Griesbeck v Parliament (Institutional Law - Judgment) French Text [2021] EUECJ T-10/21 (08 September 2021)


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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions)


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URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2021/T1021.html
Cite as: EU:T:2021:542, [2021] EUECJ T-10/21, ECLI:EU:T:2021:542

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ARRÊT DU TRIBUNAL (cinquième chambre)

8 septembre 2021 (*)

« Droit institutionnel – Réglementation concernant les frais et indemnités des députés au Parlement – Indemnité d’assistance parlementaire – Recouvrement des sommes indûment versées – Charge de la preuve – Droits de la défense – Erreur d’appréciation – Proportionnalité »

Dans l’affaire T‑10/21,

Nathalie Griesbeck, demeurant à Ancy-sur-Moselle (France), représentée par Mes J.-L. Teheux, J.-M. Rikkers et G. Selnet, avocats,

partie requérante,

contre

Parlement européen, représenté par MM. N. Görlitz, T. Lazian et Mme M. Ecker, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation de la décision du bureau du Parlement du 5 octobre 2020 confirmant la décision des questeurs du 21 avril 2020 rejetant la réclamation dirigée contre la décision du secrétaire général du Parlement du 18 octobre 2019 relative au recouvrement auprès de la requérante d’une somme de 111 872,18 euros indûment versée au titre de l’assistance parlementaire, de cette décision du secrétaire général du Parlement et de la note de débit correspondante du 24 octobre 2019,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre),

composé de M. D. Spielmann, président, Mme O. Spineanu‑Matei (rapporteure) et M. R. Mastroianni, juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        La requérante, Mme Nathalie Griesbeck, a été députée au Parlement européen de 2004 à 2019.

2        Le 29 octobre 2009, la requérante a conclu avec A (ci-après l’« assistante locale ») un contrat de travail en qualité d’assistante parlementaire locale, pour une durée indéterminée à compter du 1er novembre 2009 (ci-après le « contrat de travail »). Le contrat de travail prévoyait un travail à mi-temps et une rémunération mensuelle nette de 848,48 euros. En décembre 2009, suivant un avenant au contrat, la rémunération mensuelle nette a été augmentée à 981,74 euros.

3        En novembre 2009, la requérante a introduit une demande de prise en charge des frais d’assistance parlementaire relatifs à ce contrat de travail auprès des services du Parlement. Ces frais ont été pris en charge par le Parlement durant toute la durée du contrat qui a pris fin le 30 juin 2014.

4        Au mois d’octobre 2014, la requérante a introduit une nouvelle demande de prise en charge des frais d’assistance parlementaire relatifs à un second contrat de travail conclu avec l’assistante locale pour une durée indéterminée et avec prise d’effet au 1er juillet 2014. Le contrat de travail prévoyait un travail à temps partiel de 75,84 heures par mois et une rémunération mensuelle brute de 980 euros.

5        Le 27 octobre 2017, le directeur de la direction des droits financiers et sociaux des députés du Parlement a interrogé la requérante, à la suite de la parution dans les médias français, en juin 2017, d’informations mettant en cause la réalité du travail des assistants parlementaires des députés au Parlement appartenant au parti politique français Mouvement démocrate (MODEM), sur la situation de ses assistants parlementaires locaux et accrédités et les activités exercées par ceux-ci.

6        Par courrier du 21 décembre 2017, la requérante a répondu aux services du Parlement.

7        Le 12 février 2019, le secrétaire général du Parlement a informé la requérante de l’ouverture d’une procédure de recouvrement sur le fondement de l’article 68 de la décision du bureau du Parlement européen des 19 mai et 9 juillet 2008 portant mesures d’application du statut des députés au Parlement européen (JO 2009, C 159, p. 1, ci-après les « mesures d’application »), et l’a invitée à présenter, dans un délai d’un mois, ses observations ainsi que tout élément susceptible de prouver la réalité du travail effectué par l’assistante locale.

8        Par courrier du 8 mars 2019, la requérante a présenté ses observations au secrétaire général du Parlement, accompagnées d’un dossier de 18 pièces destinées à établir la réalité du travail exercé par l’assistante locale.

9        Par courrier du 5 avril 2019, la requérante a transmis 58 pièces complémentaires.

10      Par décision du 18 octobre 2019, le secrétaire général du Parlement a estimé que la requérante n’avait pas apporté la preuve de l’exercice effectif par l’assistante locale d’une assistance nécessaire et directement liée à l’exercice de son mandat parlementaire (ci-après la « décision du secrétaire général du Parlement »). Il a par conséquent décidé que, pour la période allant du 1er novembre 2009 au 31 octobre 2014, un montant de 111 872,18 euros avait été indûment pris en charge par le Parlement dans le cadre de l’emploi de A en tant qu’assistante locale et devait être recouvré auprès de la requérante en application de l’article 68, paragraphe 1, des mesures d’application. Partant, le secrétaire général du Parlement a chargé l’ordonnateur compétent de procéder au recouvrement en cause.

11      Le 24 octobre 2019, le directeur général de la direction générale « Finances » du Parlement a notifié à la requérante la décision du secrétaire général du Parlement ainsi que la note de débit no 2019-1777 (ci-après la « note de débit »).

12      Le 19 décembre 2019, la requérante a, en application de l’article 72, paragraphe 2, des mesures d’application, adressé une réclamation aux questeurs contre la décision du secrétaire général du Parlement.

13      Le 22 mai 2020, les questeurs ont notifié à la requérante leur décision du 21 avril 2020 portant rejet de sa réclamation (ci-après la « décision des questeurs »).

14      Le 15 juillet 2020, la requérante a, en application de l’article 72, paragraphe 3, des mesures d’application, adressé une réclamation au bureau du Parlement contre la décision des questeurs.

15      Par décision du 5 octobre 2020, notifiée à la requérante le 30 octobre 2020, le bureau du Parlement a rejeté la réclamation de la requérante, confirmé la décision des questeurs et maintenu la décision du secrétaire général du Parlement (ci-après la « décision attaquée »).

 Procédure et conclusions des parties

16      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 9 janvier 2021, la requérante a introduit le présent recours.

17      Le 23 avril 2021, le Parlement a déposé un mémoire en défense.

18      Le 4 mai 2021, en application des dispositions de l’article 83, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, le Tribunal (cinquième chambre) a décidé qu’un deuxième échange de mémoires n’était pas nécessaire.

19      Le Tribunal (cinquième chambre) a décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure, de statuer sans phase orale de la procédure.

20      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        par conséquent, annuler la décision du secrétaire général du Parlement ;

–        annuler la note de débit ou, à titre subsidiaire, la ramener à de plus justes proportions ;

–        condamner le Parlement aux dépens.

21      Le Parlement conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme partiellement irrecevable et partiellement non fondé et, en tout état de cause, comme non fondé ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

22      Au soutien du recours, la requérante soulève trois moyens, tirés, premièrement, d’erreurs d’appréciation, deuxièmement, de l’inversion de la charge de la preuve et d’une violation du droit à un procès équitable et, troisièmement, d’une violation du principe de proportionnalité.

23      Avant de procéder à l’examen de ces moyens, il convient, à titre liminaire, de déterminer la portée du présent recours.


 Observations liminaires

24      Le présent recours est dirigé contre la décision attaquée, qui fait suite à une réclamation de la requérante contre la décision des questeurs. Cette dernière décision, qui ne fait pas l’objet du présent recours, constitue une décision intermédiaire. Elle a elle-même été prise à la suite d’une première réclamation contre la décision initiale du secrétaire général du Parlement, qui est également visée, par voie de conséquence, par le présent recours.

25      Il y a lieu de constater que, en l’espèce, la décision attaquée et la décision du secrétaire général du Parlement portent toutes deux sur la procédure de recouvrement dont la requérante fait l’objet, qu’elles sont fondées sur les mêmes éléments factuels et que leur contenu et leur motivation se recoupent dans une très large mesure.

26      Il convient encore d’observer que, même si le présent recours est dirigé contre la décision attaquée, à laquelle la requérante se réfère en tant que telle, les moyens qu’elle soulève ne concernent pas cette décision en particulier, mais la procédure de recouvrement dans son ensemble, en tant qu’elle a abouti à la décision attaquée. Ainsi, les arguments des parties, dans une certaine mesure, recouvrent indistinctement les décisions attaquée et du secrétaire général du Parlement.

27      Conformément au principe d’économie de la procédure, le juge peut décider qu’il n’y a pas lieu de statuer spécifiquement sur les seules critiques dirigées contre la décision attaquée à titre principal lorsqu’il constate que celles-ci sont dépourvues de contenu autonome et se confondent, en réalité, avec celles dirigées contre les actes antérieurs faisant grief (voir, en ce sens, arrêt du 21 février 2018, LL/Parlement, C‑326/16 P, EU:C:2018:83, point 38 et jurisprudence citée).

28      Il peut notamment en être ainsi, comme c’est le cas en l’espèce, lorsque le juge constate que la décision finale attaquée est purement confirmative des décisions antérieures qui ont fait l’objet de réclamations et que, partant, l’annulation de la décision finale attaquée ne produit sur la situation juridique de la personne intéressée aucun effet distinct de celui découlant de l’annulation des décisions antérieures (voir, en ce sens, arrêt du 21 février 2018, LL/Parlement, C‑326/16 P, EU:C:2018:83, point 39).

29      C’est à la lumière des considérations qui précèdent que le Tribunal examinera le présent recours. Il convient d’analyser d’abord le deuxième moyen, puis le premier et, finalement, le troisième moyen.

 Sur le deuxième moyen, tiré de l’inversion de la charge de la preuve et d’une violation du droit à un procès équitable

30      Le Parlement fait valoir que le deuxième moyen, en tant qu’il est tiré de l’inversion de la charge de la preuve, doit être considéré comme irrecevable, dès lors que la requérante ne développe aucune argumentation juridique au soutien de sa position, mais se contente de lister des éléments de fait à l’appui de celle-ci, de sorte que la requête ne serait pas conforme à l’article 76, sous d), du règlement de procédure.

31      À cet égard, force est de constater qu’il ressort sans ambiguïté de la requête que, par son argumentation, la requérante soutient que, eu égard aux circonstances particulières de l’espèce, le Parlement a, en substance, renversé la charge de la preuve.

32      Il peut d’ailleurs être relevé, d’une part, que le Parlement admet, en substance, que la requête ne peut être comprise qu’en ce sens et, d’autre part, qu’il a au demeurant pu valablement présenter sa défense.

33      Partant, il convient d’écarter la fin de non-recevoir soulevée par le Parlement.

34      La requérante considère que le Parlement a violé son droit à un procès équitable et le principe d’égalité des armes, lesquels imposent une administration loyale de la preuve, en renversant la charge de la preuve de la réalité du travail de l’assistante locale et de sa conformité avec les exigences de l’article 33 des mesures d’application, pour la faire exclusivement peser sur elle.

35      La requérante estime que, eu égard aux circonstances de l’espèce, un tel renversement de la charge de la preuve revient, dans les faits, à exiger d’elle une preuve impossible et à la placer dans une situation de net désavantage par rapport au Parlement. La requérante se prévaut notamment de la situation de handicap de l’assistante locale et, plus précisément, de la difficulté ophtalmologique invalidante qui lui interdisait de travailler durablement sur ordinateur, de l’organisation de son travail qui n’était pas de nature à générer des preuves écrites, du délai de près de quatre ans et demi qui s’est écoulé entre la fin du travail de l’assistante locale et le lancement de la procédure de recouvrement, de la nature de l’emploi de l’assistante locale, principalement dévolu à des tâches de secrétariat, et des modalités d’exercice de celui-ci , ainsi que de l’existence de contrôles annuels positifs réalisés par les services financiers du Parlement.

36      Le Parlement conteste l’argumentation de la requérante.

37      En premier lieu, en ce qui concerne le prétendu renversement de la charge de la preuve opéré par le Parlement, il convient de rappeler que, en vertu de l’article 21 de sa décision 2005/684/CE, Euratom, du 28 septembre 2005, portant adoption du statut des députés au Parlement européen (JO 2005, L 262, p. 1), notamment de ses paragraphes 1 et 2, le Parlement prend en charge les frais effectivement engagés au titre de l’emploi des collaborateurs personnels librement choisis par les députés pour l’assistance à laquelle ils ont droit.

38      Le mécanisme de la prise en charge des frais d’assistance parlementaire, dont les conditions d’exercice sont définies par les mesures d’application, notamment leur article 33, intitulé « Prise en charge des frais d’assistance parlementaire », est déclenché par le député lors de la présentation de sa demande de prise en charge à l’administration, accompagnée du contrat conclu avec l’assistant, fixant les tâches de celui-ci.

39      Selon une jurisprudence constante, la définition de la notion d’assistance parlementaire ne relevant pas de la discrétion des députés, ces derniers ne sont pas libres de demander le remboursement des dépenses sans rapport avec l’engagement ou l’utilisation des services fournis par de tels assistants (voir arrêt du 16 mai 2018, Troszczynski/Parlement, T‑626/16, non publié, EU:T:2018:270, point 114 et jurisprudence citée).

40      En effet, la nécessité de démontrer la réalité du travail fourni par l’assistant local découlant directement, notamment, des articles 33 et 68 des mesures d’application, le Parlement ne prend en charge que les frais effectivement engagés et résultant entièrement et exclusivement de l’engagement d’un ou de plusieurs assistants, ce qui implique que la réalité de ceux-ci soit démontrée par le député concerné (arrêts du 29 novembre 2017, Bilde/Parlement, T‑633/16, non publié, EU:T:2017:849, point 119, et du 7 mars 2018, Gollnisch/Parlement, T‑624/16, non publié, EU:T:2018:121, point 112).

41      Il s’ensuit que, dans l’hypothèse d’un contrôle ayant trait à l’utilisation des frais d’assistance parlementaire, le député concerné doit être en mesure de prouver que les montants perçus ont été utilisés afin de couvrir les dépenses effectivement engagées et résultant entièrement et exclusivement de l’engagement d’un ou de plusieurs assistants, comme le prévoit l’article 33, paragraphe 1, seconde phrase, des mesures d’application, de sorte qu’il lui incombe d’être en mesure de produire les pièces justificatives afférentes et, partant, de les conserver, et ce même en l’absence d’obligation explicite en ce sens découlant du droit de l’Union européenne (voir arrêt du 24 mars 2021, Bennahmias/Parlement, T‑798/19, non publié, EU:T:2021:158, point 68 et jurisprudence citée).

42      Dès lors, dans une telle situation, c’est sur la partie requérante, et non sur le Parlement, que repose la charge de la preuve de la réalité, de la nécessité et du lien direct des frais d’assistance parlementaire avec l’exercice de son mandat (ordonnances du 21 mars 2019, Troszczynski/Parlement, C‑462/18 P, non publiée, EU:C:2019:239, point 82, et du 21 mai 2019, Le Pen/Parlement, C‑525/18 P, non publiée, EU:C:2019:435, point 82).

43      À la lumière des éléments qui précèdent, il y a lieu de considérer que le raisonnement du bureau en l’espèce, qui, comme la requérante l’indique à juste titre, consiste à soutenir qu’il appartient toujours au député de rapporter la preuve de la conformité des dépenses d’assistance prises en charge par le Parlement avec les dispositions de l’article 33 des mesures d’application, est pleinement conforme aux mesures d’application et à la jurisprudence citée aux points 40 à 42 ci-dessus.

44      Il découle également des éléments qui précèdent que la requérante n’est pas fondée à soutenir, comme elle le fait, que la charge de la preuve a été renversée dans le cas d’espèce, dès lors que le Parlement n’a fait qu’appliquer la règle d’attribution de la charge de la preuve, telle qu’elle découle des mesures d’application et d’une jurisprudence bien établie.

45      De surcroît, la requérante considère qu’il aurait dû être fait exception, eu égard aux circonstances spécifiques de l’espèce, au principe selon lequel la charge de la preuve du travail de l’assistant parlementaire incombe au député.

46      Or, il ne ressort ni des mesures d’application ni de la jurisprudence qu’il puisse être fait exception au principe selon lequel la charge de la preuve incombe au député et que, dans certaines circonstances, ladite charge puisse incomber, en tout ou en partie, au Parlement. Comme le Parlement l’indique à juste titre, une telle exception serait contraire à l’économie générale du régime des indemnités d’assistance parlementaire et viderait de sa substance l’article 33 des mesures d’application.

47      Il découle de tout ce qui précède qu’il incombait en l’espèce à la requérante de conserver et de produire des pièces justifiant que les montants perçus avaient été utilisés afin de couvrir les dépenses effectivement engagées et correspondant entièrement et exclusivement à l’assistance nécessaire et directement liée à l’exercice de son mandat parlementaire, comme le prévoit l’article 33, paragraphe 1, seconde phrase, des mesures d’application. Les circonstances telles que la situation de handicap de l’assistante locale, la nature de son emploi et les modalités particulières d’exercice de celui-ci, malgré les limitations et accommodements qu’elles impliquent, et en dépit de leur incidence sur ses modalités d’exécution, n’affectent en rien le principe de cette obligation et ne renversent nullement la charge de la preuve s’attachant à celle-ci. Dans la mesure où il ressort de la requête que la requérante avait connaissance de ces circonstances spécifiques dès le début du contrat de travail de l’assistante locale, et dès lors que l’assistante locale avait été engagée en vue de fournir un travail effectif, la requérante aurait dû, vu les obligations qui lui incombent concernant la conservation et la production de pièces justifiant l’emploi de l’assistante locale, faire preuve de diligence et prévoir des modalités de sauvegarde des éléments de preuve appropriées aux circonstances de l’espèce.

48      Partant, c’est à bon droit que le bureau du Parlement a considéré que la situation personnelle de l’assistante locale, en tant que membre du personnel handicapée, ne modifiait en rien la responsabilité de la requérante en ce qui concerne son contrat de travail, pas plus qu’elle ne renversait la charge de la preuve qui pesait sur cette dernière conformément aux mesures d’application et à la jurisprudence.

49      Enfin, en ce qui concerne l’affirmation de la requérante selon laquelle le Parlement aurait exigé d’elle qu’elle rapporte une preuve impossible, il suffit de rappeler que, selon une jurisprudence désormais constante, en demandant au député concerné de justifier le travail réalisé par son assistant local, le Parlement n’exige pas une preuve impossible. En effet, il ne s’agit pas de démontrer un fait inexistant, mais un fait positif, à savoir la réalité du travail de l’assistant local, laquelle peut être attestée par de nombreux éléments de preuve concrets (voir arrêt du 24 mars 2021, Bennahmias/Parlement, T‑798/19, non publié, EU:T:2021:158, point 69 et jurisprudence citée).

50      En second lieu, il convient de souligner, dans la mesure où la requérante invoque des garanties de procédures juridictionnelles telles que le droit à un procès équitable ou le principe d’égalité des armes, que ces garanties, consacrées notamment à l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, ne visent que la procédure juridictionnelle devant un « tribunal » (voir, en ce sens, arrêt du 15 juin 2017, Bay/Parlement, T‑302/16, non publié, EU:T:2017:390, point 71 et jurisprudence citée). Or, ni la procédure de recouvrement organisée par l’article 68 des mesures d’application ayant conduit à l’adoption de la décision du secrétaire général du Parlement, ni les procédures de réclamation établies par l’article 72, paragraphes 2 et 3, des mesures d’application dans le cadre desquelles la décision des questeurs et la décision attaquée ont été adoptées ne constituent une procédure juridictionnelle devant un « tribunal » (voir, en ce sens, arrêts du 19 juin 2018, Le Pen/Parlement, T‑86/17, non publié, EU:T:2018:357, point 92, et du 28 novembre 2018, Le Pen/Parlement, T‑161/17, non publié, EU:T:2018:848, point 75). Partant, la requérante n’est en l’espèce pas fondée à se prévaloir de la violation de ces garanties.

51      Dans la mesure où il convient de comprendre la critique de la requérante dans le sens qu’elle dénonce la procédure de recouvrement inéquitable dont elle aurait fait l’objet et la situation de net désavantage dans laquelle elle aurait été placée par rapport au Parlement, ladite critique peut être examinée à la lumière des garanties offertes par l’article 41 de la charte des droits fondamentaux, qui consacre le droit à une bonne administration et qui prévoit, en son paragraphe 1, que toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l’Union (voir, en ce sens, arrêt du 11 juillet 2019, Gollnisch/Parlement, T‑95/18, non publié, EU:T:2019:507, point 60). Toutefois, vu que, comme cela a été établi aux points 37 à 48 ci-dessus, l’attribution de la charge de la preuve a été réalisée de manière régulière en l’espèce, et dès lors que la requérante a notamment été en mesure de faire valoir utilement sa position et de présenter des éléments de preuve du travail de l’assistante locale sans qu’il lui soit demandé de rapporter une preuve impossible, il ne saurait être considéré qu’elle a été traitée de manière inéquitable, en violation de l’article 41 de la charte des droits fondamentaux.

52      À la lumière de tout ce qui précède, il y a lieu de rejeter le deuxième moyen.

 Sur le premier moyen, tiré d’erreurs d’appréciation

53      La requérante soutient que la décision attaquée est entachée de plusieurs erreurs d’appréciation, tout en évoquant le contexte d’engagement et de travail de l’assistante locale. Elle rappelle que le recrutement de l’assistante locale a été requis par son élection comme membre de la commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures du Parlement, fonction qui a impliqué des déplacements fréquents à Paris (France), que l’emploi de l’assistante locale consistait principalement en des tâches de secrétariat, tâches que l’assistante exerçait déjà au sein du MODEM, et qui étaient principalement exercées téléphoniquement ou matériellement, si bien que leur exécution n’a pas été entravée par la situation de handicap de l’assistante locale, et que l’assistante locale était placée sous la conduite opérationnelle de B, son assistante locale basée à Metz (France), et était suivie administrativement par C, son époux, qui se chargeait des formalités juridiques et comptables liées au contrat de travail de l’assistante locale.

54      En premier lieu, la requérante avance que le bureau du Parlement a commis une première erreur d’appréciation en ne tenant pas compte des circonstances particulières de l’espèce, à savoir la situation de handicap de l’assistante locale et la nature de son emploi principalement dévolu à des tâches de secrétariat, et de leur incidence sur sa capacité à produire des preuves documentaires du travail réalisé par l’assistante locale.

55      En deuxième lieu, la requérante considère que le bureau du Parlement a commis une deuxième erreur d’appréciation en ignorant, dans la décision attaquée, la déperdition des moyens de preuve occasionnée par le délai de près de quatre ans et demi qui s’est écoulé entre la fin de l’emploi de l’assistante locale et le lancement de la procédure de recouvrement ainsi que la spécificité des tâches de secrétariat assumées par l’assistante locale. La requérante met également en avant, au soutien de son argumentation, l’issue positive des procédures de régularisation dont elle a annuellement fait l’objet dans le cadre de l’article 39 des mesures d’application et le fait que sa vigilance n’a dans ce cadre jamais été éveillée quant à la nécessité de conserver la documentation de nature à établir la réalité du travail de l’assistante locale et sa conformité avec l’article 33 des mesures d’application.

56      En troisième lieu, la requérante maintient que le bureau du Parlement a commis des erreurs dans l’appréciation des éléments de preuve qu’elle a fournis et de leur capacité à établir la réalisation d’un travail conforme aux exigences de l’article 33 des mesures d’application.

57      La requérante fait valoir, en substance, que ces éléments de preuve constituent des preuves acceptables du travail de l’assistante locale en lien avec son mandat de députée européenne et s’appuie en particulier sur les extraits de son agenda parisien, qui feraient apparaître de nombreux événements gérés par l’assistante locale en relation directe avec son mandat de députée européenne.

58      La requérante précise que les fiches de paie émises par le MODEM qu’elle a produites ne visaient nullement à établir la réalité du travail de l’assistante locale en lien avec son mandat de députée européenne, mais avaient pour seul but de fournir des informations administratives relatives à l’emploi de l’assistante locale.

59      Enfin, elle affirme, en ce qui concerne les manifestations propres au MODEM auxquelles elle a participé, qu’elle n’y a assisté qu’en sa qualité de députée européenne, élue sous l’étiquette de ce parti. Elle estime à cet égard que considérer, comme le fait le bureau du Parlement dans la décision attaquée, que de tels travaux sont étrangers à l’exercice de son mandat constitue un déni du processus démocratique et une immixtion illégitime dans l’exercice de ses responsabilités.

60      Le Parlement conteste l’argumentation de la requérante.

 Sur l’absence de prise en considération des circonstances particulières du cas d’espèce

61      La requérante fait valoir que le bureau du Parlement a commis une première erreur d’appréciation en ne tenant pas compte, dans la décision attaquée, des circonstances particulières de l’espèce et de leur incidence sur sa capacité à produire des preuves documentaires du travail réalisé par l’assistante locale et en estimant que ces circonstances ne pouvaient justifier un renversement de la charge de la preuve qui pesait sur elle. À cet égard, la requérante met en avant la situation particulière de l’assistante locale et la difficulté ophtalmologique invalidante qui lui interdisait de travailler durablement sur ordinateur, la nature de son emploi principalement dévolu à des tâches de secrétariat et les principales modalités d’exercice de celui-ci.

62      Il y a lieu de constater que ces circonstances particulières ne sont nullement contestées par le Parlement.

63      Il ressort également de la décision attaquée que le bureau du Parlement a pris acte desdites circonstances, mais qu’il ne leur a pas attribué les conséquences recherchées par la requérante, à savoir une modification de la répartition de la charge de la preuve. Le Parlement a, en effet, considéré que la situation personnelle de l’assistante locale, en tant que membre du personnel handicapée, ne modifiait en rien la responsabilité de la requérante en ce qui concernait son contrat de travail, pas plus qu’elle ne renversait la charge de la preuve qui pesait sur cette dernière. Il a encore estimé que, en dépit de ces circonstances, l’assistante locale devait avoir été amenée, dans le cadre de son contrat de travail, à fournir un travail et à effectuer des tâches, notamment de secrétariat, qui avaient dû laisser subsister un certain nombre de preuves documentaires que la requérante aurait normalement dû être en mesure de produire dans le cadre de la procédure de recouvrement.

64      Or, il a été établi aux points 37 à 48 ci-dessus qu’une telle décision est pleinement conforme aux règles en vigueur, telles qu’elles découlent des mesures d’application et de la jurisprudence, et selon lesquelles la charge de la preuve de la réalité du travail d’un assistant et de sa conformité avec les mesures d’application incombe au député, sans qu’il puisse être fait exception à ce principe.

65      Quand bien même certaines pièces produites par la requérante, et notamment celles reprises à l’annexe A.6, attestent que l’assistante locale utilisait l’outil informatique et était amenée à recevoir des courriers électroniques et à rédiger de courtes réponses, il peut raisonnablement être admis que la situation particulière de l’assistante locale et le handicap ophtalmologique dont elle souffrait ont rendu difficiles un usage proactif de l’outil informatique et la production régulière de documents écrits pouvant attester de la réalité de son travail. Il n’en demeure pas moins que, comme cela a été établi aux points 37 à 42 ci-dessus, la charge de la preuve de la réalité du travail de l’assistante locale et de sa conformité avec les mesures d’application incombe à la requérante, que cette preuve est, faute d’indication contraire, libre (voir, en ce sens, ordonnance du 21 mars 2019, Gollnisch/Parlement, C‑330/18 P, non publiée, EU:C:2019:240, point 100) et qu’il lui était dès lors loisible de produire tout autre type de preuve, conservée, comme cela est établi au point 47 ci-dessus, selon des modalités appropriées aux circonstances de l’espèce.

66      À la lumière de tout ce qui précède, il y a lieu d’écarter le premier grief du premier moyen.

 Sur l’écoulement du temps et la déperdition des moyens de preuve

67      La requérante fait valoir que le bureau du Parlement a commis une deuxième erreur d’appréciation en ignorant, dans la décision attaquée, la déperdition des moyens de preuve occasionnée par le délai de près de quatre ans et demi qui s’est écoulé entre la fin de l’emploi de l’assistante locale et le lancement de la procédure de recouvrement ainsi que la spécificité des tâches de secrétariat assumées par l’assistante locale. Elle met notamment en avant, au soutien de son argumentation, l’issue positive des procédures de régularisation, dont elle a annuellement fait l’objet au titre de l’article 39 des mesures d’application, et le fait que sa vigilance n’a jamais été éveillée quant à la nécessité de conserver la documentation de nature à établir la réalité du travail de l’assistante locale et sa conformité avec l’article 33 des mesures d’application. Elle invoque également le fait que sa boîte électronique, en raison d’un volume important de correspondance et de contraintes informatiques, devait régulièrement être vidée, ce qui a entraîné la disparition des courriels qu’elle échangeait avec l’assistante locale.

68      En premier lieu, s’agissant du délai qui s’est écoulé entre la fin de l’emploi de l’assistante locale et l’ouverture de la procédure de recouvrement, s’il n’est pas contesté qu’un délai de près de quatre ans et demi s’est effectivement écoulé entre la fin de l’emploi de l’assistante locale, le 31 octobre 2014, et le lancement de la procédure de recouvrement par la demande d’information du secrétaire général du Parlement du 12 février 2019, il convient de constater que la procédure de recouvrement a été diligentée par le Parlement dans un délai qui doit être considéré comme raisonnable.

69      Il ressort, en effet, d’une jurisprudence bien établie que le délai de communication d’une note de débit doit être présumé déraisonnable lorsque cette communication intervient au-delà d’une période de cinq ans à compter du moment où l’institution a été normalement en mesure de faire valoir sa créance (voir, en ce sens, arrêts du 13 novembre 2014, Nencini/Parlement, C‑447/13 P, EU:C:2014:2372, point 49, et du 14 juin 2016, Marchiani/Parlement, C‑566/14 P, EU:C:2016:437, point 102). À titre indicatif, il convient de préciser que l’article 98, paragraphe 2, deuxième alinéa, du règlement (UE, Euratom) 2018/1046 du Parlement européen et du Conseil, du 18 juillet 2018, relatif aux règles financières applicables au budget général de l’Union, modifiant les règlements (UE) no 1296/2013, (UE) no 1301/2013, (UE) no 1303/2013, (UE) no 1304/2013, (UE) no 1309/2013, (UE) no 1316/2013, (UE) no 223/2014, (UE) no 283/2014 et la décision no 541/2014/UE, et abrogeant le règlement (UE, Euratom) no 966/2012 (JO 2018, L 193, p. 1), prévoit qu’une note de débit doit en principe être envoyée immédiatement après la constatation de la créance et, au plus tard, dans un délai de cinq ans à compter du moment où l’institution de l’Union était, dans des circonstances normales, en mesure de faire valoir sa créance.

70      Or, la procédure de recouvrement dont la requérante a fait l’objet a été initiée, comme cela a été établi au point 5 ci-dessus, à la suite des révélations faites dans la presse française en juin 2017. En l’espèce, ce n’est donc au plus tôt qu’à partir de ce moment que le Parlement a été normalement en mesure de faire valoir sa créance. Entre ce moment et l’adoption de la décision du secrétaire général du Parlement et l’émission de la note de débit, deux ans et quatre mois se sont dès lors écoulés. Un tel délai ne saurait, à la lumière des règles en vigueur et de l’interprétation qu’en a donné la jurisprudence susmentionnée, être considéré comme déraisonnable.

71      Par ailleurs, il y a lieu d’observer que l’écoulement du temps entre la fin de l’emploi de l’assistante locale et le lancement de la procédure de recouvrement n’a pas, contrairement à ce qu’elle allègue, absolument empêché la requérante de produire des éléments de preuve en vue d’établir le travail fourni par l’assistante locale. Comme le Parlement l’indique à juste titre, elle a apporté de tels éléments, qui n’ont néanmoins pas été jugés probants dans le cadre de la procédure de recouvrement.

72      Enfin, en ce qui concerne les procédures de régularisation comptable dont la requérante a fait annuellement l’objet dans le cadre de l’article 39 des mesures d’application et leur incidence sur la procédure de recouvrement à laquelle elle a été soumise au titre de l’article 68 desdites mesures, il y a lieu de rappeler que ledit article 39, intitulé « Régularisation comptable », instaure une procédure visant à contrôler la régularité des frais engagés au titre des salaires, des retenues fiscales, des cotisations sociales patronales et salariales et de tous autres frais pouvant être pris en charge pour chacun des assistants locaux employés.

73      Comme cela ressort de son intitulé et de son libellé, et comme le Parlement l’indique à juste titre, la procédure de régularisation qu’instaure l’article 39 des mesures d’application poursuit un objectif strictement comptable. Cette procédure ne vise pas à contrôler la réalité du travail fourni par les assistants parlementaires et sa conformité avec l’article 33 des mesures d’application et ne saurait dès lors être confondue avec la procédure de recouvrement établie par l’article 68 des mesures d’application.

74      Partant, l’issue positive de régularisations comptables réalisées dans le cadre de l’article 39 des mesures d’application ne préjuge en rien de l’ouverture ultérieure d’une procédure de recouvrement au titre de l’article 68 desdites mesures, ni de l’issue d’une telle procédure. Elle ne saurait remettre en cause l’obligation, établie au point 41 ci-dessus, qui incombe à la requérante d’être en mesure de produire les pièces justificatives relatives au travail fourni et, partant, de les conserver.

75      En second lieu, quant à la prétendue disparition des courriels que la requérante échangeait avec l’assistante locale, la requérante avance que, en raison d’un volume important de correspondance et de contraintes techniques, sa boîte électronique devait être régulièrement vidée par B, son autre assistante locale basée en circonscription à Metz.

76      Il ressort de la jurisprudence que la circonstance qu’une boîte électronique doive régulièrement être vidée ne rend pas impossible la conservation de courriels échangés par le biais de la boîte électronique en cause, dès lors que ceux-ci peuvent être archivés dans des dossiers dédiés ou être conservés en version imprimée (voir, en ce sens, arrêts du 29 novembre 2017, Bilde/Parlement, T‑633/16, non publié, EU:T:2017:849, point 118, et du 19 juin 2018, Le Pen/Parlement, T‑86/17, non publié, EU:T:2018:357, point 128).

77      Par ailleurs, il ressort des pièces produites par la requérante que la circonstance que sa boîte électronique ait été régulièrement vidée ne l’a pas empêchée de conserver un certain nombre de courriels électroniques échangés entre B, qui gérait sa boîte électronique, et l’assistante locale, qu’elle joint ainsi à sa requête dans l’annexe A.6, mais qui ensuite n’ont pas été considérés par le Parlement comme des preuves acceptables du travail effectué par l’assistante locale.

78      Enfin, l’argument relatif à la « disparition » des courriels apparaît difficilement conciliable avec une autre allégation de la requérante suivant laquelle l’assistante locale, en raison de sa situation particulière, n’a été amenée à utiliser l’outil informatique que de manière très limitée.

79      À la lumière de tout ce qui précède, il y a lieu d’écarter le deuxième grief du premier moyen.

 Sur le caractère probant des éléments produits par la requérante

80      La requérante soutient en substance que les différents éléments de preuve qu’elle a produits sont de nature à établir la réalité d’un travail d’assistance parlementaire conforme à l’article 33 des mesures d’application et que le bureau du Parlement a commis des erreurs dans l’appréciation des éléments de preuve qu’elle a fournis et de leur capacité à établir la réalisation d’un travail conforme aux exigences de l’article 33 des mesures d’application. Elle fait notamment valoir que les extraits de son agenda parisien, qui feraient apparaître de nombreux événements gérés par l’assistante locale, constituent des preuves acceptables du travail de l’assistante locale en lien avec son mandat de députée européenne.

81      À titre liminaire, il convient de rappeler que, selon l’article 33, paragraphe 1, seconde phrase, des mesures d’application, le Parlement prend en charge les frais effectivement engagés et résultant entièrement et exclusivement de l’engagement d’un ou de plusieurs assistants conformément aux mesures d’application. Aux termes de l’article 33, paragraphe 2, première phrase, des mesures d’application, seuls peuvent être pris en charge les frais correspondant à l’assistance nécessaire et directement liée à l’exercice du mandat parlementaire des députés.

82      En premier lieu, s’agissant des extraits d’agenda produits par la requérante, il y a lieu de rappeler que la production d’agendas peut constituer une preuve de la réalité du travail d’un assistant local qui est admissible. Toutefois, si, dans la jurisprudence, a été reconnue la valeur probante des agendas pour démontrer la réalité du travail d’un assistant local, cette reconnaissance a été soumise à la condition que les agendas attestent de rendez-vous ou de l’activité de l’assistant local (voir, en ce sens, arrêt du 29 novembre 2017, Montel/Parlement, T‑634/16, non publié, EU:T:2017:848, point 122), ce qui n’est pas le cas en l’espèce.

83      En effet, s’il n’est pas contesté que la requérante ait effectivement participé aux événements listés sur ces extraits, ni que ceux-ci aient pu être en lien nécessaire et direct avec l’exercice de son mandat de députée européenne, ces extraits d’agenda et les autres pièces produites ne permettent aucunement d’établir, comme le Parlement l’indique à juste titre, que ces divers événements ont effectivement été, comme la requérante l’allègue, gérés par l’assistante locale. Force est de constater qu’aucune des pièces produites ne démontre une quelconque implication de l’assistante locale dans la planification, la gestion ou l’organisation de l’un ou l’autre des événements listés sur les extraits d’agenda. En effet, les pièces produites ne font mention ni du nom de l’assistante locale ni des tâches qui lui auraient été confiées en vue de la participation de la requérante auxdits événements.

84      Dans ces circonstances, c’est à bon droit que le bureau du Parlement a estimé que les pièces communiquées par la requérante, et notamment les extraits de son agenda parisien, n’étaient pas de nature à démontrer que l’assistante locale avait effectivement fourni une assistance nécessaire et directement liée à l’exercice du mandat de députée européenne de la requérante.

85      En deuxième lieu, en ce qui concerne les fiches de paie émises par le MODEM, la requérante avance que ces pièces n’ont pas été produites dans le but d’établir la réalité du travail de l’assistante locale et sa conformité avec les exigences de l’article 33 des mesures d’application, mais simplement pour fournir des informations administratives relatives à l’emploi de l’assistante locale. Elle estime que le Parlement, en considérant que ces éléments tendraient à établir l’emploi de l’assistante locale auprès du MODEM, a fait preuve d’une certaine mauvaise foi.

86      À cet égard, il n’est pas contesté que les fiches de paie produites par la requérante ne peuvent à elles seules constituer des preuves acceptables d’un travail de l’assistante locale conforme aux exigences de l’article 33 des mesures d’application. C’est, dès lors, à bon droit que le Parlement a considéré que ces documents ne permettaient aucunement d’établir une contribution professionnelle de l’assistante locale. La circonstance alléguée que, ce faisant, le Parlement aurait également considéré que ces documents étaient plutôt de nature à établir l’emploi de l’assistante locale auprès du MODEM et qu’il aurait ainsi fait preuve de mauvaise foi est à cet égard dépourvue de pertinence, et l’argument de la requérante en ce sens doit dès lors être écarté.

87      En troisième lieu, la requérante considère que l’appréciation du Parlement selon laquelle sa participation à des manifestations propres au MODEM, telles que les réunions « shadow cabinet » du parti ou des manifestations auxquelles participait son président, D, est étrangère à l’exercice de son mandat constitue un déni du processus démocratique et une immixtion illégitime dans l’exercice de ses responsabilités.

88      Il convient avant tout de rappeler que le contrôle du Parlement dans le cadre de la procédure de recouvrement qu’établit l’article 68 des mesures d’application s’effectue en deux temps. D’abord, il appartient au Parlement de vérifier que la réalité du travail de l’assistant est étayée par des éléments de preuve concrets. Ensuite, si de tels éléments sont produits, le Parlement s’assure que le travail fourni par l’assistant est, conformément à l’article 33, paragraphe 2, des mesures d’application, en lien direct et nécessaire avec l’exercice du mandat de député européen. À cet égard, il est admis qu’une interprétation téléologique dudit article 33, paragraphe 2, conduit à considérer que cette disposition doit être interprétée en ce sens que, si, conformément à sa seconde phrase, les frais d’assistance parlementaire ne peuvent en aucun cas couvrir des frais liés à la sphère privée des députés, il ne saurait en être déduit que ces derniers frais seraient les seuls à ne pas se rattacher nécessairement et directement à l’exercice du mandat de député européen, de sorte que les dépenses résultant de la participation de l’assistant parlementaire à toutes les activités publiques du député seraient éligibles. Il est, en effet, indispensable que l’activité de l’assistant parlementaire ait un lien direct et nécessaire avec l’exercice du mandat (voir, en ce sens, arrêt du 19 juin 2018, Le Pen/Parlement, T‑86/17, non publié, EU:T:2018:357, point 110).

89      En ce qui concerne la nature du lien entre les manifestations propres au MODEM auxquelles la requérante a participé et l’exercice de son mandat de députée européenne, il y a lieu de préciser que, s’il ne peut être soutenu que la participation d’un député européen à ce type de manifestations est par principe étrangère à l’exercice de son mandat et relève de la politique nationale, il ne peut non plus être considéré, comme la requérante le suggère, que la seule circonstance que la requérante a été élue députée européenne sous l’étiquette du MODEM et qu’il s’agit du seul mandat dont elle est titulaire suffise à garantir que sa participation aux manifestations de ce parti politique présente, conformément à l’article 33, paragraphe 2, des mesures d’application, un lien direct et nécessaire avec l’exercice de son mandat de députée européenne.

90      À cet égard, il y a lieu de constater que, en l’espèce, contrairement à ce que la requérante avance, ni la décision attaquée ni les décisions des questeurs et du secrétaire général du Parlement ne retiennent que la participation de la requérante aux manifestations organisées par son parti aurait forcément été étrangère à l’exercice de son mandat de députée européenne. Ces décisions constatent simplement que les pièces produites par la requérante ne permettent pas d’établir la réalité du travail fourni par l’assistante locale, notamment en ce qui concerne les manifestations propres au MODEM qu’invoque la requérante, et sa conformité avec les exigences de l’article 33 des mesures d’application.

91      Dans ce sens, contrairement à ce que la requérante soutient, il ne ressort pas des pièces produites, et notamment des extraits d’agenda et des messages électroniques, que l’assistante locale a été impliquée dans l’organisation ou le déroulement desdits événements. La requête ne fournit, en outre, qu’une liste des manifestations auxquelles la requérante a participé, mais aucune explication ou indication quant à la nature et à l’ampleur des tâches qui auraient été assumées par l’assistante locale dans ce cadre. Partant, c’est à bon droit que le Parlement a décidé que, notamment en ce qui concerne la participation de la requérante aux manifestations propres au MODEM, la preuve d’un travail effectif de l’assistante n’avait pas été apportée, et qu’il n’a, comme cela a été établi au point 90 ci-dessus, pas poursuivi la seconde étape de l’analyse, relative au lien entre ces manifestations et l’exercice du mandat de députée européenne de la requérante.

92      À la lumière des éléments qui précèdent, il y a lieu de considérer que le grief de la requérante suivant lequel la décision attaquée constitue un déni du processus démocratique et une immixtion illégitime dans l’exercice de ses responsabilités doit être écarté.

93      Il résulte de tout ce qui précède que le premier moyen doit être rejeté.

 Sur le troisième moyen, tiré d’une violation du principe de proportionnalité

94      La requérante soutient que la décision attaquée viole le principe de proportionnalité, en ce qu’elle ordonne la restitution de l’intégralité des sommes versées à l’assistante locale pour toute la durée de son contrat de travail au titre des frais d’assistance parlementaire, alors que la réalité du travail de celle-ci et sa conformité avec l’article 33 des mesures d’application ont été démontrées.

95      Le Parlement réfute toute violation du principe de proportionnalité.

96      Il y a tout d’abord lieu de rappeler que le principe de proportionnalité constitue un principe général du droit de l’Union, qui exige que les actes des institutions de l’Union ne dépassent pas les limites de ce qui est approprié et nécessaire à la réalisation des objectifs légitimes poursuivis par la réglementation en cause (voir arrêt du 16 mai 2018, Troszczynski/Parlement, T‑626/16, non publié, EU:T:2018:270, point 186 et jurisprudence citée).

97      Toutefois, le Parlement ne dispose, en vertu de l’article 68, paragraphe 1, première phrase, des mesures d’application, d’aucune marge d’appréciation quant au montant à recouvrer au titre de la somme litigieuse, s’agissant de la répétition de sommes indues. En effet, en vertu de cette disposition, toute somme indûment versée en application des mesures d’application donne lieu à répétition (voir, en ce sens, arrêts du 29 novembre 2017, Bilde/Parlement, T‑633/16, non publié, EU:T:2017:849, point 206 ; du 16 mai 2018, Troszczynski/Parlement, T‑626/16, non publié, EU:T:2018:270, point 187, et du 24 mars 2021, Bennahmias/Parlement, T‑799/19, non publié, EU:T:2021:159, point 65).

98      Or, dès lors qu’il n’a pas été établi, dans le cadre de l’examen du présent recours, que c’était à tort que le Parlement avait estimé qu’il n’avait pas été démontré que l’assistante locale assurait des tâches en conformité avec les mesures d’application et que, partant, les sommes qui lui avaient été versées au titre des frais d’assistance parlementaire pour la période allant du 1er novembre 2009 au 31 octobre 2014, s’élevant à un montant de 111 872,18 euros, ne l’avaient pas été conformément à celles-ci, le Parlement était tenu par une obligation inconditionnelle de recouvrer l’intégralité de ces sommes.

99      Ainsi, à défaut de toute marge d’appréciation dans l’exécution de cette obligation inconditionnelle lui incombant, le Parlement n’a pas agi, en l’espèce, au-delà de ce qui était approprié et nécessaire à la réalisation des objectifs poursuivis par les mesures d’application.

100    Partant, c’est à tort que la requérante fait valoir, en substance, que le Parlement aurait violé le principe de proportionnalité en exigeant la restitution de l’intégralité des sommes versées à l’assistante locale au titre de l’assistance parlementaire.

101    Il s’ensuit que le troisième moyen doit également être rejeté ainsi que, par voie de conséquence, le recours dans son intégralité, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur la recevabilité de la demande subsidiaire de la requérante visant à ce que le Tribunal ramène la note de débit à de plus justes proportions.

 Sur les dépens

102    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

103    La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions du Parlement.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Mme Nathalie Griesbeck supportera, outre ses propres dépens, ceux exposés par le Parlement européen.

Spielmann

Spineanu-Matei

Mastroianni

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 8 septembre 2021.

Le greffier

 

Le président

E. Coulon

 

M. van der Woude



*      Langue de procédure : le français.

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