en l’espèce a pour effet d’exonérer des obligations inhérentes au SEQE les installations ayant complètement opté pour un processus de production utilisant des énergies renouvelables et d’inciter les installations n’ayant pas complètement exercé cette option à substituer la biomasse aux carburants d’origine fossile. À cet égard, il convient d’observer par ailleurs que la position défendue par la requérante selon laquelle elle devrait bénéficier de nouveau d’une allocation de quotas à titre gratuit au cas où elle reviendrait à l’utilisation de carburants d’origine fossile contreviendrait directement à cet objectif.

171    Dès lors, en dépit des effets négatifs qu’elle exerce sur la requérante, l’exclusion des installations utilisant exclusivement de la biomasse ainsi que l’assimilation à ces installations de celles qui ont émis moins de 0,5 t de dioxyde de carbone d’origine fossile au cours de la période de référence ne sont pas de nature à caractériser une violation manifeste des principes de proportionnalité et d’égalité de traitement par le législateur de l’Union.

172    Enfin, la requérante prétend tirer argument d’une proposition législative, transmise par la Commission au Parlement et au Conseil, tendant à fixer à 5 % le seuil d’émissions de dioxyde de carbone d’origine fossile en-deçà duquel les installations sont réputées utiliser exclusivement de la biomasse. Selon la requérante, cette volonté du législateur de modifier le système démontrerait ses imperfections. Toutefois, de telles observations de lege ferenda ne peuvent conduire à considérer les règles en vigueur comme illégales et, par conséquent, inapplicables.

173    Il s’ensuit qu’il y a lieu de rejeter l’exception d’illégalité soulevée par la requérante et il résulte de tout ce qui précède que le recours doit être rejeté.

 Sur les dépens

174    En vertu de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Aux termes de l’article 135, paragraphe 1, dudit règlement, toutefois, lorsque l’équité l’exige, le Tribunal peut décider qu’une partie qui succombe supporte, outre ses propres dépens, uniquement une fraction des dépens de l’autre partie, voire qu’elle ne doit pas être condamnée à ce titre.

175    Les dispositions de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure, selon lesquelles les institutions qui sont intervenues au litige supportent leurs propres dépens, font obstacle à ce qu’il fait droit aux conclusions du Conseil tendant à la condamnation de la requérante aux dépens.

176    En outre, dans les circonstances de l’espèce, notamment des erreurs relevées aux points 78 et 79 ci-dessus, il y a lieu de décider que chaque partie supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Chaque partie supporte ses propres dépens.

Marcoulli

Frimodt Nielsen

Norkus

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 26 juillet 2023.

Signatures


Table des matières


Antécédents du litige

Conclusions des parties

En droit

Observations liminaires relatives au SEQE et aux objectifs poursuivis par la directive 2003/87

Sur la régularité de la procédure d’adoption de la décision attaquée

Sur la prise en compte des données arrondies déclarées durant la procédure d’adoption de la décision attaquée

Sur le troisième moyen, tiré de la violation des formes substantielles

– Sur la première branche du troisième moyen, prise de la violation du devoir de diligence

– Sur la deuxième branche du troisième moyen, tirée de la violation du droit d’être entendu

– Sur la troisième branche du troisième moyen, tirée de la violation de l’obligation de motivation

Sur le bien-fondé de la décision attaquée

Sur le cinquième moyen, tiré de la violation de la directive 2003/87

– Sur la première branche du cinquième moyen, tirée de la prise en compte erronée de valeurs anciennes

– Sur la seconde branche du cinquième moyen, tirée d’erreurs de droit

Sur le premier moyen, tiré d’une erreur manifeste d’appréciation

Sur le deuxième moyen, tiré de la violation du principe d’égalité de traitement

Sur le quatrième moyen, tiré de la violation du principe de protection de la confiance légitime

Sur le sixième moyen, tiré de l’illégalité du point 1 de l’annexe I de la directive 2003/87

Sur les dépens


*      Langue de procédure : le suédois.

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