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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) |
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You are here: BAILII >> Databases >> Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) >> QI v Commission (Civil service - Psychological harassment - Judgment) French Text [2023] EUECJ T-807/21 (06 December 2023) URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2023/T80721.html Cite as: [2023] EUECJ T-807/21, ECLI:EU:T:2023:786, EU:T:2023:786 |
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ARRÊT DU TRIBUNAL (dixième chambre)
6 décembre 2023 (*)
« Fonction publique – Fonctionnaires – Harcèlement moral – Article 12 bis du statut – Demande d’assistance – Rejet de la demande – Article 24 du statut – Commencement de preuve – Principe de bonne administration – Devoir de sollicitude – Droit d’être entendu – Erreur d’appréciation – Responsabilité »
Dans l’affaire T‑807/21,
QI, représentée par Me N. Flandin, avocate,
partie requérante,
contre
Commission européenne, représentée par MM. T. Bohr, L. Hohenecker et T. Lilamand, en qualité d’agents,
partie défenderesse,
LE TRIBUNAL (dixième chambre),
composé de Mme O. Porchia, présidente, MM. M. Jaeger et S. Verschuur (rapporteur), juges,
greffier : Mme H. Eriksson, administratrice,
vu la phase écrite de la procédure, notamment :
– la production par la requérante de nouvelles preuves le 14 février 2023 ;
– les observations de la Commission du 10 mars 2023 sur les nouvelles preuves,
à la suite de l’audience du 12 juin 2023,
rend le présent
Arrêt
1 Par son recours fondé sur l’article 270 TFUE, la requérante, [confidentiel] (1), demande, d’une part, l’annulation de la décision de la Commission européenne du 26 février 2021 rejetant sa demande d’assistance (ci-après la « décision rejetant la demande d’assistance ») et de celle du 27 septembre 2021 rejetant sa réclamation (ci-après la « décision rejetant la réclamation ») et, d’autre part, la réparation des préjudices matériels et moraux qu’elle aurait subis du fait du harcèlement dont elle aurait été victime et du fait du rejet de sa demande d’assistance.
Antécédents du litige
2 La requérante est entrée en fonctions au sein de la direction générale (DG) « Traduction » de la Commission le 16 janvier 2006. Du 16 juin 2009 au 30 juin 2021, elle a été cheffe d’unité de l’unité bulgare « BG.1 » de la DG « Traduction ».
Sur la demande d’assistance
3 Par courriel du 23 octobre 2020, la requérante a porté à la connaissance de l’Office d’investigation et de discipline de la Commission (IDOC) des faits qu’elle qualifiait de comportements inappropriés et de harcèlement moral commis à son égard par des membres de sa hiérarchie, à savoir, premièrement, [confidentiel], cheffe du département de la langue bulgare de la direction A de la DG « Traduction » depuis le 1er janvier 2014, deuxièmement, [confidentiel], directeur de la direction A depuis le 1er janvier 2016 et, troisièmement, [confidentiel], directeur de la direction S « Relation avec les clients » de la DG « Traduction » depuis le 1er janvier 2014, ancien directeur de la direction A, ainsi qu’un comportement inapproprié du docteur [confidentiel], médecin-conseil en psychiatrie au sein du service médical de la Commission (ci-après le « médecin-conseil interne »).
4 Dans le courriel du 23 octobre 2020, la requérante a également demandé :
– d’accéder à son dossier médical ;
– d’être reconnue comme victime de harcèlement et d’être protégée contre de futures mesures de rétorsion, harcèlement, discrimination, maltraitance et violence ;
– de rétablir sa réputation, notamment en corrigeant ses trois derniers rapports d’évaluation ;
– de reconnaître les dommages durables sur sa santé physique et mentale et son incapacité de travail, supérieure à six mois, de reconnaître le lien de causalité direct entre le harcèlement et les infractions pénales dénoncées, d’une part, et ses dommages et son incapacité, d’autre part, et d’entreprendre les démarches procédurales pour que les personnes qu’elle identifie en tant que harceleurs l’indemnisent, solidairement, pour les dommages subis à concurrence de 30 000 euros.
5 Le même jour, l’IDOC a signalé à la requérante la possibilité d’introduire sa demande contenue dans son courriel du 23 octobre 2020 sous la forme d’une demande d’assistance au titre de l’article 24 du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut »).
6 Le 25 octobre 2020, la requérante a introduit une demande d’assistance au titre de l’article 24 du statut (ci-après la « demande d’assistance »). Cette demande a été enregistrée sous la référence D/496/20 par l’unité E.2 de la DG « Ressources humaines et sécurité » de la Commission (ci-après l’« unité RH E.2 »). Dans le cadre de ladite demande, la requérante a également demandé accès à son dossier médical.
7 Le 6 novembre 2020, l’unité RH E.2 a transmis l’affaire à l’IDOC pour une analyse préliminaire visant à déterminer s’il existait un commencement de preuve à l’appui des allégations formulées à l’encontre des personnes mises en cause et si ces personnes avaient pu manquer à leurs obligations au titre de l’article 12 bis du statut.
8 Le 17 novembre 2020, la requérante a produit deux documents supplémentaires. L’un contenait des courriels échangés par le personnel de la DG « Traduction » au cours des mois d’octobre et novembre 2020, l’autre contenait ses commentaires et explications sur ladite correspondance.
9 Le 2 décembre 2020, la requérante a envoyé à l’unité RH E.2 un document additionnel contenant des extraits de courriels échangés par le personnel de la DG « Traduction » au cours des mois de novembre et décembre 2020 concernant sa demande d’assistance et ses allégations.
10 Le 30 décembre 2020, la requérante a envoyé une note qui résumait ses allégations, un document contenant des extrais de courriels échangés par le personnel de la DG « Traduction » au sujet de sa demande d’assistance et de ses allégations ainsi qu’une correspondance concernant ses congés de maladie.
11 Le 5 janvier 2021, assistée par son conseil, la requérante a participé à une réunion par le biais de Skype avec l’unité RH E.2 et l’IDOC. Elle a clarifié certains éléments de sa demande d’assistance et a avancé de nouveaux éléments. En outre, elle a demandé, et, dans un même temps, elle donné son consentement à cette fin, à ce que l’unité RH E.2 puisse se procurer les déclarations écrites de ses deux remplaçants ainsi que celle du « business correspondant » de la DG « Ressources humaines et sécurité » à la DG « Traduction », sur certains incidents spécifiques identifiés dans sa demande d’assistance. L’unité RH E.2 a, par la suite, recueilli les déclarations écrites des personnes en question.
12 Le 4 février 2021, la requérante a reçu le projet d’analyse préliminaire de sa demande d’assistance, effectuée par l’autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l’« AIPN »), à partir des évaluations préparées par l’IDOC. Ladite analyse concluait que les éléments soumis par la requérante ne suffisaient pas pour être considérés comme un commencement de preuve de ses allégations et l’AIPN lui accordait un délai allant jusqu’au 11 février 2021 pour soumettre ses observations par écrit.
13 Le 10 février 2021, le conseil de la requérante a demandé une prorogation du délai pour soumettre des observations. Une prolongation de deux jours ouvrables lui a été accordée, à savoir jusqu’au 15 février 2021.
14 Par courriel du 15 février 2021, le conseil de la requérante a transmis au chef de l’unité RH E.2 une lettre contenant les observations de sa cliente et plusieurs documents supplémentaires ainsi qu’une demande de cette dernière d’être entendue pour clarifier certains éléments de sa demande d’assistance.
15 Le 18 février 2021, la requérante a été informée que le projet d’analyse préliminaire lui avait déjà été communiqué afin de lui permettre de soumettre ses observations par écrit et qu’aucune autre réunion ne saurait être organisée. À la suite de la communication des observations de la requérante du 15 février 2021 et des documents additionnels communiqués par l’unité RH E.2 à l’IDOC, ce dernier a considéré qu’ils ne lui permettaient pas de modifier ses conclusions sur l’absence d’un commencement de preuve de harcèlement.
16 Le 26 février 2021, l’AIPN a rejeté la demande d’assistance, au motif que la requérante n’aurait pas apporté un commencement de preuve. Le 26 mai 2021, la requérante a introduit une réclamation contre le rejet de sa demande d’assistance. Le 27 septembre 2021, l’AIPN a rejeté ladite réclamation.
Sur les faits antérieurs et postérieurs à la demande d’assistance, prétendument constitutifs d’un commencement de preuve de harcèlement moral
Sur les rapports d’évaluation de la requérante
17 Le 11 avril 2019, la requérante a reçu son rapport d’évaluation pour l’année 2018. Dans ce rapport, la cheffe de département, en tant qu’évaluatrice, avait conclu que tant les prestations générales que les prestations managériales de la requérante étaient « satisfaisantes ». Le 7 mai 2019, la requérante a interjeté appel contre ledit rapport et spécifiquement contre certaines allégations négatives contenues dans celui-ci. Le directeur de la direction A de la DG « Traduction », en sa qualité d’évaluateur d’appel, a modifié ledit rapport en concluant que les compétences managériales de la requérante étaient « insatisfaisantes ». Le 30 septembre 2019, la requérante a introduit une réclamation au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut, à l’encontre dudit rapport, tel que modifié par l’évaluateur d’appel. Par une décision du 30 janvier 2020, l’AIPN a fait droit à ladite réclamation en demandant aux services compétents de reformuler le rapport d’évaluation pour l’année 2018.
18 Le 11 avril 2020, la requérante a reçu son rapport d’évaluation pour l’année 2019. Dans ledit rapport, la cheffe de département, en sa qualité d’évaluatrice, a conclu que les prestations globales de la requérante étaient « satisfaisantes » et que ses prestations managériales étaient, en revanche, « insatisfaisantes ». La requérante a interjeté appel et, le 15 mai 2020, le directeur de la direction A de la DG « Traduction », en sa qualité d’évaluateur d’appel, a confirmé le rapport d’évaluation pour l’année 2019 sans modification.
19 Le 19 mai 2020, l’exercice d’évaluation pour l’année 2018 a été rouvert. Le 1er juin 2020, l’évaluatrice a signé le rapport d’évaluation pour l’année 2018, en concluant que les prestations générales et les prestations managériales de la requérante étaient « satisfaisantes ». Le 8 juin 2020, la requérante a interjeté appel contre ce nouveau rapport d’évaluation pour l’année 2018 au motif que, malgré lesdites conclusions, il contenait toujours des commentaires négatifs non fondés. Le 9 juin 2020, le directeur de la direction A de la DG « Traduction », en sa qualité d’évaluateur d’appel, a confirmé ledit rapport sans modification et a commenté les observations de la requérante.
20 Le 15 juillet 2020, la requérante a introduit une réclamation au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut, dans laquelle elle a contesté son rapport d’évaluation reformulé pour l’année 2018 et son rapport d’évaluation pour l’année 2019. Le 16 novembre 2020, l’AIPN a rejeté cette réclamation au motif que la requérante n’avait pas démontré l’existence d’erreurs manifestes d’appréciation commises par l’évaluatrice et l’évaluateur d’appel dans les deux rapports en question.
21 Le 25 février 2021, la requérante a introduit un recours devant le Tribunal et a demandé l’annulation des rapports d’évaluation établis pour les années 2018 et 2019 et de la décision de l’AIPN du 16 novembre 2020 rejetant sa réclamation.
22 Le 16 novembre 2021, l’AIPN a annulé le rapport d’évaluation pour l’année 2020.
23 Par arrêt du 15 juin 2022, QI/Commission (T‑122/21, non publié, EU:T:2022:361), le Tribunal a annulé le rapport d’évaluation de la requérante établi au titre de l’exercice d’évaluation 2019 en raison de la méconnaissance d’une étape obligatoire de validation dudit rapport. Le recours a été rejeté pour le surplus.
24 Le pourvoi formé par la requérante le 24 janvier 2023 contre l’arrêt du 15 juin 2022, QI/Commission (T‑122/21, non publié, EU:T:2022:361), a été rejeté comme étant, en partie, manifestement irrecevable et, en partie, manifestement non fondé, par ordonnance du 28 septembre 2023, QI/Commission (C‑32/23 P, non publiée, EU:C:2023:722).
Sur les contrôles et examens médicaux
25 Le 19 mars 2018, la requérante a informé ses supérieurs hiérarchiques de son incapacité à travailler et a présenté un certificat médical de son médecin traitant pour un arrêt maladie de deux semaines. Dans le même temps, elle a pris contact avec le service médical de la Commission. Dans ce contexte, une psychologue du service médical l’a dirigée vers le médecin-conseil interne. Par la suite, ce dernier a invité la requérante à s’adresser au docteur [confidentiel], psychiatre indépendant, expert agréé par le service médical (ci-après le « médecin indépendant externe »). Ce dernier, à la fin du mois de mars 2018, a prescrit à la requérante un congé de maladie d’une durée d’un mois, qui a été prolongé.
26 En août 2018, la requérante a posé des congés annuels pour la période estivale et le médecin indépendant externe a reporté sa décision sur la reprise du travail après ledit congé. Par la suite, de septembre à octobre 2018, son congé de maladie a été prorogé par le médecin-conseil interne et le médecin indépendant externe a émis deux certificats à cette fin. Le 8 octobre 2018, le médecin indépendant externe a émis un avis favorable à la reprise du travail à mi-temps de la requérante, à partir du 9 octobre 2018. En novembre 2018, le médecin indépendant externe a conseillé une prorogation de la reprise du travail à temps partiel de la requérante jusqu’à la fin de l’année. Le 17 décembre 2018, un autre médecin du service médical, après l’avoir examinée, a recommandé l’augmentation du temps de travail de la requérante à hauteur de 70 % à partir du 1er janvier 2019.
27 Durant la première moitié de l’année 2019, la requérante a été malade à plusieurs reprises. Pendant cette période, elle a été convoquée par le directeur de la direction A de la DG « Traduction » à un entretien, qui a eu lieu le 27 juin 2019.
28 Le 2 juillet 2019, la requérante est de nouveau tombée malade. Pendant la deuxième moitié de l’année 2019 et, plus précisément, en juillet et septembre 2019, la requérante a été examinée par le médecin-conseil interne. Ce dernier lui a conseillé de prendre un long congé de maladie pour se reposer et de changer de poste, tout en se renseignant également sur les intentions de la requérante de porter plainte concernant sa situation au travail.
29 Le 28 novembre 2019, le médecin‑conseil interne a convoqué à nouveau la requérante pour un contrôle médical.
30 Le 4 décembre 2019, le médecin‑conseil interne a rencontré la requérante et l’a informée de sa volonté de demander l’avis du médecin indépendant externe quant à son aptitude au travail. Ce dernier a fourni un avis positif quant à son aptitude au travail le 22 décembre 2019.
31 Le 21 janvier 2020, la requérante a été convoquée à un entretien avec le médecin-conseil interne. Ce dernier lui a prescrit, d’une part, un examen par le docteur [confidentiel], un médecin externe spécialiste en psychiatrie, et, d’autre part, un test de personnalité. Ledit examen a eu lieu le 27 janvier 2020 et le test a initialement été fixé le 24 février 2020, avec un médecin psychologue indiqué par ledit médecin spécialiste externe.
32 Entre le 21 mars 2018 et le 21 janvier 2020, la requérante a été convoquée, à quatorze reprises, pour des contrôles et examens médicaux.
Sur l’accès au dossier médical de la requérante
33 Le 4 février 2020, par un courriel adressé au médecin-conseil interne, la requérante lui a demandé les raisons justifiant sa demande de la soumettre à un test de personnalité et a également manifesté sa volonté d’avoir accès à son dossier médical en lui demandant de lui indiquer la procédure à suivre.
34 Par courriel du 18 février 2020, adressé au médecin‑conseil interne, la requérante a demandé à obtenir les résultats de son test de personnalité.
35 Au début du mois de mars 2020, le médecin indépendant externe a demandé au médecin-conseil interne, au nom de la requérante, l’accès au dossier médical de cette dernière ainsi que les résultats de son test de personnalité.
36 Le 7 avril 2020, le médecin-conseil interne a informé la requérante qu’il avait transmis le rapport du psychiatre externe ainsi que les résultats de son test de personnalité au médecin indépendant externe. Ce dernier a indiqué à la requérante que les documents qui lui avaient été transmis concernaient également d’autres personnes qu’elle et que, par conséquent, des raisons de confidentialité faisaient obstacle à leur transmission à celle-ci. Dans le même temps, il lui a précisé qu’il ressortait desdits documents, notamment, qu’elle était apte au travail.
37 Le 25 octobre 2020, la requérante a formulé une demande d’accès à son dossier médical également dans le cadre de sa demande d’assistance (voir point 6 ci-dessus).
38 Le 21 décembre 2020, informée par l’unité RH E.2 chargée de sa demande d’assistance de ce que le service médical était compétent pour répondre à sa demande d’accès à son dossier médical, la requérante a demandé à ladite unité de transférer sa demande d’accès à son dossier médical au service médical. Le même jour, la requérante a transmis, elle-même, ladite demande au service médical.
39 Le 7 janvier 2021, l’unité RH E.2 a transmis sa demande d’accès à son dossier médical au service médical. Le 8 janvier 2021, la demande d’accès au dossier médical a également été adressée au service médical par le conseil de la requérante. Le 14 janvier 2021, lorsque sa demande d’accès était en cours de traitement, la requérante a introduit une première plainte concernant le traitement de cette demande devant le Contrôleur européen de la protection des données (CEPD).
40 Le 27 janvier 2021, la requérante a reçu la réponse du service médical lui précisant que l’accès à son dossier serait restreint et que certains documents lui seraient communiqués uniquement par l’intermédiaire de son médecin traitant. La requérante a communiqué le nom du médecin désigné à cet effet, tout en contestant l’absence de motivation de la décision portant une telle restriction.
41 Par courriel du 14 février 2021, la requérante a sollicité à nouveau l’accès à son dossier médical. En réponse à ce courriel, elle a reçu des documents datant, pour les plus récents, de 2016.
42 Le 22 février 2021, le délégué à la protection des données de la Commission (DPO) lui a précisé que son dossier médical complet lui avait été transmis et que les échanges à son sujet entre la DG « Traduction » et le service médical était en cours de traitement.
43 Début avril et début mai 2021, la requérante a obtenu l’accès à d’autres documents de son dossier médical. Le 30 juin 2021, elle a introduit une seconde plainte, dont le traitement est en cours, auprès du CEPD.
Sur la décision de changer de poste
44 Par une lettre du 8 juin 2021, la requérante a demandé à être affectée à un poste d’administrateur.
45 Le 30 juin 2021, la requérante a été transférée à l’Unité R.4 « Développement professionnel et organisationnel » de la DG « Traduction », à compter du 1er juillet suivant.
Conclusions des parties
46 La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– annuler la décision rejetant la demande d’assistance et, pour autant que de besoin, la décision rejetant sa réclamation ;
– condamner la Commission à lui verser la somme de 100 000 euros en réparation des préjudices matériels et moraux qu’elle aurait subis, évalués ex æquo et bono ;
– condamner la Commission aux dépens.
47 La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– rejeter le recours ;
– condamner la requérante aux dépens.
En droit
Sur l’objet du recours
48 Ainsi que cela a été précisé au point 1 ci-dessus, le recours contient, d’une part, des conclusions en annulation de la décision rejetant la demande d’assistance et de la décision rejetant sa réclamation et, d’autre part, des conclusions en indemnité.
49 Selon une jurisprudence constante, un recours en annulation, même formellement dirigé contre le rejet de la réclamation, a pour effet de saisir le juge de l’acte faisant grief contre lequel la réclamation a été présentée, sauf dans l’hypothèse où le rejet de la réclamation a une portée différente de celle de l’acte contre lequel cette réclamation a été formée (voir arrêt du 25 octobre 2006, Staboli/Commission, T‑281/04, EU:T:2006:334, point 26 et jurisprudence citée).
50 Cependant, lorsque la décision de rejet de la réclamation a une portée différente de celle de l’acte contre lequel cette réclamation a été formée, notamment lorsqu’elle modifie la décision initiale ou lorsqu’elle contient un réexamen de la situation de la partie requérante en fonction d’éléments de droit et de fait nouveaux qui, s’ils étaient survenus ou avaient été connus de l’autorité compétente avant l’adoption de la décision initiale, auraient été pris en considération, le Tribunal peut être amené à statuer spécifiquement sur les conclusions formellement dirigées contre la décision rejetant la réclamation (voir arrêt du 14 décembre 2022, SU/AEAPP, T‑296/21, EU:T:2022:808, point 23 et jurisprudence citée).
51 En l’espèce, la décision rejetant la réclamation n’est pas purement confirmative de la décision rejetant la demande d’assistance, puisque l’AIPN a pris position au regard d’éléments nouveaux produits par la requérante. Plus précisément, dans la décision rejetant la réclamation, l’AIPN s’est référée à des éléments de fait nouveaux ressortant du dossier médical de la requérante pour conclure à l’absence d’un commencement de preuve de harcèlement et, ainsi, pour confirmer la décision rejetant la demande d’assistance.
52 Dans ces conditions, il convient d’examiner les conclusions en annulation tant de la décision rejetant la demande d’assistance que de la décision rejetant la réclamation (voir, en ce sens, arrêt du 14 décembre 2022, SU/AEAPP, T‑296/21, EU:T:2022:808, point 26 et jurisprudence citée).
53 Enfin, la décision rejetant la réclamation précise certains aspects de la motivation de la décision rejetant la demande d’assistance. Par conséquent, compte tenu du caractère évolutif de la procédure précontentieuse, cette motivation doit également être prise en considération pour l’examen de la légalité de la décision rejetant la demande d’assistance, cette motivation étant censée concorder avec ce dernier acte (voir, en ce sens, arrêt du 14 décembre 2022, SU/AEAPP, T‑296/21, EU:T:2022:808, point 27 et jurisprudence citée).
Sur la recevabilité des documents communiqués par la requérante postérieurement à la clôture de la phase écrite de la procédure
54 Le 14 février 2023, la requérante a produit neuf annexes contenant de nouveaux éléments de preuve au soutien du deuxième moyen visant à faire valoir que l’AIPN avait commis une erreur d’appréciation en considérant qu’elle n’avait pas apporté un commencement de preuve du harcèlement.
55 La Commission soutient que les annexes 3, 4 et 7 ainsi qu’une partie de l’annexe 9 sont irrecevables, puisqu’elles ont été produites en méconnaissance de l’article 85 du règlement de procédure du Tribunal. En effet, d’une part, la requérante aurait pu produire l’annexe 7 au stade de la requête au motif qu’elle contient des courriels dont elle était soit l’expéditrice, soit la destinataire. D’autre part, la requérante n’aurait pas justifié le retard dans la production des annexes 3 et 4 et celui d’une partie de l’annexe 9.
56 En l’espèce, premièrement, s’agissant des annexes 1 et 2, il n’est pas contesté que lesdites annexes contiennent, ainsi que le fait valoir la requérante, des documents qui ont été publiés postérieurement au dépôt de la réplique. Il y a donc lieu de constater que celles-ci sont recevables.
57 Deuxièmement, il est vrai que les annexes 3 à 8 contiennent des documents antérieurs à la requête. Cependant, la requérante a soutenu, sans avoir été contredite par la Commission à ce sujet, qu’elle avait obtenu communication de ces documents seulement le 1er décembre 2022, c’est-à-dire postérieurement au dépôt de la duplique.
58 La Commission fait uniquement valoir que la requérante aurait pu introduire ses demandes visant à obtenir les documents en question en temps utile, ce qu’elle n’aurait pas fait.
59 À cet égard, il est vrai que les documents contenus dans les annexes 3 à 8 ont été obtenus par la requérante à la suite de sa demande du 21 février 2022 tendant à obtenir l’accès à ses données personnelles concernant les échanges impliquant sa hiérarchie, le « business correspondant » de la DG « Ressources humaines et sécurité » à la DG « Traduction » et le service médical, ainsi qu’à la suite de sa troisième plainte auprès du CEPD du 28 avril 2022.
60 Toutefois, il ressort du dossier que, au cours de la procédure administrative, la requérante avait déjà tenté d’obtenir, au moyen de plusieurs démarches, la communication des échanges entre la DG « Traduction », la DG « Ressources humaines et sécurité » et le service médical la concernant et que seule une partie de ces échanges lui avait été fournie. Or, d’autres échanges ne lui ont pas été transmis, ce qu’elle a découvert progressivement au cours de la procédure administrative et après le dépôt de la requête.
61 Enfin, il y a lieu de souligner que la circonstance, invoquée par la Commission, selon laquelle l’annexe 7 comporte notamment des courriels envoyés par la requérante ne signifie pas que cette dernière était en possession des autres données largement occultées figurant dans cette annexe avant la clôture de la phase écrite de la procédure.
62 Troisièmement, l’annexe 9 comprend un registre qui contient les dates et le nom des personnes qui ont accédé aux différents rapports d’évaluation de la requérante entre décembre 2018 et octobre 2022.
63 À cet égard, il convient de noter que la Commission ne conteste pas l’allégation de la requérante selon laquelle ce n’est qu’en octobre et décembre 2022 que la DG « Ressources humaines et sécurité » lui a fourni les données, y compris le registre d’accès à ses rapports d’évaluation, que ladite DG aurait supprimées dans le système Sysper.
64 Compte tenu de ce qui précède, il y a lieu de constater que l’ensemble des preuves produites par la requérante le 14 février 2023 sont recevables, sans préjudice de l’examen de leur pertinence dans le cadre du présent recours.
Sur les conclusions en annulation
65 À l’appui de ses conclusions en annulation, la requérante soulève quatre moyens visant à établir l’illégalité de la décision rejetant la demande d’assistance et de celle rejetant la réclamation. Les différents arguments avancés dans les premier, troisième et quatrième moyens impliquent de vérifier si, dans le cadre du traitement de la demande d’assistance, l’AIPN a commis plusieurs irrégularités procédurales. Il y a donc lieu d’examiner ces trois moyens ensemble, avant d’examiner le deuxième moyen qui concerne l’appréciation du bien-fondé de la décision rejetant la demande d’assistance ainsi que de celle rejetant la réclamation et, plus précisément, la question de savoir si la requérante a apporté un commencement de preuve d’un harcèlement moral, susceptible de donner lieu à l’ouverture d’une enquête administrative.
Sur les premier, troisième et quatrième moyens, tirés de ce que la décision rejetant la demande d’assistance et celle rejetant la réclamation sont entachées d’une violation du principe de bonne administration et du devoir de sollicitude ainsi que d’une violation du droit d’être entendu et des dispositions concernant la conduite des enquêtes administratives
66 Dans le cadre des premier, troisième et quatrième moyens, la requérante fait valoir que l’AIPN a commis une violation du principe de bonne administration et du devoir de sollicitude, une violation du droit d’être entendu et une violation des dispositions générales d’exécution concernant la conduite des enquêtes administratives et des procédures disciplinaires du 12 juin 2019 (ci-après les « DGE concernant la conduite des enquêtes administratives »).
– Sur la violation du principe de bonne administration et du devoir de sollicitude
67 Premièrement, la requérante soutient que l’AIPN a violé le principe de bonne administration et le devoir de sollicitude en statuant sur sa demande d’assistance sans attendre qu’elle ait accès à son dossier médical. En effet, lors de son audition du 5 janvier 2021, elle aurait souligné la pertinence des documents inclus dans ledit dossier pour étayer les affirmations contenues dans sa demande d’assistance.
68 Cela serait d’autant plus vrai que la Commission avait examiné tardivement la demande d’accès au dossier médical de la requérante. En effet, ladite demande aurait été formulée, au plus tard, dans sa demande d’assistance du 25 octobre 2020 et elle n’aurait pas eu pleinement accès audit dossier dans le délai de trois mois prévu par le règlement (UE) 2018/1725 du Parlement européen et du Conseil, du 23 octobre 2018, relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel par les institutions, organes et organismes de l’Union et à la libre circulation de ces données, et abrogeant le règlement (CE) no 45/2001 et la décision no 1247/2002/CE (JO 2018, L 295, p. 39).
69 Ayant examiné tardivement la demande d’accès au dossier médical, l’AIPN ne pouvait, selon la requérante, justifier sa décision de ne pas attendre qu’elle ait obtenu l’accès à son dossier médical en se retranchant derrière le délai prévu par l’article 90, paragraphe 1, du statut, qui l’obligeait à rendre sa décision avant le 25 février 2021.
70 Deuxièmement, la décision du service médical du 27 janvier 2021 de lui restreindre l’accès à ses données psychologiques et psychiatriques ne comporterait pas de motivation, en méconnaissance du règlement 2018/1725.
71 Troisièmement, la Commission n’aurait pas traité la requérante de façon équitable en ne favorisant pas la médiation proposée par cette dernière avec sa cheffe de département concernant des tensions entre elles deux.
72 La Commission conteste les arguments de la requérante.
73 À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que l’article 41 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, intitulé « Droit à une bonne administration », prévoit, en son premier paragraphe, que toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l’Union européenne.
74 En outre, le devoir de sollicitude, qui reflète l’équilibre des droits et des obligations réciproques de l’administration et des administrés, implique notamment que, lorsque l’administration statue à propos de la situation d’un fonctionnaire, elle prenne en considération l’ensemble des éléments susceptibles de déterminer sa décision et que, ce faisant, elle tienne compte non seulement de l’intérêt du service, mais aussi de celui du fonctionnaire concerné (voir arrêt du 19 octobre 2022, JS/CRU, T‑271/20, non publié, EU:T:2022:652, point 162 et jurisprudence citée).
75 Pour que de telles irrégularités conduisent à l’annulation des actes attaqués, il faut que, en l’absence de ces irrégularités, la procédure ait pu aboutir à un résultat différent (voir, en ce sens, arrêt du 13 octobre 2021, JK/Commission, T‑219/20, non publié, EU:T:2021:690, point 65 et jurisprudence citée).
76 En l’espèce, il importe de noter que le fait que la décision rejetant la demande d’assistance a été prise sans que la requérante ait eu accès préalablement à son dossier médical a eu lieu à un stade précoce de la procédure administrative. Ensuite, la requérante a introduit une réclamation contre ladite décision, dans le cadre de laquelle l’AIPN a dû réexaminer sa décision. En effet, la procédure administrative de réclamation permet au réclamant de préciser ses prétentions et à l’administration de corriger d’éventuelles erreurs, de reconsidérer sa position et de compléter la motivation de la décision rejetant la demande d’assistance (voir, en ce sens, arrêt du 13 octobre 2021, JK/Commission, T‑219/20, non publié, EU:T:2021:690, point 55).
77 Antérieurement à l’introduction de sa réclamation, la requérante avait obtenu accès à son dossier médical et, partant, s’est appuyée sur certains documents dudit dossier pour étayer les arguments développés dans ladite réclamation. L’AIPN pouvait alors prendre en considération lesdits éléments dans la décision rejetant la réclamation. Ainsi, il ne saurait être soutenu que, si la requérante avait eu accès à son dossier médical avant l’adoption de la décision rejetant la demande d’assistance, la procédure administrative aurait pu aboutir à un résultat différent.
78 Il en va de même pour l’argument de la requérante tiré de l’insuffisance de motivation de la décision de limiter son accès à son dossier médical, en lui communiquant certains documents par l’intermédiaire de son médecin traitant, et non directement à elle. En effet, la motivation de ladite décision n’a pas porté atteinte à la possibilité de la requérante d’invoquer les pièces dudit dossier auxquelles elle avait obtenu accès avant l’introduction de sa réclamation contre la décision rejetant sa demande d’assistance.
79 Enfin, s’agissant de l’argument de la requérante tiré de l’absence d’une procédure de médiation avec sa cheffe de département, il convient de constater que la requérante n’a pas démontré que la procédure aurait pu aboutir à un résultat différent si une telle médiation avait eu lieu.
80 De plus, comme la Commission le fait valoir à juste titre, elle n’était pas tenue de favoriser une procédure de médiation entre la requérante et sa hiérarchie, compte tenu du caractère confidentiel et volontaire d’une telle procédure. Ainsi, le refus de la cheffe de département de participer à la médiation souhaitée par la requérante fait partie du droit légitime de la première.
81 Partant, il convient de rejeter les arguments de la requérante.
– Sur la violation du droit d’être entendu et des DGE concernant la conduite des enquêtes administratives
82 Premièrement, la requérante fait valoir qu’un délai extrêmement court lui a été fixé pour transmettre ses observations écrites sur l’analyse préliminaire de sa demande d’assistance par l’IDOC et, de plus, que lui a été refusée la possibilité d’être entendue oralement à la suite de la communication de ladite analyse. En outre, l’AIPN aurait refusé la demande spécifique de la requérante d’être entendue par la personne chargée de la demande d’assistance qu’elle avait introduite en 2019.
83 Deuxièmement, la requérante soutient que les déclarations de trois personnes recueillies par l’IDOC, afin de vérifier certaines de ses allégations, auraient dû lui être communiquées et la possibilité de présenter ses observations sur lesdites déclarations aurait dû lui être accordée. En outre, la circonstance que ces déclarations ont dû être recueillies au stade préliminaire, alors que l’article 2 des DGE concernant la conduite des enquêtes administratives ne prévoit l’intervention des témoins qu’au stade de l’enquête administrative, démontrerait qu’il aurait été nécessaire pour l’AIPN de vérifier certains aspects de la demande d’assistance dans le cadre d’une enquête administrative.
84 La Commission conteste les arguments de la requérante.
85 À cet égard, il importe de rappeler que l’article 41 de la charte des droits fondamentaux dispose, à son paragraphe 2, que le droit à une bonne administration comporte, notamment, le droit de toute personne d’être entendue avant qu’une mesure individuelle qui l’affecterait défavorablement ne soit prise à son égard et le droit d’accès de toute personne au dossier qui la concerne.
86 Le droit d’être entendu trouve ainsi à s’appliquer dès lors que l’administration propose de prendre à l’encontre d’une personne un acte qui lui fait grief (voir, en ce sens, arrêt du 18 décembre 2008, Sopropé, C‑349/07, EU:C:2008:746, points 36 et 37). Ce droit existe même en l’absence de toute règle interne le prévoyant expressément et garantit à toute personne la possibilité de faire connaître son point de vue, de manière utile et effective, au cours de la procédure administrative et avant l’adoption de toute décision susceptible d’affecter de manière défavorable ses intérêts (voir, en ce sens, arrêts du 18 décembre 2008, Sopropé, C‑349/07, EU:C:2008:746, points 36 à 38, du 5 novembre 2014, Mukarubega, C‑166/13, EU:C:2014:2336, point 46, et du 9 février 2017, M, C‑560/14, EU:C:2017:101, point 31).
87 À cet égard, il convient de noter que la requérante a eu l’occasion d’expliquer sa demande d’assistance oralement, lors de la réunion par Skype avec l’unité RH E.2 et l’IDOC le 5 janvier 2021, et elle a eu la possibilité de répondre par écrit à l’analyse préliminaire de sa demande d’assistance, ce qu’elle a fait.
88 En outre, à supposer même que l’AIPN ait violé le droit d’être entendu à cet égard, comme la requérante le fait valoir, de telles irrégularités ne peuvent conduire à l’annulation des actes attaqués que si, en l’absence de ces irrégularités, la procédure aurait pu aboutir à un résultat différent (voir, en ce sens, arrêt du 13 octobre 2021, JK/Commission, T‑219/20, non publié, EU:T:2021:690, point 65 et jurisprudence citée).
89 En l’espèce, la requérante n’a avancé aucun élément susceptible de démontrer que le résultat de la procédure aurait pu être différent si elle avait été entendue oralement, si elle avait été entendue par la personne chargée de sa demande d’assistance antérieure et si elle avait eu davantage de temps pour présenter ses observations écrites sur l’analyse préliminaire de l’IDOC.
90 Par ailleurs, les violations du droit d’être entendu, tirées du délai pour transmettre des observations écrites sur l’analyse préliminaire de sa demande d’assistance et du refus par l’AIPN d’entendre la requérante oralement, doivent être écartées. En effet, d’une part, la requérante s’est vu accorder un délai suffisant pour présenter ses observations en réponse à l’analyse préliminaire. D’autre part, l’AIPN n’était pas tenue de l’entendre oralement à la suite de ses observations écrites et avant de rejeter sa demande d’assistance.
91 S’agissant des déclarations recueillies dans le cadre de l’analyse préliminaire, à titre liminaire, il convient de noter que c’est à la suite de la demande faite par la requérante, lors de l’entretien du 5 janvier 2021 (voir point 11 ci-dessus), que l’AIPN a recueilli les déclarations des deux remplaçants de la requérante et du « business correspondant » de la DG « Ressources humaines et sécurité ». Comme la Commission l’a précisé lors de l’audience, il s’agit de simples déclarations faites sur une base volontaire par des personnes mentionnées par la requérante elle‑même. Le simple fait que ces déclarations aient été recueillies n’impliquait pas que l’AIPN eût été dans l’obligation d’ouvrir une enquête administrative. À cet égard, il convient de préciser que l’article 13 des DGE concernant la conduite des enquêtes administratives dont se prévaut la requérante vise une situation différente, à savoir l’hypothèse de recueillir des témoignages dans le cadre d’une enquête administrative, c’est-à-dire après l’ouverture de celle-ci.
92 Au regard du contenu desdites déclarations, il convient de constater qu’elles ne contiennent aucun élément de nature à étayer les allégations de la requérante, de sorte qu’il y a lieu d’exclure que la possibilité pour la requérante d’avoir accès aux déclarations en cause avant l’adoption de la décision rejetant la demande d’assistance et de la décision rejetant la réclamation ait pu modifier le contenu de ces décisions.
93 Plus précisément, les personnes présentes lors du dialogue entre la requérante et son supérieur hiérarchique le 27 juin 2019 ne confirment pas l’affirmation de la requérante selon laquelle des remarques dégradantes avaient été faites au sujet de son apparence malade, lesquelles seraient susceptibles d’être interprétées comme faisant allusion à l’ouverture d’une procédure d’invalidité.
94 Le refus de l’AIPN de communiquer les déclarations à la requérante n’est donc pas de nature à entraîner l’annulation de la décision rejetant la demande d’assistance et de la décision rejetant la réclamation, au motif qu’il peut être exclu que, si la requérante avait pu prendre connaissance desdites déclarations avant l’adoption desdites décisions, le résultat de la procédure administrative aurait été différent.
95 Partant, il convient de rejeter les arguments de la requérante et, par conséquent, le premier moyen dans son intégralité.
Sur le deuxième moyen, tiré d’une erreur d’appréciation de l’existence d’un commencement de preuve du harcèlement allégué
96 Dans le cadre du deuxième moyen, la requérante fait valoir que l’AIPN a commis une erreur dans l’appréciation des faits en ce que les comportements de la DG « Traduction » et le service médical à son égard sont bien des actes constitutifs de harcèlement au sens de l’article 12 bis du statut. Plus précisément, il s’agirait, premièrement, des rapports d’évaluation, qui auraient commencé à qualifier d’« insatisfaisantes » ses compétences managériales à partir du moment où elle s’était montrée critique envers sa hiérarchie, deuxièmement, d’une collusion entre la DG « Traduction » et le service médical dans le but de l’écarter de son poste, troisièmement, de contrôles médicaux abusifs et disproportionnés et, quatrièmement, de son isolement et de son exclusion au sein de son unité.
97 La Commission conteste les arguments de la requérante.
– Observations liminaires
98 Aux termes de l’article 24, premier alinéa, du statut, l’Union assiste le fonctionnaire, « notamment dans toute poursuite contre les auteurs de menaces, outrages, injures, diffamations ou attentats contre la personne et les biens dont il est, ou dont les membres de sa famille, sont l’objet, en raison de sa qualité et de ses fonctions ».
99 Selon une jurisprudence constante, l’article 24 du statut a été conçu en vue de protéger les fonctionnaires de l’Union contre un traitement dégradant quel qu’il soit, émanant non seulement de tiers à l’institution, mais également de personnes travaillant pour l’institution, qu’il s’agisse de tout autre fonctionnaire, indépendamment de la position hiérarchique de celui-ci, ou de membres de l’institution (arrêt du 19 décembre 2019, ZQ/Commission, T‑647/18, non publié, EU:T:2019:884, point 54).
100 Lorsqu’un fonctionnaire estime faire l’objet, de la part de ses supérieurs hiérarchiques, de ses collègues, voire de ses subordonnés, d’un comportement qui méconnaît l’obligation, figurant à l’article 12 bis, paragraphe 1, du statut, de s’abstenir de toute forme de harcèlement moral et sexuel, ce fonctionnaire peut demander l’assistance de l’institution au sens de l’article 24 du statut.
101 Premièrement, la notion de « harcèlement moral » se définit, au sens de l’article 12 bis, paragraphe 3, du statut, comme une « conduite abusive » qui se matérialise par des comportements, paroles, actes, gestes ou écrits manifestés « de façon durable, répétitive ou systématique », ce qui implique que le harcèlement moral doit être compris comme un processus s’inscrivant nécessairement dans le temps et suppose l’existence d’agissements répétés ou continus, qui sont « intentionnels » et non « accidentels ». Deuxièmement, pour relever de cette notion, ces comportements, paroles, actes, gestes ou écrits doivent avoir pour effet de porter atteinte à la personnalité, à la dignité ou à l’intégrité physique ou psychique d’une personne (voir arrêt du 13 décembre 2017, HQ/OCVV, T‑592/16, non publié, EU:T:2017:897, point 101 et jurisprudence citée).
102 En outre, la qualification de harcèlement est subordonnée à la condition que celui-ci revête une réalité objective suffisante, au sens où un observateur impartial et raisonnable, doté d’une sensibilité normale et placé dans les mêmes conditions, considérerait le comportement ou l’acte en cause comme excessif et critiquable (voir arrêt du 13 juillet 2018, Curto/Parlement, T‑275/17, EU:T:2018:479, point 78 et jurisprudence citée).
103 En examinant la question de savoir si certains comportements sont constitutifs d’un harcèlement moral, il convient d’examiner ces faits tant isolément que conjointement en tant qu’éléments d’un environnement global de travail créé par les comportements d’un membre du personnel à l’égard d’un autre membre de ce personnel (arrêt du 13 juillet 2018, SQ/BEI, T‑377/17, EU:T:2018:478, point 94).
104 C’est au demandeur d’assistance d’apporter un commencement de preuve de la réalité de la conduite abusive dont il affirme être victime. L’institution en cause n’est pas tenue de mener une enquête administrative sur la base de simples allégations dénuées de preuve, étant entendu que, dans la définition des mesures qu’elle estime appropriées en vue d’établir la réalité et la portée des faits allégués, l’institution doit également veiller à protéger les droits des personnes mises en cause dans une demande d’assistance et susceptibles d’être visées par une enquête (voir arrêt du 19 décembre 2019, ZQ/Commission, T‑647/18, non publié, EU:T:2019:884, point 58 et jurisprudence citée).
105 En présence d’une allégation de méconnaissance de l’article 12 bis du statut, le Tribunal doit rechercher si l’institution concernée a commis une erreur d’appréciation des faits au regard de la définition du harcèlement moral visée à cette disposition, et non une erreur manifeste d’appréciation de ces faits (voir arrêt du 9 décembre 2020, GV/Commission, T‑705/19, non publié, EU:T:2020:590, point 81 et jurisprudence citée).
106 La légalité d’une décision rejetant une demande d’assistance sans qu’une enquête administrative ait été ouverte doit être appréciée par le Tribunal au regard des éléments ayant été portés à la connaissance de l’institution, notamment par le demandeur d’assistance, lorsque celle-ci a statué (voir arrêt du 9 décembre 2020, GV/Commission, T‑705/19, non publié, EU:T:2020:590, point 82 et jurisprudence citée) et en fonction des éléments de fait et de droit existant à la date où l’acte a été pris (voir, en ce sens, arrêt du 25 mai 2004, W/Parlement, T‑69/03, EU:T:2004:155, point 28 et jurisprudence citée). Or, dans cette appréciation le Tribunal peut prendre en compte les éléments dont l’institution pouvait avoir connaissance dans le cadre de la procédure administrative (voir, en ce sens, arrêt du 25 mai 2004, W/Parlement, T‑69/03, EU:T:2004:155, point 28 et jurisprudence citée).
107 Enfin, des pièces établies postérieurement à la décision qui est attaquée peuvent être retenues par le Tribunal dans la mesure où elles tendent à prouver la réalité et la portée des informations dont disposait l’auteur des actes contestés (voir, en ce sens, arrêt du 15 juillet 2004, Valenzuela Marzo/Commission, T‑384/02, EU:T:2004:239, point 98 et jurisprudence citée).
108 C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner les différents arguments soulevés par la requérante.
– Sur les rapports d’évaluation
109 La requérante soutient que ses rapports d’évaluation pour les années 2018, 2019 et 2020 contiennent des indices de harcèlement, en soulignant cinq aspects spécifiques, à savoir, premièrement, les accusations abusives et dénuées de tout lien avec des faits objectifs contenues dans lesdits rapports, deuxièmement, l’acharnement administratif résultant de la multiplication de rapports négatifs et de leurs annulations successives, troisièmement, la coïncidence dans le temps entre les critiques qu’elle avait exprimées à l’encontre de sa hiérarchie et la détérioration de ces évaluations, quatrièmement, les opinions positives sur les compétences de la requérante exprimées par des membres de son unité et, cinquièmement, l’implication des harceleurs allégués dans les exercices d’évaluation pour les années 2018, 2019 et 2020 qui ressortirait du registre d’accès aux rapports d’évaluation pour lesdites années.
110 La Commission conteste les arguments de la requérante.
111 À titre principal, il convient de rappeler qu’il n’appartient pas au Tribunal de substituer son appréciation à celle des personnes chargées d’évaluer le travail de la personne notée. En effet, un large pouvoir d’appréciation est reconnu aux évaluateurs dans les jugements relatifs au travail des personnes qu’ils ont la charge de noter (voir, en ce sens, arrêts du 1er juin 1983, Seton/Commission, 36/81, 37/81 et 218/81, EU:C:1983:152, point 23, et du 19 septembre 2019, FV/Conseil, T‑153/17, non publié, EU:T:2019:622, points 70 et 71).
112 En outre, le fait qu’un fonctionnaire ait des relations difficiles, voire conflictuelles, avec ses collègues ou ses supérieurs hiérarchiques ne constitue pas, à lui seul, la preuve d’un harcèlement moral. Par ailleurs, des observations négatives adressées à un fonctionnaire ne portent pas nécessairement atteinte à sa personnalité, à sa dignité ou à son intégrité lorsqu’elles sont formulées en des termes mesurés et ne reposent pas sur des accusations abusives et dénuées de tout lien avec des faits objectifs (voir arrêt du 19 décembre 2019, ZQ/Commission, T‑647/18, non publié, EU:T:2019:884, point 78 et jurisprudence citée).
113 En l’espèce, premièrement, il y a lieu de noter qu’aucun des rapports d’évaluation invoqués par la requérante ne contient d’opinions négatives dépassant les limites de l’acceptable et que les remarques exprimées par les évaluateurs ne constituent pas, à elles-seules, un indice de harcèlement. À cet égard, il convient également de noter que le niveau des prestations de la requérante en ce qui concerne ses compétences générales a toujours été considéré comme « satisfaisant » dans les différents rapports d’évaluation pour les années 2018 à 2020.
114 Deuxièmement, l’annulation obtenue par la requérante de ses rapports d’évaluation pour les années 2018 et 2020 ne saurait démontrer l’existence d’un acharnement administratif à son égard.
115 En effet, s’agissant des rapports d’évaluation pour les années 2018 et 2019, il importe de rappeler qu’ils ont fait l’objet d’un recours ayant donné lieu à l’arrêt du 15 juin 2022, QI/Commission (T‑122/21, non publié, EU:T:2022:361), et à l’ordonnance du 28 septembre 2023, QI/Commission (C‑32/23 P, non publiée, EU:C:2023:722).
116 Ainsi, la procédure d’adoption du nouveau rapport d’évaluation pour l’année 2018, adopté à la suite de l’annulation du rapport initial pour ladite année, a été examinée et toute irrégularité à cet égard a été exclue. Les moyens tirés de l’absence d’impartialité et d’objectivité des évaluateurs, de l’existence d’inexactitudes matérielles des faits, d’allégations abusives non liées à des faits objectifs ainsi que de la violation de la notion de « devoir de loyauté » ont également été rejetés.
117 Quant au contenu du nouveau rapport d’évaluation pour l’année 2018, il a été constaté que des exemples concrets avaient été cités dans ledit rapport pour étayer les appréciations de l’évaluateur. En outre, il a été jugé que les éléments invoqués par la requérante, qui sont d’ailleurs les mêmes que ceux qu’elle produit en tant que preuves de harcèlement dans le cadre de la présente affaire, ne démontraient pas que son évaluation avait été privée de plausibilité ou que les évaluateurs avaient commis une erreur manifeste dans l’appréciation des faits, de sorte que la demande d’annulation dirigée contre ledit rapport a été rejetée.
118 S’agissant du rapport d’évaluation pour l’année 2019, ce dernier a été annulé pour un vice de procédure et non au motif que les prestations de la requérante n’avaient pas été évaluées correctement.
119 S’agissant du rapport d’évaluation pour l’année 2020, la décision de l’AIPN du 16 novembre 2021 annulant ce rapport fait mention du fait que le notateur avait exprimé ses opinions avec modération. Cette décision précise que l’annulation du rapport contesté « n’implique pas que [ce dernier] était fondé sur des revendications abusives non liées à des faits objectifs ». Selon l’AIPN, il n’y avait « que quelques cas d’inexactitude factuelle qui devaient être rectifiés », raison pour laquelle ce rapport a été annulé. L’AIPN précise que ces inexactitudes factuelles ne transforment pas le rapport en question en instrument de harcèlement, contrairement à ce que la requérante avait avancé dans sa réclamation contre ledit rapport.
120 Troisièmement, l’allégation de la requérante selon laquelle c’est à partir du moment où elle s’est montrée critique à l’encontre de sa hiérarchie que ses rapports d’évaluation se sont détériorés ne permet pas de considérer les rapports d’évaluation pour les années 2018 à 2020 comme un indice de harcèlement.
121 Par ailleurs, le niveau des prestations de la requérante s’agissant de ses compétences générales a toujours été considéré comme « satisfaisant » dans les différents rapports d’évaluation pour les années 2018 à 2020, ce qui contredit, dans une certaine mesure, l’absence d’impartialité et d’objectivité des évaluateurs alléguée par la requérante. En outre, accepter qu’un changement de notation en tant que tel, et quel que soit le contenu des évaluations, soit constitutif d’un harcèlement irait à l’encontre de la marge d’appréciation dont les évaluateurs disposent intrinsèquement.
122 Quatrièmement, les opinions des membres de l’unité de la requérante, exprimées dans le cadre d’un sondage organisé par la requérante elle-même pour les besoins de sa défense, ne sauraient remplacer l’évaluation faite par les notateurs, qui sont les seuls compétents pour juger de la qualité des prestations de la requérante (voir, en ce sens, arrêt du 15 juin 2022 QI/Commission, T‑122/21, non publié, EU:T:2022:361, point 106).
123 Il en va de même pour le plan d’action de la hiérarchie du 27 juin 2022 adopté à la suite du sondage du personnel de 2021, les extraits des résultats détaillés dudit sondage (joints en annexe 1) et les avis du personnel de décembre 2022 (joints en annexe 2) que la requérante a produits le 14 février 2023, après la clôture de la phase écrite de la procédure. Ces documents comportent les opinions des membres du personnel sur les problématiques existantes au sein de la DG « Traduction », mais ceux-ci ne sont pas de nature à priver les rapports d’évaluation de la requérante de leur crédibilité.
124 Cinquièmement, il a été déjà jugé aux points 47 et 48 de l’arrêt du 15 juin 2022, QI/Commission (T‑122/21, non publié, EU:T:2022:361), que, s’agissant du registre de l’accès aux rapports d’évaluation de la requérante pour les années 2018, 2019 et 2020, que celle-ci a également produit le 14 février 2023 (joint en annexe 9), le fait que l’évaluateur d’appel avait consulté le rapport initial d’évaluation pour l’année 2018 et le nouveau rapport d’évaluation pour l’année 2018 n’était pas susceptible, sans autres éléments de preuve à l’appui, d’être interprété comme établissant une implication de celui-ci dans le processus de rédaction desdits rapports.
125 Il en est de même en ce qui concerne les rapports d’évaluation pour les années 2019 et 2020.
126 S’agissant du rapport d’évaluation pour l’année 2019, les accès de l’évaluateur d’appel référencés comme une « modification » ont été effectués après l’appel de la requérante et s’avèrent donc justifiés. Les autres accès de l’évaluateur d’appel sont référencés uniquement comme des « accès en lecture » et, ainsi, ne démontrent pas, sans autres éléments de preuve à l’appui, que ce dernier a été impliqué dans la rédaction dudit rapport d’évaluation.
127 S’agissant du rapport d’évaluation pour l’année 2020, les accès des supérieurs hiérarchiques de la requérante, à savoir la cheffe de département et le directeur de la direction A de la DG « Traduction », qui ne jouaient plus les rôles, respectivement, d’évaluatrice et d’évaluateur d’appel, sont référencés uniquement comme des « accès en lecture ».
128 Partant, il convient de rejeter les arguments de la requérante concernant les rapports d’évaluation pour les années 2018, 2019 et 2020.
– Sur les échanges entre la DG « Traduction » et le service médical
129 La requérante fait valoir que les échanges entre la DG « Traduction » et le service médical démontrent qu’il y a eu une collusion entre ceux-ci, dans le but de l’écarter de son poste, et que ledit service a violé le secret médical dans ses échanges avec la DG « Traduction ». Selon elle, ses problèmes de santé ont été provoqués et exploités sciemment par sa hiérarchie agissant de manière concertée avec le service médical dans le but de lui faire cumuler un nombre de jours de congé de maladie suffisants pour ouvrir une procédure d’invalidité.
130 La Commission conteste les arguments de la requérante.
131 À titre liminaire, il importe de noter que les allégations soulevées par la requérante reposent en grande partie sur six échanges de courriels. Il convient donc d’examiner les courriels en question afin de vérifier si c’est sans commettre d’erreur d’appréciation que l’AIPN a estimé qu’ils ne contenaient pas des éléments de collusion ni ne révélaient des secrets médicaux.
132 Premièrement, s’agissant de l’échange de courriels qui a eu lieu du 20 au 26 avril 2018, environ un mois après le début du congé de maladie de la requérante, il convient de constater que la DG « Traduction » a contacté le service médical pour s’enquérir de la durée prévue de l’absence de la requérante et d’une éventuelle réorientation professionnelle de cette dernière. En réponse, le service médical a indiqué que la durée de l’absence de la requérante n’était pas prévisible à ce stade et que cette dernière n’était pas encore en mesure de discuter d’une quelconque réorientation professionnelle.
133 Ainsi, lesdits échanges ne sauraient être interprétés comme manifestant une volonté de la hiérarchie d’écarter la requérante de ses fonctions avec l’aide du service médical. En effet, il ressort plutôt dudit échange que la hiérarchie cherchait principalement à comprendre comment gérer la situation en cours.
134 Deuxièmement, l’échange de courriels des 8 et 9 octobre 2018 fait suite à l’annonce selon laquelle la requérante était sur le point de reprendre son travail. Au cours de cet échange, le médecin-conseil interne a confirmé à la DG « Traduction » que le médecin indépendant externe, en tant que spécialiste traitant la requérante depuis mars 2018, l’avait effectivement autorisée à reprendre le travail à temps partiel. Cependant, le médecin-conseil interne a précisé que, selon lui, il convenait d’affecter la requérante à un autre poste.
135 Après avoir reçu cette information, la DG « Traduction » a demandé, en substance, si le médecin-conseil interne estimait que la requérante pouvait continuer à exercer son rôle de cheffe d’unité ou s’il était préférable pour elle de changer de poste. Toutefois, le dossier ne contient pas de réponse du service médical à cette question supplémentaire.
136 Au regard de la situation de santé de la requérante, il est concevable que ses supérieures hiérarchiques cherchaient à comprendre si, non seulement dans l’intérêt du service, mais également dans l’intérêt de la requérante elle-même, cette dernière pouvait continuer à assumer ses fonctions de cheffe d’unité ou bien s’il était préférable pour elle de changer de poste. Ainsi, il y a lieu de considérer que les questions posées par ses supérieurs hiérarchiques au service médical dans le cadre de l’échange en cause ne dépassaient pas ce qui pouvait être raisonnablement attendu dans les circonstances de l’espèce, afin d’assurer la bonne gestion du service concerné et de tenir compte également des intérêts de la requérante.
137 Troisièmement, il ressort du courriel du 13 juin 2019 que la DG « Traduction » s’est renseignée auprès du service médical sur les risques liés à la communication à la requérante du fait que ses prestations managériales allaient être jugées « insuffisantes » pour l’année 2018. En outre, la DG « Traduction » a demandé au service médical si « la piste » d’une « mise en congé d’office » était « encore » possible. Cet échange montre que la possibilité d’une mise en congé d’office avait été évoquée entre le service médical et la DG « Traduction » à un stade antérieur à ce courriel.
138 À ce titre, il importe de noter que cette possibilité est abordée sous une forme interrogative et que celle-ci est étroitement liée à la préoccupation concernant la réaction de la requérante à la suite de la communication de son rapport d’évaluation pour l’année 2018. Il ressort du dossier que cette préoccupation de sa hiérarchie s’explique par les événements qui ont suivi la communication de son rapport d’évaluation pour l’année 2017, qui contenait, selon elle, des commentaires négatifs non fondés. À la suite de ladite communication, la requérante était partie en congé de maladie de longue durée.
139 Quatrièmement, s’agissant des courriels du 28 novembre et du 4 décembre 2019 échangés entre des membres du service médical, il convient de rappeler que celui du 28 novembre 2019 contient une demande d’un médecin du service médical, adressée au médecin-conseil interne, de fournir des recommandations à la hiérarchie de la requérante. Ce courriel mentionne le fait que les relations entre, d’une part, la requérante et, d’autre part, ses collègues et supérieurs hiérarchiques seraient devenues compliquées, qu’elle avait introduit une réclamation au titre de l’article 90 du statut contre son rapport d’évaluation pour l’année 2018 et que sa hiérarchie serait inquiète pour elle. Pour cette raison, la hiérarchie de la requérante souhaitait recevoir des recommandations sur la manière de procéder.
140 Dans son courriel du 4 décembre 2019, le médecin-conseil interne relate la perception de la requérante des intentions de sa hiérarchie, explique les raisons pour lesquelles la requérante refuse de poser des congés de maladie, précise qu’une mise en congé d’office n’est pas possible à ce stade et, dans le même temps, exprime ses conseils destinés à la hiérarchie. Or, ce courriel ne saurait être interprété comme la preuve d’une collusion entre le service médical et la hiérarchie de la requérante afin d’écarter cette dernière de son poste. En effet, d’une part, ledit courriel fait partie d’un échange purement interne au service médical et, d’autre part, il ressort dudit échange que les deux médecins du service médical s’en remettent à l’avis d’un médecin indépendant externe et n’envisagent pas de mettre la requérante en congé d’office.
141 Cinquièmement, s’agissant du courriel du 16 décembre 2020, la DG « Traduction » demandait qu’un contrôle médical de la requérante soit effectué, après que celle-ci s’était présentée au travail en dépit de son congé de maladie. Dans un courriel du 15 décembre 2020, qui a également été communiqué au le service médical, la requérante expliquait pourquoi elle était allée travailler en dépit du fait qu’elle disposait d’un certificat médical. Dans la même chaîne de courriels, la supérieure hiérarchique directe de la requérante demande des conseils afin de pouvoir gérer cette situation compliquée.
142 Au regard de la situation de la requérante, il ne saurait être reproché à sa supérieure hiérarchique d’avoir demandé des conseils au service médical. De plus, ladite supérieure hiérarchique a agi en réponse à la remarque faite par la requérante elle-même, selon laquelle elle travaillait malgré un certificat médical attestant son état de maladie. Enfin, le contrôle demandé n’a effectivement pas eu lieu, puisque la requérante n’était pas en incapacité de travail.
143 Sixièmement, s’agissant des documents produits par la requérante devant le Tribunal en février 2023, contenant un échange de courriels entre la DG « Traduction », la DG « Ressources humaines et sécurité » et le service médical intervenu entre les 19 et 21 septembre 2018 (annexe 3), il est possible de constater que, à l’instar des autres échanges examinés ci-dessus, cet échange montre la volonté de la hiérarchie de la requérante de recevoir des directives sur la manière d’agir à l’égard de cette dernière au moment où elle devait reprendre son travail.
144 Au vu de ce qui précède, et contrairement à ce que soutient la requérante, il convient de constater, d’une part, qu’aucun secret médical n’a été divulgué dans les courriels examinés ci-dessus et, d’autre part, que lesdits courriels ne révèlent pas une « collusion » entre le service médical et la hiérarchie de la requérante visant à l’écarter de ses fonctions. Les échanges entre le service médical et la hiérarchie de la requérante ont porté sur des sujets tels que la durée prévue de son absence, une éventuelle mutation à un autre poste, afin de protéger son état de santé, des informations générales sur le résultat des contrôles médicaux de cette dernière et des conseils à sa hiérarchie sur la gestion de sa situation. De tels échanges sont inhérents à la mission du service médical, dont le rôle est, notamment, de conseiller l’institution et ceux-ci sont restés dans les limites découlant de ladite mission. Enfin, il ne ressort pas desdits échanges que les supérieurs hiérarchiques de la requérante ont tenté d’influencer négativement le traitement médical de celle-ci ou que le service médical a agi au détriment de la santé de cette dernière.
145 Partant, il convient de rejeter les arguments de la requérante concernant les échanges entre la DG « Traduction » et le service médical.
– Sur le prétendu caractère abusif et disproportionné des contrôles et examens médicaux
146 Selon la requérante, elle a été soumise à un grand nombre de contrôles et examens médicaux (quatorze au total) sans justification valable. Ces contrôles feraient également partie du harcèlement qu’elle a subi.
147 La Commission conteste cet argument de la requérante.
148 À cet égard, l’article 59, paragraphe 1, du statut autorise l’administration à vérifier si un congé de maladie est justifié. En effet, le troisième alinéa dudit paragraphe prévoit que « [l]e fonctionnaire en congé de maladie peut, à tout moment, être soumis à un contrôle médical organisé par l’institution ».
149 De plus, selon l’article 59, paragraphe 5, du statut, « [l]e fonctionnaire peut être mis en congé d’office à la suite d’un examen pratiqué par le médecin‑conseil de l’institution, si son état de santé l’exige ou si une maladie contagieuse s’est déclarée dans son foyer ».
150 Il convient de constater que les huit contrôles qui ont eu lieu lorsque la requérante était en congé de maladie relèvent du champ d’application de l’article 59, paragraphe 1, du statut.
151 En outre, s’agissant des six contrôles et examens médicaux intervenus lorsque la requérante n’était pas en congé de maladie, à savoir ceux du 5 juillet 2019, du 16 septembre 2019, du 4 décembre 2019, du 21 janvier 2020, du 27 janvier 2020 et du 4 février 2020, le service médical a pu, à juste titre, se fonder sur l’article 59, paragraphe 5, du statut afin de vérifier s’il y avait lieu de mettre la requérante en congé de maladie d’office eu égard à son état de santé. En effet, lesdits contrôles et examens s’inscrivent dans le contexte du rapport d’évaluation du 11 avril 2019 relatif à l’année 2018, perçu par la requérante comme étant à nouveau négatif, ainsi que de son refus de partir en congé de maladie de peur d’être évincée de son poste. Dans ces circonstances, les doutes de la part du service médical sur l’état de santé de la requérante étaient justifiés.
152 À cet égard, il importe de noter que, à la suite de ces examens, le médecin-conseil interne n’a pas pris la décision de mettre la requérante en congé de maladie d’office. En outre, les examens effectués par des médecins indépendants externes à la demande du médecin-conseil interne ont confirmé l’aptitude au travail de la requérante.
153 Enfin, il importe de noter que la requérante a librement accepté de se soumettre auxdits contrôles et examens. Ainsi que le fait valoir à juste titre la Commission, si la requérante souhaitait contester les appréciations d’ordre médical, il lui appartenait de respecter la procédure prévue à l’article 59 du statut, l’AIPN n’étant pas compétente pour se prononcer sur de telles appréciations.
154 Partant, il convient de rejeter les arguments de la requérante concernant les contrôles et examens médicaux.
– Sur l’isolement de la requérante et son exclusion des échanges avec son unité
155 La requérante fait valoir que, à plusieurs reprises, elle a été exclue des échanges de courriels concernant son unité. Son exclusion aurait également pris d’autres formes, à savoir la restriction de ses activités professionnelles, le mépris ou la suppression de ses opinions et de ses contributions professionnelles, l’isolement des débats et de la prise de décisions, le refus de documenter des débats et des réunions professionnels, l’utilisation de réunions pour la dénigrer et l’intimider, des critiques permanentes non fondées, des menaces, des allégations abusives, un ostracisme et la censure. Cette exclusion constituerait un autre indice de harcèlement.
156 La Commission conteste ces arguments.
157 À cet égard, il convient de noter que la requérante n’a pas démontré qu’elle avait été systématiquement et délibérément exclue des échanges de courriels relatifs à son unité dont elle aurait dû nécessairement être la destinataire. Le caractère occasionnel des exemples donnés par la requérante ne prouve aucune intention de la hiérarchie de l’exclure.
158 À titre d’exemple, comme cela est précisé dans la décision rejetant la demande d’assistance et la décision rejetant la réclamation, à une occasion, le nom de la requérante a été omis de la liste des destinataires, ce qui a été rectifié le lendemain par un collègue.
159 À une autre occasion, sa supérieure hiérarchique s’est excusée auprès de la requérante de ne pas l’avoir informée du fait qu’elle participerait elle-même à un événement pour lequel la requérante avait manifesté un intérêt.
160 De surcroît, s’agissant des échanges entre la supérieure hiérarchique de la requérante et le département des ressources humaines, il convient de constater que, à l’instar de la Commission, la supérieure hiérarchique était en droit de décider, pour des raisons liées au traitement de certaines données à caractère personnel, de ne pas la mettre en copie desdits échanges, notamment concernant la prolongation du contrat d’un membre de l’unité.
161 Enfin, la requérante n’apporte aucun élément de preuve à l’appui de son affirmation selon laquelle son isolement et son exclusion au sein de son unité aurait pris plusieurs formes.
162 Partant, il convient de rejeter les arguments de la requérante concernant l’isolement et l’exclusion des échanges avec son unité dont elle aurait fait l’objet.
163 Au regard de ce qui précède, il convient de constater que les faits invoqués par la requérante, examinés tant isolément que conjointement, ne constituaient pas un commencement de preuve de harcèlement.
164 Il y a donc lieu de rejeter le deuxième moyen ainsi que les conclusions en annulation dans leur intégralité.
Sur les conclusions en indemnité
165 Premièrement, la requérante fait valoir que, dans le cadre de la gestion de sa demande d’assistance, la Commission a commis plusieurs illégalités qui lui ont causé divers préjudices moraux et matériels, ayant une incidence sur sa santé, sa situation financière et sa carrière et qui engagent la responsabilité de cette dernière. Ces illégalités seraient celles invoquées au soutien de sa demande d’annulation, à savoir la violation de l’article 24 du statut, une erreur d’appréciation quant à l’existence d’un commencement de preuve du harcèlement moral dénoncé, la violation de son droit d’être entendue et le défaut d’adoption de mesures visant à la protéger.
166 Deuxièmement, s’agissant de la réalité du préjudice, la requérante soutient que le service médical a reconnu l’existence de son état psychologique très fragile, ce qui ne serait pas contesté par la Commission.
167 Troisièmement, la requérante considère avoir démontré l’existence d’un lien de causalité entre le début de ses congés de maladie, d’une part, et le changement d’attitude de sa hiérarchie à son égard ainsi que la mauvaise gestion de ses demandes d’assistance, d’autre part. Selon la requérante, à supposer même que les faits de harcèlement moral ne soient pas avérés, les préjudices subis par elle à cause de la mauvaise gestion administrative de son dossier et le non-respect du devoir de sollicitude ne sauraient être réparés par une simple annulation de la décision rejetant la demande d’assistance et de la décision rejetant la réclamation.
168 Les trois conditions cumulatives pour engager la responsabilité de la Commission étant réunies selon la requérante, elle demande à être indemnisée pour les préjudices moraux et matériels qu’elle a subis et qu’elle évalue ex æquo et bono à la somme de 100 000 euros.
169 La Commission conteste ces arguments.
170 Selon la jurisprudence, dans le cadre d’une demande en dommages et intérêts présentée par un fonctionnaire, l’engagement de la responsabilité non contractuelle pour comportement illicite d’une institution est subordonné à la réunion d’un ensemble de conditions, à savoir l’illégalité du comportement reproché, la réalité du dommage et l’existence d’un lien de causalité entre le comportement allégué et le préjudice invoqué. Dès lors que l’une de ces conditions n’est pas remplie, le recours doit être rejeté dans son ensemble sans qu’il soit nécessaire d’examiner les autres conditions de la responsabilité non contractuelle (arrêts du 9 décembre 2010, Commission/Strack, T‑526/08 P, EU:T:2010:506, point 57 ; voir également, en ce sens, arrêt du 1er juin 1994, Commission/Brazzelli Lualdi e.a., C‑136/92 P, EU:C:1994:211, point 42).
171 En l’espèce, il y a lieu de relever que la demande de réparation des préjudices matériels et moraux est fondée sur les illégalités soulevées dans le cadre des différents moyens avancés par la requérante au soutien de ses conclusions en annulation de la décision rejetant la demande d’assistance et de la décision rejetant la réclamation. Les conclusions indemnitaires sont étroitement liées aux conclusions en annulation, dans la mesure où les préjudices invoqués par la requérante trouveraient leur origine dans lesdites décisions ainsi que dans les circonstances de leur adoption. Dès lors que les conclusions en annulation ont été rejetées, il convient de rejeter également les conclusions indemnitaires de la requérante (voir, en ce sens, arrêt du 24 novembre 2021, CX/Commission, T‑743/16 RENV II, non publié, EU:T:2021:824, point 418).
172 En tout état de cause, la requérante omet d’apporter des éléments de preuve afin d’établir l’existence et l’ampleur du préjudice allégué.
173 Au regard de ce qui précède, les conclusions indemnitaires doivent être rejetées dans leur intégralité.
Sur la demande de mesures d’organisation de la procédure et d’instruction
174 Dans la réplique, la requérante demande au Tribunal d’ordonner à la Commission, en application de l’article 88 et de l’article 91, sous c), du règlement de procédure, de produire les documents suivants :
– des informations relatives à la réception, à l’accès ou à la prise de connaissance de son dossier médical ou à des données contenues dans celui-ci par la DG « Traduction » et par la DG « Ressources humaines et sécurité » avant le mois de février 2021 ;
– l’avis médical du médecin-conseil interne émis en septembre ou en octobre 2018, défavorable à sa reprise du travail ;
– le document « CM 2018055968 – 9/11 » émis le 9 novembre 2018 par le service médical et transmis au service gérant les absences de la DG « Ressources humaines et sécurité » le 20 novembre suivant ;
– toutes les notes du médecin-conseil interne et tous les échanges entre le service médical, sa hiérarchie à la DG « Traduction » et, éventuellement, la DG « Ressources humaines et sécurité », dans lesquels elle est identifiable, que ce soit au sujet de son dossier médical ou au sujet des échanges préalables à l’établissement de ses rapports d’évaluation ;
– les témoignages recueillis par la DG « Ressources humaines et sécurité » ou par l’IDOC dans le cadre de l’examen de sa demande d’assistance.
175 La Commission conclut au rejet de la demande de mesures d’organisation de la procédure et d’instruction formulées par la requérante.
176 À cet égard, il convient de rappeler qu’il appartient au Tribunal de décider de la nécessité de faire usage de son pouvoir d’adopter des mesures d’organisation de la procédure ou des mesures d’instruction afin de compléter les éléments d’information dont il dispose, étant entendu que le caractère probant ou non des pièces de la procédure relève de son appréciation souveraine des faits (voir, en ce sens, arrêts du 16 juillet 2009, Der Grüne Punkt – Duales System Deutschland/Commission, C‑385/07 P, EU:C:2009:456, point 163, et du 11 juin 2015, EMA/Commission, C‑100/14 P, non publié, EU:C:2015:382, point 80).
177 En l’espèce, premièrement, il convient d’observer que, en réponse à une mesure d’organisation de la procédure adoptée par le Tribunal, la Commission a produit la version confidentielle des déclarations recueillies dans le cadre de l’analyse préliminaire. Cette version a été transmise à la requérante avant l’audience et le Tribunal a, en outre, pu en examiner le contenu. Ainsi, la demande de la requérante rappelée au point 174, cinquième tiret, ci-dessus est devenue sans objet.
178 Deuxièmement, s’agissant de la demande de mesure d’instruction visant à obtenir des informations relatives à la réception, à l’accès ou à la prise de connaissance de son dossier médical ou à des données contenues dans celui-ci par la DG « Traduction » et par la DG « Ressources humaines et sécurité » avant le mois de février 2021, d’une part, il importe d’observer qu’une telle demande manque de précision. D’autre part, ainsi que cela ressort des points 131 à 144 ci-dessus, il n’est pas établi que la DG « Traduction » ait eu accès au dossier médical de la requérante ou aux données contenues dans celui‑ci.
179 Troisièmement, s’agissant de la demande de mesure d’instruction visant à obtenir, d’une part, l’avis médical du médecin-conseil interne émis en septembre ou en octobre 2018, défavorable à la reprise du travail de la requérante et, d’autre part, le document « CM 2018055968 – 9/11 » émis le 9 novembre 2018 par le service médical et transmis au service gérant les absences de la DG « Ressources humaines et sécurité » de la Commission le 20 novembre suivant, la production des documents sollicités n’est pas de nature à remettre en cause la conclusion qui figure au point 163 ci-dessus. En effet, il ressort du dossier que, d’une part, l’envoi du document « CM 2018055968 – 9/11 » au service gérant les absences de la DG « Ressources humaines et sécurité » de la Commission n’a eu aucune conséquence sur les congés de maladie de la requérante. D’autre part, même si le médecin-conseil interne avait exprimé son avis défavorable à la reprise du travail de la requérante, il s’est finalement rallié à la position du médecin indépendant externe qui y était favorable.
180 Quatrièmement, s’agissant de la demande visant à obtenir toutes les notes du médecin-conseil interne et tous les échanges entre le service médical, sa hiérarchie à la DG « Traduction » et éventuellement la DG « Ressources humaines et sécurité », dans lesquels la requérante est identifiable, que ce soit au sujet de son dossier médical ou au sujet des échanges préalables à l’établissement de ses rapports d’évaluation, tout d’abord, il importe de noter que la requérante a déjà produit des notes du médecin-conseil interne et que ces notes ont été prises en compte dans le cadre de la décision rejetant la réclamation. La requérante n’a pas apporté un commencement de preuve que d’autres notes existaient et qu’elles ne lui avaient pas été communiquées.
181 En outre, il importe de noter que, dans ses observations du 14 février 2023 concernant les nouvelles preuves produites devant le Tribunal, la requérante précise que, à la suite de sa demande du 21 février 2022 d’accès à ses données personnelles concernant les échanges impliquant sa hiérarchie, le « business correspondant » de la DG « Traduction » et la DG « Ressources humaines et sécurité », ainsi qu’à la suite de sa deuxième plainte, du 28 avril 2022, auprès du CEPD, elle a eu accès auxdits échanges la concernant. Ainsi, la requérante a, au cours de la procédure juridictionnelle, obtenu, puis produit devant le Tribunal la version non confidentielle des échanges, objet de sa demande de mesure d’instruction qui est devenue sans objet.
182 S’agissant de la demande de la requérante, contenue dans ses observations sur les nouvelles preuves produites le 14 février 2023, visant à ce que le Tribunal ordonne à la Commission de lui fournir la version non occultée des échanges entre la DG « Traduction », le « business correspondant » et la DG « Ressources humaines et sécurité » (annexes 4 à 8), il y a lieu d’observer ce qui suit.
183 Pour autant que la requérante allègue que les documents en question viennent au soutien de ses premier, troisième et quatrième moyens, force est de constater que rien n’indique qu’il existe un lien entre lesdits documents et les irrégularités relevées par la requérante dans le cadre de ces moyens.
184 Pour autant que la requérante allègue que les documents en question viennent au soutien de son deuxième moyen, il convient de constater que lesdits documents ne sont pas de nature à remettre en cause les conclusions selon lesquelles la décision rejetant la demande d’assistance et la décision rejetant la réclamation ne sont pas entachées d’une erreur d’appréciation en ce qu’elles ont exclu l’existence d’un commencement de preuve du harcèlement.
185 En effet, la lecture des passages non occultés de ces documents, qui ont pour objet des échanges entre la hiérarchie, le « business correspondant » et la DG « Ressources humaines et sécurité » sur différentes évaluations de la requérante, tend à confirmer, d’une part, les appréciations selon lesquelles les relations entre la requérante et sa hiérarchie étaient conflictuelles et, d’autre part, que cette dernière était inquiète au sujet des conséquences des évaluations négatives de la requérante sur l’état de santé de cette dernière. Quel que soit leur contenu, il n’est pas probable que lesdits échanges soient susceptibles de remettre en cause la conclusion du Tribunal selon laquelle les différents rapports d’évaluation ne contiennent pas d’indices d’un harcèlement (voir points 113 à 123 ci-dessus). Ainsi, il n’est pas justifié d’ordonner à la Commission de produire une version non occultée des documents en question.
186 Il ressort des considérations exposées aux points 177 à 185 ci-dessus qu’il convient de rejeter les demandes de mesures d’instruction rappelées au point 174, premier à quatrième tirets, ainsi que la demande mentionnée au point 182 ci-dessus.
187 Compte tenu de ce qui précède, le recours doit être rejeté dans son intégralité.
Sur les dépens
188 Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.
189 La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner à supporter ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission, conformément aux conclusions de cette dernière.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (dixième chambre)
déclare et arrête :
1) Le recours est rejeté.
2) QI est condamnée aux dépens.
Porchia | Jaeger | Verschuur |
Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 6 décembre 2023.
Signatures
Table des matières
Antécédents du litige
Sur la demande d’assistance
Sur les faits antérieurs et postérieurs à la demande d’assistance, prétendument constitutifs d’un commencement de preuve de harcèlement moral
Sur les rapports d’évaluation de la requérante
Sur les contrôles et examens médicaux
Sur l’accès au dossier médical de la requérante
Sur la décision de changer de poste
Conclusions des parties
En droit
Sur l’objet du recours
Sur la recevabilité des documents communiqués par la requérante postérieurement à la clôture de la phase écrite de la procédure
Sur les conclusions en annulation
Sur les premier, troisième et quatrième moyens, tirés de ce que la décision rejetant la demande d’assistance et celle rejetant la réclamation sont entachées d’une violation du principe de bonne administration et du devoir de sollicitude ainsi que d’une violation du droit d’être entendu et des dispositions concernant la conduite des enquêtes administratives
– Sur la violation du principe de bonne administration et du devoir de sollicitude
– Sur la violation du droit d’être entendu et des DGE concernant la conduite des enquêtes administratives
Sur le deuxième moyen, tiré d’une erreur d’appréciation de l’existence d’un commencement de preuve du harcèlement allégué
– Observations liminaires
– Sur les rapports d’évaluation
– Sur les échanges entre la DG « Traduction » et le service médical
– Sur le prétendu caractère abusif et disproportionné des contrôles et examens médicaux
– Sur l’isolement de la requérante et son exclusion des échanges avec son unité
Sur les conclusions en indemnité
Sur la demande de mesures d’organisation de la procédure et d’instruction
Sur les dépens
* Langue de procédure : le français.
1 Données confidentielles occultées.
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