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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) |
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You are here: BAILII >> Databases >> Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) >> Universitat Bremen v REA (Research and technological development - Horizon 2020 - Judgment) French Text [2023] EUECJ T-660/19RENV (29 March 2023) URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2023/T66019RENV.html Cite as: ECLI:EU:T:2023:170, [2023] EUECJ T-660/19RENV, EU:T:2023:170 |
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DOCUMENT DE TRAVAIL
ARRÊT DU TRIBUNAL (cinquième chambre)
29 mars 2023 (*)
« Recherche et développement technologique – Programme-cadre pour la recherche et l’innovation “Horizon 2020” – Appel à propositions H2020-SC6-Governance-2019 – Décision de la REA portant rejet d’une proposition – Erreur de fait – Erreur de droit – Erreur manifeste d’appréciation »
Dans l’affaire T‑660/19 RENV,
Universität Bremen, établie à Brême (Allemagne), représentée par M. C. Schmid, professeur,
partie requérante,
contre
Agence exécutive européenne pour la recherche (REA), représentée par Mmes V. Canetti et S. Payan-Lagrou, en qualité d’agents, assistées de Mes C. Wagner et R. van der Hout, avocats,
partie défenderesse,
LE TRIBUNAL (cinquième chambre),
composé de MM. J. Svenningsen, président, J. Laitenberger (rapporteur) et J. Martín y Pérez de Nanclares, juges,
greffier : M. E. Coulon,
vu l’arrêt du 14 juillet 2022, Universität Bremen/REA, C‑110/21 P, EU:C:2022:555,
vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure et ayant décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,
rend le présent
Arrêt
1 Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, l’Universität Bremen, demande l’annulation de la décision Ares(2019) 4590599 de l’Agence exécutive pour la recherche (REA), du 16 juillet 2019, rejetant la proposition qu’elle a présentée dans le cadre de l’appel à propositions H2020-SC6-Governance-2019 (ci-après la « décision attaquée »).
Antécédents du litige
2 La requérante est la coordinatrice du consortium de recherche Tenlaw, qui effectue des recherches de droit comparé interdisciplinaires dans le domaine du droit et de la politique en matière de logement dans l’ensemble de l’Union européenne et qui comprend plusieurs universités européennes.
3 Le programme-cadre pour la recherche et l’innovation « Horizon 2020 » a été établi, sur le fondement des articles 173 et 182 TFUE, par le règlement (UE) no 1291/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 11 décembre 2013, portant établissement du programme-cadre pour la recherche et l’innovation « Horizon 2020 » (2014-2020) et abrogeant la décision no 1982/2006/CE (JO 2013, L 347, p. 104), et par le règlement (UE) no 1290/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 11 décembre 2013, définissant les règles de participation au programme-cadre pour la recherche et l’innovation « Horizon 2020 » (2014-2020) et les règles de diffusion des résultats et abrogeant le règlement (CE) no 1906/2006 (JO 2013, L 347, p. 81).
4 Ce programme prévoit, notamment, que la REA coordonne et finance des projets de recherche par l’intermédiaire d’appels à propositions.
5 La sélection des propositions de projets s’effectue, conformément à l’article 15, paragraphe 1, du règlement no 1290/2013, sur la base de trois critères d’attribution : « excellence », « incidence » ainsi que « qualité et efficacité de la mise en œuvre ». En application de l’article 15, paragraphe 4, dudit règlement, les modalités d’application de ces critères d’attribution, leur pondération et les seuils sont précisés dans un « programme de travail ».
6 Le 17 mars 2019, la requérante a présenté à la REA la proposition de projet no 870693 « TenOpt », intitulée « The right to housing as a right to adequate housing options for European citizens » (Le droit au logement en tant que droit à des options de logement adéquates pour les citoyens européens), dans le cadre de l’appel à propositions H2020-SC6-Governance-2019 concernant le thème Governance-04-2019, relevant du programme de travail 2018-2020 « Europe in a changing world – Inclusive, innovative and reflective societies » (L’Europe dans un monde en évolution: des sociétés ouvertes à tous, innovantes et capables de réflexion).
7 La proposition de projet de la requérante a été évaluée par un groupe composé de trois experts indépendants, qui étaient respectivement spécialisés dans les domaines du droit, de la sociologie et de l’économie.
8 Cette proposition a obtenu un score total de 10 points sur 15, ce qui la rendait éligible au financement. Toutefois, elle a été classée à la dixième place sur quatorze candidatures. Dans la mesure où le budget était limité, seuls les trois premiers projets ont pu être sélectionnés.
9 C’est dans ces conditions que, par la décision attaquée, la REA a informé la requérante que sa proposition de projet « TenOpt » ne bénéficierait pas d’un financement, dès lors que le nombre de points obtenus par cette proposition n’était pas suffisant, eu égard aux ressources disponibles limitées pour les projets concernés.
10 Il ressort à cet égard du rapport d’évaluation de la proposition de projet « TenOpt », annexé à la décision attaquée, que la note attribuée au projet par les évaluateurs se décompose comme suit : 3 points sur 5 pour le premier critère, intitulé « Excellence », 3,5 points sur 5 pour le deuxième critère, intitulé « Incidence », et 3,5 points sur 5 pour le troisième critère, intitulé « Qualité et efficacité de la mise en œuvre ».
11 Par ordonnance du 16 décembre 2020, Universität Bremen/REA (T‑660/19, non publiée, EU:T:2020:633), le Tribunal a rejeté le recours contre la décision attaquée comme étant manifestement irrecevable, au motif que la représentation de la requérante par un professeur, employé par cette dernière dans le cadre d’un lien statutaire de droit public, contrevenait à l’obligation de représentation par un avocat indépendant habilité à exercer devant une juridiction d’un État membre ou d’un autre État partie à l’accord EEE.
12 L’Universität Bremen a formé un pourvoi contre l’ordonnance du 16 décembre 2020, Universität Bremen/REA (T‑660/19, non publiée, EU:T:2020:633), aux fins d’obtenir son annulation.
13 Par arrêt du 14 juillet 2022, Universität Bremen/REA (C‑110/21 P, EU:C:2022:555), la Cour a annulé l’ordonnance du 16 décembre 2020, Universität Bremen/REA (T‑660/19, non publiée, EU:T:2020:633), et renvoyé l’affaire devant le Tribunal.
Conclusions des parties
14 La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– annuler la décision attaquée ;
– donner des indications sur la méthode de désignation des experts chargés d’évaluer les propositions de projets, en vue d’une nouvelle évaluation ;
– à titre subsidiaire, explorer la possibilité d’une transaction ;
– condamner la REA aux dépens.
15 La REA conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– rejeter le recours comme manifestement irrecevable et comme non fondé dans son ensemble ;
– condamner la requérante aux entiers dépens.
En droit
Sur l’intérêt à agir de la requérante
16 La REA fait valoir, dans ses observations déposées devant le Tribunal à la suite de l’annulation de l’ordonnance du 16 décembre 2020, Universität Bremen/REA (T‑660/19, non publiée, EU:T:2020:633), par l’arrêt du 14 juillet 2022, Universität Bremen/REA (C‑110/21 P, EU:C:2022:555), que le recours demeure en tout état de cause irrecevable, au motif que la requérante n’apporterait pas la preuve de son intérêt à agir.
17 Selon la REA, le faible nombre de points attribués à la proposition de projet « TenOpt », combiné aux lacunes relevées par les évaluateurs, permet de considérer que, même en cas d’annulation de la décision attaquée par le Tribunal, il serait impossible que la proposition en cause puisse être sélectionnée et, partant, puisse bénéficier d’un financement. Ainsi, dans la mesure où la décision attaquée ne pourrait, de façon certaine, qu’être confirmée à nouveau à l’égard de la requérante, cette dernière n’aurait pas d’intérêt légitime à obtenir l’annulation poursuivie.
18 La requérante soutient que son recours est recevable. Dans la requête, elle fait notamment valoir, en substance, que c’est en grande partie en raison d’une composition inadéquate du comité d’experts chargé de l’évaluation des propositions de projets que sa proposition a été rejetée. Ce faisant, la requérante fait implicitement valoir que, en cas d’annulation de la décision attaquée, puis de nouvelle évaluation de la proposition de projet « TenOpt » par un comité d’experts composé au moins pour moitié de personnalités qualifiées en droit comparé, elle serait susceptible d’obtenir un financement.
19 À titre liminaire, il y a lieu d’observer que, les conditions de recevabilité d’un recours, notamment le défaut d’intérêt à agir, relevant des fins de non-recevoir d’ordre public, il appartient au Tribunal de vérifier d’office si les parties requérantes ont un intérêt à obtenir l’annulation de la décision attaquée (arrêt du 20 septembre 2011, Evropaïki Dynamiki/BEI, T‑461/08, EU:T:2011:494, point 62), et ce indépendamment du stade de la procédure auquel la REA a, pour la première fois devant le Tribunal, fait valoir que la requérante n’apportait pas la preuve de son intérêt à agir.
20 À cet égard, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, un recours en annulation intenté par une personne physique ou morale n’est recevable que dans la mesure où cette dernière a un intérêt à voir annuler l’acte attaqué. Un tel intérêt suppose que l’annulation de cet acte soit susceptible, par elle-même, d’avoir des conséquences juridiques et que le recours puisse ainsi, par son résultat, procurer un bénéfice à la partie qui l’a intenté. L’intérêt à agir d’une partie requérante doit être né et actuel. Il ne peut concerner une situation future et hypothétique. Cet intérêt doit, au vu de l’objet du recours, exister au stade de l’introduction de celui-ci, sous peine d’irrecevabilité, et perdurer jusqu’au prononcé de la décision juridictionnelle, sous peine de non-lieu à statuer (voir arrêt du 17 septembre 2015, Mory e.a./Commission, C‑33/14 P, EU:C:2015:609, points 55 à 57 et jurisprudence citée).
21 Il appartient à la partie requérante d’apporter la preuve de son intérêt à agir, qui constitue la condition essentielle et première de tout recours en justice (arrêt du 14 avril 2005, Sniace/Commission, T‑141/03, EU:T:2005:129, point 31).
22 En l’espèce, pour évaluer l’intérêt à agir de la requérante, il convient d’analyser le bénéfice qu’elle pourrait tirer de l’annulation de la décision attaquée.
23 En premier lieu, il est manifeste que la requérante avait un intérêt à ce que la proposition du consortium Tenlaw soit retenue et, par suite, à contester le rejet qui lui était opposé. En effet, l’annulation de la décision attaquée donnerait au consortium dont la requérante est la coordinatrice une chance supplémentaire de voir la proposition de projet « TenOpt » être retenue et bénéficier d’un financement [voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 18 janvier 2018, Kenup Foundation e.a./EIT, T‑76/15, EU:T:2018:9, point 31 (non publié)].
24 En second lieu, la REA ne saurait conditionner la reconnaissance de l’intérêt à agir de la requérante au fait que cette dernière apporte la preuve qu’elle aurait disposé d’une chance sérieuse que la proposition de projet « TenOpt » soit retenue et puisse bénéficier d’un financement. En effet, il résulte de ce qui a été constaté au point 23 ci-dessus que la requérante a un intérêt à contester la décision attaquée sans qu’il y ait lieu d’apprécier à cette fin le caractère fondé ou non des moyens invoqués. À cet égard, si la REA fait valoir que la requérante n’a pas d’intérêt légitime à obtenir l’annulation d’une décision dont il serait d’ores et déjà certain qu’elle ne pourrait qu’être reprise à l’identique, il y a lieu de relever, en l’espèce, d’une part, qu’il ne saurait être conclu, dès avant l’examen des moyens soutenant les conclusions de la requête, que la décision attaquée, si elle était annulée, ne pourrait qu’être reprise à l’identique et, d’autre part, que l’absence d’intérêt légitime se rapporte à la recevabilité des moyens du recours et concerne une question différente de l’intérêt que peut avoir une partie requérante à introduire un recours [voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 18 janvier 2018, Kenup Foundation e.a./EIT, T‑76/15, EU:T:2018:9, point 34 (non publié)].
25 Dans ces conditions, la fin de non-recevoir opposée par la REA ne saurait être accueillie.
Sur les deuxième et troisième chefs de conclusions
26 Par son deuxième chef de conclusions, la requérante demande au Tribunal de donner des indications sur la méthode de désignation des experts chargés d’évaluer les propositions de projets, notamment en vue d’une nouvelle évaluation. Par son troisième chef de conclusions, la requérante demande au Tribunal, à titre subsidiaire, d’explorer la possibilité d’une transaction.
27 S’agissant du deuxième chef de conclusions, il y a lieu de rappeler que, dans le cadre du contrôle de légalité fondé sur l’article 263 TFUE, le Tribunal n’a pas compétence pour prononcer des injonctions à l’égard des institutions, des organes et des organismes de l’Union, même lorsqu’elles ont trait aux modalités d’exécution de ses arrêts (ordonnances du 22 septembre 2016, Gaki/Commission, C‑130/16 P, non publiée, EU:C:2016:731, point 14, et du 19 juillet 2016, Trajektna luka Split/Commission, T‑169/16, non publiée, EU:T:2016:441, point 13). Il y a également lieu de relever que le contentieux de l’Union ne connaît pas de voie de droit permettant au juge de prendre position, par le biais d’une déclaration générale, sur une question dont l’objet dépasse le cadre du litige (ordonnance du 7 juin 2004, Segi e.a./Conseil, T‑338/02, EU:T:2004:171, point 48).
28 Il s’ensuit qu’il y a lieu de rejeter le deuxième chef de conclusions pour cause d’incompétence.
29 Quant au troisième chef de conclusions, il suffit, pour le rejeter, d’observer, d’une part, que l’article 124 du règlement de procédure du Tribunal, qui autorise les parties à s’accorder sur la solution mettant fin au litige, n’est pas applicable aux recours visés à l’article 263 TFUE et, d’autre part et en tout état de cause, que la REA a, dans le mémoire en défense ainsi que dans la duplique, indiqué qu’une transaction portant sur l’octroi d’un financement visant à soutenir la proposition de projet « TenOpt » n’était pas envisageable.
Sur le fond
30 À l’appui de son recours, la requérante soulève en substance quatre moyens, tirés, premièrement, d’erreurs de fait, deuxièmement, d’une erreur manifeste d’appréciation, troisièmement, d’une erreur d’appréciation et, quatrièmement, d’un détournement de pouvoir.
Observations liminaires
31 À titre liminaire, il convient d’observer que, pour chacun des trois critères d’évaluation, les évaluateurs ont notamment porté les appréciations suivantes :
S’agissant du critère intitulé « Excellence » :
– « [Trois] des [quatre] étapes de la recherche proposée sont axées sur les questions de logement, seule la quatrième étape liant explicitement cette question à la question de la citoyenneté européenne sous la forme d’un droit à un logement adéquat ». L’interprétation de la manière dont cela correspond à la description du sujet n’est pas tout à fait convaincante. »
– « Toutefois, la manière dont cela peut être couplé aux politiques urbaines (comme le zonage) est moins claire. »
– « L’absence de mention des conditions applicables aux prêts hypothécaires est également source de préoccupation. »
– « La proposition n’explicite pas comment les différents arrangements institutionnels peuvent être comparés au-delà de leur cohérence juridique interne […] ».
– «[…] [L]a proposition n’examine pas la pertinence d’une solution visant une distribution des richesses et un mode de cohabitation déterminés dans la société (en termes de prospérité générale et d’exclusion sociale). »
– « La proposition néglige la dimension intergénérationnelle […] ».
– « La proposition fait état d’approches interdisciplinaires, mais, dans la pratique, l’accent est mis principalement sur l’évaluation juridique des options de logement. »
– « La manière dont la proposition évaluera les résultats potentiels des options de logement n’est pas clairement décrite et constitue donc une lacune. »
– « La proposition manque d’expertise statistique, qui aurait été très utile pour quantifier l’incidence potentielle de différentes solutions juridiques visant à résoudre des problèmes similaires. »
– « Les questions liées à l’égalité des genres sont presque totalement absentes. »
S’agissant du critère intitulé « Incidence » :
– « Toutefois, cette section ne contient pas d’évaluation d’autres acteurs, tels que des agences privées faisant pression sur les marchés nationaux, des constructeurs aux fonds d’investissement, des syndicats de locataires aux associations coopératives de logement. »
– « En outre, il est plus facile de cibler un socle européen des droits sociaux que de le mettre en place, et supposer que les citoyens seront sensibilisés à leurs possibilités de logement dans toute l’Europe par le biais d’informations sur un site Internet et des brochures ne reflète pas les conditions de vie, par exemple, des personnes sans domicile fixe. »
– « Toutefois, les relations avec les organisations de la société civile et les autres parties prenantes sont décrites passivement plutôt qu’activement, et il n’apparaît pas que le consortium a examiné pleinement les obstacles à une diffusion efficace dans un vaste marché des idées. »
– « À certains égards, les propositions relatives à une large diffusion semblent reposer sur les résultats obtenus précédemment dans le cadre d[u projet] Tenlaw et ne sont ni innovantes ni nouvelles. »
S’agissant du critère intitulé « Qualité et efficacité de la mise en œuvre » :
– « Le [programme de travail] 3 ne comprend toutefois pas de circuit de révision des rapports nationaux examinés par les pairs sur les droits et solutions en matière de logement. »
– « L’accent est mis sur la formation de jeunes chercheurs, en particulier en ce qui concerne les analyses transnationales, mais le programme de travail manque de précision à cet égard, ce qui rend difficile le fait de parvenir à des conclusions positives sur la qualité et l’efficacité. »
– « Toutefois, la principale complémentarité des participants réside dans le large éventail de systèmes nationaux qu’ils recouvrent. »
– « Un niveau relativement faible de ressources est consacré aux activités de diffusion, ce qui constitue une faiblesse de la proposition. »
– « Le manque de ressources pour chaque partenaire pour sa participation aux activités de gestion et de diffusion semble incertain quant à l’obtention des meilleurs résultats et effets. »
32 Ainsi, une vingtaine de critiques négatives ou de points faibles de la proposition de projet « TenOpt » ont été relevés et présentés comme tels dans le rapport d’évaluation. Ces critiques, mises en balance avec les critiques positives et les points forts également relevés, ont conduit à l’attribution d’une note finale de 10 points sur 15. Il a, en substance, notamment été reproché à la proposition de projet de privilégier une approche trop restrictive du point de vue de la pluridisciplinarité inhérente au thème Governance-04-2019, intitulé « Enhancing social rights and EU citizenship (Renforcer les droits sociaux et la citoyenneté européenne) ».
33 Le Tribunal observe que, dans le cadre de ses deux premiers moyens, tirés d’erreurs de fait et d’une erreur manifeste d’appréciation, la requérante conteste le bien-fondé des commentaires figurant dans le rapport d’évaluation sur lequel la décision attaquée est fondée. Par ailleurs, dans le cadre des deux premières branches du troisième moyen, tiré d’une erreur d’appréciation, la requérante fait valoir, en substance, que les critères d’évaluation ont pour effet d’exclure les projets de droit comparé. Dans le cadre de la troisième branche dudit moyen, la requérante soutient, en substance, que la composition du comité d’experts était irrégulière.
34 À cet égard, il y a lieu de rappeler qu’il ressort d’une jurisprudence constante que, s’agissant de l’évaluation comparative de nombreux projets dans un domaine de nature scientifique et technique complexe, le contrôle juridictionnel porte sur la censure de la violation des règles de procédure et de motivation, de l’inexactitude matérielle des faits, de l’erreur manifeste d’appréciation ainsi que du détournement de pouvoir [voir arrêt du 15 octobre 2009, Enviro Tech (Europe), C‑425/08, EU:C:2009:635, point 47 et jurisprudence citée].
35 L’appréciation de l’excellence scientifique d’une proposition de projet par un panel d’évaluateurs appartient à la catégorie des appréciations complexes au sens de la jurisprudence mentionnée au point 34 ci-dessus (voir, en ce sens, arrêt du 25 novembre 2020, BMC/Entreprise commune Clean Sky 2, T‑71/19, non publié, EU:T:2020:567, point 74 et jurisprudence citée).
36 Selon la jurisprudence, afin d’établir qu’une institution a commis une erreur manifeste dans l’appréciation de faits complexes de nature à justifier l’annulation d’un acte, les éléments de preuve apportés par la partie requérante doivent être suffisants pour priver de plausibilité les appréciations des faits retenus dans cet acte. Sous réserve de cet examen de plausibilité, il n’appartient pas au Tribunal de substituer son appréciation de faits complexes à celle de l’auteur de cette décision. Par conséquent, un moyen tiré de l’existence d’une erreur manifeste d’appréciation doit être rejeté si, en dépit des éléments avancés par la partie requérante, l’appréciation mise en cause peut être admise comme étant toujours vraie ou valable (voir arrêt du 25 novembre 2020, BMC/Entreprise commune Clean Sky 2, T‑71/19, non publié, EU:T:2020:567, point 76 et jurisprudence citée).
37 Ainsi, la seule hypothèse dans laquelle les appréciations dont procède une décision prise sur la base de faits complexes sont susceptibles d’être examinées par le Tribunal est celle dans laquelle la partie requérante allègue que les appréciations factuelles en cause sont dépourvues de plausibilité (arrêt du 25 novembre 2020, BMC/Entreprise commune Clean Sky 2, T‑71/19, non publié, EU:T:2020:567, point 77).
38 Dans un tel contexte, la circonstance qu’un candidat dont la proposition n’a pas été retenue dans le cadre d’un appel à propositions relevant du programme-cadre pour la recherche et l’innovation « Horizon 2020 » (2014-2020) soit en désaccord avec les appréciations des experts qui ont examiné sa proposition, en dehors de l’hypothèse où il allègue que ces appréciations sont dépourvues de plausibilité, relève d’une contestation qui va au-delà du contrôle restreint du Tribunal prévu dans la jurisprudence mentionnée aux points 34 et 35 ci-dessus (arrêt du 25 novembre 2020, BMC/Entreprise commune Clean Sky 2, T‑71/19, non publié, EU:T:2020:567, point 78).
39 C’est à la lumière des considérations qui précèdent qu’il convient d’examiner les moyens et arguments soulevés par la requérante dans le cadre du présent recours, en tant qu’ils visent, en substance, à remettre en cause, premièrement, le bien-fondé du rapport d’évaluation de la proposition de projet « TenOpt », deuxièmement, les critères d’évaluation fixés dans le programme de travail et, troisièmement, la composition du comité d’experts chargé de l’évaluation de cette proposition.
Sur le bien-fondé du rapport d’évaluation de la proposition de projet « TenOpt »
40 Tout d’abord, la requérante fait valoir, au soutien du premier moyen, divisé en quatre branches, que le rapport d’évaluation de la proposition de projet « TenOpt », sur lequel la décision de ne pas lui accorder de financement est fondée, serait entaché de différentes erreurs de fait, en ce que certains aspects de cette proposition seraient présentés de façon erronée.
41 En particulier, premièrement, le rapport d’évaluation aurait affirmé à tort que la proposition de projet ne contenait pas d’explications sur les questions hypothécaires, deuxièmement, le rapport d’évaluation aurait retenu à tort que la proposition de projet visait une approche européenne commune de solutions de logement, troisièmement, les experts chargés de l’évaluation auraient mal compris la proposition de projet, puisqu’ils auraient considéré à tort qu’elle ne contenait pas de réflexion utile concernant la problématique du caractère purement déclaratoire des droits sociaux fondamentaux en matière de logement et, quatrièmement, d’autres éléments essentiels de la demande auraient été présentés de manière erronée. La requérante en déduit que les experts chargés de l’évaluation de la proposition de projet « TenOpt » n’ont compris qu’approximativement la proposition de projet, ce qui aurait empêché une appréciation exempte d’erreur.
42 Ensuite, au soutien du deuxième moyen, la requérante reproche aux experts d’avoir considéré, dans le rapport d’évaluation, que les propositions relatives à la diffusion n’étaient pas suffisamment innovantes, en ce sens qu’elles avaient déjà été mises en œuvre dans le cadre d’un projet antérieur. Or, selon la requérante, il serait préférable de valoriser des approches de diffusions déjà éprouvées, plutôt que d’exiger des approches innovantes ou nouvelles en tous points et qui comportent, par nature, certains risques.
43 Enfin, par son troisième moyen, pris en ses deux premières branches, la requérante reproche à certains griefs formulés à l’égard de la proposition de projet « TenOpt » de reposer sur des considérations non pertinentes.
44 En particulier, la requérante estime, dans le cadre de la première branche du troisième moyen, que la critique des évaluateurs relative à l’absence d’examen de la pertinence des différentes « solutions de logement » nationales pour une répartition déterminée des richesses et pour certains modèles de cohabitation déterminés dans la société équivaut à imposer une exigence qui ne peut pas être satisfaite s’agissant d’un projet de droit comparé. Elle en déduit que les projets de recherche fondamentale en droit comparé se verraient privés de leur droit même d’exister.
45 La requérante reproche également aux experts, dans le cadre de la deuxième branche du troisième moyen, d’avoir estimé que la principale complémentarité des participants au consortium résidait dans le large éventail de systèmes nationaux qu’ils recouvrent, en ce sens qu’il n’existe pas de complémentarité concernant les champs d’expertise des membres de ce consortium, ce qui équivaudrait là encore, de l’avis de la requérante, à imposer une exigence impossible à satisfaire s’agissant d’un consortium spécialisé en droit comparé.
46 La REA conteste l’ensemble de ces allégations.
47 Il ressort de l’exposé des moyens et arguments soulevés par la requérante au soutien de sa contestation du bien-fondé du rapport d’évaluation de la proposition de projet « TenOpt » que les critiques qu’elle formule peuvent être regroupées en deux catégories. D’une part, la requérante remet en cause certaines appréciations isolées de ce rapport (premier et deuxième moyens) et, d’autre part, la requérante soutient que certaines des appréciations contenues dans le rapport reviendraient, de fait, à empêcher toute proposition de projet centrée sur le seul domaine du droit comparé de bénéficier d’un financement (première et deuxième branches du troisième moyen).
– Sur la remise en cause de certaines appréciations, prises individuellement, du rapport d’évaluation de la proposition de projet « TenOpt »
48 S’agissant, premièrement, de l’allégation formulée par la requérante dans le cadre de la première branche de son premier moyen, selon laquelle les évaluateurs auraient relevé à tort, dans le rapport d’évaluation, que sa proposition de projet ne contiendrait aucune « mention des conditions applicables aux prêts hypothécaires » alors que ladite proposition contiendrait des développements spécifiques relatifs aux hypothèques, il convient de relever que la proposition de projet précisait bien qu’elle ne traiterait pas du droit hypothécaire en profondeur et qu’il ne serait abordé que dans un contexte bien précis. Partant, il ne peut pas être établi que les évaluateurs ont commis une erreur de fait en estimant, de façon succincte, que les conditions hypothécaires n’étaient pas abordées dans la proposition de projet.
49 S’agissant, deuxièmement, de l’allégation formulée dans le cadre de la troisième branche du premier moyen, selon laquelle les évaluateurs auraient retenu à tort que la proposition de projet ne contiendrait pas de développements tenant compte des différents contextes des États membres et ne dépasserait pas le stade déclaratif, alors que le dépassement du caractère « programmatique » du droit au logement constituerait un fil conducteur de l’ensemble de ladite proposition et y serait abordé à plusieurs reprises, il convient de constater qu’il s’agit, comme cela a été relevé à juste titre par la REA, d’une mauvaise compréhension de l’appréciation retenue dans le rapport d’évaluation. Les évaluateurs ont en effet retenu que la « proposition pourrait apporter des éclairages utiles sur [l]es difficultés persistantes [en la matière] ». Aussi, l’allégation en cause n’étaye pas l’existence d’une erreur de fait.
50 S’agissant, troisièmement, du premier grief formulé dans la cadre de la quatrième branche du premier moyen, selon laquelle les évaluateurs auraient confondu, dans l’appréciation de la proposition, le « droit à des solutions de logement adéquates » avec le « droit à un logement adéquat », il suffit de constater que la requérante n’a pas étayé son argumentation par des éléments concrets permettant au Tribunal d’apprécier quelles conséquences il conviendrait, le cas échéant, de tirer de l’existence d’une distinction entre ces deux notions prétendument confondues. En l’absence de tels éléments, une erreur de fait ne peut pas être établie.
51 S’agissant, quatrièmement, de l’allégation soulevée dans le cadre du deuxième moyen, selon laquelle les évaluateurs auraient critiqué à tort le fait que les approches de diffusion des résultats de recherche n’étaient pas innovantes en raison du fait que ces approches avaient déjà été appliquées dans un projet antérieur, il ressort du rapport d’évaluation que cette appréciation n’est qu’une observation parmi d’autres critiques formulées dans le cadre de l’analyse du critère de l’« [i]ncidence », sous l’intitulé « Qualité des mesures proposées en vue [d’]exploiter et [de] diffuser les résultats du projet[, de] gérer les données de la recherche, le cas échéant[, et de] communiquer sur le projet à différents publics cibles ». C’est donc à tort que la requérante affirme que « les propositions sont critiquées au seul motif qu’elles ont déjà été mises en œuvre partiellement […] dans le cadre d’un projet antérieur ».
52 Quant à l’argument selon lequel le critère d’attribution « Incidence » n’exigerait pas que les méthodes de diffusion des résultats du projet de recherche soient « innovantes », il y a lieu de rappeler que ce critère d’attribution, tel qu’il est précisé par le programme de travail, devait conduire les évaluateurs à apprécier la « qualité des mesures proposées pour communiquer les activités du projet à différents groupes cibles ». Or, à cet égard, les évaluateurs ont, en substance, estimé que la proposition de la requérante ne témoignait pas d’une réflexion approfondie sur la manière de diffuser les résultats du projet « TenOpt » auprès de différents groupes cibles, car elle semblait surtout reposer sur les réalisations antérieures du projet « Tenlaw ». En ce qu’elle identifie une faiblesse dans la qualité des mesures proposées pour diffuser les résultats du projet litigieux auprès de différents groupes cibles, cette appréciation est conforme au critère d’évaluation en cause.
53 En outre, s’agissant, d’une part, de l’allégation formulée dans le cadre de la deuxième branche du premier moyen, selon laquelle les évaluateurs auraient erronément retenu, dans le rapport d’évaluation, que la demande de financement visait un projet ou modèle commun au niveau européen en matière de solutions de logement, alors que ladite demande plaiderait, au contraire, contre un rapprochement ou une harmonisation des législations nationales en la matière, il ressort du rapport d’évaluation que les évaluateurs n’ont fait que relever qu’un modèle européen commun est difficilement envisageable, sans affirmer que c’est ce qui est envisagé par la proposition de projet. Il en ressort qu’il ne s’agit ici que d’une observation générale sur le contexte de la proposition qui ne porte pas spécifiquement sur le contenu de la proposition de projet « TenOpt », de sorte qu’il ne saurait être considéré que cette observation ait pu avoir l’incidence alléguée par la requérante sur le résultat de l’évaluation et sur le sens de la décision attaquée.
54 Enfin, s’agissant, d’autre part, du deuxième grief formulé dans le cadre de la quatrième branche du premier moyen, selon lequel les évaluateurs auraient fondamentalement mal compris la proposition en interprétant cette dernière en ce sens qu’elle accorderait un rôle important à la Cour de justice de l’Union européenne dans la mise en œuvre des droits au logement, il convient de relever que cette affirmation, à la supposer établie, revêt la forme d’une observation neutre et générale. En effet, la mention de l’analyse du rôle de la Cour de justice de l’Union européenne en la matière était uniquement destinée à souligner une autre lacune, à savoir l’absence d’inclusion de l’analyse d’autres acteurs. Ainsi, il ne saurait être considéré que cette « appréciation » ait pu être à l’origine d’une mauvaise compréhension de la proposition.
55 En conclusion, il convient de relever que, même à considérer que la requérante ait présenté des éléments permettant de contredire certaines des appréciations spécifiques en cause, ces éléments, pris tant individuellement que dans leur ensemble, ne concernent qu’une partie très limitée des critiques négatives ou des points faibles de la proposition de projet « TenOpt » identifiés par le rapport d’évaluation et rappelés au point 31 ci-dessus. Dès lors, et compte tenu de l’étendue et du détail des autres critiques négatives ou des autres points faibles évoqués par le rapport d’évaluation, la requérante reste, en tout état de cause, en défaut d’établir que l’évaluation globale du projet est entachée d’erreurs de fait ou d’une erreur manifeste d’appréciation à un degré tel que la notation en ait été affectée de façon décisive, les autres critiques négatives ou points faibles rappelés au point 31 ci-dessus ne faisant même pas l’objet de contestations dans le cadre du présent recours et suffisant à exclure que les appréciations contenues dans le rapport d’évaluation, prises dans leur globalité, soient dépourvues de plausibilité.
56 Il s’ensuit qu’il y a lieu d’écarter, d’une part, comme non fondés les première et troisième branches du premier moyen, le premier grief de la quatrième branche du premier moyen ainsi que le deuxième moyen, et, d’autre, part, comme inopérants la deuxième branche du premier moyen ainsi que le deuxième grief de la quatrième branche du premier moyen.
– Sur la prétendue exclusion « de fait » des propositions de projets centrées sur le seul droit comparé
57 À l’appui de son argumentation, la requérante conteste certaines des appréciations rappelées au point 31 ci-dessus, à savoir la cinquième (troisième moyen, première branche) et la dix-septième (troisième moyen, deuxième branche) appréciations.
58 Ce faisant, la requérante ne remet cependant pas en cause, en tant que tel, le bien-fondé de ces deux appréciations contenues dans le rapport d’évaluation, pas plus qu’elle n’identifie d’erreur manifeste d’appréciation, mais elle déplore que ces appréciations procèdent de l’examen de critères qui, selon elle, ne peuvent être remplis par une proposition de projet qui relève essentiellement du droit comparé.
59 Or, une telle critique revient en réalité à contester le thème Governance-04-2019, dans lequel s’inscrivait l’appel à propositions H2020-SC6-Governance-2019 au titre duquel la requérante a proposé le projet « TenOpt », qui était présenté dans le programme de travail 2018-2020 « Europe in a changing world – Inclusive, Innovation and reflective societies » (L'Europe dans un monde en évolution: des sociétés ouvertes à tous, innovantes et capables de réflexion) sous l’intitulé « Enhancing social rights and EU citizenship (Renforcer les droits sociaux et la citoyenneté européenne) » et était décrit, en substance, comme un thème ayant un objet pluridisciplinaire, pouvant relever, entre autres, des domaines juridiques, sociaux et économiques. La pluridisciplinarité était également évoquée à l’annexe H de ce programme de travail, qui prévoyait, pour l’évaluation du critère « Excellence » des propositions de projets, une « prise en compte appropriée des approches interdisciplinaires ».
60 Il s’ensuit que les première et deuxième branches du troisième moyen, qui visent à contester le reproche qui a été fait à la requérante, en présentant une proposition centrée sur le seul droit comparé, de ne pas avoir suffisamment tenu compte de la dimension nécessairement pluridisciplinaire et interdisciplinaire du thème Governance-04-2019 dans lequel s’inscrivait l’appel à propositions H2020-SC6-Governance-2019, s’analysent en réalité en une contestation du contenu et des termes du programme de travail 2018-2020.
61 Toutefois, la requérante, qui ne conteste pas que la proposition de projet « TenOpt » était essentiellement centrée sur le droit comparé, n’identifie aucun élément permettant de considérer que c’est à tort que le programme de travail 2018-2020 imposait une dimension pluridisciplinaire et interdisciplinaire aux propositions présentées dans le cadre du thème Governance-04-2019, de sorte que les première et deuxième branches du troisième moyen doivent en tout état de cause être écartées.
62 De surcroît, il convient de relever que la requérante n’a ni soulevé d’exception d’illégalité formelle à l’égard du programme-cadre pour la recherche et l’innovation « Horizon 2020 », du programme de travail 2018-2020 ou de l’appel à propositions H2020-SC6-Governance-2019, ni soumis les éléments et arguments exigés par l’article 277 TFUE et l’article 76, sous d), du règlement de procédure qui auraient dû être présentés au soutien d’une telle exception d’illégalité.
63 Il résulte de ce qui précède que les arguments de la requérante relatifs au bien-fondé de l’évaluation de la proposition de projet « TenOpt » doivent être écartés.
Sur la composition du comité d’experts chargé de l’évaluation de la proposition de projet « TenOpt »
64 Dans le cadre de la troisième branche du troisième moyen, la requérante soutient que la composition du comité d’experts chargé de l’évaluation de la proposition de projet « TenOpt » serait entachée d’erreurs d’appréciation, car elle serait « dénuée de pertinence », dans la mesure où la discipline de départ dudit projet, à savoir le droit comparé, n’aurait pas été représentée adéquatement au sein de ce comité. La requérante estime que des erreurs d’appréciation de la proposition de projet « TenOpt » ont nécessairement découlé de cette composition irrégulière du comité d’évaluation.
65 Aux termes de l’article 40, paragraphe 1, du règlement no 1290/2013, la Commission peut désigner des experts indépendants pour évaluer les propositions, conformément à l’article 15 du même règlement, ou pour fournir des conseils ou de l’assistance en ce qui concerne, notamment, l’évaluation des propositions.
66 L’article 40, paragraphe 2, du règlement no 1290/2013 précise que les experts indépendants sont choisis sur la base de leurs compétences, de leur expérience et des connaissances requises pour mener à bien les missions qui leur sont confiées et que, lors de leur nomination, la Commission prend les mesures adéquates pour arriver, au sein des groupes d’experts et des panels d’évaluation, à une composition équilibrée en termes de compétences, d’expérience, de savoir-faire, de diversité géographique et de genre, et en tenant compte de la situation dans le domaine dans lequel s’inscrit l’action.
67 À cet égard, il y a lieu de considérer que les institutions jouissent d’un large pouvoir d’appréciation pour évaluer les compétences des personnes qu’elles sont appelées à désigner comme experts indépendants et il n’appartient au Tribunal de censurer leur choix que si les limites de ce pouvoir n’ont pas été respectées.
68 En l’espèce, ainsi que cela a déjà été relevé au point 59 ci-dessus, le thème Governance-04-2019 était décrit, en substance, comme un thème ayant une dimension nécessairement pluridisciplinaire et interdisciplinaire.
69 Ainsi, une réserve d’experts a été constituée pour les besoins de l’appel à propositions H2020-SC6-Governance-2019, couvrant les huit disciplines suivantes : sciences juridiques, sociales, politiques, économiques et organisationnelles, études de genre, psychologie et sociologie. La sélection des experts chargés de l’évaluation de chaque proposition de projet a été effectuée en fonction de l’objet spécifique de la proposition évaluée et de l’approche interdisciplinaire de l’appel à propositions.
70 S’agissant de l’évaluation de la proposition de projet « TenOpt », les trois experts sélectionnés au sein de la réserve étaient spécialisés, respectivement, dans les domaines du droit, de la sociologie et de l’économie. En outre, la rapporteure de la proposition de projet « TenOpt » était l’experte spécialisée dans le domaine juridique.
71 D’une part, dans la mesure où, dans la description du thème Governance-04-2019, l’accent avait été mis sur la nécessité d’une dimension pluridisciplinaire et interdisciplinaire des propositions présentées dans ce cadre, il ne saurait être valablement soutenu que plus de 50 % des experts chargés de l’évaluation de chaque proposition devaient être des spécialistes d’une seule discipline. Au contraire, il est attendu des experts indépendants qu’ils bénéficient d’une grande expérience dans des domaines d’expertise relativement larges et complémentaires et que, pris ensemble, ils soient aptes à évaluer les propositions qui leur sont soumises, sous la seule réserve que soit respecté le principe d’une sélection d’experts qui tienne compte de l’objet spécifique de chaque proposition.
72 En outre, il ne saurait être exigé que des experts hautement spécialisés dans une sous-discipline spécifique soient choisis pour composer les groupes d’experts et les panels d’évaluation, et ce d’autant plus que, lors du choix desdits experts, en application de l’article 40, paragraphe 2, du règlement no 1290/2013, il n’existe aucune certitude ni même indication quant aux sous-disciplines spécifiques, relevant de domaines plus larges, qui seront représentées à travers les propositions ultérieurement soumises. Ainsi, contrairement à ce que soutient la requérante, il n’existe aucun droit à ce que le comité d’experts chargé de l’évaluation d’une proposition particulière soit composé d’au moins un expert spécialisé dans la sous-discipline dominante de cette proposition, mais seulement qu’au moins un de ces experts soit spécialisé dans le domaine spécifique plus large concerné par ladite proposition.
73 D’autre part, la requérante ne démontre ni même n’allègue que l’expert spécialisé dans le domaine du droit ne disposait pas de qualifications juridiques, d’une expérience professionnelle approfondie dans ce domaine ou encore de compétences et de connaissances en lien avec la proposition de projet « TenOpt », ou qu’il aurait été manifestement inapte à évaluer ladite proposition de projet. Ainsi, à supposer même que cet expert n’ait pas été un éminent spécialiste du droit comparé, rien ne permet pour autant de considérer qu’il n’était pas en mesure de contribuer à l’appréciation des aspects de cette proposition relevant du domaine juridique.
74 Il s’ensuit que la composition du comité d’experts chargé de l’évaluation de la proposition de projet « TenOpt » n’est entachée d’aucune erreur manifeste d’appréciation, de sorte qu’il convient d’écarter la troisième branche du troisième moyen.
75 Quant au quatrième moyen soulevé par la requérante, tiré en substance d’un détournement de pouvoir, il convient de rappeler que la notion de « détournement de pouvoir » a une portée précise en droit de l’Union et qu’elle vise la situation où une autorité administrative use de ses pouvoirs dans un but autre que celui en vue duquel ils lui ont été conférés. Il est, à cet égard, de jurisprudence constante qu’une décision n’est entachée de détournement de pouvoir que si elle apparaît, sur la base d’indices objectifs, pertinents et concordants, avoir été prise pour atteindre des fins autres que celles excipées (voir, en ce sens, arrêt du 24 avril 1996, Industrias Pesqueras Campos e.a./Commission, T‑551/93 et T‑231/94 à T‑234/94, EU:T:1996:54, point 168 et jurisprudence citée). En l’espèce, il suffit de constater qu’aucun argument ni élément visant à démontrer l’existence d’un tel détournement de pouvoir ou permettant de conclure à ce que la REA aurait agi dans un but autre que celui qui était prévu par les dispositions applicables au cas d’espèce n’est avancé par la requérante, de sorte que ce moyen peut être écarté comme étant non fondé, sans qu’il soit nécessaire de statuer sur sa recevabilité.
76 Il résulte de tout ce qui précède que, l’ensemble des moyens, branches, griefs et arguments de la requérante ayant été écartés, il convient de rejeter le recours.
Sur les dépens
77 Aux termes de l’article 219 du règlement de procédure, dans les procédures après renvoi, le Tribunal statue sur les dépens relatifs, d’une part, aux procédures engagées devant le Tribunal et, d’autre part, à la procédure de pourvoi devant la Cour de justice. D’après l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé dans la procédure de renvoi, il y a lieu de la condamner aux dépens relatifs aux procédures engagées devant le Tribunal. La REA ayant succombé dans la procédure de pourvoi devant la Cour, il y a lieu de la condamner aux dépens relatifs à la procédure de pourvoi devant la Cour.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (cinquième chambre)
déclare et arrête :
1) Le recours est rejeté.
2) L’Universität Bremen est condamnée aux dépens relatifs aux procédures engagées devant le Tribunal. L’Agence exécutive européenne pour la recherche (REA) est condamnée aux dépens relatifs à la procédure de pourvoi devant la Cour.
Svenningsen | Laitenberger | Martín y Pérez de Nanclares |
Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 29 mars 2023.
Signatures
* Langue de procédure : l’allemand.
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