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Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) |
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You are here: BAILII >> Databases >> Court of Justice of the European Communities (including Court of First Instance Decisions) >> KS v Frontex (Judgment) French Text [2021] EUECJ T-409/20 (21 December 2021) URL: http://www.bailii.org/eu/cases/EUECJ/2021/T40920.html Cite as: [2021] EUECJ T-409/20, ECLI:EU:T:2021:914, EU:T:2021:914 |
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ARRÊT DU TRIBUNAL (première chambre)
21 décembre 2021(*)
« Fonction publique – Agents temporaires – Contrat à durée déterminée – Résiliation du contrat – Rupture du lien de confiance – Article 47, sous b), ii), du RAA – Droit d’être entendu – Devoir de sollicitude – Demandes d’assistance et d’indemnisation – Recours en annulation et en indemnité »
Dans l’affaire T‑409/20,
KS, représenté par Me N. de Montigny, avocate,
partie requérante,
contre
Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes (Frontex), représentée par MM. H. Caniard, S. Drew, W. Szmidt et Mme B. Dukay-Zangrando, en qualité d’agents, assistés de Mes T. Bontinck, A. Guillerme et L. Burguin, avocats,
partie défenderesse,
ayant pour objet une demande fondée sur l’article 270 TFUE et tendant, d’une part, à l’annulation de la décision de Frontex du 30 août 2019 portant résiliation du contrat d’engagement à durée déterminée du requérant et de la décision du 13 février 2020 portant rejet des demandes d’assistance et d’indemnisation de celui-ci et, d’autre part, à la réparation du préjudice moral que le requérant aurait subi de ce fait,
LE TRIBUNAL (première chambre),
composé de M. H. Kanninen, président, Mmes N. Półtorak (rapporteure) et M. Stancu, juges,
greffier : Mme H. Eriksson, administratrice,
vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 7 septembre 2021,
rend le présent
Arrêt
I. Antécédents du litige
1 Le 1er avril 2015, le requérant, KS, a été engagé en qualité d’agent temporaire de grade AD 9, au sens de l’article 2, sous f), du régime applicable aux autres agents de l’Union européenne (ci-après le « RAA »), par l’autorité habilitée à conclure les contrats d’engagement (ci-après l’« AHCC ») de l’Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes (Frontex) pour une période de cinq ans.
2 Aux termes de son contrat, le requérant a été engagé en qualité de chef de projet au sein de l’unité « [confidentiel] (1) » (ci-après l’« unité en cause »). Il était notamment chargé de superviser, de développer et d’assurer la maintenance d’une nouvelle plateforme d’information (ci-après le « projet en cause ») en collaboration avec l’entreprise [confidentiel] (ci-après le « contractant »).
3 Lors de sa prise de fonctions, le requérant était placé sous l’autorité de A, chef de l’unité en cause, puis sous celle de B, qui lui a succédé en septembre 2018.
4 Le 1er août 2018 s’est tenue une réunion rassemblant les membres chargés de la réalisation du projet en cause, dont A, le requérant et le directeur général du contractant, et dont l’objet était de discuter de l’état d’avancement dudit projet et des difficultés rencontrées par le contractant (ci-après la « réunion du 1er août 2018 »). Lors de cette réunion, de vifs échanges se seraient tenus entre ledit directeur général et le requérant, de sorte que A aurait décidé de poursuivre la réunion en comité restreint après avoir demandé au requérant de quitter la salle de réunion.
5 Par un courriel du même jour, envoyé à l’issue de la réunion du 1er août 2018, le requérant a fait part à C, cheffe de section de l’unité en cause, et à A, destinataire en copie, de son souhait de cesser de superviser le projet en cause et de se voir réaffecté à un autre poste. Il y dénonçait par ailleurs que la conduite dudit projet était contraire à l’intérêt public et aux intérêts de Frontex. Aucune suite n’a été donnée à ce courriel.
6 Le même jour, d’une part, A a rédigé une attestation visant à dénoncer le comportement « inacceptable » du requérant lors de la réunion du 1er août 2018 et, d’autre part, C et D, chef de l’unité « [confidentiel] », également présents lors de ladite réunion, ont également rédigé chacun une attestation en ce sens (ci-après les « témoignages du 2 août 2018 »).
7 Le 10 août 2018, le bureau d’inspection et de contrôle de Frontex (ci-après l’« ICO ») a initié, sur la base de la décision no 2012/121 , un contrôle ex-post du projet en cause afin de vérifier que celui-ci avait été mis en œuvre conformément aux principes de légalité, de régularité et de bonne gestion financière. Le 12 décembre 2018, il a publié le rapport final dudit contrôle et conclu qu’« aucune action frauduleuse délibérée et intentionnelle n’avait été détectée sur la base des éléments de preuve et des faits existants ».
8 Le 24 janvier 2019, le requérant a participé à une réunion interne de l’unité en cause au cours de laquelle il a été discuté de l’avancement du projet en cause. Cinq jours plus tard, il a transmis un procès-verbal de cette réunion à deux autres membres du personnel y ayant assisté, à savoir E, chef de section par interim, et F, organisateur suppléant de la réunion.
9 Le 31 janvier 2019, le requérant a signé une fiche de présence attestant la présence physique de G, consultant externe engagé par Frontex en qualité d’analyste (ci-après le « consultant externe »), dans les locaux de Frontex les 16 et 17 janvier 2019. Pourtant, le 16 janvier 2019, il avait informé C que le consultant externe avait eu un accident, de sorte qu’il ne pouvait pas se rendre dans les locaux de Frontex.
10 Par courrier du 10 juin 2019, notifié au requérant le lendemain, H, directeur exécutif de Frontex (ci-après le « directeur exécutif »), a informé le requérant qu’il envisageait deux options concernant l’emploi de ce dernier : maintenir le statu quo ou mettre fin au contrat sur la base de l’article 47 du RAA en raison de son comportement au cours de l’année précédente, et en particulier lors de la réunion du 1er août 2018 (ci-après le « courrier du 10 juin 2019 »). Par la même occasion, il invitait le requérant à présenter ses observations au plus tard le 19 juin 2019.
11 Par courriel du 13 juin 2019, le requérant a informé le directeur exécutif qu’il était en congé maladie jusqu’au 19 juillet 2019. À ce titre, il sollicitait du directeur exécutif qu’il proroge le délai pour présenter ses observations sur le courrier du 10 juin 2019, et en fixe l’échéance au retour de son congé de maladie.
12 Par courriel du 14 juin 2019, le directeur exécutif a fait part au requérant de sa décision de proroger le délai au 27 juin 2019 à 12 h 00.
13 Par courriel du 27 juin 2019, le requérant a notifié ses observations au directeur exécutif.
14 Le 12 juillet 2019, le requérant a adressé un courriel au service des ressources humaines de Frontex indiquant qu’aucun élément de preuve ne lui avait été communiqué pour assurer sa défense.
15 Par courriel du 19 juillet 2019, le directeur exécutif a transmis au requérant des éléments de preuve (ci-après le « dossier de preuves ») qui avaient été portés à sa connaissance. Il invitait également le requérant à soumettre ses observations sur le dossier de preuves au plus tard le 29 juillet à 12 h 00, et indiquait que les éléments que le requérant avait annexés à ses observations du 27 juin 2019 seraient transmis à l’ICO en vue d’une analyse approfondie.
16 Le 21 juillet 2019, le congé de maladie du requérant a été prolongé jusqu’au 30 août 2019. En conséquence, le directeur exécutif a décidé de proroger jusqu’au 5 août 2019 le délai de réponse du requérant pour présenter ses observations sur le dossier de preuves.
17 Le 5 août 2019, en réponse au courriel du directeur exécutif du 19 juillet 2019, le requérant transmit ses observations sur le dossier de preuves.
18 Le 12 août 2019, le directeur exécutif a transmis à l’ICO les éléments que le requérant avait annexés à ses observations du 27 juin 2019 en vue d’analyser les allégations de celui-ci conformément à la réglementation antifraude applicable à Frontex.
19 Le 28 août 2019, le congé de maladie du requérant a été prolongé jusqu’au 30 septembre 2019.
20 Le 30 août 2019, le directeur exécutif, en sa qualité d’AHCC, a décidé de résilier le contrat d’agent temporaire du requérant en application de l’article 47, sous b), ii), du RAA, avec un préavis de trois mois, tout en dispensant celui-ci de prester ce préavis, sur la base d’une rupture irréparable du lien de confiance entre Frontex et ce dernier (ci-après la« première décision attaquée »). Cette décision, notifiée le même jour au requérant, était principalement motivée comme suit :
« […]
Je vous informe que j’ai décidé de mettre fin à votre contrat de travail conformément à l’article [47, sous b), ii),] du RAA, en raison d’une rupture irréparable du lien de confiance entre Frontex et vous-même, résultant de votre comportement. Compte tenu de l’intérêt du service, le maintien du statu quo n’est dorénavant plus une option.
[…]
Après une analyse approfondie de la question, je suis convaincu que votre inacceptable conduite a conduit à la rupture irréparable [du lien] de confiance entre Frontex et vous-même. L’irréparable rupture [du lien] de confiance ne résulte pas seulement de l’incident principal, c’est-à-dire ladite réunion […] du 1er août 2018 […], au cours de laquelle vous n’avez pas obéi aux instructions claires et directes de votre [chef d’unité], agissant d’une façon non professionnelle et manifestement très inappropriée, ce qui présente un risque pour la réputation et les intérêts de l’agence. Se sont produits d’autres incidents.
Je sais que vous avez signé une feuille de présence contenant de fausses informations renseignant la présence au bureau d’un consultant externe les 16 et 17 janvier 2019, alors qu’en réalité ce consultant s’est déclaré malade et n’a pas exercé ses fonctions à ces dates et vous étiez au courant de ceci. Vous avez également remis en cause, de votre propre initiative et non en accord avec votre chef d’unité, le besoin des contractants de faire remplacer ce même consultant par un nouveau consultant. En outre, vous avez rédigé un procès-verbal d’une réunion interne [de l’unité en cause] le 24 janvier 2019 et l’avez distribué à des membres du personnel déterminés, à l’exclusion du chef de [ladite unité]. [Ce dernier], présent à cette réunion, m’a informé que, dans le procès-verbal, vous avez renseigné des informations qui n’ont pas été mentionnées lors de la réunion. Par conséquent, je conclus que l’incident du 1er août 2018 n’était pas un cas isolé. Il y avait un modèle de votre comportement non professionnel et irrespectueux au cours de la dernière année, qui comprenait un manque d’engagement personnel attendu et une attitude négative répétitive au travail. Cette conduite est inacceptable et ne correspond pas à ce que l’on attend d’une personne occupant votre poste chez Frontex.
Il est important de noter que, dans vos lettres du 27 juin 2019 et du 5 août 2019, vous ne niez pas la réalité ou la pertinence des faits liés à votre comportement, mais vous mentionnez un certain nombre d’affirmations et d’allégations, non étayées par des preuves, pour contrebalancer et justifier votre attitude. Dans cette procédure, je dois me concentrer sur les éléments directement liés à votre conduite. Comme élément additionnel, vous avez menacé dans votre lettre du 27 juin 2019 de “déchaîner l’enfer et d’en faire un début de tempête [...]” si [Frontex] ne fait pas ce que vous voulez. Vous n’avez avancé aucun fait, argument ou raisonnement de nature à remettre en cause ou à faire naître un doute raisonnable quant à la rupture irréparable [du lien] de confiance entre vous et Frontex.
[…] »
21 Le 30 septembre 2019, le congé de maladie du requérant a été prolongé jusqu’au 15 novembre 2019.
22 Par courriel du 14 octobre 2019, le requérant a soumis une demande d’assistance au titre de l’article 24 et de l’article 90, paragraphe 1, du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut ») et une demande d’indemnisation des préjudices matériel et immatériel qu’il aurait subis.
23 Le 31 octobre 2019, le directeur exécutif a chargé l’ICO d’enquêter sur les allégations de harcèlement soulevées par le requérant dans ses demandes d’assistance et d’indemnisation.
24 Le 15 novembre 2019, le congé de maladie du requérant a été prolongé jusqu’au 31 décembre 2019.
25 Par courriel du 25 novembre 2019, le requérant a présenté, au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut, une réclamation contre la première décision attaquée.
26 Dans son rapport du 30 janvier 2020 clôturant l’investigation de l’ICO sur les allégations de harcèlement formulées par le requérant (ci-après le « rapport d’investigation de l’ICO »), notifié au directeur exécutif le 4 février 2019, le directeur de l’ICO a conclu à l’absence d’éléments de preuve susceptibles d’étayer lesdites allégations et qui auraient justifié l’ouverture d’une enquête administrative.
27 Par courriel du 13 février 2020, l’AHCC a rejeté les demandes d’assistance et d’indemnisation du requérant (ci-après la « seconde décision attaquée »). Cette décision était motivée comme suit :
« […]
Au vu des faits établis et des preuves collectées, j’ai décidé qu’aucune enquête administrative ne devait être ouverte au titre de l’article 86, paragraphe 2, du statut et de l’article 2 de l’annexe IX du statut. Il a été établi que vos allégations n’étaient pas fondées. Aucune menace, [aucun] acte ou propos insultant ou diffamatoire, ou [aucune] attaque contre votre personne ou vos biens à laquelle vous auriez été soumis en raison de votre position ou de vos fonctions n’a été identifié. Pour cette raison, il n’y avait aucune raison de vous accorder une assistance au titre de l’article 24 du statut. En conséquence, votre demande d’indemnisation en lien avec le harcèlement allégué est sans fondement et ne doit pas être accueillie. »
28 Le 21 février 2020, le requérant a présenté, au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut, une réclamation contre la seconde décision attaquée. L’AHCC ne s’est pas prononcée explicitement sur cette réclamation.
29 En conséquence de la première décision attaquée, le contrat d’agent temporaire du requérant a pris fin le 29 février 2020, attendu que la période de préavis a été suspendue durant trois mois en raison de ses congés de maladie.
30 Par courriel du 23 mars 2020, l’AHCC a rejeté la réclamation du requérant du 25 novembre 2019 formée à l’encontre de la première décision attaquée.
31 Le 27 mai 2020, le requérant et Frontex ont conclu un accord financier, à hauteur de 2 500 euros, en vue de compenser le retard dans l’élaboration des rapports d’évaluation de 2016 et de 2017.
II. Procédure et conclusions des parties
32 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 3 juillet 2020, le requérant a introduit le présent recours.
33 Par actes séparés du 3 juillet et du 30 novembre 2020, le requérant a demandé le bénéfice de l’anonymat ainsi que l’omission de certaines données envers le public, conformément à l’article 66 du règlement de procédure du Tribunal. L’anonymat lui a été accordé le 29 septembre 2020.
34 Frontex a déposé le mémoire en défense le 17 septembre 2020.
35 Le requérant a déposé la réplique le 30 novembre 2020.
36 La phase écrite de la procédure a été clôturée à la suite du dépôt de la duplique, le 28 janvier 2021.
37 Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales posées par le Tribunal lors de l’audience du 7 septembre 2021.
38 Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– annuler la première décision attaquée ainsi que, pour autant que de besoin, la décision explicite de rejet de la réclamation correspondante ;
– annuler la seconde décision attaquée ainsi que, pour autant que de besoin, la décision implicite de rejet de la réclamation correspondante ;
– condamner Frontex au paiement d’une indemnité pour responsabilité extracontractuelle fixée à la somme de 250 000 euros ;
– condamner Frontex aux dépens.
39 Frontex conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– rejeter le recours ;
– condamner le requérant aux dépens.
III. En droit
A. Sur l’objet du litige
40 Dans la requête, le requérant a demandé, d’une part, l’annulation de la première décision attaquée et, pour autant que de besoin, de la décision explicite de rejet de la réclamation correspondante et, d’autre part, l’annulation de la seconde décision attaquée et, pour autant que de besoin, de la décision implicite de rejet de la réclamation correspondante.
41 Selon une jurisprudence constante, la réclamation administrative, telle que visée à l’article 90, paragraphe 2, du statut, et son rejet, explicite ou implicite, font partie intégrante d’une procédure complexe et ne constituent qu’une condition préalable à la saisine du juge. Dans ces conditions, le recours, même formellement dirigé contre le rejet de la réclamation, a pour effet de saisir le juge de l’acte faisant grief contre lequel la réclamation a été présentée, sauf dans l’hypothèse où le rejet de la réclamation a une portée différente de celle de l’acte contre lequel cette réclamation a été formée (voir arrêt du 27 octobre 2016, CW/Parlement, T‑309/15 P, non publié, EU:T:2016:632, point 27 et jurisprudence citée).
42 S’agissant, tout d’abord, de la première décision attaquée, il y a lieu de constater que, en l’espèce, le rejet de la réclamation correspondante confirme ladite décision. La circonstance que l’AHCC ait été amenée, en réponse aux arguments avancés par le requérant dans la réclamation, à apporter des précisions concernant les motifs de cette décision ne saurait justifier que le rejet de la réclamation soit considéré comme un acte autonome faisant grief au requérant, la motivation dudit rejet coïncidant, en substance, avec celle de la décision contre laquelle cette réclamation a été dirigée.
43 À cet égard, en application de la jurisprudence citée au point 41 ci-dessus, il convient de considérer que l’acte faisant grief au requérant est la première décision attaquée, dont la légalité doit être examinée en prenant également en considération la motivation figurant dans la décision explicite de rejet de la réclamation correspondante.
44 S’agissant, ensuite, de la seconde décision attaquée, le rejet implicite de la réclamation correspondante ne constitue qu’une confirmation de ladite décision, de sorte que les conclusions en annulation dirigées contre la décision implicite de rejet de ladite réclamation sont dépourvues de contenu autonome. Il s’ensuit que de telles conclusions en annulation doivent être considérées comme étant formellement dirigées contre la seconde décision attaquée.
B. Sur le fond
1. Sur les conclusions en annulation visant la première décision attaquée
45 Au soutien de ses conclusions en annulation visant la première décision attaquée, le requérant invoque six moyens, tirés, le premier, de l’absence de motivation et de la violation du droit d’être entendu, le deuxième, de la violation des articles 21 bis et 22 bis du statut, le troisième, d’un détournement de procédure, le quatrième, de violations du droit à un procès équitable et du principe d’égalité de traitement, le cinquième, d’une erreur manifeste d’appréciation, le sixième, de la violation des devoirs d’assistance et de sollicitude et de la violation du principe de proportionnalité.
46 Le Tribunal estime opportun d’examiner, successivement, le premier, le cinquième, le sixième, le troisième, le deuxième et, enfin, le quatrième moyen.
a) Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’obligation de motivation et de la violation du droit d’être entendu
47 Le premier moyen se décompose en deux branches, tirées, la première, d’une violation de l’obligation de motivation et, la seconde, d’une violation du droit d’être entendu.
1) Sur la première branche du premier moyen
48 Le requérant avance que la première décision attaquée est entachée d’un vice de motivation en ce qu’il ne serait pas en mesure de comprendre les motifs sous-tendant son licenciement. À cet égard, il fait valoir que cette incompréhension résulte d’un faisceau d’éléments.
49 Tout d’abord, le requérant soutient que le directeur exécutif a d’abord laissé penser qu’un maintien de son contrat d’engagement était possible, et a invoqué exclusivement, sans l’expliciter, son comportement inapproprié. Par ailleurs, il affirme ne pas avoir bénéficié de rapports d’évaluation en temps utile et n’avoir jamais discuté de l’évènement du 1er août 2018 avec le chef de l’unité en cause. En outre, il prétend qu’aucune des informations invoquées au soutien d’une rupture de confiance ne lui a jamais été ni communiquée, ni expliquée, de sorte qu’il ne pouvait se douter du motif justifiant son licenciement. Qui plus est, la rupture de confiance, contrairement à ce qui est prévu concernant les contrats d’assistants parlementaires, ne serait pas un motif de rupture expressément prévu par le RAA pour ses agents. Enfin, la première décision attaquée n’expliquerait pas les raisons pour lesquelles le maintien du statu quo, initialement envisagé, n’était plus possible.
50 Frontex conteste l’argumentation du requérant.
51 Il convient de rappeler que l’obligation pour l’administration de motiver ses décisions, consacrée à l’article 41, paragraphe 2, sous c), de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »), d’ailleurs également énoncée à l’article 25, deuxième alinéa, du statut, constitue un principe essentiel du droit de l’Union européenne auquel il ne saurait être dérogé qu’en raison de considérations impérieuses (ordonnance du 17 juin 2019, BS/Parlement, T‑593/18, non publiée, EU:T:2019:425, point 78).
52 L’obligation de motivation a pour objet, d’une part, de fournir à l’intéressé une indication suffisante pour savoir si la décision est bien fondée ou si elle est entachée d’un vice permettant d’en contester la légalité et, d’autre part, de permettre au juge d’exercer son contrôle sur la légalité de la décision (ordonnance du 17 mars 2011, Marcuccio/Commission, T‑44/10 P, EU:T:2011:94, point 32).
53 Selon une jurisprudence constante, l’étendue de l’obligation de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances concrètes, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que le destinataire peut avoir à recevoir des explications. En particulier, une décision est suffisamment motivée, dès lors qu’elle est intervenue dans un contexte connu du fonctionnaire concerné, qui lui permet de comprendre la portée de la mesure prise à son égard (voir arrêt du 3 mai 2018, SB/EUIPO, T‑200/17, non publié, EU:T:2018:244, point 42 et jurisprudence citée).
54 En l’espèce, d’une part, il ressort des motifs de la première décision attaquée, comme indiqué au point 20 ci-dessus, que l’adoption de celle-ci a été motivée par une rupture irréparable du lien de confiance entre Frontex et le requérant, qui résulte de l’attitude non professionnelle et irrespectueuse de ce dernier au cours de l’année précédant ladite décision, et par l’impossibilité pour Frontex de maintenir, en raison de l’intérêt du service, le statu quo.
55 À cet égard, l’AHCC évoque, tout d’abord, en tant qu’évènement principal, le comportement inapproprié du requérant ainsi que sa transgression des instructions claires et précises données par le chef de l’unité en cause lors de la réunion du 1er août 2018 et, ensuite, les circonstances que le requérant a renseigné, dans une fiche de présence, à tort, la présence au bureau du consultant externe les 16 et 17 janvier 2019, a remis en cause, sans consultation préalable du chef de ladite unité, le souhait des contractants de faire remplacer ce consultant par un autre consultant, a distribué le procès-verbal de la réunion interne du 24 janvier 2019 à des membres du personnel déterminés, à l’exclusion du chef de cette unité, et a renseigné, dans ce même procès-verbal, des informations qui n’ont pas été mentionnées lors de la réunion.
56 Force est donc de constater que, contrairement à ce que soutient le requérant, la première décision attaquée expose les motifs sur lesquels l’AHCC s’est fondée aux fins de son adoption et indique la raison subséquente pour laquelle le maintien du statu quo n’était plus possible.
57 D’autre part, il est constant que l’adoption de la première décision attaquée a été précédée, d’une part, du courrier du 10 juin 2019, par lequel l’AHCC informait le requérant qu’elle envisageait deux options concernant l’emploi de ce dernier, à savoir maintenir le statu quo ou mettre fin au contrat sur la base de l’article 47 du RAA pour conduite inappropriée au cours de l’année 2018, et en particulier lors de la réunion du 1er août 2018 et, d’autre part, de la communication au requérant, le 19 juillet 2019, du dossier de preuves comportant attestations et courriels relatifs aux motifs évoqués par l’AHCC dans ladite décision.
58 Par conséquent, la première décision attaquée est intervenue dans un contexte connu du requérant ; ce dernier a été mis en mesure d’en apprécier la légalité et le bien-fondé et de décider de l’opportunité ou non de la soumettre au contrôle juridictionnel prévu par l’article 91 du statut. De même, la motivation contenue dans cette décision et la décision explicite de rejet de la réclamation correspondante permet au Tribunal d’exercer son contrôle sur la légalité de ladite décision.
59 Concernant les autres arguments du requérant, force est de constater que ceux-ci visent, en substance, soit à remettre en cause le bien-fondé des motifs de la première décision attaquée, soit à démontrer que le requérant n’a pas été utilement entendu au sujet des motifs ayant fondé ladite décision. Dans ces conditions, ces arguments seront examinés ultérieurement avec les griefs du requérant liés directement à ces questions.
60 Il s’ensuit que la première branche du premier moyen doit être écartée.
2) Sur la seconde branche du premier moyen
61 Le requérant allègue que son droit d’être entendu a été méconnu, en violation de l’article 41 de la Charte.
62 Premièrement, le requérant soutient qu’il n’a pas été entendu utilement sur le motif justifiant son licenciement. Selon lui, nul ne l’a informé d’une rupture du lien de confiance avant que ce motif ne soit invoqué dans la première décision attaquée, de sorte qu’il ne pouvait se douter du motif justifiant son licenciement. De plus, il fait valoir que les documents qui lui ont été communiqués dans le dossier de preuves n’ont jamais été expliqués par l’AHCC, qui les a invoqués sans expliquer en quoi ils constituaient la preuve d’un comportement qui pourrait légalement fonder une rupture de confiance.
63 Deuxièmement, le requérant soutient que l’AHCC n’était pas fondée à le contraindre à présenter ses observations, alors même qu’il était en congés de maladie de longue durée, justifiés et prolongés à plusieurs reprises, qu’il a sollicité, en vain, des reports plus longs de délai de réponse, et que ceux-ci ont été étendus d’à peine quelques jours ouvrables, au motif que sa maladie ne l’empêchait pas d’écrire des emails ou d’envoyer des courriers.
64 Troisièmement, le requérant estime qu’il n’a manifestement pas été lu en ses observations, puisque l’AHCC soutient, dans la première décision attaquée, qu’il ne conteste pas les faits et les reproches formulés, alors qu’une lecture des courriers qu’il a transmis à l’attention de l’AHCC suffit pour constater qu’il a longuement contesté les allégations formulées.
65 Quatrièmement, le requérant ajoute, dans la réplique, qu’il n’a pas été suffisamment informé des conséquences que l’AHCC envisageait de tirer de son comportement dans la mesure où elle n’a pas indiqué son intention de résilier son contrat sur la base de l’article 47, sous b), ii), du RAA. Ainsi, il estime ne pas avoir été mis en mesure de comprendre que l’hypothèse du non-renouvellement de son contrat sur la base de l’article 47, sous b), i), du RAA était exclue. Au soutien de son argumentation, il invoque l’arrêt du 29 avril 2015, CJ/ECDC (F‑159/12 et F‑161/12, EU:F:2015:38), dont il ressortirait que l’AHCC aurait dû l’entendre sur les conséquences qu’elle envisageait de tirer de son comportement et, en particulier, sur son intention de résilier son contrat sur le fondement de l’article 47, sous b), ii), du RAA.
66 Frontex conteste l’argumentation du requérant.
67 Selon l’article 41, paragraphe 2, sous a), de la Charte, toute personne a le droit d’être entendue avant qu’une mesure individuelle qui l’affecterait défavorablement ne soit prise à son égard. En outre, le respect du droit d’être entendu s’impose même lorsque la réglementation applicable ne prévoit pas expressément une telle formalité (voir, en ce sens, arrêt du 3 juillet 2014, Kamino International Logistics et Datema Hellmann Worldwide Logistics, C‑129/13 et C‑130/13, EU:C:2014:2041, point 39).
68 Selon la jurisprudence, le droit d’être entendu garantit à toute personne la possibilité de faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue au cours d’une procédure administrative et avant l’adoption d’une décision susceptible d’affecter de manière défavorable ses intérêts (voir, en ce sens, arrêt du 1er octobre 2009, Foshan Shunde Yongjian Housewares & Hardware/Conseil, C‑141/08 P, EU:C:2009:598, point 83).
69 En l’espèce, il est constant que la première décision attaquée, qui prononce la résiliation du contrat d’agent temporaire du requérant, constitue une mesure individuelle, prise à l’encontre de ce dernier et l’affectant défavorablement, au sens de l’article 41, paragraphe 2, sous a), de la Charte (voir, en ce sens, arrêt du 10 janvier 2019, RY/Commission, T‑160/17, EU:T:2019:1, point 29).
70 Le requérant avait donc le droit d’être entendu avant l’adoption de la première décision attaquée, même si l’article 47, sous b), ii), du RAA, sur le fondement duquel cette décision a été adoptée, ne prévoit pas spécifiquement un tel droit (voir, en ce sens, arrêt du 10 janvier 2019, RY/Commission, T‑160/17, EU:T:2019:1, point 40).
71 Or, il convient de rappeler que, lorsqu’une décision ne peut être prise que dans le respect du droit d’être entendu, l’intéressé doit être mis en mesure de faire connaître utilement son point de vue au sujet de la mesure envisagée, dans le cadre d’un échange écrit ou oral initié par l’AHCC et dont la preuve incombe à celle-ci (arrêt du 10 janvier 2019, RY/Commission, T‑160/17, EU:T:2019:1, point 45).
72 En ce qui concerne les premier et quatrième arguments du requérant, qui doivent être examinés ensemble, il ressort du libellé de la première décision attaquée que la mise en œuvre de l’article 47, sous b), ii), du RAA est motivée par la constatation que le comportement inapproprié et non professionnel du requérant au cours de l’année ayant précédé ladite décision a entraîné une rupture irréparable du lien de confiance entre Frontex et ce dernier. Cette constatation est fondée, principalement, sur le dossier de preuves qui avait été porté à la connaissance du directeur exécutif.
73 Il y a lieu de rappeler, tout d’abord, que, conformément à la jurisprudence citée au point 71 ci‑dessus, lorsqu’une décision ne peut être prise que dans le respect du droit d’être entendu, l’intéressé doit avoir été mis en mesure de faire connaître utilement son point de vue au sujet de la mesure envisagée par l’AHCC. En l’espèce, il est constant que le requérant, après y avoir été invité par l’AHCC, a présenté ses observations à deux reprises : le 27 juin 2019 sur le courrier du 10 juin 2019 et le 5 août 2019 sur le dossier de preuves. Il a en outre formulé des observations complémentaires spontanées dans un courrier du 12 juillet 2019. Il convient donc de déterminer si, en l’espèce, le requérant a bien été informé, en temps utile, de la mesure envisagée par l’AHCC.
74 En premier lieu, sur l’argument du requérant tiré de ce qu’il n’a pas été mis en mesure de comprendre que l’AHCC envisageait de résilier son contrat sur le fondement de l’article 47, sous b), ii), du RAA, il convient, tout d’abord, d’observer que, dans le courrier du 10 juin 2019, le directeur exécutif, en sa qualité d’AHCC, l’a informé qu’il envisageait deux options concernant son emploi, à savoir soit maintenir le statu quo, soit mettre fin au contrat sur la base de l’article 47 du RAA. Or, à cet égard, il y a lieu de relever que, comme le soutient Frontex, l’expression anglaise « to terminate » (mettre fin), utilisée par l’AHCC dans ledit courrier, vise expressément l’action de résilier le contrat du requérant et, en ce sens, n’est pas équivoque. Par ailleurs, il ressort du dossier que, par courriel du 29 juillet 2019, I, cheffe du service des ressources humaines et de l’unité « Sécurité » de Frontex, a apporté au requérant des précisions sur le courriel du directeur exécutif du 11 juin 2019 en lui communiquant le libellé des dispositions de l’article 47, sous b), i), et ii), du RAA. Il y a donc lieu de considérer que le requérant a bien été mis en mesure de comprendre que l’AHCC envisageait de mettre prématurément fin à son contrat. En tout état de cause, la circonstance que le requérant ait lui-même fait usage, dans ses observations du 27 juin 2019, du terme anglais « dismissal » (licenciement) prouve, à suffisance, qu’il avait compris que l’AHCC envisageait, en unique alternative au maintien du statu quo, de résilier son contrat d’engagement.
75 L’argument du requérant selon lequel il ne lui a pas été possible de comprendre que le non-renouvellement de son contrat d’agent temporaire, prévu par l’article 47, sous b), i), du RAA, n’était plus envisagé, à ce stade, par l’AHCC doit aussi être écarté pour le même motif.
76 Cette conclusion n’est pas remise en cause par la jurisprudence, invoquée par le requérant, issue de l’arrêt du 29 avril 2015, CJ/ECDC (F‑159/12 et F‑161/12, EU:F:2015:38). Il ressort, en effet, des points 122 et 123 de cet arrêt que l’irrégularité constatée, dans l’affaire ayant donné lieu au même arrêt, par le Tribunal résidait dans la seule circonstance que les indications fournies à la partie requérante avant l’adoption de la décision attaquée, et selon lesquelles son comportement « pourrait avoir des conséquences sur son rapport de notation, voire “des conséquences plus sérieuses” », ne la mettaient pas en mesure de comprendre avec certitude que l’AHCC envisageait de résilier son contrat d’engagement. Contrairement aux circonstances propres à cette affaire, il convient de relever que, en l’espèce, ainsi que cela ressort, en substance, du point 74 ci-dessus, le requérant a bien été mis en mesure de comprendre avec certitude que l’AHCC envisageait de mettre prématurément fin à son contrat.
77 En second lieu, sur l’argument du requérant tiré de la circonstance qu’il n’a pas été entendu sur le motif de la rupture du lien de confiance invoqué par l’AHCC dans la première décision attaquée, il y a lieu de relever les faits ci-après.
78 Premièrement, il ressort du libellé du courrier du 10 juin 2019 que, parmi les deux options envisagées par l’AHCC, à ce stade, quant à l’emploi du requérant, la seconde option visant à mettre prématurément fin à son contrat était envisagée « en raison de la conduite [du requérant] au cours de la dernière année et en particulier [de son] comportement lors d’une réunion […] le 1er août 2018 ».
79 Deuxièmement, et sans préjuger de l’appréciation à porter sur le bien-fondé du cinquième moyen, il convient de relever que le dossier de preuves, porté à la connaissance du requérant le 19 juillet 2019, contenait :
– les témoignages du 2 août 2018, intitulés, le premier, « Comportement inacceptable d’un membre du personnel », le deuxième, « Comportement inapproprié d’un membre du personnel » et, le troisième, « Note […] relatant la conduite [du requérant] »,
– une note du 7 août 2018 rédigée par A et intitulée « Le comportement [du requérant] »,
– un échange de courriels, datant du mois de février 2019, entre le contractant, A et le requérant, à l’occasion duquel A demandait au requérant de s’abstenir de commentaires additionnels,
– un courriel de C adressé à A dans lequel la première relève une irrégularité liée à la mention, renseignée par le requérant dans une fiche de présence, de la présence au bureau du consultant externe les 16 et 17 janvier 2019,
– un courriel du 25 janvier 2019 de C indiquant au chef de l’unité en cause ses préoccupations quant à certains problèmes impliquant, notamment, le requérant,
– la fiche de présence du consultant externe signée par le requérant,
– le procès-verbal, transmis par le requérant, d’une réunion organisée le 24 janvier 2019,
– le courriel de demande de réaffectation du requérant adressé à C et à A le 1er août 2018.
80 Dans ces circonstances, au regard soit de l’intitulé des documents figurant dans le dossier de preuves soit de leur libellé, il y a lieu de considérer que le requérant ne pouvait se méprendre sur le fait que les motifs qui lui étaient reprochés avaient uniquement trait au caractère inapproprié de ses agissements et, par suite, étaient de nature à conduire à une perte de confiance de Frontex à son égard.
81 Ainsi, si le motif de la rupture irréparable du lien de confiance n’a pas été exposé explicitement au requérant avant l’adoption de la première décision attaquée, il y a lieu de considérer que le courrier du 10 juin 2019 ainsi que le dossier de preuves contenaient les éléments factuels constituant les reproches formulés à l’égard du requérant au titre desquels Frontex envisageait de résilier son contrat. Le requérant se trouvait ainsi en mesure de répondre auxdits reproches et la circonstance que Frontex n’ait pas d’emblée indiqué formellement qu’ils pourraient être considérés comme étant de nature à rompre le lien de confiance entre elle et lui n’a pas pu, à elle seule, empêcher ce dernier de faire connaître utilement son point de vue sur la mesure envisagée.
82 Il y a donc lieu de conclure que, conformément à la jurisprudence citée au point 71 ci‑dessus, tant par son courriel du 27 juin 2019 que par son courriel du 5 août 2019, le requérant a bien été mis en mesure de faire utilement connaître son point de vue au sujet des conséquences que l’AHCC envisageait de tirer des reproches formulés à son égard et, en particulier, de son intention de résilier, éventuellement, son contrat en raison d’une rupture irréparable du lien de confiance.
83 Il résulte de ce qui précède que les premier et quatrième arguments du requérant ne sauraient prospérer.
84 S’agissant du deuxième argument du requérant, selon lequel l’AHCC aurait dû attendre les termes de ses congés de maladie pour le contraindre à présenter ses observations dans différents délais, il y a lieu de constater que l’AHCC a initialement donné au requérant un délai de 8 jours pour présenter ses observations sur le courrier du 10 juin 2019, et un délai de 10 jours pour présenter ses observations sur le dossier de preuves, et que, attendu que le requérant se trouvait en congé de maladie, l’AHCC a prorogé ces délais de, respectivement, 8 et 7 jours.
85 À cet égard, il convient de rappeler que, dans le cadre d’une procédure administrative ouverte à l’encontre d’un agent, il appartient à ce dernier d’établir son incapacité à assurer sa défense (voir, en ce sens, arrêt du 5 décembre 2002, Stevens/Commission, T‑277/01, EU:T:2002:302, point 42). En outre, ainsi que le fait valoir Frontex, il ne saurait être déduit de la simple circonstance que le requérant se trouvait en congé de maladie, laquelle permet tout au plus de considérer que celui-ci se trouvait dans l’incapacité de travailler, qu’elle était pour autant révélatrice d’une incapacité de se défendre et d’exercer son droit d’être entendu (voir, en ce sens, arrêt du 27 octobre 2016, Commission/CX, T‑493/15 P, non publié, EU:T:2016:636, point 49). Or, en l’espèce, il n’est pas contesté que les certificats médicaux du requérant ne font pas état d’une impossibilité, pour ce dernier, d’assurer sa défense.
86 Partant, il y a lieu de rejeter l’argument tiré de ce que les délais impartis au requérant pour présenter ses observations ne seraient pas compatibles avec l’article 41, paragraphe 2, sous a), de la Charte.
87 Quant au troisième argument du requérant, tiré de ce qu’il n’a manifestement pas été lu en ses observations, il y a lieu de rappeler que le droit d’être entendu implique que l’administration prête toute l’attention requise aux observations ainsi soumises par l’intéressé en examinant, avec soin et impartialité, tous les éléments pertinents du cas d’espèce (arrêt du 10 janvier 2019, RY/Commission, T‑160/17, EU:T:2019:1, point 26).
88 Toutefois, il ne saurait être déduit de ce qu’une décision attaquée fait grief à la partie requérante que les arguments de cette dernière n’ont pas été pris en compte et que son droit d’être entendue a été méconnu (voir, en ce sens, arrêt du 28 mars 2012, BD/Commission, F‑36/11, EU:F:2012:49, point 61). En l’espèce, contrairement aux dires du requérant, il ressort du dossier que l’AHCC a bien pris en compte les écritures du requérant auxquelles elle se réfère, et ce notamment lorsqu’elle évoque, dans la première décision attaquée, les observations du requérant du 27 juin 2019. Le rejet de la réclamation correspondante témoigne, de plus, d’un réexamen des reproches adressés au requérant. En toute hypothèse, le respect des droits de la défense ne requiert aucunement des institutions, organes ou organismes de l’Union qu’ils répondent à chaque argument soulevé au cours de la procédure, mais uniquement qu’ils mettent les parties intéressées en mesure de défendre utilement leurs intérêts (voir, en ce sens, arrêt du 25 octobre 2011, Transnational Company « Kazchrome » et ENRC Marketing/Conseil, T‑192/08, EU:T:2011:619, point 327).
89 Il en résulte que la seconde branche du premier moyen doit être rejetée et, par suite, ledit moyen dans son ensemble.
b) Sur le cinquième moyen, tiré d’une erreur manifeste d’appréciation
90 Le requérant soutient que l’AHCC a commis une erreur manifeste d’appréciation en concluant à l’existence de comportements justifiant la rupture irréparable du lien de confiance.
91 Concernant, premièrement, le comportement reproché lors de la réunion du 1er août 2018, le requérant soutient que celui-ci n’était ni inapproprié, ni injustifié. À cet égard, il allègue que c’est en fait le directeur général du contractant qui a manifestement été très critique et l’a provoqué, ainsi que cela ressortirait de l’attestation du 2 août 2018 établie par C. Par ailleurs, il affirme avoir été surpris du changement d’attitude de son chef d’unité qui, contrairement à ce qui était convenu avant la réunion, a soudainement décidé, pendant la réunion, de finalement poursuivre les relations avec le contractant.
92 Le requérant avance ensuite qu’il ne saurait être considéré qu’il était en récidive d’un comportement prétendument inacceptable dans la mesure où il n’a été informé de la perception qu’avait l’administration de son comportement lors de la réunion du 1er août 2018 qu’un an après l’incident. De plus, il prétend ne pas comprendre la raison pour laquelle ce comportement ne lui a jamais été reproché auparavant, ni par le biais de ses rapports d’évaluation, qui faisaient par ailleurs défaut, ni par une communication interne de Frontex, et indique qu’aucun avertissement ni aucune procédure disciplinaire éventuelle n’ont été adressés ou initiés avant que cet évènement ne lui soit notifié et soit utilisé contre lui un an après sa survenance.
93 Enfin, le requérant fournit, dans les annexes de la réplique, le témoignage du consultant externe ayant assisté à la réunion du 1er août 2018 dans lequel ce dernier affirme que son comportement était « professionnel et approprié », et indique que, « en aucune façon, son attitude n’était agressive ou offensive », ce qui confirmerait la position qu’il défend depuis le début.
94 Concernant, deuxièmement, la feuille de présence dans laquelle il aurait indiqué des informations erronées en attestant qu’un consultant externe était physiquement présent dans les locaux de Frontex les 16 et 17 janvier 2019, alors que ce n’était pas le cas, le requérant soutient que le chef de section concerné avait marqué son accord sur le travail à distance dudit consultant à ces dates et que c’est précisément en raison d’un accident que ce consultant travaillait de chez lui ce jour-là. Il ajoute qu’il avait indiqué, dès le 16 janvier 2019, que le même consultant avait eu un accident, ce qui démontrerait sa transparence. Enfin, il produit, en annexe à la réplique, un document écrit, signé par le consultant en question et par lui-même, dans lequel il l’autorise à télétravailler durant deux jours.
95 Concernant, troisièmement, son courriel du 27 février 2019 en réponse au courriel du contractant annonçant le remplacement d’un consultant, le requérant soutient que sa réponse a été mal interprétée par l’administration, car elle n’est pas inappropriée et a simplement visé à constater la qualité du travail du consultant externe. Il avance en outre que, même s’il ne figurait qu’en copie dudit courriel et si le chef de l’unité en cause en était le destinataire principal, le courriel lui était personnellement adressé (du fait de l’expression « [c]her [requérant] ») et que, au surplus, le chef de ladite unité n’avait exprimé aucune position préalable, de sorte qu’il ne saurait être considéré que, en répondant à ce courriel, il aurait commis un manquement à ses obligations professionnelles. Il ajoute que, dès l’instant où le chef de cette unité lui a demandé de ne plus adresser de commentaire additionnel, il a suivi cette instruction à la lettre. Enfin, il fait observer, dans la réplique, que la supervision de ce consultant lui incombait exclusivement.
96 Concernant, quatrièmement, le procès-verbal de la réunion du 24 janvier 2019 rédigé par lui, le requérant soutient qu’il n’a jamais violé la moindre règle en adressant ledit procès-verbal aux deux personnes sélectionnées et que l’envoi a été fait dans le but de faire transmettre, par l’organisateur de ladite réunion, ce procès-verbal aux participants et aux différentes parties intéressées, et non de cacher le document à d’autres personnes. Selon lui, le chef de l’unité en cause a été dérangé par la précision du détail fourni dans ce compte rendu et il est manifestement erroné de prétendre, sans avoir interrogé aucun des onze autres participants à cette réunion, que le procès-verbal en cause contient des informations qui n’ont pas été abordées durant la même réunion. Au contraire, il affirme avoir reçu, de la part des deux destinataires, des félicitations pour le caractère détaillé dudit compte rendu.
97 Au stade de la réplique, le requérant avance que le procès-verbal de la réunion du 24 janvier 2019 qu’il a transmis aux deux responsables chargés de la communication n’était qu’un projet et que ceux-ci ont, par leur absence de réaction, avalisé le contenu dudit projet. Par ailleurs, le chef de l’unité en cause ne se serait jamais soucié de n’avoir reçu aucun compte rendu de cette réunion avant l’été 2019, soit plusieurs mois après sa tenue. Somme toute, le requérant estime que les allégations formulées à son égard concernant ce procès-verbal ne relèvent que d’une opinion dissidente quant à ses prestations, c’est-à-dire une appréciation qui ne justifie pas son licenciement et qui aurait dû être signalée en temps utile, notamment dans un rapport de notation, ou faire l’objet d’une discussion de manière à éviter que cela ne se reproduise.
98 Enfin, le requérant soutient que le contenu de son courrier du 27 juin 2019 ne peut servir de base à un licenciement dans la mesure où il s’agit d’une tentative d’exercer son droit d’être entendu, malgré le peu de temps imparti, étant donné le caractère sérieux des allégations soulevées à son égard et son état médical.
99 Frontex conteste l’argumentation du requérant.
100 Il y a lieu de rappeler, à titre liminaire, qu’il est de jurisprudence constante que, s’agissant de la résiliation d’un contrat d’agent temporaire à durée déterminée, l’autorité compétente dispose, conformément à l’article 47, sous b), ii), du RAA et dans le respect du préavis prévu au contrat, d’un large pouvoir d’appréciation, le contrôle du juge de l’Union devant dès lors se limiter à la vérification de l’absence d’erreur manifeste ou de détournement de pouvoir (voir, par analogie, s’agissant d’un contrat d’agent temporaire à durée indéterminée, arrêt du 4 décembre 2013, ETF/Michel, T‑108/11 P, EU:T:2013:625, point 77, et, s’agissant d’un agent contractuel, arrêt du 29 avril 2015, CJ/ECDC, F‑159/12 et F‑161/12, EU:F:2015:38, point 188).
101 S’agissant de l’intérêt du service, il ressort de la jurisprudence que l’AHCC peut décider de résilier un contrat d’agent temporaire à durée déterminée de façon anticipée au motif qu’un ou plusieurs manquements de l’agent concerné à ses devoirs professionnels ont provoqué une rupture du lien de confiance entre elle et l’agent et qu’il est exclu de pouvoir rétablir ce lien, rendant, par conséquent, plus difficile, voire impossible, l’accomplissement, en collaboration avec cet agent, de missions dévolues à l’Union (voir, en ce sens, arrêt du 23 octobre 2013, Gomes Moreira/ECDC, F‑80/11, EU:F:2013:159, point 67).
102 Dans ce contexte, établir que l’administration a commis une erreur manifeste dans l’appréciation des faits de nature à justifier l’annulation de la décision prise sur la base de cette appréciation suppose que les éléments de preuve, qu’il incombe à la partie requérante d’apporter, soient suffisants pour priver de plausibilité les appréciations retenues par l’administration. En d’autres termes, le moyen tiré de l’erreur manifeste doit être rejeté si, en dépit des éléments avancés par la partie requérante, l’appréciation mise en cause peut toujours être admise comme justifiée et cohérente (arrêt du 12 septembre 2019, Manéa/CdT, T‑225/18, non publié, EU:T:2019:595, point 64).
103 En l’espèce, la première décision attaquée est motivée par la rupture irréparable du lien de confiance entre le requérant et Frontex, due à un enchaînement de comportements du requérant survenus entre le 1er août 2018 et le 30 août 2019. En effet, ladite décision fait état de plusieurs éléments de fait à propos desquels l’AHCC a estimé que, pris ensemble, ils étaient de nature à rompre ledit lien de confiance. À cet égard, dans la mesure où, dans ses écritures, le requérant conteste chacun des éléments qui lui sont reprochés, il y a lieu d’examiner ses arguments en vue de déterminer si, comme il le prétend, Frontex a commis une erreur manifeste d’appréciation en considérant que ce lien de confiance était rompu de manière irréparable.
104 En ce qui concerne, à titre préalable, l’argument du requérant qui consiste à penser que la rupture du lien de confiance ne serait pas un motif de résiliation expressément prévu par le RAA pour ses agents, il suffit de constater, pour l’écarter, que la résiliation anticipée d’un contrat d’agent temporaire peut être fondée sur un comportement de l’agent concerné entraînant la rupture du lien de confiance entre celui-ci et l’AHCC (arrêt du 3 décembre 2013, CT/EACEA, F‑36/13, EU:F:2013:190, point 43).
105 Tout d’abord, concernant la conduite du requérant lors de la réunion du 1er août 2018, les témoignages du 2 août 2018 font état d’observations, en substance, analogues, attestant que le requérant s’est exprimé, lors de ladite réunion, « d’une manière offensive et hostile, s’adressant au [contractant] dans un langage ferme […] complètement inapproprié pour une réunion de travail », et ce « en dépit des instructions claires » et « des tentatives répétées [du chef de l’unité en cause] de tempérer les fortes interventions [du requérant] », à tel point que le chef de ladite unité a décidé d’interrompre et de poursuivre la réunion en l’absence, notamment, du requérant. Par conséquent, il convient d’observer que le directeur exécutif, en sa qualité d’AHCC, n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation des faits en considérant, dans la décision de résiliation, que le requérant avait agi « d’une façon non professionnelle et manifestement très inappropriée » et s’était comporté de sorte à présenter « un risque pour la réputation et les intérêts de l’agence ».
106 À cet égard, l’attestation, produite pour la première fois au stade de la réplique et contenant un témoignage du consultant externe sur le comportement du requérant lors de la réunion du 1er août 2018, n’est pas de nature à remettre en cause cette conclusion. En effet, il convient de rappeler que, en vertu de l’article 85, paragraphe 2, du règlement de procédure, les parties principales peuvent encore produire des preuves ou faire des offres de preuve dans la réplique et la duplique à l’appui de leur argumentation, à condition que le retard dans la présentation de celles-ci soit justifié. En l’espèce, ladite attestation est datée du 27 novembre 2020. Sur ce point, le requérant soutient qu’il n’aurait pas été en mesure de solliciter du consultant externe son témoignage, ni au stade de la procédure administrative, ni, au stade de la procédure juridictionnelle, de manière préalable au second échange de mémoires, en ce que l’enquête de l’Office européen de lutte antifraude (OLAF) en cours concernant les prétendues irrégularités qu’il a dénoncées au stade de la procédure administrative l’en aurait empêché. Il ne saurait être considéré qu’une telle allégation, non étayée, qui se réfère à une difficulté non démontrée, ait empêché le requérant de produire, au plus tard dans le cadre du premier échange de mémoires, l’attestation du 27 novembre 2020, qu’il convient donc de rejeter comme irrecevable.
107 Par ailleurs, il convient de souligner que, comme le précise Frontex dans la duplique, quand bien même le comportement du directeur général du contractant aurait été provocant à l’égard du requérant lors de la réunion du 1er août 2018, l’AHCC a pu raisonnablement estimer que cette circonstance n’était pas de nature à justifier le comportement inapproprié du requérant lors de ladite réunion. De la même manière, le requérant n’est pas fondé à soutenir que son comportement se justifiait compte tenu de la circonstance que le chef de l’unité en cause avait changé d’avis au cours de la réunion au sujet de la poursuite des relations contractuelles avec le contractant. En effet, comme le souligne Frontex, le chef de ladite unité pouvait légitimement choisir de retenir une approche différente de celle initialement fixée.
108 Quant au motif relatif à la feuille de présence dans laquelle le requérant a indiqué des informations erronées en attestant qu’un consultant externe était physiquement présent dans les locaux de Frontex les 16 et 17 janvier 2019 alors que ce n’était pas le cas, il y a lieu de constater que le requérant ne conteste pas le fait en tant que tel, mais se contente d’avancer que C avait donné son accord pour que ledit consultant travaille depuis son domicile. Partant, il y a lieu de considérer que l’AHCC a pu estimer à bon droit que, outre le fait que le requérant ne rapporte pas la preuve de cet accord, cette circonstance n’était pas de nature à justifier que, à l’inverse de ce qui peut être légitimement attendu d’un agent temporaire et d’un chef de projets de son grade, le requérant renseigne, en connaissance de cause, des informations erronées dans un document à usage interne. Concernant le courriel de ce consultant envoyé au requérant le 25 novembre 2020 et l’attestation du 15 janvier 2019 qu’il contient en annexe, produits par le requérant pour la première fois au stade de la réplique, il y a lieu de les rejeter comme irrecevables pour le même motif que celui évoqué au point 106 ci-dessus. En tout état de cause, l’AHCC a pu considérer que la circonstance que le même consultant et le requérant aient cosigné une attestation visant à marquer leur accord sur le fait que le premier travaillerait depuis son domicile les 16 et 17 janvier 2019 ne signifiait pas pour autant que le requérant pouvait légitimement indiquer la présence physique du premier dans les locaux de Frontex auxdites dates, ni même qu’il pouvait prendre cette décision sans en référer préalablement à son supérieur hiérarchique.
109 Sur le motif relatif au procès-verbal de la réunion du 24 janvier 2019, il y a lieu d’observer que l’AHCC reproche principalement au requérant de n’avoir jamais transmis ledit procès-verbal au chef de l’unité en cause, alors même qu’il l’aurait transmis à d’autres destinataires. Il y a lieu de constater, tout d’abord, que le requérant ne conteste pas avoir omis de communiquer le procès-verbal au chef de ladite unité et prétend n’avoir commis aucun manquement à cet égard. Il ressort en outre du dossier que le requérant a transmis, le 29 janvier 2019, ledit procès-verbal à E et à F afin de recueillir leurs appréciations sur son contenu. Toutefois, ni à cette occasion, ni après avoir reçu les commentaires de ses deux collègues, le requérant n’a jugé bon de transmettre ledit procès-verbal au chef de cette unité. Or, il y a lieu de considérer que l’AHCC a pu estimer à bon droit qu’un tel document, qui avait pour objet de fournir le compte rendu d’une réunion de la même unité au sujet du projet en cause ainsi qu’une analyse des risques, aurait dû être transmis par le requérant au chef de l’unité concernée.
110 Quant au motif tenant à la circonstance que le requérant a remis en cause, par son courriel du 28 février 2019, en réponse au courriel d’un contractant de Frontex du 27 février 2019, le souhait de ce dernier de remplacer le consultant externe, il y a lieu de relever que le requérant, s’il ne conteste pas avoir répondu audit contractant sans consulter au préalable le chef de l’unité en cause, soutient néanmoins que sa réponse ne serait pas inappropriée en ce qu’elle visait simplement à constater la qualité du travail dudit consultant. Or, il convient d’observer que, en l’espèce, le chef de ladite unité était le destinataire principal du courriel du 27 février 2019, le requérant ne figurant qu’en tant que destinataire en copie. Par conséquent, il convient de considérer que Frontex était fondée à considérer que le requérant aurait dû, avant de prendre position sur le courriel du 27 février, à tout le moins consulter le chef de cette unité.
111 En conséquence, il y a lieu de constater que les éléments invoqués par le requérant ne sont pas suffisants pour priver de plausibilité l’appréciation de l’AHCC selon laquelle un examen d’ensemble des motifs exposés dans la décision de résiliation conduit au constat de la rupture irréparable du lien de confiance entre Frontex et le requérant, cette appréciation pouvant toujours, malgré ces éléments, être admise comme justifiée et cohérente.
112 Le constat formulé au point 111 ci-dessus n’est, en outre, pas remis en cause par les autres arguments du requérant.
113 En ce qui concerne l’argument du requérant selon lequel l’AHCC ne pourrait fonder, à titre principal, la rupture irréparable du lien de confiance sur un évènement survenu plus d’un an auparavant, il y a lieu de relever que, d’une part, la première décision attaquée n’est pas exclusivement fondée sur le comportement du requérant lors de la réunion du 1er août 2018, mais sur un enchaînement de comportements de ce dernier intervenus au cours des années 2018 et 2019 et que, d’autre part, selon la jurisprudence, des comportements intervenus sur un laps de temps plus long que celui en cause en l’espèce, ou en tout cas leur accumulation, pouvaient conduire à une telle rupture [voir, en ce sens, arrêt du 2 avril 2019, Fleig/SEAE, T‑492/17, EU:T:2019:211, point 92 (non publié)].
114 De même, il y a lieu d’écarter l’argument du requérant selon lequel son courrier du 27 juin 2019 ne pouvait servir de base à la première décision attaquée. En effet, d’une part, ainsi que cela ressort des points 85 et 86 ci‑dessus, l’AHCC n’était pas tenue d’attendre les termes de ses congés de maladie pour le contraindre à présenter ses observations dans différents délais et, d’autre part, force est de constater que la mention, par Frontex, des observations formulées par le requérant dans ledit courriel n’intervient qu’à titre subsidiaire, dans le seul but de conforter le constat, déjà établi, du caractère inapproprié du comportement du requérant.
115 Dans ce contexte, il y a lieu de constater que Frontex n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation en estimant que les agissements du requérant avaient irréparablement rompu le lien de confiance qui devait exister entre eux.
116 Par conséquent, il convient de rejeter le cinquième moyen.
c) Sur le sixième moyen, tiré de la violation des devoirs d’assistance et de sollicitude et de la violation du principe de proportionnalité
117 Le requérant soutient, en substance, que le choix du licenciement sur la base des quelques évènements décrits dans la première décision attaquée serait manifestement disproportionné et que l’action de l’administration a violé les devoirs d’assistance et de sollicitude.
118 Tout d’abord, le requérant affirme que, dès lors qu’il souffrait psychologiquement, que ses absences pour maladie se sont succédé et qu’elles ont été considérées comme justifiées par le service médical, l’AHCC aurait pu suivre l’avis de ce dernier selon lequel sa réaffectation devait être privilégiée. Il rappelle à cet égard qu’il sollicitait cette réaffectation depuis le 1er août 2018.
119 Le requérant souligne également que l’AHCC disposait aussi d’autres alternatives, telles que le contraindre à un congé de maladie si elle estimait que son état le justifiait, ou, puisque le bénéfice du doute aurait dû lui être accordé, poursuivre son contrat jusqu’à son terme, le 30 mars 2020. Or, de toutes les possibilités qui existaient, l’AHCC aurait mis en œuvre la plus préjudiciable, et ce de manière manifestement disproportionnée.
120 Le requérant soutient, en outre, qu’il ne s’explique pas les raisons qui peuvent impliquer, légalement et valablement, qu’un « épisode » puisse fonder un licenciement pour rupture irréparable du lien de confiance près d’une année après le déroulement de cet « épisode ».
121 Frontex conteste l’argumentation du requérant.
122 Le Tribunal constate d’emblée que, dans ses écritures, le requérant ne développe pas d’argument au soutien du grief tiré de la violation du devoir d’assistance. Ce grief, énoncé de manière abstraite et qui n’est étayé par aucune argumentation, contrairement à la règle prévue à l’article 76, sous d), du règlement de procédure, doit par conséquent être déclaré irrecevable.
123 Quant au grief selon lequel le requérant soutient, en substance, que, à supposer que les faits qui lui sont reprochés soient établis, en adoptant la première décision attaquée, l’AHCC a violé le principe de proportionnalité en ce qu’elle aurait pu prendre une mesure différente et, en tout état de cause, moins sévère que le licenciement, il y a lieu de constater que le requérant se limite à indiquer que l’AHCC aurait pu adopter à son égard une décision de réaffectation vers un autre service, décider de poursuivre le contrat jusqu’à son terme, ou encore mettre en œuvre l’article 59 du statut qui lui permet de contraindre un membre du personnel à une absence pour maladie si elle estime que son état le justifie.
124 Toutefois, pour démontrer une violation du principe de proportionnalité, il appartient au requérant d’avancer des éléments ou des arguments démontrant qu’il aurait été réellement possible que l’AHCC mette en œuvre les mesures proposées, en tenant compte de ce que la première décision attaquée se fonde sur une rupture irréparable du lien de confiance entre Frontex et lui, ce qu’il a manqué de faire. En effet, les mesures proposées par le requérant présupposent toutes deux, comme Frontex le fait remarquer, sinon l’existence d’un rapport de confiance entre Frontex et lui, à tout le moins la possibilité de rétablir le rapport de confiance qui a été rompu.
125 Dans ces circonstances, le grief tiré de la violation du principe de proportionnalité doit être écarté.
126 Concernant le grief tiré de la violation du devoir de sollicitude, il ne saurait prospérer. En effet, si le devoir de sollicitude implique que l’autorité compétente est tenue, lorsqu’elle apprécie l’intérêt du service, de prendre en considération l’ensemble des éléments qui sont susceptibles de déterminer sa décision, notamment l’intérêt de l’agent concerné, la prise en compte de l’intérêt personnel de ce dernier ne saurait aller jusqu’à interdire à ladite autorité de licencier cet agent malgré l’opposition de ce dernier, dès lors que l’intérêt du service l’exige (voir, en ce sens, arrêt du 9 septembre 2015, De Loecker/SEAE, F‑28/14, EU:F:2015:101, point 115).
127 Par ailleurs, il importe de rappeler que le devoir de sollicitude ne saurait aller jusqu’à entraîner, pour l’autorité compétente, une obligation d’examiner, de manière préalable, la possibilité de réaffecter l’agent à de nouvelles tâches et fonctions avant de décider de ne pas renouveler son contrat (arrêts du 21 mai 2014, Commission/Macchia, T‑368/12 P, EU:T:2014:266, points 56 et 57, et du 10 octobre 2014, EMA/BU, T‑444/13 P, EU:T:2014:865, point 30).
128 Par suite, le sixième moyen doit être rejeté.
d) Sur le troisième moyen, tiré d’un détournement de procédure
129 Selon le requérant, le chef de l’unité en cause a invoqué de manière soudaine le motif de la rupture de confiance entre lui et Frontex uniquement en raison de sa constante opposition à participer à des malversations et à des irrégularités.
130 Premièrement, le requérant affirme qu’il a été soumis à une pression constante, isolé, dénigré et persécuté depuis le 1er août 2018, soit le jour où il s’est formellement plaint de l’irrégularité des instructions reçues quant à la gestion du projet en cause et à la manière de traiter avec le contractant.
131 Deuxièmement, le requérant estime que les faits qui lui sont reprochés sont corroborés par des attestations qui n’ont jamais figuré dans son dossier personnel, dont la véracité n’est pas démontrée, qui lui ont été dissimulées ou qui ont été produites par Frontex au cours de la procédure juridictionnelle et rédigées par des témoins partiaux. En outre, il soutient que l’AHCC a décidé de ne pas tenir compte des allégations qu’il avait soulevées pour se défendre.
132 Troisièmement, le requérant fait valoir que, eu égard à la circonstance que le chef de l’unité en cause ait été remplacé en septembre 2018, il serait surprenant qu’une rupture de confiance entre lui et Frontex soit invoquée aussi soudainement en juin 2019 sur la base, principalement, d’un évènement daté d’août 2018, soit un mois avant son entrée en fonction.
133 Frontex conteste l’argumentation du requérant.
134 Selon une jurisprudence constante, une décision n’est entachée de détournement de pouvoir, dont le détournement de procédure n’est qu’une forme, que si elle apparaît, sur la base d’indices objectifs, pertinents et concordants, avoir été prise pour atteindre des fins autres que celles excipées. À cet égard, il y a lieu de rappeler qu’il ne suffit pas au requérant d’invoquer certains faits à l’appui de ses prétentions, il lui faut encore fournir des indices suffisamment précis, objectifs et concordants de nature à soutenir la véracité de ses prétentions ou, à tout le moins, leur vraisemblance, à défaut de quoi l’exactitude matérielle des affirmations de l’institution ne saurait être remise en cause (voir arrêt du 12 juillet 2018, PA/Parlement, T‑608/16, non publié, EU:T:2018:440, point 42 et jurisprudence citée).
135 En premier lieu, il ressort de la requête que le requérant avance un certain nombre d’arguments qui doivent, en tant qu’ils sont soulevés à l’appui du troisième moyen, être écartés en ce qu’ils visent, en substance, à contester le bien-fondé des motifs de la première décision attaquée. En effet, il convient de rappeler que, dans le cadre de l’analyse menée aux points 103 à 111 ci-dessus, le Tribunal a admis la légalité des motifs invoqués par Frontex pour fonder ladite décision.
136 En second lieu, quant aux arguments du requérant visant à démontrer que la première décision attaquée a été prise en représailles en raison de son « opposition constante » à participer à des irrégularités et tirés de ce que l’adoption de la décision de résiliation résulterait du caractère bien fondé des allégations de fraude formulées par lui à l’égard de son chef d’unité, et des agissements d’autres membres du personnel qui, selon lui, « pourraient être impliqués », il y a lieu de relever que ceux-ci consistent en de simples affirmations non étayées par des éléments de preuve et que le requérant n’explique pas en quoi ces affirmations seraient susceptibles d’indiquer que Frontex a adopté ladite décision à des fins autres que celles excipées. En conséquence, ces arguments n’apportent pas, au sens de la jurisprudence citée au point 134 ci-dessus, d’indices objectifs, pertinents et concordants de nature à soutenir la véracité des prétentions du requérant ou, à tout le moins, leur vraisemblance.
137 Au vu de ce qui précède, le troisième moyen doit donc être rejeté.
e) Sur le deuxième moyen, tiré de la violation des articles 21 bis et 22 bisdu statut
138 Le requérant soutient que, étant donné qu’au jour de l’adoption de la seconde décision attaquée, une enquête administrative était en cours sur les faits dénoncés, le caractère légal ou illégal des ordres qui lui ont été donnés dans le cadre du contrat avec le contractant n’était pas connu au jour de la décision de résiliation. Pourtant, selon lui, c’est précisément à partir du 1er août 2018, date de la survenance du motif principal qui sous-tend la rupture de confiance entre lui et Frontex, qu’il a formellement notifié à son chef d’unité refuser d’agir en violation des règles applicables au contrat et à l’encontre des intérêts de Frontex. Il estime que cet évènement, avant même d’avoir pu être complètement enquêté, ne pouvait donc servir de fondement à la résiliation de son contrat.
139 À cet égard, il convient de rappeler que les articles 21 bis, paragraphe 3, et 22 bis, paragraphe 3, du statut énoncent, respectivement, les règles selon lesquelles, d’une part, le fonctionnaire qui signale à ses supérieurs des ordres qui lui paraissent entachés d’irrégularité, ou dont il estime que l’exécution peut entraîner de graves inconvénients ne subit aucun préjudice à ce titre et, d’autre part, pour autant qu’il ait agi de bonne foi, le fonctionnaire qui a informé sa hiérarchie de faits qui peuvent laisser présumer une activité illégale éventuelle, notamment une fraude ou une corruption, préjudiciable aux intérêts de l’Union, ou une conduite en rapport avec l’exercice de ses fonctions pouvant constituer un grave manquement aux obligations des fonctionnaires, ne subit aucun préjudice de la part de l’institution.
140 Il convient néanmoins de rappeler que les articles 21 bis, paragraphe 3, et 22 bis, paragraphe 3, du statut n’offrent pas à l’agent concerné une protection contre toute décision susceptible de lui faire grief, mais seulement contre les décisions liées aux dénonciations effectuées par lui ou prises en réaction au refus d’obéir à un ordre manifestement illégal ou contraire aux normes de sécurité applicables (voir, en ce sens, arrêt du 13 décembre 2017, CJ/ECDC, T‑692/16, non publié, EU:T:2017:894, point 110 et jurisprudence citée).
141 Or, dès lors qu’il y a lieu de constater, tel que cela résulte par ailleurs de l’examen des troisième et cinquième moyens, que, d’une part, la première décision attaquée est liée à un ensemble de comportements du requérant qui est sans rapport avec d’éventuelles dénonciations et que, d’autre part, le requérant ne démontre pas que ladite décision est liée au refus d’obéir à un ordre manifestement illégal ou contraire aux normes de sécurité applicables ou à une éventuelle dénonciation de prétendues irrégularités, il s’impose de constater que les articles 21 bis, paragraphe 3, et 22 bis, paragraphe 3, du statut ne sont pas applicables aux circonstances de l’espèce.
142 Il convient donc d’écarter le deuxième moyen.
f) Sur le quatrième moyen, tiréde violationsdu droit à un procès équitable et du principe d’égalité de traitement
143 Le requérant soutient, en substance, que la première décision attaquée viole le droit au procès équitable, dont les droits de la défense, l’équité, l’indépendance, l’impartialité, le contradictoire, la présomption d’innocence, la durée raisonnable d’une procédure et la diligence seraient les composantes et dont les obligations qui en découlent trouveraient également leur source dans le droit à une bonne administration.
144 Premièrement, le requérant fait valoir que sa présomption d’innocence n’a pas été respectée dans la mesure où il a été licencié sur la base d’un évènement isolé.
145 Deuxièmement, le requérant soutient que les faits qui lui sont reprochés n’ont fait l’objet d’aucune enquête, alors même que tout agent sujet à de telles accusations devrait être en droit de bénéficier d’une enquête dont le but serait de vérifier la véracité des reproches invoqués. Plus précisément, il allègue qu’aucune enquête n’a été réalisée en temps utile par un organisme qui répond aux critères d’objectivité, d’impartialité et de neutralité afin de fournir un rapport complet à l’AHCC.
146 Troisièmement, selon le requérant, l’instruction aurait dû être menée avec diligence, dès lors que les témoins auraient eu un intérêt personnel à défendre une position non objective, alors qu’ils étaient eux-mêmes visés par une enquête en vue d’établir l’existence d’irrégularités dans la mise en œuvre du projet en cause. Par ailleurs, il estime que le directeur exécutif a fait preuve d’une attitude arbitraire en choisissant de prendre pour avérés les faits dénoncés à son égard, en interprétant des faux aveux de sa part et en rejetant toutes les explications qu’il avait formulées pour tenter de le convaincre d’un détournement de procédure de la part du chef de l’unité en cause.
147 En outre, le requérant fait valoir que, dans la décision de rejet de la réclamation, l’AHCC a fait référence à de prétendues instructions qui auraient été données par le chef d’unité ainsi qu’à des insultes qu’il aurait proférées sans fournir aucune preuve à cet égard. Dans la réplique, il ajoute que Frontex reste en défaut de produire des documents qui illustreraient à suffisance de droit et de faits que son comportement aurait été problématique et qu’une enquête aurait été conduite avec diligence et précaution.
148 Quatrièmement, le requérant avance qu’il n’a pas été effectivement mis en mesure de faire valoir ses droits et de défendre ses intérêts dans la mesure où les reports de délai accordés par l’AHCC afin qu’il présente ses observations n’étaient pas suffisants et qu’il a donc été contraint de rédiger seul ses observations, à très brèves échéances, en dépit de sa situation personnelle et médicale.
149 Cinquièmement, le requérant soutient que le directeur exécutif n’a pas tenu compte de l’enquête sur les autres irrégularités dénoncées dont ce dernier a fait mention dans le cadre de la seconde décision attaquée.
150 Frontex conteste l’argumentation du requérant.
151 Il convient de rappeler, à titre liminaire, que le droit à la présomption d’innocence constitue un droit fondamental dont les juridictions de l’Union doivent assurer le respect par les institutions. Il s’agit d’un principe général du droit de l’Union, qui est énoncé à l’article 48, paragraphe 1, de la Charte et qui est applicable aux procédures administratives eu égard à la nature des manquements en cause ainsi qu’à la nature et au degré de sévérité des mesures qui s’y rattachent (arrêt du 28 mars 2012, BD/Commission, F‑36/11, EU:F:2012:49, point 51).
152 À cet égard, le Tribunal a déjà jugé que le droit à la présomption d’innocence s’applique, même en l’absence de poursuites pénales, au fonctionnaire accusé d’un manquement aux obligations statutaires suffisamment grave pour justifier une enquête de l’OLAF au vu de laquelle l’administration pourra adopter toute mesure, le cas échéant sévère, qui s’impose (arrêts du 4 avril 2019, Rodriguez Prieto/Commission, T‑61/18, EU:T:2019:217, point 92, et du 28 mars 2012, BD/Commission, F‑36/11, EU:F:2012:49, point 51).
153 En l’espèce, il convient de constater que ni le degré de sévérité de la mesure prise par l’AHCC, ni la nature des manquements reprochés au requérant ne permet de conclure à l’applicabilité de l’article 48, paragraphe 1, de la Charte.
154 En ce qui concerne l’argument du requérant selon lequel les faits qui lui étaient reprochés auraient dû faire l’objet d’une enquête, il y a lieu de relever que le requérant n’invoque aucune disposition établissant que l’administration soit tenue, en matière de résiliation du contrat d’engagement d’un agent temporaire, d’ouvrir une enquête ; en tout état de cause, une telle obligation ne ressort d’aucune disposition du statut. Par ailleurs, selon une jurisprudence constante relative aux agents temporaires, en raison du large pouvoir d’appréciation dont dispose l’AHCC, rien n’oblige celle-ci, en cas de faute susceptible de justifier le licenciement d’un agent temporaire ou contractuel, à engager une procédure disciplinaire à l’égard de ce dernier plutôt qu’à recourir à la faculté de résiliation unilatérale du contrat prévue à l’article 47, sous b), du RAA. Ce n’est que dans l’hypothèse où l’AHCC entend licencier un agent temporaire ou contractuel sans préavis, en cas de manquement grave à ses obligations, qu’il convient d’engager, conformément à l’article 49, paragraphe 1, du RAA, la procédure disciplinaire prévue à l’annexe IX du statut et applicable par analogie aux agents temporaires [voir arrêt du 2 avril 2019, Fleig/SEAE, T‑492/17, EU:T:2019:211, point 97 (non publié) et jurisprudence citée].
155 Il s’ensuit que, en décidant de résilier le contrat du requérant avant son échéance, avec préavis, sur le fondement de l’article 47, sous b), ii), du RAA, sans procéder à l’ouverture d’une enquête administrative au sens de l’article 86 du statut, l’AHCC n’a pas violé les droits de la défense du requérant. De même, il ne saurait être reproché à l’AHCC de ne pas avoir agi, à cet égard, avec diligence et précaution.
156 De manière subséquente, le grief tiré de ce qu’une inégalité de traitement entre agents résulterait de l’absence d’ouverture, en l’espèce, d’une telle enquête doit également être écarté.
157 En ce qui concerne l’argument du requérant selon lequel le directeur exécutif a fait preuve d’une attitude arbitraire en choisissant de prendre pour avérés les faits dénoncés à son égard, en interprétant des faux aveux de sa part et en rejetant toutes les explications qu’il avait formulées pour tenter de le convaincre d’un détournement de procédure de la part du chef de l’unité en cause, il convient de l’écarter, dès lors que, ainsi que cela ressort du point 111 ci‑dessus, la première décision attaquée a été adoptée sur le fondement de plusieurs faits reprochés au requérant, avérés et bien fondés.
158 Quant à l’argument du requérant selon lequel il a été contraint de rédiger seul ses observations, à très brèves échéances, en dépit de sa situation personnelle et médicale, il y a lieu de relever que celui-ci est semblable à l’argumentation développée dans le cadre du premier moyen et doit être rejeté pour des motifs analogues à ceux énoncés aux points 84 à 86 ci-dessus.
159 Il résulte de tout ce qui précède que le quatrième moyen doit être rejeté comme non fondé.
160 Compte tenu de tout ce qui précède, il s’impose de rejeter les conclusions en annulation visant la première décision attaquée.
2. Sur les conclusions en annulation visant la seconde décision attaquée
161 Au soutien de ses conclusions en annulation visant la seconde décision attaquée, le requérant invoque quatre moyens, tirés, le premier, d’une violation des délais statutaires, le deuxième, de la violation de l’obligation de motivation et du caractère prématuré de ladite décision, le troisième, d’une violation du droit d’être entendu et, le quatrième, d’une erreur manifeste d’appréciation.
162 D’emblée, le Tribunal relève que, par la seconde décision attaquée, Frontex a rejeté non seulement la demande d’assistance du requérant, mais également la demande d’indemnisation qui y était afférente. Or, s’agissant du volet indemnitaire de cette décision, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la décision d’une institution portant rejet d’une demande en indemnité fait partie intégrante de la procédure administrative préalable au recours en responsabilité formé devant le Tribunal et, par conséquent, les conclusions en annulation d’une telle décision ne peuvent pas être appréciées de manière autonome par rapport aux conclusions en indemnité (voir, en ce sens, arrêt du 6 mai 2019, Mauritsch/INEA, T‑271/18, non publié, EU:T:2019:286, point 26 et jurisprudence citée). En l’espèce, le requérant présente, devant le Tribunal, des conclusions indemnitaires. En outre, les prétendus préjudices dont le requérant demande réparation dans le cadre desdites conclusions indemnitaires trouveraient leur cause, notamment, dans les comportements prétendument fautifs de Frontex dont il se plaint dans le cadre de sa demande d’annulation du rejet des prétentions indemnitaires soulevées dans le cadre de sa demande d’assistance. Partant, les conclusions en annulation dirigées à l’encontre du rejet de la demande indemnitaire doivent être examinées conjointement avec les conclusions indemnitaires présentées devant le Tribunal.
163 Le Tribunal estime opportun d’examiner d’abord le deuxième moyen.
164 Selon le requérant, la seconde décision attaquée ne fait référence qu’aux faits de harcèlement et un certain nombre d’éléments ne lui ont pas été communiqués. Pour ces raisons, la motivation de ladite décision ne pourrait être considérée comme suffisante.
165 Par ailleurs, l’AHCC aurait omis dans la seconde décision attaquée de préciser les éléments considérés comme établis et ceux qui n’auraient pas été retenus afin de rejeter ses demandes d’assistance et d’indemnisation. De plus, la décision implicite de rejet de la réclamation correspondante ne lui aurait pas permis d’obtenir de réponses à ses questions.
166 Frontex rétorque que, selon la jurisprudence, la motivation ne doit pas être exhaustive, mais, au contraire, doit être considérée comme suffisante dès lors qu’elle expose les faits et les considérations juridiques revêtant une importance essentielle dans l’économie de la décision. Or, il ne ferait pas de doute que l’AHCC a mis le requérant en mesure de comprendre la portée de la seconde décision attaquée en expliquant que les faits allégués par ce dernier n’étaient pas corroborés, le requérant n’ayant ainsi pas apporté de commencement de preuve quant à la réalité des faits de harcèlement dont il prétendait être victime, et se référant notamment au rapport d’investigation de l’ICO.
167 En l’espèce, le directeur exécutif, en sa qualité d’AHCC, a motivé la seconde décision attaquée comme suit :
168 « Au vu des faits établis et des preuves collectées, j’ai décidé qu’aucune enquête administrative ne devait être ouverte au titre de l’article 86, paragraphe 2, du statut et de l’article 2 de l’annexe IX du statut. Il a été établi que vos allégations n’étaient pas fondées. Aucune menace, [aucun] acte ou propos insultant ou diffamatoire, ou [aucune] attaque contre votre personne ou vos biens à laquelle vous auriez été soumis en raison de votre position ou de vos fonctions n’a été identifié. Pour cette raison, il n’y avait aucune raison de vous accorder une assistance au titre de l’article 24 du statut. En conséquence, votre demande d’indemnisation en lien avec le harcèlement allégué est sans fondement et ne doit pas être accueillie. »
169 Or, si l’AHCC, dans la seconde décision attaquée, se réfère à des faits établis et à des preuves collectées, force est de constater qu’elle n’expose ni ces faits ni ces preuves, et qu’elle ne se réfère pas non plus au contenu du rapport d’investigation de l’ICO qui lui avait pourtant été notifié neuf jours avant l’adoption de ladite décision. Par ailleurs, comme le fait valoir le requérant, le rejet implicite de la réclamation correspondante ne lui permet pas d’obtenir davantage d’explications.
170 Il convient d’ajouter que la seconde décision attaquée n’intervient pas dans un contexte connu du requérant, au sens de la jurisprudence évoquée au point 53 ci-dessus, dans la mesure où, tel que cela ressort du dossier et ainsi que les parties l’ont confirmé lors de l’audience, le requérant ne s’est vu communiquer aucun élément fondant ladite décision.
171 Il y a donc lieu de constater que l’intéressé ne disposait pas d’une indication suffisante, au sens de la jurisprudence citée au point 52 ci-dessus, pour savoir si la seconde décision attaquée était bien fondée ou si elle était entachée d’un vice permettant d’en contester la légalité. De même, une telle motivation ne permet pas au juge d’exercer son contrôle sur la légalité de ladite décision.
172 Il en résulte que le deuxième moyen est fondé.
173 Au vu de ce qui précède, il y a lieu d’annuler la seconde décision attaquée en tant qu’elle porte rejet de la demande d’assistance du requérant, sans qu’il soit nécessaire de statuer sur les autres moyens.
3. Sur les conclusions indemnitaires
174 Dans le cadre de sa demande en indemnité, le requérant souhaite que Frontex soit condamnée à lui payer une somme de 250 000 euros au titre des préjudices moral et « médical » qu’il aurait subis, lesquels consisteraient en l’état d’inquiétude et d’incertitude dans lequel il aurait été placé quant à sa réputation et son avenir professionnel. Ce préjudice trouverait sa source dans les illégalités dont seraient affectées les décisions attaquées ainsi que dans des comportements fautifs de Frontex dépourvus de caractère décisionnel.
175 À l’égard de ces comportements fautifs, en premier lieu, le requérant allègue que Frontex a violé l’article 26 du statut et le règlement (UE) 2018/1725 du Parlement européen et du Conseil, du 23 octobre 2018, relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel par les institutions, organes et organismes de l’Union et à la libre circulation de ces données, et abrogeant le règlement (CE) no 45/2001 et la décision no 1247/2002/CE (JO 2018, L 295, p. 39), en ne plaçant pas certains documents dans son dossier personnel, en les adressant à diverses personnes sans son accord et en refusant de lui adresser des informations complémentaires sur le traitement de ses demandes.
176 En second lieu, le requérant soutient que Frontex a méconnu les devoirs de sollicitude et d’assistance ainsi que le principe de bonne administration en n’établissant pas ses rapports d’évaluation en temps utile, en ne prenant pas en compte son état médical, en ne réagissant pas à ses demandes de réaffectation et en désactivant ses accès aux locaux de Frontex avant même le début de la période de préavis.
177 Frontex conteste l’argumentation du requérant.
178 Il y a lieu d’observer, tout d’abord, que, compte tenu des écritures et des arguments du requérant, les conclusions indemnitaires doivent être regardées comme visant la réparation du préjudice moral qu’il aurait subi et qui résulte de l’atteinte à sa santé, à sa dignité et à sa réputation professionnelle que lui auraient porté les décisions attaquées ainsi que les comportements prétendument fautifs de Frontex énoncés aux points 175 et 176 ci-dessus.
179 En premier lieu, en ce qui concerne le chef de préjudice moral découlant du rejet par Frontex des allégations soulevées par le requérant dans les demandes d’assistance et d’indemnisation, parmi lesquelles figurent, par ailleurs, les allégations exposées aux points 175 et 176 ci-dessus, il convient de rappeler qu’il incombera à Frontex, conformément à l’article 266 TFUE, et compte tenu de l’annulation de la seconde décision attaquée, de prendre toutes les mesures que comporte l’exécution de l’arrêt à intervenir et, partant, le cas échéant, de statuer à nouveau sur les demandes d’assistance et d’indemnisation du requérant. Ainsi, il y a lieu de convenir que les conclusions indemnitaires du requérant sont prématurées à cet égard et ne peuvent être accueillies (voir, en ce sens, arrêts du 16 mai 2017, CW/Parlement, T‑742/16 RENV, non publié, EU:T:2017:338, et du 28 mai 2020, Cerafogli/BCE, T‑483/16 RENV, non publié, EU:T:2020:225, points 444 et 445).
180 En second lieu, en ce qui concerne le chef de préjudice moral découlant de la perte de son emploi, il doit être relevé que celui-ci trouve son origine dans la première décision attaquée. Or, les conclusions en annulation visant cette décision ont été rejetées. Par conséquent, les conclusions indemnitaires fondées sur l’adoption de ladite décision, dans la mesure où elles présentent un lien étroit avec ces conclusions en annulation, doivent être rejetées (voir, en ce sens, arrêt du 12 février 2019, TV/Conseil, T‑453/17, non publié, EU:T:2019:83, point 121 et jurisprudence citée).
181 Partant, il convient de rejeter la demande en indemnité comme étant en partie irrecevable et en partie non fondée.
IV. Sur les dépens
182 Aux termes de l’article 134, paragraphe 3, du règlement de procédure, chaque partie supporte ses propres dépens si les parties succombent sur un ou plusieurs chefs. Toutefois, si cela apparaît justifié au vu des circonstances de l’espèce, le Tribunal peut décider que, outre ses propres dépens, une partie supporte une fraction des dépens de l’autre partie.
183 En l’espèce, la demande en annulation de la seconde décision attaquée ayant été accueillie, il sera fait une juste appréciation de la cause, compte tenu du contexte particulier de l’affaire, en décidant que Frontex supportera ses propres dépens ainsi que la moitié de ceux exposés par le requérant.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (première chambre)
déclare et arrête :
1) La décision de l’Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes (Frontex) du 13 février 2020 est annulée en tant qu’elle porte rejet de la demande d’assistance de KS.
2) Le recours est rejeté pour le surplus.
3) KS supportera la moitié de ses propres dépens.
4) Frontex est condamnée à supporter, outre ses propres dépens, la moitié de ceux exposés par KS.
Kanninen | Półtorak | Stancu |
Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 21 décembre 2021.
Signatures
* Langue de procédure : le français.
1 Données confidentielles occultées.
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