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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) |
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You are here: BAILII >> Databases >> Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) >> Dumitrescu and Others v Commission (Judgment) French Text [2022] EUECJ T-531/16 (15 June 2022) URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2022/T53116.html Cite as: [2022] EUECJ T-531/16, EU:T:2022:362, ECLI:EU:T:2022:362 |
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ARRÊT DU TRIBUNAL (huitième chambre)
15 juin 2022 (*)
« Fonction publique – Fonctionnaires – Réforme du statut de 2014 – Remboursement des frais de voyage annuel – Lieu d’origine situé dans un pays tiers – Paiement forfaitaire calculé sur la base de la distance séparant le lieu d’affectation de la capitale de l’État membre dont le fonctionnaire a la nationalité »Dans l’affaire T‑531/16,
Vasile Dumitrescu, demeurant à Berchem-Sainte-Agathe (Belgique),
Guido Schwarz, demeurant à Bruxelles (Belgique),
représentés par Me L. Levi, avocate,
parties requérantes,
contre
Commission européenne, représentée par MM. G. Gattinara et T. Bohr, en qualité d’agents,
partie défenderesse,
soutenue par
Parlement européen, représenté par Mmes E. Taneva et M. Ecker, en qualité d’agents,
et par
Conseil de l’Union européenne, représenté par MM. M. Bauer et R. Meyer, en qualité d’agents,
parties intervenantes,
ayant pour objet des demandes fondées sur l’article 270 TFUE et tendant à l’annulation des décisions de réduire, à compter du 1er janvier 2014, le remboursement des frais de voyage annuel pour que les requérants puissent maintenir une relation avec leur lieu d’origine ainsi qu’à la condamnation de la Commission à rembourser les frais de voyage annuel vers leur lieu d’origine couvrant leurs frais réels,
LE TRIBUNAL (huitième chambre),
composé de MM. J. Svenningsen, président, R. Barents (rapporteur) et Mme T. Pynnä, juges,
greffier : M. L. Ramette, administrateur,
vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 13 décembre 2021,
rend le présent
Arrêt
Antécédents du litige
1 Le premier requérant, M. Vasile Dumitrescu, fonctionnaire de la Commission européenne, est affecté à Bruxelles (Belgique) et a la nationalité roumaine. Son lieu d’origine est fixé à Gatineau (Canada) où vivent ses parents et ses deux sœurs. Ses deux enfants sont nés en France où le requérant possède également un bien immobilier. Son épouse a également la nationalité roumaine. Il exerce ses droits civiques en Roumanie.
2 Il perçoit une indemnité de dépaysement.
3 Depuis l’entrée en vigueur du règlement (UE, Euratom) no 1023/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 22 octobre 2013, modifiant le statut des fonctionnaires de l’Union européenne et le régime applicable aux autres agents de l’Union européenne (JO 2013, L 287, p. 15), le montant du remboursement de ses frais de voyage annuel a été réduit.
4 Le second requérant, M. Guido Schwarz, est affecté à Bruxelles et a la nationalité allemande. Son lieu d’origine se situe à Bogota (Colombie). Son épouse a la nationalité colombienne et leur enfant a la double nationalité allemande et colombienne. Son frère ainsi que l’épouse de ce dernier et leurs deux enfants vivent en Allemagne.
5 Il perçoit une indemnité de dépaysement.
6 Depuis le 1er janvier 2014, le montant du remboursement de ses frais de voyage annuel a été réduit.
7 À la suite de l’entrée en vigueur du règlement no 1023/2013, la Commission a adopté des dispositions générales d’exécution, en l’occurrence la décision C (2013) 8987 final, du 16 décembre 2013, portant dispositions générales d’exécution de l’article 8 de l’annexe VII du statut, publiée aux Informations administratives no 53-2013, du 19 décembre 2013. Cette décision a été mise en œuvre sous forme de remboursement des frais de voyage annuel, au mois de juillet de chaque année.
8 Les requérants ont pris connaissance de ces modifications en consultant leur bulletin de rémunération. Ils n’ont depuis lors plus eu droit qu’à un montant réduit de remboursement des frais de voyage annuel. Ainsi, pour l’année 2014, les requérants ont, respectivement, reçu un montant forfaitaire de 3 539,19 et de 727,32 euros à titre de remboursement de leurs frais de voyage annuel.
9 Des réclamations ont été introduites par les requérants le 11 septembre 2014. Elles ont été rejetées par une décision du 15 octobre 2014.
Procédure et conclusions des parties
10 Par requête déposée au greffe du Tribunal de la fonction publique de l’Union européenne le 21 janvier 2015, les requérants ont introduit le présent recours, enregistré sous le numéro d’affaire F‑7/15.
11 Par ordonnance du 14 avril 2015, le président de la troisième chambre du Tribunal de la fonction publique a décidé de suspendre le traitement de la procédure jusqu’à ce que la décision mettant fin à l’instance dans l’affaire T‑75/14, USFSPEI/Parlement et Conseil, soit passée en force de chose jugée.
12 Par actes déposés au greffe du Tribunal de la fonction publique respectivement le 7 et le 10 avril 2015, le Conseil de l’Union européenne et le Parlement européen ont demandé à intervenir au soutien des conclusions de la Commission.
13 En application de l’article 3 du règlement (UE, Euratom) 2016/1192 du Parlement et du Conseil, du 6 juillet 2016, relatif au transfert au Tribunal de la compétence pour statuer, en première instance, sur les litiges entre l’Union européenne et ses agents (JO 2016, L 200, p. 137), le recours a été transféré au Tribunal dans l’état où il se trouvait à la date du 31 août 2016. Il a été enregistré sous le numéro T‑531/16 et a été attribué à la huitième chambre.
14 L’affaire en raison de laquelle la présente procédure avait été suspendue a donné lieu à l’arrêt du 16 novembre 2017, USFSPEI/Parlement et Conseil (T‑75/14, EU:T:2017:813). Cette décision n’a pas fait l’objet d’un pourvoi et est passée en force de chose jugée.
15 Le 20 avril 2018, la Commission a déposé un mémoire en défense.
16 Le 26 avril 2018, le président de la huitième chambre du Tribunal a admis les interventions du Parlement et du Conseil.
17 Le Parlement et le Conseil ont déposé leurs mémoires en intervention respectivement le 11 et le 13 juin 2018. Les requérants et la Commission ont déposé leurs observations sur ceux-ci respectivement le 16 et le 17 juillet 2018.
18 Le 19 novembre 2018, le président de la huitième chambre a décidé, conformément à l’article 69, sous d), du règlement de procédure du Tribunal, de suspendre le traitement de la procédure jusqu’à ce que les décisions dans les affaires T‑516/16, Alvarez y Bejarano e.a./Commission, T‑536/16, Alvarez y Bejarano e.a./Commission, T‑523/16, Ardalic e.a./Conseil, et T‑542/16, Ardalic e.a./Conseil, soient passées en force de chose jugée.
19 Les affaires en raison desquelles la présente procédure avait été suspendue ont donné lieu aux arrêts du 30 avril 2019, Alvarez y Bejarano e.a./Commission (T‑516/16 et T‑536/16, non publié, EU:T:2019:267), et du 30 avril 2019, Ardalic e.a./Conseil (T‑523/16 et T‑542/16, non publié, EU:T:2019:272). Ces affaires ont fait l’objet d’un pourvoi et sont passées en force de chose jugée à la suite de l’arrêt du 25 mars 2021, Alvarez y Bejarano e.a./Commission (C‑517/19 P et C‑518/19 P, EU:C:2021:240).
20 Par lettres du 7 avril 2021, le Tribunal (huitième chambre) a décidé d’inviter les parties à prendre position sur les conséquences qu’il convenait, selon elles, de tirer de l’arrêt du 25 mars 2021, Alvarez y Bejarano e.a./Commission (C‑517/19 P et C‑518/19 P, EU:C:2021:240), pour la présente affaire. Les parties ont déféré à cette demande dans le délai imparti.
21 Les requérants concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :
– annuler la décision fixant leurs droits en matière de voyages annuels en application de l’article 8 de l’annexe VII du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut ») tel qu’il est en vigueur à compter du 1er janvier 2014, cette décision ayant été révélée pour la première fois dans leurs bulletins de rémunération du mois de juin 2014 ;
– annuler toute autre décision qui sera adoptée chaque année, à compter de 2015, en application de la même disposition ;
– annuler, pour autant que de besoin, la décision du 15 octobre 2014, rejetant les réclamations ;
– condamner la Commission au remboursement de leurs frais de voyage annuel à leur lieu d’origine couvrant leurs frais réels et sur la base de l’article 8 de l’annexe VII du statut tel qu’il est appliqué avant l’entrée en vigueur du règlement n° 1023/2013, augmenté des intérêts moratoires;
– condamner la Commission aux dépens.
22 La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– rejeter le recours, en partie, comme irrecevable et, en partie, comme non fondé;
– condamner les requérants aux dépens.
23 Le Parlement conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– rejeter le recours comme non fondé ;
– condamner les requérants aux dépens.
24 Le Conseil conclut au rejet du recours comme non fondé.
En droit
25 Il ressort de la requête que, par le présent recours, les requérants demandent, premièrement, l’annulation de la décision contenue dans leur bulletin de rémunération du mois de juin 2014 en ce qu’elle fait application pour la première fois de l’article 8 de l’annexe VII du statut pour fixer le montant du remboursement des frais de voyage annuel, deuxièmement, l’annulation de toute autre décision qui sera adoptée chaque année, à compter de 2015, en application de la même disposition, et, troisièmement, l’annulation, pour autant que de besoin, des décisions de rejet des réclamations.
26 Quant à la demande d’annulation de la décision de rejet des réclamations, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, les conclusions en annulation formellement dirigées contre le rejet d’une réclamation ont pour effet de saisir le Tribunal de l’acte initial contre lequel la réclamation a été présentée, lorsqu’elles sont, comme telles, dépourvues de contenu autonome (arrêts du 17 janvier 1989, Vainker/Parlement, 293/87, EU:C:1989:8, point 8, et du 8 septembre 2021, QB/BCE, T‑555/20, non publié, EU:T:2021:552, point 29). En l’espèce, les décisions de rejet des réclamations n’ont pas un contenu autonome. En pareille hypothèse, la légalité des décisions attaquées doit donc être examinée en prenant en considération la motivation figurant dans la décision de rejet des réclamations, cette motivation étant censée coïncider avec les actes contestés (voir, en ce sens, arrêt du 24 mars 2021, BK/EASO, T‑277/19, non publié, EU:T:2021:161, point 43 et jurisprudence citée).
27 Ensuite, quant à la demande d’annulation des décisions futures, il y a lieu de rappeler que, selon la jurisprudence, le Tribunal ne peut être valablement saisi que d’une demande tendant à l’annulation d’un acte existant et faisant grief. En l’espèce, force est de constater que, dans la requête, les requérants ont indiqué demander l’annulation de « toute autre décision qui ser[a] adopté[e] chaque année, à compter de 2015, en application de la même disposition ». Or, de telles conclusions, qui tendent à ce que le Tribunal se prononce sur la légalité d’actes hypothétiques non encore adoptés, sont irrecevables et ne peuvent être que rejetées (voir arrêt du 29 janvier 2020, Aquino e.a./Parlement, T‑402/18, EU:T:2020:13, points 38 et 39 et jurisprudence citée). Le deuxième chef de conclusions doit donc être rejeté comme étant irrecevable.
28 Enfin, en ce qui concerne le quatrième chef de conclusions, il y a lieu de relever que celui-ci tend à obtenir la condamnation de la Commission au paiement des frais de voyage annuel sur le fondement de la disposition statutaire applicable avant l’entrée en vigueur de la réforme du statut. À cet égard, il suffit de rappeler qu’il n’appartient pas au juge de l’Union européenne d’adresser des injonctions à l’administration dans le cadre du contrôle de légalité fondé sur l’article 91 du statut (voir arrêt du 9 décembre 2020, GV/Commission, T‑705/19, non publié, EU:T:2020:660, point 155 et jurisprudence citée). Il s’ensuit qu’il y a lieu de rejeter le quatrième chef de conclusions comme étant irrecevable.
Sur les conclusions en annulation
29 À l’appui de leurs conclusions en annulation, les requérants soulèvent six moyens tirés, premièrement, d’une violation de l’article 45 TFUE « lu ou non en combinaison avec l’article 18 TFUE et l’article 21 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne » (ci-après la « Charte »), deuxièmement, d’une violation des articles 18 TFUE et 21 de la Charte et d’une violation du principe de non-discrimination et de proportionnalité, troisièmement, d’une violation de la finalité de l’article 8 de l’annexe VII du statut, quatrièmement, d’une violation des principes de protection de la confiance légitime et de sécurité juridique, cinquièmement, d’une violation des droits acquis et, sixièmement, d’une violation de la liberté d’association ainsi que des droits à l’information, à la consultation et à la négociation collective.
30 S’agissant des deux premiers moyens, il convient de préciser que, s’il est vrai que l’article 21, paragraphe 2, de la Charte consacre le principe de non-discrimination en raison de la nationalité, l’article 52, paragraphe 2, de la Charte dispose cependant que les droits reconnus par celle-ci qui font l’objet de dispositions dans les traités s’exercent dans les conditions et limites définies par ceux-ci. Tel est le cas de l’article 21, paragraphe 2, de la Charte qui correspond, ainsi que le confirment les explications relatives à la Charte (JO 2007, C 303, p. 17) afférentes à cette disposition, à l’article 18, premier alinéa, TFUE et doit s’appliquer conformément à celui-ci (voir arrêt du 10 octobre 2019, Krah, C‑703/17, EU:C:2019:850, point 18 et jurisprudence citée).
31 À cet égard, il y a lieu de rappeler que l’article 18 TFUE n’a vocation à s’appliquer de manière autonome que dans des situations régies par le droit de l’Union pour lesquelles le traité FUE ne prévoit pas de règles spécifiques de non-discrimination. Or, le principe de non-discrimination a été mis en œuvre, dans le domaine de la libre circulation des travailleurs, par l’article 45 TFUE (voir arrêt du 6 octobre 2020, Jobcenter Krefeld, C‑181/19, EU:C:2020:794, point 78 et jurisprudence citée).
32 Partant, l’argumentation visant à reprocher au législateur d’avoir méconnu le principe de non-discrimination en raison de la nationalité sera examinée dans le cadre du premier moyen, tiré de la violation de l’article 45 TFUE.
33 Quant au deuxième moyen dans le cadre duquel les requérants se prévalent d’une inégalité de traitement entre fonctionnaires selon que leur lieu d’origine se situe à l’intérieur ou en dehors de l’Union, il convient de le requalifier comme étant tiré d’une violation du principe général d’égalité de traitement.
34 À l’audience, les requérants se sont désistés du sixième moyen, tiré d’une violation de la liberté d’association ainsi que des droits à l’information, à la consultation et à la négociation collective. Le Tribunal estime, dès lors, opportun de traiter d’abord le troisième moyen, tiré, notamment, de la violation de la finalité de l’article 8 de l’annexe VII du statut, puis le deuxième moyen, tiré, en substance, de la violation du principe d’égalité de traitement, puis le premier moyen, tiré, en substance de la violation du principe de non-discrimination en raison de la nationalité. Ensuite, il conviendra de traiter les quatrième et cinquième moyens.
Sur le troisième moyen, tiré de la violation de la finalité de l’article 8 de l’annexe VII du statut, de la violation du principe général du droit pour le fonctionnaire de garder des relations personnelles avec le lieu de ses intérêts principaux et de la violation de l’article 7 de la Charte et de l’article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales
35 Les requérants soutiennent que l’objet et la finalité de l’article 8 de l’annexe VII du statut seraient dénaturés en prévoyant de rembourser des frais de voyage sur base de la distance entre le lieu d’affectation et la capitale de l’État membre dont le fonctionnaire serait ressortissant et non plus le lieu d’origine. Ils font, par ailleurs, valoir que les décisions contestées violent le principe fondamental du droit à la vie privée et familiale visé à l’article 7 de la Charte ainsi qu’à l’article 8, paragraphe 1, de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950, ainsi que le droit du fonctionnaire d’avoir la possibilité de garder des relations personnelles avec le lieu où se situent ses intérêts principaux. Le législateur n’aurait pas pu instaurer cette réforme aux fins de servir des motifs de simplification administrative. Les requérants ne disposeraient plus pour eux, leurs conjoints et leurs enfants, d’un paiement leur permettant de conserver les liens familiaux, sociaux et culturels avec leur lieu d’origine. La circonstance d’avoir la nationalité d’un État membre de l’Union serait indifférente aux fins de l’objectif de l’article 8 de l’annexe VII du statut. Ce qui compterait serait la question de la localisation du lieu d’origine. Les requérants indiquent également ne pas contester la nature du paiement (somme forfaitaire ou frais réels), mais la méthode de calcul. Ils s’étonnent également de l’argument ressortant de la décision de rejet de la réclamation, selon lequel il n’y aurait aucune obligation de fournir la preuve des sommes engagées, ni même de prouver que le voyage a bien été effectué, ne sachant pas comment un tel système serait de nature à servir l’objectif de rationalisation et de transparence. Enfin, ils constatent que le montant forfaitaire qui leur est alloué ne leur permettrait pas de retourner dans leur pays d’origine situé en dehors de l’Union. Ils n’auraient pas le même choix d’emprunter la voiture ou le train, mais devraient choisir l’avion qui est indéniablement plus onéreux, contrairement à la majorité des fonctionnaires dont le lieu d’origine est situé au sein de l’Union.
36 La Commission, le Parlement et le Conseil contestent les arguments des requérants.
37 À cet égard, il importe de noter que l’objectif de l’article 8 de l’annexe VII du statut est de permettre au fonctionnaire et aux personnes à sa charge de se rendre, au moins une fois par an, à son lieu d’origine, afin d’y conserver des liens familiaux, sociaux et culturels. En effet, la possibilité pour le fonctionnaire de garder des relations personnelles avec le lieu de ses intérêts principaux est devenue un principe général du droit de la fonction publique de l’Union (arrêt du 30 avril 2019, Alvarez y Bejarano e.a./Commission, T‑516/16 et T‑536/16, non publié, EU:T:2019:267, point 68).
38 Or, l’objet et le but de l’article 8 de l’annexe VII du statut demeurent, en substance, inchangés avec l’entrée en vigueur du règlement no 1023/2013, cette disposition visant toujours à octroyer des avantages devant permettre au fonctionnaire et aux personnes à sa charge de se rendre, au moins une fois par an, à son lieu d’origine, afin d’y conserver des liens familiaux, sociaux et culturels (arrêt du 25 mars 2021, Alvarez y Bejarano e.a./Commission, C‑517/19 P et C‑518/19 P, EU:C:2021:240, point 66).
39 Cela étant, ainsi qu’il ressort du considérant 24 du règlement no 1023/2013, en procédant aux modifications de l’article 8 de l’annexe VII du statut, le législateur de l’Union a souhaité, dans le cadre de la réforme du statut et du régime applicable aux autres agents de l’Union, moderniser et rationaliser les règles en matière de remboursement des frais de voyage annuel, en les liant au statut de dépaysé ou d’expatrié, afin de rendre leur application plus simple et plus transparente. Par ailleurs, cet objectif spécifique s’inscrit dans un objectif plus général consistant, ainsi qu’il ressort des considérants 2 et 12 de ce règlement, à garantir un bon rapport coût-efficacité dans un contexte socio-économique en Europe exigeant un assainissement des finances publiques et un effort particulier de chaque administration publique et de son personnel pour améliorer l’efficacité et l’efficience, tout en maintenant l’objectif d’assurer un recrutement de qualité ayant la base géographique la plus large possible (arrêt du 25 mars 2021, Alvarez y Bejarano e.a./Commission, C‑517/19 P et C‑518/19 P, EU:C:2021:240, point 67).
40 Dans cette perspective, lors de l’adoption du règlement no 1023/2013, le législateur a fait le choix de lier le droit au remboursement des frais de voyage annuel au « statut d’expatrié » au sens large, c’est-à-dire d’accorder ce droit aux seuls fonctionnaires et agents remplissant les conditions prévues à l’article 4 de l’annexe VII du statut pour bénéficier d’une indemnité de dépaysement ou d’expatriation, et ce en vue de mieux cibler ces mesures et d’en limiter le bénéfice à ceux qui en ont le plus besoin eu égard à ce statut de dépaysé ou d’expatrié (arrêt du 25 mars 2021, Alvarez y Bejarano e.a./Commission, C‑517/19 P et C‑518/19 P, EU:C:2021:240, point 68).
41 En l’espèce, il est constant que, dans la mesure où les requérants perçoivent tous les deux une indemnité de dépaysement, ils ont conservé le bénéfice des avantages destinés à leur permettre de se rendre, au moins une fois par an, à leur lieu d’origine, à savoir non seulement le droit à un paiement forfaitaire des frais de voyage, mais également le droit à un congé dans le foyer qui remplace le délai de route. Ce faisant, en prévoyant que les fonctionnaires et agents « dépaysés » ou « expatriés », tels que les requérants, conservent le bénéfice de ces deux avantages, le législateur de l’Union a respecté le principe général du droit de la fonction publique selon lequel le fonctionnaire doit avoir la possibilité de garder ses relations personnelles avec le lieu où se situent ses intérêts principaux.
42 Cette conclusion n’est pas infirmée par les autres arguments des requérants.
43 En effet, en premier lieu, s’agissant de l’allégation tirée d’une violation du droit au respect de la vie privée et de la vie familiale, il y a lieu de constater que l’article 8 de l’annexe VII du statut prend en considération la vie privée et familiale de l’intéressé, puisque cette disposition prévoit que le fonctionnaire a droit au paiement forfaitaire des frais de voyage non seulement pour lui-même, mais également, s’il a droit à l’allocation de foyer, pour son conjoint et les personnes à sa charge au sens de l’article 2 de ladite annexe VII du statut. Au surplus, à supposer que les requérants aient entendu faire valoir que la mise en œuvre de l’article 8 de l’annexe VII du statut ne leur permettrait plus de conserver des relations personnelles avec leur lieu d’origine, il y a lieu de rappeler que l’appréciation de la légalité d’un acte de l’Union au regard des droits fondamentaux ne saurait, en tout état de cause, reposer sur des allégations tirées des conséquences de cet acte dans un cas particulier (voir arrêt du 8 septembre 2020, Commission et Conseil/Carreras Sequeros e.a., C‑119/19 P et C‑126/19 P, EU:C:2020:676, point 153 et jurisprudence citée).
44 En second lieu, il convient de souligner que l’application d’un système forfaitaire n’a pas pour objet de couvrir les frais réellement exposés en toutes circonstances. Dans ce contexte, eu égard à l’objectif plus général, rappelé au point 39 ci-dessus, dans lequel s’inscrit la modification de l’article 8 de l’annexe VII du statut, le législateur n’était pas tenu d’assurer à chaque fonctionnaire et agent bénéficiant des avantages en cause que le montant du paiement forfaitaire serait toujours suffisant pour couvrir l’ensemble des frais réellement exposés.
45 Au demeurant, les requérants n’ont pas démontré qu’ils ne pourraient plus entretenir de relations personnelles avec leur lieu d’origine à la suite de l’entrée en vigueur de la réforme.
46 Partant, le fait d’avoir prévu d’accorder le remboursement des frais de voyage annuel aux fonctionnaires bénéficiant d’une indemnité de dépaysement ou d’expatriation en fixant le montant du paiement forfaitaire par rapport à la distance séparant leur lieu d’affectation de la capitale de l’État membre dont ils ont la nationalité ne méconnaît pas la finalité de l’article 8 de l’annexe VII du statut.
47 Le troisième moyen doit donc être rejeté.
Sur le deuxième moyen, tiré de la violation du principe général d’égalité de traitement
48 Les requérants soutiennent que le législateur a méconnu le principe général d’égalité de traitement en calculant le paiement forfaitaire de leurs frais de voyage sur la base de la distance séparant leur lieu d’affectation de la capitale de l’État membre dont ils ont la nationalité, alors que les fonctionnaires dont le lieu d’origine est situé dans l’Union voient le même paiement forfaitaire calculé sur la base de la distance séparant leur lieu d’affectation de leur lieu d’origine.
49 La différence de traitement instaurée ne respecterait pas le principe de proportionnalité, car elle dépasserait les limites de ce qui est approprié et nécessaire pour atteindre l’objectif poursuivi, à le supposer légitime. Le législateur n’aurait nullement tenu compte de la situation individuelle des agents et de l’impact substantiel de cette réduction sur leurs revenus.
50 La Commission, le Parlement et le Conseil contestent les arguments des requérants.
51 Il convient d’abord de rappeler que, selon la jurisprudence de la Cour, le lien juridique entre les fonctionnaires et l’administration est de nature statutaire et non contractuelle. Dès lors, les droits et les obligations des fonctionnaires peuvent, moyennant le respect des exigences découlant du droit de l’Union, être modifiés à tout moment par le législateur. Parmi ces exigences figurent le principe d’égalité de traitement (voir arrêt du 25 mars 2021, Alvarez y Bejarano e.a./Commission, C‑517/19 P et C‑518/19 P, EU:C:2021:240, points 49 et 51 et jurisprudence citée).
52 Le principe d’égalité de traitement, principe général du droit de l’Union, interdit que des situations comparables soient traitées de manière différente ou que des situations différentes soient traitées de manière égale, à moins que de tels traitements ne soient objectivement justifiés (voir, en ce sens, arrêt du 25 mars 2021, Alvarez y Bejarano e.a./Commission, C‑517/19 P et C‑518/19 P, EU:C:2021:240, point 52 et jurisprudence citée).
53 Selon une jurisprudence constante, pour pouvoir déterminer s’il y a ou non une violation dudit principe, il convient notamment de tenir compte de l’objet et du but poursuivi par la disposition dont il est allégué qu’elle le violerait (voir arrêt du 6 septembre 2018, Piessevaux/Conseil, C‑454/17 P, non publié, EU:C:2018:680, point 79 et jurisprudence citée).
54 La fixation des conditions et des modalités d’application du remboursement des frais de voyage annuel relève d’un domaine de la réglementation dans lequel le législateur jouit d’un large pouvoir d’appréciation. Par conséquent, le principe mentionné au point 52 ci‑dessus doit être interprété à la lumière de ce large pouvoir d’appréciation tout en tenant compte de la nécessité de mettre en œuvre les choix du législateur en matière de politique du personnel (voir, en ce sens, arrêt du 30 avril 2019, Alvarez y Bejarano e.a./Commission, T‑516/16 et T‑536/16, non publié, EU:T:2019:267, point 66 et jurisprudence citée).
55 Dans un tel domaine, le juge se limite à vérifier si l’institution concernée n’a pas procédé à une différenciation arbitraire ou manifestement inadéquate et, en ce qui concerne le principe de proportionnalité, si la mesure arrêtée n’a pas un caractère manifestement inapproprié par rapport à l’objectif de la réglementation (voir arrêt du 25 mars 2021, Alvarez y Bejarano e.a./Commission, C‑517/19 P et C‑518/19 P, EU:C:2021:240, point 53 et jurisprudence citée).
56 C’est sur base de ces principes qu’il convient d’analyser le deuxième moyen.
57 En l’espèce, il importe de constater que, selon l’article 8, paragraphe 1, de l’annexe VII du statut, tous les fonctionnaires « expatriés » ou « dépaysés » dont le lieu d’origine est différent du lieu d’affectation ont, en principe, « droit […] à un paiement forfaitaire des frais de voyage du lieu d’affectation au lieu d’origine », et ce quelle que soit la localisation précise du lieu d’origine.
58 Dans ce contexte, la situation des fonctionnaires dont le lieu d’origine se situe dans l’Union et celle des requérants, dont le lieu d’origine se situe en dehors de l’Union, peuvent être considérées comme étant comparables au regard de l’objet et du but de cette disposition, étant rappelé qu’il n’est pas requis que les situations concernées soient identiques (voir, en ce sens, arrêt du 10 mai 2011, Römer, C‑147/08, EU:C:2011:286, point 42).
59 En effet, les premiers, ayant leur lieu d’origine à l’intérieur de l’Union et bénéficiant d’une indemnité de dépaysement ou d’expatriation, sont soumis, en ce qui concerne le paiement des frais de voyage annuel, à l’article 8, point 2, paragraphe 1, de l’annexe VII qui prévoit que « le paiement forfaitaire est effectué sur la base d’une indemnité calculée par kilomètre de distance géographique séparant le lieu d’affectation du fonctionnaire de son lieu d’origine », alors que les seconds, ayant leur lieu d’origine en dehors de l’Union, sont régis par l’article 8, point 2, paragraphe 2, de l’annexe VII du statut qui prévoit que, « [l]orsque le lieu d’origine défini à l’article 7 est situé à l’extérieur du territoire des États membres de l’Union ou en dehors des pays et territoires énumérés à l’annexe II du [traité FUE] ou en dehors du territoire des États membres de l’[AELE], le paiement forfaitaire est effectué sur la base d’une indemnité calculée par kilomètre de la distance géographique entre le lieu d’affectation du fonctionnaire et la capitale de l’État membre dont il possède la nationalité ».
60 Toutefois, cette différence de traitement est justifiée par des motifs légitimes. En effet, ainsi qu’il ressort des considérants 2 et 12 du règlement no 1023/2013, le législateur a notamment souhaité garantir un bon rapport coût-efficacité dans un contexte socio-économique en Europe exigeant un assainissement des finances publiques et un effort particulier de chaque administration publique et de son personnel pour améliorer l’efficacité et l’efficience.
61 Le montant du paiement forfaitaire des frais de voyage étant calculé sur la base d’une indemnité kilométrique, le législateur a pu, dans l’exercice de son large pouvoir d’appréciation, raisonnablement considérer qu’il était nécessaire et approprié, afin d’atteindre l’objectif rappelé au point 60, de prévoir une autre méthode de calcul pour les fonctionnaires dont le lieu d’origine est, en principe, plus éloigné du lieu d’affectation en raison du fait que celui-ci se trouve à l’extérieur du territoire des États membres de l’Union ou en dehors des pays et territoires énumérés à l’annexe II du traité FUE ou en dehors du territoire des États membres de l’Association européenne de libre-échange (AELE).
62 En procédant de la sorte, le législateur s’assure, en effet, que les fonctionnaires « dépaysés » ou « expatriés », qui sont dans des situations comparables quelle que soit la localisation de leur lieu d’origine, reçoivent en définitive un paiement forfaitaire d’un niveau comparable, lequel est, dans tous les cas, calculé sur la base de la distance séparant le lieu d’affectation d’un autre lieu situé dans l’Union, ce qui ne paraît pas manifestement inapproprié aux fins d’atteindre l’objectif poursuivi en termes de rationalisation des finances publiques.
63 Il s’ensuit que le deuxième moyen, tiré de la violation du principe général d’égalité de traitement, doit être écarté comme étant non fondé.
Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 45 TFUE
64 Selon les requérants, la libre circulation des personnes, et, en particulier, des travailleurs, constitue l’un des fondements de l’Union et emporte l’abolition de toute discrimination fondée sur la nationalité. Un ressortissant de l’Union, indépendamment de son lieu de résidence et de sa nationalité, qui travaillerait dans un autre État membre que celui de son lieu d’origine relèverait du champ d’application de l’article 45 TFUE. Les requérants auraient précisément fait usage de l’un des droits que leur procurerait cette disposition et ne sauraient donc se voir refuser le bénéfice des droits et avantages sociaux que leur procurerait l’article 45 TFUE. Ensuite, le remboursement des frais de voyage ferait partie intégrante de la rémunération. Elle comprendrait tous les avantages en espèce ou en nature, actuels ou futurs, pourvu qu’ils soient consentis en raison de leur emploi que ce soit en vertu d’un contrat de travail, de dispositions législatives ou à titre volontaire. Le remboursement ferait à tout le moins partie des conditions de travail des requérants au sens de l’article 45 TFUE. La réduction du remboursement des frais de voyage constituerait par conséquent une restriction au sens dudit article. En effet, il serait établi que les requérants se trouveraient indirectement discriminés quant au montant remboursé, en raison de leur nationalité. Pour deux requérants de même lieu d’origine et de même lieu d’affectation, le montant du remboursement serait différent selon leur nationalité. Il en résulterait une discrimination tenant à la nationalité. En tout état de cause, l’article 45 TFUE s’opposerait à toute mesure qui serait susceptible de gêner ou de rendre moins attrayant l’exercice des libertés fondamentales garanties par le traité. Il y aurait également discrimination et entrave à la libre circulation dans le cas de deux collègues de même nationalité affectés à un même endroit, mais de lieux d’origine différents. Ce nouveau régime discriminatoire ne pourrait se justifier pour des raisons de sécurité ou de santé publique en application de l’article 45, paragraphe 3, TFUE, l’économie budgétaire ne pouvant être assimilée à un impératif d’ordre public.
65 La Commission, le Parlement et le Conseil contestent les arguments des requérants.
66 Selon l’article 45 TFUE, la libre circulation des travailleurs est assurée à l’intérieur de l’Union. Elle implique l’abolition de toute discrimination, fondée sur la nationalité, entre les travailleurs des États membres, en ce qui concerne l’emploi, la rémunération et les autres conditions de travail.
67 À cet égard, un paiement effectué par une institution de l’Union en sa qualité d’employeur, tel que le remboursement des frais de voyage annuel, est nécessairement lié à une relation de travail et constitue donc, à tout le moins, une condition de travail au sens de l’article 45 TFUE (voir, par analogie, arrêt du 13 juillet 1995, Meyers, C‑116/94, EU:C:1995:247, point 24).
68 Par ailleurs, un ressortissant de l’Union, indépendamment de son lieu de résidence et de sa nationalité, qui a fait usage du droit à la libre circulation des travailleurs afin de rechercher un emploi dans un État membre autre que celui de sa nationalité, relève du champ d’application de l’article 45 TFUE (voir, en ce sens, arrêt du 7 mars 2018, DW, C‑651/16, EU:C:2018:162, point 18).
69 Il s’ensuit qu’un ressortissant de l’Union travaillant pour une institution ou un organe de celle-ci dans un État membre autre que son État membre d’origine ne saurait se voir refuser le bénéfice des droits et avantages sociaux que lui procure l’article 45 TFUE (arrêts du 6 octobre 2016, Adrien e.a., C‑466/15, EU:C:2016:749, point 25, et du 12 mai 2021, CAF, C‑27/20, EU:C:2021:383, point 20 ; voir également, en ce sens, arrêt du 15 mars 1989, Echternach et Moritz, 389/87 et 390/87, EU:C:1989:130, point 12).
70 Il découle de ces jurisprudences que la liberté de circulation des travailleurs, en application de l’article 45 TFUE, ne s’applique qu’à la circulation des travailleurs entre deux États membres et non pas entre un lieu d’origine fixé en dehors de l’Union et un lieu d’affectation situé sur le territoire de l’Union. Pour autant que les requérants soutiennent que la réglementation litigieuse serait constitutive d’une entrave en ce qu’elle les dissuaderait de faire usage de leur liberté de circulation pour accepter un emploi dans la fonction publique européenne, il y a lieu de constater que cette argumentation se confond avec celle relative à la nature prétendument discriminatoire de ladite réglementation en ce qu’elle instituerait une différence de traitement fondée sur la nationalité entre travailleurs en ce qui concerne leurs conditions de travail, laquelle est examinée ci-après.
71 À cet égard, les requérants soutiennent que, même s’ils possèdent des nationalités différentes, deux fonctionnaires ayant le même lieu d’origine en dehors de l’Union devraient recevoir un même paiement forfaitaire à titre de remboursement de leurs frais de voyage annuel.
72 Certes, il résulte de l’article 8, paragraphe 2, deuxième alinéa, de l’annexe VII du statut que le montant du paiement forfaitaire des frais de voyage peut varier en fonction de la distance qui sépare le lieu d’affectation de la capitale de l’État membre dont le fonctionnaire a la nationalité et donc, en définitive, en fonction de la nationalité de l’intéressé. Toutefois, il importe de souligner que cette différence de traitement ne concerne pas la titularité du droit au remboursement des frais de voyage, mais seulement les modalités de calcul dudit remboursement.
73 À cet égard, il ressort de la jurisprudence que, si c’est dans le cadre de son pouvoir discrétionnaire que le législateur de l’Union a décidé que certains membres de la fonction publique de l’Union se verraient rembourser les frais de voyage exposés à l’occasion de leur congé annuel, il dispose, à plus forte raison, d’un large pouvoir d’appréciation dans la détermination des conditions et des modalités d’un tel remboursement (voir, en ce sens, arrêt du 30 avril 2019, Alvarez y Bejarano e.a./Commission, T‑516/16 et T‑536/16, non publié, EU:T:2019:267, point 51).
74 En outre, la Cour a admis, à l’égard d’un critère fondé sur la nationalité de l’intéressé, que, même s’il doit résulter, dans des situations marginales, des inconvénients casuels de l’instauration d’une réglementation générale et abstraite, il ne peut être reproché au législateur de l’Union d’avoir eu recours à une catégorisation, dès lors qu’elle n’est pas discriminatoire par essence au regard de l’objectif qu’elle poursuit (arrêt du 15 avril 2010, Gualtieri/Commission, C‑485/08 P, EU:C:2010:188, point 81 ; voir également, en ce sens, arrêt du 16 octobre 1980, Hochstrass/Cour de justice, 147/79, EU:C:1980:238, point 14).
75 En l’espèce, il importe de souligner que, en liant le montant du remboursement des frais de voyage annuel à la nationalité du fonctionnaire, le législateur a notamment pris en considération la nécessité de moderniser et de rationaliser les règles en matière de délai de route et de paiement annuel des frais de voyage, afin de rendre leur application plus simple et plus transparente, tout en garantissant un bon rapport coût-efficacité dans un contexte socio-économique en Europe exigeant un assainissement des finances publiques et un effort particulier de chaque administration publique et de son personnel pour améliorer l’efficacité et l’efficience. Ces motifs, qui relèvent de considérations budgétaires, administratives et de politique du personnel, sont légitimes (voir, en ce sens, arrêt du 23 janvier 2007, Chassagne/Commission, F‑43/05, EU:F:2007:14, point 65).
76 Quant à la proportionnalité de la réglementation litigieuse en ce qui concerne ces motifs légitimes, il y a lieu de rappeler que le principe de proportionnalité exige que les actes des institutions de l’Union ne dépassent pas les limites de ce qui est approprié et nécessaire à la réalisation des objectifs légitimes poursuivis par la réglementation en cause, étant entendu que, lorsqu’un choix s’offre entre plusieurs mesures appropriées, il convient de recourir à la moins contraignante et que les inconvénients causés ne doivent pas être démesurés par rapport aux buts visés (voir arrêt du 30 avril 2019, Alvarez y Bejarano e.a./Commission, T‑516/16 et T‑536/16, non publié, EU:T:2019:267, point 80 et jurisprudence citée).
77 En ce qui concerne le contrôle juridictionnel du respect de ces conditions, dans le cadre de l’exercice des compétences qui lui sont conférées, le législateur dispose d’un large pouvoir d’appréciation dans les domaines où son action implique des choix de nature tant politique qu’économique ou sociale, et où il est appelé à effectuer des appréciations et des évaluations complexes. Ainsi, il ne s’agit pas de savoir si une mesure arrêtée dans un tel domaine était la seule ou la meilleure possible, seul le caractère manifestement inapproprié de celle-ci par rapport à l’objectif que les institutions compétentes entendent poursuivre pouvant affecter la légalité de cette mesure (voir arrêt du 25 mars 2021, Alvarez y Bejarano e.a./Commission, C‑517/19 P et C‑518/19 P, EU:C:2021:240, points 85 et 86 et jurisprudence citée).
78 Au regard des objectifs poursuivis et dès lors que le législateur a pu, sans méconnaître le principe d’égalité de traitement, faire le choix de ne plus rembourser les frais de voyage annuel des fonctionnaires dont le lieu d’origine se situe en dehors de l’Union sur la base de la distance séparant ce lieu de leur lieu d’affectation, il lui appartenait, dans l’exercice de son large pouvoir d’appréciation, de retenir un critère objectif permettant de calculer le montant de ce paiement. À cet égard, il ne saurait être reproché au législateur de l’Union de s’être, en partie, fondé, s’agissant des conditions et des modalités du remboursement forfaitaire des frais de voyage annuel, sur le critère de la nationalité de l’intéressé, étant donné que ce critère est objectif par nature et qu’il a le mérite d’être simple d’application et transparent tout en permettant de réaliser des économies. En effet, en procédant de la sorte, le législateur s’assure que, quel que soit l’endroit où se trouve le lieu d’origine du fonctionnaire dont le lieu d’affectation se situe sur le territoire d’un État membre, le montant du paiement sera calculé sur la base de la distance, en principe plus courte, séparant ce lieu d’affectation d’un autre endroit dans l’Union correspondant à la capitale de l’État membre dont l’intéressé possède la nationalité. L’article 8, paragraphe 2, deuxième alinéa, de l’annexe VII du statut doit, dans ce contexte, être considéré comme étant proportionné à l’objectif poursuivi par le législateur.
79 Il s’ensuit que la distinction opérée par le législateur pour déterminer le montant du paiement forfaitaire des frais de voyage de la catégorie particulière des fonctionnaires dont le lieu d’origine se situe en dehors de l’Union, sur la base du critère de la nationalité de l’intéressé, ne constitue pas une différence de traitement fondée sur la nationalité prohibée par l’article 45 TFUE.
80 Par ailleurs, s’agissant des autres situations envisagées par les requérants et décrites au point 64 ci‑dessus, il convient de constater que celles-ci présentent un caractère hypothétique ou théorique.
81 Or, il ressort de la jurisprudence qu’un fonctionnaire ou un agent n’est pas habilité à agir dans l’intérêt de la loi ou des institutions et ne peut faire valoir, à l’appui d’un recours, que des griefs qui lui sont personnels (voir ordonnance du 8 mars 2007, Strack/Commission, C‑237/06 P, EU:C:2007:156, point 64 et jurisprudence citée).
82 Le premier moyen doit donc être rejeté.
Sur les quatrième et cinquième moyens, tirés de la violation des principes de protection de la confiance légitime, de sécurité juridique et des droits acquis
83 Les requérants prétendent avoir fondé des attentes légitimes quant au maintien des avantages en vigueur lors de leur recrutement. La réduction brutale du paiement forfaitaire de leurs frais de voyage vers leur lieu d’origine, sans aucune disposition transitoire et sans aucune justification réelle, porterait donc atteinte à leurs attentes légitimes et à leur confiance légitime. Le principe de protection de la confiance légitime imposerait au législateur d’éviter de modifier brutalement la situation juridique et économique des fonctionnaires en service et de prévoir des mesures transitoires adéquates.
84 Les requérants soutiennent également que le droit des fonctionnaires de bénéficier d’un remboursement de leurs frais de voyage afin de pouvoir maintenir des liens familiaux, sociaux et culturels avec leur lieu d’origine est un droit acquis, consacré comme principe général de la fonction publique. Le lieu d’origine serait au centre du droit au paiement des frais de voyage et la fixation de celui-ci suffirait à ouvrir le droit au remboursement. Ce droit ne renaîtrait pas chaque année. Même si le fonctionnaire doit être en service, il aurait bien acquis, pour toute la durée de son service, le bénéfice au remboursement.
85 La Commission, le Parlement et le Conseil contestent les arguments des requérants.
– Sur la violation des principes de protection de la confiance légitime et de sécurité juridique
86 Il convient de rappeler que, selon la jurisprudence constante, un fonctionnaire ne peut se prévaloir du principe de protection de la confiance légitime pour mettre en cause la légalité d’une disposition réglementaire nouvelle, surtout dans un domaine dont l’objet comporte une constante adaptation en fonction des variations de la situation économique (voir arrêt du 30 avril 2019, Alvarez y Bejarano e.a./Commission, T‑516/16 et T‑536/16, non publié, EU:T:2019:267, point 91 et jurisprudence citée).
87 Il convient également de rappeler que, dans un domaine comme celui en cause en l’espèce, le respect du principe de protection de la confiance légitime ne saurait empêcher l’application d’une réglementation nouvelle aux effets futurs de situations nées sous l’empire d’une réglementation antérieure en l’absence d’engagements pris par l’autorité publique (voir arrêt du 30 avril 2019, Alvarez y Bejarano e.a./Commission, T‑516/16 et T‑536/16, non publié, EU:T:2019:267, point 92 et jurisprudence citée).
88 En effet, le droit de réclamer la protection de la confiance légitime suppose, notamment, que les assurances données soient conformes aux normes applicables. Le droit de réclamer la protection de la confiance légitime s’étend à tout particulier qui se trouve dans une situation de laquelle il ressort que l’administration a fait naître chez lui des espérances fondées, en lui fournissant des assurances précises sous la forme de renseignements précis, inconditionnels et concordants, émanant de sources autorisées et fiables. Il s’ensuit que nul ne peut invoquer une violation de ce principe en l’absence d’assurances précises que lui aurait fournies l’administration (voir arrêt du 30 avril 2019, Alvarez y Bejarano e.a./Commission, T‑516/16 et T‑536/16, non publié, EU:T:2019:267, point 93 et jurisprudence citée).
89 Force est de constater que, en l’espèce, les requérants ne fournissent aucun élément probant qui indiquerait que la Commission leur eût assuré qu’ils pourraient conserver leurs droits et avantages en matière de remboursement de frais de voyage annuel tout au long de leur carrière.
90 En tout état de cause, des particuliers ne sauraient se prévaloir du principe de protection de la confiance légitime pour s’opposer à l’application d’une disposition réglementaire nouvelle, surtout dans un domaine dans lequel le législateur dispose d’un large pouvoir d’appréciation (voir arrêt du 30 avril 2019, Alvarez y Bejarano e.a./Commission, T‑516/16 et T‑536/16, non publié, EU:T:2019:267, point 95 et jurisprudence citée).
91 S’agissant du moyen tiré de la violation du principe de sécurité juridique, celui-ci n’est pas fondé dès lors que les fonctionnaires n’ont pas droit au maintien du statut tel qu’il existait au moment de leur recrutement (voir arrêt du 30 avril 2019, Alvarez y Bejarano e.a./Commission, T‑516/16 et T‑536/16, non publié, EU:T:2019:267, point 96 et jurisprudence citée).
92 D’ailleurs, même à supposer que l’administration d’une institution promette de ne pas faire évoluer le droit de l’Union, il est évident qu’une telle promesse serait sans effet, étant donné que les actes de l’administration ne peuvent limiter la marge de manœuvre du législateur et ne peuvent pas non plus constituer un paramètre de légalité auquel celui-ci devrait se conformer (voir arrêt du 30 avril 2019, Alvarez y Bejarano e.a./Commission, T‑516/16 et T‑536/16, non publié, EU:T:2019:267, point 97 et jurisprudence citée).
93 Le moyen tiré d’une prétendue violation du principe de protection de la confiance légitime et du principe de sécurité juridique n’est dès lors pas fondé.
– Sur la violation des droits acquis
94 Quant à la prétendue violation du principe des droits acquis, il est de principe que les lois modificatives d’une disposition législative, telles que les règlements de modification du statut, s’appliquent, sauf dérogation, aux effets futurs des situations nées sous l’empire de la loi ancienne et qu’il n’en va autrement que pour les situations nées et définitivement réalisées sous l’empire de la règle précédente, qui créent des droits acquis (voir arrêt du 30 avril 2019, Alvarez y Bejarano e.a./Commission, T‑516/16 et T‑536/16, non publié, EU:T:2019:267, point 99 et jurisprudence citée).
95 Il a été jugé à ce propos qu’un droit est considéré comme acquis lorsque le fait générateur de celui-ci s’est produit avant la modification législative. Toutefois, tel n’est pas le cas d’un droit dont le fait constitutif ne s’est pas réalisé sous l’empire de la législation qui a été modifiée (voir arrêt du 30 avril 2019, Alvarez y Bejarano e.a./Commission, T‑516/16 et T‑536/16, non publié, EU:T:2019:267, point 100 et jurisprudence citée).
96 En l’espèce, contrairement à ce que prétendent les requérants, ils n’ont pas « acquis » un droit au remboursement des frais de voyage annuel. Jusqu’au 31 décembre 2013, le remboursement des frais de voyage aux agents s’effectuait une fois par an après vérification de leurs droits. Ainsi, il ne s’agit pas là d’une situation née et définitivement réalisée. Par conséquent, le remboursement des frais de voyage annuel ne peut pas être considéré comme étant un droit acquis (voir, en ce sens, arrêt du 30 avril 2019, Alvarez y Bejarano e.a./Commission, T‑516/16 et T‑536/16, non publié, EU:T:2019:267, point 101 et jurisprudence citée).
97 Le moyen tiré d’une prétendue violation du principe des droits acquis n’est dès lors pas fondé.
98 Les quatrième et cinquième moyens doivent donc également être rejetés et, par conséquent, les conclusions en annulation dans leur intégralité.
Sur la demande indemnitaire
99 Selon les requérants, l’annulation de la décision fixant le montant du remboursement de leurs frais de voyage pour l’année 2014, des décisions adoptées chaque année à compter de 2015 et de la décision de rejet de la réclamation devrait entraîner le remboursement de leurs frais de voyage annuels vers leur lieu d’origine couvrant leurs frais réels et devrait être augmentée des intérêts moratoires.
100 Or, en l’espèce, il suffit de relever, sans qu’il soit besoin d’examiner la question de la recevabilité de la demande en indemnité, que, selon une jurisprudence constante en matière de fonction publique, les conclusions tendant à la réparation d’un préjudice matériel ou moral doivent être rejetées lorsqu’elles présentent un lien étroit avec les conclusions en annulation qui ont, elles‑mêmes, été rejetées comme non fondées (voir arrêt du 16 mai 2007, F/Commission, T‑324/04, EU:T:2007:140, point 184 et jurisprudence citée).
101 En l’espèce, il existe un lien étroit entre les conclusions en indemnité et les conclusions en annulation. Dans la mesure où les moyens présentés au soutien des conclusions en annulation ont été rejetés, les conclusions en indemnité doivent également être rejetées.
102 Il résulte de tout ce qui précède que le recours doit être rejeté dans son intégralité.
Sur les dépens
103 Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Les requérants ayant succombé, il y a lieu de décider qu’ils supporteront, outre leurs propres dépens, ceux exposés par la Commission, conformément aux conclusions de cette dernière.
104 Par ailleurs, en vertu de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure, les États membres et les institutions qui sont intervenus au litige supportent leurs propres dépens. Le Parlement et le Conseil supporteront donc chacun leurs propres dépens.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (huitième chambre)
déclare et arrête :
1) Le recours est rejeté.
2) MM. Vasile Dumitrescu et Guido Schwarz sont condamnés à supporter leurs propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission européenne.
3) Le Parlement européen et le Conseil de l’Union européenne supporteront chacun leurs propres dépens.
Svenningsen | Barents | Pynnä |
Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 15 juin 2022.
Le greffier | Le président |
E. Coulon | S. Papasavvas |
* Langue de procédure : le français.
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