Freixas Montplet and Others v Comittee of the Regions (Civil service - Decision not to include the applicant's name on the list of officials eligible for promotion - Judgment) French Text [2023] EUECJ T-260/22 (15 February 2023)


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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions)


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URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2023/T26022.html
Cite as: [2023] EUECJ T-260/22, EU:T:2023:71, ECLI:EU:T:2023:71

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ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre)

15 février 2023 (*)

« Fonction publique – Fonctionnaires – Promotion – Exercice de promotion 2021 – Décision de ne pas inscrire le nom du requérant sur la liste des fonctionnaires éligibles à la promotion – Date d’appréciation de l’ancienneté dans le grade – Article 45, paragraphe 1, du statut – Égalité de traitement »

Dans l’affaire T‑260/22,

David Freixas Montplet, demeurant à Berchem-Sainte-Agathe (Belgique),

Gustavo López Cutillas, demeurant à Woluwe-Saint-Pierre (Belgique),

Valeria Schirru, demeurant à Bruxelles (Belgique),

Svetlozar Andreev, demeurant à Bruxelles,

représentés par Mes L. Levi et P. Baudoux, avocates,

parties requérantes,

contre

Comité des régions, représenté par Mme B. Rentmeister, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre),

composé de M. R. da Silva Passos, président, Mmes N. Półtorak et T. Pynnä (rapporteure), juges,

greffier : M. E. Coulon,

vu la phase écrite de la procédure,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure et ayant décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

1        Par leur recours fondé sur l’article 270 TFUE, les requérants, MM. David Freixas Montplet, Gustavo López Cutillas, Mme Valeria Schirru et M. Svetlozar Andreev, demandent l’annulation de la liste, rédigée par le Comité des régions, des fonctionnaires éligibles à la promotion pour l’exercice de promotion 2021 (ci-après la « liste des fonctionnaires promouvables pour 2021 »), en ce qu’elle n’inclut pas leurs noms.

 Antécédents du litige

2        Les requérants sont des fonctionnaires du Comité des régions qui ont été lauréats d’un concours interne organisé par le Comité des régions en 2018/2019. Sur cette base, ils ont été nommés fonctionnaires ou reclassés à un grade supérieur entre les mois d’avril et de septembre 2019.

3        Dans un courriel daté du 15 juillet 2021, l’autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l’« AIPN ») du Comité des régions a communiqué au personnel la liste des fonctionnaires promouvables pour 2021. Les noms des requérants ne figuraient pas sur cette liste.

4        Les 12 et 15 octobre 2021, les requérants ont saisi le secrétaire général du Comité des régions, en sa qualité d’AIPN, de réclamations au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut ») contre la liste des fonctionnaires promouvables pour 2021, en ce que celle-ci ne comportait pas leurs noms. Ils faisaient valoir que, en substance, étant donné qu’ils remplissaient la condition de deux ans d’ancienneté dans leurs grades respectifs, prévue à l’article 45 du statut, à la date à laquelle serait prise la décision de promouvoir les fonctionnaires concernés (ci-après la « décision de promotion »), ils auraient dû être considérés comme éligibles à l’exercice de promotion 2021.

5        Le Comité des régions a rejeté les réclamations comme irrecevables et, à titre subsidiaire, comme non fondées, par la décision du 11 février 2022 (ci-après la « décision de rejet des réclamations »). Il a observé, notamment, que, selon sa décision no 132/2021, du 16 juin 2021, relative à la promotion des fonctionnaires et au reclassement en grade des agents contractuels (ci-après la « décision du 16 juin 2021 »), il était exigé que soit remplie la condition de deux ans d’ancienneté dans le grade au 1er janvier de l’année au cours de laquelle l’exercice de promotion est organisé. Les requérants n’ayant pas rempli cette condition à la date du 1er janvier 2021, ils étaient considérés comme inéligibles à l’exercice de promotion 2021.

 Conclusions des parties

6        Les requérants concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la liste des fonctionnaires promouvables pour 2021 en ce que cette liste n’inclut pas leurs noms ;

–        pour autant que de besoin, annuler la décision de rejet des réclamations ;

–        condamner le Comité des régions aux dépens.

7        Le Comité des régions conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme irrecevable ;

–        à titre subsidiaire, rejeter le recours comme non fondé ;

–        condamner les requérants aux dépens.

 En droit

 Sur l’objet du litige

8        En ce qui concerne le deuxième chef de conclusions des requérants, formellement dirigé contre la décision de rejet des réclamations, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, le recours, même formellement dirigé contre le rejet de la réclamation, a pour effet de saisir le Tribunal de l’acte faisant grief contre lequel la réclamation a été présentée, sauf dans l’hypothèse où le rejet de la réclamation a une portée différente de celle de l’acte contre lequel la réclamation a été formée (voir arrêt du 6 juillet 2022, MZ/Commission, T‑631/20, EU:T:2022:426, point 20 et jurisprudence citée).

9        En l’espèce, la décision de rejet des réclamations n’a pas un contenu autonome des décisions individuelles de ne pas inscrire le nom de chacun des requérants sur la liste des fonctionnaires promouvables pour 2021, dès lors que cette décision rejette les réclamations et confirme ces décisions, et cela malgré le fait que le Comité des régions y présente des explications historiques et factuelles relatives à son système de promotion. En pareille hypothèse, la légalité des décisions individuelles attaquées doit être examinée en prenant en considération la motivation figurant dans la décision de rejet des réclamations, cette motivation étant censée coïncider avec lesdits actes (voir, en ce sens, arrêt du 6 juillet 2022, MZ/Commission, T‑631/20, EU:T:2022:426, point 21 et jurisprudence citée).

 Sur la recevabilité

10      Dans son mémoire en défense, le Comité des régions conteste la recevabilité du recours.

11      D’abord, le Comité des régions conteste que les requérants justifient d’un intérêt à agir à l’égard de la liste des fonctionnaires promouvables pour 2021. Il relève que, en l’espèce, les requérants n’étant même pas éligibles à l’exercice de promotion, ils n’auraient aucun intérêt personnel à contester les décisions visant à promouvoir d’autres fonctionnaires. Le Comité des régions souligne que cette liste n’est que la toute première liste de l’exercice de promotion, établie au moment du lancement de cet exercice et énumérant les fonctionnaires qui remplissent, au 1er janvier de l’année de l’exercice de promotion, les conditions d’éligibilité définies dans la décision du 16 juin 2021.

12      Le Comité des régions rappelle que le seul moyen invoqué par les requérants est une exception d’illégalité visant l’article 2, paragraphe 2, de la décision du 16 juin 2021, qui serait un acte applicable à tous les fonctionnaires du Comité des régions. À défaut de démontrer un intérêt personnel, les requérants ne seraient pas habilités à agir dans l’intérêt général afin de remettre en cause la légalité d’un acte et n’auraient aucun intérêt légitime à solliciter l’annulation d’une décision dans le cas où l’AIPN ne dispose d’aucune marge d’appréciation et est tenue d’agir comme elle l’a fait.

13      Premièrement, l’absence d’intérêt personnel découlerait du fait que ce ne serait pas par l’annulation de la liste, mais par l’amendement de celle-ci, par le biais d’un ajout des noms des requérants, qu’une chance d’être promu aurait pu naître. Or, cela présupposerait l’existence d’une tout autre réglementation relative à la promotion que celle qui existe.

14      Deuxièmement, la décision du 16 juin 2021 n’entraverait pas la vocation à faire carrière des requérants. En effet, dès lors que ces derniers justifieront d’un minimum de deux ans d’ancienneté dans leur grade au 1er janvier de l’année au cours de laquelle l’exercice de promotion est organisé (soit au 1er janvier 2022), ils seront, comme tous les autres fonctionnaires dans la même situation, éligibles à l’exercice de promotion.

15      Troisièmement, même si les requérants devaient se trouver sur la liste des fonctionnaires promouvables pour 2021, ils ne pourraient pas être promus dans le cadre de l’exercice de promotion 2021. En effet, compte tenu du fait que les promotions prennent effet rétroactivement au 1er janvier de l’année de l’exercice de promotion, aucun des requérants n’aurait pu être promu sans violer l’article 45, paragraphe 1, du statut, qui requiert au minimum deux ans d’ancienneté dans le grade. Les requérants auraient alors dû être promus à une autre date, à savoir à la date de l’adoption ou de la notification de la décision de promotion individuelle, laquelle intervient généralement au second semestre de l’année, permettant ainsi d’accumuler au minimum deux ans d’ancienneté. Une telle date de prise d’effet d’une promotion contreviendrait cependant totalement à la pratique de prise d’effet rétroactive de la promotion des fonctionnaires en place au Comité des régions depuis quatorze ans.

16      Les requérants font valoir que le recours est recevable.

17      À titre liminaire, il y a lieu de noter que, par leur premier chef de conclusions, les requérants demandent l’annulation de la liste des fonctionnaires promouvables pour 2021 en ce qu’elle n’inclut pas leurs noms. Le Comité des régions conteste que cette liste leur fasse grief, considérant notamment que les requérants ne disposent pas d’un intérêt personnel pour demander son annulation.

18      Il ressort d’une jurisprudence constante que seuls font grief, au sens de l’article 90, paragraphe 2, et de l’article 91, paragraphe 1, du statut, les actes ou les mesures produisant des effets juridiques obligatoires de nature à affecter directement et immédiatement les intérêts de la partie requérante en modifiant, de façon caractérisée, la situation juridique de celle-ci (voir arrêt du 18 juin 2020, Commission/RQ, C‑831/18 P, EU:C:2020:481, point 44 et jurisprudence citée).

19      Dans ce contexte, un fonctionnaire n’est pas habilité à agir dans l’intérêt de la loi ou des institutions et ne peut faire valoir, à l’appui d’un recours en annulation, que des griefs qui lui sont personnels (voir ordonnance du 8 mars 2007, Strack/Commission, C‑237/06 P, EU:C:2007:156, point 64 et jurisprudence citée). À cet égard, il suffit que l’illégalité alléguée ait eu des conséquences sur la situation juridique de la partie requérante pour que le grief qu’elle en tire soit considéré comme un grief personnel (voir arrêt du 28 avril 2021, Correia/CESE, T‑843/19, EU:T:2021:221, point 46 et jurisprudence citée).

20      En l’espèce, comme l’ont relevé les parties, la procédure de promotion au sein du Comité des régions se compose de trois types de listes, c’est-à-dire, dans l’ordre chronologique, d’une liste des fonctionnaires éligibles à la promotion, telle que la liste des fonctionnaires promouvables pour 2021, contestée dans la présente affaire, d’une liste des fonctionnaires recommandés ou proposés à la promotion et d’une liste des fonctionnaires promus.

21      En premier lieu, il y a lieu de relever que le Tribunal a déjà examiné un recours introduit à l’encontre d’une liste de fonctionnaires promouvables dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 14 décembre 2016, Todorova Androva/Conseil e.a. (T‑366/15 P, non publié, EU:T:2016:729).

22      En deuxième lieu, s’agissant de la liste des fonctionnaires recommandés ou proposés à la promotion, le juge de l’Union a considéré que, dans la mesure où l’AIPN, en arrêtant cette liste, a définitivement exclu d’une éventuelle promotion tous les fonctionnaires qui n’y figurent pas, et compte tenu du fait que ces fonctionnaires ont ainsi perdu toute chance d’être promus au titre de la procédure en cause, leur situation juridique se trouve directement affectée par le refus d’inscrire leur nom sur la liste (voir, en ce sens, arrêt du 22 février 2006, Standertskjöld-Nordenstam et Heyraud/Commission, T‑437/04 et T‑441/04, EU:T:2006:62, points 33 et 34 et jurisprudence citée).

23      Or, la jurisprudence citée au point 22 ci-dessus peut être appliquée, mutatis mutandis, à la liste des fonctionnaires promouvables. En effet, en l’espèce, le Comité des régions a, en arrêtant la liste des fonctionnaires promouvables pour 2021, définitivement exclu les requérants de l’exercice de promotion de l’année 2021, leur situation juridique se trouvant ainsi affectée par le refus d’inscrire leurs noms sur cette liste.

24      En troisième lieu, les requérants contestent cette exclusion en faisant valoir qu’ils auraient été éligibles audit exercice de promotion si le Comité des régions avait procédé à une interprétation correcte de l’article 45 du statut, de sorte que ces derniers disposent d’un intérêt personnel à agir par rapport à l’objet du recours.

25      Pour ces motifs, le recours est recevable.

26      Dans la mesure où les arguments présentés par le Comité des régions dans le cadre de la recevabilité du recours concernent plutôt la légalité de la décision du 16 juin 2021, notamment en ce qui concerne la date de prise en compte de l’ancienneté de deux ans dans le grade, ils seront examinés dans la partie du présent arrêt statuant au fond.

27      Dans ces conditions, les requérants justifiant d’un intérêt suffisant pour contester la décision du Comité des régions de ne pas inscrire leurs noms sur la liste des fonctionnaires promouvables pour 2021, l’argument du Comité des régions concernant le défaut d’intérêt personnel des requérants pour demander l’annulation de cette liste doit être rejeté.

 Sur le fond

28      Au soutien de leur demande en annulation, les requérants soulèvent un moyen unique, tiré de l’illégalité de la décision du 16 juin 2021, comportant deux griefs. Par leur premier grief, les requérants soutiennent que la décision du 16 juin 2021 méconnaît l’article 45, paragraphe 1, du statut. Par leur second grief, les requérants soutiennent que la décision du 16 juin 2021 méconnaît le principe d’égalité de traitement.

 Sur le premier grief, tiré de l’illégalité de la décision du 16 juin 2021 au regard de l’article 45 du statut 

29      Les requérants font valoir que l’article 2, paragraphe 2, de la décision du 16 juin 2021, qui est la base juridique de la liste des fonctionnaires promouvables pour 2021 et qui exige que l’ancienneté de deux ans dans le grade soit atteinte au 1er janvier de l’année de l’exercice de promotion, méconnaît l’article 45, paragraphe 1, du statut, selon lequel la promotion se fait exclusivement au choix parmi les fonctionnaires justifiant d’un minimum de deux ans d’ancienneté dans leur grade.

30      À cet égard, selon les requérants, la date pertinente à prendre en considération est celle de la décision de promotion. Par le choix de date du 1er janvier de l’année de l’exercice de promotion, le Comité des régions imposerait aux requérants une ancienneté qui est supérieure à deux ans, même s’il pourrait très bien établir d’autres dates durant l’année civile afin de permettre aux requérants d’être plus rapidement éligibles à la promotion.

31      Ils relèvent que les deux ans d’ancienneté ne doivent pas nécessairement coïncider exactement avec la période de deux ans couverts par deux rapports d’évaluation annuels. De même, il ne serait pas exigé que la condition d’ancienneté des deux ans corresponde à la date à laquelle s’ouvre l’exercice de la promotion.

32      Les requérants observent que la note interne du Comité des régions, datée du 1er juin 2007, mentionnée dans la décision de rejet des réclamations et expliquant les raisons de l’introduction d’une seule date d’éligibilité, à savoir le 1er janvier de l’année de l’exercice de promotion, n’est pas pertinente et ne leur est pas opposable en l’absence de publicité suffisante. La décision du 16 juin 2021 ne pourrait être justifiée ni par l’autonomie du Comité des régions dans le cadre de la mise en œuvre des dispositions du statut ni par la pratique apparemment semblable d’autres institutions.

33      Le Comité des régions conteste le bien-fondé du premier grief des requérants.

34      Il convient d’observer que, par leur premier grief, les requérants font valoir, en substance, que l’article 2, paragraphe 2, de la décision du 16 juin 2021, qui prévoit que sont considérés éligibles pour un exercice de promotion tous les fonctionnaires qui ont atteint un minimum de deux ans d’ancienneté dans leur grade au 1er janvier de l’année au cours de laquelle l’exercice de promotion est organisé, méconnaît l’article 45, paragraphe 1, du statut. Ils soutiennent que la condition d’éligibilité de deux ans d’ancienneté devrait plutôt être appréciée à la date de la décision de promotion.

35      À cet égard, l’article 45, paragraphe 1, du statut dispose ce qui suit :

« [...] La promotion entraîne pour le fonctionnaire la nomination au grade supérieur du groupe de fonctions auquel il appartient. Elle se fait exclusivement au choix, parmi les fonctionnaires justifiant d’un minimum de deux ans d’ancienneté dans leur grade, après examen comparatif des mérites des fonctionnaires ayant vocation à la promotion […] »

36      Il ressort de cette disposition que c’est la promotion en tant que telle qui se fait au choix parmi les fonctionnaires justifiant d’un minimum de deux ans d’ancienneté, de sorte qu’un tel minimum doit s’apprécier au moment de la promotion (voir, en ce sens, arrêt du 15 septembre 2005, Casini/Commission, T‑132/03, EU:T:2005:324, point 84). Ainsi, tout fonctionnaire ayant atteint deux ans d’ancienneté au moment de la promotion doit être considéré comme promouvable.

37      Pour autant, l’article 45, paragraphe 1, du statut ne précise pas les modalités de computation de la période d’ancienneté dans le grade. Ainsi, il est loisible aux institutions de l’Union européenne d’adopter les règles relatives à sa mise en œuvre.

38      À cet égard, selon la jurisprudence, les institutions disposent d’une large marge d’appréciation pour mettre en œuvre, conformément à leurs propres besoins d’organisation et de gestion de leur personnel, les objectifs de l’article 45 du statut. Si le Tribunal peut contrôler si l’institution compétente, dans l’exercice de ce large pouvoir d’appréciation, respecte pleinement les limites de ce pouvoir, il n’en reste pas moins que la portée de ce contrôle n’est que restreinte et se limite à la question de savoir si les mesures prises présentent un caractère manifestement inapproprié et si l’appréciation de l’institution à ce titre est manifestement erronée (voir, en ce sens, arrêt du 14 février 2007, Simões Dos Santos/OHMI, T‑435/04, EU:T:2007:50, points 132 et 133 et jurisprudence citée).

39      En outre, il résulte de la jurisprudence que les directives internes adoptées par les institutions et les organismes de l’Union, à supposer même qu’elles exercent un large pouvoir d’appréciation, ne sauraient légalement, en aucun cas, rétrécir le champ d’application du statut ni poser des règles qui dérogeraient aux dispositions hiérarchiquement supérieures, telles que les dispositions du statut ou les principes généraux de droit (voir, en ce sens, arrêts du 25 octobre 2005, Fardoom et Reinard/Commission, T‑43/04, EU:T:2005:374, point 36 et jurisprudence citée, et du 20 mars 2018, Argyraki/Commission, T‑734/16, non publié, EU:T:2018:160, point 66).

40      Il s’ensuit que l’adoption, par une institution, de règles internes relatives à la condition d’ancienneté minimale de deux ans prévue à l’article 45, paragraphe 1, du statut ne peut pas conduire à ce que des fonctionnaires ayant atteint deux ans d’ancienneté au moment de la promotion ne soient pas considérés comme promouvables.

41      C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient de déterminer si, en instituant la date du 1er janvier de l’année de l’exercice de promotion pour déterminer l’ancienneté d’au moins deux ans dans le grade en vue de l’éligibilité à la promotion, le Comité des régions a respecté les limites de son large pouvoir d’appréciation, au sens de la jurisprudence citée aux points 38 et 39 ci-dessus.

42      D’abord, il convient de rappeler que le Comité des régions a mis en œuvre l’article 45 du statut en adoptant la décision du 16 juin 2021, applicable à l’exercice de promotion 2021.

43      À cet égard, il ressort d’une lecture combinée de l’article 1er et de l’article 2, paragraphe 2, de la décision du 16 juin 2021 que l’exercice de promotion suit le principe d’annualité, selon lequel chaque exercice de promotion coïncide avec l’année civile et prend en compte le 1er janvier comme date d’éligibilité. En outre, le Comité des régions a expliqué, au point 2.5 de sa note du 1er juin 2007, que, à la lumière des pratiques dans les autres institutions et compte tenu de la critique de la Cour des comptes européenne en ce qui concerne l’impact de la pluralité des dates d’effet de la promotion quand elles auraient pour conséquence de ne pas respecter le principe d’annualité du budget, le nombre de dates d’effet serait réduit à une date collective à partir de l’exercice de promotion 2007, à savoir le 1er janvier de l’année de l’exercice de promotion, pour autant que l’ancienneté de grade serait acquise à cette date.

44      Le Comité des régions explique, sans que les requérants le contestent, qu’il existe ainsi une pratique selon laquelle, en son sein, au terme de la procédure de promotion, les décisions de promotion prennent effet rétroactivement au 1er janvier de l’année en cours. Par ailleurs, par son arrêt du 5 octobre 2020, CU/Comité des régions (T‑487/19, non publié, EU:T:2020:462), le Tribunal a déjà reconnu explicitement la pertinence des règles uniformes applicables à toutes les promotions, prévoyant que, de manière générale, la promotion intervient avec effet rétroactif au 1er janvier de l’année civile concernée.

45      Ainsi, dès lors que la décision de promotion prend effet rétroactivement au 1er janvier de l’année de l’exercice de promotion, la date de promotion et la date d’appréciation de la condition d’ancienneté coïncident avec cette date, conformément à la jurisprudence citée au point 36 ci-dessus. Un tel système permet de s’assurer, d’une part, que tout fonctionnaire promu remplit la condition d’un minimum de deux ans d’ancienneté dans son grade à la date à laquelle la promotion prend effet et, d’autre part, que, à cette même date, aucun fonctionnaire satisfaisant cette condition d’ancienneté n’est exclu des fonctionnaires promouvables.

46      Aussi, en l’espèce, au 1er janvier 2021, date d’effet de la décision de promotion concernant l’exercice de promotion litigieux, aucun des requérants n’avait atteint le minimum de deux ans d’ancienneté dans son grade.

47      Ensuite, les requérants critiquent la « perte » de quelques mois d’ancienneté et indiquent que le Comité des régions aurait très bien pu établir d’autres dates durant l’année 2021 afin de leur permettre d’être plus rapidement éligibles et d’éviter cette « perte ». Cependant, l’article 45 du statut n’implique pas qu’une décision sur la promotion doit être adoptée à la date à laquelle un fonctionnaire atteint le minimum de deux ans d’ancienneté et n’impose pas davantage aux institutions de prévoir plusieurs dates pour adopter, pendant un même exercice, plusieurs décisions de promotion. Par ailleurs, le choix d’avoir une date fixe au 1er janvier de chaque année, tel qu’il est prévu dans le système de promotion du Comité des régions, offre une stabilité et une sécurité juridique aux membres du personnel de ce dernier en réduisant l’effet aléatoire de la date à laquelle le minimum d’ancienneté est atteint.

48      Enfin, si les requérants se réfèrent à l’appréciation de la condition d’ancienneté minimale de deux ans prévue dans d’autres institutions et organes de l’Union, il convient de rappeler que si, selon le principe d’unicité de la fonction publique, tous les fonctionnaires de toutes les institutions de l’Union sont soumis à un statut unique, un tel principe n’implique pas que les institutions doivent user à l’identique du pouvoir d’appréciation qui leur a été reconnu par le statut, alors que, au contraire, dans la gestion de leur personnel, ces dernières jouissent d’un « principe d’autonomie » (arrêts du 28 avril 2017, Azoulay e.a./Parlement, T‑580/16, EU:T:2017:291, point 57, et du 9 juin 2021, KZ/Commission, T‑453/20, non publié, EU:T:2021:339, point 52). Ainsi, une éventuelle différence entre les modalités de mise en œuvre de l’article 45, paragraphe 1, du statut adoptées par les institutions ne permet pas d’établir une illégalité du système de promotion du Comité des régions.

49      Il résulte de ce qui précède que les requérants n’ont pas démontré que l’article 2, paragraphe 2, de la décision du 16 juin 2021 constituait une mesure d’application manifestement inappropriée de l’article 45, paragraphe 1, du statut, et que le Comité des régions n’a pas restreint le champ d’application de la condition minimale prévue par cet article, dans le sens de la jurisprudence citée aux points 38 et 39 ci-dessus.

50      Pour ces motifs, il convient de conclure que l’article 2, paragraphe 2, de la décision du 16 juin 2021 ne méconnaît pas l’article 45, paragraphe 1, du statut, de sorte que le premier grief doit être rejeté.

 Sur le second grief, tiré de l’illégalité de la décision du 16 juin 2021 au regard du principe d’égalité de traitement 

51      Les requérants font valoir que l’article 2, paragraphe 2, de la décision du 16 juin 2021 méconnaît le principe d’égalité de traitement. Ils sont d’avis que, étant donné qu’ils ont été nommés ou reclassés au cours de l’année 2019, ils n’ont pas pu être inscrits sur la liste des fonctionnaires promouvables le 1er janvier 2021 et doivent attendre le 1er janvier 2022 pour être promouvables, alors que les fonctionnaires qui ont été nommés au 1er janvier 2019 ont pu être inscrits sur cette liste. En d’autres termes, alors que les requérants perdraient l’ancienneté acquise en 2019 au titre de la promotion, les autres fonctionnaires ne perdraient pas leur ancienneté dans le grade. Selon les requérants, tous les fonctionnaires, considérés comme un seul et même groupe, devraient être éligibles après seulement deux années d’ancienneté.

52      Les requérants soutiennent que le principe d’annualité des rapports de notation n’apparaît pas comme étant pertinent pour justifier cette différence, puisque la prise en compte de ces rapports n’intervient que dans un second temps, lors de la comparaison des mérites. En tout état de cause, le Comité des régions ne démontrerait pas que cette neutralisation de plusieurs mois d’ancienneté serait proportionnée par rapport à un objectif légitime.

53      Les requérants précisent qu’ils ne soutiennent pas qu’une nomination ou qu’un reclassement en grade serait comparable à une promotion. En revanche, ils contestent le fait que, en raison de la décision dont ils excipent de l’illégalité, ils doivent forcément avoir une ancienneté bien plus longue que les autres fonctionnaires pour être éligibles à une promotion, pour le seul motif qu’ils ont été reclassés en grade ou nommés à une date postérieure au 1er janvier 2019.

54      Le Comité des régions conteste les arguments des requérants.

55      À cet égard, il convient de rappeler que le principe d’égalité de traitement exige, selon une jurisprudence constante, que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente et que des situations différentes ne soient pas traitées de manière égale, à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié (voir arrêt du 25 mars 2021, Alvarez y Bejarano e.a./Commission, C‑517/19 P et C‑518/19 P, EU:C:2021:240, point 52 et jurisprudence citée).

56      Il convient également de rappeler que, compte tenu du large pouvoir d’appréciation dont dispose l’administration dans la mise en œuvre de l’article 45 du statut, ainsi que cela a été constaté au point 38 ci-dessus, le juge, dans son contrôle du respect du principe d’égalité de traitement, doit se limiter à vérifier que l’institution concernée n’a pas procédé à une différenciation arbitraire ou manifestement inadéquate au regard de l’objectif poursuivi (voir, en ce sens, arrêt du 17 mai 2017, Piessevaux/Conseil, T‑519/16, non publié, EU:T:2017:343, point 67 et jurisprudence citée).

57      En l’espèce, comme le fait valoir le Comité des régions, les requérants ont été reclassés ou nommés fonctionnaires au cours de l’année 2019 en dehors de l’exercice de promotion annuel grâce à un concours interne et ils ont pu accumuler une ancienneté dans le grade depuis leur reclassement ou leur nomination ainsi qu’obtenir d’autres bénéfices en termes de salaire et de perspective de carrière. Ainsi, ils ne sont pas, au regard des objectifs du régime de promotion, dans la même situation que les fonctionnaires qui ont été promus au terme de l’exercice de promotion annuel ou qui ont été reclassés ou nommés fonctionnaires au plus tard le 1er janvier 2019.

58      En tout état de cause, il convient de noter que la condition d’éligibilité établie à l’article 2, paragraphe 2, de la décision du 16 juin 2021, selon laquelle sont éligibles à un exercice de promotion ceux qui ont atteint un minimum de deux ans d’ancienneté dans leur grade au 1er janvier de l’année au cours de laquelle l’exercice de promotion est organisé, s’applique de la même manière à tous les fonctionnaires du Comité des régions, indépendamment de l’événement qui marque le début de la période d’ancienneté dans le grade. En outre, ainsi qu’il a été conclu au point 49 ci-dessus, le Comité des régions n’a pas établi une différenciation arbitraire ou manifestement inadéquate, étant donné que, en raison de la rétroactivité au 1er janvier 2021 de la décision de promotion, l’article 2, paragraphe 2, de la décision du 16 juin 2021 n’établit pas une différenciation de traitement entre les requérants qui ont été reclassés ou nommés fonctionnaires au cours de l’année 2019 et ceux qui, ayant été reclassés ou nommés fonctionnaires le 1er janvier 2019, ont été éligibles à la promotion pour l’année 2021.

59      Par ailleurs, il découle d’une jurisprudence constante que, même s’il doit résulter dans des situations marginales des inconvénients casuels de l’instauration d’une réglementation générale et abstraite, il ne peut être reproché au législateur d’avoir eu recours à une catégorisation, dès lors qu’elle n’est pas discriminatoire par essence au regard de l’objectif qu’elle poursuit (voir arrêt du 26 mars 2020, Teeäär/BCE, T‑547/18, EU:T:2020:119, point 42 et jurisprudence citée). En l’espèce, les requérants ont réussi un concours interne, ce qui leur a permis d’être inscrits sur une liste de réserve et d’être reclassés ou nommés au cours des différents mois de l’année de 2019. Ainsi, si une telle circonstance peut conduire à ce qu’ils aient chacun, à la date limite pour l’éligibilité à la promotion suivante, une ancienneté dépassant deux ans par un nombre variable de mois, cela ne constitue pas une violation du principe d’égalité de traitement.

60      Il convient donc de rejeter le second grief du moyen unique et, partant, de rejeter le recours dans son ensemble.

 Sur les dépens

61      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Les requérants ayant succombé, il y a lieu de les condamner à supporter leurs propres dépens ainsi que ceux du Comité des régions, conformément aux conclusions de ce dernier.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      MM. David Freixas Montplet, Gustavo López Cutillas, Mme Valeria Schirru et M. Svetlozar Andreev supporteront leurs propres dépens ainsi que ceux exposés par le Comité des régions.

da Silva Passos

Półtorak

Pynnä

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 15 février 2023.

Le greffier

 

Le président

E. Coulon

 

M. van der Woude


*      Langue de procédure : le français.

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