Ferriere Nord v Commission (Appeal - Competition - Agreements, decisions and concerted practices - Reinforcing bars market - Judgment) FR [2024] EUECJ C-31/23P (04 October 2024)


BAILII is celebrating 24 years of free online access to the law! Would you consider making a contribution?

No donation is too small. If every visitor before 31 December gives just £1, it will have a significant impact on BAILII's ability to continue providing free access to the law.
Thank you very much for your support!



BAILII [Home] [Databases] [World Law] [Multidatabase Search] [Help] [Feedback]

Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions)


You are here: BAILII >> Databases >> Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) >> Ferriere Nord v Commission (Appeal - Competition - Agreements, decisions and concerted practices - Reinforcing bars market - Judgment) FR [2024] EUECJ C-31/23P (04 October 2024)
URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2024/C3123P.html
Cite as: [2024] EUECJ C-31/23P

[New search] [Contents list] [Help]


ARRÊT DE LA COUR (sixième chambre)

4 octobre 2024 (*)

« Pourvoi - Concurrence - Ententes - Marché des ronds à béton - Décision de la Commission européenne constatant une infraction à l’article 65 CA, après l’expiration du traité CECA, sur le fondement du règlement (CE) no 1/2003 - Décision prise à la suite de l’annulation de décisions antérieures - Tenue d’une nouvelle audition en présence des autorités de concurrence des États membres - Droits de la défense - Principe de bonne administration - Exigence d’impartialité - Délai raisonnable - Obligation de motivation - Proportionnalité - Principe ne bis in idem - Exception d’illégalité - Circonstances aggravantes - Récidive - Circonstances atténuantes - Égalité de traitement »

Dans l’affaire C-31/23 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 19 janvier 2023,

Ferriere Nord SpA, établie à Osoppo (Italie), représentée par Mes B. Comparini, G. Donà et W. Viscardini, avvocati,

partie requérante,

les autres parties à la procédure étant :

Commission européenne, représentée par MM. G. Conte, P. Rossi et Mme C. Sjödin, en qualité d’agents, assistés de Me M. Moretto, avvocato,

partie défenderesse en première instance,

Conseil de l’Union européenne, représenté par Mme E. Ambrosini et M. O. Segnana, en qualité d’agents,

partie intervenante en première instance,

LA COUR (sixième chambre),

composée de M. T. von Danwitz, président de chambre, MM. P. G. Xuereb (rapporteur) et A. Kumin, juges,

avocat général : M. N. Emiliou,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1        Par son pourvoi, Ferriere Nord SpA demande, à titre principal, l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 9 novembre 2022, Ferriere Nord/Commission (T-667/19, ci-après l’« arrêt attaqué », EU:T:2022:692), par lequel celui-ci a rejeté son recours tendant, à titre principal, à l’annulation de la décision C(2019) 4969 final de la Commission, du 4 juillet 2019, relative à une violation de l’article 65 du traité CECA (affaire AT.37956 - Ronds à béton) (ci-après la « décision litigieuse »), en tant qu’elle la concerne. À titre subsidiaire, cette entreprise demande, d’une part, l’annulation de l’arrêt attaqué dans la mesure où celui-ci a rejeté sa demande subsidiaire tendant à obtenir l’annulation partielle de la décision litigieuse et, d’autre part, l’annulation partielle de cette décision ainsi que la réduction de l’amende qui lui a été infligée.

 Le cadre juridique

 Le règlement (CE) no 1/2003

2        L’article 7 du règlement (CE) no 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles [101 et 102 TFUE] (JO 2003, L 1, p. 1), intitulé « Constatation et cessation d’une infraction », prévoit, à son paragraphe 1 :

« Si la Commission, agissant d’office ou saisie d’une plainte, constate l’existence d’une infraction aux dispositions de l’article [101] ou [102 TFUE], elle peut obliger par voie de décision les entreprises et associations d’entreprises intéressées à mettre fin à l’infraction constatée. À cette fin, elle peut leur imposer toute mesure corrective de nature structurelle ou comportementale, qui soit proportionnée à l’infraction commise et nécessaire pour faire cesser effectivement l’infraction. Une mesure structurelle ne peut être imposée que s’il n’existe pas de mesure comportementale qui soit aussi efficace ou si, à efficacité égale, cette dernière s’avérait plus contraignante pour l’entreprise concernée que la mesure structurelle. Lorsque la Commission y a un intérêt légitime, elle peut également constater qu’une infraction a été commise dans le passé. »

3        L’article 14 de ce règlement, intitulé « Comité consultatif », dispose :

« 1.      La Commission consulte un comité consultatif en matière d’ententes et de positions dominantes avant de prendre une décision en application des articles 7, 8, 9, 10 et 23, de l’article 24, paragraphe 2, et de l’article 29, paragraphe 1.

2.      Pour l’examen des cas individuels, le comité consultatif est composé de représentants des autorités de concurrence des États membres. [...]

[...]

5.      La Commission tient le plus grand compte de l’avis du comité consultatif. Elle informe ce dernier de la façon dont elle a tenu compte de son avis.

[...] »

4        Selon l’article 23, paragraphe 2, sous a), dudit règlement, la Commission peut, par voie de décision, infliger des amendes aux entreprises et associations d’entreprises lorsque, de propos délibéré ou par négligence, elles commettent une infraction aux dispositions de l’article 101 ou 102 TFUE.

5        L’article 25 du même règlement, intitulé « Prescription en matière d’imposition de sanctions », énonce :

« 1.      Le pouvoir conféré à la Commission en vertu des articles 23 et 24 est soumis aux délais de prescription suivants :

a)      trois ans en ce qui concerne les infractions aux dispositions relatives aux demandes de renseignements ou à l’exécution d’inspections ;

b)      cinq ans en ce qui concerne les autres infractions.

2.      La prescription court à compter du jour où l’infraction a été commise. Toutefois, pour les infractions continues ou répétées, la prescription ne court qu’à compter du jour où l’infraction a pris fin.

3.      La prescription en matière d’imposition d’amendes ou d’astreintes est interrompue par tout acte de la Commission ou d’une autorité de concurrence d’un État membre visant à l’instruction ou à la poursuite de l’infraction. L’interruption de la prescription prend effet le jour où l’acte est notifié à au moins une entreprise ou association d’entreprises ayant participé à l’infraction. Constituent notamment des actes interrompant la prescription :

a)      les demandes de renseignements écrites de la Commission ou de l’autorité de concurrence d’un État membre ;

b)      les mandats écrits d’inspection délivrés à ses agents par la Commission ou par l’autorité de concurrence d’un État membre ;

c)      l’engagement d’une procédure par la Commission ou par une autorité de concurrence d’un État membre ;

d)      la communication des griefs retenus par la Commission ou par une autorité de concurrence d’un État membre.

4.      L’interruption de la prescription vaut à l’égard de toutes les entreprises et associations d’entreprises ayant participé à l’infraction.

5.      La prescription court à nouveau à partir de chaque interruption. Toutefois, la prescription est acquise au plus tard le jour où un délai égal au double du délai de prescription arrive à expiration sans que la Commission ait prononcé une amende ou astreinte. Ce délai est prorogé de la période pendant laquelle la prescription est suspendue conformé ment au paragraphe 6.

6.      La prescription en matière d’imposition d’amendes ou d’astreintes est suspendue aussi longtemps que la décision de la Commission fait l’objet d’une procédure pendante devant la Cour de justice. »

6        L’article 27 du règlement no 1/2003, intitulé « Audition des parties, des plaignants et des autres tiers », prévoit :

« 1.      Avant de prendre les décisions prévues aux articles 7, 8 et 23 et à l’article 24, paragraphe 2, la Commission donne aux entreprises et associations d’entreprises visées par la procédure menée par la Commission l’occasion de faire connaître leur point de vue au sujet des griefs retenus par la Commission. La Commission ne fonde ses décisions que sur les griefs au sujet desquels les parties concernées ont pu faire valoir leurs observations. Les plaignants sont étroitement associés à la procédure.

2.      Les droits de la défense des parties concernées sont pleinement assurés dans le déroulement de la procédure. [...]

3.      Si la Commission le juge nécessaire, elle peut également entendre d’autres personnes physiques ou morales. Si des personnes physiques ou morales justifiant d’un intérêt suffisant demandent à être entendues, il doit être fait droit à leur demande. Les autorités de concurrence des États membres peuvent également demander à la Commission d’entendre d’autres personnes physiques ou morales.

[...] »

 Le règlement no 773/2004

7        L’article 11, intitulé « Droit des parties d’être entendues », du règlement (CE) no 773/2004 de la Commission, du 7 avril 2004, relatif aux procédures mises en œuvre par la Commission en application des articles [101] et [102 TFUE] (JO 2004, L 123, p. 18), tel que modifié par le règlement (CE) no 622/2008 de la Commission, du 30 juin 2008 (JO 2008, L 171, p. 3) (ci-après le « règlement no 773/2004 »), dispose :

« 1.      La Commission donne aux parties auxquelles elle adresse une communication des griefs la possibilité d’être entendues avant de consulter le comité consultatif visé à l’article 14, paragraphe 1, du règlement (CE) no 1/2003.

2.      Dans ses décisions, la Commission ne retient que les griefs au sujet desquels les parties visées au paragraphe 1 ont eu l’occasion de présenter des observations. »

8        L’article 12 du règlement no 773/2004 énonce :

« 1.      La Commission donne aux parties auxquelles elle adresse une communication des griefs la possibilité de développer leurs arguments lors d’une audition, si elles en font la demande dans leurs observations écrites.

2.      Toutefois, lorsqu’elles présentent des propositions de transaction, les parties confirment à la Commission qu’elles ne demanderont à développer leurs arguments lors d’une audition que si la communication des griefs ne reflète pas la teneur de leurs propositions de transaction. »

9        L’article 13 de ce règlement, intitulé « Audition des tiers », prévoit :

« 1.      Si des personnes physiques ou morales autres que celles qui sont visées aux articles 5 et 11 demandent à être entendues et justifient d’un intérêt suffisant, la Commission les informe par écrit de la nature et de l’objet de la procédure et elle leur donne la possibilité de faire connaître leur point de vue par écrit dans un délai qu’elle fixe.

2.      La Commission peut, le cas échéant, inviter les personnes visées au paragraphe 1 à développer leurs arguments lors de l’audition des parties auxquelles une communication des griefs a été adressée, si elles en font la demande dans leurs observations écrites.

3.      La Commission peut inviter toute autre personne à exprimer son point de vue par écrit et à assister à l’audition des parties auxquelles une communication des griefs a été adressée. La Commission peut aussi inviter ces personnes à exprimer leur point de vue au cours de cette audition. »

10      L’article 14 dudit règlement, intitulé « Conduite des auditions », est libellé comme suit :

« 1.      Les auditions sont conduites en toute indépendance par un conseiller-auditeur.

2.      La Commission invite les personnes qui doivent être entendues à assister à l’audition à la date qu’elle fixe.

3.      La Commission invite les autorités de concurrence des États membres à prendre part à l’audition. Elle peut également inviter les fonctionnaires et agents d’autres autorités des États membres.

[...] »

 La communication de 2011

11      La communication de la Commission concernant les bonnes pratiques relatives aux procédures d’application des articles 101 et 102 TFUE (JO 2011, C 308, p. 6) (ci-après la « communication de 2011 ») a, ainsi qu’il ressort de son point 1, comme principal objectif de fournir des orientations pratiques concernant les procédures d’application des articles 101 et 102 TFUE.

12      Le point 6 de cette communication prévoit que celle-ci était applicable, à compter de la date de sa publication, « aux affaires en cours et à venir ». S’agissant des affaires en cours, elle s’appliquait, selon la note en bas de page 16 de ladite communication, « à tout stade de la procédure non atteint au moment de cette publication ».

13      Aux termes des points 84, 86 et 109 de la même communication :

« (84)      La communication des griefs indique clairement si la Commission a l’intention d’infliger des amendes aux entreprises en cause si les griefs devaient être confirmés [...]. Dans la communication des griefs, la Commission précise les principaux éléments de fait et de droit susceptibles d’entraîner l’imposition d’une amende, tels que la durée et la gravité de l’infraction, et indique si cette dernière a été commise intentionnellement ou par négligence. Si tel est le cas, la communication des griefs mentionne aussi de manière suffisamment précise que certains éléments peuvent constituer des circonstances aggravantes et, dans la mesure du possible, elle le fait également pour les circonstances atténuantes.

[...]

(86)      Si dans sa décision finale, la Commission a l’intention d’abandonner les éléments de fait ou de droit exposés dans la communication des griefs au détriment d’une ou de plusieurs parties ou si elle a l’intention de prendre en compte de nouvelles preuves à charge, les parties concernées ont toujours la possibilité de faire connaître leur avis de manière appropriée.

[...]

(109)            Si, après avoir émis une communication des griefs, la Commission recueille d’autres éléments de preuve sur lesquels elle a l’intention de s’appuyer, ou si elle a l’intention de modifier son appréciation juridique au détriment des entreprises concernées, ces dernières ont la possibilité de présenter leurs observations sur ces nouveaux éléments. »

 Les antécédents du litige et la décision litigieuse

14      Les antécédents du litige sont exposés aux points 1 à 31 de l’arrêt attaqué :

« 1      La requérante, Ferriere Nord SpA, est une société de droit italien active dans le secteur des ronds à béton depuis le mois d’avril 1992.

 A.      Première décision de la Commission (2002)

2      D’octobre à décembre 2000, la Commission des Communautés européennes a effectué, conformément à l’article 47 CA, des vérifications auprès d’entreprises italiennes productrices de ronds à béton, dont la requérante, et d’une association d’entreprises, la Federazione Imprese Siderurgiche Italiane [(Fédération des entreprises sidérurgiques italiennes) (ci-après la “Fédération”)]. Elle leur a également adressé des demandes de renseignements, en application de cette disposition.

3      Le 26 mars 2002, la Commission a ouvert une procédure d’application de l’article 65 CA et formulé des griefs au titre de l’article 36 CA (ci-après la “communication des griefs”) notifiés notamment à la requérante. Celle-ci a répondu à la communication des griefs le 31 mai 2002.

4      Une audition des parties à la procédure administrative a eu lieu le 13 juin 2002.

5      Le 12 août 2002, la Commission a adressé, aux mêmes destinataires, des griefs supplémentaires (ci-après la “communication des griefs supplémentaires”), sur le fondement de l’article 19, paragraphe 1, du règlement no 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d’application des articles [81] et [82 CE] (JO 1962, 13, p. 204). Elle y a expliqué sa position concernant la poursuite de la procédure après l’expiration du traité CECA, le 23 juillet 2002. La requérante a répondu à la communication des griefs supplémentaires le 20 septembre 2002.

6      Une nouvelle audition des parties à la procédure administrative, en présence des autorités de concurrence des États membres, a eu lieu le 30 septembre 2002. Elle concernait l’objet de la communication des griefs supplémentaires, à savoir les conséquences juridiques de l’expiration du traité CECA sur la poursuite de la procédure.

7      À l’issue de la procédure administrative, la Commission a adopté la décision C(2002) 5087 final, du 17 décembre 2002, relative à une procédure d’application de l’article 65 du traité CECA (COMP/37.956 - Ronds à béton) (ci-après la “décision de 2002”), adressée à la [Fédération] et à huit entreprises, dont la requérante. Elle y a constaté que ces dernières avaient, entre décembre 1989 et juillet 2000, mis en œuvre une entente unique, complexe et continue sur le marché italien des ronds à béton en barres ou en rouleaux (ci-après les “ronds à béton”) ayant pour objet ou pour effet la fixation des prix et la limitation ou le contrôle de la production ou des ventes, contraire à l’article 65, paragraphe 1, CA.

8      S’agissant de la participation de la requérante à l’infraction, la Commission a relevé que celle-ci s’étendait du 1er avril 1993 au 4 juillet 2000. Elle lui a, à ce titre, infligé une amende d’un montant de 3,57 millions d’euros. Ce montant incluait une réduction de 20 % de l’amende en faveur de la requérante, en application du point D, paragraphe 1, de la communication de la Commission concernant la non-imposition d’amendes ou la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes (JO 1996, C 207, p. 4 [...]), lequel prévoit la possibilité de faire bénéficier d’une réduction de l’amende qu’elles auraient dû acquitter les entreprises qui coopèrent en fournissant à la Commission, avant l’envoi d’une communication des griefs, des informations, des documents ou d’autres éléments de preuve qui contribuent à confirmer l’existence de l’infraction commise.

9      Le 10 mars 2003, la requérante a formé un recours devant le Tribunal contre la décision de 2002. Le Tribunal a annulé ladite décision à l’égard de la requérante (arrêt du 25 octobre 2007, Ferriere Nord/Commission, T-94/03, [...], EU:T:2007:320) et des autres entreprises destinataires, au motif que la base juridique utilisée, soit l’article 65, paragraphes 4 et 5, CA, n’était plus en vigueur au moment de l’adoption de cette décision. De ce fait, la Commission n’avait pas compétence, sur le fondement de ces dispositions, pour constater et sanctionner une infraction à l’article 65, paragraphe 1, CA après l’expiration du traité CECA. Le Tribunal n’a pas examiné les autres aspects de cette décision.

10      La décision de 2002 est devenue définitive à l’égard de la [Fédération], qui n’a pas introduit de recours devant le Tribunal.

 B.      Deuxième décision de la Commission (2009)

11      Par lettre du 30 juin 2008, la Commission a informé la requérante et les autres entreprises concernées de son intention d’adopter une nouvelle décision, en corrigeant la base juridique utilisée. Elle a, en outre, précisé que ladite décision serait fondée sur les preuves présentées dans la communication des griefs et la communication des griefs supplémentaires. Sur invitation de la Commission, la requérante a présenté des observations écrites le 1er août 2008.

12      Par télécopies du 24 juillet et du 25 septembre 2008, puis du 13 mars, du 30 juin et du 27 août 2009, la Commission a demandé à la requérante des informations relatives à l’actionnariat et à la situation patrimoniale de l’entreprise. La requérante a répondu à ces demandes de renseignements, respectivement, par courriels du 1er août et du 1er octobre 2008, puis du 18 mars, du 1er juillet et du 8 septembre 2009.

13      Le 30 septembre 2009, la Commission a adopté la décision C(2009) 7492 final, relative à une procédure d’application de l’article 65 du traité CECA (affaire COMP/37.956 - Ronds à béton, réadoption), adressée aux mêmes entreprises que la décision de 2002, dont la requérante. Cette décision a été adoptée sur le fondement des règles procédurales du traité CE et du [règlement no 1/2003]. Elle reposait sur les éléments visés dans la communication des griefs et la communication des griefs supplémentaires et reprenait, en substance, la teneur et les conclusions de la décision de 2002. En particulier, le montant de l’amende infligée à la requérante, de 3,57 millions d’euros, restait inchangé.

14      Le 8 décembre 2009, la Commission a adopté une décision modificative, intégrant, dans son annexe, les tableaux illustrant les variations de prix omis de sa décision du 30 septembre 2009 et corrigeant les renvois numérotés auxdits tableaux dans huit notes en bas de page.

15      Le 19 février 2010, la requérante a formé un recours devant le Tribunal contre la décision de la Commission du 30 septembre 2009, telle que modifiée (ci-après la “décision de 2009”). Le 9 décembre 2014, le Tribunal a réduit le montant de l’amende infligée à la requérante à 3,42144 millions d’euros, au motif que cette dernière n’avait pas participé, pendant trois ans, au volet de l’entente relatif à la limitation ou au contrôle de la production ou des ventes, et a rejeté le recours pour le surplus (arrêt du 9 décembre 2014, Ferriere Nord/Commission, T-90/10, [...], EU:T:2014:1035). Le Tribunal a annulé partiellement la décision de 2009 à l’égard d’un autre de ses destinataires, réduit le montant de l’amende infligée à un autre de ses destinataires et rejeté les autres recours introduits.

16      Le 20 février 2015, la requérante a introduit un pourvoi contre l’arrêt du 9 décembre 2014, Ferriere Nord/Commission (T-90/10, [...], EU:T:2014:1035). Par arrêt du 21 septembre 2017, Ferriere Nord/Commission (C-88/15 P, EU:C:2017:716), la Cour a annulé ledit arrêt du Tribunal ainsi que la décision de 2009 à l’égard, notamment, de la requérante.

17      Dans l’arrêt du 21 septembre 2017, Ferriere Nord/Commission (C-88/15 P, EU:C:2017:716), la Cour a jugé que, lorsqu’une décision était adoptée sur le fondement du règlement no 1/2003, la procédure aboutissant à cette décision devait être conforme aux règles de procédure prévues par ce règlement ainsi que par le [règlement no 773/2004], même si cette procédure avait commencé avant leur entrée en vigueur.

18      Or, la Cour a constaté que, en l’espèce, l’audition du 13 juin 2002, la seule qui concernait le fond de la procédure, ne pouvait être considérée comme conforme aux exigences procédurales relatives à l’adoption d’une décision sur le fondement du règlement no 1/2003, en l’absence de participation des autorités de concurrence des États membres.

19      La Cour a conclu que le Tribunal avait commis une erreur de droit en jugeant que la Commission n’avait pas l’obligation, avant l’adoption de la décision de 2009, d’organiser une nouvelle audition, au motif que les entreprises avaient déjà eu la possibilité d’être entendues oralement lors des auditions des 13 juin et 30 septembre 2002.

20      Dans l’arrêt du 21 septembre 2017, Ferriere Nord/Commission (C-88/15 P, EU:C:2017:716), la Cour a rappelé l’importance de la tenue, sur demande des parties concernées, d’une audition à laquelle les autorités de concurrence des États membres sont invitées, son omission constituant une violation des formes substantielles.

21      La Cour a jugé que, dès lors que ce droit explicité dans le règlement no 773/2004 n’avait pas été respecté, il n’était pas nécessaire pour l’entreprise dont le droit avait été ainsi violé de démontrer que cette violation avait pu influer à son détriment sur le déroulement de la procédure et le contenu de la décision [de 2009].

22      La Cour a également annulé d’autres arrêts du Tribunal adoptés le 9 décembre 2014 statuant sur la légalité de la décision de 2009, ainsi que cette décision, à l’égard de quatre autres entreprises, pour les mêmes motifs. La décision de 2009 est en revanche devenue définitive pour les entreprises destinataires qui n’ont pas formé de pourvoi contre lesdits arrêts.

 C.      Troisième décision de la Commission (2019)

23      Par lettre du 15 décembre 2017, la Commission a informé la requérante de son intention de reprendre la procédure administrative et d’organiser, dans ce cadre, une nouvelle audition des parties à ladite procédure en présence des autorités de concurrence des États membres.

24      Par lettre du 1er février 2018, la requérante a présenté des observations dans lesquelles elle a contesté le pouvoir de la Commission de reprendre la procédure administrative et a ainsi invité cette dernière à ne pas procéder à cette reprise.

25      Le 23 avril 2018, la Commission a tenu une nouvelle audition concernant le fond de la procédure, à laquelle ont pris part, en présence des autorités de concurrence des États membres et du conseiller-auditeur, la requérante ainsi que trois autres entreprises destinataires de la décision de 2009.

26      Par lettres du 19 novembre 2018 ainsi que du 17 janvier et du 6 mai 2019, la Commission a envoyé trois demandes de renseignements à la requérante concernant son actionnariat et sa situation patrimoniale. La requérante a répondu à ces demandes de renseignements, respectivement, par lettres du 10 décembre 2018 ainsi que du 31 janvier et du 9 mai 2019.

27      Le 21 juin 2019, la requérante a participé à une réunion avec les services de la Commission, au cours de laquelle ces derniers ont indiqué qu’ils avaient décidé de proposer au collège des commissaires l’adoption d’une nouvelle décision de sanction, mais que, au vu du délai objectivement prolongé, ils proposeraient l’application d’une circonstance atténuante extraordinaire.

28      Le 4 juillet 2019, la Commission a adopté la décision [litigieuse], adressée aux cinq entreprises à l’égard desquelles la décision de 2009 avait été annulée, à savoir, outre la requérante, Alfa Acciai SpA, Feralpi Holding SpA (anciennement Feralpi Siderurgica SpA et Federalpi Siderurgica SRL), Partecipazioni Industriali SpA (anciennement Riva Acciaio SpA puis Riva Fire SpA, ci-après “Riva”) ainsi que Valsabbia Investimenti SpA et Ferriera Valsabbia SpA.

29      Par la décision [litigieuse], la Commission a constaté la même infraction que celle faisant l’objet de la décision de 2009, tout en réduisant les amendes infligées aux entreprises destinataires de 50 % en raison de la durée de la procédure. La requérante a bénéficié, en outre, d’une réduction supplémentaire de 6 % de l’amende, car elle n’avait pas participé au volet de l’entente portant sur la limitation ou le contrôle de la production ou des ventes durant une certaine période. Par l’article 2 de la décision [litigieuse], elle a ainsi infligé à la requérante une amende d’un montant de 2,237 millions d’euros.

30      Le 8 juillet 2019, une copie incomplète de la décision [litigieuse], n’en comprenant que les pages impaires, a été notifiée à la requérante, ce que cette dernière a signalé à la Commission par lettre du 9 juillet 2019.

31      Le 18 juillet 2019, une version complète de la décision [litigieuse] a été notifiée à la requérante. »

 La procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué

15      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 30 septembre 2019, la requérante a introduit un recours tendant, à titre principal, à l’annulation de la décision litigieuse, en ce qu’elle la concerne, et, à titre subsidiaire, la réduction du montant de l’amende qui lui a été infligée.

16      Au soutien de sa demande d’annulation de la décision litigieuse, la requérante a, en substance, soulevé six moyens tirés, le premier, de la violation des droits de la défense et des règles procédurales lors de l’audition du 23 avril 2018, le deuxième, du refus prétendument illégal de la Commission de vérifier, avant d’adopter la décision litigieuse, la compatibilité de cette décision avec le principe du délai raisonnable de la procédure, le troisième, de la violation du principe du délai raisonnable de la procédure, le quatrième, d’une violation de l’obligation de motivation, d’un excès de pouvoir et de la violation du principe de proportionnalité, le cinquième, de la violation du principe ne bis in idem, et le sixième, de l’illégalité du régime de prescription prévu à l’article 25 du règlement no 1/2003.

17      S’agissant, notamment, du premier moyen, la requérante a fait valoir, par les deux premiers des cinq griefs soulevés dans le cadre de ce moyen, que, premièrement, l’impartialité du comité consultatif établi par le règlement no 1/2003 (ci-après le « comité consultatif ») était mise en cause en ce que l’attitude des représentants des autorités de concurrence des États membres qui composent ce comité aurait pu être influencée par le fait que ces autorités avaient eu connaissance de la position adoptée sur l’affaire, d’une part, par la Commission, dans ses décisions de 2002 et de 2009 et, d’autre part, par le Tribunal, dans l’arrêt du 9 décembre 2014, Ferriere Nord/Commission (T-90/10, EU:T:2014:1035), et, deuxièmement, l’indépendance de la Commission était affectée par la circonstance que, confortée par cet arrêt, cette institution n’aurait plus réellement été en mesure d’accueillir une opinion contraire émise par des représentants d’autorités de concurrence des États membres siégeant au sein du comité consultatif.

18      Par le troisième grief dudit moyen, la requérante a soutenu que la Commission, d’une part, avait violé diverses règles relatives à l’organisation des auditions et, d’autre part, avait commis une erreur en omettant d’inviter la Fédération, Leali SpA et sa filiale Acciaierie e Ferriere Leali Luigi SpA (ci-après, prises ensemble, « Leali »), Lucchini SpA, Riva, Industrie Riunite Odolesi SpA (ci-après « IRO ») et l’Associazione Nazionale Sagomatori Ferro (Association nationale des entreprises de façonnage de fer) (ci-après l’« Ansfer ») à l’audition du 23 avril 2018 alors que, ayant joué un rôle important dans le dossier, ces entités auraient pu communiquer aux autorités de concurrence des États membres des éléments permettant à ces dernières d’arrêter leur position en pleine connaissance de cause. Selon la requérante, n’ayant pu bénéficier d’un avis rendu en pleine connaissance de cause par ces autorités, ses droits de la défense ont été méconnus. 

19      Par le quatrième grief du premier moyen, la requérante a fait valoir qu’il était impossible de remédier au défaut procédural censuré par la Cour. En raison du délai écoulé, les changements intervenus dans l’identité des acteurs et la structure du marché étaient tels, selon elle, qu’aucune audition ne pouvait être organisée dans des conditions identiques ou, à tout le moins, équivalentes à celles qui prévalaient en 2002.

20      Par le cinquième grief de ce moyen, la requérante a soutenu, notamment, que l’avis rendu par le comité consultatif, qui comportait une déclaration signée par huit autorités de concurrence des États membres, selon laquelle l’audition du 23 avril 2018 avait remédié à l’erreur procédurale constatée par la Cour dans l’arrêt du 21 septembre 2017, Ferriere Nord/Commission (C-88/15 P, EU:C:2017:716), était vicié. En effet, deux de ces huit autorités, y compris l’autorité de concurrence rapporteure, n’auraient pas participé à cette audition.

21      Au soutien de sa demande subsidiaire visant à obtenir une annulation partielle de la décision litigieuse et une réduction corrélative du montant de l’amende qui lui avait été infligée, la requérante a fait valoir trois moyens supplémentaires tirés, le septième, de la violation de la charge de la preuve et du principe in dubio pro reo, le huitième, de l’illégalité de la majoration du montant de l’amende au titre de la récidive et le neuvième, de la violation du principe d’égalité de traitement en ce qui concerne la prise en compte des circonstances atténuantes et du caractère tardif des motifs justifiant l’octroi d’une réduction limitée d’amende.

22      Par décision du 11 février 2020, le Tribunal a autorisé l’intervention du Conseil de l’Union européenne au soutien des conclusions de la Commission.

23      Par l’arrêt attaqué, le Tribunal a rejeté le recours dans son intégralité.

24      S’agissant du premier moyen de première instance, le Tribunal a jugé, premièrement, que l’argumentation de la requérante n’était pas susceptible d’établir que l’impartialité tant des représentants des autorités de concurrence des États membres au sein du comité consultatif que de la Commission n’était pas garantie en l’espèce. Deuxièmement, en n’invitant pas à l’audition du 23 avril 2018 certaines entreprises et associations, la Commission n’aurait violé ni les règles relatives à l’organisation des auditions ni les droits de la défense de la requérante. Troisièmement, les changements du contexte effectués par l’écoulement du temps n’affecteraient pas la possibilité, pour la Commission, de reprendre une procédure à la suite de l’annulation d’une de ses décisions par un arrêt de la Cour ou du Tribunal, pour autant que cette institution ait vérifié que la poursuite de la procédure apparaissait encore comme étant une solution appropriée à la situation, ainsi que la Commission l’aurait fait en l’occurrence. Quatrièmement, l’argumentation visant à démontrer que l’avis rendu par le comité consultatif était vicié ne serait pas fondée.

25      En ce qui concerne le troisième moyen de première instance, le Tribunal a considéré que ni la durée des phases administratives de la procédure menée par la Commission ni la durée totale de cette procédure n’était excessive et que, en tout état de cause, même à supposer que la durée de la procédure puisse être considérée comme contraire au principe du délai raisonnable, aucune atteinte à ses droits de la défense découlant de cette durée n’avait été établie par la requérante.

26      S’agissant du quatrième moyen de première instance, le Tribunal a jugé que, premièrement, la Commission avait suffisamment expliqué les raisons qui l’avaient amenée à adopter une nouvelle décision malgré les deux annulations intervenues dans le passé, deuxièmement, l’amende infligée à la requérante dans la décision litigieuse avait toujours un effet dissuasif, étant donné que les amendes infligées dans les décisions de 2002 et de 2009 avaient été remboursées après l’annulation de ces décisions, troisièmement, avant l’adoption de la décision litigieuse, la requérante n’avait pas encore été sanctionnée pour l’infraction en cause, compte tenu des deux annulations intervenues, quatrièmement, la reprise de la procédure et l’adoption d’une nouvelle décision étaient susceptibles de faciliter la tâche de tiers souhaitant introduire une action en réparation, eu égard, notamment, au fait que d’autres États membres que la République italienne pouvaient être concernés et que l’application de droits nationaux autres que le droit italien ne pouvait être exclue par la Commission, et, cinquièmement, le principe de proportionnalité n’avait pas été violé.

27      En ce qui concerne le cinquième moyen de première instance, le Tribunal a jugé que le principe ne bis in idem n’avait pas été violé, étant donné que, à la date de l’arrêt attaqué, aucune décision n’avait statué de façon définitive sur le fond de l’affaire en ce qui concerne la participation de la requérante aux infractions qui lui étaient reprochées.

28      S’agissant du sixième moyen de première instance, le Tribunal a jugé que l’exception d’illégalité visant l’article 25 du règlement no 1/2003 qu’il comportait devait être rejetée. La requérante n’aurait pas démontré que le législateur de l’Union avait dépassé, dans la conciliation qu’il a effectuée entre les objectifs dont il fallait tenir compte à cet égard, la marge qui doit lui être reconnue dans ce cadre. En effet, en prévoyant un délai de prescription pour sanctionner des infractions au droit de la concurrence de l’Union de cinq ans et, lorsque ce délai est interrompu, de dix ans, une limite stricte serait posée à l’action de la Commission dans le temps. S’agissant du fait que, aux termes de l’article 25, paragraphe 6, du règlement no 1/2003, la prescription est suspendue durant les procédures de recours contre la décision de la Commission, le Tribunal a souligné qu’il s’agit de situations dans lesquelles l’inaction de la Commission n’est pas la conséquence d’un manque de diligence de la part de cette institution.

29      En ce qui concerne le huitième moyen de première instance, le Tribunal a considéré que, premièrement, la majoration de l’amende infligée à la requérante au titre de la récidive était suffisamment prévisible pour cette dernière et ne violait donc pas ses droits de la défense, deuxièmement, le délai à prendre en compte aux fins de décider s’il fallait imposer une telle majoration n’était pas excessivement long, et, troisièmement, la majoration de 50 % appliquée en l’espèce au titre de la récidive n’était pas excessive.

30      S’agissant du neuvième moyen de première instance, le Tribunal a jugé que, premièrement, la différence entre les taux de réduction octroyés à la requérante et à une autre entreprise, au titre de l’absence de participation de ces entreprises à un volet spécifique de l’entente visée par la décision litigieuse, était justifiée et, deuxièmement, que la Commission n’avait pas fourni les informations y afférentes de manière tardive.

 Les conclusions des parties devant la Cour

31      Par son pourvoi, la requérante demande à la Cour :

-        à titre principal, d’annuler l’arrêt attaqué et, en conséquence, la décision litigieuse ;

-        à titre subsidiaire, d’annuler l’arrêt attaqué dans la mesure où celui-ci a rejeté sa demande subsidiaire tendant à obtenir l’annulation partielle de la décision litigieuse, d’annuler partiellement cette décision et de réduire l’amende qui lui a été infligée ;

-        de condamner la Commission aux dépens des deux instances.

32      La Commission demande à la Cour :

-        de rejeter le pourvoi et

-        de condamner la requérante aux dépens.

33      Le Conseil demande à la Cour de rejeter l’exception d’illégalité de l’article 25 du règlement no 1/2003 et de condamner la requérante aux dépens du pourvoi.

 Sur le pourvoi

34      Au soutien de son pourvoi, la requérante soulève huit moyens.

 Sur le premier moyen

35      Par son premier moyen, qui s’articule en quatre branches, la requérante fait valoir que le Tribunal a violé les droits de la défense, a omis d’examiner des éléments de preuve, a procédé à une dénaturation manifeste des faits et des éléments de preuve, a enfreint son obligation de motiver ses arrêts et a procédé à des appréciations arbitraires.

 Sur la troisième branche

-       Argumentation des parties

36      Par la troisième branche de son premier moyen, qu’il convient d’examiner en premier lieu, la requérante fait valoir, en substance, que le Tribunal a commis une erreur de droit en considérant, aux points 158 à 162 de l’arrêt attaqué, que, en dépit des changements intervenus dans l’identité des acteurs et la structure du marché, la Commission avait pu remédier au défaut procédural censuré par la Cour dans l’arrêt du 21 septembre 2017, Ferriere Nord/Commission (C-88/15 P, EU:C:2017:716), en organisant l’audition du 23 avril 2018. Elle conteste les motifs exposés aux points 159 et 160 de l’arrêt attaqué, par lesquels le Tribunal a considéré que, en raison de l’écoulement du temps, aucune audition ne pouvait être organisée dans de conditions équivalentes à celles qui prévalaient au cours de l’année 2002. Selon la requérante, l’illégalité constatée par l’arrêt du 21 septembre 2017, Ferriere Nord/Commission (C-88/15 P, EU:C:2017:716), est irrémédiable non pas en raison des changements intervenus au fil du temps, mais du concours fautif de cette institution à la commission de cette illégalité.

37      La Commission soutient que cette argumentation est nouvelle et, par conséquent, irrecevable. En tout état de cause, cette argumentation serait dénuée de fondement.

-       Appréciation de la Cour

38      Conformément à l’article 170, paragraphe 1, seconde phrase, du règlement de procédure de la Cour, le pourvoi ne peut modifier l’objet du litige devant le Tribunal. Ainsi, selon une jurisprudence constante, permettre à une partie de soulever pour la première fois devant la Cour des moyens et des arguments qu’elle n’a pas soulevés devant le Tribunal reviendrait à l’autoriser à saisir la Cour, dont la compétence en matière de pourvoi est limitée, d’un litige plus étendu que celui dont a eu à connaître le Tribunal. Dans le cadre d’un pourvoi, la compétence de la Cour est donc limitée à l’examen de l’appréciation par le Tribunal des moyens et des arguments qui ont été débattus devant lui (arrêt du 29 février 2024, Euranimi/Commission, C-95/23 P, EU:C:2024:177, point 53 et jurisprudence citée).

39      Au point 158 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a relevé que le grief de la requérante, selon lequel il était impossible de remédier au défaut procédural censuré par la Cour, était fondé sur la constatation selon laquelle, en raison du temps écoulé, les changements intervenus dans l’identité des acteurs et dans la structure du marché étaient tels qu’aucune audition ne pouvait être organisée dans des conditions identiques ou, à tout le moins, équivalentes à celles qui prévalaient au cours de l’année 2002.

40      Cette description du grief de première instance n’a pas été contestée par la requérante dans son pourvoi. Or, force est de constater qu’il ne ressort pas de ladite description que, devant le Tribunal, la requérante ait fait valoir que les erreurs commises par la Commission auraient rendu irrémédiable le vice de procédure constaté par la Cour dans l’arrêt du 21 septembre 2017, Ferriere Nord/Commission (C-88/15 P, EU:C:2017:716).

41      Certes, dans son mémoire en duplique, la requérante indique avoir, aux points 62, 82, 97, 127, 133, 136, 167, 182 et 205 de sa requête en première instance, souligné que l’effet combiné des erreurs de la Commission et de la durée anormalement longue de la procédure rendait impossible de remédier au vice de procédure constaté par la Cour. Il ne ressort toutefois d’aucun de ces points que la requérante avait soutenu, devant le Tribunal, que ce n’étaient pas les changements intervenus au fil du temps qui avaient rendu irrémédiable le vice de procédure constaté par la Cour dans l’arrêt du 21 septembre 2017, Ferriere Nord/Commission (C-88/15 P, EU:C:2017:716), mais le concours fautif de la Commission à la réalisation de cette illégalité.

42      Il s’ensuit que l’argumentation au titre de la troisième branche du premier moyen ayant été soulevée pour la première fois devant la Cour, elle doit être rejetée comme étant irrecevable.

 Sur la première branche

-       Argumentation des parties

43      Par la première branche de son premier moyen, la requérante soutient, en substance, que le Tribunal, aux points 64 à 78 de l’arrêt attaqué, a jugé à tort que, lors de l’audition du 23 avril 2018 et de l’adoption de l’avis du comité consultatif, tant la Commission que les représentants des autorités de concurrence des États membres satisfaisaient à l’exigence d’impartialité.

44      En premier lieu, de l’avis de la requérante, ces autorités ne pouvaient pas adopter des positions autres que celles qui figuraient déjà dans la décision de 2009 et qui avaient été confirmées par le Tribunal dans l’arrêt du 9 décembre 2014, Ferriere Nord/Commission (T-90/10, EU:T:2014:1035), ainsi que dans sept autres arrêts rendus au cours de l’année 2014 sur les recours formés par d’autres destinataires de la décision de 2009 contre cette décision (ci-après, pris ensemble, les « arrêts de 2014 »), dont certains étaient devenus définitifs.

45      En deuxième lieu, l’appréciation du Tribunal selon laquelle l’exigence d’impartialité aurait été respectée en ce qui concerne l’Autorità Garante della Concorrenza e del Mercato (AGCM) (autorité garante de la concurrence et du marché, Italie) serait erronée et procéderait d’une dénaturation manifeste, voire de l’omission pure et simple de l’appréciation des faits et des éléments de preuve.

46      Le Tribunal aurait pris en considération le fait que l’AGCM avait connaissance de la décision de 2009 et de l’arrêt du 9 décembre 2014, Ferriere Nord/Commission (T-90/10, EU:T:2014:1035). Cependant, le Tribunal aurait omis de prendre en compte que cette autorité s’était fondée, ainsi que le prouveraient plusieurs documents soumis au Tribunal, sur cette décision et sur cet arrêt lorsqu’elle a sanctionné, en 2017, une entente concernant les mêmes entreprises et le même type de comportements que ceux visés par ladite décision (ci-après la « décision de l’AGCM de 2017 »). La requérante souligne que les deux personnes qui représentaient l’AGCM à l’audition du 23 avril 2018 avaient joué un rôle déterminant dans la procédure d’adoption de la décision de l’AGCM de 2017.

47      Eu égard à ces éléments, les deux prémisses sur lesquelles le Tribunal s’est appuyé au point 75 de l’arrêt attaqué seraient erronées. D’une part, le fait que l’entente visée par la décision de l’AGCM de 2017 était différente de celle visée par la décision litigieuse serait dénué de pertinence. D’autre part, la prémisse selon laquelle la décision de l’AGCM de 2017 ne pouvait pas influencer cette autorité, car cette décision avait été annulée par une juridiction italienne, serait également erronée. En effet, cette annulation serait postérieure à l’audition du 23 avril 2018, puisqu’elle résulterait d’un jugement du 12 juin 2018 du Tribunale amministrativo regionale per il Lazio (tribunal administratif régional pour le Latium, Italie). Dans ces conditions, la requérante estime que l’AGCM avait intérêt, lors de cette audition, à confirmer les griefs de la Commission. En outre, lorsque, les 27 juin et 1er juillet 2019, l’AGCM a rendu son avis dans le cadre du comité consultatif, l’appel qu’elle avait interjeté contre ce jugement était encore pendant.

48      En troisième lieu, après les arrêts de 2014, la Commission n’aurait eu aucune raison de se laisser influencer par un éventuel avis contraire du comité consultatif.

49      Par ailleurs, la requérante fait valoir que le Tribunal a omis de statuer sur son argumentation prise de la violation de la présomption d’innocence, figurant aux points 123 à 127 de la requête en première instance. Le Tribunal avait constaté, dans l’arrêt du 9 décembre 2014, Ferriere Nord/Commission (T-90/10, EU:T:2014:1035), que la requérante avait participé à l’entente visée par la décision litigieuse, ce que les représentants des autorités de concurrence des États membres n’auraient pu ignorer, ni lors de l’audition du 23 avril 2018 ni lors de leurs interventions subséquentes au sein du comité consultatif.

50      La Commission fait valoir que cette argumentation est irrecevable, car elle est, pour partie, trop imprécise et pour partie, nouvelle. Elle serait en tout état de cause non fondée.

-       Appréciation de la Cour

51      S’agissant de la recevabilité de la deuxième branche du premier moyen, il y a lieu de rappeler, d’une part, qu’il résulte de l’article 256, paragraphe 1, second alinéa, TFUE, de l’article 58, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne ainsi que de l’article 168, paragraphe 1, sous d), et de l’article 169, paragraphe 2, du règlement de procédure qu’un pourvoi doit indiquer de façon précise les points critiqués de l’arrêt dont l’annulation est demandée ainsi que les arguments juridiques qui soutiennent de manière spécifique cette demande, sous peine d’irrecevabilité du pourvoi ou du moyen concerné (arrêt du 11 janvier 2024, Foz/Conseil, C-524/22 P, EU:C:2024:23, point 26 et jurisprudence citée).

52      Ainsi, les éléments du pourvoi qui ne contiennent aucune argumentation visant spécifiquement à identifier l’erreur de droit dont serait entaché l’arrêt attaqué ne répondent pas à cette exigence et doivent être écartés comme étant irrecevables (arrêt du 22 juin 2023, YG/Commission, C-818/21 P, EU:C:2023:511, point 105 et jurisprudence citée).

53      D’autre part, un requérant est recevable à former un pourvoi en faisant valoir, devant la Cour, des moyens et des arguments nés de l’arrêt attaqué lui-même et qui visent à en critiquer le bien-fondé en droit (arrêt du 6 juillet 2023, BEI et Commission/ClientEarth, C-212/21 P et C-223/21 P, EU:C:2023:546, point 96 ainsi que jurisprudence citée).

54      En l’espèce, si la requérante vise, dans l’intitulé du premier moyen, et en ce qui concerne l’audition du 23 avril 2018 et l’avis du comité consultatif, la violation de l’article 266 TFUE et de l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »), elle n’explique pas les raisons pour lesquelles ces dispositions pourraient étayer un grief pris du manque d’impartialité des membres du comité consultatif et de la Commission, contrairement à la jurisprudence citée au point 51 du présent arrêt. Il s’ensuit que cette branche doit être rejetée comme étant irrecevable en ce qu’elle est prise de la violation desdites dispositions.

55      En revanche, le grief pris de la violation du principe de la présomption d’innocence, consacré à l’article 48, paragraphe 1, de la Charte et à l’article 6, paragraphe 2, de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 (ci-après la « CEDH »), est exposé d’une manière suffisamment claire pour comprendre que la requérante soutient que le Tribunal a omis de statuer sur une partie de son recours en première instance. Ce grief est donc recevable.

56      Par ailleurs, la requérante faisait valoir devant le Tribunal que, compte tenu de la décision de l’AGCM de 2017, les représentants de l’AGCM qui ont participé à l’audition du 23 avril 2018 et aux travaux du comité consultatif relatifs à l’adoption de la décision litigieuse ne pouvaient pas être considérés comme étant objectifs et impartiaux. Or, il ressort du point 75 de l’arrêt attaqué que le Tribunal a écarté cette allégation au motif que la décision de l’AGCM de 2017 a ultérieurement été annulée par un jugement du 12 juin 2018 du Tribunale amministrativo regionale per il Lazio (tribunal administratif régional pour le Latium). Dès lors, conformément à la jurisprudence visée au point 53 du présent arrêt, la requérante est recevable, dans le cadre de son pourvoi, à contester cette appréciation, en faisant valoir que la date de ce jugement était pertinente.

57      Quant au fond, il convient de relever que le Tribunal a, tout d’abord, rappelé, aux points 64 à 66 de l’arrêt attaqué, que l’arrêt du 9 décembre 2014, Ferriere Nord/Commission (T-90/10, EU:T:2014:1035), ayant été annulé par la Cour, il a disparu de l’ordre juridique de l’Union. Ensuite, il a jugé, aux points 71 et 72 de l’arrêt attaqué, que « la connaissance possible d’une solution antérieurement adoptée et, le cas échéant, confirmée dans un arrêt du Tribunal annulé par la suite par la Cour sur pourvoi est inhérente à l’obligation de tirer les conséquences d’une annulation ». Selon le Tribunal, considérer que cette connaissance puisse « faire obstacle, par elle-même, à une reprise de la procédure » serait incompatible avec l’article 266 TFUE qui, en cas d’annulation sur le fondement de l’article 263 TFUE, impose aux institutions, aux organes ou aux organismes de l’Union de prendre les mesures que comporte l’exécution des arrêts rendus à leur égard, sans pour autant les affranchir de la mission consistant à assurer, dans les domaines relevant de leur compétence, l’application du droit de l’Union. Enfin, le Tribunal a considéré, au point 73 de cet arrêt, que, dans de telles circonstances, une reprise de la procédure ne serait interdite que si, par des indices concrets, la requérante pouvait établir que l’impartialité des représentants des autorités de concurrence des États membres et de la Commission « a été réellement affectée d’une manière négative ».

58      Cette appréciation n’est entachée d’aucune erreur de droit.

59      Il convient de rappeler, à cet égard, que le droit à une bonne administration, consacré à l’article 41 de la Charte, prévoit que toute personne a le droit, notamment, de voir ses affaires traitées impartialement par les institutions de l’Union. Cette exigence d’impartialité recouvre, d’une part, l’impartialité subjective, en ce sens qu’aucun membre de l’institution concernée qui est en charge de l’affaire ne doit manifester de parti pris ou de préjugé personnel et, d’autre part, l’impartialité objective, en ce sens que cette institution doit offrir des garanties suffisantes pour exclure à cet égard tout doute légitime (arrêt du 1er février 2024, Scania e.a./Commission, C-251/22 P, EU:C:2024:103, point 70 ainsi que jurisprudence citée).

60      En l’occurrence, exception faite du cas de l’AGCM, l’argumentation de la requérante ne vise que l’impartialité objective des représentants des autorités de concurrence des États membres et de la Commission.

61      Or, à supposer même que l’exigence d’impartialité, telle qu’elle découle de l’article 41 de la Charte, s’applique également en ce qui concerne les représentants des autorités de concurrence des États membres, lorsqu’ils prennent part à une audition et lorsqu’ils contribuent à l’avis à émettre par le comité consultatif sur un projet de décision de la Commission en matière de concurrence, la seule connaissance, de la part de ces représentants, d’une décision antérieure de la Commission, confirmée dans un arrêt du Tribunal et annulée par la suite par la Cour, ne saurait suffire, en soi et en l’absence de tout autre élément objectif, à susciter un doute légitime, aux yeux de tiers, quant à l’existence d’éventuels préjugés de la part desdits représentants. En effet, les membres du comité consultatif, lorsqu’ils participent à une audition et contribuent à l’élaboration de l’avis de ce comité sur un projet de décision de la Commission en matière de concurrence, ne sont pas tenus de prendre en compte une telle décision antérieure. La seule connaissance d’une telle décision ne saurait donc, en soi, susciter un doute légitime quant à l’existence d’un préjugé éventuel de la part des membres dudit comité.

62      Il en va de même, à plus forte raison, en ce qui concerne la Commission. En effet, l’argumentation de la requérante, si elle devait être accueillie, aurait pour conséquence d’interdire à cette institution de reprendre la procédure après l’annulation d’une décision par le Tribunal ou par la Cour, ne fût-ce que dans une situation telle que celle en cause en l’espèce, et cela même en l’absence d’indices concrets susceptibles de donner lieu à un doute légitime concernant son impartialité. Une telle interdiction serait, ainsi que le Tribunal l’a relevé à juste titre, incompatible avec l’article 266 TFUE qui, en cas d’annulation d’un acte, impose aux institutions, aux organes ou aux organismes de l’Union dont émane cet acte de prendre les mesures que comporte l’exécution des arrêts rendus à leur égard, sans exclure la possibilité d’adopter un nouvel acte, dépourvu des vices constatés par le juge de l’Union. En outre, une telle solution empêcherait la Commission d’exécuter sa mission consistant à assurer, dans les domaines relevant de sa compétence, l’application du droit de la concurrence de l’Union.

63      S’agissant du prétendu manque d’impartialité de l’AGCM, la requérante fait valoir que cette autorité s’était appuyée sur la décision de 2009 et les arrêts de 2014 lorsqu’elle a adopté la décision de l’AGCM de 2017.

64      Or, il ressort des preuves invoquées par la requérante à cet égard que la décision de 2009 et les arrêts de 2014, bien que mentionnés dans la décision de l’AGCM de 2017, ne constituent pas l’un des fondements de cette décision. En outre, les allégations de la requérante relatives au manque d’objectivité ou d’impartialité de l’AGCM n’étaient pas exposées de manière claire dans sa requête en première instance. Dans ces conditions, le Tribunal n’a ni dénaturé les faits et les éléments de preuve ni omis de statuer sur l’argumentation de la requérante.

65      S’agissant du grief selon lequel le Tribunal aurait omis de statuer sur l’argumentation prise de la violation du principe de la présomption d’innocence, il convient de relever que la requérante faisait valoir, en première instance, que le Tribunal ayant, dans l’arrêt du 9 décembre 2014, Ferriere Nord/Commission (T-90/10, EU:T:2014:1035), déjà constaté sa participation à l’entente, les représentants des autorités de concurrence des États membres n’étaient pas, lors de l’audition du 23 avril 2018 et des travaux subséquents du comité consultatif, en mesure de présumer son innocence. Ce grief se confondait donc avec l’argumentation par laquelle la requérante soutenait plus généralement que ces autorités manquaient d’impartialité. Or, le Tribunal ayant rejeté cette argumentation dans son ensemble, il n’était pas tenu de se prononcer de manière spécifique sur ledit grief. Il convient de relever, à cet égard, que la requérante n’avait invoqué aucun argument visant à compléter de manière spécifique son grief relatif au respect de la présomption d’innocence.

66      Il s’ensuit que la première branche du premier moyen doit être rejetée comme étant, en partie, irrecevable et, en partie, non fondée.

 Sur la deuxième branche

-       Argumentation des parties

67      Par la deuxième branche du premier moyen, la requérante soutient que le Tribunal, en rejetant, aux points 79 à 157 de l’arrêt attaqué, son argumentation tirée du caractère incomplet de l’audition du 23 avril 2018, faute pour la Commission d’avoir invité Riva, Leali, IRO, Lucchini, la Fédération et l’Ansfer, a commis des erreurs de droit. En particulier, le Tribunal aurait répondu de manière erronée à la question de savoir si la Commission, en ce qui concerne cette audition, avait, d’une quelconque manière autre que la violation d’une règle qui s’imposait à elle, entravé les droits de la défense de la requérante.

68      En premier lieu, s’agissant de Riva, la requérante fait valoir que cette entreprise destinataire de la décision litigieuse a été contrainte de renoncer à participer à l’audition du 23 avril 2018. En effet, en raison du temps écoulé depuis les faits en cause, aucun des employés de Riva n’aurait été en mesure d’opposer des éléments utiles aux griefs de la Commission. La requérante souligne que ce n’est pas l’absence de Riva lors de l’audition du 23 avril 2018 qui est à l’origine de l’atteinte à ses droits de la défense mais la durée anormalement longue de la procédure. Par voie de conséquence, cette durée excessivement longue aurait empêché le comité consultatif d’entendre Riva et d’acquérir une vision complète du contexte et des moyens de défense se rapportant à l’entente que la Commission entendait sanctionner.

69      En deuxième lieu, s’agissant de la situation des entreprises et des associations qui, selon la requérante, auraient dû être invitées à l’audition du 23 avril 2018 en leur qualité de tiers intéressés, conformément à l’article 27, paragraphe 3, deuxième phrase, du règlement no 1/2003 et de l’article 13, paragraphes 1 et 2, du règlement no 773/2004, la requérante soutient, d’une part, que le Tribunal a rejeté, au point 102 de l’arrêt attaqué, son argumentation relative à l’atteinte aux droits de la défense résultant de l’absence de Leali, d’IRO et de la Fédération, en se fondant sur des considérations dénuées de pertinence.

70      D’autre part, la requérante soutient que le Tribunal a, à tort, considéré que la Commission avait valablement estimé que Lucchini et l’Ansfer n’avaient pas la qualité de tiers intéressé.

71      L’appréciation du Tribunal relative à Lucchini serait arbitraire, rigide et formaliste. En effet, elle ne permettrait pas de comprendre pourquoi la demande de Lucchini visant à être autorisée, en tant que partie à la procédure, à participer à l’audition du 23 avril 2018 ne pouvait pas être interprétée en ce sens que cette entreprise souhaitait être invitée en tant que tiers intéressé.

72      En ce qui concerne la qualité de tiers intéressé de l’Ansfer, la requérante soutient que le Tribunal a statué de manière contradictoire, dénaturé et apprécié les faits de manière arbitraire. Elle invoque, à cet égard, trois griefs.

73      Premièrement, les motifs énoncés aux points 126 à 128 de l’arrêt attaqué seraient contradictoires. En effet, après avoir constaté qu’il serait légitime qu’une entité dont la qualité de tiers intéressé a été reconnue à un stade antérieur de la procédure conserve cette qualité tout au long de la procédure, le Tribunal a examiné si, en l’espèce, l’Ansfer avait pu conserver ce statut.

74      Deuxièmement, en considérant, au point 129 de l’arrêt attaqué, que « l’intérêt manifesté par l’Ansfer pour participer à la procédure n’a pas été maintenu tout au long de cette dernière », le Tribunal aurait dénaturé le considérant 110 de la décision litigieuse par lequel la Commission a conféré à l’Ansfer la qualité de tiers intéressé. En outre, le Tribunal aurait limité, au point 124 de cet arrêt, la portée du grief de première instance à la situation procédurale de l’Ansfer au cours de l’année 2002.

75      Le Tribunal aurait également méconnu l’article 13, paragraphes 1 et 2, du règlement no 773/2004, en vertu duquel la Commission est tenue d’informer les tiers intéressés de la nature et de l’objet de la procédure et les invite, s’ils en font la demande dans leurs observations écrites, à développer leurs arguments lors de l’audition des parties auxquelles une communication des griefs a été adressée. Or, il serait constant que la Commission n’a pas informé l’Ansfer de la reprise de la procédure administrative en décembre 2017 ni ne l’a invitée à participer à l’audition du 23 avril 2018.

76      Par ailleurs, le Tribunal aurait méconnu l’article 5, paragraphes 1 et 2, et l’article 6, paragraphe 2, de la décision 2011/695/UE du président de la Commission européenne, du 13 octobre 2011, relative à la fonction et au mandat du conseiller-auditeur dans certaines procédures de concurrence (JO 2011, L 275, p. 29).

77      Troisièmement, à supposer même que le Tribunal ait été fondé à considérer qu’il était nécessaire d’apprécier si l’Ansfer avait pu conserver son statut de tiers intéressé, le raisonnement figurant aux points 132 à 135 de l’arrêt attaqué, sur le fondement duquel le Tribunal a conclu que tel n’était pas le cas, et qui s’appuyait notamment sur certains faits spécifiques, ne serait ni logique ni décisif.

78      En effet, tout d’abord, selon la requérante, l’Ansfer n’a pas participé à l’audition du 30 septembre 2002, car celle-ci concernait non pas le fond de l’affaire, mais uniquement la question des conséquences juridiques de l’expiration du traité CECA. Le fait que cette association n’a pas pris la parole au cours de l’audition du 13 juin 2002 serait dénué de pertinence, en l’absence d’obligation en ce sens des participants. Ensuite, le fait que les observations écrites de l’Ansfer ont été versées au dossier et reprises par la suite dans le projet de décision litigieuse ne serait nullement décisif, étant donné que, autrement, il ne serait même pas nécessaire d’inviter les parties à une nouvelle audition. Enfin, l’appréciation, au point 133 de l’arrêt attaqué, selon laquelle il serait dans l’intérêt d’une bonne administration « d’éviter une multiplication d’intervenants » ne serait pas compréhensible, étant donné que les entités présentes à l’audition du 23 avril 2018 auraient été peu nombreuses.

79      En tout état de cause, les considérations qui précèdent mettraient clairement en évidence le caractère arbitraire de l’appréciation de la Commission, telle que validée par le Tribunal.

80      En troisième lieu, s’agissant de la situation des autres tiers, visés par l’article 27, paragraphe 3, première phrase, du règlement no 1/2003 et par l’article 13, paragraphe 3, du règlement no 773/2004, c’est-à-dire des personnes autres que les destinataires de la communication des griefs et les tiers intéressés, tels que Leali, IRO et la Fédération, la requérante fait valoir que le Tribunal a enfreint ces dispositions.

81      Il en irait de même en ce qui concerne Lucchini. En effet, certains destinataires des décisions de 2002 et de 2009 ayant entre-temps disparu après avoir été mis en faillite, d’autres étaient restés en dehors de la procédure d’adoption de la décision litigieuse, faute d’avoir attaqué la décision de 2002 ou les arrêts de 2014. Dans ces conditions, la Commission aurait été tenue de faire droit à la demande de Lucchini visant à participer à l’audition du 23 avril 2018. Le refus de la Commission aurait violé les droits de la défense des entreprises visées par l’enquête, lesquelles ont été privées de la possibilité d’utiliser en leur faveur le témoignage de Lucchini. En outre, l’absence de cette entreprise aurait porté atteinte aux prérogatives des membres du comité consultatif représentant les autorités de concurrence des États membres. La Commission aurait ainsi exercé son pouvoir d’appréciation à l’égard de Lucchini de manière arbitraire, ce que le Tribunal aurait omis de constater.

82      Pour des raisons analogues, la requérante soutient que la Commission était tenue d’inviter l’Ansfer à participer à l’audition du 23 avril 2018 en tant qu’autre tiers, la Commission ayant exercé son pouvoir d’appréciation de manière arbitraire également à l’égard de cette association.

83      La Commission soutient que l’argumentation de la requérante est irrecevable à plusieurs égards. Premièrement, cette argumentation viserait, en substance, à obtenir de la Cour une nouvelle appréciation des faits et des éléments de preuve produits en première instance. Deuxièmement, elle ne reposerait sur aucun grief spécifique mais se limiterait à exprimer des doutes. Troisièmement, elle serait trop générale et ne viserait spécifiquement aucune erreur de droit. Quatrièmement, les griefs, tirés d’un prétendu exercice arbitraire, par la Commission, de son pouvoir d’appréciation, seraient nouveaux. En tout état de cause, l’argumentation de la requérante serait non fondée.

-       Appréciation de la Cour

84      À titre liminaire, il y a lieu de relever que la requérante souligne que, indépendamment de la question de savoir si les entreprises et associations en cause étaient en droit de participer à une audition avant que la décision litigieuse ne puisse être adoptée, la tenue de l’audition du 23 avril 2018, en présence des autorités de concurrence des États membres, n’aurait pas permis à ces dernières de disposer d’une vision complète du contexte et des moyens de défense relatifs à l’entente que la Commission entendait sanctionner, ce qui aurait porté atteinte aux droits de la défense de la requérante. Il ressort toutefois de son argumentation que la requérante fait également valoir que, en n’invitant pas certaines entreprises ou associations à participer à cette audition, la Commission a violé les règles procédurales afférentes aux auditions.

85      S’agissant, en premier lieu, de la situation de Riva, la requérante ne conteste pas le constat du Tribunal, figurant au point 93 de l’arrêt attaqué, selon lequel cette entreprise n’a pas demandé à participer à l’audition du 23 avril 2018. La requérante ne fournit, contrairement aux exigences qui découlent de la jurisprudence citée au point 52 du présent arrêt, aucune argumentation visant spécifiquement à identifier l’erreur de droit dont serait entaché l’arrêt attaqué. La deuxième branche du premier moyen doit donc être rejetée comme étant irrecevable dans la mesure où elle vise la situation de Riva.

86      En ce qui concerne, en deuxième lieu, la situation des entreprises et des associations susceptibles d’être considérées comme étant des tiers intéressés, il y a lieu de relever, premièrement, que, bien que la requérante conteste la pertinence du motif exposé au point 102 de l’arrêt attaqué, selon lequel la Commission, en n’invitant pas Leali, IRO et la Fédération à participer à l’audition du 23 avril 2018 en tant que tiers intéressés, n’avait pas enfreint les droits de la défense de la requérante, cette dernière n’invoque aucune erreur de droit à cet égard.

87      Deuxièmement, s’agissant de Lucchini, le Tribunal a relevé, au point 103 de l’arrêt attaqué, que, après la reprise de la procédure le 15 décembre 2017, cette entreprise avait demandé à la Commission l’autorisation de participer à l’audition du 23 avril 2018 non pas en qualité de tiers intéressé, mais en tant que partie à cette procédure, au même titre, notamment, que la requérante. Le Tribunal a considéré, d’une part, que la Commission n’avait pas commis d’erreur en rejetant la demande de Lucchini, et, d’autre part, que cette dernière n’avait pas fait valoir, par la suite, qu’elle pouvait être invitée à l’audition en qualité de tiers intéressé. Le Tribunal, au point 104 de cet arrêt, a déduit de ces constats que la Commission, en s’abstenant d’inviter Lucchini à participer à l’audition du 23 avril 2018, n’avait pas violé une règle procédurale pouvant avoir une incidence sur l’exercice, par la requérante, de ses droits de la défense.

88      À cet égard, la requérante ne précise pas les arguments juridiques sur le fondement desquels elle critique ces points de l’arrêt attaqué, mais se borne à demander à la Cour de réexaminer les arguments qu’elle avait déjà présentés au Tribunal et de procéder à une nouvelle appréciation des faits sans invoquer de dénaturation.

89      Or, conformément à l’article 256, paragraphe 1, TFUE et à l’article 58, premier alinéa, du statut de la Cour de justice, le pourvoi est limité aux questions de droit. Le Tribunal est seul compétent pour constater et apprécier les faits pertinents ainsi que pour apprécier les éléments de preuve. L’appréciation de ces faits et éléments de preuve ne constitue donc pas, sous réserve du cas de leur dénaturation, une question de droit soumise, comme telle, au contrôle de la Cour dans le cadre d’un pourvoi (arrêt du 29 février 2024, Euranimi/Commission, C-95/23 P, EU:C:2024:177, point 84 et jurisprudence citée).

90      En outre, l’argumentation de la requérante selon laquelle la demande de Lucchini visant à participer à l’audition du 23 avril 2018 en tant que partie à la procédure aurait dû être interprétée en ce sens qu’elle visait également, à titre subsidiaire, à participer à cette audition en tant que tiers intéressé a été soulevée pour la première fois dans le cadre du présent pourvoi.

91      L’argumentation de la requérante tirée de ce que Lucchini aurait dû être invitée à l’audition du 23 avril 2018 en tant que tiers intéressé doit donc être rejetée comme étant irrecevable, eu égard à la jurisprudence citée aux points 38 et 89 du présent arrêt.

92      Troisièmement, s’agissant de l’Ansfer, il y a lieu de rappeler que le Tribunal, au point 130 de l’arrêt attaqué, a énuméré certains faits non contestés par la requérante, à savoir, notamment, que, en 2002, l’Ansfer, ayant appris l’ouverture de la procédure menée par la Commission, avait demandé à être autorisée à participer à l’audition du 13 juin 2002 en tant que tiers intéressé ; que cette demande avait été acceptée par la Commission ; que l’Ansfer s’était présentée à ladite audition, où, sans que son représentant y prit la parole, elle avait déposé des observations écrites, et que, sur cette base, l’Ansfer avait été invitée à participer à l’audition du 30 septembre 2002, relative aux conséquences de l’expiration du traité CECA mais qu’elle n’avait pas répondu à cette invitation et ne s’était pas davantage présentée lors de cette audition.

93      C’est en s’appuyant sur ces faits que le Tribunal a jugé, au point 135 de l’arrêt attaqué, que la Commission avait pu considérer que l’Ansfer avait renoncé à participer à la procédure ou, à tout le moins, ne souhaitait pas développer davantage ses arguments lors de l’audition du 23 avril 2018.

94      Aucun des trois griefs invoqués par la requérante contre cette appréciation et résumés aux points 73 à 79 du présent arrêt ne saurait prospérer.

95      Contrairement à ce que la requérante fait valoir par son premier grief, le raisonnement du Tribunal exposé aux points 126 à 128 de l’arrêt attaqué ne révèle aucune contradiction. En effet, après avoir confirmé, aux points 126 et 127 de cet arrêt, le principe selon lequel une entité à laquelle le statut de tiers intéressé a été reconnu conserve ce statut tout au long de la procédure, même si celle-ci a été interrompue par des procédures juridictionnelles ayant donné lieu à des arrêts d’annulation, le Tribunal a souligné, au point 128 dudit arrêt, qu’il y avait lieu de déterminer si, eu égard aux faits de l’espèce, il en était autrement dans le cas de l’Ansfer.

96      En ce qui concerne le deuxième grief de la requérante, certes, le constat opéré au point 129 de l’arrêt attaqué et résumé au point 74 du présent arrêt, selon lequel la requérante aurait reconnu que l’Ansfer n’avait pas maintenu son intérêt pour participer à la procédure pendant toute la durée de cette procédure, ne reflète pas exactement l’argumentation de la requérante en première instance. En effet, cette dernière soutenait que l’Ansfer avait maintenu ce statut et aurait, dès lors, dû être invitée à participer à l’audition du 23 avril 2018.

97      Néanmoins, il ressort du contexte dans lequel s’inscrit ce constat que le Tribunal n’a pas dénaturé la substance de l’argumentation de la requérante. En effet, aux points 123 et 125 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a rappelé que la requérante avait fait valoir que l’Ansfer avait obtenu le statut de tiers intéressé et ne l’avait pas perdu au cours de la procédure.

98      Au point 129 de l’arrêt attaqué, l’incise « sans que cela soit contesté par la requérante » peut être comprise comme se rapportant aux faits énumérés au point 130 de cet arrêt et résumés au point 92 du présent arrêt. Or, ces faits n’étaient effectivement pas contestés par la requérante. L’erreur alléguée par la requérante procède donc d’une lecture erronée de l’arrêt attaqué et n’est pas de nature à entraîner l’annulation du dispositif de cet arrêt.

99      En outre, la requérante soutient que le Tribunal, au point 129 de l’arrêt attaqué, a dénaturé le considérant 110 de la décision litigieuse. Toutefois, cet argument procède d’une lecture erronée de ce considérant. En effet, ledit considérant se limite à constater que le conseiller-auditeur avait, à un certain moment, considéré que l’Ansfer était un tiers intéressé, mais ne se prononce pas sur la question de savoir si cette association, après la reprise de la procédure, conservait ce statut notamment en vue de l’audition du 23 avril 2018.

100    Par ailleurs, la requérante soutient que le Tribunal, au point 124 de l’arrêt attaqué, a dénaturé son argumentation en première instance en en réduisant sa portée à la seule situation procédurale qui existait au cours de l’année 2002. Toutefois, au point 125 de cet arrêt, le Tribunal a précisé que la requérante avait fait valoir que le statut de tiers intéressé reconnu à l’Ansfer aurait dû amener la Commission à inviter cette association à l’audition du 23 avril 2018. L’argument de la requérante repose donc sur une lecture erronée de l’arrêt attaqué.

101    Dans ce contexte, l’argumentation de la requérante ne saurait être comprise en ce sens qu’elle vise également à contester les motifs par lesquels le Tribunal a considéré que la Commission avait pu ne pas informer l’Ansfer de la reprise de la procédure administrative au mois de décembre 2017. En effet, ces motifs, qui figurent aux points 108 à 122 de l’arrêt attaqué, ne sont pas critiqués par le pourvoi, la requérante se bornant à soutenir que lesdits motifs sont dénués de pertinence.

102    Il convient également de relever que la requérante s’est limitée à affirmer que le Tribunal a méconnu les dispositions de l’article 5, paragraphes 1 et 2, et de l’article 6, paragraphe 2, de la décision 2011/695 relative au conseiller-auditeur, sans toutefois indiquer de façon précise les points de l’arrêt attaqué qu’elle entendait ainsi critiquer ainsi que les arguments juridiques qui soutiennent de manière spécifique cette critique, en méconnaissance des dispositions visées au point 51 du présent arrêt.

103    Contrairement à ce que soutient la requérante, l’appréciation effectuée par le Tribunal au point 133 de l’arrêt attaqué, selon laquelle il était dans l’intérêt d’une bonne administration d’éviter une multiplication d’intervenants, n’est pas dépourvue de sens. Il ressort en effet du point 134 de cet arrêt que c’était au regard de cette appréciation que le Tribunal a relevé que l’Ansfer avait été invitée à participer à des auditions au cours de l’année 2002 en tant que tiers intéressé. En revanche, il ne ressort pas de l’arrêt attaqué que le Tribunal s’est fondé sur cette appréciation pour juger que la Commission n’avait pas commis d’erreur en considérant que l’Ansfer avait perdu ce statut par la suite.

104    S’agissant du troisième grief, le Tribunal n’a commis aucune erreur de droit en considérant qu’une entité qui a été reconnue en tant que tiers intéressé peut ensuite perdre ce statut, notamment en fonction de son comportement.

105    La requérante, sous couvert d’invoquer une erreur de droit, demande en réalité à la Cour de procéder à une nouvelle appréciation des faits mentionnés au point 92 du présent arrêt, sans alléguer leur dénaturation. Conformément aux dispositions rappelées au point 89 du présent arrêt, ce troisième grief doit donc être rejeté comme étant irrecevable.

106    Par ailleurs, en critiquant le caractère arbitraire de l’appréciation de la situation de l’Ansfer par la Commission, la requérante soulève dans le cadre du présent pourvoi un argument juridique nouveau qui doit, dès lors, être rejeté comme étant irrecevable, en application des règles relatives à la procédure de pourvoi qui ont été rappelées au point 38 du présent arrêt.

107    S’agissant, en troisième lieu, de la situation d’autres tiers, la requérante soutient que le Tribunal, en validant la décision de la Commission de ne pas inviter, en cette qualité, Leali, IRO, Lucchini, la Fédération et l’Ansfer à l’audition du 23 avril 2018, a fait une erreur d’application de l’article 27, paragraphe 3, première phrase, du règlement no 1/2003 et de l’article 13, paragraphe 3, du règlement no 773/2004.

108    Ces dispositions prévoient, ainsi qu’il ressort de leur libellé, la possibilité, et non l’obligation, pour la Commission, d’une part, d’entendre des personnes physiques ou morales autres que les personnes visées par la procédure et les tiers intéressés et, d’autre part, de les inviter à exprimer leur point de vue par écrit et à assister à l’audition des parties auxquelles une communication des griefs a été adressée. Il s’ensuit, ainsi que le Tribunal l’a relevé au point 149 de l’arrêt attaqué, que la Commission dispose d’une marge d’appréciation pour déterminer si la participation de ces tiers peut être utile. Partant, la violation de ces dispositions ne saurait être constatée que s’il était établi que la Commission avait manifestement dépassé les limites de son pouvoir d’appréciation.

109    Or, la requérante ne fait pas valoir que tel était le cas s’agissant de Leali, d’IRO et de la Fédération.

110    Certes, la requérante soutient que la Commission aurait exercé son pouvoir d’appréciation de manière arbitraire à l’égard de Lucchini et de l’Ansfer. Toutefois, cette argumentation ayant été soulevée pour la première fois dans le cadre du présent pourvoi, elle doit être considérée comme étant irrecevable, eu égard à la jurisprudence citée au point 38 du présent arrêt.

111    La requérante fait encore valoir que le Tribunal, en omettant d’examiner si la Commission avait, d’une quelconque manière autre que par la violation d’une règle qui s’imposait à elle, entravé ses droits de la défense, a commis une erreur de droit. Il y a lieu de relever que, au point 156 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a jugé que la requérante n’avait « pas établi avoir été entravée dans l’exercice de ses droits de la défense indépendamment de la violation d’une règle, en raison de l’absence d’une entreprise ou d’un tiers lors de l’audition [du 23 avril 2018] ».

112    Une telle entrave dans l’exercice de ses droits de la défense n’a pas non plus été établie par la requérante dans son pourvoi.

113    Certes, la présence de Leali, d’IRO, de Lucchini, de la Fédération et de l’Ansfer à cette audition aurait pu être utile en ce sens qu’elle aurait pu fournir au comité consultatif une vision plus complète du contexte et des moyens de défense se rapportant à l’entente. Toutefois, cette considération hypothétique ne suffit pas à démontrer l’existence d’une violation des droits de la défense de la requérante.

114    Il s’ensuit que la deuxième branche du premier moyen doit être rejetée comme étant, en partie, irrecevable et, en partie, non fondée.

 Sur la quatrième branche

-       Argumentation des parties

115    Par la quatrième branche du premier moyen, la requérante fait valoir que, en jugeant, aux points 163 à 195 de l’arrêt attaqué, d’une part, que les deux membres du comité consultatif qui n’avaient pas participé à l’audition du 23 avril 2018 disposaient des éléments nécessaires pour statuer en pleine connaissance de cause, même sans l’enregistrement de l’audition et, d’autre part, que l’absence, lors de l’audition, de l’autorité de concurrence rapporteure ne viciait pas l’avis de ce comité, le Tribunal a commis une erreur de droit.

116    Au point 185 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a rappelé que, selon la jurisprudence, lorsque des éléments d’appréciation importants et inédits n’ont pas été communiqués au comité consultatif, ce dernier doit être considéré comme n’ayant pas été mis en mesure de rendre son avis en pleine connaissance de cause. De l’avis de la requérante, tel était le cas en l’espèce. La requérante soutient que ses observations orales lors de l’audition du 23 avril 2018 n’ont été que partiellement reprises dans les documents transmis au comité consultatif. Ainsi, elle aurait, lors de cette audition, notamment abordé la question de la situation contemporaine du secteur sidérurgique.

117    En omettant de comparer le contenu des annexes A.7 et E.1 produites dans le cadre de la procédure en première instance, le Tribunal aurait ainsi omis d’examiner des éléments de preuve ou, à tout le moins, dénaturé certaines pièces du dossier. Dans ces conditions, la requérante considère que, faute de disposer de l’enregistrement de l’audition, le comité consultatif n’a pas eu accès à des éléments d’appréciation importants et inédits.

118    S’agissant du grief tiré de l’absence, lors de l’audition, de l’autorité de concurrence rapporteure, la requérante prend acte de l’arrêt sur lequel le Tribunal s’est appuyé au point 194 de l’arrêt attaqué pour juger que la présence de cette autorité à l’audition n’était pas requise, tout en invitant la Cour à « éclaircir » ce point. Elle relève, à cet égard, que dans l’affaire ayant donné lieu à cet arrêt, les autorités de concurrence des États membres avaient reçu une copie du procès-verbal de l’audition, ce qui n’aurait pas été le cas dans la présente affaire. En outre, compte tenu de l’importance de l’autorité de concurrence rapporteure au sein du comité consultatif, il serait illogique de considérer que cette autorité puisse attester de la régularité d’une audition à laquelle elle n’a pas participé.

119    La Commission soutient que l’argumentation de la requérante est irrecevable et, en tout état de cause, dénuée de fondement.

-       Appréciation de la Cour

120    En premier lieu, la requérante allègue, en substance, avoir présenté oralement lors de l’audition du 23 avril 2018 des éléments importants et inédits. En l’absence de deux membres du comité consultatif lors de cette audition et faute d’avoir disposé d’un enregistrement, ce comité n’aurait pas rendu son avis en pleine connaissance de cause.

121    Il convient de relever que, au point 186 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a constaté que, en l’espèce, la requérante n’avait pas allégué que l’absence de communication de l’enregistrement de cette audition aurait été de nature à induire en erreur le comité consultatif sur des points essentiels et qu’elle n’avait fourni aucune indication relative à l’existence d’une éventuelle divergence entre ses réponses écrites aux communications des griefs, telles qu’elles avaient été transmises au comité, et ses observations orales au cours de ladite audition.

122    La requérante n’a pas contesté ce point de l’arrêt attaqué dans son pourvoi. Il s’ensuit que l’argumentation prise d’une prétendue divergence entre sa présentation orale lors de l’audition du 23 avril 2018 et le contenu des documents en la possession du comité consultatif a été soulevée pour la première fois devant la Cour, et est donc irrecevable, conformément à la jurisprudence citée au point 38 du présent arrêt.

123    Certes, la requérante conteste le motif exposé au point 187 de l’arrêt attaqué, selon lequel l’examen du dossier n’avait révélé aucun indice de nature à mettre en doute le fait que le comité consultatif disposait, effectivement, lors de sa réunion, des éléments nécessaires à ses délibérations. Toutefois, sous couvert d’invoquer une dénaturation des éléments de preuve et des pièces de dossier, la requérante se borne en réalité à se référer d’une manière générale à deux documents figurant dans le dossier et à énumérer certaines questions prétendument nouvelles qu’elle aurait abordées lors de l’audition du 23 avril 2018, sans fournir aucune précision susceptible d’étayer l’existence d’une telle dénaturation. En particulier, la requérante affirme avoir abordé, lors de cette audition, la question de la situation contemporaine du secteur sidérurgique, également à la lumière de l’avis d’ouverture, publié au mois de mars 2018, d’une enquête en vue de l’adoption de mesures de sauvegarde concernant les importations de produits sidérurgiques. Toutefois, cette affirmation ne suffit pas à démontrer que ses déclarations orales lors de ladite audition comportaient des éléments d’appréciation importants et inédits par rapport au contenu des documents qui avaient été communiqués au comité consultatif.

124    En second lieu, la requérante se limite à demander à la Cour de fournir un « éclaircissement », sans toutefois faire valoir des arguments juridiques qui soutiennent de manière spécifique sa demande d’annulation de l’arrêt attaqué, contrairement à l’obligation qui lui incombait en vertu de la jurisprudence visée au point 51 du présent arrêt.

125    De même, la requérante fait valoir qu’il serait illogique de considérer que l’autorité de concurrence rapporteure puisse attester de la régularité d’une audition à laquelle elle n’a pas participé, sans fournir aucun argument juridique visant spécifiquement à remettre en cause les motifs exposés aux points 192 et 193 de l’arrêt attaqué.

126    Il s’ensuit que la quatrième branche du premier moyen et, partant, ce moyen dans sa totalité doivent être rejetés comme étant, en partie, irrecevables et, en partie, non fondés.

 Sur le cinquième moyen

 Argumentation des parties

127    Par son cinquième moyen, la requérante soutient que les motifs, exposés aux points 349 à 367 de l’arrêt attaqué, par lesquels le Tribunal a rejeté l’exception d’illégalité relative à l’article 25 du règlement no 1/2003 sont entachés d’erreurs de droit.

128    Premièrement, la requérante rappelle que cette disposition prévoit que, en cas d’interruption de la prescription, la prescription est acquise, au plus tard, dans un délai de dix ans. Or, en l’occurrence, en raison de la suspension de la prescription pendant les procédures judiciaires, la procédure serait restée ouverte plus de vingt ans après la cessation du comportement infractionnel, soit une durée supérieure « au double du double » du délai de prescription ordinaire. Cette circonstance prouverait que le législateur de l’Union n’a pas concilié équitablement les exigences de sécurité juridique et de respect du droit.

129    Deuxièmement, le raisonnement du Tribunal aurait pour effet de contraindre la requérante à accepter soit de faire l’objet d’une sanction illicite, soit de faire l’objet de poursuites illimitées dans le temps. Or, la Commission ne devrait pas pouvoir profiter de ses erreurs pour bénéficier d’une prorogation du délai qui lui est imparti pour prononcer des sanctions. Par ailleurs, le droit à la protection juridictionnelle ne devrait pas se retourner contre le justiciable en entraînant, à son détriment, l’imprescriptibilité de fait du pouvoir de sanction de la Commission.

130    Troisièmement, la requérante fait observer que, en cas de violation du délai raisonnable, les entreprises concernées peuvent demander l’annulation de la décision constatant une infraction, à condition que cette violation ait entravé l’exercice de leurs droits de la défense, ou introduire un recours en indemnité. De l’avis de la requérante, le seul remède susceptible d’assurer une pleine protection du principe du délai raisonnable consisterait toutefois en l’annulation de la décision adoptée en cas de violation manifeste de ce délai, et ce indépendamment de l’expiration du délai de prescription. Le considérant 37 du règlement no 1/2003, aux termes duquel ce règlement doit être interprété et appliqué dans le respect des droits fondamentaux et des principes reconnus par la Charte, ne serait nullement reflété par le libellé de l’article 25 de ce règlement.

131    Quatrièmement, s’agissant du principe de proportionnalité, la requérante allègue que le Tribunal s’est référé, notamment, à l’arrêt du 15 octobre 2002, Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission (C-238/99 P, C-244/99 P, C-245/99 P, C-247/99 P, C-250/99 P à C-252/99 P et C-254/99 P, EU:C:2002:582, point 144), alors que cet arrêt a été critiqué dans les conclusions de l’avocat général Bot dans l’affaire ThyssenKrupp Nirosta/Commission (C-352/09 P, EU:C:2010:635, points 183 à 185). Le Tribunal aurait omis de répondre à la proposition de la requérante qui l’invitait à adopter la solution préconisée dans ces conclusions.

132    Le Conseil et la Commission contestent l’argumentation de la requérante.

 Appréciation de la Cour

133    Ainsi que le Tribunal l’a rappelé au point 354 de l’arrêt attaqué, l’article 25 du règlement no 1/2003 résulte d’une conciliation effectuée par le législateur de l’Union, dans l’exercice des compétences qui lui sont conférées, entre deux objectifs, à savoir, d’une part, la nécessité d’assurer la sécurité juridique en évitant que puissent être indéfiniment mises en cause des situations consolidées avec l’écoulement du temps et, d’autre part, l’exigence d’assurer le respect du droit en poursuivant, en établissant et en sanctionnant les infractions au droit de la concurrence de l’Union.

134    À cet égard, et ainsi que le Tribunal l’a relevé aux points 355 et 356 de l’arrêt attaqué, le législateur de l’Union, en visant à concilier ces objectifs, n’a pas outrepassé les limites de sa marge d’appréciation. En effet, l’article 25, paragraphe 1, sous b), et l’article 25 paragraphe 5, du règlement no 1/2003 prévoient, s’agissant de la poursuite d’infractions aux articles 101 et 102 TFUE, que la prescription est acquise après un délai de cinq ans ou, dans le cas d’une interruption de la prescription, au plus tard le jour où un délai égal au double du délai de prescription arrive à expiration sans que la Commission ait prononcé une amende ou une astreinte. Il résulte de ces dispositions que le pouvoir de cette institution d’infliger des sanctions se trouve encadré par des limites strictes.

135    Le résultat de cette conciliation est également conforme au principe de proportionnalité, ainsi que le Tribunal l’a jugé aux points 359 à 366 de l’arrêt attaqué.

136    Il est vrai que, en cas de recours devant le juge de l’Union, le délai de prescription reste, conformément à l’article 25, paragraphe 6, du règlement no 1/2003, suspendu jusqu’au terme de cette procédure contentieuse. Ainsi que le Tribunal l’a relevé, en substance, au point 363 de l’arrêt attaqué, cette suspension protège la Commission contre l’effet de la prescription dans des situations dans lesquelles l’inaction de cette institution n’est pas la conséquence d’un manque de diligence de sa part. La possibilité que, en raison de telles périodes de suspension, la durée totale d’une procédure dépasse, comme en l’espèce, d’une manière substantielle, le délai de prescription fixé à l’article 25, paragraphe 1, sous b), du règlement no 1/2003 à cinq ou à dix ans, ou, en cas d’interruption de celui-ci, le délai de dix ans prévu à l’article 25, paragraphe 5, de ce règlement, ne permet pas de considérer que le législateur de l’Union a outrepassé les limites de sa marge d’appréciation.

137    Ainsi que le Tribunal l’a exposé, en substance, au point 356 de l’arrêt attaqué, les justiciables estimant avoir subi une procédure d’une durée déraisonnablement longue peuvent obtenir l’annulation de la décision adoptée au terme de cette procédure, à condition que cette durée ait eu pour résultat une violation des droits de la défense, ou, en l’absence d’une telle violation des droits de la défense, en introduisant un recours en indemnité devant le juge de l’Union.

138    Le fait que, en l’occurrence, la durée totale de la procédure excède vingt ans ne permet pas de considérer que l’article 25 du règlement no 1/2003 est entaché d’une illégalité.

139    Cette conclusion n’est pas remise en cause par les autres arguments invoqués par la requérante.

140    Premièrement, au vu des délais de prescription rappelés au point 134 du présent arrêt, et nonobstant la durée de la procédure en cause, la requérante ne saurait prétendre être exposée au risque de faire indéfiniment l’objet de poursuites par la Commission ou à une imprescriptibilité de fait du pouvoir de sanction de cette institution.

141    Deuxièmement, les difficultés auxquelles un justiciable pourrait se voir confronter lorsqu’il essaie de mettre en œuvre les remèdes visés au point 137 du présent arrêt, aussi importantes soient-elles, ne sauraient suffire pour considérer que seule l’annulation de la décision lui imposant une sanction constitue un remède effectif en cas de violation du principe du délai raisonnable, indépendamment de l’expiration du délai de prescription.

142    Troisièmement, la requérante se limite à faire valoir que le respect des droits fondamentaux et des principes reconnus par la Charte, bien que rappelé au considérant 37 du règlement no 1/2003, ne serait pas reflété par le libellé de l’article 25 de ce règlement, sans toutefois apporter la moindre précision à cet égard.

143    Quatrièmement, quant à la pertinence de l’interprétation préconisée aux points 183 à 185 des conclusions de l’avocat général Bot dans l’affaire ThyssenKrupp Nirosta/Commission (C-352/09 P, EU:C:2010:635), il suffit de rappeler, ainsi que la requérante le reconnaît d’ailleurs elle-même, qu’elle n’a pas été reflétée dans les termes de l’arrêt dans cette affaire ni, plus généralement, dans la jurisprudence de la Cour.

144    Enfin, pour autant que la requérante fait valoir que le Tribunal aurait dû, dans l’arrêt attaqué, se prononcer sur ce passage des conclusions de l’avocat général Bot dans l’affaire ThyssenKrupp Nirosta/Commission (C-352/09 P, EU:C:2010:635) et aurait donc omis de statuer à cet égard, il y a lieu de relever que ledit passage contenait une proposition portant non pas sur la validité des règles en cause mais sur leur interprétation. Partant, la position ainsi exprimée dans ces conclusions n’est, en toute hypothèse, pas susceptible d’étayer l’exception d’illégalité visé par le cinquième moyen.

145    Il s’ensuit que le cinquième moyen doit être rejeté comme étant non fondé.

 Sur le deuxième moyen

146    Par son deuxième moyen, la requérante conteste les motifs par lesquels le Tribunal, aux points 229 à 272 de l’arrêt attaqué, a considéré que le principe du délai raisonnable n’avait pas été enfreint.

147    Ce moyen est divisé en trois branches.

148    Par les deux premières branches, la requérante conteste, d’une part, les appréciations du Tribunal relatives à la durée de la procédure d’adoption de la décision de 2009 et de la décision litigieuse et, d’autre part, les appréciations relatives à la durée totale de la procédure qui, à la date d’adoption de cette dernière décision, aurait déjà été supérieure à 19 ans.

149    Par la troisième branche, elle conteste l’appréciation du Tribunal selon laquelle la durée de la procédure n’a pas porté atteinte à ses droits de la défense.

150    Ainsi que le Tribunal l’a rappelé, en substance, au point 215 de l’arrêt attaqué, la violation du principe du respect du délai raisonnable n’est susceptible de justifier l’annulation d’une décision prise à l’issue d’une procédure administrative fondée sur les articles 101 ou 102 TFUE que si elle emporte également une violation des droits de la défense de l’entreprise concernée (voir, en ce sens, arrêt du 9 juin 2016, PROAS/Commission, C-616/13 P, EU:C:2016:415, points 74 à 76 et jurisprudence citée).

151    Il s’ensuit que, ainsi que le Tribunal l’a relevé au point 230 de l’arrêt attaqué, la durée d’une procédure peut avoir pour conséquence l’annulation d’une décision attaquée si deux conditions sont satisfaites de manière cumulative, la première étant que cette longueur apparaisse comme ayant été déraisonnable et la seconde étant que le dépassement du délai raisonnable ait entravé l’exercice des droits de la défense.

152    C’est à la lumière de la seconde de ces conditions qu’il convient d’examiner la troisième branche du deuxième moyen.

 Argumentation des parties

153    Par la troisième branche du deuxième moyen, la requérante fait valoir que, contrairement aux appréciations effectuées aux points 266 à 272 de l’arrêt attaqué, la durée de la procédure a porté atteinte à ses droits de la défense et lui a occasionné un préjudice. En particulier, ce serait en raison de la durée excessive de cette procédure que la plupart des entités qui auraient pu apporter des éléments utiles à sa défense, y compris des éléments à décharge, n’ont pas été en mesure de prendre part à l’audition du 23 avril 2018. Si toutes les parties intéressées avaient pu être entendues sur le fond des griefs avant l’adoption de la décision de 2002, ou de la décision de 2009, la Commission aurait pu adopter une décision différente.

154    La Commission considère que cette argumentation est irrecevable et, en tout état de cause, non fondée.

 Appréciation de la Cour

155    Contrairement à ce que fait valoir la Commission, la requérante ne se limite pas à demander à la Cour de procéder à un nouvel examen de la requête de première instance et à une nouvelle appréciation des faits, sans identifier avec précision des erreurs commises dans l’arrêt attaqué. Toutefois, aux fins de démontrer que la durée de la procédure a entraîné une violation de ses droits de la défense, la requérante réitère l’argumentation soulevée dans le cadre de son premier moyen du présent pourvoi, lequel a été rejeté, au point 126 du présent arrêt, comme étant partiellement irrecevable et partiellement non fondé.

156    Dès lors, la troisième branche du deuxième moyen doit, elle aussi, être rejetée.

157    Il s’ensuit que l’une des deux conditions, visées au point 151 du présent arrêt, requises pour que la violation du principe du délai raisonnable puisse donner lieu à l’annulation d’une décision n’est pas remplie.

158    Partant, le deuxième moyen, fondé sur une violation du principe du délai raisonnable, doit être rejeté comme étant non fondé, sans qu’il soit nécessaire d’examiner les première et deuxième branches de ce moyen.

 Sur le troisième moyen

 Sur la première branche

-       Argumentation des parties

159    Par la première branche du troisième moyen, la requérante fait valoir que le Tribunal, en jugeant, aux points 275 à 296 de l’arrêt attaqué, que la Commission a suffisamment expliqué les raisons l’ayant conduite à adopter une nouvelle décision imposant une amende, a commis une erreur de droit.

160    Le Tribunal, aux points 282 à 287 de l’arrêt attaqué, aurait, en substance, considéré, premièrement, que la Commission avait indiqué que la durée de la procédure n’emportait pas de violation du principe du délai raisonnable et que les droits de la défense des entreprises n’avaient pas été violés, dès lors que, d’une part, ces dernières avaient pu présenter leurs observations sur la reprise de la procédure et que, d’autre part, elles avaient également exposé leurs arguments au cours de l’audition du 23 avril 2018 ; deuxièmement, que la Commission avait conclu que, après avoir procédé à une pondération de l’intérêt général à une application effective des règles de concurrence et du souci de mitiger les conséquences éventuelles des erreurs de procédure qu’elle avait commises, seule l’adoption de la décision litigieuse lui aurait permis de s’assurer que les auteurs de l’infraction ne resteraient pas impunis et seraient effectivement dissuadés d’adopter un comportement similaire à l’avenir, et, troisièmement, que cette institution avait décidé de réduire de 50 % le montant des amendes infligées, en vue de mitiger les conséquences négatives qui pourraient avoir été causées par la longueur de la procédure.

161    Selon la requérante, les première et troisième de ces considérations ne seraient pas pertinentes afin de vérifier le respect des dispositions de l’article 7, paragraphe 1, dernière phrase, du règlement no 1/2003, dont il résulterait que la Commission ne peut constater qu’une infraction au droit de la concurrence de l’Union a été commise dans le passé que lorsque la Commission a un intérêt légitime à le faire. La deuxième de ces considérations, visée aux points 284 à 286 de l’arrêt attaqué, ne constituerait pas un motif suffisant pour justifier l’appréciation du Tribunal, étant donné que, si seule l’imposition d’une sanction permettait à la Commission de garantir l’absence d’impunité des infractions aux règles de concurrence et de la récidive, le pouvoir discrétionnaire que lui confère ce règlement serait dépourvu de sens.

162    En toute hypothèse, la requérante estime que les motifs avancés par la Commission pour justifier l’adoption de la décision litigieuse et approuvés par le Tribunal ne sont pas fondés.

163    En premier lieu, le Tribunal aurait considéré à tort, au point 290 de l’arrêt attaqué, que, au considérant 567 de la décision litigieuse, la Commission avait répondu à l’argument de la requérante reprochant à cette dernière de ne pas avoir expliqué pourquoi, alors que le marché italien avait profondément changé par rapport à la période d’infraction retenue, il était nécessaire d’infliger à la requérante, en juillet 2019, une sanction en raison d’un comportement datant de plus de 30 ans. Or, ce considérant de la décision litigieuse, qui soulignerait l’effet dissuasif de la sanction, n’expliquerait pas pourquoi cet effet demeurait pertinent, alors que, en réalité, il ne l’aurait été que lors de l’ouverture de l’enquête de la Commission au cours de l’année 2000. Ledit considérant n’expliquerait pas non plus pourquoi l’effet dissuasif devrait être « particulièrement souhaitable » sur un marché tel que le marché italien des ronds à béton.

164    En deuxième lieu, le Tribunal aurait omis de constater le caractère générique de l’affirmation, émise au considérant 562 de la décision litigieuse, selon laquelle il importait d’empêcher les entreprises « de poursuivre ou de recommencer leur comportement anticoncurrentiel sans que soit constatée leur responsabilité passée dans l’infraction commise ».

165    La Commission conteste cette argumentation.

-       Appréciation de la Cour

166    Il convient de rappeler que, selon la jurisprudence de la Cour, la motivation des actes des institutions de l’Union exigée à l’article 296 TFUE doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, auteur de l’acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle (arrêt du 9 novembre 2023, Altice Group Lux/Commission, C-746/21 P, EU:C:2023:836, point 217 et jurisprudence citée).

167    En l’occurrence, le Tribunal n’a pas commis d’erreur de droit en jugeant, au point 288 de l’arrêt attaqué, que la Commission avait fourni une motivation approfondie faisant apparaître, d’une façon claire et non équivoque, le raisonnement qu’elle avait suivi pour justifier l’adoption d’une nouvelle décision imposant des sanctions malgré les deux annulations intervenues dans le passé.

168    En effet, les explications fournies à cet égard dans la décision litigieuse, et résumées par le Tribunal aux points 282 à 287 de l’arrêt attaqué, précisent, de manière suffisamment claire, les raisons ayant conduit la Commission à adopter une nouvelle décision imposant une amende.

169    À cet égard, il y a lieu, d’une part, de relever que le résumé de ces raisons par la requérante, mentionné au point 160 du présent arrêt, n’est pas complet, en ce qu’il omet de mentionner que le Tribunal, au point 285 de l’arrêt attaqué, a rappelé que, aux considérants 560 et 561 de la décision litigieuse, la Commission avait relevé que les entreprises destinataires de cette décision avaient participé, pendant onze ans, à une infraction considérée comme l’une des restrictions les plus sérieuses en matière de concurrence et que, dans un tel contexte, ne pas réadopter une décision constatant la participation de ces entreprises à ladite infraction serait contraire à l’intérêt général de garantir une application effective du droit de la concurrence de l’Union et irait au-delà de l’intérêt qu’il y aurait de mitiger les conséquences d’une éventuelle violation des droits fondamentaux subie par lesdites entreprises. Ce constat suffisait, par ailleurs, pour expliquer que la Commission considérait qu’il existait un intérêt légitime à adopter la décision litigieuse, au sens de l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 1/2003.

170    D’autre part, ainsi que le Tribunal l’a relevé au point 280 de l’arrêt attaqué, après l’annulation des deux premières décisions prises par la Commission pour sanctionner l’entente en cause et le temps, exceptionnellement long, qui s’était écoulé entre les premiers actes d’instruction et l’adoption de la décision litigieuse, il appartenait à cette institution de tenir compte de ces circonstances lorsqu’elle a exposé les raisons pour lesquelles elle considérait justifié d’adopter une nouvelle décision imposant des sanctions. Contrairement à ce que la requérante a fait valoir, ces considérations visées aux points 282 et 287 de l’arrêt attaqué étaient pertinentes.

171    L’appréciation exposée au point 167 du présent arrêt n’est pas remise en cause par l’argumentation par laquelle la requérante conteste les motifs de la décision litigieuse justifiant d’un intérêt légitime à l’adoption de la décision litigieuse.

172    À cet égard, il y a lieu de rappeler que l’obligation de motiver des décisions constitue une formalité substantielle qui doit être distinguée de la question du bien-fondé de la motivation, celui-ci relevant de la légalité au fond de l’acte litigieux. En effet, la motivation d’une décision consiste à exprimer formellement les motifs sur lesquels repose cette décision. Si ces motifs sont entachés d’erreurs, celles-ci entachent la légalité au fond de ladite décision, mais non la motivation de celle-ci, qui peut être suffisante tout en exprimant des motifs erronés (arrêt du 18 avril 2024, Dumitrescu e.a./Commission et Cour de justice, C-567/22 P à C-570/22 P, EU:C:2024:336, point 46 ainsi que jurisprudence citée).

173    Or, sous couvert d’invoquer une violation de l’obligation de motivation, la requérante vise, en réalité, à remettre en cause le bien-fondé des motifs sur lesquels repose la décision litigieuse.

174    Ces arguments ne sont pas susceptibles de remettre en cause les points 275 à 296 de l’arrêt attaqué par lesquels le Tribunal a jugé que, en l’occurrence, la Commission n’avait pas enfreint son obligation de motivation.

175    Il s’ensuit que la première branche du troisième moyen doit être rejetée comme étant non fondée.

 Sur la deuxième branche

-       Argumentation des parties

176    Par la deuxième branche du troisième moyen, la requérante fait valoir, en substance, que le Tribunal, aux points 298 à 302 de l’arrêt attaqué, a commis une erreur de droit et violé son obligation de motivation concernant l’effet dissuasif de la décision litigieuse.

177    Premièrement, le Tribunal aurait omis de répondre à l’argument de la requérante tiré du fait que le Consiglio di Stato (Conseil d’État, Italie) avait confirmé, par un arrêt du 21 janvier 2020, l’inexistence d’une autre entente à laquelle la requérante aurait prétendument participé. Or, il ressortirait de cet arrêt que, depuis l’année 2000, la requérante a exercé son activité dans le respect des règles de concurrence, de telle sorte que l’objectif de dissuasion sous-jacent à la décision de 2002 a été pleinement atteint.

178    Deuxièmement, le Tribunal se serait limité, au point 298 de l’arrêt attaqué, à énoncer des considérations générales en ce qui concerne l’effet dissuasif de la décision litigieuse.

179    Troisièmement, l’arrêt attaqué serait entaché d’une contradiction de motifs. En effet, il ressortirait du point 299 de cet arrêt que, selon le Tribunal, la décision d’infliger une sanction dans la décision litigieuse trouve sa justification, du point de vue de la dissuasion, dans la restitution consécutive à l’annulation des décisions de 2002 et de 2009 du montant des amendes infligées par ces décisions. Or, au point 660 dudit arrêt, le Tribunal aurait jugé que l’objectif de dissuasion avait déjà été mis en œuvre à l’égard de la requérante, pour partie en tout cas, par les sanctions qui lui avaient été infligées dans les décisions de 2002 et de 2009.

180    Quatrièmement, le Tribunal aurait, aux points 300 et 301 de l’arrêt attaqué, omis de tenir compte du fait que le prononcé de deux sanctions, dans les décisions de 2002 et de 2009, ainsi que les frais contentieux s’y rapportant auraient déjà constitué une sanction pour elle, notamment en portant atteinte à sa réputation. À cet égard, la requérante relève qu’il résulte de la jurisprudence du Tribunal, notamment de l’arrêt du 12 décembre 2018, Biogaran/Commission (T-677/14, EU:T:2018:910), qu’il convient de tenir compte de l’atteinte non négligeable à la réputation que représente, pour une personne morale, la constatation qu’elle a été impliquée dans une infraction aux règles de concurrence. En outre, les motifs exposés à cet égard dans l’arrêt attaqué s’apparenteraient, en raison de leur généralité, à un défaut de motivation.

181    La Commission conteste cette argumentation.

-       Appréciation de la Cour

182    Il y a lieu de relever, en premier lieu, que l’arrêt du Consiglio di Stato (Conseil d’État) du 21 janvier 2020, auquel la requérante se réfère, a constaté l’inexistence d’une infraction pour une autre entente à laquelle la requérante avait prétendument participé. En tout état de cause, cet arrêt ne permet pas d’établir que, depuis l’année 2000, cette dernière a exercé son activité dans le respect des règles de concurrence et que l’objectif de dissuasion, déjà poursuivi par la décision de 2002, avait donc déjà été atteint. Dans ces circonstances, le Tribunal ne peut pas être critiqué pour ne pas s’être prononcé sur cet arrêt dans l’arrêt attaqué.

183    En deuxième lieu, il y a lieu de rappeler que, au point 298 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a jugé que la Commission avait pu considérer, au vu du caractère grave de l’infraction constatée, qu’adopter une décision et infliger une sanction était encore justifié par l’effet dissuasif que pourraient produire, sur les marchés, cette décision et la sanction qu’elle comportait. Cette appréciation est explicitée au point 299 de cet arrêt, dans lequel le Tribunal a souligné que c’est le fait d’avoir à payer une amende qui emporte un effet dissuasif après l’annulation des décisions de 2002 et de 2009. Il s’ensuit que le point 298 dudit arrêt, lu en combinaison avec le point 299 du même arrêt, loin d’énoncer des considérations de nature générale, expose de façon claire et non équivoque le raisonnement du Tribunal.

184    En troisième lieu, contrairement à ce que prétend la requérante, il n’existe aucune contradiction entre les motifs exposés aux points 299 et 660 de l’arrêt attaqué. En effet, si le Tribunal a reconnu, à ce dernier point, qui figure dans la partie de l’arrêt attaqué dans laquelle le Tribunal a examiné, dans l’exercice de sa compétence de pleine juridiction, s’il convenait d’accorder ou non une réduction supplémentaire de l’amende infligée à la requérante, que les décisions de 2002 et de 2009 avaient déjà eu un certain effet dissuasif, il ressort clairement du contexte, et notamment des points 658, 659 et 661 de cet arrêt, que le Tribunal était d’avis que l’objectif de dissuasion n’avait pas été entièrement atteint avant l’adoption de la décision litigieuse. Dans ces conditions, imposer une sanction à la requérante dans cette décision pouvait en effet être considéré comme étant justifié au regard de la nécessité d’assurer l’effet dissuasif, ainsi que le Tribunal l’a relevé au point 299 de l’arrêt attaqué.

185    En quatrième lieu, il y a lieu de relever que, aux points 300 et 301 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a considéré que l’imposition d’une amende avait pour objectif, en l’espèce, non seulement de conférer un certain effet dissuasif à cette décision, mais également d’éviter que les entreprises concernées ne bénéficient d’une totale impunité.

186    Or, les décisions de 2002 et de 2009 ayant été annulées et les amendes correspondantes ayant été restituées, majorées des intérêts, seule une nouvelle décision infligeant une amende à la requérante pouvait garantir que sa participation à l’entente visée par la décision litigieuse ne reste pas impunie.

187    Quant aux frais afférents aux deux litiges postérieurs à la décision de 2002, il suffit de relever que, dans l’arrêt du 25 octobre 2007, Ferriere Nord/Commission (T-94/03, EU:T:2007:320), le Tribunal a condamné la Commission à supporter les dépens exposés par la requérante et, dans l’arrêt du 21 septembre 2017, Ferriere Nord/Commission (C-88/15 P, EU:C:2017:716), la Cour a condamné la Commission à supporter les dépens exposés par la requérante au titre tant de la procédure en première instance que du pourvoi ayant donné lieu à cet arrêt.

188    Par ailleurs, il est vrai que, dans l’arrêt du 12 décembre 2018, Biogaran/Commission (T-677/14, EU:T:2018:910), auquel se réfère la requérante, le Tribunal a tenu compte de l’atteinte non négligeable à la réputation que représente, pour une personne physique ou morale, la constatation qu’elle a été impliquée dans une infraction aux règles de concurrence. Toutefois, cette appréciation visait non pas à indiquer qu’une telle atteinte constitue une forme de sanction résultant de la constatation d’une infraction par une décision de la Commission, mais à expliquer pourquoi il est nécessaire que cette institution fasse état de preuves précises et concordantes pour établir l’existence d’une telle infraction.

189    Eu égard à ce qui précède, il y a lieu de conclure que le Tribunal n’a pas commis d’erreur de droit en jugeant, au point 300 de l’arrêt attaqué, que l’imposition d’une amende dans la décision litigieuse visait à éviter de conférer aux entreprises concernées une impunité totale.

190    Il s’ensuit que la deuxième branche du troisième moyen doit être rejetée comme étant non fondée.

 Sur la troisième branche

-       Argumentation des parties

191    Par la troisième branche du troisième moyen, la requérante soutient que le Tribunal, aux points 304 à 307 de l’arrêt attaqué, n’a pas respecté son obligation de motivation dans la mesure où il n’a pas répondu à son argument pris de la violation de l’article 6, paragraphe 1, de la CEDH.

192    La Commission conteste cette argumentation.

-       Appréciation de la Cour

193    Au point 303 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a relevé que la requérante avait soutenu en première instance que le fait d’avoir eu la qualité d’accusée pendant l’ensemble de la procédure lui avait infligé une peine en elle-même suffisante. Le Tribunal a rejeté cet argument en jugeant, aux points 304 et 305 de cet arrêt, que la requérante, compte tenu de l’annulation des deux décisions antérieures à l’adoption de la décision litigieuse, n’avait pas encore été sanctionnée pour avoir commis une infraction au droit de la concurrence de l’Union et que, dans ces conditions, l’adoption de cette décision visait à assurer que la requérante serait effectivement sanctionnée pour cette infraction.

194    À l’appui de la troisième branche du troisième moyen du pourvoi, la requérante réitère qu’elle a déjà subi une sanction avant l’adoption de la décision litigieuse, mais ne présente aucun argument visant à contester, de manière spécifique, le raisonnement du Tribunal exposé aux points 304 et 305 de l’arrêt attaqué. Elle se limite à faire valoir que le Tribunal a omis de statuer sur son argument pris de la violation de l’article 6, paragraphe 1, de la CEDH.

195    À cet égard, il y a lieu de relever que, au point 238 de sa requête introductive d’instance, la requérante avait fait valoir que la circonstance d’avoir eu le statut d’« accusé » depuis plus de 17 ans, à savoir depuis la réception de la communication des griefs au mois de mars 2002, outre qu’il constituerait une violation de l’article 6 de la CEDH, qui comporte l’obligation de veiller à ce qu’un accusé ne demeure pas trop longtemps dans l’incertitude de la solution qui sera réservée à l’accusation pénale portée contre lui, lui aurait infligé, en elle-même, une grave peine afflictive.

196    Or, une telle argumentation visait, ainsi que le démontre le titre de la section dans laquelle elle figure, à contester les motifs de la décision litigieuse selon lesquels l’imposition d’une sanction était nécessaire pour éviter l’impunité des entreprises en cause. Dans ces circonstances, et en l’absence de toute précision en ce sens, le Tribunal était en droit de considérer que la référence à l’article 6 de la CEDH ne visait qu’à renforcer l’argumentation de la requérante visant à démontrer qu’elle avait déjà été sanctionnée avant l’adoption de la décision litigieuse, à laquelle le Tribunal a répondu aux points 304 et 305 de l’arrêt attaqué.

197    Partant, aucune omission de statuer ne peut être reprochée au Tribunal à cet égard.

198    Il s’ensuit que la troisième branche du troisième moyen doit être rejetée comme étant non fondée.

 Sur la quatrième branche

-       Argumentation des parties

199    Par la quatrième branche du troisième moyen, la requérante soutient que le Tribunal, en se fondant, aux points 310 à 315 de l’arrêt attaqué, sur la possibilité, pour des tiers, d’introduire une action en réparation devant les juridictions nationales, a procédé à une substitution de motifs, a omis d’examiner des pièces versées au dossier et a renversé la charge de la preuve.

200    La Commission considère que cette argumentation étant dirigée contre des motifs exposés à titre surabondant dans l’arrêt attaqué, elle devrait être rejetée comme étant inopérante. En tout état de cause, la quatrième branche serait dénuée de fondement.

-       Appréciation de la Cour

201    Au point 301 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a jugé que, compte tenu de la gravité et de la durée de l’infraction constatée par la Commission, l’objectif d’éviter une totale impunité aux entreprises concernées suffisait, à lui seul, pour justifier en l’espèce l’adoption d’une décision imposant une sanction.

202    Cette appréciation du Tribunal n’a pas été contestée par la requérante dans son pourvoi.

203    Il s’ensuit que le Tribunal, en faisant état d’autres considérations susceptibles de justifier l’adoption de la décision litigieuse, comme par exemple l’intention de protéger le droit de tiers d’introduire une action en réparation devant les juridictions nationales, a exposé ces considérations à titre surabondant, afin de répondre de manière exhaustive aux arguments de la requérante.

204    Par conséquent, les griefs soulevés par la requérante dans le cadre de la quatrième branche du troisième moyen étant dirigés contre des motifs surabondants de l’arrêt attaqué, ils ne sauraient entraîner l’annulation de cet arrêt.

205    Il s’ensuit que la quatrième branche du troisième moyen doit être rejetée comme étant inopérante.

 Sur la cinquième branche

-       Argumentation des parties

206    Par la cinquième branche du troisième moyen, la requérante soutient que le Tribunal, en rejetant, aux points 317 à 323 de l’arrêt attaqué, son grief pris de la violation du principe de proportionnalité, s’est fondé sur des considérations dénuées de pertinence et qui ne suffisent pas à justifier ce rejet.

207    Par ailleurs, après l’exposé de cette cinquième branche, le pourvoi contient une section intitulée « Considérations finales », dans laquelle la requérante réitère l’argumentation développée aux points 242, 243 et 252 à 254 de sa requête en première instance.

208    La Commission considère que ladite cinquième branche est irrecevable, eu égard à son caractère vague et générique. Elle serait, en tout état de cause, non fondée.

-       Appréciation de la Cour

209    Il y a lieu de relever que la requérante se borne à contester la pertinence des éléments pris en compte par le Tribunal aux points 317 à 323 de l’arrêt attaqué, sans indiquer de façon précise les arguments juridiques qui soutiennent de manière spécifique sa demande tendant à l’annulation de cet arrêt, contrairement aux exigences rappelées au point 51 du présent arrêt.

210    En outre, ne répond pas à ces exigences un pourvoi qui, sans même comporter une argumentation visant spécifiquement à identifier l’erreur de droit dont serait entachée la décision qui est contestée, se limite à répéter ou à reproduire textuellement les moyens et les arguments qui ont été présentés devant le Tribunal. En effet, un tel pourvoi constitue, en réalité, une demande visant à obtenir un simple réexamen de la requête présentée devant le Tribunal, ce qui échappe à la compétence de la Cour (arrêt du 9 février 2023, Boshab/Conseil, C-708/21 P, EU:C:2023:84, point 60 et jurisprudence citée).

211    Or, en l’espèce, par l’argumentation résumée au point 207 du présent arrêt, la requérante se borne à répéter, à l’exception de quelques modifications mineures, l’argumentation qu’elle avait déjà présentée devant le Tribunal.

212    Il s’ensuit que la cinquième branche du troisième moyen doit être rejetée comme étant irrecevable.

213    Partant, le troisième moyen doit être rejeté comme étant, en partie, irrecevable et, en partie, non fondé.

 Sur le quatrième moyen

 Argumentation des parties

214    Par son quatrième moyen, la requérante fait valoir que le Tribunal, en jugeant aux points 326 à 342 de l’arrêt attaqué que le principe ne bis in idem ne faisait pas obstacle à l’adoption de la décision litigieuse, a fait une fausse application de ce principe.

215    Selon la requérante, il est vrai que le principe ne bis in idem ne s’oppose pas à l’adoption d’une nouvelle décision lorsque la précédente a été annulée pour vices de forme. Cependant, il ressortirait de l’arrêt du 15 octobre 2002, Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission (C-238/99 P, C-244/99 P, C-245/99 P, C-247/99 P, C-250/99 P à C-252/99 P et C-254/99 P, EU:C:2002:582), que cette faculté est subordonnée à la condition qu’il n’ait pas été statué sur le fond des faits reprochés. Or, cette condition ne serait pas remplie en l’occurrence, le Tribunal ayant statué sur le fond de l’affaire dans l’arrêt du 9 décembre 2014, Ferriere Nord/Commission (T-90/10, EU:T:2014:1035).

216    La requérante souligne que le Tribunal a considéré que le principe ne bis in idem ne s’applique qu’en cas de double sanction, ce qui ne correspondrait pas aux circonstances de la présente affaire, puisque l’arrêt du 9 décembre 2014, Ferriere Nord/Commission (T-90/10, EU:T:2014:1035), ainsi que la décision de 2009 et la sanction qu’elle prévoyait ont été annulés par la Cour. Toutefois, selon la requérante, ce principe s’oppose également à un cumul de procédures, à plus forte raison lorsqu’un tel cumul conduit, comme en l’espèce, à une nouvelle condamnation pour les mêmes faits.

217    En outre, le Tribunal aurait, à tort, considéré que le principe ne bis in idem ne s’applique qu’en cas de double sanction. Ainsi, il résulterait de l’article 50 de la Charte que ce principe serait également applicable dans l’hypothèse d’une double condamnation. En effet, une personne pourrait être condamnée en raison d’un comportement illégal sans subir de sanction.

218    Tout en reconnaissant que l’article 50 de la Charte se réfère à un jugement définitif, la requérante souligne que l’arrêt du 9 décembre 2014, Ferriere Nord/Commission (T-90/10, EU:T:2014:1035), bien qu’il ait été annulé par la Cour, devrait être considéré, sur le fond, comme étant définitif. En effet, il ressortirait des conclusions de l’avocat général Wahl dans les affaires Feralpi e.a./Commission (C-85/15 P, C-86/16 P et C-87/15 P, C-88/15 P et C-89/15 P, EU:C:2016:940), que le pourvoi contre cet arrêt aurait dû être déclaré irrecevable.

219    En tout état de cause, les arrêts de 2014 n’auraient pas tous fait l’objet de pourvois. Dès lors, l’appréciation des faits constitutifs de l’entente en cause, qui étaient communs à toutes les entreprises concernées, serait devenue définitive. L’appréciation du Tribunal, selon laquelle les arrêts ne produiraient pas d’effets sur les entreprises qui n’étaient pas parties aux litiges tranchés par ces arrêts, serait trop formaliste et ne tiendrait pas compte de la véritable essence du principe ne bis in idem.

220    Le libellé de l’article 50 de la Charte ne devrait d’ailleurs pas être interprété d’une manière trop littérale. La requérante fait observer, à cet égard, qu’il ressort de l’arrêt du 29 juin 2016, Kossowski (C-486/14, EU:C:2016:483), que, en cas de classement de l’affaire par un ministère public qui avait néanmoins examiné les faits, le principe ne bis in idem est applicable malgré l’absence de décision judiciaire d’acquittement.

221    La Commission conteste l’argumentation de la requérante.

 Appréciation de la Cour

222    L’article 50 de la Charte dispose que « [n]ul ne peut être poursuivi ou puni pénalement en raison d’une infraction pour laquelle il a déjà été acquitté ou condamné dans l’Union par un jugement pénal définitif conformément à la loi ». Ainsi, le principe ne bis in idem interdit un cumul tant de poursuites que de sanctions présentant une nature pénale, au sens de cet article, pour les mêmes faits et contre une même personne (arrêt du 14 septembre 2023, Volkswagen Group Italia et Volkswagen Aktiengesellschaft, C-27/22, EU:C:2023:663, point 44 ainsi que jurisprudence citée).

223    En outre, la Cour a déjà jugé que le principe ne bis in idem doit être respecté dans les procédures tendant à l’infliction d’amendes, relevant du droit de la concurrence. Ce principe interdit, en matière de concurrence, qu’une entreprise soit condamnée ou poursuivie une nouvelle fois du fait d’un comportement anticoncurrentiel du chef duquel elle a été sanctionnée ou dont elle a été déclarée non responsable par une décision antérieure qui n’est plus susceptible de recours (arrêt du 22 mars 2022, Nordzucker e.a., C-151/20, EU:C:2022:203, point 32 ainsi que jurisprudence citée).

224    En l’espèce, il y a lieu de relever que, à la date de l’adoption de la décision litigieuse, il n’y avait pas de décision portant sur l’entente visée par la décision litigieuse qui n’aurait plus été susceptible de recours et qui serait donc devenue définitive. En effet, si, certes, le Tribunal s’est prononcé, dans l’arrêt du 9 décembre 2014, Ferriere Nord/Commission (T-90/10, EU:T:2014:1035), au fond, sur la question de savoir si la requérante pouvait être tenue responsable pour cette entente, telle que visée par la décision de 2009, cet arrêt, ayant fait l’objet d’un pourvoi devant la Cour, n’est pas devenu définitif et a ensuite été intégralement annulé par la Cour, tout comme la décision de 2009.

225    Contrairement à ce que soutient la requérante, la reprise de la procédure et l’adoption de la décision litigieuse ne sont pas incompatibles avec l’arrêt du 15 octobre 2002, Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission (C-238/99 P, C-244/99 P, C-245/99 P, C-247/99 P, C-250/99 P à C-252/99 P et C-254/99 P, EU:C:2002:582).

226    En effet, il ressort de cet arrêt, ainsi que le Tribunal l’a rappelé au point 331 de l’arrêt attaqué, que le principe ne bis in idem interdit uniquement une nouvelle appréciation au fond de la matérialité de l’infraction, qui aurait pour conséquence l’imposition soit d’une seconde sanction, s’ajoutant à la première, dans l’hypothèse où la responsabilité serait une nouvelle fois retenue, soit d’une première sanction, dans l’hypothèse où la responsabilité, écartée par la première décision, serait retenue par la seconde (arrêt du 15 octobre 2002, Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission (C-238/99 P, C-244/99 P, C-245/99 P, C-247/99 P, C-250/99 P à C-252/99 P et C-254/99 P, EU:C:2002:582, point 61). Or, aucune de ces deux situations n’est présente en l’espèce.

227    Certes, la Cour a ajouté, au point 62 de cet arrêt, que le principe ne bis in idem ne s’oppose pas en soi à une reprise des poursuites ayant pour objet le même comportement anticoncurrentiel lorsqu’une première décision a été annulée pour des motifs de forme sans qu’il ait été statué au fond sur les faits reprochés.

228    Toutefois, ce faisant, la Cour n’a pas indiqué que le principe ne bis in idem s’oppose à l’adoption d’une nouvelle décision après l’annulation, sur pourvoi, de l’arrêt par lequel le Tribunal avait statué au fond sur une première décision et l’annulation de cette première décision. En effet, et ainsi qu’il ressort du même point 62 dudit arrêt, le principe ne bis in idem ne peut être violé que s’il y a déjà une décision définitive sur le fond de l’affaire. Or, ainsi qu’il a été relevé au point 224 du présent arrêt, une telle décision définitive faisait précisément défaut au moment de l’adoption de la décision litigieuse.

229    La jurisprudence citée au point 227 du présent arrêt confirme en outre que la reprise d’une procédure en matière d’application des règles de concurrence de l’Union, après l’annulation d’une première décision clôturant cette procédure, ne donne pas lieu à un cumul de procédures.

230    Il s’ensuit que le Tribunal a considéré, à juste titre, que l’adoption de la décision litigieuse ne méconnaissait pas le principe ne bis in idem.

231    Certes, certains des arrêts de 2014, concernant d’autres entreprises, sont devenus définitifs, faute d’avoir fait l’objet de pourvois. Toutefois, ces arrêts, bien que concernant la même entente que celle pour laquelle la requérante avait été poursuivie, ne constituent pas, à l’égard de cette dernière, un jugement définitif.

232    De même, contrairement à ce que prétend la requérante, la possibilité qu’une décision prise par un ministère public puisse être pertinente pour l’application du principe ne bis in idem n’est pas de nature à remettre en cause cette appréciation, la Cour ayant précisé que, aux fins de l’application de ce principe, une telle décision doit être définitive (arrêt du 29 juin 2016, Kossowski, C-486/14, EU:C:2016:483, points 52 à 54).

233    Eu égard à ce qui précède, il y a lieu de rejeter le quatrième moyen comme étant non fondé.

 Sur le sixième moyen

 Argumentation des parties

234    Par son sixième moyen, la requérante soutient, en substance, que le Tribunal, en omettant de constater que la violation des droits de la défense résultait du fait que la Commission n’avait pas expressément mentionné son intention d’appliquer à la requérante la circonstance aggravante de la récidive dans la communication des griefs, dans la communication des griefs supplémentaires ou dans un autre acte de la procédure reprise en 2017, la privant ainsi de la possibilité de présenter des observations sur ce point durant la procédure administrative, a commis une erreur de droit aux points 535 à 551 de l’arrêt attaqué.

235    Premièrement, le Tribunal n’aurait pas tenu compte de la jurisprudence de la Cour, notamment de l’arrêt du 5 mars 2015, Commission e.a./Versalis e.a. (C-93/13 P et C-123/13 P, EU:C:2015:150), et de celle de la Cour européenne des droits de l’homme relative à l’article 6 de la CEDH. Deuxièmement, il aurait violé les dispositions pertinentes contenues dans les actes de droit souple que la Commission s’est imposés, à savoir les points 84, 86 et 109 de la communication de 2011. Troisièmement, le Tribunal aurait omis de prendre en compte ou dénaturé la transcription de certains passages de l’enregistrement de l’audience dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 21 septembre 2017, Ferriere Nord/Commission (C-88/15 P, EU:C:2017:716). Quatrièmement, les faits mentionnés aux points 547 et 548 de l’arrêt attaqué seraient, tout comme ceux visés aux points 543 à 546 de cet arrêt, dépourvus de pertinence, étant donné que la communication des griefs et les décisions de 2002 et de 2009 ne comportaient pas de motivation relative à la récidive. En tout état de cause, ces faits auraient dû être actualisés en raison de la durée exceptionnellement longue de la procédure. La circonstance rapportée au point 549 de l’arrêt attaqué serait dépourvue de pertinence, parce que le contenu de la lettre du 15 décembre 2017 n’aurait manifestement pas été conforme aux critères établis par la jurisprudence.

236    La Commission considère que ce moyen est irrecevable et, en tout état de cause, non fondé.

 Appréciation de la Cour

237    Le Tribunal a exposé, aux points 538 à 542 de l’arrêt attaqué, les critères permettant de vérifier l’existence d’une éventuelle violation des droits de la défense de la requérante, s’agissant de la prise en compte de la récidive à son égard.

238    Au point 538 de cet arrêt, il a jugé, en visant l’arrêt du 5 mars 2015, Commission e.a./Versalis e.a. (C-93/13 P et C-123/13 P, EU:C:2015:150), que, lorsque la Commission entend imputer à une personne juridique une infraction au droit de la concurrence et envisage de retenir contre elle, dans ce cadre, la récidive en qualité de circonstance aggravante, la communication des griefs qu’elle adresse à cette personne doit contenir tous les éléments permettant à cette dernière d’assurer sa défense, notamment ceux pouvant justifier que les conditions de la récidive sont remplies en l’espèce. Au point 539 dudit arrêt, il a rappelé que c’était en ce sens que la Commission s’est engagée, au point 84 de sa communication de 2011, à mentionner dans la communication des griefs, « de manière suffisamment précise », les éléments pouvant constituer des circonstances aggravantes, pour ajouter, au point 540 du même arrêt, que la récidive doit être analysée, selon une jurisprudence constante, comme constituant une circonstance pouvant revêtir ce caractère aggravant.

239    Au point 541 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a précisé que l’obligation décrite aux points 538 à 540 de cet arrêt découle de l’obligation de respecter les droits de la défense, laquelle obligation fait l’objet d’un principe général selon lequel, dans toute procédure pouvant aboutir à des sanctions, notamment des amendes ou des astreintes, les entreprises et les associations d’entreprises concernées doivent être mises en mesure, dès la procédure administrative, de faire connaître utilement leur point de vue sur la réalité et la pertinence des faits, des griefs et des circonstances allégués contre elles.

240    Enfin, le Tribunal a considéré, au point 542 de l’arrêt attaqué, que, aux fins de vérifier si le principe des droits de la défense a été respecté, le juge de l’Union doit prendre en compte toutes les circonstances de l’affaire afin d’assurer que l’intention de la Commission de retenir une infraction ou une circonstance déterminée était suffisamment prévisible, aux yeux de l’entreprise concernée, pour qu’il puisse être considéré que cette dernière avait été mise en mesure de formuler ses observations sur le point considéré.

241    Ces explications du Tribunal ne sont pas contestées par la requérante.

242    En revanche, la requérante soutient, en substance, que le Tribunal a commis une erreur de droit en considérant que, en l’espèce, le fait que la Commission avait l’intention de retenir la récidive, en tant que circonstance aggravante à son égard, était suffisamment prévisible.

243    Pour rejeter cette allégation, le Tribunal s’est appuyé, d’une part, sur le contenu de la communication des griefs, visé aux points 543 à 546 de l’arrêt attaqué, et, d’autre part, sur la lettre de la Commission du 15 décembre 2017 annonçant la reprise de la procédure administrative, visée aux points 547 à 549 de cet arrêt.

244    Bien que la requérante affirme qu’elle ne demande pas à la Cour de procéder à une nouvelle appréciation des faits, son argumentation est presque exclusivement focalisée sur le contenu de la communication des griefs.

245    Or, il ressort des points 547 et 548 de l’arrêt attaqué que la Commission a informé la requérante, dans sa lettre du 15 décembre 2017 annonçant la reprise de la procédure administrative, que, dans la décision qu’elle prendrait au terme de la procédure, elle se fonderait sur les griefs résultant de la communication des griefs, qui avait donné lieu à l’adoption des décisions de 2002 et de 2009 et que la récidive avait été retenue, dans ces décisions, pour le calcul du montant de l’amende de la requérante, au titre des circonstances aggravantes.

246    Dans ces circonstances, quand bien même la communication des griefs aurait manqué de clarté, le Tribunal a pu considérer, au point 550 de l’arrêt attaqué, que l’intention de la Commission de retenir, dans la décision litigieuse, la récidive comme circonstance aggravante à l’égard de la requérante était suffisamment prévisible.

247    Par ailleurs, la Commission a constaté la récidive de la requérante sur la base d’une décision antérieure constatant une infraction commise par cette dernière, qui avait été prise en compte aux mêmes fins dans les décisions de 2002 et de 2009. Dans ces conditions, contrairement à ce que soutient la requérante, le Tribunal n’était pas tenu de considérer que la Commission aurait dû actualiser les éléments à la lumière desquels elle a pris en considération la récidive.

248    La requérante fait encore valoir que certains passages de l’enregistrement de l’audience dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 21 septembre 2017, Ferriere Nord/Commission (C-88/15 P, EU:C:2017:716), confirmeraient le caractère plausible des raisons pour lesquelles elle n’avait pas présenté d’observations sur la récidive après la reprise de la procédure administrative. Toutefois, la requérante ne précise pas les raisons juridiques pour lesquelles ces passages démontreraient qu’elle était en droit de considérer que la Commission, après la reprise de la procédure, ne pouvait pas retenir la circonstance aggravante de récidive sans l’en informer explicitement au préalable.

249    Partant, le grief pris d’une omission de statuer ou d’une dénaturation desdits passages doit être rejeté comme étant irrecevable, eu égard aux exigences rappelées au point 51 du présent arrêt.

250    Il y a lieu, dès lors, de rejeter le sixième moyen comme étant, en partie, irrecevable et, en partie, non fondé.

 Sur le septième moyen

 Sur la première branche

-       Argumentation des parties

251    Par la première branche du septième moyen, la requérante soutient que le Tribunal, en rejetant, aux points 565 à 579 de l’arrêt attaqué, son grief selon lequel la prise en compte de la récidive à titre de circonstance aggravante serait contraire au principe de proportionnalité en raison du délai excessivement long de la procédure, a commis des erreurs de droit.

252    Premièrement, le point 575 de l’arrêt attaqué serait entaché d’un défaut de motivation. En effet, tandis que la requérante aurait visé la durée anormale de la procédure en cause, le Tribunal aurait fait référence, à ce point 575, au bref délai qui s’était écoulé entre l’infraction précédente et l’infraction sanctionnée par la décision litigieuse.

253    Deuxièmement, le Tribunal aurait considéré que la Commission pouvait retenir la récidive en raison d’une infraction constatée plus de 30 ans avant l’adoption de la décision litigieuse. Ce faisant, le Tribunal se serait fondé sur une interprétation manifestement disproportionnée de la notion de récidive. Cette interprétation ne saurait être justifiée par l’objectif d’assurer l’effet dissuasif de cette décision, puisque, depuis l’année 2000, la requérante n’aurait plus été coupable de comportements anticoncurrentiels. Le Tribunal aurait négligé de prendre en compte le caractère dissuasif des procédures judiciaires et administratives dans lesquelles la requérante était impliquée.

254    Le Tribunal aurait également omis de tenir compte du fait que l’objectif d’assurer l’effet dissuasif avait été pris en compte tant pour sanctionner l’entente en cause que pour majorer l’amende au titre de la récidive, entraînant une duplication contraire au principe de proportionnalité.

255    En outre, l’appréciation du Tribunal serait difficilement conciliable avec le principe posé par l’arrêt du 17 juin 2010, Lafarge/Commission (C-413/08 P, EU:C:2010:346, points 70 et 73), selon lequel le droit de la concurrence de l’Union n’autorise pas la Commission à tenir compte d’une récidive sans limitation dans le temps. La prise en compte, au titre de la récidive, de faits remontant à plus de 30 ans avant l’adoption de la décision litigieuse serait donc manifestement disproportionnée et conduirait en pratique à la négation du principe posé par la Cour. 

256    La Commission soutient que cette argumentation est irrecevable et, en tout état de cause, manifestement non fondée.

-       Appréciation de la Cour

257    Par cette branche, la requérante reproche au Tribunal un défaut de motivation et une erreur de droit s’agissant de l’interprétation du principe de proportionnalité. Contrairement à ce que la Commission a fait valoir, ladite branche doit donc être considérée comme étant recevable.

258    Toutefois, l’argumentation de la requérante n’est pas fondée.

259    En premier lieu, s’agissant de la motivation du point 575 de l’arrêt attaqué, il ressort de ce point que, afin d’examiner si la Commission était en droit de retenir la récidive à l’égard de la requérante, le Tribunal a considéré que le délai qui s’était écoulé entre l’infraction antérieurement commise par cette entreprise et l’infraction sanctionnée par la décision litigieuse était bref. Contrairement à ce que prétend la requérante, le Tribunal n’a pas ignoré que le grief dont il était saisi visait non pas ce délai mais celui qui s’était écoulé entre l’infraction précédente et la date de l’adoption de la décision litigieuse. En effet, non seulement le Tribunal a résumé ce grief au point 566 de cet arrêt, mais il a également, au point 575 dudit arrêt, jugé que la Commission était en droit de retenir la récidive comme circonstance aggravante à l’égard de la requérante « malgré le fait que l’enquête ait duré un certain temps, en raison des aléas judiciaires qu’elle a connus ». Il résulte de ces éléments que les allégations de la requérante relatives à un défaut de motivation et à une omission de statuer reposent sur une lecture erronée de l’arrêt attaqué.

260    En deuxième lieu, s’agissant du grief pris de la violation du principe de proportionnalité, il y a lieu de rappeler que ce principe exige, selon une jurisprudence constante, que les actes des institutions de l’Union soient propres à assurer la réalisation des objectifs légitimes poursuivis par la réglementation en cause et ne dépassent pas les limites de ce qui est nécessaire à la réalisation de ces objectifs (arrêt du 9 décembre 2020, Groupe Canal +/Commission, C-132/19 P, EU:C:2020:1007, point 104 et jurisprudence citée).

261    S’agissant de la majoration de l’amende au titre de la récidive, il importe de rappeler qu’une telle majoration répond à l’impératif de réprimer les manquements répétés aux règles de concurrence par une même entreprise (arrêt du 17 juin 2010, Lafarge/Commission (C-413/08 P, EU:C:2010:346, point 61).

262    À cet égard, il y a lieu de relever que la requérante ne conteste pas l’appréciation du Tribunal, figurant au point 553 de l’arrêt attaqué, selon lequel, dans une optique de dissuasion, la récidive est une circonstance qui justifie, selon la jurisprudence, une augmentation considérable du montant de base de l’amende, du fait qu’elle constitue, en effet, la preuve de ce que la sanction antérieurement imposée n’a pas été suffisamment dissuasive.

263    La requérante ne conteste pas non plus le rejet, aux points 557 et 564 de l’arrêt attaqué, de son grief par lequel elle avait fait valoir que le délai qui s’était écoulé entre l’infraction antérieurement commise et celle visée par la décision litigieuse était trop long pour que la récidive puisse être retenue à son égard.

264    En effet, la requérante se limite à faire valoir que, étant donné que l’objectif de la prise en compte de la récidive serait de dissuader une entreprise de commettre de nouvelles infractions au droit de la concurrence, le principe de proportionnalité aurait été violé en l’espèce puisque, d’une part, elle ne se serait plus rendue coupable de tels comportements depuis l’année 2000 et, d’autre part, les procédures administratives et judiciaires qui ont déjà eu lieu en ce qui concerne l’entente visée par la décision litigieuse avaient inévitablement produit un effet dissuasif.

265    Or, il y a lieu de rappeler que, au point 577 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a jugé qu’il ne pouvait être exclu que la menace de sanction qui pesait sur la requérante durant toute l’enquête et l’infliction, à deux reprises, d’une sanction, aient pu avoir un certain effet dissuasif. Le Tribunal a néanmoins considéré, sans commettre d’erreur de droit, que « c’est la sanction, c’est-à-dire le fait de payer l’amende infligée par la Commission, telle que majorée au titre de la récidive, qui dissuade effectivement une entreprise de se rendre à nouveau coupable d’une violation des règles de concurrence ».

266    En tout état de cause, la requérante n’a pas démontré que le seul fait qu’une période considérable se soit écoulée entre les infractions retenues pour la prise en compte de la récidive et l’adoption par la Commission de la décision litigieuse aurait pour conséquence que cette prise en compte serait disproportionnée.

267    Cette conclusion n’est pas remise en cause par les autres arguments de la requérante.

268    Premièrement, le Tribunal n’a commis aucune erreur de droit en jugeant que la Commission était en droit de considérer, d’une part, que l’adoption d’une nouvelle décision constatant la participation de la requérante à l’entente était justifiée, entre autres, par le but de la dissuader de commettre de telles infractions à l’avenir et, d’autre part, qu’il fallait renforcer cet effet dissuasif en retenant la récidive à l’égard de cette dernière. Contrairement à ce que soutient la requérante, le fait d’avoir pris en compte la récidive, tant pour décider de l’opportunité d’adopter une nouvelle décision constatant sa participation à une infraction que pour calculer le montant de l’amende qui lui a été infligée, ne constitue pas une « duplication » contraire au principe de proportionnalité.

269    Deuxièmement, il est vrai que le principe de proportionnalité exige que le temps écoulé entre l’infraction en cause et un précédent manquement aux règles de concurrence soit pris en compte pour apprécier la propension de l’entreprise à s’affranchir de ces règles (arrêt du 17 juin 2010, Lafarge/Commission, C-413/08 P, EU:C:2010:346, points 70 et 73). Toutefois, ce délai n’est pas celui auquel la requérante se réfère à l’appui de son grief pris de la violation du principe de proportionnalité.

270    Il s’ensuit que la première branche du septième moyen doit être rejetée comme étant non fondée.

 Sur la deuxième branche

-       Argumentation des parties

271    Par la deuxième branche du septième moyen, la requérante soutient, premièrement, que les points 580 à 595 de l’arrêt attaqué sont entachés d’un défaut de motivation. Elle expose avoir fait valoir, en première instance, que la majoration de l’amende pour cause de récidive était disproportionnée eu égard, d’une part, à l’écoulement d’un laps de temps exceptionnellement long et, d’autre part, au caractère « mineur » de la récidive. Le Tribunal n’aurait examiné que le deuxième de ces arguments.

272    Deuxièmement, la majoration de 50 % de l’amende pour cause de récidive serait, à l’évidence, disproportionnée, étant donné que la décision litigieuse a été adoptée plus de 30 ans après la décision constatant l’infraction précédente. À cet égard, le Tribunal aurait dû s’apercevoir du caractère contradictoire de la décision litigieuse. En effet, la Commission aurait réduit de 50 % le montant de base de l’amende, eu égard à la durée de la procédure, mais omis de prendre en compte cette durée de la procédure aux fins de l’application de la majoration pour récidive. Pour des raisons de cohérence, la Commission aurait dû, en raison du facteur temps, réduire au minimum de moitié également le taux de majoration de 50 % au titre de la récidive. En outre, cette majoration ne saurait, par sa nature même, dépasser le montant de l’amende. Or, en l’espèce, le montant de ladite majoration serait approximativement égal au double du montant de l’amende qui aurait été infligée à la requérante si cette circonstance aggravante n’avait pas été retenue.

273    La Commission  soutient que la requérante se borne à répéter les arguments qu’elle avait fait valoir devant le Tribunal et viserait ainsi à obtenir de la Cour un nouvel examen de son recours en première instance. L’argumentation de la requérante serait donc irrecevable et, en tout état de cause, non fondée.

-       Appréciation de la Cour

274    Par la deuxième branche du septième moyen, la requérante soutient que le Tribunal a enfreint son obligation de motiver ses arrêts et a commis une erreur d’interprétation du principe de proportionnalité. Contrairement à ce que la Commission a fait valoir, cette branche doit donc être considérée comme étant recevable.

275    Toutefois, l’argumentation de la requérante n’est pas fondée.

276    En premier lieu, la requérante reproche au Tribunal d’avoir omis de répondre à son argument selon lequel la majoration appliquée par la Commission à son égard, au titre de la récidive, était disproportionnée, eu égard à la durée de la procédure. À cet égard, il y a lieu de relever que le Tribunal a rejeté, aux points 565 à 579 de l’arrêt attaqué, l’argument de la requérante selon lequel la constatation de la récidive à son égard n’était pas compatible avec le principe de proportionnalité. Dès lors, le Tribunal n’était plus tenu de répondre à l’argument de la requérante selon lequel ce principe s’opposait également à la majoration de l’amende au titre de la récidive.

277    En deuxième lieu, la requérante n’a pas établi que le Tribunal aurait commis une erreur de droit en jugeant que la Commission, en fixant le taux de la majoration au titre de la récidive à 50 % du montant de base de l’amende, n’avait pas violé le principe de proportionnalité.

278    Il convient d’ajouter que le fait que, dans la décision litigieuse, la Commission a réduit de 50 % le montant de base de l’amende, eu égard à la durée de la procédure, tout en appliquant un taux de majoration de l’amende au titre de la récidive, ne révèle aucune contradiction, ces deux éléments étant indépendants l’un de l’autre.

279    Enfin, la requérante, en affirmant qu’une majoration de l’amende au titre de la récidive ne saurait dépasser le montant de l’amende, n’expose aucune règle juridique au soutien de cette affirmation et procède à un calcul qui s’avère non seulement incorrect, mais repose également sur une situation hypothétique.

280    Eu égard à ce qui précède, il y a lieu de rejeter la deuxième branche du septième moyen et, partant, ce moyen dans sa totalité comme étant non fondés.

 Sur le huitième moyen

 Argumentation des parties

281    Le huitième moyen comporte deux branches.

282    Par la première branche de ce moyen, la requérante soutient que le Tribunal a commis une erreur de droit en jugeant, aux points 611 à 628 de l’arrêt attaqué, que la Commission n’a pas enfreint le principe d’égalité de traitement en lui appliquant une réduction du montant de l’amende proportionnellement moins importante que celle accordée à Riva.

283    Selon la requérante, il ressort de la décision litigieuse que Riva, qui a participé à l’entente visée par cette décision pendant dix ans et six mois au total, a bénéficié d’une réduction de 3 % du montant de l’amende en raison de l’interruption de sa participation, pendant un an, au volet de cette entente relatif à la limitation et au contrôle de la production ou des ventes. En revanche, la requérante, qui a participé à l’entente pendant sept ans, aurait bénéficié d’une réduction de 6 % pour les trois années durant lesquelles elle n’a pas participé à ce volet de l’entente, soit une réduction de seulement 2 % pour chacune de ces années.

284    Par la deuxième branche du huitième moyen, la requérante fait valoir que le Tribunal a commis une erreur de droit en omettant de constater la tardiveté des raisons avancées par la Commission pour justifier son choix d’appliquer des réductions d’amende différentes à des comportements identiques.

285    La Commission considère que cette argumentation est irrecevable. La requérante se bornerait, en substance, à répéter les arguments avancés en première instance. Elle tenterait ainsi d’obtenir de la Cour un réexamen de la requête présentée en première instance. L’argumentation de la requérante serait, en tout état de cause, manifestement infondée.

 Appréciation de la Cour

286    Contrairement à ce que la Commission a fait valoir, les deux branches du huitième moyen, en tant qu’elles visent des erreurs de droit prétendument commises par le Tribunal, sont recevables.

287    S’agissant de la première branche, il convient de rappeler que le principe d’égalité de traitement, consacré à l’article 20 de la Charte, exige que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente et que des situations différentes ne soient pas traitées de manière égale, à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié (arrêt du 18 avril 2024, Dumitrescu e.a./Commission et Cour de justice, C-567/22 P à C-570/22 P, EU:C:2024:336, points 65 et 67 ainsi que jurisprudence citée).

288    En l’occurrence, il ressort de l’arrêt attaqué que, dans la décision litigieuse, la Commission a constaté, d’une part, que tant la requérante que Riva avaient participé à l’entente visée par cette décision et, d’autre part, que ces deux entreprises n’avaient pas participé à un certain volet de cette entente, la requérante pendant trois ans et Riva pendant un an.

289    Ainsi que le Tribunal l’a rappelé au point 613 de l’arrêt attaqué, pour le calcul des amendes infligées aux entreprises ayant participé à une entente, un traitement différencié entre les entreprises concernées est inhérent à l’exercice des pouvoirs qui appartiennent à la Commission en la matière. En effet, dans le cadre de sa marge d’appréciation, la Commission est appelée à individualiser la sanction en fonction des comportements et des caractéristiques propres à ces entreprises, afin de garantir, dans chaque cas d’espèce, la pleine efficacité des règles de l’Union relatives à la concurrence (arrêt du 13 juin 2013, Versalis/Commission, C-511/11 P, EU:C:2013:386, point 104 et jurisprudence citée).

290    Il ressort des points 615 à 617 de l’arrêt attaqué que la Commission a justifié la différence entre les taux respectifs de réduction par la nécessité de pondérer la réduction accordée en raison de la non-participation à un volet de l’entente en fonction de la durée de la participation globale de chacune des entreprises à l’ensemble de l’entente. La participation de la requérante et de Riva à l’ensemble de l’entente aurait été un facteur important qui devait être pris en compte aux fins de l’appréciation de la circonstance atténuante en cause. Or, la participation globale à l’entente étant plus longue pour Riva, l’effet de sa non-participation à ce volet de l’entente aurait été plus important.

291    Plus précisément, le Tribunal a relevé, au point 622 de l’arrêt attaqué, que, pour déterminer la réduction à consentir à Riva, la Commission avait tenu compte de la gravité relative de la participation de ces deux entreprises à l’infraction, conformément à l’exigence d’individualité des amendes rappelée au point 289 du présent arrêt. Ainsi, elle avait considéré que la participation globale à l’entente de Riva étant plus longue que celle de la requérante, elle était nécessairement plus grave, et que l’effet de sa non-participation à un certain volet de l’entente était d’autant plus important.

292    En jugeant, au point 323 de l’arrêt attaqué, que cette approche était conforme au principe d’égalité de traitement, le Tribunal a commis une erreur de droit.

293    En effet, il est constant que la Commission a accordé une réduction de 2 % par an à la requérante, s’agissant de la période pendant laquelle elle n’a pas participé au volet de l’entente en cause, tandis que la réduction était de 3 % pour Riva.

294    Il est vrai que, en l’absence d’autres éléments permettant de différencier la participation de ces deux entreprises à cette entente, le fait que Riva ait participé à ladite entente pendant dix ans et six mois signifiait que cette participation a eu un effet sur la concurrence plus grave que celle de la requérante, qui n’y a participé que pendant sept ans. Toutefois, cette constatation ne saurait être étendue aux périodes au cours desquelles les entreprises n’ont pas participé à un certain volet de cette entente, car leur non-participation à ce volet avait, en principe, le même effet sur la concurrence.

295    Certes, il est possible de pondérer la réduction accordée en raison de la non-participation à un volet de l’entente en fonction de la durée totale de la participation de chacune des entreprises à cette entente. Toutefois, en l’espèce, la requérante, pendant trois ans, durée représentant près de la moitié de sa participation à ladite entente, n’a pas participé à ce volet, alors que Riva, durant les dix ans et six mois de sa participation à la même entente, n’avait omis de participer audit volet que pendant un an.

296    Dans ces conditions, il doit donc être constaté que la Commission a traité des situations comparables de manière différente, sans fournir une justification valable pour cette différence de traitement.

297    Il s’ensuit que la première branche du huitième moyen doit être accueillie. Il y a lieu, dès lors, d’annuler l’arrêt attaqué, sans qu’il soit nécessaire de statuer sur la deuxième branche de ce moyen.

 Sur le recours devant le Tribunal

298    Conformément à l’article 61, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, lorsque le pourvoi est fondé, la Cour annule la décision du Tribunal. Elle peut alors statuer elle-même définitivement sur le litige lorsque celui-ci est en état d’être jugé.

299    En l’espèce, il y a lieu pour la Cour de statuer définitivement sur le litige, qui est en état d’être jugé.

300    Il ressort des points 286 à 297 du présent arrêt que la décision litigieuse n’est pas compatible avec le principe d’égalité de traitement, en ce qu’elle a accordé à la requérante une réduction de 2 % par an du montant de l’amende, au titre d’une période pendant laquelle celle-ci n’a pas participé à un volet de l’entente en cause, alors qu’elle a accordé, pour les mêmes considérations, une réduction de 3 % à Riva. La Cour ayant constaté l’illégalité de la décision litigieuse, elle peut, dans le cadre de l’exercice de sa compétence de pleine juridiction, substituer son appréciation à celle de la Commission et, en conséquence, supprimer, réduire ou majorer l’amende. Cette compétence est exercée en tenant compte de toutes les circonstances de fait (arrêt du 12 novembre 2014, Guardian Industries et Guardian Europe/Commission, C-580/12 P, EU:C:2014:2363, point 78 ainsi que jurisprudence citée). En l’espèce, la Cour considère, dans l’exercice de sa compétence de pleine juridiction, que le taux de réduction du montant de l’amende de 3 % par an devrait également être appliqué à la requérante.

301    Il s’ensuit que le montant de l’amende infligée à la requérante dans la décision litigieuse est fixé à 2 165 000 euros.

 Sur les dépens

302    En vertu de l’article 184, paragraphe 2, du règlement de procédure, lorsque le pourvoi est fondé et que la Cour juge elle-même définitivement le litige, elle statue sur les dépens.

303    Aux termes de l’article 138, paragraphe 3, de ce règlement, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de celui-ci, si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs, chaque partie supporte ses propres dépens.

304    La requérante et la Commission ayant respectivement succombé sur un ou plusieurs chefs de demande, elles supporteront leurs propres dépens afférents à la procédure de première instance et au pourvoi.

Par ces motifs, la Cour (sixième chambre) déclare et arrête :

1)      Le point 1 du dispositif de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 9 novembre 2022, Ferriere Nord/Commission (T-667/19, EU:T:2022:692), est annulé en ce qu’il rejette les griefs du neuvième moyen de première instance de Ferriere Nord SpA tirés de la violation du principe d’égalité de traitement.

2)      Le pourvoi est rejeté pour le surplus.

3)      L’article 2, paragraphe 3, de la décision C(2019) 4969 final de la Commission, du 4 juillet 2019, relative à une violation de l’article 65 du traité CECA (affaire AT.37956 - Ronds à béton), est annulé.

4)      Le montant de l’amende infligée à Ferriere Nord SpA, à l’article 2, paragraphe 3, de la décision C(2019) 4969 final est fixé à la somme de 2 165 000 euros.

5)      Ferriere Nord SpA et la Commission européenne supportent leurs propres dépens afférents à la procédure de première instance et au pourvoi.


Signatures


*      Langue de procédure : l’italien.

© European Union
The source of this judgment is the Europa web site. The information on this site is subject to a information found here: Important legal notice. This electronic version is not authentic and is subject to amendment.


BAILII: Copyright Policy | Disclaimers | Privacy Policy | Feedback | Donate to BAILII
URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2024/C3123P.html

© European Union
The source of this judgment is the Europa web site. The information on this site is subject to a information found here: Important legal notice. This electronic version is not authentic and is subject to amendment.