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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) |
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You are here: BAILII >> Databases >> Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) >> OSR Enterprises v EUIPO - Mockel and Gramann (evolver) (EU trade mark - Judgment) French Text [2024] EUECJ T-51/23 (04 September 2024) URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2024/T5123.html Cite as: ECLI:EU:T:2024:577, [2024] EUECJ T-51/23, EU:T:2024:577 |
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DOCUMENT DE TRAVAIL
ARRÊT DU TRIBUNAL (première chambre)
4 septembre 2024 (*)
« Marque de l’Union européenne – Procédure de déchéance – Marque de l’Union européenne verbale evolver – Déchéance partielle – Usage sérieux de la marque – Article 18, paragraphe 1, et article 58, paragraphe 1, sous a), du règlement (UE) 2017/1001 – Preuve de l’usage sérieux – Production tardive de documents – Article 95, paragraphe 2, du règlement 2017/1001 »
Dans l’affaire T‑51/23,
OSR Enterprises AG, établie à Cham (Suisse), représentée par Mes U. Lüken et J. Grensemann, avocats,
partie requérante,
contre
Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par Mme E. Śliwińska et M. E. Markakis, en qualité d’agents,
partie défenderesse,
les autres parties à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, intervenant devant le Tribunal, étant
Mathias Möckel, demeurant à Chemnitz (Allemagne),
Torsten Gramann, demeurant à Chemnitz,
représentés par Mes M. Hirsch et F. Bauer, avocats,
LE TRIBUNAL (première chambre),
composé de MM. D. Spielmann, président, R. Mastroianni (rapporteur) et I. Gâlea, juges,
greffier : Mme R. Ūkelytė, administratrice,
vu la phase écrite de la procédure,
à la suite de l’audience du 19 mars 2024,
rend le présent
Arrêt
1 Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, OSR Enterprises AG, demande l’annulation de la décision de la cinquième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 29 novembre 2022 (affaire R 1302/2021-5) (ci-après la « décision attaquée »).
Antécédents du litige
2 Le 19 août 2003, les intervenants, MM. Mathias Möckel et Torsten Gramann, ont présenté à l’EUIPO une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne pour le signe verbal evolver.
3 La marque demandée désignait les services relevant des classes 35, 38 et 42 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondant, pour chacune de ces classes, à la description suivante :
– classe 35 : « Développement de solutions pour l’optimisation de processus au sein d’une entreprise » ;
– classe 38 : « Conception et développement de solutions Internet » ;
– classe 42 : « Conception et développement de solutions internet/solutions de banques de données, développement de solutions de commerce électronique, conception de sites web, développement de solution d’édition internet ».
4 Le 16 décembre 2004, la marque demandée a été enregistrée en tant que marque de l’Union européenne sous le numéro 3313335.
5 Le 15 mars 2019, la requérante a présenté à l’EUIPO une demande en déchéance de la marque mentionnée au point 4 ci-dessus sur le fondement de l’article 58, paragraphe 1, sous a), du règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1), au motif que ladite marque n’avait pas fait l’objet d’un usage sérieux dans l’Union européenne pendant une période ininterrompue de cinq ans pour l’ensemble des services pour lesquels elle avait été enregistrée.
6 Par décision du 27 mai 2021, la division d’annulation a rejeté partiellement la demande en déchéance, à savoir pour les services relevant de la classe 42 et a prononcé la déchéance de la marque pour tous les services relevant des classes 35 et 38.
7 Le 26 juillet 2021, la requérante a formé un recours auprès de l’EUIPO contre la décision de la division d’annulation en ce que cette dernière avait rejeté sa demande en déchéance.
8 Par la décision attaquée, la chambre de recours a rejeté le recours, au motif que les intervenants, titulaires de la marque contestée, avaient démontré l’usage sérieux de cette marque dans l’Union pour les services relevant de la classe 42.
Conclusions des parties
9 La requérante conclut, en substance, à ce qu’il plaise au Tribunal :
– annuler la décision attaquée ;
– prononcer la déchéance de la marque contestée pour l’ensemble des services en cause ;
– condamner l’EUIPO aux dépens.
10 L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– rejeter le recours ;
– condamner la requérante aux dépens en cas de convocation à une audience.
11 Les intervenants concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :
– rejeter le recours ;
– condamner la requérante aux dépens.
En droit
12 À l’appui de son recours, la requérante soulève, en substance, trois moyens, tirés, le premier, de la violation de l’article 95, paragraphe 2, du règlement 2017/1001, dans la mesure où des documents des titulaires de la marque contestée auraient été produits tardivement et n’auraient ainsi pas dû être pris en compte, le deuxième, de la violation de l’article 18, paragraphe 1, du règlement 2017/1001, dès lors qu’aucun usage sérieux de la marque contestée n’aurait été démontré, et, le troisième, de la méconnaissance de la valeur d’indice des procédures nationales.
Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 95, paragraphe 2, du règlement 2017/1001
13 La requérante soutient, en substance, que les annexes SKW 13 et SKW 14, produites tardivement, n’auraient pas dû être prises en considération par la division d’annulation et la chambre de recours, dès lors qu’elles contenaient, d’une part, des informations nouvelles et, d’autre part, plusieurs documents ne concernant pas la période d’usage pertinente.
14 L’EUIPO, soutenu par les intervenants, conteste les affirmations de la requérante.
15 Il convient de rappeler que l’article 95, paragraphe 2, du règlement 2017/1001 dispose que l’EUIPO peut ne pas tenir compte des faits que les parties n’ont pas invoqués ou des preuves qu’elles n’ont pas produites en temps utile.
16 Selon une jurisprudence constante, il découle du libellé de cette disposition que, en règle générale et sauf disposition contraire, la présentation de faits et de preuves par les parties demeure possible après l’expiration des délais auxquels se trouve subordonnée une telle présentation en application des dispositions du règlement 2017/1001 et qu’il n’est nullement interdit à l’EUIPO de tenir compte de faits et de preuves ainsi tardivement invoqués ou produits (voir arrêt du 26 septembre 2013, Centrotherm Systemtechnik/OHMI et centrotherm Clean Solutions, C‑610/11 P, EU:C:2013:593, point 77 et jurisprudence citée ; voir, également, arrêt du 28 février 2018, mobile.de/EUIPO, C‑418/16 P, EU:C:2018:128, point 48 et jurisprudence citée).
17 En précisant que l’EUIPO « peut » décider de ne pas tenir compte de telles preuves, l’article 95, paragraphe 2, du règlement 2017/1001 investit en effet celui-ci d’un large pouvoir d’appréciation à l’effet de décider, tout en motivant sa décision sur ce point, s’il y a lieu ou non de prendre celles-ci en compte (voir arrêt du 26 septembre 2013, Centrotherm Systemtechnik/OHMI et centrotherm Clean Solutions, C‑610/11 P, EU:C:2013:593, point 78 et jurisprudence citée ; voir, également, arrêt du 28 février 2018, mobile.de/EUIPO, C‑418/16 P, EU:C:2018:128, point 49 et jurisprudence citée).
18 Certes, il découle du libellé de l’article 19, paragraphe 1, du règlement délégué (UE) 2018/625 de la Commission, du 5 mars 2018, complétant le règlement 2017/1001, et abrogeant le règlement délégué (UE) 2017/1430 (JO 2018, L 104, p. 1), que, lorsqu’aucune preuve de l’usage sérieux de la marque concernée n’est produite dans le délai imparti par l’EUIPO, la déchéance doit en principe être prononcée par ce dernier. Une telle conclusion ne s’impose pas, en revanche, lorsque des éléments de preuve de cet usage ont été produits dans ledit délai (arrêt du 26 septembre 2013, Centrotherm Systemtechnik/OHMI et centrotherm Clean Solutions, C‑610/11 P, EU:C:2013:593, point 86).
19 En pareil cas, en effet, et à moins qu’il n’apparaisse que lesdits éléments sont dépourvus de toute pertinence aux fins d’établir l’usage sérieux de la marque concernée, la procédure est appelée à suivre son cours. Ainsi, il incombe à l’EUIPO, notamment, d’inviter les parties, aussi souvent qu’il est nécessaire, à présenter leurs observations sur les notifications qu’il leur a adressées ou sur les communications qui émanent des autres parties (arrêts du 26 septembre 2013, Centrotherm Systemtechnik/OHMI et centrotherm Clean Solutions, C‑610/11 P, EU:C:2013:593, point 87, et du 28 février 2018, mobile.de/EUIPO, C‑418/16 P, EU:C:2018:128, point 54).
20 Il découle notamment de ce qui précède que la présentation de preuves de l’usage de la marque venant s’ajouter à des preuves elles-mêmes produites dans le délai imparti par l’EUIPO, en vertu de l’article 19, paragraphe 1, du règlement 2018/625, demeure possible après l’expiration dudit délai et qu’il n’est nullement interdit à l’EUIPO de tenir compte de preuves supplémentaires produites ainsi tardivement (voir, en ce sens, arrêt du 26 septembre 2013, Centrotherm Systemtechnik/OHMI et centrotherm Clean Solutions, C‑610/11 P, EU:C:2013:593, point 88).
21 En l’espèce, il ressort du dossier de l’EUIPO que les annexes SKW 1 à SKW 12 ont été présentées par les intervenants le 28 mai 2019, à savoir dans le délai imparti par l’EUIPO. Après l’expiration dudit délai, les intervenants ont déposé le 11 décembre 2019 et le 24 août 2020 les annexes SKW 13 à SKW 17.
22 Dans la décision attaquée, la chambre de recours a confirmé l’approche de la division d’annulation, qui avait justifié sa décision de prendre en compte les éléments de preuve fournis par les intervenants le 11 décembre 2019 et le 24 août 2020, au motif que les documents produits dans les délais contenaient des informations sur la date, le lieu, la nature et l’étendue de l’usage et que ces dernières étaient complétées et corroborées par les documents présentés tardivement, sur lesquels la requérante a eu l’occasion de présenter ses observations et qui n’apportaient aucun élément nouveau.
23 Dès lors, les annexes SKW 13 et SKW 14, dont la requérante conteste la prise en compte, n’étaient pas les seuls éléments de preuve de l’usage sérieux de la marque contestée, mais constituaient des preuves complémentaires à des éléments de preuve déposés dans le délai imparti.
24 Cette conclusion ne saurait être remise en cause par les arguments de la requérante relatifs au fait que ces annexes contenaient des informations nouvelles et contenaient des documents ne concernant pas la période d’usage pertinente.
25 En effet, d’une part, il est possible d’identifier les services en cause à partir, notamment des factures présentées dans l’annexe SKW 5, qui utilisent certains acronymes usuels et qui comportent un texte informatif, lus en combinaison avec l’annexe SKW 2, qui est une déclaration sous serment de l’un des titulaires de la marque contestée, et l’annexe SKW 12, qui contient des éditions du magazine evolver journal, ces deux dernières annexes présentant des informations sur les services faisant l’objet de la procédure. Par ailleurs, c’est en réponse à des arguments de la requérante visant à démontrer que les preuves présentées initialement étaient insuffisantes que les intervenants ont produit des éléments complémentaires, à savoir les annexes SKW 13 et SKW 14, qui sont des offres contenant une description détaillée des prestations de services proposées par les intervenants. En outre, la requérante a pu formuler des observations sur ces annexes. Ainsi, les annexes SKW 13 et SKW 14 ne présentent pas d’éléments nouveaux, mais corroborent des informations déjà produites.
26 D’autre part, il y a lieu de considérer que la prise en considération de tels éléments de preuve portant sur un usage fait avant ou après la période pertinente est possible, en ce qu’elle permet de confirmer ou de mieux apprécier la portée de l’utilisation de la marque contestée ainsi que les intentions réelles du titulaire de celle-ci au cours de cette période. Cependant, de tels éléments de preuve ne peuvent être pris en considération que si d’autres éléments de preuve portant, eux, sur la période pertinente ont été produits [voir, en ce sens, arrêt du 2 mars 2022, Apologistics/EUIPO – Kerckhoff (apo-discounter.de), T‑140/21, non publié, EU:T:2022:110, point 27 et jurisprudence citée]. Or, tel est le cas en l’espèce.
27 Ainsi, la chambre de recours a pu considérer à juste titre que les éléments contenus dans les annexes SKW 13 et SKW 14 ne portant pas sur la période pertinente pouvaient malgré tout être pris en compte, dès lors que d’autres éléments de preuve portant sur la période pertinente avaient été produits.
28 Compte tenu du large pouvoir d’appréciation conféré à l’EUIPO par l’article 95, paragraphe 2, du règlement 2017/1001 et du caractère complémentaire des annexes SKW 13 et SKW 14, il s’ensuit que la chambre de recours a pu, à bon droit, prendre en considération les éléments de preuve qu’elles contenaient.
29 Partant, il y a lieu de rejeter le premier moyen.
Sur le deuxième moyen, tiré de la violation de l’article 18, paragraphe 1, du règlement 2017/1001
30 L’argumentation de la requérante se divise en trois branches, tirées, la première, de l’absence de précision quant à la désignation des services visés par la marque contestée, la deuxième, de l’absence de liens entre les preuves de l’usage et les services visés par cette marque et, la troisième, de l’usage de ladite marque avec des ajouts.
31 L’EUIPO, soutenu par les intervenants, conteste les affirmations de la requérante.
32 Aux termes de l’article 58, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001, le titulaire de la marque de l’Union européenne est déclaré déchu de ses droits, sur demande présentée auprès de l’EUIPO ou sur demande reconventionnelle dans une action en contrefaçon, si, pendant une période ininterrompue de cinq ans, la marque n’a pas fait l’objet d’un usage sérieux dans l’Union pour les produits ou les services pour lesquels elle est enregistrée et s’il n’existe pas de justes motifs pour le non-usage.
33 Selon une jurisprudence constante, une marque fait l’objet d’un usage sérieux, au sens de l’article 58, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001, lorsqu’elle est utilisée conformément à sa fonction essentielle, qui est de garantir l’identité d’origine des produits ou des services pour lesquels elle a été enregistrée, aux fins de créer ou de conserver un débouché pour ces produits et ces services, à l’exclusion d’usages à caractère symbolique ayant pour seul objet le maintien des droits conférés par ladite marque (arrêt du 3 juillet 2019, Viridis Pharmaceutical/EUIPO, C‑668/17 P, EU:C:2019:557, point 38 ; voir également, par analogie, arrêt du 11 mars 2003, Ansul, C‑40/01, EU:C:2003:145, point 43). De plus, la condition relative à l’usage sérieux de la marque concernée exige que celle-ci, telle qu’elle est protégée sur le territoire pertinent, soit utilisée publiquement et vers l’extérieur [voir arrêt du 4 avril 2019, Hesse et Wedl & Hofmann/EUIPO (TESTA ROSSA), T‑910/16 et T‑911/16, EU:T:2019:221, point 29 et jurisprudence citée].
34 L’appréciation du caractère sérieux de l’usage de la marque concernée doit reposer sur l’ensemble des faits et des circonstances propres à établir la réalité de l’exploitation commerciale de celle-ci dans la vie des affaires, en particulier les usages considérés comme justifiés dans le secteur économique concerné pour maintenir ou créer des parts de marché au profit des produits ou des services protégés par ladite marque, la nature de ces produits ou de ces services, les caractéristiques du marché, l’étendue et la fréquence de l’usage de cette marque [arrêt du 8 juillet 2004, Sunrider/OHMI – Espadafor Caba (VITAFRUIT), T‑203/02, EU:T:2004:225, point 40 ; voir également, par analogie, arrêt du 11 mars 2003, Ansul, C‑40/01, EU:C:2003:145, point 43].
35 L’usage sérieux d’une marque ne peut pas être démontré par des probabilités ou des présomptions, mais doit reposer sur des éléments concrets et objectifs qui prouvent une utilisation effective et suffisante de la marque sur le marché concerné. Dès lors, il convient de procéder à une appréciation globale qui tienne compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce et qui implique une certaine interdépendance des facteurs pris en compte [arrêt du 8 juillet 2020, Euroapotheca/EUIPO – General Nutrition Investment (GNC LIVE WELL), T‑686/19, non publié, EU:T:2020:320, point 35].
36 À cet égard, en vertu de l’article 10, paragraphes 3 et 4, du règlement 2018/625, applicable aux procédures de déchéance conformément à l’article 19, paragraphe 1, dudit règlement, la preuve de l’usage d’une marque doit porter sur le lieu, la durée, l’importance et la nature de l’usage qui a été fait de ladite marque et se limite, en principe, à la production de pièces justificatives, comme des emballages, des étiquettes, des barèmes de prix, des catalogues, des factures, des photographies et des annonces dans les journaux, ainsi qu’aux déclarations écrites visées à l’article 97, paragraphe 1, sous f), du règlement 2017/1001.
37 Il n’est pas requis que chaque élément de preuve contienne des informations sur chacun des quatre éléments sur lesquels doit porter la preuve de l’usage sérieux, à savoir le lieu, la durée, la nature et l’importance de l’usage. Un faisceau d’éléments de preuve peut permettre d’établir les faits à démontrer, alors même que chacun de ces éléments, pris isolément, serait impuissant à rapporter la preuve de l’exactitude de ces faits [voir arrêt du 5 mars 2019, Meblo Trade/EUIPO – Meblo Int (MEBLO), T‑263/18, non publié, EU:T:2019:134, point 84 et jurisprudence citée]. La question de savoir si une marque a fait l’objet d’un usage sérieux doit être appréciée globalement en prenant en compte l’ensemble des éléments disponibles. Il ne s’agit donc pas d’analyser chacune des preuves de façon isolée, mais de les analyser conjointement, afin d’en identifier le sens le plus probable et cohérent [voir arrêt du 21 novembre 2013, Recaro/OHMI – Certino Mode (RECARO), T‑524/12, non publié, EU:T:2013:604, point 31 et jurisprudence citée].
38 Il convient également d’ajouter que, dans le cadre d’une procédure de déchéance d’une marque, c’est au titulaire de cette dernière qu’il incombe, en principe, d’établir l’usage sérieux de ladite marque (voir, en ce sens, arrêt du 23 janvier 2019, Klement/EUIPO, C‑698/17 P, non publié, EU:C:2019:48, point 57 et jurisprudence citée).
39 Quant à l’importance de l’usage qui a été fait de la marque en cause, il convient de tenir compte, notamment, du volume commercial de l’ensemble des actes d’usage, d’une part, et de la durée de la période pendant laquelle des actes d’usage ont été accomplis ainsi que la fréquence de ces actes, d’autre part. Cette appréciation implique une certaine interdépendance des facteurs pris en compte. Ainsi, un faible volume de produits ou de services commercialisés sous ladite marque peut être compensé par une forte intensité ou une certaine constance dans le temps de l’usage de cette marque et inversement [arrêt du 19 décembre 2019, Sta*Ware EDV Beratung/EUIPO – Accelerate IT Consulting (businessNavi), T‑383/18, non publié, EU:T:2019:877, point 23].
40 Dans l’interprétation de la notion d’« usage sérieux », il convient de prendre en compte le fait que la ratio legis de l’exigence selon laquelle la marque en cause doit avoir fait l’objet d’un usage sérieux ne vise ni à évaluer la réussite commerciale d’une entreprise, ni à contrôler sa stratégie économique, ni encore à réserver la protection des marques à leurs seules exploitations commerciales quantitativement importantes [voir arrêt du 11 avril 2019, Fomanu/EUIPO – Fujifilm Imaging Germany (Représentation d’un papillon), T‑323/18, non publié, EU:T:2019:243, point 23 et jurisprudence citée].
41 C’est à la lumière des considérations qui précèdent qu’il convient d’examiner si la chambre de recours a conclu à juste titre que les éléments de preuve produits par les titulaires de la marque contestée étaient de nature à prouver son usage sérieux pour les services compris dans la classe 42, pour la période s’étendant du 15 mars 2014 au 13 mars 2019 (ci-après la « période pertinente »).
42 S’agissant de la preuve de l’usage sérieux de la marque contestée au cours de la période pertinente pour les services relevant, notamment, de la classe 42, il ressort du dossier que les intervenants, dans le cadre de la procédure administrative devant l’EUIPO, ont produit les éléments de preuve suivants :
– SKW 1a, qui est un extrait du registre du commerce des sociétés appartenant à evolver group ;
– SKW 1b, qui est une déclaration d’habilitation des titulaires de la marque en faveur d’evolver Media GmbH & Co.KG (ci-après « evolver Media » ;
– SKW 2, qui est une déclaration sous serment de l’un des titulaires de la marque contestée ;
– SKW 3 et 4, qui sont des captures d’écran du site Internet « www.evolver.de », contenant des informations sur des projets concrets mis en œuvre pour certains clients ;
– SKW 5, qui contient douze factures d’evolver Media adressées à différents clients en Allemagne et en Autriche ;
– SKW 6, qui contient des reproductions du papier à lettres utilisé par evolver group avec différents en-têtes ;
– SKW 7, qui est un récapitulatif de courriels envoyés par evolver group au cours de la période comprise entre le 1er septembre 2013 et le 25 mars 2019 et des versions imprimées de bulletins d’information types envoyés par courriel ;
– SKW 8, qui contient des photographies de stands de salons d’evolver group, indiquant entre autres le logo d’evolver group ;
– SKW 9, qui est un extrait du site Internet « www.ifra-expo.com/trade-fair/Äreview/review-exhibitor-list/ », affichant le logo d’evolver group ;
– SKW 10, qui contient notamment trois photographies d’une voiture portant l’inscription « evolver » ainsi que des offres faisant apparaître l’inscription « evolve » ;
– SKW 11, qui contient quatorze captures d’écran du profil d’evolver group sur une plateforme de médias sociaux ;
– SKW 12, qui contient des éditions du magazine evolver journal ;
– SKW 13, qui contient trois cahiers des charges détaillés, des offres et des factures ;
– SKW 14, qui contient un tableau récapitulant la liste des opérations en compte courant des années 2006 à 2014 ainsi que d’autres offres de services evolver ;
– SKW 15, qui est une synthèse ventilée par client pour les années 2016 à 2019, reflétant le chiffre d’affaires réalisé par service selon les titulaires de la marque ;
– SKW 16, qui contient notamment des factures émises par evolver services GmbH, datant de la période pertinente ;
– SKW 17, qui est une copie des observations présentées par evolver media dans le cadre d’une procédure nationale.
43 En l’espèce, la chambre de recours a considéré, en substance, que, premièrement, concernant le lieu de l’usage, que la marque contestée avait été utilisée en Allemagne, en Autriche et au Luxembourg, deuxièmement, concernant la période de l’usage de la marque contestée, que la majeure partie des documents portant sur l’usage dataient de la période pertinente, troisièmement, concernant la nature de l’usage de la marque contestée, que les documents produits fournissaient une preuve suffisante pour démontrer que ladite marque avait été utilisée telle qu’enregistrée et en tant que marque et, quatrièmement, concernant l’importance de l’usage de la marque contestée, d’une part, que la liste des services en cause compris dans la classe 42 était suffisamment précise et, d’autre part, que l’usage de ladite marque avait été prouvé et que celle-ci avait été utilisée de manière continue dans une mesure considérable sur le plan commercial et tout au long de la période concernée, sans qu’il y eût lieu d’effectuer une limitation au secteur des médias.
44 Dans la mesure où, ainsi que le souligne l’EUIPO, il ne ressort par des écritures de la requérante que la durée et le lieu de l’usage soient contestés dans la présente procédure, il y a lieu d’examiner les éléments de preuve et les arguments avancés par les parties en ce que ceux-ci portent sur la nature et l’importance de l’usage de la marque contestée. À cet égard, il y a lieu d’examiner, tout d’abord, la première branche, tirée de la précision quant à la désignation des services visés par la marque contestée, ensuite, la troisième branche, tirée de l’absence d’utilisation de la marque contestée dans la forme sous laquelle elle a été enregistrée et, enfin, la deuxième branche, tirée de l’absence de lien de la marque contestée suffisant avec les services visés par ladite marque.
Sur la première branche, tirée de la précision quant à la désignation des services visés par la marque contestée
45 Il y a lieu de rappeler qu’une marque de l’Union européenne enregistrée pour un ensemble de services dont la désignation manque de clarté et de précision n’est, en tout état de cause, susceptible d’être protégée que pour les services pour lesquels elle a fait l’objet d’un usage sérieux (arrêt du 29 janvier 2020, Sky e.a., C‑371/18, EU:C:2020:45, point 70).
46 En l’espèce, la chambre de recours a considéré que la liste des services en cause, mentionnés au point 3 ci-dessus, compris dans la classe 42 était suffisamment précise. En effet, la chambre de recours a estimé que les termes « conception et développement de solutions internet/solutions de banques de données, développement de solutions de commerce électronique, conception web, développement de solutions d’édition internet » avaient certes une acceptation large, mais qu’ils n’étaient pas obscurs, ambigus ou équivoques. Elle a considéré que les termes pour lesquels une marque était enregistrée comme visant des produits ou des services dans une classe particulière devaient être lus dans le contexte de la même classe. Elle a ajouté que le terme « solutions » adjoint aux termes « internet », « banques de données », « commerce électronique » et « édition internet » et l’enregistrement de ces termes dans la classe 42 faisait apparaître un lien avec l’informatique des services en cause et que la référence à l’informatique était inhérente à la notion de « conception web ».
47 La requérante conteste ces appréciations et fait valoir que la liste des services en cause dans la classe 42 est trop vague, qu’il n’est pas possible d’identifier clairement ces services et, partant, de rattacher des preuves concrètes à l’usage desdits services et de démontrer un usage sérieux de la marque contestée. Elle précise notamment qu’il ne ressort pas des termes « solutions » adjoints aux termes « internet », « base de données », « commerce électronique » et « édition internet » et de l’enregistrement de ces termes dans la classe 42 un « lien [avec l’]informatique clair ». En tout état de cause, même si un tel lien était suffisamment caractérisé, ces termes resteraient extrêmement larges.
48 L’EUIPO et les intervenants contestent les arguments de la requérante.
49 À cet égard, il y a lieu de relever que, si la liste des services en cause est formulée dans des termes larges, ils restent suffisamment clairs et précis.
50 En effet, ainsi que la chambre de recours l’a relevé, les termes utilisés pour les services en cause doivent être lus dans le contexte de la classe 42. Or, les notes explicatives de la neuvième édition de l’arrangement de Nice précisent que la « classe 42 comprend essentiellement les services rendus par des personnes, à titre individuel ou collectif, en rapport avec les aspects théoriques ou pratiques de domaines complexes d’activités » et que « de tels services sont rendus par des représentants de professions tels que […] [des] programmeurs ». En outre, ainsi que le fait valoir l’EUIPO, le « développement de matériel informatique et de logiciels » était inclus dans la neuvième édition de l’arrangement de Nice pour la classe 42 et la « conception de sites web » était mentionnée dans la liste alphabétique de cette classe.
51 Par ailleurs, ainsi que l’a considéré à juste titre la chambre de recours, le terme « solutions » adjoint aux termes « internet », « banques de données », « commerce électronique » et « édition internet » ainsi que l’enregistrement dans la classe 42, font apparaître un lien avec l’informatique des services en cause.
52 Cette conclusion ne saurait être remise en cause par les arguments de la requérante. En effet, s’agissant de l’argument selon lequel les notes explicatives de la neuvième édition de l’arrangement de Nice mentionnent que la classe 42 couvre également les « services scientifiques et technologiques ainsi que les services de recherche et de conception y relatifs » et les « services d’analyse industrielle, de recherches industrielles », il ressort clairement de l’ensemble des termes utilisés pour les services en cause, lus dans leur ensemble, qu’ils présentent un lien avec l’informatique et non avec les autres services mentionnés par la requérante.
53 Quant à l’argument selon lequel, si un tel lien avec l’informatique était suffisamment déterminé, ces termes resteraient extrêmement larges, ce qui serait illustré par le point 70 de l’arrêt du 29 janvier 2020, Sky e.a. (C‑371/18, EU:C:2020:45), qui aurait indiqué que l’usage d’une marque pour quelques logiciels seulement n’était pas constitutif d’un usage pour le terme générique « logiciel » dans sa totalité, il y a lieu de relever que le point de cet arrêt mentionné par la requérante précise seulement qu’une marque nationale ou de l’Union européenne enregistrée pour un ensemble de produits ou de services dont la désignation manque de clarté et de précision n’est, en tout état de cause, susceptible d’être protégée que pour les produits et les services pour lesquels elle a fait l’objet d’un usage sérieux.
54 Partant, il y a lieu de rejeter la première branche du deuxième moyen.
Sur la troisième branche, tirée de l’usage de la marque avec des ajouts
55 Il y a lieu de rappeler que conformément à l’article 18, paragraphe 1, second alinéa, sous a), du règlement 2017/1001, constitue un usage de la marque de l’Union européenne l’usage sous une forme qui diffère par des éléments n’altérant pas le caractère distinctif de la marque dans la forme sous laquelle elle a été enregistrée, que la marque soit ou non aussi enregistrée sous la forme utilisée au nom du titulaire.
56 L’objet de cette disposition, qui évite d’imposer une conformité stricte entre la forme utilisée de la marque en cause et celle sous laquelle elle a été enregistrée, est de permettre au titulaire de cette dernière d’apporter au signe, à l’occasion de son exploitation commerciale, les variations qui, sans en altérer le caractère distinctif, permettent de mieux l’adapter aux exigences de commercialisation et de promotion des produits ou des services concernés. Conformément à son objet, le champ d’application matériel de cette disposition doit être considéré comme limité aux situations dans lesquelles le signe concrètement utilisé par le titulaire d’une marque pour désigner les produits ou les services pour lesquels celle-ci a été enregistrée constitue la forme sous laquelle cette même marque est commercialement exploitée. Dans de pareilles situations, lorsque la forme du signe utilisé dans le commerce diffère de la forme sous laquelle celui-ci a été enregistré uniquement par des éléments négligeables, de sorte que les deux signes peuvent être considérés comme globalement équivalents, la disposition susmentionnée prévoit que l’obligation d’usage de la marque enregistrée peut être remplie en rapportant la preuve de l’usage du signe qui en constitue la forme utilisée dans le commerce [voir arrêt du 13 septembre 2016, hyphen/EUIPO – Skylotec (Représentation d’un polygone), T‑146/15, EU:T:2016:469, point 27 et jurisprudence citée].
57 Ainsi, le constat d’une altération du caractère distinctif de la marque enregistrée requiert un examen du caractère distinctif et dominant des éléments ajoutés en se fondant sur les qualités intrinsèques de chacun de ces éléments ainsi que sur la position relative des différents éléments dans la configuration de la marque (voir arrêt du 13 septembre 2016, Représentation d’un polygone, T‑146/15, EU:T:2016:469, point 28 et jurisprudence citée).
58 En l’espèce, la chambre de recours a considéré que les preuves produites permettaient de conclure sans équivoque que les ajouts joints au signe evolver, y compris ceux sous forme d’acronymes, restaient sans incidence sur le caractère distinctif du signe contesté du point de vue des milieux professionnels pertinents. La chambre de recours a donc conclu que, dans l’ensemble, les éléments de preuve produits fournissaient une preuve suffisante pour démontrer que la marque contestée avait été utilisée en tant que marque, à savoir en tant qu’indication d’origine, conformément aux exigences de l’article 18, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001, pendant la période pertinente.
59 La requérante conteste ces appréciations et soutient que la marque contestée n’a pas été utilisée sous sa forme enregistrée, car elle n’a jamais été utilisée isolément, mais avec des ajouts, qui sont plus distinctifs que ladite marque, de sorte que le caractère distinctif de cette dernière a été modifié en raison de l’utilisation desdits ajouts. Elle précise que c’est la perception du public concerné qui est déterminante pour l’appréciation du caractère distinctif d’un signe et que la chambre de recours a considéré à tort que les services en cause s’adressaient aux spécialistes de l’informatique et non au grand public.
60 L’EUIPO et les intervenants contestent les arguments de la requérante.
61 Concernant la nature de l’usage, ainsi que l’a relevé à juste titre la chambre de recours aux points 51 et 53 de la décision attaquée, les éléments de preuve démontrent que la marque a été utilisée telle qu’enregistrée et en tant que marque.
62 En effet, premièrement, les factures et les offres de services présentées respectivement dans les annexes SKW 5 et SKW 13, qui portent sur la période pertinente, mentionnent à plusieurs endroits de premier plan le signe evolver avec des ajouts variables, notamment l’ajout du terme « media », qui se présente comme suit :
63 Or, cet ajout n’est pas distinctif du point de vue des milieux professionnels concernés, en particulier des maisons d’édition et entreprises de média.
64 Deuxièmement, le signe est également représenté dans ces annexes avec l’ajout du terme « group » suivi de cubes colorés, comme suit :
.
65 Or, l’ajout du terme « group » et les cubes colorés suivants n’ont pas non plus de caractère distinctif du point de vue des milieux professionnels pertinents. Le signe est également présent sur la première page de factures et d’offres de services sous l’intitulé « Wir haben evolver cubes ! » (Nous avons des cubes evolver !).
66 Troisièmement, différentes prestations sont facturées ou proposées avec une dénomination qui contient le terme « evolver » et un acronyme. Il ressort notamment de l’annexe SKW 5 que des acronymes sont utilisés tels que « evolverOAS », « evolverOAS – Update/29 MT-Paket Customizing » (Mise à jour/forfait de personnalisation de 29 journées de travail), « evolverESTATE/10 MT-Customizing » (evolverESTATE/forfait de personnalisation de dix journées de travail), « evolverCMS/20 Manntage-Paket für Relaunch PNP » (evolverCMS/forfait de réactivation de 20 journées de travail), « evolverOAS/Setupgebühr » (evolverOAS/frais de configuration), « evolverOAS/Abschlusszahlung evolverGUI » (evolverOAS/paiement final interface utilisateur evolver), « evolverOAS/Anzahlung evolverGUI » (evolverOAS/acompte interface utilisateur evolver), « Erweiterung des evolverOAS8/40MT-Paket für Migration und Customizing » (Extension de l’evolverOAS8/forfait de 40 journées de travail pour la migration et la personnalisation).
67 Par conséquent, la chambre de recours a pu considérer à juste titre, eu égard à ces éléments de preuve, que les ajouts joints au signe evolver, y compris ceux sous forme d’acronymes, restaient sans incidence sur le caractère distinctif du signe litigieux du point de vue des milieux professionnels pertinents.
68 Cette conclusion ne saurait être remise en cause par l’argument de la requérante relatif au public pertinent. En effet, la chambre de recours a mentionné aux points 51 et 52 de la décision attaquée que le public pertinent était constitué de professionnels. Or, ainsi que le mentionne à juste titre l’EUIPO, il ressort des éléments de preuve susmentionnés que les services visés par la marque contestée sont utilisés à des fins commerciales ou professionnelles. Ainsi, les différentes indications utilisées avec la marque contestée doivent être comprises comme des informations descriptives supplémentaires de cette marque, qui jouent un rôle secondaire et n’affectent pas le caractère distinctif de la marque contestée.
69 Eu égard aux éléments susmentionnés, la chambre de recours a considéré à juste titre que les éléments de preuve fournissaient une preuve suffisante pour démontrer que la marque contestée avait été utilisée telle qu’enregistrée et en tant que marque au sens de l’article 18, paragraphe 1, sous a) du règlement 2017/1001.
70 Partant, il convient de rejeter la troisième branche du présent moyen.
Sur la deuxième branche, tirée de l’absence de liens entre les preuves de l’usage et les services visés par la marque contestée
71 Comme il est rappelé au point 33 ci-dessus, une marque fait l’objet d’un usage sérieux lorsqu’elle est utilisée, conformément à sa fonction essentielle, qui est de garantir l’identité d’origine des produits ou des services pour lesquels elle a été enregistrée, aux fins de créer ou de conserver un débouché pour ces produits et ces services.
72 En l’espèce, la chambre de recours a considéré que les éléments de preuve fournis par les intervenants démontraient que la marque contestée avait été utilisée pour les services relevant de la classe 42 pour lesquels cette marque avait été enregistrée.
73 La requérante conteste cette appréciation et fait valoir, en substance, que les preuves de l’usage de la marque contestée ne permettent pas d’établir un lien suffisant avec les services visés par cette marque, dès lors que ces éléments de preuve indiquent un usage de la marque pour des logiciels compris dans la classe 9, plutôt que pour des services compris dans la classe 42. Elle ajoute plus précisément que l’annexe SKW 6 ne contient que du papier à lettres et des enveloppes vierges et que l’annexe SKW 10 contient des photographies de lettrage pour véhicules et que, ainsi, tout lien de ces annexes avec des services fait défaut. En tout état de cause, elle estime que, si l’usage devait être reconnu pour les services compris dans la classe 42, ce dernier serait limité au secteur des médias. Elle ajoute que, eu égard aux éléments de preuves qui ont été apportés, les titulaires de la marque contestée n’ont pas respecté la charge de la preuve.
74 L’EUIPO et les intervenants contestent les arguments de la requérante.
75 Concernant l’usage sérieux pour les services visés par la marque contestée, la chambre de recours a considéré à juste titre que les intervenants avaient apporté la preuve d’un usage sérieux pour les services relevant de la classe 42.
76 En effet, premièrement, il ressort des factures de l’annexe SKW 5 émises par la société des intervenants qu’il existe des indices de prestations de services, tout particulièrement les factures « evolverOAS – Update/29 MT-Paket Customizing » (Mise à jour/forfait de personnalisation de 29 journées de travail), « evolverESTATE/10 MT-Customizing » (evolverESTATE/forfait de personnalisation de dix journées de travail), « evolverCMS/20 Manntage-Paket für Relaunch PNP » (evolverCMS/forfait de réactivation de 20 journées de travail), ou encore « Erweiterung des evolverOAS8/40MT-Paket für Migration und Customizing » (Extension de l’evolverOAS8/forfait de 40 journées de travail pour la migration et la personnalisation). Les factures contenues dans l’annexe SKW 16 contiennent également de telles indications datant de la période pertinente. Les factures font état de montants en euros faibles ou moyens à cinq chiffres.
77 Deuxièmement, eu égard à des retours de clients, qui ressortent des annexes SKW 3, SKW 4 et SKW 12 ainsi que du déploiement estimé sur de nombreux jours pour effectuer des prestations de service, l’entreprise des intervenants met en œuvre des projets importants dans le cadre desquels cette dernière doit adapter le contenu Internet et d’autres solutions Internet aux besoins spécifiques de ses clients afin de « résoudre » des problèmes spécifiques. Ainsi, la chambre de recours a pu considérer à bon droit qu’il ne s’agissait pas uniquement en l’espèce de la vente de logiciels standards, mais de solutions conçues et développées pour des clients.
78 Troisièmement, il ressort notamment de l’annexe SKW 12, qui est composée d’éditions du magazine evolver journal, que certains groupes de médias et portails d’information utilisent « evolverOAS » ou « evolverSSO ». Or, ainsi que l’a justement relevé la chambre de recours, « evolverSSO » permet la création notamment d’un paiement en ligne centralisé et, par conséquent, d’une « solution de commerce électronique ».
79 Quatrièmement, plusieurs éléments de preuve font part de services liés à des portails immobiliers en ligne, proposés par l’entreprise des intervenants, notamment les annexes SKW 12 et SKW 5, dont une facture présente notamment un montant de plusieurs dizaines de milliers d’euros. Or, comme l’a souligné la chambre de recours, un portail immobilier en ligne est, pour l’essentiel, une base de données dans laquelle les clients ou les courtiers peuvent rechercher des biens adéquats ou poster eux-mêmes des annonces. Ainsi, la chambre de recours a pu considérer à juste titre que plusieurs éléments de preuves démontraient un lien clair avec les services de « solutions Internet/solutions de banques de données ».
80 Cinquièmement, il ressort des annexes SKW 5 et SKW 13 que l’entreprise des intervenants a proposé et facturé, sous couvert de la marque contestée, pour des montants allant notamment jusqu’à cinq chiffres, des développements et des travaux de « mise en page » en ce qui concernait les sites Internet de clients professionnels et, par conséquent, des services de « conception web ».
81 Eu égard à l’ensemble de ces éléments et à l’examen global de ces derniers, la chambre de recours a pu considérer à juste titre au point 76 de la décision attaquée que les intervenants avaient apporté la preuve qu’avaient été proposés et fournis, sous couvert de la marque contestée, des services de développement et de conception de logiciels de gestion de contenu, de solutions de commerce électronique et de sites Internet adaptés à leurs clients respectifs et, partant, un large éventail de services de développement et de conception liés à des solutions Internet et de bases de données ainsi que des services de « conception web ».
82 Ainsi, il ressort de l’examen global des preuves produites que la marque contestée a été utilisée de manière continue dans une mesure considérable sur le plan commercial, tout au long de la période pertinente.
83 Cette conclusion ne saurait être remise en cause par les arguments de la requérante. En effet, premièrement, s’agissant de l’argument selon lequel les preuves de l’usage de la marque ne permettent pas d’établir un lien suffisant avec les services visés par la marque contestée, dès lors que ces éléments de preuve indiquent un usage de ladite marque pour des logiciels compris dans la classe 9, plutôt que pour des services compris dans la classe 42, il y a lieu de relever que, comme le souligne l’EUIPO, les intervenants ont rapporté la preuve que leur entreprise avait fourni, sous couvert de la marque contestée, des services liés à des projets complexes qui comprenaient notamment des logiciels en tant que service (Software-as-a-Service – SaaS) et leur adaptation aux besoins des clients, ainsi que des solutions de conception en ligne et de commerce électronique, services qui relèvent de la classe 42. Par ailleurs, ainsi que la souligné la chambre de recours au point 76 de la décision attaquée, les éléments de preuve montrent que les prestations proposées et fournies aux clients étaient des bouquets de services, qui étaient adaptés aux clients respectifs et aux missions informatiques à résoudre, ou nécessitaient des travaux de développement et de programmation spécifiques. En outre, eu égard aux éléments mentionnés aux points 76 à 82 ci-dessus et conformément à la jurisprudence citée au point 38 ci-dessus, les titulaires de la marque contestée ont rapporté suffisamment de preuves afin de démontrer l’usage sérieux de ladite marque, de sorte que la charge de preuve n’a pas été méconnue.
84 Deuxièmement, s’agissant de l’argument de la requérante relatif au fait que les annexes SKW 6 et SKW 10 ne seraient pas liées aux services contestés, il y a lieu de relever que, conformément à la jurisprudence citée au point 37 ci-dessus, la question de savoir si une marque a fait l’objet d’un usage sérieux doit être appréciée globalement en prenant en compte l’ensemble des éléments disponibles, ce que la chambre de recours a fait aux points 71 à 79 de la décision attaquée. Ainsi, il n’y a pas lieu d’apprécier les annexes SKW 6 et SKW 10 de manière isolée.
85 Troisièmement, concernant l’argument de la requérante relatif à la limitation des services en cause au secteur des médias, il y a lieu de relever que la finalité des services fournis en l’espèce n’implique pas une limitation au secteur des médias. En effet, il ressort notamment de l’annexe SKW 12 que les services en cause ont été utilisés, bien que cela soit dans une moindre mesure, par un fournisseur d’un portail d’évènements et de billetterie et par une filiale d’une banque. Ainsi que l’a relevé à juste titre la chambre de recours au point 79 de la décision attaquée, l’usage intersectoriel de la marque contestée est certes limité eu égard aux preuves qui ont été apportées par les intervenants, mais cet usage ne saurait pour autant être considéré comme purement symbolique. Par conséquent, la chambre de recours a considéré à juste titre que la preuve de l’usage fournie faisait clairement apparaître que l’offre de services sous couvert de la marque contestée n’était précisément pas limitée au secteur des médias au cours de la période pertinente et que, ainsi, la situation de l’espèce se distinguait de celle ayant donné lieu à l’arrêt du 7 février 2019, TecAlliance/EUIPO – Siemens (TecDocPower) (T‑789/17, non publié, EU:T:2019:70).
86 Ainsi, c’est à juste titre que la chambre de recours a effectué ses constatations relatives à la nature et à l’importance de l’usage de la marque contestée tel que cela est rappelé au point 43 ci-dessus. Enfin, il convient de rappeler qu’il ne ressort pas des arguments de la requérante qu’elle contesterait les appréciations de la chambre de recours relatives à la durée de l’usage de la marque contestée et au lieu d’usage de cette marque.
87 Par conséquent, c’est sans commettre d’erreur que la chambre de recours a considéré, au terme d’une appréciation globale, conformément à la jurisprudence rappelée aux points 33 à 40 ci-dessus, que la marque contestée avait fait l’objet d’un usage sérieux dans l’Union pour les services pour lesquels cette marque avait été enregistrée et durant la période au cours de laquelle un tel usage devait être établi et, partant qu’elle a rejeté le recours formé devant elle et la demande en déchéance présentée par la requérante.
88 Partant, au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de rejeter la deuxième branche et le deuxième moyen dans son ensemble.
Sur le troisième moyen, tiré de la méconnaissance de la valeur d’indice des procédures nationales
89 La requérante soutient, en substance, que la suspension de la procédure en contrefaçon pendante entre les parties devant le Landgericht Frankfurt am Main (tribunal régional de Francfort-sur-le-Main, Allemagne), qui a été confirmée par l’Oberlandesgericht Frankfurt-am-Main (tribunal régional supérieur de Francfort-sur-le-Main), a une valeur d’indice que la chambre de recours a méconnu.
90 L’EUIPO, soutenu par les intervenants, conteste les affirmations de la requérante.
91 À cet égard, il y a lieu de relever que, selon la jurisprudence, le régime des marques de l’Union européenne est un système autonome, constitué d’un ensemble de règles et poursuivant des objectifs qui lui sont spécifiques, son application étant indépendante de tout système national (voir, en ce sens, arrêt du 10 juillet 2014, Peek & Cloppenburg/OHMI, C‑325/13 P et C‑326/13 P, non publié, EU:C:2014:2059, point 55). La chambre de recours et, le cas échéant, le juge de l’Union ne sont donc pas liés, même s’ils peuvent les prendre en considération, par des décisions intervenues au niveau des États membres ou des États tiers à l’Union [voir, en ce sens, arrêt du 5 février 2020, Globalia Corporación Empresarial/EUIPO – Touring Club Italiano (TC Touring Club), T‑44/19, non publié, EU:T:2020:31, point 103].
92 En l’espèce, la requérante s’appuie sur la suspension de la procédure en contrefaçon pendante entre les parties devant le Landgericht Frankfurt am Main (tribunal régional de Francfort-sur-le-Main), qui a été confirmée par l’Oberlandesgericht Frankfurt-am-Main (tribunal régional supérieur de Francfort-sur-le-Main). Néanmoins, ainsi que le soutient à juste titre l’EUIPO, les deux décisions de justice que mentionne la requérante ont été rendues dans le cadre de procédures qui ne lient pas la chambre de recours, ainsi que cette dernière l’a indiqué au point 80 de la décision attaquée.
93 Par ailleurs, ainsi que cela ressort des points 45 à 88 ci-dessus, la chambre de recours s’est fondée, à juste titre, sur les preuves de l’usage présentées par les intervenants.
94 Partant, il y a lieu de rejeter le troisième moyen ainsi que le recours dans son intégralité.
Sur les dépens
95 Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.
96 Une audience ayant eu lieu et la requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’EUIPO et des intervenants.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (première chambre)
déclare et arrête :
1) Le recours est rejeté.
2) OSR Enterprises AG est condamnée aux dépens.
Spielmann | Mastroianni | Gâlea |
Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 4 septembre 2024.
Signatures
* Langue de procédure : l’allemand.
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