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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) |
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You are here: BAILII >> Databases >> Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) >> M.D. (Interdiction d'entree en Hongrie) (Area of freedom, security and justice - Third-country national staying illegally on the territory of a Member State - Opinion) French Text [2022] EUECJ C-528/21_O (24 November 2022) URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2022/C52821_O.html Cite as: [2022] EUECJ C-528/21_O, EU:C:2022:933, ECLI:EU:C:2022:933 |
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Édition provisoire
CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL
M. MANUEL CAMPOS SÁNCHEZ-BORDONA
présentées le 24 novembre 2022(1)
Affaire C‑528/21
M.D.
contre
Országos Idegenrendészeti Főigazgatóság Budapesti és Pest Megyei Regionális Igazgatósága
[demande de décision préjudicielle formée par le Fővárosi Törvényszék (cour de Budapest-Capitale, Hongrie)]
« Renvoi préjudiciel – Espace de liberté, de sécurité et de justice – Frontières, asile et immigration – Ressortissant d’un pays tiers en séjour irrégulier sur le territoire d’un État membre – Directive 2008/115/CE – Interdiction d’entrée et de séjour – Ressortissant d’un État tiers, parent d’un citoyen de l’Union mineur – Menace pour l’ordre public et la sécurité nationale – Article 25 de la convention d’application de l’accord de Schengen – Obligation de consultation – Règlement (CE) no 1987/2006 – Signalement aux fins de non‑admission dans l’espace Schengen »
1. Dans le cadre du présent renvoi préjudiciel est soulevée, entre autres, la question de savoir si le droit de l’Union (en ce compris la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, ci-après la « Charte ») fait obstacle à une interdiction d’entrée et de séjour (2) sur le territoire d’un État membre, décidée par les autorités de ce dernier à l’égard d’un ressortissant d’un pays tiers, sans que, semble-t-il, la situation personnelle de l’intéressé, notamment le fait d’être père d’un mineur, citoyen de l’Union, résidant dans cet État, ait été prise en compte.
2. Dans le prolongement de cette interrogation, deux problèmes se posent, tenant à :
– l’applicabilité de la directive 2008/115/CE (3) lorsque le ressortissant du pays tiers se trouve en dehors du territoire de l’État membre au moment où les autorités de ce dernier prononcent l’interdiction d’entrée ;
– la proportionnalité qui, aux termes du règlement (CE) no 1987/2006 (4), conditionne l’introduction, dans le système d’information Schengen de deuxième génération (ci-après le « SIS II »), de « signalements » aux fins de refus d’entrée et de séjour.
I. Le cadre juridique
A. Le droit de l’Union
1. La convention d’application de l’accord de Schengen
3. Aux termes de l’article 25, paragraphe 2, de cette convention (5) :
« Lorsqu’il apparaît qu’un étranger titulaire d’un titre de séjour en cours de validité délivré par l’une des Parties Contractantes est signalé aux fins de non‑admission, la Partie Contractante signalante consulte la Partie qui a délivré le titre de séjour afin de déterminer s’il y a des motifs suffisants pour retirer le titre de séjour.
Si le titre de séjour n’est pas retiré, la Partie Contractante signalante procède au retrait du signalement, mais peut cependant inscrire cet étranger sur sa liste nationale de signalement. »
2. Le règlement no 1987/2006
4. L’article 21 (intitulé « Proportionnalité ») dispose :
« Avant d’introduire un signalement, l’État membre signalant vérifie si le cas est suffisamment approprié, pertinent et important pour justifier l’introduction du signalement dans le SIS II.
[...] »
5. L’article 24 (intitulé « Conditions auxquelles sont soumis les signalements introduits aux fins de non‑admission ou d’interdiction de séjour ») se lit comme suit :
« 1. Les données relatives aux ressortissants de pays tiers faisant l’objet d’un signalement aux fins de non‑admission ou d’interdiction de séjour sont introduites sur la base d’un signalement national résultant d’une décision prise par les autorités administratives ou juridictions compétentes dans le respect des règles de procédure prévues par la législation nationale, sur la base d’une évaluation individuelle. Les recours contre cette décision sont formés conformément à la législation nationale.
2. Un signalement est introduit lorsque la décision visée au paragraphe 1 est fondée sur la menace pour l’ordre public ou la sécurité publique ou pour la sécurité nationale que peut constituer la présence d’un ressortissant d’un pays tiers sur le territoire d’un État membre. [...]
3. Un signalement peut également être introduit lorsque la décision visée au paragraphe 1 est fondée sur le fait que le ressortissant d’un pays tiers a fait l’objet d’une mesure d’éloignement, de renvoi ou d’expulsion qui n’a pas été abrogée ni suspendue, et qui comporte ou est assortie d’une interdiction d’entrée, ou, le cas échéant, de séjour, fondée sur le non‑respect des réglementations nationales relatives à l’entrée ou au séjour des ressortissants de pays tiers. »
3. La directive 2008/115
6. Le considérant 6 de cette directive énonce :
« Les États membres devraient veiller à ce que, en mettant fin au séjour irrégulier de ressortissants de pays tiers, ils respectent une procédure équitable et transparente. Conformément aux principes généraux du droit de l’Union européenne, les décisions prises en vertu de la présente directive devraient l’être au cas par cas et tenir compte de critères objectifs, ce qui implique que l’on prenne en considération d’autres facteurs que le simple fait du séjour irrégulier. [...] »
7. Aux termes du considérant 14 :
« Il y a lieu de conférer une dimension européenne aux effets des mesures nationales de retour par l’instauration d’une interdiction d’entrée excluant toute entrée et tout séjour sur le territoire de l’ensemble des États membres. [...] »
8. En vertu de l’article 3 (intitulé « Définitions »), point 2, le « séjour irrégulier » s’entend de « la présence sur le territoire d’un État membre d’un ressortissant d’un pays tiers qui ne remplit pas, ou ne remplit plus, les conditions d’entrée énoncées à l’article 5 du code frontières Schengen [(6)], ou d’autres conditions d’entrée, de séjour ou de résidence dans cet État membre ».
9. L’article 3, point 6, de la directive 2008/115 définit l’« interdiction d’entrée » comme étant « une décision ou un acte de nature administrative ou judiciaire interdisant l’entrée et le séjour sur le territoire des États membres pendant une durée déterminée, qui accompagne une décision de retour ».
10. Aux termes de l’article 5 (intitulé « Non-refoulement, intérêt supérieur de l’enfant, vie familiale et état de santé ») :
« Lorsqu’ils mettent en œuvre la présente directive, les États membres tiennent dûment compte :
a) de l’intérêt supérieur de l’enfant,
b) de la vie familiale,
[...] »
11. En vertu de l’article 11 (intitulé « Interdiction d’entrée »), paragraphe 1 :
« 1. Les décisions de retour sont assorties d’une interdiction d’entrée :
a) si aucun délai n’a été accordé pour le départ volontaire, ou
b) si l’obligation de retour n’a pas été respectée.
Dans les autres cas, les décisions de retour peuvent être assorties d’une interdiction d’entrée. »
B. Le droit hongrois
12. Sont pertinents pour la présente affaire :
– les articles 33 et 42 de l’a szabad mozgás és tartózkodás jogával rendelkező személyek beutazásáról és tartózkodásáról szóló 2007. évi I. törvény (loi I de 2007 relative à l’entrée et au séjour des personnes bénéficiant du droit de libre circulation et de séjour, ci‑après la « loi I de 2007 ») (Magyar Közlöny 2007/1) ;
– les articles 43, 44 et 45 de l’a harmadik országbeli állampolgárok beutazásáról és tartózkodásáról szóló 2007. évi II. törvény (loi II de 2007 sur l’entrée et le séjour des ressortissants de pays tiers, ci‑après la « loi II de 2007 ») (Magyar Közlöny 2007/2).
13. L’article 17 de l’az egyes migrációs tárgyú és kapcsolódó törvények módosításáról szóló 2018. évi CXXXIII. törvény (loi CXXXIII de 2018 portant modification de certaines lois ayant pour objet la migration et de certaines lois complémentaires, du 21 décembre 2018) (Magyar Közlöny 2018/133), en vigueur depuis le 1er janvier 2019, a complété la loi I de 2007 par un article 94, aux termes duquel :
« [...]
4) La carte de séjour ou la carte de séjour permanent d’un ressortissant d’un pays tiers disposant d’une carte de séjour ou d’une carte de séjour permanent en cours de validité en tant que membre de la famille d’un citoyen hongrois doit être retirée :
[...]
b) si le séjour du ressortissant d’un pays tiers porte atteinte à l’ordre public, la sécurité publique ou la sécurité nationale de la Hongrie.
[...] »
II. Les faits (7), la procédure et les questions préjudicielles
14. M.D. est un ressortissant serbo-kosovar qui est arrivé en Hongrie en 2002. Il y a vécu depuis lors avec sa compagne et son enfant mineur, tous deux de nationalité hongroise, ainsi qu’avec sa mère. Tous dépendent financièrement de lui.
15. M.D. parle correctement le hongrois. Il possède, en Hongrie, une entreprise, un bien immobilier et des véhicules. Il a également établi son entreprise en Slovaquie, raison pour laquelle il y a bénéficié d’un titre de séjour pour affaires (8).
16. M.D. disposait, depuis le 31 mai 2003, d’un titre de séjour en Hongrie, prolongé à plusieurs reprises. Par la suite, ayant un enfant mineur, citoyen hongrois, il s’est vu délivrer une carte de séjour temporaire, valable jusqu’au 20 mai 2021.
17. Le 12 juin 2018, il a introduit en Hongrie une demande de carte de séjour permanent.
18. Cette demande a été rejetée en première instance administrative par l’Országos Idegenrendészeti Főigazgatóság Budapesti és Pest Megyei Regionális Igazgatósága (direction régionale de Budapest et du comitat de Pest de la direction principale de l’organisme national des étrangers, Hongrie) (9).
19. Ce rejet était fondé sur un avis de l’Alkotmányvédelmi Hivatal (Office pour la protection de la Constitution, Hongrie), selon lequel M.D. constituait une menace réelle, directe et grave pour la sécurité nationale, de sorte qu’il devait quitter le pays (10).
20. Le 27 août 2018, l’autorité de police des étrangers a constaté que le droit de séjour de M.D. avait pris fin. Cette décision a été confirmée par cette même autorité en seconde instance administrative le 26 novembre 2018.
21. Le 28 mai 2019, le Fővárosi Törvényszék (cour de Budapest‑Capitale, Hongrie) a annulé la décision du 26 novembre 2018 (11) et a ordonné à l’autorité de police des étrangers de reprendre la procédure afin d’apprécier l’ensemble des circonstances de l’espèce, en tenant compte principalement du fait que M.D. et sa compagne formaient un ménage en Hongrie avec leur enfant mineur, citoyen hongrois.
22. Le 29 août 2019, à l’issue de la nouvelle procédure, l’autorité de police des étrangers a retiré à M.D. sa carte de séjour. Elle soulignait que, eu égard aux modifications de la réglementation intervenues le 1er janvier 2019, la procédure s’était déroulée sur la base de l’article 94, paragraphe 4, sous b), de la loi I de 2007 (12). Elle relevait en outre qu’elle ne pouvait s’écarter des avis de l’Office pour la protection de la Constitution en sa qualité d’autorité spécialisée, et qu’elle ne disposait d’aucune marge d’appréciation.
23. M.D. a introduit un recours contre la décision de l’autorité de police des étrangers devant le Fővárosi Törvényszék (cour de Budapest‑Capitale). Cette juridiction a rejeté le recours au motif que l’autorité de police des étrangers est tenue de solliciter l’avis de l’autorité spécialisée, lequel est contraignant à son égard.
24. La Kúria (Cour suprême, Hongrie) a confirmé l’arrêt du Fővárosi Törvényszék (cour de Budapest-Capitale). Au vu des documents classifiés formant la base de l’avis de l’autorité spécialisée, elle a conclu que le séjour de M.D. en Hongrie constituait une menace réelle et directe pour la sécurité nationale. C’est pourquoi l’appréciation de sa situation personnelle ne pouvait conduire à une décision différente.
25. M.D. a quitté le territoire hongrois le 24 septembre 2020 (13).
26. Le 14 octobre 2020, l’autorité de police des étrangers a prononcé à son encontre une interdiction d’entrée en Hongrie pour une durée de trois ans et a ordonné l’introduction dans le SIS II d’un signalement relatif à cette interdiction.
27. L’interdiction était fondée sur le fait que :
– le séjour de M.D. en Hongrie représentait une menace pour la sécurité nationale de ce pays (14) ;
– l’Office pour la protection de la Constitution, dans une proposition du 30 septembre 2020, avait recommandé l’expulsion de M.D. et l’adoption à son encontre d’une interdiction d’entrée et de séjour de dix ans.
28. M.D. a introduit un recours contre l’interdiction d’entrée devant le Fővárosi Törvényszék (cour de Budapest-Capitale). Il a soutenu que l’autorité de police des étrangers avait manqué à ses obligations d’examen approfondi des faits, d’appréciation et de motivation, ainsi qu’aux dispositions citées dans sa décision, et que celle-ci s’appuyait uniquement sur la proposition d’une autre administration. Il a invoqué en sa faveur, outre la législation nationale, l’article 11 de la directive 2008/115.
29. L’autorité de police des étrangers a conclu au rejet du recours. Elle a fait valoir que sa décision était fondée sur l’article 43 de la loi II de 2007, disposition impérative qui exige d’imposer une interdiction autonome d’entrée à l’encontre du ressortissant d’un pays tiers résidant à l’étranger dont l’entrée et le séjour portent atteinte à la sécurité nationale, et qui prévoit également que les propositions des organes de sécurité nationale ont un caractère contraignant. De plus, dans la mesure où M.D. s’était déjà vu retirer sa carte de séjour (laquelle avait été délivrée en considération de liens familiaux), l’autorité de police des étrangers n’aurait pas eu non plus l’obligation légale de procéder à l’appréciation de sa situation familiale.
30. Dans ce contexte, le Fővárosi Törvényszék (cour de Budapest‑Capitale) pose à la Cour quatre questions préjudicielles. Je reproduis ici les deux premières d’entre elles :
« 1) Faut-il interpréter les articles 5 et 11 de la directive [2008/115] et l’article 20 TFUE, lus conjointement aux articles 7, 20, 24 et 47 de la Charte, en ce sens qu’est contraire à ces dispositions une pratique d’un État membre en vertu de laquelle, même dans les procédures recommencées, sur injonction, dans des procédures introduites antérieurement, est ordonnée l’application d’une modification de la réglementation, en conséquence de laquelle le ressortissant d’un pays tiers membre de la famille d’un citoyen de l’Union est placé sous un régime procédural beaucoup plus défavorable, au point de perdre son statut, acquis du fait de la durée de son séjour jusque-là, de personne non susceptible d’être expulsée même pour des raisons tenant à l’ordre public, la sécurité publique et la sécurité nationale, puis, sur la base des mêmes faits et des mêmes raisons de sécurité nationale, de voir rejeter sa demande de carte de séjour permanent et de se voir retirer la carte de séjour qui lui avait été délivrée, puis encore, de se voir imposer une interdiction d’entrée et de séjour, sans que sa situation personnelle et familiale ait été prise en compte dans le cadre d’une quelconque procédure, et en particulier, dans ce contexte, le fait qu’il a également à sa charge un citoyen hongrois mineur, cette décision ayant pour conséquence soit la rupture de l’unité familiale, soit l’obligation pour les citoyens de l’Union membres de la famille du ressortissant d’un pays tiers, parmi lesquels un enfant mineur, de quitter le territoire de l’État membre ?
2) Faut-il interpréter les articles 5 et 11 de la directive [2008/115] et l’article 20 TFUE, lus conjointement aux articles 7 et 24 de la Charte, en ce sens qu’est contraire à ces dispositions une pratique d’un État membre en vertu de laquelle la situation personnelle et familiale du ressortissant d’un pays tiers n’est pas examinée avant que soit décidée l’interdiction d’entrée et de séjour, au motif que le séjour du ressortissant d’un pays tiers membre de la famille d’un citoyen de l’Union constitue une menace réelle, directe et grave pour la sécurité nationale du pays ? »
III. La procédure devant la Cour
31. La demande de décision préjudicielle a été enregistrée au greffe de la Cour le 26 août 2021. Il a été décidé de lui accorder un traitement prioritaire.
32. Des observations écrites ont été déposées par les gouvernements tchèque et hongrois ainsi que par la Commission européenne.
33. Le 25 mars 2022, la Cour a demandé des éclaircissements à la juridiction de renvoi, qui a transmis la demande aux parties au litige au principal. Tant M.D. que l’autorité de police des étrangers ont répondu aux questions envoyées.
34. Une audience s’est tenue le 21 septembre 2022 à laquelle ont participé le gouvernement hongrois et la Commission.
IV. Analyse
35. À la demande de la Cour, les présentes conclusions porteront sur les deux premières questions préjudicielles.
36. J’examinerai ces questions conjointement, au vu de ce qu’elles ont en commun. La juridiction de renvoi cherche à savoir, en substance, si l’article 20 TFUE ainsi que les articles 5 et 11 de la directive 2008/115, lus en combinaison avec les articles 7, 20, 24 et 47 de la Charte, doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à ce qu’un État membre retire le droit de séjour au ressortissant d’un pays tiers, membre de la famille d’un citoyen de l’Union qui n’a pas fait usage de sa liberté de circulation, et prononce à son encontre une interdiction d’entrée sur le territoire, au motif que son comportement constitue une menace réelle, directe et grave pour la sécurité nationale, sans examiner sa situation personnelle et familiale, bien qu’il ait un enfant mineur possédant la nationalité de cet État membre.
37. La juridiction de renvoi indique qu’il a été fait application d’une modification législative défavorable aux ressortissants de pays tiers, à l’issue d’une procédure engagée sous l’empire de la législation antérieure. Je considère que cette circonstance temporelle est sans incidence sur la réponse à donner aux questions préjudicielles du point de vue du droit de l’Union. En outre, selon l’exposé des faits présenté plus haut, la modification législative a été appliquée aux fins du retrait de la carte de séjour, décision devenue définitive en vertu des arrêts susmentionnés.
A. Recevabilité
38. C’est précisément ce dernier élément qui conduit le gouvernement hongrois à réfuter tout lien entre l’objet du litige au principal et les questions préjudicielles. Selon ce gouvernement, ces dernières concernent des règles appliquées lors d’une procédure antérieure, définitivement clôturée, distincte de celle qui est actuellement pendante. Les questions préjudicielles seraient donc hypothétiques (15).
39. Le gouvernement hongrois ajoute que le recours au principal est dirigé contre une décision d’interdiction autonome d’entrée et de séjour en Hongrie, à laquelle la directive 2008/115 et la Charte ne s’appliquent pas, de sorte que l’interprétation de ces instruments n’est pas nécessaire pour le trancher.
40. L’objection du gouvernement hongrois n’est pas sans fondement, dans la mesure où, comme je l’ai souligné, les décisions nationales dans lesquelles il a été établi, sans que les juridictions concernées aient procédé à un renvoi préjudiciel à l’occasion de leur confirmation, que M.D. n’était pas en droit d’obtenir ou de conserver le titre de séjour en Hongrie dont il avait bénéficié auparavant sont devenues définitives (16).
41. Cela ne signifie pas pour autant que les questions préjudicielles soient dénuées de pertinence pour l’issue du litige : si l’on ramène celui‑ci à la validité de l’interdiction d’entrée en Hongrie (17), les doutes sont légitimes même si, comme je le proposerai, la directive 2008/115 et (dans la mesure où cela en dépend) la Charte ne lui sont pas applicables.
B. Applicabilité de la directive 2008/115
42. Il ressort de l’énoncé des questions préjudicielles que, pour la juridiction de renvoi, l’applicabilité de la directive 2008/115 ne fait aucun doute. En revanche, pour des raisons qui se recoupent partiellement, la Commission et le gouvernement hongrois contestent que cet instrument régisse une situation telle que celle de l’espèce :
– selon la Commission, la directive 2008/115 s’applique aux ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier sur le territoire d’un État membre. Tel ne serait pas le cas de la personne qui, au moment de l’adoption de l’interdiction d’entrée, ne se trouve pas dans cet État membre (18) ;
– le gouvernement hongrois argumente dans le même sens (19). Il ajoute que les motifs de l’interdiction prononcée ne sont pas liés à la migration et s’en tient au manuel sur le retour (20), dont il invoque le point 11 à l’appui de sa thèse (21). L’interdiction d’entrée est autonome (22) et, de ce fait, relève du droit national.
43. À mon sens, un ressortissant d’un pays tiers dont la présence dans un État membre est régulière et devient irrégulière en raison du retrait du titre de séjour qui lui avait été délivré doit être soumis aux prescriptions de la directive 2008/115.
44. Cependant, la directive 2008/115 ne contient aucune indication explicite sur les conséquences qu’entraîne la sortie du territoire de l’étranger en séjour irrégulier quant à l’application de cet acte législatif.
45. Je suis d’avis que la directive 2008/115 ne couvre pas cette éventualité, dans la mesure où elle s’applique uniquement aux ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier sur le territoire d’un État membre (23), selon la définition figurant dans la directive elle-même.
46. L’exigence tenant à la présence du ressortissant d’un pays tiers sur le territoire d’un État membre découle implicitement de l’article 2, paragraphe 1, de la directive, dont le champ d’application englobe les « ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier sur le territoire d’un État membre ».
47. Le « séjour irrégulier » (24) des ressortissants de pays tiers sur ce territoire est donc une condition indispensable de l’applicabilité de la directive 2008/115. Aux fins de la qualification du séjour en tant que « séjour irrégulier », la raison de la présence ou sa durée sont dépourvues de pertinence (25).
48. La directive 2008/115 impose aux États membres de prendre des mesures à l’égard des ressortissants de pays tiers qui sont, je le répète, en séjour irrégulier sur leurs territoires respectifs (26). Lorsqu’une présence non autorisée sur leur territoire est détectée, ils doivent y mettre fin dans les meilleurs délais (27). En règle générale, conformément à l’article 6, paragraphe 1, les États membres prennent une décision de retour (28) « sans préjudice des exceptions visées aux paragraphes 2 à 5 » (29).
49. Des équivoques peuvent naître du fait qu’il existe en réalité deux types d’interdictions d’entrée pour les ressortissants de pays tiers : a) celles qui accompagnent les décisions de retour prises en vertu de la directive 2008/115 ; et b) celles qui sont prononcées, pour des raisons de sécurité nationale ou d’autres motifs analogues, en dehors du champ d’application de cette directive.
50. Compte tenu de la distinction entre ces deux catégories, il convient de définir les contours des interdictions d’entrée soumises à la directive 2008/115 et de celles qui ne le sont pas.
1. Interdictions d’entrée soumises à la directive 2008/115
51. La directive 2008/115 fait partie intégrante de l’ensemble des instruments visant à mettre en œuvre la politique de l’Union en matière de lutte contre l’immigration illégale de ressortissants de pays tiers.
52. Elle vise à établir des règles communes applicables au retour, à l’éloignement, à l’utilisation de mesures coercitives, à la rétention et aux interdictions d’entrée, afin de garantir que la cessation du séjour irrégulier de ressortissants de pays tiers s’effectue selon des procédures équitables et transparentes (30).
53. La directive 2008/115 prévoit plusieurs procédures étroitement liées entre elles, à savoir la procédure centrale, portant sur l’adoption de la décision de retour, et d’autres procédures, relatives à l’accomplissement d’actes en rapport avec cette décision et qui peuvent ou doivent lui faire suite.
54. Ces actes ont pour objet de préparer et d’assurer le retour : a) en fixant le délai d’exécution volontaire de l’obligation de retour ; b) en garantissant les conditions d’une exécution forcée ; et c) en rendant effective l’application de la décision de retour dans l’espace Schengen par l’enregistrement des interdictions d’entrée dans le SIS II (31).
55. Dans le cadre de ce système, l’interdiction d’entrée est un moyen destiné à accroître l’efficacité de la politique de l’Union en matière de retour : pendant une certaine période après son éloignement, le ressortissant d’un pays tiers dont le séjour est irrégulier ne pourra plus légalement revenir sur le territoire des États membres (32). L’interdiction confère une dimension européenne à la décision de retour (33).
56. Dans la directive 2008/115, l’interdiction d’entrée :
– est subordonnée à une décision de retour, en ce sens que, si celle-ci fait défaut, il n’est pas possible de prononcer une interdiction d’entrée (34).Ainsi l’exigent l’article 3, point 6, et l’article 11, paragraphe 1, de cette directive ;
– accompagne nécessairement la décision de retour, lorsqu’aucun délai n’a été accordé pour le départ volontaire ou que l’obligation de quitter le territoire n’a pas été respectée (35) ;
– ne peut produire les effets juridiques qui lui sont propres qu’à la suite de l’exécution, volontaire ou forcée, de la décision de retour (36) ;
– ne peut pas être maintenue en vigueur après le retrait de la décision de retour (37).
2. Interdictions d’entrée non soumises à la directive 2008/115
57. Les États membres demeurent compétents pour interdire l’entrée sur leur territoire à des ressortissants de pays tiers dans des cas autres que ceux dans lesquels une décision de retour est prononcée au titre de la directive 2008/115, en raison de leur séjour irrégulier.
58. Comme je l’ai déjà indiqué, ces cas (qui se caractérisent par le fait de viser des comportements constitutifs de menaces pour l’ordre public, la sécurité publique, la sécurité nationale ou qui affectent les relations internationales de l’État membre, impliquant des personnes qui ne se trouvent pas sur son territoire) ne sont pas couverts par la directive 2008/115.
59. Ces interdictions d’entrée sont indépendantes de toute décision de retour régie par la directive 2008/115. Elles doivent être conformes aux dispositions du droit national (et, le cas échéant, à celles qui découlent du droit international ou de certaines décisions de l’Union) (38) et non pas, je le répète, à la directive 2008/115 (39).
60. Étant donné qu’une telle interdiction est fondée sur la menace que constituerait la présence du ressortissant d’un pays tiers sur le territoire d’un État membre, elle justifie également une décision d’inscription sur les listes de signalement du SIS II. L’introduction du signalement dans le SIS II est, en pareil cas, obligatoire (40).
3. Portée géographique limitée de l’interdiction d’entrée
61. Quel que soit le motif d’une interdiction d’entrée adoptée par un État membre, sa portée géographique est limitée si la personne visée détient un titre qui lui permet de séjourner légalement dans un autre État membre.
62. La formalisation et, en pratique, le déploiement de l’effet « paneuropéen » de l’interdiction d’entrée étant liés à l’introduction dans le SIS II d’un signalement fondé sur celle-ci, lorsque l’interdiction n’est pas susceptible d’avoir un tel effet, il faut éliminer le signalement corrélatif du SIS II.
63. Ainsi, dans l’hypothèse où le ressortissant du pays tiers possède un titre de séjour dans un État participant au SIS II, l’article 25, paragraphe 2, de la CAAS prévoit un système de consultations entre l’État membre qui a délivré le titre de séjour et celui qui a introduit le signalement dans le SIS II (41), afin de déterminer s’il existe des motifs suffisants pour retirer ce titre. Si le titre est maintenu, l’État qui a introduit le signalement procède à son retrait.
64. Dans ce dernier cas, il peut, conformément au même texte, inscrire l’étranger sur sa liste nationale de signalement (42).
4. Départ du territoire avant l’adoption de la décision de retour et interdiction d’entrée pour des motifs de sécurité nationale
65. Si un individu en séjour irrégulier sur le territoire d’un État membre le quitte avant que les autorités de cet État n’adoptent une décision à cet égard, la décision de retour prévue par la directive 2008/115 devient superflue : l’absence du ressortissant d’un pays tiers sur le territoire de cet État rend l’adoption d’une telle décision inutile (43).
66. Cela me paraît résulter des dispositions de la directive 2008/115 qui : a) définissent le séjour irrégulier comme une « présence » sur le territoire qui ne remplit pas (ou ne remplit plus) les conditions d’entrée, de séjour ou de résidence ; et b) régissent les procédures applicables à l’individu qui séjourne sur le territoire d’un État membre.
67. Cette affirmation s’inscrit en outre dans la logique d’un système qui impose à tous les États membres l’obligation de mettre fin dans les meilleurs délais aux séjours irréguliers qu’ils détectent sur leur territoire.
68. La solution me paraît être la même, que le départ de l’intéressé intervienne avant qu’une procédure ne soit engagée pour statuer sur le séjour irrégulier, ou au cours de celle-ci, alors qu’elle n’a pas encore abouti à une décision. Dans cette dernière hypothèse, la procédure devient sans objet : il n’existe pas (dans l’État membre qui menait la procédure) de séjour irrégulier auquel il doit être mis fin par une décision de retour, ou d’une autre manière si les conditions à cet effet sont réunies.
69. Les conséquences procédurales de cette solution au niveau national (radiation, non‑lieu à statuer ou autres) sont, en principe, celles que détermine le droit de l’État membre concerné (44).
70. Le cas de figure décrit ne doit pas être confondu avec celui du ressortissant d’un pays tiers dont le lieu de séjour est inconnu, mais pour lequel il existe des indices laissant à penser qu’il se trouve encore sur le territoire. J’estime que, dans un tel cas, une décision de retour peut être prise dans le cadre d’une procédure par défaut (45).
71. En l’absence d’une décision de retour pour le motif exposé, il convient de conclure sans équivoque qu’il n’est pas possible de prononcer une interdiction d’entrée au titre de l’article 11 de la directive 2008/115 (46).
72. Dans ce contexte, comme je l’ai déjà expliqué, un État membre qui, pour des raisons de sécurité nationale, estime nécessaire d’empêcher l’entrée d’un ressortissant d’un pays tiers qui ne se trouve plus sur son territoire peut le faire en vertu de son droit national.
73. Je considère que cette approche l’emporte sur la thèse selon laquelle la directive 2008/115 continuerait à s’appliquer au ressortissant d’un pays tiers qui, après la perte du titre autorisant sa présence sur le territoire d’un État membre, met fin au séjour irrégulier (en rentrant) avant l’adoption de toute décision à cet égard.
74. Pour les tenants de cette thèse, une telle interdiction d’entrée serait couverte par la directive 2008/115, dans la mesure où elle présenterait une certaine continuité avec les procédures régies par cette directive.
75. Ce point de vue est séduisant : l’individu serait placé sous un régime de règles harmonisées en vertu duquel l’interdiction d’entrée, même motivée par une raison étrangère à l’immigration illégale, devrait être prononcée conformément aux principes et aux exigences (procédurales et de fond) de la directive 2008/115.
76. Une telle interprétation n’est toutefois pas sans inconvénients. Le premier est sa contrariété avec l’article 2 et l’article 11, paragraphe 1, de la directive 2008/115, auxquels j’ai précédemment fait allusion. L’objectif de cette directive est de mettre fin au séjour irrégulier de ressortissants de pays tiers, et non de résoudre les cas dans lesquels l’intervention de l’autorité n’est pas (plus) nécessaire, précisément parce que le séjour irrégulier sur son territoire a cessé.
77. En deuxième lieu, je rappellerai que la directive 2008/115 n’a pas pour finalité immédiate la protection de l’ordre public, de la sécurité publique et de la sécurité nationale des États membres, même si elle ne méconnaît pas ces intérêts (47). S’il était admis que les interdictions d’entrée fondées sur ces motifs, mais non liées à une décision de retour, étaient régies par cette directive, l’objectif mentionné à son article 1er serait assimilé à la sauvegarde directe de ces intérêts.
78. En troisième lieu, la directive 2008/115 a pour objet non pas l’harmonisation complète des règles internes relatives au séjour des étrangers, mais seulement l’adoption de décisions de retour (ou, plus exactement, de décisions mettant fin au séjour irrégulier) et l’exécution de ces décisions (48). L’interprétation qui nous occupe signifierait, pour les États membres, que les interdictions d’entrée qu’ils prononcent pour des motifs autres que la migration, non liées à des décisions de retour, ne pourraient pas :
– posséder des caractéristiques différentes (durée, champ d’application ratione personae) de celles qui sont énoncées dans la directive 2008/115 ;
– être adoptées dans des circonstances autres que celles prévues dans cette directive ;
dès lors que ces interdictions seraient prononcées à l’encontre du ressortissant d’un État tiers qui s’est trouvé, mais ne se trouve plus, en séjour irrégulier sur le territoire.
79. Le premier de ces obstacles pourrait être surmonté jusqu’à un certain point, dans la mesure où, je le répète, la directive 2008/115, dans son libellé actuel, contient des références à l’ordre public, à la sécurité publique et à la sécurité nationale (article 11, paragraphe 2, entre autres) susceptibles d’avoir une incidence sur la durée de l’interdiction et son champ d’application ratione personae (49).
80. Toutefois, dans la directive 2008/115, ces concepts sont autonomes, comme toutes les notions du droit de l’Union dont la définition n’est pas laissée aux États membres par le législateur (même si elles ne sont pas définies dans la directive elle-même). Il est légitime de s’interroger sur la correspondance entre ces notions et celles à caractère national ou, à tout le moins, sur le point de savoir si elles sont identiques quant à la manière dont elles doivent s’appliquer, compte tenu de la différence de contexte : celui de l’Union, d’une part (50), et le contexte national, d’autre part.
81. En ce qui concerne le deuxième obstacle, j’insiste sur le fait que la directive 2008/115 ne prévoit que des interdictions d’entrée accompagnant une décision de retour. Elle ne prévoit pas d’interdiction d’entrée lorsque le ressortissant d’un pays tiers, en séjour irrégulier sur le territoire où il se trouve, est titulaire d’une autorisation de séjour dans un autre État membre (51) ou, en vertu d’un accord, est repris par un État membre autre que celui dans lequel il a été appréhendé (52).
82. Un État membre peut néanmoins continuer à vouloir refuser (voire être tenu d’interdire) l’entrée sur son territoire à l’étranger qui le quitte « en exécution » de l’obligation visée à l’article 6, paragraphe 2, de la directive 2008/115, ou indépendamment de ce que tout autre État membre décide à l’égard de cet individu après l’avoir repris. Sous réserve du respect des conditions rappelées par la Cour, le maintien de l’ordre public sur le territoire national et la sauvegarde de la sécurité intérieure et extérieure incombent à chaque État membre (53).
5. La présente affaire
83. Selon l’exposé des faits de la juridiction de renvoi, M.D. a quitté le territoire hongrois avant qu’une décision de retour ne soit rendue à son encontre. Si tel est le cas, les considérations qui précèdent m’amènent à confirmer que la directive 2008/115 n’était pas applicable à l’interdiction d’entrée en Hongrie prononcée ultérieurement à son égard.
84. Si M.D. était en possession d’un titre de séjour slovaque lorsque l’interdiction d’entrée en Hongrie a été prononcée à son encontre, les autorités compétentes des deux États membres auraient dû procéder aux consultations requises par l’article 25, paragraphe 2, de la CAAS au plus tard dès l’introduction dans le SIS II d’un signalement fondé sur cette interdiction (54).
85. Afin d’éviter une situation contradictoire, si, à l’issue des consultations, la Slovaquie ne retirait pas formellement le titre de séjour à M.D., la Hongrie devrait supprimer le signalement aux fins de non‑admission dans le SIS II. Elle aurait toutefois la possibilité de maintenir l’inscription sur sa liste nationale de signalement.
C. Interdiction d’entrée et évaluation préalable de la situation personnelle et familiale
86. L’entrée sur le territoire d’un État membre peut-elle être interdite, pour des motifs de sécurité nationale, au ressortissant d’un pays tiers sans examen de sa situation personnelle et familiale ?
87. À mon sens, cette question appelle une réponse négative, que l’interdiction soit régie par la directive 2008/115 ou que, indépendamment de cette dernière, l’intéressé soit le parent d’un mineur possédant la nationalité de l’État membre qui prononce l’interdiction.
88. En vertu d’une prérogative classique de leur souveraineté, les États peuvent limiter la liberté de circulation des non‑nationaux, en leur refusant l’entrée sur leur territoire ou en les éloignant de celui-ci.
89. Ni les traités internationaux ni le droit de l’Union ne remettent en cause ce principe. Ils peuvent cependant l’atténuer ou le moduler dans certains cas, en imposant l’obligation d’examiner la situation individuelle de l’intéressé ou d’autres facteurs pertinents.
90. Je développerai cette affirmation, du point de vue du droit de l’Union, dans une double perspective.
1. En cas d’applicabilité de la directive 2008/115
91. Si l’interdiction d’entrée sur le territoire d’un État membre est régie par la directive 2008/115, la réponse découle tout simplement de l’article 5 de celle-ci : lorsqu’il met en œuvre la directive, l’État membre tient obligatoirement compte de l’intérêt supérieur de l’enfant et de la vie familiale.
92. Plusieurs considérants de la directive 2008/115 vont dans ce sens (55) :
– le considérant 24 indique, en termes généraux, que la directive respecte les droits fondamentaux et observe les principes reconnus, en particulier, par la Charte ;
– le considérant 6 rappelle l’obligation des États membres d’adopter des décisions au cas par cas ;
– le considérant 22 mentionne l’« intérêt supérieur de l’enfant » et le respect de la vie familiale en tant que considérations primordiales devant guider les États membres lorsqu’ils mettent en œuvre la directive.
93. Ces exigences (56) ne cessent pas d’exister lorsque l’interdiction d’entrée accompagne nécessairement une décision de retour, en vertu de l’article 11, paragraphe 1, sous a) et b), de la directive 2008/115. En outre, la situation personnelle de l’intéressé continuera à jouer un rôle dans la détermination de la durée de l’interdiction (57).
94. Dans ces cas, l’analyse à effectuer est absorbée par une autre : celle relative à la décision de retour elle-même, ainsi que, s’agissant de la situation prévue à l’article 11, paragraphe 1, sous a), de la directive 2008/115, par l’analyse effectuée en vue de ne pas accorder un délai de départ volontaire, au titre de l’article 7, paragraphe 4, de cette directive.
95. La Cour a déclaré que, au vu de l’objectif qu’il poursuit, l’article 5 de la directive 2008/115 ne saurait être interprété de manière restrictive (58). S’agissant plus particulièrement de l’intérêt supérieur de l’enfant, je rappelle qu’il doit être respecté lorsque cette directive s’applique à l’enfant, mais aussi lorsqu’elle s’applique à son parent (59).
2. En cas d’inapplicabilité de la directive 2008/115
96. Les États membres doivent veiller, même dans les domaines réservés à leur compétence, à exercer celle-ci sans méconnaître le droit de l’Union (60).
97. En particulier, en cas de séjour de ressortissants de pays tiers sur leur territoire, les mesures prises par ces États membres ne doivent pas priver les citoyens européens de la jouissance effective des droits que cette citoyenneté leur confère (61).
98. Le refus d’accorder un droit de séjour à un ressortissant d’un pays tiers est susceptible de mettre en cause l’effet utile de la citoyenneté de l’Union. Tel est le cas lorsqu’il existe, entre ce ressortissant et un membre de sa famille, citoyen de l’Union, une relation de dépendance telle que refuser au premier le séjour dans un État membre contraindrait le second à l’accompagner et à quitter le territoire de l’Union, pris dans son ensemble (62).
99. La Cour a précisé que pour apprécier l’existence d’une relation de dépendance présentant ces caractéristiques en ce qui concerne un citoyen mineur (63), il convient d’examiner la question de la garde de l’enfant ainsi que celle de savoir si la charge légale, financière ou affective de cet enfant est assumée par le parent ressortissant d’un pays tiers (64).
100. Lorsque la relation de dépendance est établie, le ressortissant d’un pays tiers peut exceptionnellement prétendre, en vertu de l’article 20 TFUE, à l’octroi d’un droit de séjour dérivé (de celui dont jouit le citoyen de l’Union), qui découle de cette disposition.
101. Je rappelle cependant que le droit de séjour dérivé n’est pas absolu. Les États membres peuvent refuser de l’octroyer dans certaines circonstances, parmi lesquelles celles liées, notamment, au maintien de l’ordre public et à la sauvegarde de la sécurité publique (65).
102. Les raisons de sécurité nationale peuvent a fortiori justifier une limitation de la reconnaissance du droit de séjour dérivé découlant de l’article 20 TFUE. Pour que tel soit le cas, elles doivent correspondre à des considérations qui relèvent véritablement de cette notion, telle qu’interprétée par la Cour (66).
103. Cette possibilité n’est toutefois pas sans limite, comme la Cour l’a également jugé de façon constante (67). Dans ce contexte, la jurisprudence de la Cour indique ce qui suit (68) :
– en tant que justification d’une dérogation au droit de séjour des citoyens de l’Union ou des membres de leurs familles, les notions d’« ordre public » et de « sécurité publique » doivent être entendues strictement (69) ;
– la menace que représente le ressortissant du pays tiers pour l’ordre public doit être réelle, actuelle et suffisamment grave ; pour établir que tel est le cas, il ne suffit pas que le ressortissant du pays tiers ait des antécédents pénaux dans l’État membre concerné (70) ;
– il appartient à l’État membre de prendre en considération, entre autres, « le comportement personnel de l’individu concerné, la durée et le caractère légal du séjour de l’intéressé sur le territoire de l’État membre concerné, la nature et la gravité de l’infraction commise, le degré de dangerosité actuel de l’intéressé pour la société, l’âge des enfants éventuellement en cause et leur état de santé, ainsi que leur situation familiale et économique » (71).
104. Si, après examen de ces circonstances, la mise en balance donne toujours la primauté aux risques pour la sécurité publique ou, à plus forte raison, pour la sécurité nationale (72), confirmée par les autorités de l’État membre et, le cas échéant, par les juridictions qui contrôlent leurs décisions, la voie est ouverte à l’adoption d’une interdiction d’entrée à l’encontre du ressortissant d’un pays tiers.
3. La présente affaire
105. Bien qu’il appartienne à la juridiction de renvoi de le confirmer, je suis tenté de dire que, compte tenu des observations présentées par les parties et de l’ensemble des circonstances, il existe entre M.D. et son enfant mineur, citoyen hongrois, une relation de dépendance de nature à permettre au premier d’aspirer à un droit de séjour dérivé, au titre de l’article 20 TFUE.
106. Je suis, en particulier, en désaccord avec le gouvernement hongrois lorsqu’il fait valoir, pour nier l’existence d’une telle relation de dépendance, que la mère de l’enfant vit également en Hongrie et est tenue de subvenir à ses besoins, en tant que titulaire de l’autorité parentale (73).
107. M.D. possédait un titre de séjour en Slovaquie, qui lui a semble‑t-il été retiré. Il est dès lors permis de penser que lui refuser le droit de séjour en Hongrie aurait pour conséquence de contraindre son enfant mineur à quitter le territoire de l’Union, pris dans son ensemble.
108. Toutefois, même si M.D. pouvait être titulaire d’un droit de séjour dérivé en vertu de l’article 20 TFUE, il pourrait, comme je l’ai déjà indiqué, se voir refuser l’entrée et le séjour en Hongrie pour des raisons de sécurité nationale si la mise en balance des intérêts en présence, à laquelle je viens de faire allusion et qui est exigée par le droit de l’Union, aboutissait immanquablement à privilégier ces raisons.
109. Je ne dispose pas de toutes les informations pertinentes aux fins d’une telle mise en balance, qu’il incombe aux autorités hongroises et aux juridictions qui contrôlent leurs décisions d’effectuer (74).
D. Introduction d’un signalement dans le SIS II. Proportionnalité
110. Les doutes de la juridiction de renvoi se limitent, pour ce qui nous intéresse ici, à l’appréciation de l’interdiction d’entrée et non à son inscription ultérieure dans le SIS II.
111. Si la Cour devait considérer que, malgré ce silence de la juridiction de renvoi, il pourrait être utile de lui fournir une quelconque indication sur l’inscription de l’interdiction d’entrée dans le SIS II, j’exposerai mon point de vue à cet égard.
112. Il est nécessaire que les autres États membres aient connaissance de l’interdiction d’entrée pour que celle-ci déploie ses effets dans la pratique (75). Afin de permettre aux États membres d’accéder plus facilement aux informations relatives aux interdictions prononcées par d’autres États membres en relation avec des décisions de retour, ces dernières peuvent figurer dans le SIS II (76), en vertu du règlement no 1987/2006 (77), pour autant, de surcroît, que deux conditions soient remplies :
– la décision dont découle le signalement doit avoir été prise par l’autorité compétente (administrative ou judiciaire) dans le respect des procédures prévues par la législation nationale, à la suite d’une évaluation individuelle (78) ;
– l’État membre signalant doit avoir conclu que le cas est « suffisamment approprié, pertinent et important pour justifier l’introduction du signalement dans le SIS II » (79).
113. Dans les mêmes conditions, l’introduction d’un signalement dans le SIS II aux fins du refus d’entrée et de séjour est toutefois obligatoire « lorsque la décision [...] est fondée sur la menace pour l’ordre public ou la sécurité publique ou pour la sécurité nationale que peut constituer la présence d’un ressortissant d’un pays tiers sur le territoire d’un État membre » (article 24, paragraphe 2, du règlement no 1987/2006) (80).
114. L’introduction d’un signalement est donc, en tout état de cause, soumise à l’exigence de proportionnalité visée à l’article 21 du règlement no 1987/2006. Même si le règlement ne le mentionne pas, pour que l’évaluation soit utile, il est nécessaire qu’elle soit effectuée avant l’introduction du signalement en cause (81).
115. Cette exigence est justifiée, dans la mesure où l’introduction d’un signalement relatif au refus d’entrée est de nature à porter atteinte aux droits, y compris fondamentaux (82), des personnes. Cette introduction a des conséquences évidentes sur l’accès à l’espace Schengen (83) et, au moins potentiellement, en lien avec celles-ci, des effets sur d’autres droits, tels que le droit au respect de la vie privée et familiale.
116. Toutefois, l’application du principe de proportionnalité à l’introduction de signalements dans le SIS II lorsque celle-ci est obligatoire (en vertu de l’article 24, paragraphe 2, du règlement no 1987/2006) doit être nuancée. Il pourrait être soutenu que, dans de tels cas, le législateur de l’Union lui-même s’est livré ex ante à un contrôle de proportionnalité relatif aux comportements graves visés par cette disposition.
117. J’ajouterai que, en tout état de cause, l’appréciation de la proportionnalité imposée par l’article 21 du règlement no 1987/2006 se limite à l’introduction du signalement : elle ne concerne pas la décision (l’interdiction) sur le fondement de laquelle le signalement est émis (84).
118. Un résultat négatif de l’examen de proportionnalité peut, en dernier ressort, conduire à écarter l’introduction du signalement dans le SIS II aux fins du refus d’entrée.
119. Dans cette hypothèse, la décision à l’origine du signalement reste, malgré tout, en vigueur. S’il s’agit d’une interdiction d’entrée prise à l’encontre d’un ressortissant d’un pays tiers au motif qu’il représente une menace pour l’ordre public, la sécurité intérieure, la sécurité nationale, la santé publique ou les relations internationales, sa vocation « paneuropéenne » demeure également inchangée, même si l’absence d’inscription rend plus difficile sa prise de connaissance par les autres États de l’espace Schengen.
V. Conclusion
120. Eu égard à ce qui précède, je propose de répondre aux première et deuxième questions préjudicielles du Fővárosi Törvényszék (cour de Budapest-Capitale, Hongrie) en ces termes :
La directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil, du 16 décembre 2008, relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier
doit être interprétée en ce sens qu’elle :
ne s’applique pas lorsque les autorités d’un État membre prononcent une interdiction d’entrée et de séjour à l’encontre de l’un de ces ressortissants qui ne se trouve pas sur le territoire de cet État membre et à l’égard duquel ces autorités n’ont pas pris de décision de retour, au motif qu’elles considèrent que l’intéressé peut constituer une menace pour la sécurité nationale. Dans cette même mesure, la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne ne s’applique pas non plus.
L’article 20 TFUE doit être interprété en ce sens que, avant de prononcer une telle interdiction d’entrée et de séjour, les autorités de l’État membre doivent examiner la situation personnelle et familiale de l’individu interdit d’entrée et de séjour lorsqu’il est le parent d’un enfant mineur ayant la nationalité de cet État membre, ainsi que l’incidence de cette interdiction sur la jouissance des droits inhérents à la citoyenneté européenne ou en découlant.
1 Langue originale : l’espagnol.
2 Dans la suite des présentes conclusions, je la désignerai, simplement, par l’expression « interdiction d’entrée ».
3 Directive du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier (JO 2008, L 348, p. 98).
4 Règlement du Parlement européen et du Conseil du 20 décembre 2006 sur l’établissement, le fonctionnement et l’utilisation du système d’information Schengen de deuxième génération (SIS II) (JO 2006, L 381, p. 4), tel que modifié par le règlement (UE) 2018/1861 du Parlement européen et du Conseil, du 28 novembre 2018 (JO 2018, L 312, p. 14), à partir de la date de son entrée en vigueur : article 63 et article 66, paragraphe 5, second alinéa. Le règlement no 1987/2006 sera abrogé à partir de la date de l’application pleine et entière du règlement 2018/1861 (article 65 et article 66, paragraphe 5, premier alinéa), qui n’est pas encore effective.
5 Convention d’application de l’accord de Schengen, du 14 juin 1985, entre les gouvernements des États de l’Union économique Benelux, de la République fédérale d’Allemagne et de la République française relatif à la suppression graduelle des contrôles aux frontières communes, signée à Schengen le 19 juin 1990 (ci-après la « CAAS »), telle que modifiée par le règlement (UE) no 265/2010 du Parlement européen et du Conseil, du 25 mars 2010, modifiant la convention d’application de l’accord de Schengen et le règlement (CE) no 562/2006 en ce qui concerne la circulation des personnes titulaires d’un visa de long séjour (JO 2010, L 85, p. 1). L’article 64 du règlement (UE) 2018/1861 du Parlement européen et du Conseil, du 28 novembre 2018, sur l’établissement, le fonctionnement et l’utilisation du système d’information Schengen (SIS) dans le domaine des vérifications aux frontières, modifiant la convention d’application de l’accord de Schengen et modifiant et abrogeant le règlement (CE) no 1987/2006 supprime l’article 25 de la CAAS, qui est remplacé par les articles 27 à 30 du règlement ; voir également considérant 29. La date de prise d’effet de l’article 64 susvisé est celle de l’application pleine et entière du règlement conformément à son article 66, paragraphes 2 et 5. Lors de l’audience, la Commission a confirmé que les conditions de cette application n’étaient pas encore réunies.
6 L’article 5 définit les conditions d’entrée applicables aux ressortissants de pays tiers pour des séjours prévus sur le territoire des États membres, d’une durée n’excédant pas 90 jours sur toute période de 180 jours. Il s’agit actuellement de l’article 6 du règlement (UE) 2016/399 du Parlement européen et du Conseil, du 9 mars 2016, concernant un code de l’Union relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes (code frontières Schengen) (JO 2016, L 77, p. 1).
7 L’exposé des faits correspond à la description donnée par la juridiction de renvoi. Il n’inclut pas d’autres faits invoqués par le gouvernement hongrois à l’audience, mais ne figurant pas dans la décision de renvoi.
8 Le titre était valable deux ans à compter du 26 février 2019. Selon la juridiction de renvoi, il « n’a pas pu » être prolongé en raison de l’introduction d’un signalement relatif à M.D. dans le SIS II, fondé sur l’interdiction d’entrée faisant l’objet du litige.
9 Ci-après l’« autorité de police des étrangers ».
10 L’intéressé avait auparavant été condamné à une peine d’un an de prison, assortie d’une suspension, pour délit de trafic de migrants commis en aidant au franchissement de la frontière sans autorisation.
11 Les effets de l’annulation s’étendaient également à la décision du 27 août 2018. Cette juridiction a souligné que l’autorité de police des étrangers n’avait pas démontré que les conditions de l’article 33 de la loi I de 2007 (une menace réelle, directe, grave et actuelle) étaient réunies, en ce qu’elle avait fondé sa décision sur la position de l’Office pour la protection de la Constitution, qui n’était pas intervenu dans l’affaire en tant qu’autorité spécialisée.
12 Partiellement reproduit au point 13 des présentes conclusions.
13 Il a tenté par la suite de regagner la Hongrie. Il est apparu, lors d’un test Covid effectué à la frontière, qu’il ne pouvait pas accéder au territoire hongrois en raison de l’interdiction d’entrée. Selon le gouvernement hongrois, son lieu de séjour actuel n’est pas connu.
14 L’autorité de police des étrangers ajoutait que l’expulsion (sic) de l’intéressé devait être qualifiée de restriction proportionnée, en dépit de l’existence, à ce moment, d’un titre de séjour slovaque valable.
15 Point 10 des observations écrites du gouvernement hongrois.
16 Je n’examinerai donc pas la perte du droit de séjour de M.D., sans préjudice du fait que certaines des considérations que j’exposerai plus loin puissent être utiles à la Cour si elle décide de se prononcer à ce sujet.
17 La décision litigieuse consiste en l’interdiction d’entrée et en l’introduction du signalement dans le SIS II, mais il ne semble pas que cet aspect, à l’égard duquel la juridiction de renvoi ne soulève directement aucune interrogation (elle se réfère indirectement au SIS II dans la quatrième question), ait été débattu. J’analyserai, en tout état de cause, les problèmes relatifs au SIS II à la fin des présentes conclusions.
18 Point 20 de ses observations écrites.
19 Point 43 de ses observations écrites.
20 Annexe de la recommandation (UE) 2017/2338 de la Commission, du 16 novembre 2017, établissant un « manuel sur le retour » commun devant être utilisé par les autorités compétentes des États membres lorsqu’elles exécutent des tâches liées au retour (JO 2017, L 339, p. 83).
21 Point 41 des observations écrites du gouvernement hongrois. Il convient de noter, toutefois, que la Cour accorde la priorité à la disposition correspondante de la directive, qui « ne saurait être modifié[e] par une recommandation de la Commission, laquelle recommandation est dépourvue d’effet contraignant » : arrêt du 3 juin 2021, Westerwaldkreis (C‑546/19, ci-après l’« arrêt Westerwaldkreis », EU:C:2021:432, point 47).
22 Selon les points 42 et 43 des observations du gouvernement hongrois, le qualificatif « autonome » résulte de l’absence d’une décision d’expulsion.
23 Article 2, paragraphe 1. Il n’apparaît pas que la Hongrie ait décidé de ne pas appliquer la directive aux ressortissants de pays tiers dans les cas prévus au paragraphe 2 de cet article.
24 L’article 3, point 2, de la directive 2008/115 définit le séjour irrégulier comme « la présence sur le territoire d’un État membre d’un ressortissant d’un pays tiers qui ne remplit pas, ou ne remplit plus, les conditions d’entrée énoncées à l’article 5 du code frontières Schengen, ou d’autres conditions d’entrée, de séjour ou de résidence dans cet État membre ». Mise en italique par mes soins.
25 Arrêts du 7 juin 2016, Affum (C‑47/15, EU:C:2016:408, point 48), et du 17 décembre 2020, Commission/Hongrie (Accueil des demandeurs de protection internationale) (C‑808/18, EU:C:2020:1029, point 243). Dans le dispositif de l’arrêt Westerwaldkreis, la Cour a précisé que la directive 2008/115 « s’applique à une interdiction d’entrée et de séjour, prononcée par un État membre, qui n’a pas fait usage de la faculté prévue à l’article 2, paragraphe 2, sous b), de ladite directive, contre un ressortissant d’un pays tiers qui se trouve sur son territoire et fait l’objet d’un arrêté d’expulsion pour des raisons de sécurité publique et d’ordre public, sur la base d’une condamnation pénale antérieure ».
26 Arrêt du 8 mai 2018, K.A. e.a. (Regroupement familial en Belgique) (C‑82/16, ci‑après l’« arrêt K.A. e.a. », EU:C:2018:308, point 101).
27 Arrêts du 6 décembre 2011, Achughbabian (C‑329/11, EU:C:2011:807, points 31 et 45), et du 7 juin 2016, Affum (C‑47/15, EU:C:2016:408, point 87).
28 L’article 3, point 3, de la directive 2008/115 définit le retour comme « le fait, pour le ressortissant d’un pays tiers, de rentrer – que ce soit par obtempération volontaire à une obligation de retour ou en y étant forcé – dans [...] son pays d’origine, ou un pays de transit [...], ou un autre pays tiers dans lequel [...] [il] décide de retourner volontairement et sur le territoire duquel il sera admis ».
29 L’impossibilité juridique d’exécuter la décision de retour en éloignant le ressortissant d’un pays tiers en séjour irrégulier sur le territoire ne dispense pas de l’obligation de prendre cette décision, même si elle permet d’en reporter l’exécution : arrêt Westerwaldkreis, point 54.
30 Article 1er ainsi que considérants 6 et 30 de la directive 2008/115.
31 J’expliquerai plus loin que le règlement no 1987/2006 n’exige pas l’introduction dans le SIS II de signalements relatifs à des ressortissants de pays tiers fondés sur des interdictions d’entrée liées au non‑respect de règles nationales en matière d’entrée ou de séjour : voir point 112.
32 Arrêt du 17 septembre 2020, JZ (Peine d’emprisonnement en cas d’interdiction d’entrée) (C‑806/18, EU:C:2020:724, point 32).
33 Considérant 14 de la directive 2008/115. Cependant, toutes les décisions de retour ne doivent pas nécessairement être assorties d’une interdiction d’entrée : voir article 11, paragraphe 1, ainsi que, plus loin, point 112 des présentes conclusions, sur le caractère facultatif de l’introduction de certains signalements dans le SIS II.
34 La décision de retour est la conséquence du séjour irrégulier sur le territoire d’un État membre. L’interdiction s’oppose à une éventuelle entrée sur le territoire de l’Union après le retour, ce qui rend automatiquement cette entrée illégale : voir arrêt du 26 juillet 2017, Ouhrami (C‑225/16, ci-après l’« arrêt Ouhrami », EU:C:2017:590, points 49 et suiv.). Formellement, toutefois, les États membres sont libres de prononcer une interdiction d’entrée en même temps qu’une décision de retour ou après l’adoption de celle-ci : article 6, paragraphe 6, de la directive 2008/115. Pour des raisons d’efficacité, la proposition actuelle de refonte de la directive prévoit, comme nouveauté par rapport au régime en vigueur, l’adoption d’interdictions d’entrée sans décision préalable de retour lorsque le séjour irrégulier est détecté pour la première fois à la sortie, lors des vérifications aux frontières : article 13, paragraphe 2, de la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier (refonte) [COM(2018) 634 final].
35 Article 11, paragraphe 1. Dans d’autres circonstances, l’interdiction d’entrée est possible, mais pas obligatoire.
36 Arrêts Ouhrami, point 49, et Westerwaldkreis, point 52.
37 Arrêt Westerwaldkreis, point 54.
38 Voir, par exemple, la décision (PESC) 2022/331 du Conseil, du 25 février 2022, modifiant la décision 2014/145/PESC concernant des mesures restrictives eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine (JO 2022, L 52, p. 1). Son annexe énumère les personnes à l’égard desquelles les États membres doivent prendre les mesures nécessaires pour empêcher l’entrée des intéressés sur leurs territoires respectifs.
39 Cela ne signifie pas que l’État membre soit libéré de toute contrainte, procédurale ou de fond, découlant du droit de l’Union : voir points 96 et suiv. des présentes conclusions.
40 Article 24, paragraphe 2, du règlement no 1987/2006, contrairement à ce que prévoit le paragraphe 3 de la même disposition. Le caractère obligatoire ressort clairement des versions linguistiques allemande, française, anglaise, italienne ou portugaise, entre autres. La version en langue espagnole, qui utilisait initialement le verbe podrá (peut), a été corrigée par la suite (rectificatif au règlement no 1987/2006 ; JO 2021, L 224, p. 42).
41 Selon l’arrêt du 16 janvier 2018, E (C‑240/17, EU:C:2018:8, point 37 et dispositif), bien que rien ne s’oppose à ce que les consultations soient menées avant l’adoption de la décision sur laquelle le signalement est fondé, l’obligation n’existe qu’une fois l’inscription effectuée. Le règlement 2018/1861 corrige cette règle.
42 Voir arrêt du 16 janvier 2018, E (C‑240/17, EU:C:2018:8). En principe, l’inscription d’une personne aux fins de non‑admission dans la base de données nationale d’un État membre au motif qu’elle constitue une menace pour l’ordre public, la sécurité intérieure, la santé publique ou les relations internationales de l’un des États membres, fait obstacle à son entrée dans l’espace Schengen, conformément à l’article 6, paragraphe 1, sous e), du règlement 2016/399.
43 Lorsque la décision de retour a été rendue, que la procédure n’est pas achevée et que la décision lui accorde un délai de départ, le ressortissant d’un pays tiers quittant le territoire procède à un « départ volontaire » au sens de l’article 7 de la directive 2008/115. En l’absence d’un tel délai, il y a lieu de considérer que l’étranger ne fait que respecter l’obligation de quitter le territoire imposée par la décision de retour. Une décision d’éloignement ne sera donc plus nécessaire, alors qu’une interdiction d’entrée et de séjour dans l’État membre sera toujours possible (article 11, paragraphe 1, in fine), voire obligatoire [(article 11, paragraphe 1, sous a)], cette interdiction devant être décidée conformément à la directive.
44 Une suspension peut toutefois être indiquée s’il existe des raisons de penser que le retour de l’intéressé, au sens de la directive 2008/115, n’a pas eu lieu. Voir, par analogie, arrêt du 15 février 2016, N. (C‑601/15 PPU, EU:C:2016:84, points 75 et 76).
45 C’est la solution préconisée dans le manuel sur le retour, point 11.3, p. 58.
46 Lors de l’audience, en réponse aux questions de la Cour, la Commission a insisté à plusieurs reprises sur ce point.
47 De fait, la directive 2008/115 respecte ces intérêts, comme en témoignent, entre autres, l’article 6, paragraphe 2, in fine, l’article 7, paragraphe 4, ou encore l’article 11, paragraphe 2. Voir, toutefois, sur la portée de cette directive, arrêt du 30 novembre 2009, Kadzoev (C‑357/09 PPU, EU:C:2009:741, points 70 et 71).
48 Arrêt K.A. e.a., point 44 et jurisprudence citée.
49 Article 11, paragraphe 2, in fine, et article 11, paragraphe 3, deuxième alinéa, respectivement.
50 En droit de l’Union, ces notions ne sont pas nécessairement équivalentes dans tous les textes législatifs qui les utilisent. L’absence d’identité existe même entre ceux relatifs à la migration, comme le rappellent le manuel sur le retour, point 11.3, p. 59, ou, entre autres, l’arrêt du 12 décembre 2019, E.P. (Menace pour l’ordre public) (C‑380/18, EU:C:2019:1071, points 31 et suiv.), qui suit les conclusions présentées par l’avocat général Pitruzzella (C‑380/18, EU:C:2019:609).
51 Dans ce cas de figure, régi par l’article 6, paragraphe 2, de la directive 2008/115, une interdiction d’entrée en vertu de l’article 11, qui vise à donner effet à la décision de retour dans toute l’Union, n’a pas de sens.
52 Dans cette hypothèse, prévue à l’article 6, paragraphe 3, de la directive 2008/115, il incombe au second État de mettre fin au séjour irrégulier. Voir arrêt du 7 juin 2016, Affum (C‑47/15, EU:C:2016:408, points 84 et 86).
53 Voir article 72 TFUE et, sur sa portée, arrêt du 17 décembre 2020, Commission/Hongrie (Accueil des demandeurs de protection internationale) (C‑808/18, EU:C:2020:1029).
54 Il n’est pas certain que ces consultations aient eu lieu : les informations fournies par M.D. et par le gouvernement hongrois divergent sur ce point, qu’il appartient à la juridiction de renvoi de clarifier.
55 D’un point de vue systématique plus large (qui inclurait également l’article 24, paragraphe 1, du règlement no 1987/2006), il convient de rappeler que seuls les signalements résultant de décisions prises à la suite d’une évaluation au cas par cas peuvent être introduits dans le SIS II : voir point 112 des présentes conclusions.
56 Qui entraînent, bien entendu, non pas l’impossibilité de prononcer une décision de retour ou une interdiction d’entrée, mais la nécessité de mettre en balance, sur la base de toutes les données disponibles, les intérêts en présence avant qu’une décision ne soit prise à cet égard.
57 Article 11, paragraphe 2, de la directive 2008/115.
58 Voir, entre autres, arrêt du 11 mars 2021, État belge (Retour du parent d’un mineur) (C‑112/20, EU:C:2021:197, point 35 et jurisprudence citée).
59 Ibid., dispositif.
60 Je ne pense pas que cette affirmation nécessite une justification plus poussée. Je me réfère, de façon générale, aux arrêts du 16 février 2022, Hongrie/Parlement et Conseil (C‑156/21, EU:C:2022:97, points 124 à 126), et du 16 février 2022, Pologne/Parlement et Conseil (C‑157/21, EU:C:2022:98, points 142 à 144). En ce qui concerne l’article 72 TFUE, voir, entre autres, arrêts du 2 avril 2020, Commission/Pologne, Hongrie et République tchèque (Mécanisme temporaire de relocalisation de demandeurs de protection internationale) (C‑715/17, C‑718/17 et C‑719/17, EU:C:2020:257, point 143), et du 2 juillet 2020, Stadt Frankfurt am Main (C‑18/19, EU:C:2020:511, point 28).
61 Voir, parmi une jurisprudence abondante, arrêts K.A. e.a. ; ainsi que du 27 février 2020, Subdelegación del Gobierno en Ciudad Real (Conjoint d’un citoyen de l’Union) (C‑836/18, ci-après l’« arrêt Subdelegación del Gobierno en Ciudad Real », EU:C:2020:119) ; du 5 mai 2022, Subdelegación del Gobierno en Toledo (Séjour d’un membre de la famille – Ressources insuffisantes) (C‑451/19 et C‑532/19, ci-après l’« arrêt Subdelegación del Gobierno en Toledo », EU:C:2022:354), et du 7 septembre 2022, Staatssecretaris van Justitie en Veiligheid (Nature du droit de séjour au titre de l’article 20 TFUE) (C‑624/20, EU:C:2022:639, point 51). En vertu d’une jurisprudence constante, il n’est pas nécessaire, à cet effet, que le citoyen de l’Union ait fait usage de sa liberté de circulation.
62 Arrêts K.A. e.a., point 52 ; Subdelegación del Gobierno en Ciudad Real, points 40 et suiv., et Subdelegación del Gobierno en Toledo, point 48.
63 La dépendance peut concerner des citoyens mineurs ou majeurs (arrêt Subdelegación del Gobierno en Ciudad Real). Rien n’indique que la compagne de M.D. se trouve dans une telle relation de dépendance, de sorte que je ne m’attarderai pas sur cette question.
64 Arrêt Subdelegación del Gobierno en Toledo, point 65. Voir également l’analyse développée dans l’arrêt K.A. e.a., points 70 et suiv.
65 Voir, entre autres, arrêts du 13 septembre 2016, Rendón Marín (C‑165/14, ci-après l’« arrêt Rendón Marín », EU:C:2016:675) ; du 13 septembre 2016, CS (C‑304/14, EU:C:2016:674, point 39) ; K.A. e.a., point 92 ; Subdelegación del Gobierno en Ciudad Real, points 43 à 45, et Subdelegación del Gobierno en Toledo, point 52.
66 La Cour a déclaré, dans l’arrêt du 6 octobre 2020, La Quadrature du Net e.a. (C‑511/18, C‑512/18 et C‑520/18, EU:C:2020:791, points 135 et 136), que « l’article 4, paragraphe 2, TUE énonce que la sécurité nationale reste de la seule responsabilité de chaque État membre. Cette responsabilité correspond à l’intérêt primordial de protéger les fonctions essentielles de l’État et les intérêts fondamentaux de la société et inclut la prévention et la répression d’activités de nature à déstabiliser gravement les structures constitutionnelles, politiques, économiques ou sociales fondamentales d’un pays, et en particulier à menacer directement la société, la population ou l’État en tant que tel, telles que notamment des activités de terrorisme ». Elle a ensuite souligné l’importance de l’objectif de sauvegarde de la sécurité nationale, ainsi que la différence, en raison de « leur nature et [de] leur particulière gravité », entre les menaces potentielles qui pèsent sur la sécurité nationale et le risque général de survenance de tensions ou de troubles, même graves, à la sécurité publique. La Cour en conclut que, sous réserve du respect des autres exigences prévues à l’article 52, paragraphe 1, de la Charte, l’objectif de sauvegarde de la sécurité nationale est dès lors susceptible de justifier des mesures comportant des ingérences dans les droits fondamentaux plus graves que celles que pourraient justifier d’autres objectifs.
67 Voir, entre autres, arrêt Subdelegación del Gobierno en Toledo, point 53. Dans d’autres arrêts, la Cour est encore plus explicite lorsqu’elle indique que, dans le contexte de l’article 20 TFUE, l’appréciation de la situation du ressortissant d’un pays tiers ne peut faire abstraction du droit au respect de la vie privée et familiale, tel qu’il est énoncé à l’article 7 de la Charte ; et que cette disposition doit, le cas échéant, être lue en corrélation avec l’obligation de prendre en considération l’intérêt supérieur de l’enfant, reconnu à l’article 24, paragraphe 2, de la Charte. Voir, par exemple, arrêts Rendón Marín, point 81, et K.A. e.a., point 90.
68 Il me semble important d’insister sur le fait que la marge d’appréciation des États membres serait différente dans d’autres domaines. Il ressort de la jurisprudence de la Cour que, lorsque l’article 20 TFUE est en cause, la logique inhérente au statut de citoyen de l’Union doit s’imposer et supplanter la logique prévalant en matière d’immigration (qui, comme je l’ai déjà indiqué, n’est pas non plus unique). Ce phénomène a déjà été exposé dans d’autres conclusions, telles que celles de l’avocat général Szpunar dans l’affaire Fahimian (C‑544/15, EU:C:2016:908), ou celles, plus récentes, de l’avocat général Pikamäe dans l’affaire Stadt Frankfurt am Main (C‑18/19, EU:C:2020:130), ainsi que dans les affaires jointes Minister van Buitenlandse Zaken (C‑225/19 et C‑226/19, EU:C:2020:679), auxquelles je renvoie.
69 Arrêts Rendón Marín, point 82, et K.A. e.a., point 91. Si les États membres restent les mieux placés pour évaluer les menaces pour l’ordre public ou la sécurité publique sur leur territoire, la portée de ces notions n’échappe pas au contrôle des institutions de l’Union : arrêts Rendón Marín, point 81, et Subdelegación del Gobierno en Toledo, points 78 et suiv.
70 Depuis l’arrêt Rendón Marín et l’arrêt K.A. e.a., point 91 ainsi que point 2 du dispositif, in fine.
71 Arrêt K.A. e.a., point 94. L’arrêt Subdelegación del Gobierno en Toledo, point 53, ajoute comme éléments susceptibles d’être pris en considération le degré de sévérité des condamnations ainsi que le délai entre la date de leur prononcé et la date à laquelle l’autorité statue.
72 Ce qui, à mon avis, est fort probable dans de nombreux cas, en raison de la nature des intérêts regroupés sous le terme de « sécurité nationale ».
73 Voir arrêts du 10 mai 2017, Chavez-Vilchez e.a. (C‑133/15, EU:C:2017:354, point 71), et Subdelegación del Gobierno en Toledo, point 67.
74 Dans un domaine différent, mais proche, la Cour s’est récemment prononcée (arrêt du 22 septembre 2022, Országos Idegenrendészeti Főigazgatóság e.a., C‑159/21, EU:C:2022:708), dans le cadre d’un autre renvoi préjudiciel du Fővárosi Törvényszék (cour de Budapest-Capitale), sur des appréciations, soumises au contrôle juridictionnel, ayant pour fondement des avis des autorités compétentes en matière de sécurité nationale : les dispositions du droit de l’Union examinées dans cet arrêt « [...] s’opposent à une réglementation nationale en vertu de laquelle l’autorité responsable de la détermination est systématiquement tenue, lorsque des organes chargés de fonctions spécialisées liées à la sécurité nationale ont constaté, par un avis non motivé, qu’une personne constituait une menace pour cette sécurité, d’exclure d’accorder le bénéfice de la protection subsidiaire à cette personne ou de retirer une protection internationale préalablement accordée à ladite personne, en se fondant sur cet avis ».
75 Le SIS II est conçu pour fournir ces informations aux États connectés au système. La directive 2008/115 ne régit pas l’introduction de signalements dans ce dernier.
76 Le caractère facultatif de l’introduction résulte du verbe employé à l’article 24, paragraphe 3, du règlement no 1987/2006 pour les cas de figure auxquels il se réfère. Ce constat est corroboré par le considérant 25 de la recommandation (UE) 2017/432 de la Commission, du 7 mars 2017, visant à rendre les retours plus effectifs dans le cadre de la mise en œuvre de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil (JO 2017, L 66, p. 15), ainsi que par son point 24, sous c). L’introduction est devenue obligatoire en vertu de l’article 24, paragraphe 1, sous b), du règlement 2018/1861.
77 L’interprétation habituelle de l’article 24, paragraphe 3, du règlement no 1987/2006 confirme sa correspondance avec la directive 2008/115, en dépit des incohérences que l’on peut observer entre ces textes, relatives au manque d’harmonisation des critères de signalement et critiquées par la doctrine ainsi que par la Commission dans le cadre de l’évaluation du SIS II. Voir le rapport de la Commission au Parlement européen et au Conseil sur l’évaluation du système d’information Schengen de deuxième génération (SIS II), conformément à l’article 24, paragraphe 5, à l’article 43, paragraphe 3, et à l’article 50, paragraphe 5, du règlement (CE) no 1987/2006, ainsi qu’à l’article 59, paragraphe 3, et à l’article 66, paragraphe 5, de la décision 2007/533/JAI [COM(2016) 880 final], point 4.4.2. Voir également le document de travail des services de la Commission accompagnant ce rapport [SWD(2016) 450 final], section 7.3.
78 Article 24, paragraphe 1, du règlement no 1987/2006.
79 Exigence de proportionnalité : article 21 du règlement no 1987/2006.
80 Voir note 40 des présentes conclusions.
81 Je ne partage pas la position défendue par le gouvernement hongrois lors de l’audience, selon laquelle ces facteurs, dans des circonstances telles que celles de l’espèce, ne doivent être pris en considération qu’au stade du contrôle juridictionnel postérieur à l’introduction du signalement. L’article 21, paragraphe 1, du règlement 2018/1861 comporte cette précision d’ordre temporel.
82 L’introduction du signalement implique, entre autres effets, le traitement de données à caractère personnel. La garantie du droit à la protection de ces données est une préoccupation majeure dans tous les instruments régissant le SIS II, qui consacrent des dispositions spécifiques à cet aspect.
83 Prévues à l’article 14, paragraphe 1, du code frontières Schengen. En réalité, ces conséquences découlent de la décision sur laquelle est fondé le signalement figurant dans le SIS II, plutôt que de l’introduction de ce signalement dans ce système : voir arrêt du 16 janvier 2018, E (C‑240/17, EU:C:2018:8, point 43). Le rôle du SIS II est instrumental : il sert aux États membres à s’échanger des informations relatives à des décisions qui les intéressent tous. Il est cependant indéniable que l’introduction du signalement rend possibles (et renforce) les effets de ces décisions.
84 La question est donc de savoir dans quelle mesure l’introduction d’un signalement concernant un ressortissant d’un pays tiers dans le SIS II porterait atteinte aux droits fondamentaux de cette personne, et non dans quelle mesure l’interdiction d’entrée et de séjour sur laquelle ce signalement est fondé affecte ces droits. Je reconnais toutefois que, compte tenu de la résonance que le SIS II donne aux interdictions, il est facile de passer d’un aspect à l’autre par inadvertance.
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