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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) |
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You are here: BAILII >> Databases >> Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) >> Pumpyanskiy v Council (Common foreign and security policy - Restrictive measures taken in respect of actions undermining or threatening the territorial integrity, sovereignty and independence of Ukraine - Concept of 'association' - Judgment) French Text [2023] EUECJ T-734/22 (29 November 2023) URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2023/T73422.html Cite as: [2023] EUECJ T-734/22, ECLI:EU:T:2023:761, EU:T:2023:761 |
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ARRÊT DU TRIBUNAL (première chambre)
29 novembre 2023 (*)
« Politique étrangère et de sécurité commune – Mesures restrictives prises eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine – Gel des fonds – 0Liste des personnes, des entités et des organismes auxquels s’applique le gel des fonds et des ressources économiques – Maintien du nom du requérant sur la liste – Changement des circonstances de fait et de droit ayant présidé à l’adoption des mesures restrictives – Notion d’“association” – Erreur d’appréciation »
Dans l’affaire T‑734/22,
Alexander Dmitrievich Pumpyanskiy, demeurant à Genève (Suisse), représenté par Mes T. Bontinck, A. Guillerme, L. Burguin et M. Brésart, avocats,
partie requérante,
contre
Conseil de l’Union européenne, représenté par Mme M.-C. Cadilhac et MM. V. Piessevaux et A. Boggio-Tomasaz, en qualité d’agents,
partie défenderesse,
soutenu par
Commission européenne, représentée par Mme M. Carpus Carcea, C. Georgieva et M. C. Giolito, en qualité d’agents,
partie intervenante,
LE TRIBUNAL (première chambre),
composé de MM. D. Spielmann, président, R. Mastroianni et T. Tóth (rapporteur), juges,
greffier : M. L. Ramette, administrateur,
vu la phase écrite de la procédure,
à la suite de l’audience du 23 octobre 2023,
rend le présent
Arrêt
1 Par son recours, le requérant, M. Alexander Dmitrievich Pumpyanskiy, demande, d’une part, sur le fondement de l’article 263 TFUE, l’annulation, premièrement, de la décision (PESC) 2022/1530 du Conseil, du 14 septembre 2022, modifiant la décision 2014/145/PESC concernant des mesures restrictives eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine (JO 2022, L 239, p. 149) et du règlement d’exécution (UE) 2022/1529 du Conseil, du 14 septembre 2022, mettant en œuvre le règlement (UE) no 269/2014 concernant des mesures restrictives eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine (JO 2022, L 239, p. 1) (ci-après, ensemble, les « premiers actes de maintien »), deuxièmement, de la décision (PESC) 2023/572 du Conseil, du 13 mars 2023, modifiant la décision 2014/145/PESC concernant des mesures restrictives eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine (JO 2023, L 75I, p. 134), et du règlement d’exécution (UE) 2023/571 du Conseil, du 13 mars 2023, mettant en œuvre le règlement (UE) no 269/2014 concernant des mesures restrictives eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine (JO 2023, L 75I, p. 1) (ci-après, ensemble, les « deuxièmes actes de maintien »), et, troisièmement, de la décision (PESC) 2023/1767 du Conseil, du 13 septembre 2023, modifiant la décision 2014/145/PESC concernant des mesures restrictives eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine (JO 2023, L 226, p. 104), et du règlement d’exécution (UE) 2023/1765 du Conseil, du 13 septembre 2023, mettant en œuvre le règlement (UE) no 269/2014 concernant des mesures restrictives eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine (JO 2023, L 226, p. 3) (ci-après, ensemble, les « troisièmes actes de maintien » et pris ensemble avec les premiers et les deuxièmes actes de maintien les « actes attaqués »), en tant que ces actes maintiennent son nom sur les listes annexées audits actes et, d’autre part, sur le fondement de l’article 268 TFUE, la réparation du préjudice moral qu’il aurait subi du fait de l’adoption de ces mêmes actes.
Antécédents du litige
Sur l’inscription initiale du nom du requérant sur les listes de personnes visées par les mesures restrictives
2 La présente affaire s’inscrit dans le contexte des mesures restrictives décidées par l’Union européenne eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine.
3 Le requérant est de nationalité russe et suisse.
4 Le 17 mars 2014, le Conseil de l’Union européenne a adopté, sur le fondement de l’article 29 TUE, la décision 2014/145/PESC concernant des mesures restrictives eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine (JO 2014, L 78, p. 16).
5 À la même date, le Conseil a adopté, sur le fondement de l’article 215, paragraphe 2, TFUE, le règlement (UE) no 269/2014 concernant des mesures restrictives eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine (JO 2014, L 78, p. 6).
6 Le 25 février 2022, au vu de la gravité de la situation en Ukraine, le Conseil a adopté, d’une part, la décision (PESC) 2022/329 modifiant la décision 2014/145 (JO 2022, L 50, p. 1), et, d’autre part, le règlement (UE) 2022/330 modifiant le règlement (UE) no 269/2014 (JO 2022, L 51, p. 1), afin notamment d’amender les critères en application desquels des personnes physiques ou morales, des entités ou des organismes pouvaient être visés par les mesures restrictives en cause.
7 L’article 2, paragraphes 1 et 2, de la décision 2014/145, dans sa version modifiée par la décision 2022/329, se lit comme suit :
« 1. Sont gelés tous les fonds et ressources économiques appartenant :
[…]
f) à des personnes physiques ou morales, des entités ou des organismes qui apportent un soutien matériel ou financier au gouvernement de la Fédération de Russie, qui est responsable de l’annexion de la Crimée et de la déstabilisation de l’Ukraine, ou qui tirent avantage de ce gouvernement ; ou
g) à des femmes et hommes d’affaires influents ou des personnes morales, des entités ou des organismes ayant une activité dans des secteurs économiques qui fournissent une source substantielle de revenus au gouvernement de la Fédération de Russie, qui est responsable de l’annexion de la Crimée et de la déstabilisation de l’Ukraine,
et les personnes physiques et morales, les entités ou les organismes qui leur sont associés, de même que tous les fonds et ressources économiques que ces personnes, entités ou organismes possèdent, détiennent ou contrôlent, dont la liste figure en annexe.
2. Aucun fonds ni aucune ressource économique n’est, directement ou indirectement, mis à la disposition des personnes physiques ou morales, des entités ou des organismes dont la liste figure à l’annexe, ou mis à leur profit. »
8 Les modalités de ce gel des fonds sont définies à l’article 2, paragraphes 3 à 6, de la décision 2014/145.
9 L’article 1er, paragraphe 1, sous d) et e), de la décision 2014/145, dans sa version modifiée par la décision 2022/329, proscrit l’entrée ou le passage en transit sur le territoire des États membres des personnes physiques répondant à des critères en substance identiques à ceux énoncés à l’article 2, paragraphe 1, sous f) et g), de cette même décision.
10 Le règlement no 269/2014, dans sa version modifiée par le règlement 2022/330, impose l’adoption des mesures de gel des fonds et définit les modalités de ce gel en des termes identiques, en substance, à ceux de la décision 2014/145, dans sa version modifiée par la décision 2022/329. En effet, l’article 3, paragraphe 1, sous a) à g), de ce règlement reprend pour l’essentiel l’article 2, paragraphe 1, sous a) à g), de ladite décision.
11 Par la décision (PESC) 2022/397 du Conseil, du 9 mars 2022, modifiant la décision 2014/145/PESC concernant des mesures restrictives eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine (JO 2022, L 80, p. 31), et le règlement d’exécution (UE) 2022/396 du Conseil, du 9 mars 2022, mettant en œuvre le règlement (UE) no 269/2014 concernant des mesures restrictives eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine (JO 2022, L 80, p. 1) (ci-après les « actes initiaux »), le nom du requérant, a été ajouté, respectivement, à la liste annexée à la décision 2014/145 et à celle figurant à l’annexe I du règlement no 269/2014 (ci-après les « listes en cause »), aux motifs suivants :
« [Le requérant] est [le] fils de Dmitry Alexandrovich Pumpyanskiy, président russe du conseil d’administration de PJSC Pipe Metallurgical Company, un fabricant russe de niveau mondial de tuyaux en acier pour l’industrie pétrolière et gazière. Il est également président et membre du conseil d’administration du groupe Sinara. Les deux entreprises soutiennent les autorités de la Fédération de Russie et des entreprises d’État, notamment les chemins de fer russes, Gazprom et Rosneft, et tirent profit d’une coopération avec celles-ci.
Il est donc une personne physique liée à un homme d’affaires influent ayant une activité dans des secteurs économiques qui constituent une source substantielle de revenus pour le gouvernement de la Fédération de Russie, qui est responsable de l’annexion de la Crimée et de la déstabilisation de l’Ukraine. De plus, [le requérant] apporte un soutien matériel ou financier au gouvernement de la Fédération de Russie, qui est responsable de l’annexion de la Crimée et de la déstabilisation de l’Ukraine, et tire avantage de ce gouvernement. »
12 Par lettre du 28 avril 2022, le Conseil a transmis les informations sur lesquelles il s’est fondé pour adopter les actes initiaux et figurant dans le dossier portant la référence WK 2949/2022, daté du 8 mars 2022 (ci-après le « premier dossier WK »).
13 Le requérant a introduit un recours devant le Tribunal de l’Union européenne, enregistré sous le numéro d’affaire T‑291/22, tendant à l’annulation des actes initiaux, pour autant que ces actes le concernaient. Ce recours a été rejeté par arrêt du 6 septembre 2023, Pumpyanskiy/Conseil (T‑291/22, non publié, EU:T:2023:499).
Sur le maintien du nom du requérant sur les listes en cause jusqu’au 15 mars 2024
14 Le 14 septembre 2022, le Conseil a adopté les premiers actes de maintien qui ont prolongé l’application des actes initiaux jusqu’au 15 mars 2023. Les motifs d’inscription du nom du requérant sur les listes en cause ont été modifiés comme suit :
« [Le requérant] est [le] fils de Dmitry Alexandrovich Pumpyanskiy, président russe du conseil d’administration de PJSC Pipe Metallurgical Company, un fabricant russe de niveau mondial de tuyaux en acier pour l’industrie pétrolière et gazière. Il a également été président et membre du conseil d’administration du groupe Sinara. Les deux entreprises soutiennent les autorités de la Fédération de Russie et des entreprises d’État, notamment les chemins de fer russes, Gazprom et Rosneft, et tirent profit d’une coopération avec celles-ci.
Il est donc une personne physique liée à un homme d’affaires influent ayant une activité dans des secteurs économiques qui constituent une source substantielle de revenus pour le gouvernement de la Fédération de Russie, qui est responsable de l’annexion de la Crimée et de la déstabilisation de l’Ukraine. De plus, [le requérant] apporte un soutien matériel ou financier au gouvernement de la Fédération de Russie, qui est responsable de l’annexion de la Crimée et de la déstabilisation de l’Ukraine, et tire avantage de ce gouvernement. ».
15 Ainsi, la seule modification au regard des actes initiaux consistait dans l’actualisation de la fonction du requérant, qui n’était plus président et membre du conseil d’administration du groupe Sinara.
16 Par lettre du 15 septembre 2022, le requérant a demandé au Conseil la communication du dossier ayant servi de fondement à l’adoption des premiers actes de maintien. Par lettre du 27 octobre 2022, le Conseil a répondu au requérant qu’il ne disposait pas de nouveaux éléments de preuve par rapport à ceux contenus dans le premier dossier WK.
17 Par lettre du 31 octobre 2022, le requérant a demandé le réexamen des actes de maintien.
18 Le requérant a introduit le présent recours, enregistré sous le numéro d’affaire T‑734/22, tendant à l’annulation des premiers actes de maintien, pour autant que ces actes le concernaient.
19 Par lettre du 22 décembre 2022, le Conseil a informé le requérant de son intention de maintenir les mesures restrictives à son égard et a transmis les informations figurant dans le dossier portant la référence WK 17685/2022, daté du 15 décembre 2022 (ci-après le « deuxième dossier WK »).
20 Le 13 mars 2023, le Conseil a adopté les deuxièmes actes de maintien qui ont prolongé les mesures prises à l’encontre du requérant jusqu’au 15 septembre 2023. Les motifs d’inscription du nom du requérant sur les listes en cause ont été modifiés comme suit :
« [L]e requérant est l’ancien président des conseils d’administration du groupe Sinara et ancien membre du conseil d’administration de PJSC Pipe Metallurgical Company, fonctions dont il a démissionné le 9 mars 2022 à la suite de son inscription sur les listes établies dans le cadre des mesures restrictives de l’Union européenne. Il est le fils de Dmitry Alexandrovich Pumpyanskiy, homme d’affaires russe, membre du Conseil de la Chambre de commerce et d’industrie (CCI) de la Fédération de Russie et président de l’Union régionale des industriels et des entrepreneurs de Sverdlovsk (SOSPP). Dmitry [Alexandrovich] Pumpyanskiy est ancien président du conseil d’administration de PJSC Pipe Metallurgical Company, un fabricant russe de niveau mondial de tuyaux en acier pour l’industrie pétrolière et gazière, et ancien président et ancien membre du conseil d’administration du groupe Sinara. Les deux entreprises soutiennent les autorités de la Fédération de Russie et des entreprises d’État, notamment les chemins de fer russes, Gazprom et Rosneft, et tirent profit d’une coopération avec celles-ci.
Il est donc une personne physique liée à un homme d’affaires influent (son père) ayant une activité dans des secteurs économiques qui constituent une source substantielle de revenus pour le gouvernement de la Fédération de Russie, qui est responsable de l’annexion de la Crimée et de la déstabilisation de l’Ukraine. Par ailleurs, [le requérant] apporte un soutien matériel ou financier au gouvernement de la Fédération de Russie, qui est responsable de l’annexion de la Crimée et de la déstabilisation de l’Ukraine, et tire avantage de ce gouvernement. »
21 Ainsi, la modification au regard des actes initiaux et des premiers actes de maintien consistait dans l’actualisation des fonctions du requérant et de son père. S’agissant du requérant, les motifs mentionnent ses anciennes fonctions dans la société TMK et au sein du groupe Sinara et la date à laquelle il avait démissionné desdites fonctions, à savoir le 9 mars 2022. Quant au père du requérant, d’une part, les motifs précisent qu’il est membre du Conseil de la Chambre de commerce et d’industrie (CCI) de la Fédération de Russie et président de l’Union régionale des industriels et des entrepreneurs de Sverdlovsk (SOSPP) et, d’autre part, les motifs indiquent ses anciennes fonctions de président du conseil d’administration de la société TMK et de membre du conseil d’administration du groupe Sinara.
22 Le même jour, le Conseil a notifié au requérant la décision 2023/572 en lui indiquant que « [l]e Conseil a examiné [ses] observations avec attention. Il a conclu toutefois qu’elles ne remettaient pas en cause son appréciation [selon laquelle] il exist[ait] des motifs suffisants pour maintenir [le nom du requérant] sur [les listes en cause]. Eu égard à la similitude des arguments présentés par [le requérant dans ses observations] et dans les affaires qu’il a portées devant le Tribunal de l’Union européenne, le Conseil [a renvoyé] à ses observations dans les mémoires qu’il a déposés dans les affaires T‑291/22 et T‑734/22 ».
23 Le 5 juin 2023, le Conseil a adopté la décision (PESC) 2023/1094, modifiant la décision 2014/145 (JO 2023, L 146, p. 20), et le règlement (UE) 2023/1089, modifiant le règlement no 269/2014 (JO 2023, L 146, p. 1).
24 La décision 2023/1094 a modifié, à partir du 7 juin 2023, les critères d’inscription des noms des personnes visées par le gel des fonds, le texte de l’article 2, paragraphe 1, sous g), de la décision 2014/145 étant remplacé par le texte suivant :
« g) à des femmes et hommes d’affaires influents exerçant des activités en Russie et aux membres de leur famille proche ou à d’autres personnes physiques, qui en tirent avantage, ou à des femmes et hommes d’affaires, des personnes morales, des entités ou des organismes ayant une activité dans des secteurs économiques qui fournissent une source substantielle de revenus au gouvernement de la Fédération de Russie, qui est responsable de l’annexion de la Crimée et de la déstabilisation de l’Ukraine; ou »
25 Le règlement 2023/1089 a modifié de façon similaire le règlement no 269/2014.
26 Le 19 juin 2023, le Conseil a informé le requérant de son intention de maintenir les mesures restrictives à son égard et a communiqué le dossier portant la référence WK 7913/2023 INIT (ci-après le « troisième dossier WK »).
27 Le 10 juillet 2023, le Conseil a de nouveau indiqué au requérant son intention de renouveler les mesures restrictives imposées à son égard et a communiqué le dossier portant la référence WK 8962/2023 INIT (ci-après le « quatrième dossier WK »).
28 Le 13 septembre 2023, le Conseil a adopté les troisièmes actes de maintien qui ont prolongé les mesures restrictives prises à l’encontre du requérant jusqu’au 15 mars 2024, sans apporter de modification aux motifs d’inscription du nom du requérant sur les listes en cause.
29 Par lettre du 15 septembre 2023, le Conseil, en se référant aux observations présentées par le requérant dans les lettres des 31 mai, 13 juin, 3 et 24 juillet 2023, a informé ce dernier que, selon lui, ces observations ne mettaient pas en cause l’appréciation selon laquelle des mesures restrictives devaient être maintenues à son égard et que, par conséquent, il avait décidé de maintenir son nom sur les listes en cause.
Conclusions des parties
30 À la suite des adaptations de la requête, le requérant conclut, en substance, à ce qu’il plaise au Tribunal :
– annuler les actes attaqués, en ce qu’ils le visent ;
– condamner le Conseil au paiement de la somme de 100 000 euros en réparation du préjudice moral subi ;
– condamner le Conseil aux dépens.
31 À la suite des observations sur les adaptations de la requête, le Conseil, soutenu par la Commission, conclut, en substance, à ce qu’il plaise au Tribunal :
– joindre la présente affaire, aux affaires T‑270/22, Pumpyanskiy/Conseil, T‑272/22, Pumpyanskaya/Conseil, T‑291/22, Pumpyanskiy/Conseil, T ‑737/22, Pumpyanskaya/Conseil et T‑740/22, Pumpyanskiy/Conseil, aux fins de la procédure orale et de la décision mettant fin à l’instance ;
– rejeter le recours ;
– condamner le requérant aux dépens.
32 Lors de l’audience, en réponse à une question du Tribunal, le Conseil a indiqué renoncer au premier chef de conclusions, ce dont il a été pris acte au procès-verbal d’audience.
En droit
Sur les conclusions en annulation
33 À l’appui de ses conclusions en annulation, le requérant soulève cinq moyens, tirés, le premier, d’une violation du droit à une protection juridictionnelle effective et de l’obligation de motivation, le deuxième, d’une erreur manifeste d’appréciation, le troisième, d’une violation du principe de proportionnalité et des droits fondamentaux, le quatrième, d’une violation du principe d’égalité de traitement et du principe de sécurité juridique et, le cinquième, d’une violation du droit d’être entendu.
34 Le Tribunal estime qu’il convient d’examiner d’abord le deuxième moyen.
Sur le deuxième moyen, tiré d’une erreur manifeste d’appréciation
35 S’agissant des premiers et des deuxièmes actes de maintien, le requérant reproche au Conseil d’avoir commis une erreur manifeste d’appréciation des faits en maintenant son nom sur les listes en cause en se fondant sur :
– le critère concernant les « personnes physiques ou morales […] qui apportent un soutien matériel ou financier au gouvernement de la Fédération de Russie, qui est responsable de l’annexion de la Crimée et de la déstabilisation de l’Ukraine, ou qui tirent avantage de ce gouvernement » [critère prévu à l’article 2, paragraphe 1, sous f), de la décision 2014/145, dans sa version modifiée par la décision 2022/329, à l’article 3, paragraphe 1, sous f), du règlement no 269/2014 modifié ainsi que, en substance, à l’article 1er, paragraphe 1, sous d), de la décision 2014/145 modifiée, ci-après le « critère f) »] ;
– le critère d’association aux « femmes et hommes d’affaires influents […] ayant une activité dans des secteurs économiques qui fournissent une source substantielle de revenus au gouvernement de la Fédération de Russie, qui est responsable de l’annexion de la Crimée et de la déstabilisation de l’Ukraine » [critère prévu à l’article 2, paragraphe 1, sous g), de la décision 2014/145, dans sa version modifiée par la décision 2022/329, à l’article 3, paragraphe 1, sous g), du règlement no 269/2014, dans sa version modifiée par le règlement 2022/330, ainsi que, en substance, à l’article 1er, paragraphe 1, sous e), de la décision 2014/145, dans sa version modifiée par la décision 2022/329, ci-après le « critère g) initial »].
36 Quant aux troisièmes actes de maintien, le requérant reproche au Conseil d’avoir commis une erreur manifeste d’appréciation en maintenant son nom sur les listes en cause en se fondant sur le critère f) et sur le critère d’association aux « femmes et hommes d’affaires influents exerçant des activités en Russie et [les] membres de leur famille proche ou [les] autres personnes physiques, qui en tirent avantage, ou [les] femmes et hommes d’affaires […] ayant une activité dans des secteurs économiques qui fournissent une source substantielle de revenus au gouvernement de la Fédération de Russie, qui est responsable de l’annexion de la Crimée et de la déstabilisation de l’Ukraine [critère prévu à l’article 2, paragraphe 1, sous g), de la décision 2014/145, dans sa version modifiée par la décision 2023/1094, à l’article 3, paragraphe 1, sous g), du règlement no 269/2014, dans sa version modifiée par le règlement 2023/1089 ainsi que, en substance, à l’article 1er, paragraphe 1, sous e), de la décision 2014/145, dans sa version modifiée par la décision 2023/1094, ci-après le « critère g) modifié » et, ensemble avec le critère g) initial, les « critères g) »].
37 En substance, le requérant fait valoir que, dans les actes attaqués, le Conseil n’apporte pas, conformément à la charge de la preuve qui lui incombe, d’éléments concrets, précis et concordants permettant de constituer une base factuelle suffisante afin d’étayer le maintien de son nom sur les listes en cause en application du critère f) et des critères g).
38 Le Conseil, soutenu par la Commission, conteste le bien-fondé de ce moyen.
– Considérations liminaires
39 À titre liminaire, il importe de relever que le deuxième moyen doit être considéré comme étant tiré d’une erreur d’appréciation, et non d’une erreur manifeste d’appréciation. En effet, s’il est certes vrai que le Conseil dispose d’un certain pouvoir d’appréciation pour déterminer, au cas par cas, si les critères juridiques sur lesquels se fondent les mesures restrictives en cause sont remplis, il n’en reste pas moins que les juridictions de l’Union européenne doivent assurer un contrôle, en principe complet, de la légalité de l’ensemble des actes de l’Union (voir, en ce sens, arrêts du 3 juillet 2014, National Iranian Tanker Company/Conseil, T‑565/12, EU:T:2014:608, points 54 et 55, et du 26 octobre 2022, Ovsyannikov/Conseil, T‑714/20, non publié, EU:T:2022:674, point 61 et jurisprudence citée).
40 Par ailleurs, il convient de souligner que l’effectivité du contrôle juridictionnel garanti par l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne exige, notamment, que le juge de l’Union s’assure que la décision par laquelle des mesures restrictives ont été adoptées ou maintenues, qui revêt une portée individuelle pour la personne ou l’entité concernée, repose sur une base factuelle suffisamment solide. Cela implique une vérification des faits allégués dans l’exposé des motifs qui sous-tend ladite décision, de sorte que le contrôle juridictionnel ne soit pas limité à l’appréciation de la vraisemblance abstraite des motifs invoqués, mais porte sur la question de savoir si ces motifs, ou, à tout le moins, l’un d’eux considéré comme suffisant en soi pour soutenir cette même décision, sont étayés (arrêts du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 119, et du 5 novembre 2014, Mayaleh/Conseil, T‑307/12 et T‑408/13, EU:T:2014:926, point 128).
41 Il n’est pas requis que le Conseil produise devant le juge de l’Union l’ensemble des informations et des éléments de preuve inhérents aux motifs allégués dans l’acte dont il est demandé l’annulation. Il importe toutefois que les informations ou les éléments produits étayent les motifs retenus à l’encontre de la personne concernée (voir, en ce sens, arrêts du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 122, et du 28 novembre 2013, Conseil/Fulmen et Mahmoudian, C‑280/12 P, EU:C:2013:775, point 67).
42 L’appréciation du caractère suffisamment solide de la base factuelle retenue par le Conseil doit être effectuée en examinant les éléments de preuve et d’information non de manière isolée, mais dans le contexte dans lequel ils s’insèrent. En effet, le Conseil satisfait à la charge de la preuve qui lui incombe s’il fait état devant le juge de l’Union d’un faisceau d’indices suffisamment concrets, précis et concordants permettant d’établir l’existence d’un lien suffisant entre l’entité sujette à une mesure de gel de ses fonds et le régime ou, en général, les situations combattues (voir arrêt du 20 juillet 2017, Badica et Kardiam/Conseil, T‑619/15, EU:T:2017:532, point 99 et jurisprudence citée). Selon la jurisprudence, les articles de presse peuvent être utilisés aux fins de corroborer l’existence de certains faits lorsqu’ils sont suffisamment concrets, précis et concordants quant aux faits qui y sont décrits (voir arrêt du 14 mars 2018, Kim e.a./Conseil et Commission, T‑533/15 et T‑264/16, EU:T:2018:138, point 108 et jurisprudence citée).
43 C’est à l’autorité compétente de l’Union qu’il appartient, en cas de contestation, d’établir le bien-fondé des motifs retenus à l’encontre de la personne concernée, et non à cette dernière d’apporter la preuve négative de l’absence de bien-fondé desdits motifs. Il importe toutefois que les informations ou les éléments produits étayent les motifs retenus à l’encontre de la personne concernée (arrêts du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, points 121 et 122, et du 3 juillet 2014, National Iranian Tanker Company/Conseil, T‑565/12, EU:T:2014:608, point 57).
44 Par ailleurs, il convient de rappeler que les mesures restrictives ont une nature conservatoire et, par définition, provisoire, dont la validité est toujours subordonnée à la perpétuation des circonstances de fait et de droit ayant présidé à leur adoption ainsi qu’à la nécessité de leur maintien en vue de la réalisation de l’objectif qui leur est associé. C’est ainsi qu’il incombe au Conseil, lors du réexamen périodique de ces mesures restrictives, de procéder à une appréciation actualisée de la situation et d’établir un bilan de l’impact de telles mesures, en vue de déterminer si elles ont permis d’atteindre les objectifs visés par l’inscription initiale des noms des personnes et des entités concernées sur la liste en cause ou s’il est toujours possible de tirer la même conclusion concernant lesdites personnes et entités (arrêt du 12 février 2020, Amisi Kumba/Conseil, T‑163/18, EU:T:2020:57, points 58 et 59 ; voir, également, arrêt du 26 octobre 2022, Ovsyannikov/Conseil, T‑714/20, non publié, EU:T:2022:674, point 67 et jurisprudence citée).
45 Pour justifier le maintien du nom d’une personne sur la liste, il n’est pas interdit au Conseil de se fonder sur les mêmes éléments de preuve ayant justifié l’inscription initiale, la réinscription ou le maintien précédent du nom de la personne concernée sur la liste, pour autant que, d’une part, les motifs d’inscription demeurent inchangés et, d’autre part, le contexte n’a pas évolué d’une manière telle que ces éléments de preuve seraient devenus obsolètes. Ce contexte inclut non seulement la situation du pays à l’égard duquel le système de mesures restrictives a été établi, mais également la situation particulière de la personne concernée (voir arrêt du 26 octobre 2022, Ovsyannikov/Conseil, T‑714/20, non publié, EU:T:2022:674, point 78 et jurisprudence citée).
46 C’est à l’aune de ces principes jurisprudentiels qu’il convient de déterminer si le Conseil a commis une erreur d’appréciation en considérant que, en l’espèce, il existait une base factuelle suffisamment solide pouvant justifier le maintien du nom du requérant sur les listes en cause.
– Sur les éléments de preuve produits par le Conseil aux fins de l’adoption des actes attaqués
47 En l’espèce, pour justifier le maintien du nom du requérant sur les listes en cause dans les premiers actes de maintien, le Conseil a indiqué ne pas disposer de nouveaux éléments de preuve par rapport à ceux figurant dans le premier dossier WK et sur lesquels il s’est fondé pour adopter les actes initiaux (voir point 16 ci-dessus). Il convient de relever qu’il s’agit d’éléments d’information publiquement accessibles, à savoir des liens vers des sites Internet, des articles de presse et des captures d’écran relatifs au requérant.
48 S’agissant des deuxièmes actes de maintien, le Conseil a produit le deuxième dossier WK comportant deux parties, l’une dédiée aux éléments de preuve à l’encontre du requérant et contenant deux documents et l’autre, dédiée aux éléments de preuve à l’encontre du père du requérant et contenant neuf documents. Il convient de souligner que les deux éléments d’information relatifs au requérant sont publiquement accessibles et consistent en deux pages extraites des sites Internet officiels du groupe Sinara du 11 mars 2022 et de la société TMK du 10 mars 2022, faisant état de la démission du requérant de la société TMK et du groupe Sinara le 9 mars 2022.
49 Quant aux troisièmes actes de maintien, le Conseil a transmis les troisième et quatrième dossiers WK comportant 25 documents publiquement accessibles portant sur les activités du requérant et sur celles de son père ainsi que sur les sociétés TMK et Sinara.
– Sur l’application au requérant des critères g)
50 À titre liminaire, s’agissant de la portée du critère g) initial, il importe d’observer qu’il implique que soit établi, d’une part, l’existence d’un lien d’« association » avec un homme d’affaires influent et, d’autre part, que cet homme d’affaires influent ait une activité dans des « secteurs économiques qui constituent une source substantielle de revenus pour le gouvernement de la Fédération de Russie ». Quant au critère g) modifié, il implique que soit établie l’existence d’un lien d’« association » avec un homme d’affaires influent exerçant des activités en Russie ou avec un homme d’affaires ayant une activité dans des « secteurs économiques qui constituent une source substantielle de revenus pour le gouvernement de la Fédération de Russie ». Il convient de souligner que si le critère d’« associé » est souvent employé dans les actes du Conseil relatifs aux mesures restrictives, il n’est pas en tant que tel défini et sa signification dépend des contextes et des circonstances en cause. Toutefois, il n’en demeure pas moins qu’il peut être considéré comme visant des personnes physiques ou morales qui sont, de façon générale, liées par des intérêts communs sans pour autant nécessiter un lien par les biais d’une activité économique commune (voir, en ce sens, arrêt du 8 mars 2023, Prigozhina/Conseil, T‑212/22, non publié, EU:T:2023:104, point 93 et jurisprudence citée). Il apparaît également que, le plus souvent, cette notion implique l’existence d’un lien allant au-delà d’une relation familiale. La notion d’association prévue par les dispositions pertinentes de la décision 2014/145, dans sa version modifiée par la décision 2023/1094, et du règlement no 269/2014, dans sa version modifiée par le règlement 2022/330, peut donc être interprétée en ce sens qu’elle vise toute personne physique ou morale ou toute entité qui présente un lien, allant au-delà d’une relation familiale, avec une femme ou un homme d’affaires influent ou une entité ayant une activité dans des secteurs économiques qui fournissent une source substantielle de revenus au gouvernement de la Fédération de Russie. Enfin, il convient de relever que le critère d’inscription relatif aux personnes « associées » aux personnes responsables d’actions compromettant la situation en Ukraine est clairement libellé au présent, ce qui implique que l’association doit être établie au moment de l’adoption des actes attaqués (voir, en ce sens, arrêt du 8 mars 2023, Prigozhina/Conseil, T‑212/22, non publié, EU:T:2023:104, points 92 et 93 et jurisprudence citée).
51 Le requérant conteste que les critères g) puissent lui être appliqués. Il estime, en substance, que les actes attaqués sont entachés d’une erreur d’appréciation dès lors que, d’une part, le Conseil n’a tiré aucune conséquence du changement de sa situation personnelle et que, d’autre part, ces actes seraient fondés exclusivement sur des faits passés et obsolètes. En particulier, il fait grief au Conseil d’avoir pris acte de sa démission du groupe Sinara et de la société TMK le 9 mars 2022, sans avoir pour autant modifié sa conclusion relative aux critères g). Or, selon lui, le fait que lui et son père n’occupent plus leurs fonctions au sein de la société TMK et du groupe Sinara, ce qui constituait le fondement de l’inscription initiale de son nom sur les listes en cause, ferait donc obstacle à ce qu’il soit qualifié d’« associé » à un homme d’affaires influent, en l’occurrence son père, au sens des critères g). En effet, le seul lien avec son père qui subsistait au jour de l’adoption des actes attaqués est le lien familial, ce qui serait insuffisant pour considérer que les conditions des critères g) sont remplies. S’agissant des troisièmes actes de maintien, le requérant fait valoir, en substance, que les éléments de preuve des troisième et quatrième dossiers WK qui le concernent manquent de crédibilité et ne permettent nullement de considérer qu’il exercerait toujours des fonctions à responsabilités dans des filiales de la société TMK ou du groupe Sinara. Il ajoute que sa démission des différentes fonctions occupées antérieurement au sein des sociétés TMK et Sinara a eu lieu le 9 mars 2022, mais que les autorités chypriotes auraient refusé d’enregistrer cette démission au motif qu’il figurait sur les listes de mesures restrictives.
52 Ainsi, au vu de la jurisprudence selon laquelle, d’une part, la légalité d’un acte de l’Union s’apprécie en fonction des éléments de fait et de droit existant à la date d’adoption de celui-ci et, d’autre part, il incombe au Conseil de présenter de nouveaux éléments de preuve afin de démontrer le bien-fondé de l’inscription du nom d’une personne dès lors que le critère et les motifs de cette inscription ont changé, les allégations du Conseil concernant les anciennes fonctions exercées par le requérant ne pourraient servir de fondement pour l’adoption des mesures restrictives en cause à son égard.
53 Le Conseil, soutenu par la Commission, conteste les arguments du requérant et fait valoir, en substance, avoir procédé à une appréciation actualisée tant de la situation en Ukraine que de la situation personnelle du requérant, au terme de laquelle il a considéré que ce dernier pouvait toujours être considéré comme répondant aux conditions fixées par les critères g).
54 Premièrement, le Conseil considère que, compte tenu de la position privilégiée du père du requérant au sein de la société TMK et du groupe Sinara, de leurs liens d’affaires présents ou passés, de leur lien familial, de l’importance des entreprises familiales dans lesquelles ils détiennent ou détenaient des parts et ont occupé des postes à responsabilités, il est raisonnable de penser que le requérant est associé à un risque réel de contournement des mesures restrictives s’appliquant à son père. Deuxièmement, le Conseil met en doute la probabilité que le père du requérant ait réellement abandonné toute forme de contrôle de la société TMK. Il ressortirait, en effet, d’une banque de données [confidentiel] (1), que le père du requérant exerçait toujours, aux mois d’octobre et de novembre 2022, des fonctions à responsabilités dans des filiales de la société TMK à l’étranger. Troisièmement, le Conseil affirme qu’il ressortirait également d’une banque de données, jointe en annexe B.3 au mémoire en défense, que le requérant exerçait lui aussi, aux mêmes dates, les fonctions d’administrateur de certaines filiales de la société TMK à l’étranger et qu’il était, à la date du 20 décembre 2022, toujours membre du conseil de surveillance de Ural Locomotives Holding BV, une co-entreprise du groupe Sinara et Siemens. Par ailleurs, en ce qui concerne les deuxièmes actes de maintien, le Conseil souligne que la persistance du lien d’affaires entre le requérant et son père ressortirait d’un document daté du 9 juin 2023, reçu par le Conseil [confidentiel] et joint en annexe aux observations du Conseil sur le mémoire en adaptation, qui démontrerait que le requérant et son père sont toujours administrateurs de la société TMK Steel Holding. Quant aux troisièmes actes de maintien, le Conseil fait valoir, en substance, que les éléments de preuve des troisième et quatrième dossiers WK qui le concernent sont crédibles au motif qu’ils émanent [confidentiel]. S’agissant en particulier du prétendu refus d’enregistrement de la démission du requérant [confidentiel], il l’estime justifié dès lors que le requérant n’aurait pas sollicité et donc obtenu l’autorisation [confidentiel].
55 En l’espèce, il importe de rappeler que le nom du requérant a été inscrit initialement sur les listes en cause par les actes initiaux aux motifs, en substance, que le requérant était lié à son père, en raison de leur lien familial et de leurs activités respectives au sein de la société TMK et du groupe Sinara. Le Tribunal a constaté le caractère établi de ces motifs dans l’arrêt du 6 septembre 2023, Pumpyanskiy/Conseil (T‑291/22, non publié, EU:T:2023:499, points 46 à 90).
56 Dans les actes attaqués, le Conseil continue de faire référence au lien familial entre le requérant et son père ainsi qu’à leurs fonctions au sein de la société TMK et du groupe Sinara. Il a toutefois mis à jour l’exposé des motifs retenus contre le requérant en précisant qu’« il a également été président et membre du conseil d’administration du groupe Sinara », dans les premiers actes de maintien, et qu’il « est l’ancien président [du] conseil d’administration du groupe Sinara et ancien membre du conseil d’administration de [la société TMK], fonctions dont il a démissionné le 9 mars 2022 », dans les deuxièmes et troisièmes actes de maintien.
57 Dans ce contexte, il importe donc de vérifier si, en application de la jurisprudence mentionnée au point 45 ci-dessus, le Conseil pouvait, au terme de son appréciation actualisée de la situation effectuée dans le cadre du réexamen des mesures restrictives en cause et sur la base de nouveaux éléments, continuer à se référer à des faits déjà retenus dans les actes initiaux concernant le requérant pour justifier le maintien de ces mesures restrictives à son égard. À cette fin, il convient d’examiner s’il ressort des dossiers WK que le requérant pouvait être considéré, à la date d’adoption des actes attaqués, comme étant lié à un homme d’affaires influent au sens des critères g) tels que définis au point 51 ci-dessus ou, à tout le moins, si les éléments figurant dans lesdits dossiers pouvaient constituer un faisceau d’indices au sens de la jurisprudence citée au point 43 ci-dessus.
58 À cet égard, il y a lieu de relever d’emblée que, s’il est vrai que le contexte général de la situation de l’Ukraine, en ce qui concerne les menaces à son intégrité territoriale, à sa souveraineté et à son indépendance, est resté inchangé depuis l’adoption des actes initiaux, il n’en est pas de même de la situation du requérant.
59 En ce qui concerne la situation individuelle du requérant au moment de l’adoption des actes attaqués, il convient de constater qu’il n’occupait plus ni les fonctions de président et membre du conseil d’administration du groupe Sinara, ni celles de membre du conseil d’administration de la société TMK. S’agissant des fonctions relatives au groupe Sinara, il y a lieu de relever que le Conseil a tenu compte de la cessation par le requérant de celles-ci, depuis les premiers actes de maintien, en mettant à jour l’exposé des motifs qui y sont relatifs, désormais libellés au passé (voir points 14, 20, 28 et 57 ci-dessus). Par ailleurs, dans les deuxièmes et troisièmes actes de maintien, le Conseil a cité précisément la date de démission du requérant de ses fonctions au sein du groupe Sinara et de la société TMK, c’est-à-dire le 9 mars 2022 (voir points 20 et 57 ci-dessus). Il y a donc lieu d’en conclure qu’il ressort expressément des motifs mêmes desdits actes que le Conseil a admis comme étant démontré le fait que le requérant n’exerçait plus, à compter de cette date, ni les fonctions de président et membre du conseil d’administration du groupe Sinara, ni celles de membre du conseil d’administration de la société TMK. Cela est au demeurant confirmé par le Conseil dans le mémoire en défense.
60 En l’espèce, force est donc de constater que la base factuelle des motifs retenus dans les actes attaqués à l’égard du requérant, qui se rattache aux critères g), se réfère exclusivement à ses anciennes fonctions de président et membre des conseils d’administration de la société TMK et du groupe Sinara. Or, si de telles fonctions pouvaient suffire à justifier, en elles-mêmes, l’inscription initiale du nom du requérant comme étant associé à son père au sens du critère g) initial (voir point 56 ci-dessus), il n’en est pas de même pour ce qui est du maintien de son nom sur les listes en cause, qui se fonde sur un réexamen périodique des mesures restrictives afin de permettre au Conseil de tenir compte des éventuels changements de circonstances concernant, notamment, la situation individuelle des personnes visées par celles-ci.
61 En effet, alors que le requérant avait cessé ses fonctions le 9 mars 2022, soit six mois avant l’adoption des premiers actes de maintien, un an avant l’adoption des deuxièmes et un an et demi avant l’adoption des troisièmes, de telles fonctions passées, mentionnées dans l’exposé des motifs le concernant, ne sauraient justifier en raison de leur ancienneté, à elles seules, le maintien des mesures à son égard, et ne sauraient être considérées comme étant suffisantes en elles-mêmes pour permettre d’établir un lien d’association avec son père au sens des critères g) tels que définis au point 51 ci-dessus.
62 Dès lors qu’il ressort des motifs des actes attaqués que le requérant avait cessé d’exercer les fonctions ayant justifié l’inscription initiale et le maintien de son nom sur les listes en cause par les actes attaqués, il convient de considérer que, indépendamment de la question de savoir si le père du requérant occupe encore des fonctions au sein de la société TMK, du groupe Sinara ou de leurs filiales, comme le prétend le Conseil, l’association entre le requérant et son père n’est nullement établie par le biais de liens économiques ou capitalistiques ou par l’existence d’intérêts communs les liant au moment de l’adoption des actes attaqués. Partant, force est de constater que l’inscription du nom du requérant sur les listes en cause ne repose, de facto, que sur le lien familial entre lui et son père.
63 Or, ainsi qu’il résulte de la jurisprudence, l’application de mesures restrictives à des personnes physiques indépendamment de leur comportement personnel et pour la seule raison de leur lien familial avec des personnes associées aux dirigeants du pays tiers concerné doit être considérée comme se heurtant à la jurisprudence de la Cour. Cette exigence assure l’existence d’un lien suffisant entre les personnes concernées et le pays tiers qui est la cible des mesures restrictives adoptées par l’Union (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 13 mars 2012, Tay Za/Conseil, C‑376/10 P, EU:C:2012:138, points 63 à 66).
64 Certes, comme le Conseil l’affirme, le régime des mesures restrictives en cause dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 13 mars 2012, Tay Za/Conseil (C‑376/10 P, EU:C:2012:138), était différent de celui en cause en l’espèce. Toutefois, rien ne s’oppose à l’application de cette jurisprudence, mutatis mutandis, à la situation du requérant.
65 De plus, la pertinence de l’arrêt du 16 décembre 2020, Haikal/Conseil (T‑189/19, non publié, EU:T:2020:607, points 148 et 149), invoqué par le Conseil, n’est pas établie, dès lors que cet arrêt concernait le régime syrien et l’existence, dans le critère d’inscription applicable, d’une présomption réfragable de lien avec ce régime pour les « femmes et hommes d’affaires influents exerçant leurs activités en Syrie », présomption qui n’a pas lieu d’être en l’espèce au vu du critère d’inscription en cause (voir, en ce sens, arrêt du 8 mars 2023, Prigozhina/Conseil, T‑212/22, non publié, EU:T:2023:104, point 97 et jurisprudence citée).
66 Il s’ensuit que, au vu de tout ce qui précède, le lien d’association du requérant avec son père, établi au moment de l’adoption des actes attaqués et sur lequel le Conseil s’est fondé à cette date, ne repose de fait que sur leur lien de parenté, ce qui, au vu de la jurisprudence citée au point 64 ci-dessus, ne saurait suffire à justifier l’inscription du nom du requérant sur les listes en cause.
67 Cette conclusion ne saurait être remise en cause par les arguments du Conseil mentionnés au point 55 ci-dessus.
68 En premier lieu, l’argument fondé sur le risque de contournement, soulevé par le Conseil et réitéré lors de l’audience, doit être écarté en l’espèce. En effet, comme il résulte de la jurisprudence, le critère d’association vise toute entité qui présente un lien, quelle qu’en soit la nature, avec une entité fournissant un appui au gouvernement en cause, dès lors qu’il existe un risque non négligeable que ledit lien puisse être exploité par cette dernière pour contourner les sanctions la visant (voir, en ce sens, arrêt du 4 septembre 2015, NIOC e.a./Conseil, T‑577/12, EU:T:2015:596, point 114). Ainsi, lorsque les fonds d’une entité sont gelés, il existe un risque non négligeable que celle‑ci exerce une pression sur les entités qu’elle détient ou contrôle, pour contourner l’effet des mesures qui la visent, de sorte que le gel des fonds de ces entités est nécessaire et approprié pour assurer l’efficacité des mesures adoptées et garantir que ces mesures ne seront pas contournées (voir, en ce sens, arrêts du 13 mars 2012, Melli Bank/Conseil, C‑380/09 P, EU:C:2012:137, point 58, et du 22 septembre 2016, NIOC e.a./Conseil, C‑595/15 P, non publié, EU:C:2016:721, point 89).
69 Or, en l’espèce, le lien d’association par le biais de liens économiques ou capitalistiques ou par l’existence d’intérêts communs les liant au moment de l’adoption des actes attaqués n’est nullement établi et repose donc exclusivement sur le lien familial.
70 De plus, concernant le lien avec des membres de la famille de personnes sanctionnées, s’il a été jugé, dans le cadre des mesures restrictives en raison de la situation en Syrie, que, lorsque les fonds de ces derniers étaient gelés, il existait un risque non négligeable qu’ils exercent des pressions sur les personnes qui leur étaient liées pour contourner l’effet des mesures qui les visaient (voir, en ce sens, arrêt du 28 avril 2021, Sharif/Conseil, T‑540/19, non publié, EU:T:2021:220, point 159), force est de constater que le critère d’inscription était différent de celui applicable en l’espèce. En effet, dans l’affaire ayant donné lieu à cet arrêt, la législation prévoyait explicitement des restrictions et le gel des fonds, notamment, des « femmes et hommes d’affaires influents exerçant leurs activités en Syrie » et des « membres des familles Assad ou Makhlouf » ainsi que des « personnes qui leur [étaient] liées ». Dans ce cadre juridique, le lien familial avec ces familles pouvait suffire pour inscrire le nom des personnes sur les listes en cause sur la base du « critère du lien avec des membres de ces familles ». Tel n’est pas le cas lorsque, comme en l’espèce, la législation ne fait pas référence aux membres de certaines familles parmi les critères d’inscription.
71 Dès lors, compte tenu des circonstances de l’espèce, il y a lieu de constater que le Conseil n’a pas établi le risque de contournement invoqué.
72 En deuxième lieu, doit être rejeté comme étant inopérant l’argument selon lequel, en substance, le père du requérant n’aurait pas réellement abandonné toute forme de contrôle de la société TMK. En effet, premièrement, à supposer établi qu’aux mois d’octobre et de novembre 2022 ce dernier exerçait toujours des fonctions à responsabilités dans des filiales de la société TMK à l’étranger, il y a lieu de relever que cet élément ne figure ni dans les premier et deuxième dossiers WK ni dans les motifs des premiers et deuxièmes actes de maintien et que, s’il figure dans les troisième et quatrième dossiers WK, il n’est nullement mentionné dans les motifs des troisièmes actes de maintien. Deuxièmement, il convient de considérer, en tout état de cause, que le requérant ne pouvait nullement être considéré comme étant associé par des liens d’affaires à son père au sens des critères g), dès lors qu’il n’occupait plus, au jour de l’adoption desdits actes, les fonctions dans les conseils d’administration de la société TMK et du groupe Sinara sur lesquelles le Conseil s’est fondé pour établir un lien d’association avec son père.
73 En troisième lieu, il y a lieu de rejeter l’argument du Conseil selon lequel, d’une part, le requérant exerçait des fonctions d’administrateur de certaines filiales de la société TMK à l’étranger, et notamment au sein de la société TMK Steel Holding et, d’autre part, il était, à la date du 20 décembre 2022, toujours membre du conseil de surveillance de Ural Locomotives Holding, une coentreprise du groupe Sinara et Siemens.
74 En effet, il y a lieu de rappeler que c’est à l’autorité compétente de l’Union qu’il appartient, en cas de contestation, d’établir le bien-fondé des motifs retenus à l’encontre de la personne concernée, et non à cette dernière d’apporter la preuve négative de l’absence du bien-fondé desdits motifs (voit point 44 ci-dessus). En outre, selon une jurisprudence constante, la légalité d’un acte de l’Union doit être appréciée en fonction des éléments de fait et de droit existant à la date où l’acte a été adopté. Le Conseil ne peut, par conséquent, invoquer devant le Tribunal, pour justifier le bien-fondé du maintien du nom du requérant sur les listes en cause, des éléments sur lesquels il ne s’est pas fondé lors de l’adoption des actes attaqués (voir, en ce sens, arrêt du 14 avril 2021, Al Tarazi/Conseil, T‑260/19, non publié, EU:T:2021:187, point 69 et jurisprudence citée).
75 Dans ces conditions, sauf à admettre une substitution de motifs, il ne saurait être admis que le Conseil se prévale des informations contenues dans l’annexe B.3 au mémoire en défense pour justifier le bien-fondé des premiers actes de maintien, alors que de telles informations sont postérieures à ces actes, qu’elles ne figurent nullement dans le premier dossier WK et qu’elles ne se rattachent pas aux motifs desdits actes. Il importe de remarquer, à cet égard, que les motifs d’inscription des premiers actes de maintien sont relatifs aux anciennes fonctions de président et de membre du conseil d’administration du groupe Sinara et ne mentionnent aucune filiale de la société TMK à l’étranger, ni de fonctions de membre du conseil de surveillance de Ural Locomotives Holding BV. En tout état de cause, force est de constater que cette annexe ne saurait être considérée comme étant suffisamment fiable pour servir de fondement aux motifs des premiers actes de maintien ainsi que le requérant le relève à juste titre. En effet, ce document, qui porte une date d’actualisation au 29 janvier 2023, mentionne que le requérant est respectivement président et de membre des conseils d’administration de Sinara Group et de la société TMK, alors que le Conseil a lui-même pris acte du fait que le requérant avait démissionné desdites fonctions dès le 9 mars 2022.
76 Pour les mêmes raisons, doit être rejeté, s’agissant des deuxièmes actes de maintien, l’argument du Conseil selon lequel la persistance du lien d’affaires entre le requérant et son père ressortirait d’un document reçu par le Conseil [confidentiel]. En effet, force est de constater que, de l’aveu même du Conseil, ce document est daté du 9 juin 2023, si bien qu’il est postérieur aux deuxièmes actes de maintien, qu’il contient des informations qui ne figurent nullement dans les dossiers WK et qu’elles ne se rattachent pas aux motifs desdits actes.
77 Quant aux troisièmes actes de maintien, le Conseil se fonde sur les éléments de preuve nos 17 à 19 du troisième dossier WK et sur le seul élément de preuve du quatrième dossier WK pour démontrer le bien-fondé des motifs desdits actes. Il y a lieu de relever d’emblée que tous ces éléments mentionnent une liste des membres présumés du conseil d’administration de la société TMK Steel Holding. Or, force est de constater que ces éléments concernent donc une société qui n’est nullement mentionnée dans les motifs des troisièmes actes de maintien ainsi que l’a, au demeurant, reconnu le Conseil lors de l’audience.
78 Il y a lieu d’ajouter que, en tout état de cause, appréciés dans leur globalité et non de manière isolée, ces éléments de preuve manquent de fiabilité ainsi que le requérant le relève à juste titre. En effet, premièrement, outre le fait que les éléments de preuve nos 17 et 18 ne comportent aucune date de publication, l’élément de preuve n° 18 indique expressément qu’« il se peut qu’il y ait plus de directeurs et de secrétaires qui ne sont pas actuellement répertoriés dans cette description car l’information représente un moment dans le passé ». Deuxièmement, il y a lieu de souligner que la liste des membres présumés du conseil d’administration de la société TMK Steel Holding, contenue dans les troisième et quatrième dossiers WK, diffère d’un élément de preuve à l’autre. Dans ces conditions, quand bien même ces éléments de preuve émaneraient [confidentiel], comme le souligne le Conseil, il n’en demeure pas moins que, appréciés dans leur globalité, ils ne sauraient être considérés comme étant un faisceau d’indices suffisamment concrets, précis et concordants susceptibles de mettre en évidence le fait que le requérant est « associé » à un homme d’affaires influent, en l’occurrence son père, au sens des critères g).
79 Eu égard aux considérations qui précèdent, le premier motif d’inscription relatif aux critères g) n’est pas suffisamment étayé, concernant les actes attaqués. Il convient donc d’examiner le second motif d’inscription relatif au critère f).
– Sur l’application au requérant du critère f)
80 Le requérant conteste que ce critère puisse lui être appliqué. Tout comme pour les critères g), il fait grief au Conseil d’avoir pris acte de sa démission du groupe Sinara et de la société TMK le 9 mars 2022, sans avoir pour autant modifié sa conclusion relative au critère f) dans les actes attaqués. Par ailleurs, alors que la charge de la preuve lui incombe, le Conseil n’aurait apporté aucun nouvel élément dans les dossiers WK suffisamment probant permettant de considérer que le requérant satisferait, malgré sa démission, au critère f). En outre, dans la mesure où les dispositions décrivant ce critère d’inscription sont toujours rédigées à l’indicatif présent, elles se rapporteraient nécessairement à des faits qui étaient d’actualité à la date à laquelle elles ont été établies. Selon lui, le fait qu’il n’occupe plus aucune fonction au sein du groupe Sinara et de la société TMK ferait donc obstacle à ce qu’il soit considéré comme soutenant matériellement et financièrement le gouvernement de la Fédération de Russie.
81 Le Conseil, soutenu par la Commission, conteste cette argumentation. Il fait valoir, en substance, que le soutien que le requérant a apporté au gouvernement de la Fédération de Russie et l’avantage qu’il en a tiré lorsqu’il était président et membre du conseil d’administration du groupe Sinara, jusqu’au 9 mars 2022, constituent des faits suffisamment récents pour justifier le bien-fondé des premiers actes de maintien. Cela vaudrait d’autant plus que, à la date du 20 décembre 2022, le requérant était toujours membre du conseil de surveillance de Ural Locomotives Holding, une coentreprise du groupe Sinara et Siemens. Quant aux deuxièmes et troisièmes actes de maintien, le Conseil prétend que les fonctions exercées par le requérant, au sein de la société TMK et du groupe Sinara avec lesquels il entretient encore des liens significatifs, ainsi que cela ressort de l’annexe B.3 au mémoire en défense, de l’annexe G.1 aux observations sur le premier mémoire en adaptation et du quatrième dossier WK, sont suffisamment récentes pour justifier le maintien de son nom sur les listes en cause au titre du critère f).
82 À cet égard, il convient de rappeler qu’il ressort des développements qui précèdent que le Conseil a admis comme étant démontré le fait que le requérant n’exerçait plus, à compter du 9 mars 2022, à savoir six mois avant l’adoption des premiers actes de maintien et un an avant l’adoption des deuxièmes, ni les fonctions de président et membre du conseil d’administration du groupe Sinara, ni celles de membre du conseil d’administration de la société TMK. Or, lesdites fonctions constituaient le fondement de l’inscription initiale de son nom sur les listes en cause.
83 Force est donc de constater que la base factuelle des motifs retenus dans les actes attaqués à l’égard du requérant, qui se rattache au critère f), se réfère exclusivement à ses anciennes fonctions au sein de la société TMK et du groupe Sinara.
84 Or, à supposer que de telles fonctions aient pu suffire à justifier, en elles-mêmes, l’inscription initiale du nom du requérant, il n’en est, en tout état de cause, pas de même pour ce qui est du maintien de son nom sur les listes en cause, qui se fonde sur un réexamen périodique des mesures restrictives afin de permettre au Conseil de tenir compte des éventuels changements de circonstances concernant, notamment, la situation individuelle des personnes visées par celles-ci. En effet, les actes de maintien représentent l’aboutissement de cet exercice de réexamen périodique.
85 Premièrement, le Conseil ne saurait présumer, du seul fait que le requérant a été président et membre du conseil d’administration du groupe Sinara ou membre du conseil d’administration de la société TMK lors de l’inscription initiale de son nom sur les listes en cause, qu’il peut être qualifié de personne physique qui apporte un soutien matériel ou financier au gouvernement de la Fédération de Russie, même plusieurs mois après avoir quitté de telles fonctions. En effet, cela conduirait à figer la situation du requérant et à priver de tout effet utile l’exercice de réexamen périodique prévu, notamment, à l’article 6, troisième alinéa, de la décision 2014/145 et à l’article 14, paragraphe 4, du règlement no 269/2014, tels que modifiés (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 15 septembre 2021, Ghaoud/Conseil, T‑700/19, non publié, EU:T:2021:576, point 85 et jurisprudence citée).
86 Deuxièmement, il n’est pas non plus possible de considérer que le seul fait que le requérant exerçait lesdites fonctions au sein du conseil d’administration de la société TMK et de celui du groupe Sinara, dans un passé peu éloigné de l’adoption des premiers actes de maintien, puisse constituer une preuve suffisante de ce que son éventuel soutien matériel ou financier au gouvernement de la Fédération de Russie perdurait. En effet, il ressort de la jurisprudence mentionnée au point 43 ci-dessus que le bien-fondé du maintien du nom du requérant sur les listes en cause doit être examiné dans son contexte global et non de manière isolée.
87 Il est vrai qu’il ressort de la jurisprudence que la circonstance qu’une personne a cessé d’exercer ses fonctions au sein d’une structure n’implique pas, à elle seule, que ces anciennes fonctions soient dénuées de pertinence, dans la mesure où ses activités passées pourraient influencer son comportement. La jurisprudence a cependant précisé que, prises isolément, les anciennes fonctions d’une personne ne sauraient justifier l’inscription du nom de cette dernière sur les listes en cause. Dès lors, si le Conseil entend se fonder sur les activités passées du requérant, il lui incombe d’avancer des indices sérieux et concordants permettant raisonnablement de considérer qu’il a maintenu des liens avec la société TMK et le groupe Sinara à la date d’adoption des actes attaqués, justifiant l’inscription de son nom sur les listes après la cessation de ses fonctions de président et de membre des conseil d’administration de ces deux sociétés (voir, par analogie, arrêts du 6 septembre 2013, Bateni/Conseil, T‑42/12 et T‑181/12, non publié, EU:T:2013:409, points 64 et 65, et du 18 février 2016, Jannatian/Conseil, T‑328/14, non publié, EU:T:2016:86, point 40).
88 Or, en l’espèce, s’agissant des premiers actes de maintien, le Conseil a reconnu ne pas disposer de nouveaux éléments de preuve par rapport à ceux figurant dans le premier dossier WK et sur lesquels il s’est fondé pour adopter les actes initiaux. Il est donc constant que le Conseil n’a pas présenté des indices sérieux et concordants, au sens de la jurisprudence rappelée au point 88 ci-dessus, permettant raisonnablement de considérer que le requérant maintenait des liens avec le groupe Sinara à la date d’adoption des premiers actes de maintien. Quant aux deuxièmes et troisièmes actes de maintien, il ne ressort aucunement des dossiers WK ayant servi de fondement à ces actes que le Conseil ait présenté de tels indices permettant raisonnablement de considérer que le requérant maintenait des liens avec la société TMK et le groupe Sinara à la date d’adoption desdits actes. S’agissant en particulier du deuxième dossier WK, relatif aux deuxièmes actes de maintien, il ne comporte aucun élément de preuve de nature à justifier que, malgré la démission du requérant le 9 mars 2022, il conviendrait de maintenir cette mention dans les motifs d’inscription. Au contraire, ainsi que le relève à juste titre le requérant, les deux seuls documents relatifs au requérant se bornent à faire état de sa démission des fonctions au sein de la société TMK et du groupe Sinara. Or, aucun d’entre eux n’est de nature à démontrer en quoi le fait, pour le requérant, d’avoir exercé des fonctions au sein du conseil d’administration de la société TMK et de celui du groupe Sinara jusqu’au 9 mars 2022 justifie, à la date d’adoption des actes attaqués, d’utiliser cet élément pour établir qu’il soutient matériellement ou financièrement le gouvernement de la Fédération de Russie.
89 Partant, il y a lieu de conclure que, concernant les actes attaqués, le Conseil ne pouvait se fonder sur les anciennes fonctions du requérant afin de démontrer que les conditions du critère f) étaient remplies.
90 Cette conclusion ne saurait être remise en cause par les arguments du Conseil mentionnés au point 82 ci-dessus selon lesquels, en substance, il ressortirait des documents joints en annexe B.3 au mémoire en défense et aux observations sur les premier et deuxième mémoires en adaptation, que le requérant était toujours, à la date du 20 décembre 2022, membre du conseil de surveillance de Ural Locomotives Holding et qu’il entretenait encore des liens avec la société TMK et le groupe Sinara ainsi qu’avec la société TMK Steel Holding. En effet, il suffit de renvoyer à cet égard aux raisons invoquées aux points 74 à 79 ci-dessus, dans le cadre des critères g), qui s’appliquent mutatis mutandis dans le cadre du critère f).
91 Eu égard aux considérations qui précèdent, le second motif d’inscription relatif au critère f) n’est pas suffisamment étayé, de sorte que le maintien du nom du requérant sur les listes en cause par les actes attaqués n’est pas fondé. En effet, force est de constater que, analysés dans leur ensemble, les éléments présentés en l’espèce par le Conseil ne constituent pas un faisceau d’indices suffisamment concrets, précis et concordants, au sens de la jurisprudence rappelée au point 43 ci-dessus, permettant d’établir à suffisance de droit le bien-fondé des motifs retenus contre le requérant.
92 Partant, il convient d’accueillir le deuxième moyen du recours et d’annuler les actes attaqués, en ce qu’ils visent le requérant, sans qu’il soit nécessaire de se prononcer sur les autres arguments et sur les autres moyens invoqués par ce dernier à leur égard.
Sur les conclusions en indemnité
93 Le requérant soutient que l’inscription injustifiée de son nom sur les listes en cause par les actes attaqués lui a causé un préjudice moral et estime que les conditions requises pour engager la responsabilité non contractuelle de l’Union sont, en l’espèce, satisfaites. D’une part, il observe qu’il a largement démontré la violation caractérisée d’une règle de droit ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers dans les moyens soulevés au soutien de sa demande en annulation. D’autre part, il allègue avoir subi un préjudice en ayant été associé au gouvernement de la Fédération de Russie et au conflit en Ukraine, avec la conséquence de susciter l’opprobre et la méfiance à son égard, affectant ainsi sa réputation ainsi que ses relations sociales et familiales. Dès lors, il demande le paiement de 100 000 euros au titre des dommages et intérêts.
94 Le Conseil, soutenu par la Commission, conteste le bien-fondé des conclusions en indemnité au motif que, en substance, les conditions cumulatives auxquelles est conditionné l’engagement de la responsabilité non contractuelle de l’Union du fait d’un comportement illicite de ses organes ne sont pas remplies.
95 Selon une jurisprudence constante, l’engagement de la responsabilité non contractuelle de l’Union du fait d’un comportement illicite de ses organes, au sens de l’article 340, deuxième alinéa, TFUE, est subordonné à la réunion d’un ensemble de conditions, à savoir l’illégalité du comportement reproché aux institutions, la réalité du dommage et l’existence d’un lien de causalité entre le comportement allégué et le préjudice invoqué. Dans la mesure où ces trois conditions d’engagement de la responsabilité sont cumulatives, l’absence de l’une d’entre elles suffit pour rejeter un recours en indemnité, sans qu’il soit dès lors nécessaire d’examiner les autres conditions (arrêt du 7 décembre 2010, Fahas/Conseil, T‑49/07, EU:T:2010:499, points 92 et 93). Par ailleurs, le juge de l’Union n’est pas tenu d’examiner ces conditions dans un ordre déterminé (voir arrêt du 16 décembre 2020, Haswani/Conseil, T‑521/19, non publié, EU:T:2020:608, point 186 et jurisprudence citée).
96 En ce qui concerne la condition de la réalité du dommage, selon la jurisprudence, la responsabilité de l’Union ne saurait être engagée que si le requérant a effectivement subi un préjudice « réel et certain ». Il incombe au requérant d’apporter des éléments de preuve concluantes tant de l’existence que de l’étendue du préjudice qu’elle invoque (voir, en ce sens, arrêt du 30 mai 2017, Safa Nicu Sepahan/Conseil, C‑45/15 P, EU:C:2017:402, points 61 et 62 et jurisprudence citée).
97 Enfin, il y a lieu de rappeler, à cet égard, que l’existence d’un préjudice réel et certain ne saurait être envisagée de manière abstraite par le juge de l’Union, mais doit être appréciée en fonction des circonstances de fait précises qui caractérisent chaque espèce soumise à ce dernier (voir arrêt du 30 mai 2017, Safa Nicu Sepahan/Conseil, C‑45/15 P, EU:C:2017:402, point 79 et jurisprudence citée).
98 En l’espèce, la demande en indemnité du requérant doit être rejetée dans la mesure où l’existence d’un préjudice n’a pas été démontrée.
99 En effet, le requérant s’est contenté d’alléguer que les actes attaqués ont suscité l’opprobre et la méfiance à son égard, affectant sa réputation ainsi que ses relations sociales et familiales, sans produire aucune preuve au soutien de cette allégation. De même, il n’a apporté aucun élément de preuve pour démontrer que l’adoption et le maintien des mesures restrictives à son égard ont fait l’objet d’une forte communication et médiatisation.
100 En tout état de cause, il y a lieu de rappeler que le constat de l’illégalité des mesures restrictives prises à l’encontre d’une personne ou d’une entité est de nature à constituer une forme de réparation du préjudice moral subi par la personne ou l’entité concernée (voir, en ce sens, arrêt du 28 mai 2013, Abdulrahim/Conseil et Commission, C‑239/12 P, EU:C:2013:331, point 72).
101 Dans les circonstances de l’espèce, à supposer établi que les actes attaqués aient eu pour effets d’associer le requérant au gouvernement de la Fédération de Russie et au conflit en Ukraine comme il le prétend, le Tribunal estime que les éventuels effets desdits actes sur sa réputation et sur ses relations sociales et familiales sont susceptibles d’être contrebalancés par le constat, a posteriori, de l’illégalité des mesures restrictives prises à son égard.
102 En effet, le requérant n’a apporté aucun élément susceptible d’établir que le maintien de son nom sur les listes en cause aurait affecté le comportement de personnes ou d’entités tierces à son égard. Il ne semble donc pas que ce maintien aurait attiré davantage d’attention qu’en attirerait le constat subséquent de son illégalité, si bien qu’un tel constat constitue une réparation intégrale du préjudice prétendument subi, de sorte que, en tout état de cause, il n’y a pas lieu d’accorder des dommages et intérêts à ce titre.
103 Il y a lieu d’ajouter que le requérant ne présente aucun élément de preuve qui pourrait justifier le montant de 100 000 euros sollicité à titre de compensation, ainsi qu’il lui incombait de le faire conformément à la jurisprudence rappelée aux points 97 et 98 ci-dessus.
104 Au vu de tout ce qui précède, il convient de conclure que la condition relative à la réalité du dommage n’est, en l’espèce, pas satisfaite et que, en tout état de cause, le préjudice moral subi par le requérant est adéquatement compensé par le constat d’illégalité des mesures restrictives prises à son égard.
105 Dès lors, il y a lieu de rejeter les conclusions indemnitaires du requérant comme étant non fondées.
Sur les dépens
106 Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.
107 En outre, selon l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure, les États membres et les institutions qui sont intervenus au litige supportent leurs dépens.
108 En l’espèce, le Conseil ayant succombé, il y a lieu de le condamner à supporter ses propres dépens ainsi que ceux du requérant, conformément aux conclusions de ce dernier. La Commission supportera, quant à elle, ses propres dépens.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (première chambre)
déclare et arrête :
1) La décision (PESC) 2022/1530 du Conseil, du 14 septembre 2022, modifiant la décision 2014/145/PESC concernant des mesures restrictives eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine, le règlement d’exécution (UE) 2022/1529 du Conseil, du 14 septembre 2022, mettant en œuvre le règlement (UE) no 269/2014 concernant des mesures restrictives eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine, la décision (PESC) 2023/572 du Conseil, du 13 mars 2023, modifiant la décision 2014/145/PESC concernant des mesures restrictives eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine, le règlement d’exécution (UE) 2023/571 du Conseil, du 13 mars 2023, mettant en œuvre le règlement (UE) no 269/2014 concernant des mesures restrictives eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine, la décision (PESC) 2023/1767 du Conseil, du 13 septembre 2023, modifiant la décision 2014/145/PESC concernant des mesures restrictives eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine et le règlement d’exécution (UE) 2023/1765 du Conseil, du 13 septembre 2023, mettant en œuvre le règlement (UE) no 269/2014 concernant des mesures restrictives eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine, sont annulés, dans la mesure où le nom de M. Alexander Dmitrievich Pumpyanskiy a été maintenu sur la liste des personnes, entités et organismes auxquels s’appliquent ces mesures restrictives.
2) La demande en indemnité présentée par M. Pumpyanskiy est rejetée.
3) Le Conseil de l’Union européenne est condamné à supporter ses propres dépens ainsi que ceux de M. Pumpyanskiy.
4) La Commission européenne supportera ses propres dépens.
Spielmann | Mastroianni | Tóth |
Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 29 novembre 2023.
Signatures
* Langue de procédure : le français.
1 Données confidentielles occultées.
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